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Réfer. : AL0420A
Auteur : Dujols Pierre.
Titre : Le Livre d'Images sans Paroles.
S/titre : Où toutes les opérations de la Philosophie
Hermétique sont écrites et représentées.
Editeur : Librairie Critique. Paris.
Date éd. : 1914 .
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L E___L I V R E___D'I M A G E S
S A N S___P A R O L E S
(MUTUS LIBER)
OU TOUTES LES OPERATIONS DE LA PHILOSOPHIE
HERMETIQUE SONT DECRITES ET REPRESENTEES
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Réédité d'après l'original
et précédé d'une Hypotypose explicative
par MAGOPHON
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LIBRAIRIE CRITIQUE
Emile NOURRY
62, rue des Ecoles, 62 -- PARIS (5e)
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HYPOTYPOSE
Ce titre, bien qu'il y paraisse, n'a pas la moindre prétention. Il est tout à fait technique, le
seul convenable et génuine au sujet, car il trace, dans sa concision, le plan de notre étude. Une hypotypose
(de υπο
sous et Τυπος
empreinte, emblème) est une explication placée sous des figures
abstraites. Or le
Mutus Liber est un recueil d'images énigmatiques.
Il s'est formé autour du Mutus Liber une légende absurde. Une Ecole -- qui n'a d'hermétique
que le nom -- a fait à cet ouvrage une réputation d'obscurité impénétrable et, de ce chef, le vénère
comme un sacrement, sans le comprendre. C'est une erreur ; de même que traduire
Mutus Liber par
le
Livre muet, sans paroles, est un contresens philosophique. Tous les signes adoptés par l'industrie
humaine pour manifester la pensée sont des verbes. Les Latins -- ce mot entendu congrûment --
appellent le dessin, la peinture, la sculpture et l'architecture, au moyen desquels les Hiérogrammates
réservent aux élus les arcanes de la Science,
mutoe artes, c'est-à-dire les
arts symboliques.
Qu'est-ce qu'un symbole ? Συμβολη est une convention ; Συμβολον, un signe de reconnaissance.
Un symbole est donc ce que nous nommons aujourd'hui un « Code », un système tacite
d'écriture adopté pour la correspondance diplomatique, voire commerciale, les communications
télégraphiques, sémaphoriques, etc. Pour un homme illettré, tout livre est
mutus. Un volume en
hébreu, sanscrit, chinois, est un
mutus liber pour le plus grand nombre, encore qu'ils soient instruits
dans leur propre langue. Il faut donc se faire à cette idée, toute simple, que le
Mutus Liber est un
livre comme les autres et qu'il peut se lire en clair, si l'on en possède la grille.
D'ailleurs, les ouvrages d'alchimie, en vers, en prose, en latin, en français ou tout autre
idiome, ne sont eux-mêmes que des cryptogrammes. Bien qu'écrits avec les lettres banales de
l'alphabet et le vocabulaire commun, ils n'en demeurent pas moins indéchiffrables pour quiconque
en ignore la clef. A dire vrai, entre les deux procédés stéganographiques, celui du
Mutus Liber est
encore le plus transparent, car l'image objective est certainement plus parlante que les tropes littéraires
et les figures de rhétorique, surtout en une matière aussi expérimentale que celle de la
chimie.
En épinglant ces quelques pages de commentaires aux planches allégoriques du Mutus Liber,
nous nous sommes proposé, sans quitter le manteau du philosophe, d'en faciliter la lecture, par une
interprétation sincère, aux véritables inquisiteurs de science, probes, patients, laborieux comme les
diligentes abeilles, et non aux curieux, désoeuvrés et frivoles, qui passent leur vie à papillonner
inutilement de livre en livre, sans jamais s'arrêter à aucun pour en extraire la mellifique substance.
Eh quoi ! la grammaire, la géographie, l'histoire, les mathématiques, la physique, la chimie et
le reste ne deviennent accessibles qu'après de longs et pénibles efforts, et l'on voudrait entrer au
débotté dans le « Palais du Roi » sans observer les convenances et se soumettre aux lois de
l'étiquette ! Une lecture hâtive et superficielle ne saurait remplacer l'étude austère et grave. Les
sciences profanes elles-mêmes ne sont pénétrables et assimilables qu'à la suite d'un travail soutenu
et prolongé.
On peut nous objecter que l'Université compte d'illustres grammairiens, géographes, historiens,
mathématiciens, physiciens et chimistes, mais qu'on n'y signala jamais le moindre alchimiste.
Et si l'agrégé d'alchimie est inconnu, c'est que l'alchimie est une chimère. Cet argument
ad
hominem n'est pas sans réplique : Une chose cachée n'est point pour cela inexistante, et l'alchimie
est une science occulte ; nous dirons mieux : elle est la science occulte tout entière, l'arcane universel,
le sceau de l'absolu, le ressort magique des Religions, et c'est pourquoi on l'a appelée l'Art
Sacerdotal ou Sacré.
Il y a dans toutes les croyances imposées au vulgaire au moyen d'une mythologie appropriée
: Bible, Védas, Zend-Avesta, Kings, etc., un substratum positif qui est l'assise des sanctuaires
de tous les cultes répandus sur le globe. Ce mystère, reconnu dans le catéchisme comme l'apanage
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des Pontifes -- qui ne sont pas les Dignitaires publics -- est l'alchimie sur tous les plans : physique et
métaphysique. La possession exclusive du
sacrarium fait la force des Eglises; aussi veillent-elles sur
le « secret maçonnique » avec un soin inquiet et jaloux, secondées par une police et une censure
ombrageuses.
Nous n'avançons rien au hasard, et cependant ces allégations peuvent sembler gratuites, parce
que invraisemblables, attendu que, depuis l'invention de l'imprimerie, les livres hermétiques ont
toujours été publiés librement avec la licence des autorités civiles et religieuses. Et rien, en effet, ne
s'opposait à la diffusion de ces libelles écrits en langues connues, mais en dedans ; à telles enseignes
que les plus grands chimistes de l'Ecole -- de Lavoisier à Berthelot -- s'y sont brisé le front sans
résultat. N'est-ce pas ici le lieu de rappeler la méprisante apostrophe d'Artéfius et les avertissements
hautains des Adeptes qui déclarent, sans ambages, n'écrire que pour ceux qui savent et leurrer les
autres ! Ainsi fait-on parler, le « Christ » dans les Evangiles, et les disciples se modèlent sur le
« Maître ».
Mais, pour être une science cachée, l'alchimie n'en est pas moins une science réelle, exacte,
conforme à la raison et, de plus, rationaliste. De tous temps, il, y eut des « faiseurs d'or »; les gentilshommes
verriers, qui jouissaient d'une si haute considération, étaient des hermétistes. Et même
de nos jours, la transmutation opère encore des miracles. A la suite de débats sensationnels et peu
distants, on a laissé dire -- et au milieu de quelle stupeur -- que l'Administration de la Monnaie aurait
saisi, sans forme de procès -- et pour cause ! -- la production d'un alchimiste contemporain: -- « Vous
ne devez pas savoir pouvoir faire de l'or ! » lui dit-on d'un air comminatoire, en le renvoyant les
mains libres, mais vides. Est-il donc défendu d'être savant, ou alors l'alchimie serait-elle un secret
d'Etat ? Cela n'emporterait point cette conclusion naïve que les Ministres qui se succèdent soient au
fait de la Kabale. Les Rois règnent, mais ne gouvernent pas, suivant un aphorisme célèbre. Et il
semble bien, par moment, qu'il y ait encore, dans la coulisse, quelque Eminence Grise qui tire les
ficelles ! Le fameux Galetas du Temple n'est peut-être pas si aboli qu'on le suppose, et il y aurait un
livre surprenant à écrire sur les filigranes des billets de banque et les sigles des pièces de monnaie.
Mais dans ce cas, dira-t-on, pourquoi l'or est-il devenu si rare que la vie sociale en est comme
paralysée ? Les espèces ne se sont pas volatilisées, elles se sont déplacées, et il faut attendre qu'elles
reviennent à leur point de départ par mouvement économique inverse. Seulement, une trop grande
lenteur dans ce retour peut avoir des conséquences incalculables.
La politique des peuples est réglée par un pacte métallique secret qui ne peut être violé sans
entraîner les plus graves complications internationales. On tirera donc des billets à tour de bras, mais
on ne frappera plus de pièces d'or. Et pourtant, ce n'est point que l'or manque : il s'étale ostensiblement,
et avec quel faste, sur d'innombrables épaules, autour de poignets, de doigts et même de
jambes dont l'élégance et l'esthétique laisse parfois à désirer. Rien ne serait, partant, plus facile pour
l'Etat que d'échanger son papier contre de la matière précieuse et de mettre les « coins » à l'oeuvre.
C'est paradoxal, mais c'est la vérité. Il y a donc à cette éclipse momentanée du numéraire or une raison
profonde fondée sur la sagesse. « Or est qui or vaut », dit un adage. Si la frappe en était licite
aux nations qui ont épuisé leurs réserves normales, la surabondance en entraînerait l'avilissement.
L'étalon fiduciaire n'offrirait plus aucune garantie et équivaudrait à de la fausse monnaie.
L'équilibre financier serait rompu ; ce serait la mort des affaires, la ruine mondiale. C'est pourquoi
la production « naturelle » de l'or est même limitée, si bien qu'on refuse la concession de nouvelles
mines et jusqu'à son extraction à pauvre rendement des sables fluviatiles et autres.
Cependant, l'heure est proche où la Science réclamera intégralement tous ses droits, et où
l'Occulte redeviendra manifeste comme il le fut jadis. Le savant Girtaner l'a annoncé en basant son
opinion sur des lois ignorées, mais certaines : « Au XXe siècle, la Chrysopée sera dans le domaine
public. » Cet événement considérable est subordonné, évidemment, à un statut social tout différent
de celui qui nous régit ; mais nous allons fort, le Monde tourne vite, et qui peut prévoir la charte
de demain !
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Toutefois, si l'alchimie se bornait uniquement à la transmutation des métaux, ce serait une
science inappréciable sans doute au point de vue industriel, mais assez médiocre au sens philosophique.
En réalité, il n'en est pas ainsi. L'alchimie est la clef de toutes les connaissances, et sa divulgation
complète est appelée à bouleverser de fond en comble les institutions humaines, qui reposent
sur le mensonge, pour les rétablir dans la vérité.
Ces considérations préliminaires nous ont paru opportunes, avant de prendre charitablement
le lecteur par la main pour le conduire dans les inextricables méandres du labyrinthe.
Comme notre désir est d'être utile aux chercheurs, mais que nous ne pouvons, en quelques
pages, écrire un traité technique, nous devons, avant d'entrer en matière, orienter le disciple vers
l'ouvrage qui semble le mieux correspondre aux figures du Mutus Liber. La plupart des manipulations
indiquées dans ce recueil de symboles se trouvent assez bien décrites, par le plus notoire des
philosophes, dans «
L'Entrée ouverte au Palais fermé du Roi » d'Eyrénée Philalèthe.
Ce n'est pas qu'il n'y ait plus rien à y ajouter. Loin de là, au contraire. La pratique de
Philalèthe, présentée sous des dehors aimables et persuasifs, compte parmi les fictions les plus subtiles
et les plus perfides de la littérature hermétique. Elle renferme cependant la vérité, mais comme
le poison recèle quelquefois son antidote, si on sait l'isoler de ses alcaloïdes pernicieux. Le cas
échéant, nous signalerons les traquenards à mesure qu'ils se présenteront sous nos pas.
Le Mutus Liber se compose de quinze planches d'emblèmes, les uns véridiques, les autres
sophistiques, et disposés dans un de ces beaux désordres qui suivant le précepte de Boileau, est un
effet de l'art.
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La première, qui sert de frontispice, est vraiment capitale. De sa compréhension dépend tout
le succès de l'Oeuvre. On y voit, dans un cartouche formé de deux rosiers entrelacés, un homme
endormi sur un roc où végètent des kermès rabougris. Une eau limpide s'en épanche avec des reflets
métalliques. A côté du dormeur, sur une échelle -- l'Escalier des Sages -- deux anges sonnent de la
trompette pour le réveiller. Au-dessus, un ciel nocturne propice au repos : les étoiles brillent et la
lune découpe sa corne d'abondance.
Cette page initiale comporterait une critique non imputable à l'auteur instruit, mais à l'artiste
profane qui, dans la reproduction des figures, a commis, sans s'en douter, un lourd contresens. Et
c'est déjà un grand point que de le signaler, sans qu'il soit nécessaire d'y insister davantage. Les
gloses hermétiques en avertiront le disciple qui ne jugera pas inutile de s'y informer.
L'Homme endormi est le sujet de l'Oeuvre. Quel est ce sujet ? Les uns disent que c'est un
corps ; d'autres affirment que c'est une eau. Les uns et les autres sont dans le vrai, car une eau
dénommée « la belle d'argent », jaillit de ce corps que les Sages appellent la Fontaine des Amoureux
de Science. C'est le mystérieux sélage des Druides, la matière qui donne le sel (de
sel pour
sal et
agere produire). Le secret du magistère est d'en dégager encore le soufre et d'en utiliser le mercure,
car tout est dans tout. Certains artistes prétendent s'adresser ailleurs pour cet effet, et nous ne nierons
pas que l'hydrargyre de cinabre puisse être de quelque secours dans le travail, si on sait dûment le
préparer soi-même ; mais on ne doit l'employer qu'à bon escient et à propos. Pour nous, celui qui
parvient à ouvrir le rocher avec la verge de Moïse, et ce n'est pas une mince confidence, a trouvé la
première clef opératoire. Alors, sur cette pierre abrupte fleuriront les deux roses qui pendent aux
branches de l'églantier, l'une blanche et l'autre rouge.
On nous demandera, et non sans raison, quel verbe magique est capable d'arracher aux bras
de Morphée notre Epiménide, qui semble vraiment sourd aux clameurs des buccines. Ce Verbe vient
de Dieu, porté par les anges, les messagers de feu. C'est un souffle divin qui agit de manière invisible,
mais certaine, et ce n'est pas une hyperbole. Sans le concours du ciel, le travail de l'homme est
inutile. On ne greffe les arbres ni on ne sème le grain en toutes saisons. Chaque chose a son temps.
L'Oeuvre philosophal est appelé l'Agriculture Céleste, ce n'est pas pour rien ; un des plus grands
auteurs a signé ses écrits du nom d'Agricola, et deux autres excellents adeptes sont connus sous les
noms de Grand Paysan et de Petit Paysan.
Le disciple devra donc méditer longuement sur cette première planche, la confronter avec les
apologues en langue vulgaire. Puisse-t-il être assez heureux pour entendre lui-même la voix du
ciel ; mais qu'il sache, auparavant, qu'il y prêtera son oreille en vain, s'il n'est nourri lui-même des
Saintes Lettres.
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La seconde planche n'est pas dans l'ordre des opérations. Elle représente l'oeuf des
philosophes, et pourtant rien, jusqu'ici, n'a pu faire connaître les éléments qui doivent le composer.
Pour en donner une idée, nous devons enjamber délibérément un certain nombre de symboles.
Tout oeuf comprend un germe -- la vésicule de Purkinje -- qui est notre sel ; le jaune, qui est
notre soufre, et l'albumine, qui est notre mercure. Le tout est enfermé dans un matras qui correspond
à la coquille. Les trois produits sont personnifiés ici par Apollon, Diane et Neptune, le Dieu des eaux
pontiques.
La tradition veut que ce matras soit contenu dans un second, et celui-ci renfermé dans un
troisième fait du bois d'un vieux chêne. Flamel dit expressément : « Note ce chêne », et Vico, le
chapelain des seigneurs de Grosparmy et de Valois, le recommande avec non moins d'intérêt. Cette
insistance est significative, et nous rappellerons qu'à la première planche, sur le rocher des Sages
pousse le chêne Kermès, l'Hermès des Adeptes, car, dans la langue hébraïque, K et H ne sont qu'une
même lettre, prises alternativement l'une pour l'autre. Mais qu'on y ait garde, le kermès minéral
mène au piège tendu par Philalèthe, Artéfius, Basile Valentin et tant d'autres et l'on ne doit pas perdre
de vue que les philosophes se complaisent dans certaines collusions verbales. Ερμης est le mercure
artificiel qui amalgame le compost.
La grandeur de l'oeuf importe. Dans la nature, l'oeuf varie de celui du roitelet à celui de
l'autruche ; mais, dit la Sagesse,
in medio virtus. Il nous faut dire aussi quelque chose du verre
philosophique. Les auteurs en parlent peu, et encore avec réserve. Mais nous savons, par expérience,
que le meilleur est celui de Venise. Il le faut de bonne épaisseur, limpide, sans bulles. On employait
encore, autrefois, le gros verre de Lorraine fabriqué par les gentilshommes souffleurs ; mais un bon
praticien doit apprendre à faire ses matras lui-même.
La figure inférieure de cette seconde planche représente un athanor entre un homme et une
femme à genoux, comme s'ils étaient en oraison, ce qui a porté certains esprits faibles à croire que
la prière intervient dans le travail comme un élément pondérable. C'est ici un facteur inopérant. Le
principal, c'est d'employer les matériaux expédients ; mais l'élan de la créature vers le créateur peut
influer favorablement sur les directives, puisque la lumière vient de Dieu. Qu'on s'affranchisse
néanmoins de ces suggestions peu efficaces dans la pratique. La prière de l'artiste, c'est plus encore,
le travail, travail opiniâtre, souvent dur, dangereux et incompatible avec les mains trop blanches.
Comptez donc surtout sur l'
improbus labor.
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La planche trois n'est pas davantage à sa place. Elle nous conduit dans l'empire de Neptune.
On voit s'ébattre dans ses ondes le dauphin cher à Apollon, et des pêcheurs sur une barque qui
tendent leurs engins. Dans une autre nef, un homme est allongé dans une pose nonchalante. Dans le
second cercle, un paysage, avec, d'un côté, un bélier ; de l'autre, un taureau, que nous retrouverons
plus loin et étudierons en un moment plus opportun. Dans le bas, à gauche, une femme tenant un
panier qui est le symbole de la lanterne grillagée des philosophes ; à droite, un homme jetant sa ligne
dans la mer qui se trouve dans le troisième cercle (celui qui renferme les deux autres). Le troisième
cercle est animé par un vol d'oiseaux à gauche ; une sirène au bas, et Amphitrite dans le haut. En
marge, le soleil et la lune, et planant sur cette scène nautique, Jupiter porté par son aigle. Toute cette
figuration a pour but de démontrer que l'opérateur doit déployer toutes ses facultés et mettre en
oeuvre toutes les ressources de l'art pour capturer le poisson mystique, dont parle d'Espagnet.
L'auteur aurait dû nous enseigner d'abord à tramer le filet nécessaire à cette pêche miraculeuse.
Réparons son oubli : Le guideau doit être tressé en mailles très fines d'amiante, qui a la propriété
d'être incombustible et de demeurer inaltérable. L'appareil bien disposé dans les eaux profondes,
on se munira d'une lanterne dont l'éclat attirera la proie dans les rets. On peut, suivant
d'autres symboles, employer la ligne ; mais l'arcane est dans la préparation de la bourse, et le mot
est de circonstance, car il ne s'agit rien moins que de prendre le poisson d'or.
On trouvera le secret de cette opération dans un ouvrage classique intitulé le Filet d'Ariadne,
car nous ne pouvons résumer le procédé en quelques lignes dans ce cadre restreint. Quant à la
manière d'allumer la lanterne magique indiquée par le panier, elle n'est décrite qu'en des ouvrages
très rares et de manière confuse. Il nous faut donc en dire quelques mots :
Certains auteurs, et non des moindres, ont prétendu que le plus grand artifice opératoire
consiste à capter un rayon de soleil, et à l'emprisonner dans un flacon fermé au sceau d'Hermès.
Cette image grossière a fait rejeter l'opération comme une chose ridicule et impossible. Et pourtant,
elle est vraie à la lettre à tel point que l'image fait corps avec la réalité. Il est plutôt incroyable qu'on
ne s'en soit pas encore avisé. Ce miracle, le photographe l'accomplit en quelque sorte en se servant
d'une plaque sensible qu'on prépare de différentes manières. Dans le
Typus Mundi, édité au XVIIe
siècle par les P.P. de la Compagnie de Jésus, on voit un appareil, décrit encore par Tiphaigne de
Larroque, au moyen duquel on peut dérober le feu du Ciel et le fixer. Le procédé est on ne peut plus
scientifique, et nous déclarons candidement que nous révélons ici sinon un grand mystère, du moins
son application à la pratique philosophale.
Les aigles qui volent à gauche, dans le grand cercle, désignent les sublimations du mercure. Il
en faut de trois à sept pour la Lune, et de sept à dix pour le Soleil. Elles sont indiquées par le vol
d'oiseaux et indispensables, car elles préparent la robe nuptiale d'Apollon et de Diane, sans
laquelle leur union mystique serait impossible. C'est pourquoi Jupiter, le Dieu qui gouverne l'aigle,
préside à ces opérations.
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La quatrième planche montre comment s'opère la collection du flos coeli. Des draps sont tendus sur
des piquets pour recevoir la rosée céleste. Au-dessous, un homme et une femme en opèrent la torsion
pour en exprimer la divine liqueur, qui tombe dans un grand vase disposé à cette fin. A gauche,
on voit le Bélier ; à droite, le Taureau.
Le flos coeli a mis à la torture l'esprit des mauvais souffleurs. Les uns y ont vu une sorte d'influx
magique, car pour ceux-là, la magie est une puissance surnaturelle acquise par le concours des
esprits, bons ou mauvais. Les autres, plus réalistes et plus rapprochés du vrai, y ont reconnu la rosée
matutinale. Le
flos coeli est appelé, en effet, l'eau des deux équinoxes, d'où l'on a déduit qu'il s'obtient
au printemps et à l'automne et est un mélange des deux fluides. Certains, se croyant plus avisés,
allaient recueillir ce mystérieux produit dans une sorte d'algue ou de lichénoïde dont le nom vulgaire
est le nostoc. Dans les
Sept Nuances de l'Oeuvre philosophique, Etteilla, qui valait peut-être
mieux que sa réputation, semble avoir obtenu quelque résultat satisfaisant d'une mousse analogue ;
mais il faut lire son opuscule avec de bonnes lunettes.
Les Rose-Croix s'appelaient les « Frères de la Rosée cuite », au témoignage de Thomas
Corneille, bon hermétiste ainsi que son frère le grand tragique. Néanmoins, Philalèthe raille
dédaigneusement les collecteurs de rosée et d'eaux de pluie dans lesquelles, nonobstant, l'abbé de
Vallemont reconnaît quelque vertu. Au disciple de se faire une opinion d'après son propre jugement.
Mais il est hors de doute qu'un agent tenu secret, dit « Manne Céleste » joue un rôle important dans
le travail.
Nous devons déclarer, de bonne foi, que le Bélier et le Taureau de la planche, qu'on prend
toujours pour les signes du Zodiaque sous lesquels on doit recueillir le
flos coeli, n'ont aucun rapport
avec les symboles astrologiques. Le Bélier est l'Hermès Criophore, qui est le même que Jupiter
Ammon ; et le Taureau, dont les cornes dessinent le croissant attribut de Diane et d'Isis,
qui s'identifient avec la Vache Io amante de Jupiter, est la Lune des philosophes. Ces deux animaux
personnifient les deux natures de la Pierre. Leur union forme l'Azim des Egyptiens, l'Asimah de la
Bible, monstre hybride désignant l'orichalque, l'oryx de laiton ou d'airain, le taureau de Phalaris ou
de bronze, le veau d'or ou de chrysocale (1) qui diffère, certes, du similor de Manheim et tient en
quelque chose du melchior. Enfin, pour tout dire, c'est l'electrum des poètes ; mais il faut bien entendre
ce mot qui renferme l'arcane magique. Philalèthe enseigne que l'or des hermétistes est, en certain
point, semblable à l'or vulgaire. Nous ajouterons encore que, suivant la Mythologie, la pierre
dévorée par Saturne s'appelait
betulus, qui est, en somme, le même mot que vitulus, nom latin du
veau, et
vitellus, le jaune de l'oeuf. La pâte des azymes en était l'hiéroglyphe. Les prêtres des bords
du Nil ne touchaient jamais aux pains du sacrifice avec un instrument tranchant d'acier ou de fer :
ils en faisaient un cas de sacrilège. De là cette ancienne coutume, encore en usage, de rompre le pain.
De même, dans le rite catholique, l'officiant sectionne l'hostie avec la patène de vermeil. Toute cette
logomachie cache le vermillon des Sages, ou l'amalgame philosophique du mercure, de l'or et de
l'argent de l'art, rendu indissoluble par le
flos coeli.
On apprendra, non sans surprise, que les Courses de Taureaux sont une figuration dramatique
du Grand Oeuvre. -- Tous les jeux ont une origine hermétique. -- La cocarde rouge que porte l'animal,
et à laquelle est attachée une prime accordée au vainqueur, est l'image de la rose des
philosophes. La grosse affaire, c'est d'être un bon Matador. Aussi, d'après la tradition espagnole,
« pour accéder au Gouvernement, il faut triompher du taureau » -- le taureau mystique, évidemment.
Cette victoire conférait la « chevalerie », la vraie noblesse, celle de la Science, et par conséquent le
sceptre. C'est pourquoi, sous Louis XIII, les chefs de la Kabale d'Etat étaient surnommés les
« Matadors ». L'espèce n'est pas éteinte, bien qu'effacée et inapparente.
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1 II n'est pas hors de propos de rappeler ici que Helvétius a écrit un traité d'alchimie sous le titre de Vitulus Aureus (le
Veau d'Or).
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La cinquième planche initie le disciple aux opérations de laboratoire. On y assiste à une suite
de manipulations variées. Il est visible qu'il s'agit de la coction de la liqueur récoltée dans la planche
précédente. Un homme et une femme la versent ostensiblement dans un pot mis sur le feu. Dans la
figure au-dessous, l'homme y ajoute un produit visqueux et tient, de l'autre main, une substance
qu'il n'est pas difficile de découvrir, si l'on songe que l'oeuf d'Hermogène est analogue aux autres.
Sur le même plan, à côté, un personnage nu, décoré d'une demi-lune et accolé à un enfant, reçoit un
flacon où se remarquent quatre petits triangles. Ils représentent les proportions des éléments mis en
oeuvre, à savoir un de soufre pour trois de mercure. Le corps lunaire intervient dans cette
opération ; il est indiqué par un écu portant une lune d'argent sur champ de gueules.
La Lune des philosophes n'est pas toujours l'argent, encore que ce métal convienne au travail
à un certain moment. Pour dérouter le profane, les Adeptes donnent ce nom au mercure et à son sel,
dont la préparation présente les plus grandes difficultés. Pour que le mercure soit propre aux opérations,
il est indispensable de l'animer. Cette animation se fait au moyen du soufre préparé à cet effet.
On trouvera dans Philalèthe des indications pratiques qui, néanmoins, ne doivent pas être toujours
suivies mot à mot. Il est exact, cependant, qu'il faille purger le mercure de ses éléments hétérogènes
en séparant le pur de l'impur, le subtil de l'épais. On voit, dans cette planche, la femme qui se dispose
à écumer le compost. C'est une présentation chargée du travail, mais exacte au fond. Dans
l'Oeuvre, c'est l'élément féminin, en effet, qui opère la sélection par ses vertus constitutives ; mais
l'artiste doit y prêter la main et seconder la nature avec prudence.
Les autres figures représentent les digestions et distillations. Nous n'apprendrons rien de nouveau
au lecteur sensé en lui disant qu'un homme bourré de formules chimiques et apte à résoudre
sur le papier tous les problèmes d'école n'a aucun titre à se dire chimiste. Il faut donc que la pratique
accompagne la théorie, l'une est la conséquence de l'autre. La pratique du laboratoire seule
donne la maîtrise, car qu'est-ce que la pratique, sinon le contrôle de la théorie. La rigueur de la première
redresse les errements de la seconde. Le disciple devra donc s'efforcer de réaliser tous ses concepts.
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La planche six est la continuation de la cinquième. On remarquera que les opérations y sont
toujours effectuées par un homme et par une femme, symbolisant les deux natures. L'action
extérieure de ces deux agents indique le travail intérieur des corps réagissant l'un sur l'autre. Dans
la première figure, l'agent féminin joue un rôle passif, et l'agent masculin un rôle actif. Celui-ci est
le soufre ; celle-là, la lune.
On désirera savoir, sans doute, quel est ce soufre mystérieux dont parlent toujours les
philosophes, sans autrement le désigner. C'est le soufre des métaux. Le secret de l'art consiste à
l'extraire des corps mâles pour l'unir aux corps femelles, ce qui suppose leur décomposition préalable.
La science actuelle semble considérer ce fait comme une impossibilité absolue. De grands
chimistes du XVIIIe siècle ont démontré, dans des communications adressées aux corps
académiques, que l'opération est réalisable et qu'ils l'avaient réalisée. Nous avons en mains un magnifique
soufre d'argent obtenu par un moyen analogue et qui se rapproche beaucoup de la teinture
des Sages. Mais, pour arriver à ce résultat, il faut une certaine pratique et une connaissance
approfondie du règne minéral.
Défiez-vous des auteurs qui parlent de broyages, de décantations, de séparations obtenus par
ce qu'ils appellent des « tours de mains ». L'action manuelle ne concourt aux résultats qu'à la façon
d'une cuisinière préparant son pot-au-feu. Lorsque les ingrédients sont dans la marmite, l'eau cuit
le compost, portée à la température requise par le feu extérieur. La coction achevée, il n'y a plus qu'à
extraire les produits et à les employer suivant la formule. Mais toute intervention intempestive est
préjudiciable et nuit à l'Oeuvre.
Nous devons signaler tout particulièrement la figure représentant la rose hermétique obtenue
par les sublimations précédentes. Il y aurait ici beaucoup de choses à dire. Tous les traités d'alchimie
ne sont que des «Romans de la Rose», au propre comme au figuré. Le premier soin de l'artiste consiste
à y faire la part du vrai et du faux. Celui-ci domine et constitue la littérature hermétique.
Qu'est-ce que la Rose ? C'est la fleur de l'arbre philosophique qui présage le fruit. Or, l'arbre
des philosophes est le mercure végétable ; la Rose est donc l'efflorescence de la sève métallique
mise en mouvement par le feu extérieur, qui excite le feu interne des corps. Mais les Sages parlent
de deux feux différents dévolus à cette fonction. Le disciple doit donc penser qu'il existe, en dehors
du feu naturel, un autre agent ainsi dénommé, et ce feu secret est le ferment des métaux, qui joue
dans le travail un rôle analogue à celui du levain dans la pâte du boulanger. Mais que l'adjonction
de ce nouvel élément ne trouble pas la pensée du fils de science. De même que le levain est fait de
farine et d'eau acidifiés, le ferment des métaux est un produit du soufre et du mercure, amenés par
l'art à l'état convenable. Les proportions sont analogues à celles employées pour la panification.
Notre planche nous montre une seconde rose plus petite, et une troisième encore moindre.
Y aurait-il plusieurs Roses ? Oui et non. Il y a deux roses en principe, suivant qu'on opère pour l'or
ou l'argent ; et, au fond, il n'y en a qu'une. Cependant, le
Mutus Liber en présente trois, bien déterminées.
C'est exact ; mais elles sont filles l'une de l'autre, c'est-à-dire à trois puissances différentes.
Dans le régime de la coction, Philalèthe enseigne qu'on obtient d'abord la rose blanche, qu'il nomme
la lune ; la rose jaune ou safran ; la rose rouge ou parfaite. Nous n'employons pas la terminologie
exacte de cet auteur ; mais nous parlons assez clairement pour nous bien faire entendre.
L'obtention des Roses est subordonnée à la putréfaction. La putréfaction donne lieu à une
succession de couleurs. La première est la noire ; elle est la clef des autres. Pas de noir, point de
putréfaction ; et sans putréfaction, nulle transformation. Si semblable accident venait à se produire,
c'est que les matériaux mis en contact n'ont pas les qualités voulues ou sont mal préparés. Voir
Philalèthe pour le reste et n'en prendre que le fin.
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La septième planche est très importante, mais elle est difficile à comprendre. Nous retrouvons
ici les quatre petits triangles qui indiquent les rapports déjà expliqués ; mais nous arrivons à une
opération délicate, car c'est ici que Saturne dévore son enfant.
On connaît la fable de Saturne et de Jupiter. Qu'est-ce que Saturne et qu'est-ce que Jupiter ?
La nomenclature chimique, qu'on trouve chez les auteurs, vous fera connaître à quels métaux
conviennent ces deux noms. Mais nous ferons remarquer, en toute conscience, que le Saturne et le
Jupiter des Sages ne sont pas les mêmes que ceux des chimistes profanes. Qu'on y prenne garde, et
que l'on n'aille pas faire de la soudure de plombier ou de ferblantier. Nous ne travaillons pas sur des
produits bruts, et encore qu'ils soient tous empruntés à la famille des métaux, ils ne sont propres à
l'Oeuvre qu'après avoir subi une préparation qui les rend « philosophiques ».
Si l'on adopte la voie humide, on procédera selon l'art en mettant en contact nos deux éléments,
de telle sorte que l'un absorbe l'autre, ce qui donnera un produit nouveau qui tiendra des
deux, sans qu'il soit possible désormais d'en faire le départ, du moins de manière chimique. La voie
sèche suppose, évidemment, une combinaison obtenue par un procédé adapté à la nature des corps.
Mais qu'on ne mélange pas les deux voies : les liquides s'unissent aux liquides, et les solides, aux
solides.
Dans cette opération, le feu joue un certain rôle. Une des figures représente Saturne croquant
son fils au milieu d'un brasier. Il faut prêter ici la plus grande attention aux discours des philosophes.
Celui-ci assure que le feu élémentaire est le destructeur des corps, et que leur fusion en volatilise
l'âme ; celui-là déclare que les Sages brûlent avec l'eau, mais prohibent en même temps les liqueurs
corrosives, telles que les acides. Le Disciple se trouve donc enfermé dans un cercle vicieux, dont il
lui est fort difficile de sortir à son avantage. Il faut prendre la moyenne des deux doctrines pour les
accorder ensemble. Il est une eau qui renferme le feu du Ciel ; c'est la rosée ou
flos coeli, que nous
avons vu épreindre dans une planche précédente. On sait que la rosée renferme un principe acide qui
brûle à la lettre. Les objets soumis à son action ne tardent pas à tomber en poussière. Nous devons
faire observer, cependant, que la rosée philosophale diffère, en réalité, de la rosée commune. Elle est,
néanmoins, formée des véritables pleurs de l'Aurore unis à une substance terrestre, qui est le sujet
de l'Oeuvre.
Lorsque Saturne a accompli son horrible festin, on doit, dit Philalèthe, faire passer sur lui
toutes les eaux du déluge, non pas de manière à le noyer, mais à corriger les effets d'une digestion
laborieuse en éliminant les toxines résultant de la fermentation. C'est ce qu'on appelle « blanchir le
nègre ». L'opération est rude, mais efficace, si l'on y persévère, car il faut s'y reprendre à plusieurs
fois. Ce lavage à grande eau dépouille le corps de ses impuretés, en corrige les humeurs et le rend
dispos pour les opérations subséquentes. On le distille alors hermétiquement afin de n'en rien
perdre ; on en précipite le sel qui se présente en petits cristaux très hygrométriques, et qu'on doit
soustraire aussitôt aux influences de l'air. C'est pourquoi on l'enferme, comme le montre une autre
figure, dans un flacon bouché à l'émeri et qu'on tiendra en réserve.
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La huitième planche nous fait voir le mercure des philosophes réalisé, tandis que la planche
deux n'en présentait que les éléments constitutifs. Il est le produit du Soleil et de la Lune qui sont à
ses pieds. Les aigles volent autour de lui parce qu'on lui fait subir dans le matras les sublimations
nécessaires, ce qui est indiqué au bas de la planche par l'athanor où l'on a mis l'oeuf à incuber.
Le mercure des philosophes, animé et sublimé selon les règles, doit circuler longtemps dans
le vase avant de produire les heureux effets qu'on attend de lui. Mais il y a plusieurs mercures dans
l'oeuvre, et Philalèthe en signale un second, tout particulièrement, sous le nom de lait de vierge.
Celui-ci diffère du premier en quelque chose, bien qu'ils soient tous les deux de même essence.
Philalèthe, Ripley et d'autres vont jusqu'à dire qu'il s'agit du mercure commun. Basile Valentin, au
contraire, le bannit avec malédiction. Certains ont cru que le lait de vierge pouvait être obtenu par
une combinaison des deux. Nous connaissons un artiste qui a réalisé ce tour de force pour le plaisir
de vaincre la difficulté, sans prétendre en tirer d'autre conséquence. Nous sommes donc en mesure
de certifier l'opération comme réalisable, ce qui n'implique pas que nous adhérions à son emploi
dans la pratique. Il faut accueillir avec la plus grande réserve tous les noms bizarres imposés par les
philosophes à certains ingrédients. Ces différentes épithètes ne servent qu'à déguiser la suite des
opérations. De telle sorte que le même produit, suivant qu'il est ou n'est pas exalté, porte tel nom
ou tel autre. Et il est vrai, après tout, que l'alcool, bien qu'extrait du vin, en diffère et par le nom, et
par l'aspect, et par la puissance, et par les effets, de même que le vin diffère du raisin, d'où il est
tiré.
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La neuvième planche nous ramène au flos coeli. Pourquoi ce retour, et à quoi bon y recourir
à nouveau, puisque nous nous en étions approvisionnés ? Ce n'est pas que l'auteur du
Mutus Liber
veuille nous renvoyer à la campagne pour en avoir d'autre ; mais il était bien obligé d'en répéter le
symbole, du moment que cet agent céleste doit entrer dans une nouvelle combinaison.
Nous voyons, dans une des figures de cette planche, Mercure en train d'acheter un pot de
cette eau divine à une paysanne. C'est donc qu'il en a besoin pour quelque usage. Philalèthe prescrit,
effectivement, de laver le mercure à plusieurs reprises, de façon à lui faire perdre une partie de sa
nature huileuse. Il décrit soigneusement cette opération, qui s'accomplit avec l'eau céleste portée à
une certaine température, modérée néanmoins, car il faut un rien de trop de chaleur pour que la partie
ignée du
flos coeli reprenne le chemin des astres. Philalèthe est un grand maître, sa parole fait
autorité et il présente le travail avec une ingénuité si convaincante qu'aucun soupçon de fraude ne
saurait vous effleurer. Mais nous devons éventer ici une ruse : Cet auteur a confondu à dessein, dans
son ouvrage, la voie sèche et la voie humide. Ce serait donc un tort d'appliquer à une technique ce
qui convient à l'autre. Mais, cette remarque faite, nous reconnaissons que l'esprit astral joue un rôle
permanent dans les opérations.
Et puisque nous employons la locution de Cyliani, arrêtons-nous aux interprétations
invraisemblables auxquelles ce terme assez récent a donné lieu. Des écrivains d'hier ont vu dans cet
esprit astral une émanation magnétique de l'opérateur. D'après eux, il faudrait, pendant une période
déterminée, subir un entraînement physique et moral, pour pratiquer avec succès cette sorte de
fakirisme ou de yoga. La force du produit doit être proportionnelle à la puissance du fluide, de telle
sorte que la poudre de projection obtenue multiplie à 100, 1.000 ou 10.000, etc., suivant le potentiel
de l'artiste. Ces fantaisistes prétendent ainsi imprégner la matière d'esprit astral comme on charge
un accumulateur d'électricité. Voilà où mène l'analogie mal entendue et appliquée à tort et à travers.
Nous ne nommerons pas ces théoriciens singuliers dont la sincérité est respectable ; mais nous
devions signaler le fait pour mettre en garde le disciple studieux, et trop confiant, contre les lectures
hasardeuses d'auteurs sans mandat et sans consécration, qui n'ont jamais produit que des livres,
mais passent dès lors pour des Maîtres.
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La dixième planche représente la conjonction. La première figure expose, dans les plateaux
d'une balance, d'un côté, le sel indiqué par l'étoile, de l'autre le soufre désigné par une fleur qui,
avec le coeur, forme sept pétales. Ce sont les proportions du rapport. Un homme verse sur cette fleur
un liquide enfermé dans un flacon. C'est le mercure. Il tient, de l'autre main, un autre récipient plein
d'esprit astral pour l'utiliser selon le cas. La femme place tous ces produits dans un matras à long
col ; mais qu'on se rappelle ici ce que nous avons dit du rôle de la femme dans l'Oeuvre : les deux
agents personnifiés de la sorte sont les matières elles-mêmes, et les divers accessoires qui les accompagnent
déclarent leur état d'exaltation.
A la seconde rangée, l'artiste scelle le matras au sceau d'Hermès. Il en présente le col à la
flamme d'une lampe, de manière à ramener le verre à un état pâteux et ductile. Il doit l'étirer ensuite
avec précaution de manière à l'amenuiser au point voulu, tout en s'assurant qu'il ne se produit
aucune capillarité par où pourrait s'échapper l'esprit du compost. Les choses en étant là, après avoir
sectionné le verre, il en renverse sur elle-même la partie adhérente au matras pour en former un épais
bourrelet. Aujourd'hui, cette opération s'exécute très facilement au gaz, à l'aide du chalumeau.
Quelques praticiens, d'une habileté consommée, emploient un procédé automatique d'une plus
grande perfection. Enfin, quel que soit le moyen adopté, l'on place ensuite l'oeuf dans l'athanor et
la coction commence.
Nous ne dirons rien de l'athanor. Le Mutus Liber en présente la forme et les dispositions
intérieures. Philalèthe le décrit soigneusement. Nous n'ajouterons aux dits de cet auteur qu'une
remarque importante : la construction du fourneau est, en partie, allégorique, et il y a beaucoup à y
apprendre au point de vue de la conduite du feu et du régime de l'Oeuvre. Pour ce dernier, l'
Ouvrage
secret de la Philosophie d'Hermès, attribué à d'Espagnet et cité avantageusement, sera utile à suivre,
car on y trouve le Zodiaque des Philosophes.
La dernière figure de cette planche démontre que la conjonction est opérée : le Soleil et la
Lune sont unis. Le travail a donné les couleurs requises. Elles sont ici synthétisées dans un cercle
d'abord noir, puis blanc et enfin jaune et rouge. Le produit obtenu multiplie à dix, comme l'énoncent
les chiffres.
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La planche onze proclame que l'opérateur est entré dans le régime du Soleil, c'est-à-dire qu'il
a obtenu l'or des philosophes, qui n'est pas l'or vulgaire. Nous avons déjà parlé de cet or mystérieux.
Bien que Jupiter joue un rôle nominal dans le processus opératoire, il ne s'agit point du bisulfure
d'étain, mais du véritable « or mussif» ou secret. Nous confesserons cependant, en toute vérité, que
ce n'est pas un produit de la nature, mais de l'art. Des chimistes contemporains -- pris indûment pour
des compétences -- ont cru le rencontrer dans le vitriol commun, qu'ils se flattaient de rendre
philosophique. Ils ont mal entendu Basile Valentin. Le stroma de la dissolution de ce sel, considéré
par eux comme un « or naissant », n'est qu'un mirage fugace et ne laisse, à l'analyse, que déception.
Un auteur, célèbre à d'autres titres et qui a joui, dans certains milieux, de quelque prestige
-- il nous faut nommer Strindberg pour prévenir contre ses égarements -- s'est échoué dans une technique
puérile et ridicule. Son
Livre d'Or est une aberration qui appelait un charitable silence.
Philalèthe et d'autres conseillent, à qui ignore l'or artificiel, de le chercher dans l'or vulgaire, en
signalant toutefois ce travail comme long et ardu. Il faut, dans ce cas, lui faire subir des manipulations
difficiles et dangereuses, car on peut transformer ce métal en fulminate, et les Mémoires du
XVIIIe siècle rapportent plusieurs accidents mortels consécutifs à cette préparation. Mais si le
disciple est instruit à la bonne école, il évitera cette embûche sophistique et opérera hermétiquement
; il écartera ainsi ce péril redoutable. Les maîtres savent atteindre le but en suivant d'autres
voies, qu'ils se gardent bien d'indiquer, mais qui ne sont pas introuvables, si l'on raisonne avec sa
raison plutôt qu'avec les livres erroneurs des Sages. « Il faut de l'or pour faire de l'or », dit l'axiome
classique ; c'est juste, encore qu'il y ait deux ors différents pour mener l'Oeuvre à bonne fin. Cette
planche fait voir qu'on recommence ici toutes les opérations précédentes. Il faut élever le mercure à
un plus haut degré de sublimation au moyen des aigles, le redistiller pour lui donner une animation
plus grande.
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La planche douze nous enseigne comment on peut porter ce mercure à une échelle supérieure.
Il faut, à cette fin, recommencer les imbibitions de
flos coeli jusqu'à ce que le mercure, qui en est
avide, en soit imprégné à saturation.
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La treizième planche est une répétition de la dixième, car dans l'oeuvre toutes les opérations
se suivent et se ressemblent ; mais cette nouvelle conjonction, qui s'opère avec des matières sublimées
à l'extrême, n'est autre que le commencement des multiplications. Le travail est le même que
celui de la
planche dix et, dans la coction, on verra reparaître les couleurs. La durée de celle-ci
décroît à mesure que la puissance multiplicative augmente, de telle manière qu'il ne faut, à la fin,
qu'un jour pour obtenir le résultat qui, au début, demandait des mois. Les chiffres de cette planche
donnent les puissances de transmutations obtenues par les coctions subséquentes.
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La quatorzième planche est principalement consacrée à l'instrumentation. On y voit le matras
scellé hermétiquement avec son bourrelet, tel que nous l'avons décrit ; le mortier et le pilon pour les
broyages ; la cuillère à écrémer ; les balances pour déterminer les justes poids ; le fourneau des premières
opérations avant l'emploi de l'athanor.
Nous rappelons qu'il faut entendre les broyages, la décantation, l'écrémage et tout le reste
d'une manière philosophique, encore qu'une trituration, un décantage et écrémage soient positivement
nécessaires pour rendre les matériaux propres au travail ; mais, par la suite, ces opérations se
font d'elles-mêmes et, pour ainsi dire, automatiquement par la réaction des corps les uns sur les
autres. Le disciple devra méditer profondément sur la femme à la quenouille, et la suivre avec sagacité
dans ses manipulations ; elles ne sont pas indifférentes et tout y parle au vrai fils de science.
Nous ne pouvons ici transgresser les volontés de l'auteur, qui témoigne de son dessein bien arrêté
de laisser le symbole exprimer seul toute sa pensée. Si ces lignes tombent sous les yeux d'un Adepte,
il approuvera notre réserve, qui frise pourtant l'indiscrétion. Mais, pour le surplus,
qui potest capere
capiat.
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La quinzième et dernière planche représente l'apothéose de Saturne, victorieux de son fils
Jupiter qui l'avait détrôné, et gît, inerte, sur le sol. C'est la solarisation du plus vil des métaux, sa
résurrection et sa glorification dans la lumière. Les deux branches d'églantier du frontispice sont
chargées de baies rouges et de baies blanches remplies de semences actives dont chacune a le pouvoir
de muer en or ou en argent tous les métaux impurs. De soi-disant mystiques -- qui nient la possibilité
de l'oeuvre métallique et n'ont trouvé dans les allégories des philosophes qu'un traité
d'ascèse dont ils seraient fort embarrassés d'expliquer chaque symbole -- ces pseudo-mystiques
voient dans cette planche une image de la résurrection de l'homme et de son retour dans la patrie
céleste, et ils s'extasient béatement sur cette découverte qu'ils ne sont pas loin de considérer comme
géniale.
Mais si nous redevenons pur esprit, c'est donc que notre corps en renfermait l'essence sous
sa forme grossière et, dans ces conditions, on ne saurait refuser aux métaux les mêmes propriétés.
L'esprit ou le feu est partout et dans tout : il gît, dans le silex si froid en apparence, dans les métaux
qu'on transforme en fulminates inflammables et détonants au moindre choc. Or, la transmutation
est un phénomène qui fait passer l'espèce, du plan inférieur au plan supérieur ; au moyen d'un agent
spirituel, véritable semence nommée poudre de projection. Ce produit merveilleux s'obtient par la
mort et la putréfaction réelles d'une substance métallique, laquelle, transfigurée a la propriété de
modifier à son tour les êtres de sa nature. Ceux-ci, sous son action, subissent de même une mort et
une résurrection promptes, qui les élève à leur plus haut degré de dignité. Les Hermétistes comparent
cette transformation à celle du blé. Le grain se corrompt dans la terre, s'assimile les éléments
grossiers du sol et, par le travail d'une longue digestion, les mue en pur froment dans le rapport de
cent pour un. Cette digestion est plus ou moins activée par l'ambiance. Dans certains climats, la
moisson a lieu trois mois après les semailles, et sous le tropique, la végétation a quelque chose de
presque instantané. Il est donc tout à fait rationnel qu'un ferment doué d'une grande puissance et
projeté dans des corps soumis à une température élevée, puisse les faire évoluer avec une rapidité
qui tient du prodige.
L'évolution est la loi de la vie : le minéral devient végétal et le végétal animal, par voie
d'intussusception ; mais ce transit est subordonné à la médiation d'un agent extérieur, plante ou
bétail. Si donc les métaux sont admis de la sorte à passer d'un règne dans l'autre, avec l'aide d'un
élément approprié, il est plus logique encore qu'un certain or parfait et quintessencié, ramené à son
état radical et spermatique, ait la vertu d'exalter et de convertir en lui-même ses homogènes.
N'est-ce pas ainsi que le germe humain, en gestation, assume et transforme la substance des êtres
d'une origine moins noble ? La nutrition est une métamorphose continue. De même que, dans les
trois règnes, tout converge vers l'homme, dans les minéraux, tous aboutissent à l'or. Mais il n'en faut
point déduire que la nature, à la longue, fasse de l'or avec du plomb. Elle a besoin, pour cet effet, du
secours de l'art, c'est-à-dire du ferment magique qui en opère la transmutation.
L'or est appelé le soleil, car, en grec, αυρ est la lumière ; il est le ciel des métaux, la spiritualisation
de l'espèce. Les métaux deviennent donc or comme, à certains égards, notre corps devient
esprit par le travail de la fermentation posthume. La putréfaction, nauséabonde et hideuse, est pourtant
la prestigieuse fée qui opère tous les miracles du monde. C'est une grossière erreur de croire
que, chez l'homme, l'âme abandonne le corps avec le dernier souffle. Elle est elle-même entièrement
chair, car la matière est une modalité de l'esprit à différents états sous la dépendance d'une
étincelle majeure et plus subtile, qui est le Dieu de chaque organisme et si la Science nie la réalité
de l'esprit parce qu'elle n'en a jamais trouvé trace, elle déshonore son nom. Un cadavre, rigide et
glacé, n'est nullement mort au sens absolu. Une vie intense, mais inconsciente heureusement et sans
réflexes sensibles, continue dans la tombe, et c'est de cet horrible et plus ou moins long combat qui
est le Purgatoire des Religions que la matière, distillée, sublimée, transmuée et vaporisée par l'action
du Soleil, s'élance dans le plan amorphe, qui a ses degrés depuis l'air jusqu'à la lumière élémentaire
et de celle-ci au feu principe où tout finit par se résoudre et d'où tout émane à nouveau.
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Nous croyons avoir accompli notre tâche avec toute la probité requise, et fait luire quelques
clartés nouvelles dans un domaine obscur. Au disciple, maintenant, de parachever l'oeuvre. Quant à
ceux qui prétendent acquérir la Sagesse sans mérite et seulement de quelque obole vile, et méprisable,
nous leur disons, comme le saint Jérôme de la légende au riche et désoeuvré Cratus : « La
Philosophie ne vous est pas idoine. »
Pour vous, fils de Science, souvenez-vous du signe éloquent que vous adressent les figures
terminales de la quatorzième planche, et de la glose qui clôt le
Mutus Liber : Si vous avez compris,
travaillez dans le silence et fermez quelque temps encore la bouche sur le Mystère.
MAGOPHON.
Achevé d'imprimer
le vingt trois de Juin MCMXIV
sur les presses de l'"UNION".
46, Boulevard Saint-Jacques
P A R I S.
54
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