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Réfer. : AL0919
Auteur : Pierre Iean Fabre.
Titre : L'Abrégé des secrets chymiques.
S/titre : ov l'on void la natvre des animaux
vegetaux & mineraux entierement découuerte.
Editeur : Pierre Billaine. Paris.
Date éd. : 1636 .
@
L'ABREGE
D E S S E C R E T S
C H Y M I Q V E S
OV L'ON VOID LA NATVRE
des animaux vegetaux & mineraux
entierement découuerte:
AVEC LES VERTVS ET PRO-
prietez des principes qui composent & con-
seruent leur estre; & vn Traitté de la
Medecine generale.
Par M. PIERRE IEAN FABRE, Docteur en
la Faculté de Medecine de l'Vniversité
de Montpellier.
A P A R I S.
Chez PIERRE BILLAINE, ruë S.Iacques,
à la Bonne-Foy, deuant S. Yues.
------------------------------
M. DC. XXXVI.
AVEC PRIVILEGE DV ROY.
@
@
A
M O N S I E U R
FRERE UNIQUE
D U R O I,
DUC D'ORLEANS.
ONSEIGNEUR,
Tout le monde révère
& honore, voire
quasi adore votre
Grandeur; vu que votre naissance
leur promet des bonheurs
non pareils, à cet effet un chacun
vous adresse ses voeux: moi
à ij
@
E P I S T R E
le moindre de vos serviteurs en
grade & en qualité, mais grand en
affection & amour, depuis que j'eus
l'honneur de vous saluer dans Toulouse
en qualité de Consul député
de la ville de Castelnaudary, &
dans Bruxelles, comme passager,
j'ai conçu outre mon naturel devoir,
je ne sais quel feu d'amour
pour vous, que j'ai depuis toujours
travaillé de tout mon pouvoir, à le
vous faire paraître; & n'ayant
d'autre moyen que ma plume, sachant
que vous êtes naturellement
porté à la recherche des secrets naturels,
j'ai jugé être de mon devoir,
que cet abrégé des Secrets
Chimiques, qui montre la Nature
à nu, & fait voir à un chacun
ce qu'elle a de plus rare dans l'être
des animaux, végétaux & minéraux,
@
D E D I C A T O I R E.
vous fut présenté & dédié:
Vous-même me l'avez témoigné
pour agréable, lorsque dans Bruxelles
vous me fîtes l'honneur de
me demander ce qui était écrit
dans cet oeuvre, & que vous souhaitiez
de le voir imprimé; j'ai
fait mon possible à y mettre la dernière
main; Votre Altesse Royale
trouvera, à mon avis, l'oeuvre
curieuse, bien que rude en son langage,
mais toute pleine d'affection
& d'amour à vous rendre mes devoirs
par tous les lieux du monde
où je puisse être, en qualité de
MONSEIGNEUR,
Votre très humble, très
affectionné, très obéissant
& très fidèle serviteur.
P. I. FABRE.
à iij
@
@
----------------------------------------
E X T R A I C T DV P R I V I L E G E
du Roy.
P Ar grace & Priuilege du Roy, Donné
à Paris, en datte du premier May
1635 Signé par le Roy en son Conseil.
C H O V I N. Il est permis à PIERRE
BLAISE, d'imprimer, ou faire imprimer
vn liure intitulé
L'Abregé des secrets chymiques,
durant le temps de douze ans,
& deffences sont faites à tous Libraires,
Imprimeurs, & autres de contrefaire ny
alterer ledit liure, sur les peines portées
par ledit Priuilege.
Et ledit Blaise a associé audit Priuilege
P I E R R E B I L L A I N E, & A NT
H O I N E DE S O M M A V I L L E, marchands
Libraires, pour en ioüyr suiuant
l'accord fait entr'eux:
@
@
T A B L E
D E S C H A P I T R E S
D E S S E C R E T S
CHIMIQUES.
---------------------------------------- |
|
|
|
L I V R E P R E M I E R. |
|
|
|
E l'origine de l'Alchimie, & |
|
de sa perfection de siècle en |
|
siècle. Chapitre I. | page I
|
Que l'Alchimie est la vraie & unique |
|
Philosophie naturelle, & qu'elle |
|
comprend en soi toute la Nature. Chapitre |
|
2. | pag. 8
|
Des principes de l'Alchimie qui donnent |
|
à connaître l'intérieur de toute la |
|
Nature. Chap. 3. | pag. 14
|
@
Du feu naturel de toutes choses, qu'en |
|
Chimie on appelle soufre Ch 4. | pag. 17
|
De l'humide radical de toutes choses, |
|
qu'en Chimie on appelle Mercure. |
|
Chap. 5. | pag. 23
|
Du sel central, principe de toutes |
|
choses. Chap. 6. | pag. 33
|
Des éléments naturels: Qu'est-ce |
|
qu'Elément. Chap. 7. | pag. 42.
|
Du Ciel, premier élément naturel. |
|
Chap. 8. | pag. 48
|
De l'Air, second élément des choses naturelles. |
|
Chap. 9. | pag. 56
|
De l'Eau, troisième Elément. Chap. |
|
10. | pag. 65
|
De la Terre, quatrième & dernier |
|
Elément. Chap. 11. | pag. 79
|
Des principes de mort qui se trouvent |
|
dans la Nature. Chap. 12. | pag. 89
|
Du soufre contre-nature premier |
|
principe de mort. Chap. 13. | pag. 92
|
De l'humide étranger, ou Mercure |
|
suffocant la vie, second principe de |
|
@
mort. Chap. 14. | pag. 97
|
Du sel corrosif & caustique, troisième |
|
& dernier principe de mort. Chap. |
|
15. | pag. 104
|
|
|
---------------------------------------- |
|
Livre second. |
|
|
|
P Ar quel moyen tous les principes |
|
& éléments naturels sont unis en |
|
la composition de l'esprit général du monde, |
|
qu'on peut nommer Médecine générale. |
|
Chap. 1. | pag. 109
|
Qu'est-ce qu'esprit général du monde, |
|
& Médecine universelle. Chap. 2. |
|
| pag. 115
|
De quels sujets peut-on tirer & extraire |
|
cet esprit général du monde, & cette |
|
Médecine universelle. Chap. 3. |
|
| pag. 118
|
De quelles parties est construite & |
|
composée cette Médecine universelle, & |
|
@
esprit général du monde. Chap. 4. |
|
| pag. 128
|
Des impuretés & saletés adventices |
|
en l'esprit & Médecine générale. |
|
Chap. 5. | pag. 132
|
De la séparation des impuretés qui |
|
se trouvent en l'esprit général & Médecine |
|
universelle. Chap. 6. | pag. 136
|
Pourquoi la Nature ne peut séparer |
|
les impuretés & saletés qui sont en l'esprit |
|
général du monde, & pourquoi peut- |
|
elle seule achever la Médecine universelle. |
|
Chap. 7. | pag. 151
|
En quel temps de l'année, & en quels |
|
lieux l'on peut plus abondamment colliger |
|
la matière de notre Médecine universelle. |
|
Chap. 8. | pag. 157
|
Par quel artifice Chimique plus court |
|
{{que le précédent, l'esprit général du monde}
se convertit en Astre, en Ciel, en Lune, |
|
en Soleil, en talc, soufre, mercure & |
|
sel des Philosophes. Chap. 9. | pag. 163
|
Si l'or commun & vulgaire est nécessaire |
|
@
à la perfection de notre Médecine |
|
générale. Chap. 10. | pag. 168
|
Par quel moyen notre Médecine générale, |
|
complète & absolue en perfection |
|
peut guérir toutes sortes de maladies. |
|
Chap. 11. | pag. 177
|
|
|
---------------------------------------- |
|
Livre troisième. |
|
|
|
D Es métaux & minéraux en général |
|
Chap. 1. | pag. 186
|
De la production & génération de |
|
l'or. Chap. 2. | pag. 191
|
De la production & génération de |
|
l'argent. Chap. 3. | pag. 201
|
De la production & génération du |
|
cuivre & de l'airain. Chap. 4. | pag. 209
|
De la production & génération du |
|
fer. Chap. 5. | pag. 214
|
De la génération & production de |
|
l'étain. Chap 6. | pag. 219
|
@
De la génération & production du |
|
plomb. Chap. 7. | pag. 225
|
De la génération & production du |
|
mercure, autrement argent vif Ch. 8. |
|
| pag. 230
|
De la génération & production de |
|
l'Antimoine. Chap. 9. | pag. 238
|
De la génération & production des |
|
Marcassites. Chap. 10. | pag. 243
|
De la génération & production des |
|
Arsenics & Réalgars. Chap. 11. |
|
| pag. 248
|
De la génération & production du |
|
Soufre. Chap. 12. | pag. 253
|
De la génération & production du |
|
Vitriol. Chap. 13. | pag. 257
|
De la génération & production du |
|
Salpêtre. Chap. 14. | pag. 264
|
De la génération & production du sel |
|
commun. Chap. 15. | pag. 269
|
De la génération & production du |
|
Corail. Chap. 16. | pag. 274
|
De la génération & production des |
|
@
Perles. Chap. 17. | pag. 278
|
De la génération & production des |
|
Diamants. Chap. 18. | pag. 284
|
De la production & génération des |
|
Escarboucles & Rubis. Chap. 19. |
|
| pag. 289
|
De la génération & production des |
|
Emeraudes & Hyacinthes. Chap. 20. |
|
| pag. 293
|
De la génération & production du |
|
Talc. Chap. 21. | pag. 297
|
Conclusion du troisième livre des secrets |
|
Chimiques. Chap. 22. | pag. 302
|
|
|
---------------------------------------- |
|
Livre quatrième. |
|
|
|
D E la génération & production |
|
des végétaux en général. Chapitre |
|
1. | pag. 308
|
De la génération & production de la |
|
Vigne. Chap. 2. | pag. 315
|
@
De la génération & production des |
|
Pommiers, Poiriers, Pruniers & Figuiers. |
|
Chap. 3. | pag. 322
|
De la production & génération des |
|
Amandiers, Noyers & Noisetiers. |
|
Chap. 4. | pag. 328
|
De la génération & production des |
|
Fleurs. Chap. 5. | pag. 333
|
Conclusion du quatrième livre des secrets |
|
Chimiques. Chap. 6. | pag. 340
|
|
|
---------------------------------------- |
|
Livre cinquième. |
|
|
|
D E la génération & production |
|
des animaux en général. Chapitre |
|
1. | pag. 343
|
De la génération & production de |
|
l'homme. Chap. 2. | pag. 349
|
Qu'est-ce qui fait l'union de l'âme humaine |
|
avec son corps? & d'où vient sa |
|
longue & courte vie? Chap. 3. | pag. 355
|
@
De la différence du corps humain |
|
d'avec son esprit, qui unit l'âme humaine |
|
avec le corps. Chap. 4. | pag. 362
|
D'où vient la différence & la diversité |
|
des hommes. Chap. 5. | pag. 370
|
D'où vient la génération & production |
|
des mâles & femelles. Chap. 6. |
|
| pag. 374
|
De quelle partie de la semence les os |
|
sont faits & composés. Chap. 7. |
|
| pag. 378
|
D'où vient la sottise & stupidité ès |
|
hommes. Chap. 8. | pag. 381
|
D'où vient la subtilité & prudence ès |
|
hommes. Chap. 9. | pag. 305
|
Conclusion du cinquième livre des secrets |
|
Chimiques. Chap. 10. | pag. 389
|
|
|
F I N. |
|
@
@
L'ABREGE
D E S S E C R E T S
C H I M I Q U E S O U
TOUTE LA NATURE, EN GE-
néral & en particulier, est découverte.
----------------------------------------
L I V R E P R E M I E R.
D E L'O R I G I N E DE L'A L-
chimie, & de sa perfection de
siècle en siècle.
CHAPITRE PREMIER.
L est impossible, selon |
|
mon opinion, de pouvoir | Nulle
|
trouver parmi le calcul | science, ni
|
des sciences & des Arts, | nul des Arts
|
tant mécaniques que libéraux, | n'est parfait en
|
aucun d'iceux | sa source.
|
parfait en sa source; ils se parfont de jour |
|
A |
|
@
2 Livre premier
| en jour, comme l'embryon dans sa mère,
|
| qui en son commencement est informe,
|
| & petit à petit insensiblement il acquiert
|
| la polissure & l'embellissement destiné
|
| par la nature. Tout à coup, il est impossible,
|
| il faut du temps pour perfectionner
|
| la moindre chose que ce soit en la nature.
|
Alchi- | L'alchimie, qui est la maîtresse des
|
mie im- | Arts & sciences naturelles, nous le donne
|
parfaite en | assez à connaître: Car si nous la contemplons
|
son com- | dans les premiers siècles où les hommes
|
mencement. | étaient huttés dans les antres des rochers
|
| & dans les creux des arbres, nous la
|
| verrons encore naître, & toute dans l'abîme
|
| de la connaissance & de l'intelligence
|
| Divine, sans encore se faire connaître
|
| à l'homme, comme lui étant
|
| quasi inutile, ne sachant encore que c'était
|
| du pur & de l'impur des choses naturelles,
|
| pour n'avoir jamais encore ressenti
|
| les aiguillons piquants de cette impureté:
|
| Mais aussitôt que petit à petit insensiblement,
|
| cet esprit de vie, implanté
|
| dans l'humide radical de l'homme, vint à
|
| perdre sa force & vigueur, & que les maladies
|
| commencèrent à naître; aussitôt
|
| l'homme sentant affaiblie & diminuée
|
| en lui cette vigueur de vie par ses ennemis,
|
| il commença à songer & méditer
|
@
des secrets Chimiques. 3
comme raisonnable & plein d'intelligence, |
|
par quel moyen & en quelle façon il |
|
pourrait résister à cet inconvénient. Il connut |
|
par la lumière des sciences naturelles | Monde
|
& infuses, que son Créateur lui avait | plein de
|
données, que le monde où il était, était | vie.
|
tout plein de vie, semblable à celle qui |
|
était en lui, & qu'il ne pouvait demeurer |
|
un moment de temps sans la perpétuelle |
|
attraction de cet esprit vital, qu'il faisait |
|
attirer continuellement par le moyen de |
|
ses poumons, & que cet esprit ainsi attiré |
|
n'était encore suffisant pour lui conserver |
|
sa vie, qu'il fallait encore qu'il tirât |
|
des aliments un esprit de vie plus fixe & |
|
plus solide que celui qu'il tirait de l'air, & |
|
que, les aliments qu'il prenait pour sustenter |
|
sa vie, avaient déjà attiré à soi |
|
quantité de cet esprit vital, infus par tous |
|
les éléments, & l'avaient préparé pour se |
|
l'approprier & faire leur, & que son estomac, |
|
son foie son coeur, & toutes les parties | Toute
|
de son corps travaillaient nuit & | les parties
|
jour à faire séparation de cet esprit vital, | font l'alchimie.
|
qui était infus, que parmi tous les éléments, |
|
que parmi tous les individus élémentés, |
|
afin de pouvoir entretenir & conserver |
|
sa misérable vie. |
|
Et qu'avec tout cela il ne pouvait encore |
|
A ij |
|
@
4 Livre premier
Comment | éviter le malheur des maladies; il
|
le premier | pensa donc, par une semonce Divine, une
|
homme | science au moyen de laquelle il eût la connaissance:
|
excogita | premièrement de cet esprit
|
l'alchimie. | vital, principe & soutien de sa vie: secondement
|
| il eût la connaissance de tous les
|
| individus qui abondaient en cet esprit vital;
|
| l'usage desquels pouvait renforcer sa
|
| vie, & contrarier aux ennemis d'icelle.
|
| Tiercement, il trouva le moyen & la méthode
|
| de pouvoir séparer cette substance
|
| vitale sur le modèle des vases naturels
|
| que la nature avait forgés en lui-même,
|
| & en tous les animaux, pour la commodité
|
| de cette séparation. Pour un quatrième,
|
| il excogita tous les moyens de prévenir
|
| l'affaiblissement de cet esprit de vie
|
| implanté en lui, pour éviter qu'il ne succombât
|
| point aux assauts de tant de maladies,
|
| qui par laps de temps le devaient
|
| attaquer.
|
| Le tout était bien puissant, & ramassé
|
| dans cet esprit Divin, mais la communication
|
| qu'il nous en laissa était bien petite;
|
| car aux siècles subséquents, lorsque la
|
| terre commença à être peuplée & ornée
|
| d'hommes, nous n'en trouvons aucuns vestiges
|
| par lesquels nous puissions comprendre
|
| que nos premiers aïeuls fussent
|
@
des secrets Chimiques. 5
de grands Chimiques, & sussent avec |
|
perfection l'artifice de séparer le pur de |
|
l'impur, & l'extraction de cet esprit vital, |
|
duquel tout le monde est plein, & duquel |
|
rien ne peut être vide. |
|
L'on tient que Cham fils de Noé fut un | Cham
|
des premiers qui mit la main à la pâte, & | fils de Noé
|
qui premier charbonna ses mains pour en | premier Alchimiste.
|
faire la preuve; d'où l'on tient que cet artifice |
|
est appelé Alchamie, comme voulant |
|
dire artifice de Cham. Je sais bien | Dérivation
|
qu'il y a d'autres étymologies & dérivations | du mot
|
de ce mot Alchimie, mais je les lais-£ | Alchimie.
|
se pour être parmi tous les Alchimistes, |
|
très communes, & très connues; pour |
|
vous dire que ce ne sont point les hommes |
|
qui ont trouvé ce merveilleux & miraculeux |
|
artifice, mais que c'est la même |
|
nature qui le montre, & l'enseigne tous |
|
les jours à la vue de tout le monde; & cependant |
|
la plus grande partie des hommes |
|
est si aveuglée, qu'elle ne voit point |
|
cette opération manifeste. |
|
N'est-il pas vrai, que tous les hommes, | Nature
|
tous les animaux brutes, tous les végétaux | est inventrice
|
& tous les minéraux attirent cet esprit | de
|
vital infus parmi les éléments, pour se | l'Alchimie.
|
nourrir, entretenir, & conserver en leur |
|
être; & qu'en cette attraction ils manifestent |
|
A iij |
|
@
6 Livre premier
| parfaitement la séparation du pur
|
| & de l'impur par le bannissement ordinaire
|
| de tous les excréments, qu'ils rejettent
|
| hors de leurs corps d'une force incroyable;
|
| pour laquelle arrêter, il est impossible,
|
| sans la totale ruine des sujets
|
| auxquels l'on voudrait empêcher cette séparation.
|
Antiqui- | Il est donc très notoire que la seule Nature,
|
té de l'Al- | & non les hommes, est inventrice de
|
chimie. | cet admirable & miraculeux artifice, &
|
| qu'il est si ancien que la Nature même; &
|
| qu'aussitôt qu'elle a commencé à produire,
|
| nourrir, & conserver ses enfants;
|
| aussitôt elle a commencé à exercer l'Alchimie
|
| parmi eux, pour parvenir à la séparation
|
| du pur & de l'impur, sans laquelle
|
| elle ne peut en aucune façon produire,
|
| nourrir, & conserver ses enfants qu'elle éclôt
|
| tous les jours de l'abîme de ses trésors
|
| & de la nuit de son chaos, les poussant
|
| dans la lumière de sa vie. Au commencement
|
| des siècles cette Alchimie naturelle
|
| était bien puissante par la puissance
|
| de son feu naturel, qui séparait puissamment
|
| ce qui lui était contraire, & qui
|
| donnait empêchement à ces perfections,
|
| & rebutait l'accomplissement de ces voeux:
|
| aussi voyait-on toutes choses durer davantage
|
@
des secrets Chimiques. 7
qu'on ne voit à présent, puisque
ce feu naturel est beaucoup affaibli par la
société d'une grande & énorme quantité
d'excréments qu'il ne peut rejeter, qui
lui causent son entière extinction dans
une infinité d'individus particuliers, qu'il
est contraint d'abandonner, & se retirer
dans sa source, pour de nouveau reprendre
ses forces, & en produire de nouveaux,
dans lesquels il recommence son Alchimie;
& par ainsi il ne la quitte jamais,
que pour la recommencer avec nouvelle
force.
Ainsi les vrais sages & serviteurs de la
Nature doivent apprendre de leur maîtresse
à faire cette séparation; & que si
dans les siècles passés, ils se sont trouvés
quantité de Philosophes, même parmi
les Palais Royaux, où les Rois Philosophes
n'ont dédaigné de mettre en exécution
les préceptes de cet Art, comme Hermès
Trismégiste, Aristaeus, & Geber, nous le
témoignent assez suffisamment, nous devons
à leur exemple, ne mépriser point
les préceptes de ce merveilleux artifice,
afin de pouvoir retirer du plus profond
des individus naturels ce qui peut conserver
& maintenir en sa vigueur & force, le
baume de notre vie, & combattre par
A iiij
@
8 Livre premier
| même moyen, & vaincre tous ses ennemis;
|
| car c'est par ce seul artifice que nous
|
| pouvons obtenir cette glorieuse victoire,
|
| comme l'on verra très clairement par la
|
| suite des Chapitres suivants, & par l'expérience
|
| qu'un chacun en pourra faire au
|
| traitement de toute sorte de maladies.
|
| ----------------------------------------
|
| Q U E L'A L C H I M I E E S T
|
| la vraie & unique Philosophie naturelle,
|
| & qu'elle comprend en
|
| soi toute la nature.
|
|
|
| Chapitre II.
|
|
|
| Our clairement comprendre
|
| que l'Alchimie
|
| est la vraie & unique Philosophie,
|
| & qu'elle a la
|
| connaissance de toutes les
|
| choses naturelles, nous devons
|
| déclarer que c'est que nous entendons
|
| par l'Alchimie.
|
| Plusieurs d'entre les Philosophes ont
|
Défini- | voulu définir l'Alchimie un Art qui enseigne
|
tion d'Al- | de changer les métaux l'un à l'autre;
|
chimie. | savoir les Imparfaits en parfaits. En
|
| ce changement ils veulent comprendre
|
@
des secrets Chimiques. 9
toutes les dépurations & triages des choses |
|
métalliques & minérales d'avec les impures |
|
cadmies, terrestréités & féculences, |
|
qui se trouvent parmi le genre minéral: |
|
Mais cette distinction est bien étroite, & |
|
ne s'étend pas si loin que son défini: Car |
|
l'Alchimie comprend bien davantage |
|
que le genre minéral. Les végétaux & les |
|
animaux ne peuvent éviter ses puissances, |
|
ni même ces quatre corps vastes |
|
que nous appelons les quatre Eléments, |
|
qui sont les colonnes du monde, ne peuvent |
|
empêcher par leur grandeur & vaste |
|
solidité, que l'Alchimie ne les pénètre | L'Alchimie
|
d'outre en outre, & ne voie par ces opérations | pénètre
|
ce qu'ils ont dans leur ventre, & ce | toute
|
qu'ils ont de caché dans le plus reculé de | la nature.
|
leur centre inconnu. Le Ciel même qui |
|
est par-dessus nos sens corporels, que nous |
|
ne pouvons comprendre que par l'opération |
|
intellectuelle de notre âme, ne peut |
|
être exclu du domaine de l'Alchimie; |
|
puisque par la matière incorruptible des |
|
choses inférieures qui se trouvent en leur |
|
centre, elle voit & touche les matières supérieures |
|
& célestes; & voit par même |
|
moyen & même voie, les matières inférieures |
|
être semblables & de pareille substance |
|
que les supérieures & célestes, & |
|
@
10 Livre premier
| que leur différence est seulement par le
|
| pur & l'impur qui se trouve en leurs individus.
|
| Nous dirons donc, vu tant de merveilles,
|
| que l'Alchimie n'est pas tant seulement
|
| un Art ou science pour enseigner
|
| la transmutation métallique, mais une
|
Vraie | vraie & solide science, qui enseigne de
|
définition | connaître le centre de toutes choses;
|
d'Alchi- | qu'en langage Divin l'on appelle l'Esprit
|
mie. | de vie, que Dieu infusa parmi tous les
|
| éléments pour la production des choses
|
| naturelles, leur nourriture & entretien,
|
| qui se corporifie au centre de toutes choses,
|
| se faisant un corps incorruptible, permanent
|
| & fixe, pour résister à toutes sortes
|
| d'altérations qu'il faut qu'il pâtisse, pour
|
| la commodité des diverses générations
|
| qu'il doit éclore de son centre.
|
| L'Alchimie donc enseignant cette substance
|
| divine, spirituelle en toutes choses;
|
| & démontrant par ses opérations Chimiques
|
| de la tirer & séparer de l'embarras
|
| & corruption Elémentaire, pour la faire
|
| jouir des puissances & vertus, presque infinies,
|
| que son Créateur lui a données,
|
| mérite le vrai nom de l'unique Philosophie
|
| naturelle, puisqu'elle montre la base,
|
| le fondement, & la racine de toutes les
|
@
des secrets Chimiques. 11
choses créées, & enseigne la dépuration &
exaltation d'icelle; d'où vient la transmutation
métallique ès métaux, la fertilité
ès végétaux, & la prorogation de vie,
avec l'équipage de tout son ornement ès
animaux.
Quelle connaissance plus grande pouvons-nous
avoir de la nature en général &
en particulier, que par l'anatomie générale
& particulière que l'Alchimie fait de
toute la nature en général & en particulier?
Est-il possible que l'homme raisonnable
puisse penser & méditer, qu'il y ait
en la nature une méthode plus facile pour
obtenir la connaissance entière des choses
naturelles, que par celle que l'Alchimie
a trouvée, prise & inventée de la nature
même, sans l'altérer ni la corrompre en
sa substance radicale; ne la dépouillant
que du corps qu'elle prend comme une
robe, pour se tenir couverte; & comme
pudique qu'elle est, & vierge, ne se montrer
toute nue, qu'à ses vrais serviteurs &
chers amis, qui la savent caresser & honorer
selon son mérite, & lui porter la révérence
qui lui est due, & non la prostituer
à tout le monde, pour être bafouée
& moquée des ignorants; qui nouveaux
Ixions embrassent les ombres plutôt que
@
12 Livre premier
| les vrais corps de notre chaste Junon:
|
| Ainsi ils courent après les corps mortels
|
| & corruptibles, & ne veulent entendre,
|
| ni écouter ceux qui leur veulent montrer
|
| la semence merveilleuse qui est cachée
|
| sous l'ombre du corps qu'elle a produit
|
| à cet effet, qui de soi n'a aucune vertu
|
| ni propriété quelconque; car tout ce
|
| qu'il a, descend immédiatement de cet esprit
|
Toutes | séminal qui est en lui. Ce qui est par
|
les vertus | trop manifeste en la corruption qui se fait
|
corporelles | du dit corps, pendant que son esprit se forge
|
descendent | un nouveau, & plusieurs corps, du débris
|
de l'esprit | & ruine du premier. Le grain de froment
|
séminal, | pourrissant en terre, & s'anéantissant,
|
qui est en- | son esprit séminal pousse un tuyau, au
|
clos dans | bout duquel il produit un épi, garni de
|
son corps. | cent ou tant de grains, semblables à celui
|
| qui se perd & se détruit dans la terre: il
|
| ne monte pas de la terre en l'air au bout de
|
| son épi, mais cet esprit seulement y
|
| monte & y produit, & engendre plusieurs
|
| corps semblables à celui qu'il a quitté, &
|
| duquel il s'est retiré pendant le temps de
|
| sa corruption, pour se multiplier & diviser
|
| en plusieurs, semblables au premier: Tellement
|
| que cette petite parcelle, & comme
|
| invisible substance séminale de grain,
|
| est capable par succession de temps, & a le
|
@
des secrets Chimiques. 13
pouvoir de se multiplier en une infinité |
|
de corps semblables à son premier: Et encore |
|
chacun de ces corps contient en soi |
|
cette vertu séminale, qui a toujours le même |
|
pouvoir de produire encore vue infinité |
|
de corps, semblables à ceux qu'elle a |
|
forgés naguère, & tout fraîchement. |
|
Merveille des merveilles, miracle des |
|
miracles, que Dieu infini en sa puissance, |
|
a colloqué en la nature créée, pour être le |
|
perpétuel & continuel objet aux vrais sages |
|
de son infinie puissance, qu'un point, |
|
qu'un atome en corpulence, puisse remplir, |
|
par la production de ses individus, |
|
toute une Province, voire tout un monde. |
|
Que la science donc qui enseigne & |
|
démontre cette vertu séminale, & cet esprit | L'Alchimie
|
de vie enclos en toutes choses, qui | est
|
remplit tout le monde, & est sa seule & | la vraie
|
unique force & vertu, soit estimée la vraie | Philosophie.
|
Philosophie, & la vraie perle des sciences |
|
naturelles; sans laquelle toutes celles qui |
|
se veulent parer de ce beau titre, sont de |
|
vraies carcasses mortes, ou des échos sonnants, |
|
où la voix des hommes ne fait qu'éclater |
|
& sonner tant seulement, & non |
|
raisonner. |
|
@
14 Livre premier
----------------------------------------
D E S P R I N C I P E S D E
l'Alchimie, qui donnent à connaître
l'intérieur de toute la Nature.
| Chapitre III.
|
|
|
| 'Alchimie, comme
|
| la quintessence, & la vertu
|
| même de la Philosophie
|
| naturelle, après avoir
|
| fait l'anatomie de la nature
|
| en général & en particulier,
|
| & fouillé dans le plus creux de son
|
| intérieur, a trouvé que la source & racine
|
Le fon- | de toutes choses était une substance spirituelle,
|
dement de | homogène & semblable en soi-
|
la nature | même, sans avoir aucune partie différente
|
est une | qui constituât son essence diverse, que
|
Substance | tous les Philosophes anciens ont nommée
|
spirituelle. | Substance vitale, Esprit de vie, Lumière,
|
| Baume de vie, Mumie vitale, Chaud naturel,
|
| Humide premier né, Esprit & Ame
|
| du monde, Force & vigueur de toute la
|
| nature, Principe de mouvement, Entéléchie
|
| & Quintessence, & Mercure de vie; &
|
| de mille autres noms qu'il n'est besoin de
|
| coucher sur le papier, pour être court.
|
@
des secrets Chimiques. 15
Cette Substance spirituelle, semence | La semence
|
première de toutes choses, a trois substances | de
|
distinctes, & non différentes en soi- | toutes choses,
|
même; car elle est homogène, comme | est distincte
|
nous avons dit, & partant toute une: Mais | en trois substances.
|
d'autant qu'il s'y trouve un chaud, un humide |
|
& un sec, & que tous trois entr'eux |
|
sont distincts seulement & non différents, |
|
nous disons à bon droit, que tous trois ne |
|
sont qu'une essence & substance radicale; |
|
autrement il ne se trouverait rien de simple |
|
& homogène en toute la nature; tous |
|
les composés seraient hétérogènes, & composés |
|
de parties essentiellement différentes |
|
en leurs principes séminaux & racines |
|
originelles: ce qui ne peut être pour les |
|
grands inconvénients qui s'en ensuivraient. |
|
Car si le chaud était différent de l'humide |
|
qui lui est connaturel, il ne s'en pourrait |
|
nourrir comme il fait, à cause qu'il ne |
|
se nourrit point des choses différentes, mais |
|
toutes semblables: Que si l'aliment est en |
|
son commencement différent de son alimenté, |
|
il faut qu'il se dépouille de cette |
|
différence, & par diverses altérations il se |
|
rende semblable à son alimenté, avant |
|
qu'il puisse être son dernier aliment; or il |
|
est assuré que l'humide radical est le dernier |
|
aliment de la chaleur naturelle, & |
|
@
16 Livre premier
partant il ne peut être différent d'icelle:
Davantage s'ils étaient différents, chacun
voudrait produire son semblable, tellement
que dans un même sujet & individu
naturel, il se trouverait trois formes
différentes; l'une qui viendrait du chaud;
l'autre qui viendrait de l'humide; & l'autre
qui viendrait du sec; tellement que
dans un même individu se trouveraient
trois individus, & qu'un serait trois, ce
qui implique & ne peut être.
Les Péripatéticiens mêmes, lorsqu'ils
font entrer en la composition des individus,
leurs quatre Eléments, chacun différents
en forme, ils veulent qu'en la mixtion
ces formes différentes se perdent &
s'anéantissent, & que de cet anéantissement
s'élève & se produise la forme de la
chose qui se doit produire. Nous ne philosophons
pas de la façon, mais entendons
que toutes formes sont pleines de vie, &
qu'elles sont incorruptibles; & que si elles
viennent à quitter leurs sujets, ce n'est
que se cacher dans leur abîme & chaos,
pour reprendre à leur tour un semblable
corps en espèce, mais nous parlerons de
ceci en son lieu plus amplement.
Nous reprendrons notre discours, &
dirons que cette substance radicale & fondamentale
fonda-
@
des secrets Chimiques. 17
en toutes choses, est vraiment |
|
unique en essence, & trine en nomination, |
|
s'il m'est permis ainsi de parler, pour |
|
interpréter nos intentions & pensées: |
|
Car cette substance, à raison de son feu | La semence
|
naturel, est appelée soufre; à raison de | radicale, dite
|
son humide aliment & pâture de ce feu, | soufre, mercure
|
est nommée Mercure; & à raison de ce | & sel, à
|
sec radical, ciment & liaison de cet humide | cause de son
|
& de ce feu, est dit sel; tellement | feu, de son
|
qu'une même chose unique en essence a | humide, & de
|
trois noms, & pourtant n'a pas trois substances | son sec.
|
différentes l'une de l'autre; comme |
|
l'on verra plus particulièrement aux |
|
Chapitres suivants, qui seront particuliers |
|
pour l'explication & intelligence |
|
de ces trois substances. |
|
---------------------------------------- |
|
D U F E U N A T U R E L D E |
|
toutes choses, qu'en Chimie on |
|
appelle soufre. |
|
|
|
Chapitre IV. |
|
|
|
Uand les Philosophes Chimiques | Qu'est-ce
|
parlent du feu naturel qui | que feu
|
engendre & produit toutes choses, | naturel.
|
ils n'entendent en aucune façon le feu |
|
B
@
18 Livre premier
| matériel que nous voyons ici-bas dans
|
| nos foyers & fournaises, mais ils entendent
|
| un feu vital invisible, principe de
|
| tout mouvement & de toute action qui
|
| n'est nullement différent, mais du tout
|
| semblable aux influences célestes, générales
|
| & particulières: Pour les générales,
|
| j'entends les influences du premier mobile,
|
| source & principe de ce feu: Pour les
|
| particulières, j'entends les influences particulières
|
| de toutes les Planètes & constellations
|
Le feu | célestes; entre lesquelles le
|
naturel | Soleil en est la plus abondante, comme le
|
plus puis- | centre de ce globe céleste, où l'esprit de
|
sant au So- | vie, où ce feu naturel est plus puissant
|
leil qu'en | qu'en toutes les autres parties de ce grand
|
toutes au- | corps supérieur, que Dieu a rempli d'esprit
|
tre Plan- | de vie & de ce feu, plus particulièrement
|
nètes. | que toutes les autres parties du
|
| monde; comme étant la tête & le cerveau
|
| du monde, où doit être le foyer &
|
| la mine de ce feu vital, pour vivifier toutes
|
| les parties, qui par une chaîne invisible,
|
| & toutefois impossible de rompre,
|
| sont attachées à cette grosse tête.
|
| Ce feu donc est astral & céleste; c'est-à-
|
| dire qu'il retient plutôt de la nature des
|
| astres que toute autre chose: Car pour dire
|
| vérité, & parler à la rigueur de la vraie
|
@
des secrets Chimiques. 19
& véritable Philosophie, il n'est point |
|
astral ni céleste, mais quelque chose de |
|
plus pur que le Ciel, dont le Ciel a été |
|
rempli, & tous les autres Eléments, pour |
|
les rendre puissants & capables, de produire |
|
& d'engendrer toutes les choses naturelles |
|
que nous voyons tous les jours |
|
s'y produire: car avant cet esprit ils | Ce feu
|
étaient vides, vains, inutiles, & pleins | vital est la
|
de ténèbres, comme nous dicte le Saint- | lumière.
|
Esprit dans l'Ecriture Sainte: Terra erat |
|
inanis & vacua, tenebrae erant super faciem |
|
abyssi; Mais après la création de la lumière, |
|
qui est cet esprit de vie, feu naturel & |
|
soufre vital, tout fut à l'instant rempli |
|
de vie, & rien ne fut inutile, ni vide, ni |
|
vain; tout fut bon & très important. |
|
Ce feu donc naturel que nous appelons |
|
soufre, est cet esprit de vie avec sa |
|
lumière inséparable, qui fut créé par la |
|
Toute-puissance Divine, & infus dans |
|
tous les Eléments pour la vivification de |
|
toute la nature; & principalement dans |
|
le Ciel, comme le premier & principal |
|
élément, dans lequel ce feu naturel est si |
|
puissant, qu'il en est communiqué par |
|
toutes les parties de l'Univers. D'où |
|
vient que tous les anciens Philosophes |
|
nous ont laissé par écrit; que l'être principal |
|
B ij |
|
@
20 Livre premier
| de toutes choses inférieures qu'ils
|
| disaient être leur forme, & leur vraie
|
| essence était dépendante du Ciel; car
|
Le feu | ils ont assuré que sous les formes particulières
|
vital est | de tous les individus élémentaires
|
protecteur | elles étaient produites & engendrées par
|
des formes. | ce feu céleste; qui s'introduisant dans les
|
| semences inférieures, suscite & fait paraître
|
| la forme intérieure du plus profond
|
| de la matière, avec tout son ornement &
|
| équipage: Et voilà comme la génération
|
| se fait par le moyen de ce feu céleste, &
|
| comme toutes choses élémentaires ici-
|
| bas en dépendent, comme de leur vraie
|
| source & origine.
|
| Pour bien & dûment comprendre
|
| avec très facile intelligence, les puissances
|
| de ce soufre & feu naturel sur toutes
|
| les choses inférieures, il faut noter, selon
|
| l'opinion des Talmudistes & Hébreux,
|
| que le premier mobile de vie &
|
| de ce feu naturel, l'infuse & le communique
|
| au firmament où il commence par
|
| les diverses constellations & infinies
|
Comment | étoiles que Dieu y a colloquées, à recevoir
|
l'esprit de | & s'orner de diverses & infinies vertus
|
vie descend | & propriétés, chacune de ces Etoiles
|
du premier | y mettant la sienne; ainsi orné & rempli
|
mobile. | des vertus du firmament il descend dans
|
@
des secrets Chimiques. 21
la Sphère & globe de Saturne, où il prend |
|
la vertu de Saturne; & de là il descend |
|
dans la Sphère de Jupiter, où il reçoit tout |
|
ce que Jupiter a: il descend après de Planète |
|
en Planète, jusques au globe de la |
|
Lune, où il reçoit la dernière & l'absolue |
|
perfection céleste: de là il descend |
|
dedans l'air; de l'air, dans l'eau; de |
|
l'eau, dans la terre; au centre de laquelle |
|
il acquiert la dernière perfection élémentaire, |
|
ou par sa propre vertu Architectrice |
|
de toutes formes & figures, il prend |
|
corps de sel; que quelques-uns des |
|
Philosophes Chimiques ont appelé Daemogorgon, | Qu'est-
|
comme esprit & démon de la | ce que Daemogorgon.
|
terre; qui de son centre jette tant de rayons |
|
de sa puissance, qu'il la pénètre toute |
|
jusques à sa superficie; voire encore |
|
tout le globe de l'eau & de l'air, pour produire |
|
& engendrer en tous ces Eléments |
|
une infinité de mixtes individus de toute |
|
sorte d'espèce: Et ainsi après avoir descendu |
|
du premier mobile jusques au |
|
centre de la terre, il monte du centre de |
|
la terre jusques au Ciel; & pénètre, & en |
|
pénétrant anime tout l'Univers, & le |
|
remplit de sa puissance; vivifiant, engendrant, |
|
produisant, nourrissant, & conservant |
|
toutes choses; car il ne se peut trouver |
|
B iij |
|
@
22 Livre premier
| aucune chose naturelle, quelle qu'elle
|
| soit, qui ne souhaite pour son entretien,
|
| nourriture & conservation, ce feu
|
Le sou- | & ce soufre céleste; comme ayant en
|
fre a tout | soi tout ce que chaque individu peut
|
ce que les | souhaiter pour sa production, nourriture
|
Mixtes na- | & conservation: Car comme vous avez
|
turels sou- | vu tout ce qui est dans le Ciel, dans les
|
haitent | Etoiles, Constellations & Planètes, &
|
pour leur | dans tout le reste des autres Eléments, &
|
conserva- | en abrégé & en quintessence dans ce feu
|
tion. | naturel, & ce soufre vital, lequel comme
|
| étant inséparable de son humide radical,
|
| ou son mercure & de son sel, se
|
| donnera encore plus parfaitement à connaître
|
| par la démonstration & l'anatomie
|
| de son mercure & de son sel, aux
|
| Chapitres suivants.
|
@
des secrets Chimiques. 23
----------------------------------------
D E L'H U M I D E R A D I C A L
de toutes choses, qu'en Chimie on
appelle Mercure.
Chapitre V.
Ous avons, ce me semble |
|
assez clairement discouru |
|
du feu naturel & |
|
du soufre vital, pour le |
|
faire connaître à tout le |
|
monde; l'on le pourra encore |
|
connaître avec plus d'intelligence |
|
en donnant à connaître son humide radical, |
|
qui lui est inséparable, & de même |
|
nature & essence, qui lui sert d'aliment |
|
& pâture, & de fidèle Achate & |
|
compagnon inséparable en la production |
|
& conservation de toutes choses. |
|
L'humide donc radical de toutes choses, | Qu'est-ce
|
qu'en Chimie on appelle mercure, | que mercure
|
c'est la substance humide, première née | & humide
|
en la semence de toutes choses; sur laquelle | radical.
|
le feu naturel, ou soufre vital |
|
agit, pour en pousser les formes mussées |
|
& cachées dans le trésor de son abîme; |
|
J'appelle abîme, les vertus & propriétés |
|
B iij
@
24 Livre premier
| qu'il a presque infinies, pour tirer de soi-
|
| même toutes sortes de formes. Les divers
|
| lieux tant seulement qui lui sont
|
| ces diverses matrices, empêchent, &
|
| sont la vraie cause pourquoi en un même
|
| lieu, & dans une même matrice,
|
| il ne pousse pas plusieurs & diverses formes
|
| en même temps, & en même sujet;
|
| le lieu lui détermine son oeuvre & sa besogne,
|
| & lui donne la loi de travailler
|
| ainsi, & non autrement.
|
Les se- | Les semences particulières de toutes
|
mences par- | les espèces qui sont dans l'Univers, sont
|
ticulière | les vrais lieux & matrices particulières;
|
sont les | dans lesquelles cette semence universelle,
|
vraies ma- | avec son feu & son humide, s'épaissit,
|
trices de | s'individue, & se fait particulière: car
|
l'esprit | chacune de ces semences a une vertu
|
général. | aimantine & attrayante par son feu naturel,
|
| d'attirer à soi pour se conserver, &
|
| nourrir cette semence universelle, ce
|
| soufre & ce mercure; & l'ayant attiré, se
|
| le fait propre & particulier à soi-même.
|
| D'où vient que lorsque cette semence
|
| particulière, dans son lieu propre & convenable,
|
| vient à produire & engendrer
|
| son individu, & mettre en évidence au
|
| jour & en lumière, la forme qui lui est
|
| due & convenable, attirant à soi pour
|
@
des secrets Chimiques. 25
se multiplier & se renouveler cette semence |
|
générale que nous appelons |
|
soufre & mercure, le force & contraint |
|
de se joindre à son voeu & intention, & |
|
non au voeu qu'elle a de toutes les formes, |
|
lorsqu'elle est dans ses matrices générales |
|
& universelles, qui sont les |
|
Cieux, & tous les Eléments. Car si la semence |
|
particulière, le feu naturel, & |
|
l'humide radical particulier de chaque |
|
chose, a son lieu & sa matrice particulière |
|
pour le mettre en acte, & le conserver | L'esprit
|
en son entier; la semence générale, le feu | général a
|
naturel, & l'humide radical universel a | sa matrice
|
aussi son lieu, & sa matrice générale où il | générale.
|
réside, & demeure entier & puissant, |
|
pour de là survenir à tous les particuliers. |
|
C'est ce qui a trompé & abusé la plus |
|
grande part des Philosophes, qu'en la génération |
|
des mixtes naturels, les Eléments |
|
entrassent en leur composition & |
|
production; d'autant que toutes sortes |
|
de mixtes se produisent dans iceux; & | Les Eléments
|
prennent nourriture, & se conservent | n'entrent
|
emmi* les Eléments: Mais si l'on pèse bien, | point
|
& considère cette façon de production, | en la composition
|
nourriture & conservation, l'on verra | des choses.
|
que bien qu'elle se fasse dans les Eléments, |
|
elle ne se fait pas pourtant d'iceux; mais |
|
@
26 Livre premier
| de cet esprit de vie qui est en eux, & sans
|
| lequel les éléments seraient inutiles &
|
| vains dans la pâture, comme des corps
|
| sans âme & sans vie: car de vrai cet esprit
|
| est leur vie & leur âme; au moyen
|
| de laquelle ils font, produisent, & conservent
|
Qu'est- | toutes choses: Or la partie de cette
|
ce qui est | âme & de cette vie, & de cet esprit vital
|
appelé | qui est parmi tous les Eléments, qui est
|
soufre, | humide & pleine de lumière, est appelée
|
mercure | soufre: Et la partie humide, à laquelle
|
& sel. | cette chaleur lumineuse est attachée
|
| & adhérente, comme à soi propre
|
| & unique, & dernier aliment, est appelée
|
| mercure, humide radical, humide
|
| premier né: Et la troisième partie
|
| qui procède de l'action de ces deux, au
|
| moyen de laquelle ils prennent corps
|
| visible & sensible, est appelée Sel,
|
| de laquelle nous ferons son Chapitre
|
| particulier. En celui-ci nous déclarons
|
| tant seulement qu'est-ce que Mercure,
|
| humide radical, & humide premier né,
|
| qui se trouve en la matière première, &
|
| dernière de toutes choses pendant qu'elle
|
| dure & persiste en sa vigueur & sa force:
|
| le feu naturel, & le soufre vital, aussi
|
| persiste; & ainsi durent les choses, & conservent
|
| leur être, sans recevoir aucun
|
@
des secrets Chimiques. 27
changement ni diminution; mais s'il |
|
croît, elles croissent & augmentent. |
|
Mais aussitôt que cet humide radical |
|
vient à diminuer, aussitôt il y a changement |
|
& mutation en l'être de la chose, |
|
dans laquelle cet humide radical diminue: |
|
lui diminuant & manquant, le feu | D'où
|
naturel & soufre vital vient aussi pareillement | vient la
|
à diminuer & manquer; & | résolution
|
tous deux diminuant & manquant, le | des mixtes.
|
sel vital, principe de corporification, ne |
|
peut subsister; & ainsi le mixte & l'individu |
|
produit, vient à se détruire, & se résoudre |
|
en ses principes, pour se réunir derechef, |
|
& se joindre dans son cahos, & |
|
dans son abîme; qui est cet esprit universel, |
|
qui contient en soi toutes les formes |
|
virtuellement & en puissance sous |
|
une forme générale, qui n'est point répugnante |
|
à toutes les autres particulières, |
|
que virtuellement elle contient, & à |
|
cause de cet esprit universel, est appelé |
|
cahos & abîme; qui à cause de cette |
|
puissance virtuelle, & non répugnante à |
|
toutes les formes qu'il a, Aristote, très | Subtilité
|
subtil en l'inquisition de la Nature, pour | d'Aristote
|
ajouter quelque chose à la doctrine de | sur les
|
son maître, & montrer à la postérité sa | principes.
|
subtilité, a admis aux principes naturels, |
|
@
28 Livre premier
| la privation; mais sans déroger à l'honneur
|
| d'Aristote, & à la grandeur de son
|
| esprit, il me semble qu'il n'a pas si bien
|
| rencontré comme il pense, sinon qu'il ait
|
| eu l'intention & volonté par ce moyen
|
| de nous cacher cette puissance & vertu
|
| miraculeuse de cette matière & première
|
| & unique substance des substances de
|
| toutes choses; mais nous parlerons de cette
|
| affaire en son lieu.
|
| L'humide donc radical de toutes choses
|
| venant à manquer, les autres deux
|
| parties qui lui sont essentielles & connaturelles,
|
| viennent pareillement à manquer,
|
| & ainsi le mixte se détruit. Mais
|
| comment, dira quelqu'un, peut-il manquer
|
| ni jamais faillir, puisqu'il est incorruptible,
|
| & que les agents les plus violents
|
| ne le sauraient détruire; car même
|
| le feu dévorant & destructif, brûlant &
|
| calcinant quel mixte que ce soit, dans ses
|
| cendres est conservé un sel incorruptible,
|
| qui contient en soi son humide &
|
| son feu naturel; au moyen duquel le
|
| mixte avait son être & sa durée; & au
|
| moyen duquel il peut encore renaître
|
| le même en espèce, selon notre opinion
|
| & de tous les Philosophes Chimiques.
|
| L'on répond à cette objection, qui
|
@
des secrets Chimiques. 29
semble très subtile, & de difficile solution,
que l'humide radical à la vérité de
tous les mixtes, est incorruptible, & qu'il
demeure après leur mort & destruction,
tout entier dans les masures de leur ruine.
L'on dit cependant qu'il manque ou se
diminue; d'autant que ses actions, vertus
& propriétés, manquent & diminuent
par l'assemblage & congrégation d'une
infinité d'excréments, & substances contraires
& étranges à cette substance vitale,
qui empêchée de faire ses fonctions
par l'apposition de son contraire, est dite
défaillante, morte, & éclipsée; bien
qu'en son intérieur & en soi-même elle
ne ressente aucune liaison, mais seulement
empêchement de faire ces fonctions,
& d'agir comme elle agissait auparavant.
De même qu'un diamant &
pierre précieuse barbouillés & embrenés
de quelque ordure & vilenie, ne jette
plus ses rayons éclatants & ses feux brillants;
mais lavée qu'elle est & nettoyée,
elle reprend son premier lustre & son naturel
éclat; ainsi cette substance vitale,
cette lumière naturelle, qui constitue
l'être en toutes choses par succession de
temps, petit à petit vient à contracter
quelque rouillure & excrément, qui
@
30 Livre premier
| vient de l'aliment ordinaire, & son pain
|
| quotidien, qu'elle est contrainte d'appeler
|
| pour sa pâture: Elle prend ce qui
|
| lui est homogène & semblable, & le reste
|
| elle le rejette par sa puissance & faculté
|
| expultrice: mais elle ne pouvant faire
|
| exactement ce triage & séparation du
|
| pur & de l'impur, petit à petit cet impur
|
| vient à croître; & lorsqu'il est grand, il
|
| empêche entièrement les actions de cette
|
| substance vitale, & par ainsi le mixte
|
| & l'individu où cela est, est sensé mort,
|
| & détruit: Ce néanmoins nous voyons
|
Comme | clairement que dans cette mort & cette
|
de la cor- | destruction, les rayons de la vie demeurent
|
ruption de | entiers & puissants, puisqu'elle a de coutume
|
l'un s'en- | de se remettre sur pieds, & derechef
|
gendre | faire paraître sa vertu & sa force
|
l'autre. | en renaissant; comme vrai Phoenix de
|
| ses cendres, & en faisant une seconde vie
|
| de sa mort. Ce qui a donné occasion au
|
| Génie de la Philosophie Scolastique
|
| d'établir cet Axiome; Corruptio unius est
|
| generatio Alterius.
|
| Et voilà comme l'humide radical, &
|
| les autres principes des choses naturelles,
|
| demeurent fermes & constants parmi
|
| la corruption & de destruction de leurs individus,
|
| sans jamais se détruire ni corrompre,
|
@
des secrets Chimiques. 31
mais seulement mêlés ou séparés, |
|
s'altèrent & s'ornent de diverses figures, |
|
qui est seulement se déguiser & prendre divers |
|
vêtements; & l'humide radical principalement, |
|
qui ferme & constant, paraît |
|
& se montre évidemment en son |
|
sel en la résolution des mixtes; duquel si |
|
l'on le veut séparer, & le montrer super- |
|
abondant à ces deux autres principes, |
|
soufre & sel, & paraître en liqueur, |
|
portant le nom d'humide radical ou de |
|
mercure de vie, il ne faut que le mettre |
|
dans une cornue bien lutée, & à force de |
|
feu tirer cet esprit volatil qui réside dans |
|
le sel, accompagné d'un humide éthéré |
|
vital; car c'est lui seul qui est appelé | D'où
|
humide radical, & mercure de vie en | vient ce
|
toutes choses. Il est appelé humide radical, | mot d'humide
|
parce que véritablement il est humide | radical, &
|
& radical; d'autant qu'il est principe & | pourquoi il
|
racine de toutes choses, avec les autres | est appelé
|
deux principes, soufre & sel, qui sont | Mercure.
|
toujours insinués radicalement en cet |
|
humide. Et il est appelé Mercure, d'autant |
|
que cette Planète, comme ont remarqué |
|
tous les Astrologues anciens & |
|
modernes, a outre & par-dessus sa vertu |
|
particulière, de produire cet humide radical |
|
en toutes choses, & le conserver |
|
@
32 Livre premier
particulièrement il a encore ce don &
cette vertu de son Créateur, qui conjoint
avec le Soleil; il est Soleil, & a les vertus
solaires, conjointement avec Saturne, & a
les vertus de Saturne, & infuse comme
lui; avec Mars comme Mars, & ainsi des
autres. Cet humide radical pareillement,
outre & pardessus toutes ces choses, il
produit, conserve & augmente l'humide
radical particulier de toutes choses: En
un poirier, il est poirier; dans un chou, il
est chou; en l'or, il est or; au plomb, il est
plomb; tellement qu'en tout & par tout,
il suit les propriétés & vertus de la Planète
de Mercure, & partant les Chimiques
ont eu droit & juste raison de l'appeler
Mercure.
DV
@
des secrets Chimiques. 33
----------------------------------------
D U S E L C E N T R A L
principe radical de toutes choses.
Chapitre VI.
Ous les Philosophes | Pourquoi
|
Chimiques anciens ont | le principe
|
parlé manifestement du | du Sel a
|
soufre & du mercure | été caché
|
principes radicaux de | des anciens.
|
toutes choses, mais il y |
|
en a fort peu qui aient parlé du Sel radical, |
|
qui est aussi principe de toutes choses; |
|
c'est qu'ils estimaient qu'en la manifestation |
|
de ce principe toute la nature |
|
était découverte, & qu'en déclarant |
|
son essence l'on mettrait à nu toute la |
|
nature. Voilà pourquoi ce trois fois |
|
Grand Hermès a dit: In Sole & Sale naturae |
|
sunt omnia; tellement qu'ils cachaient |
|
tant qu'ils pouvaient ce principe de toutes |
|
choses; & lorsqu'ils étaient contraints |
|
d'en dire quelque chose c'était |
|
superficiellement, en ne faisant qu'effleurer |
|
leurs fleurs de cette connaissance, |
|
pour témoigner qu'ils en avaient l'intelligence, |
|
& que s'ils cachaient cette |
|
C |
|
@
34 Livre premier
| doctrine c'était afin de ne permettre pas
|
| à tout le monde indifféremment l'entrée
|
| de cette divine science; Car à la vérité
|
| l'anatomie du Sel est si haute & si relevée,
|
| que quiconque la sait dûment faire,
|
| & unir toutes ses parties intégrantes qui
|
Qu'est- | le composent, il verra en vérité que c'est
|
que Sel? | le siège fondamental de toute la nature
|
| en général & en particulier, que c'est le
|
| point & le centre où toutes les vertus &
|
| propriétés célestes & élémentaires aboutissent
|
| & se terminent, & que de là l'on
|
| peut former & constituer sa vraie définition
|
| en cette forme. Le sel central de
|
| toutes choses est leur principe radical &
|
| séminal, qui enferme en soi le feu naturel
|
| ou soufre vital, l'humide radical
|
| ou mercure de vie avec toutes les vertus
|
| Célestes & Elémentaires; & est par ainsi
|
| l'abrégé de toute la nature pour constituer
|
| un petit monde dans chaque individu,
|
| où il est enfermé comme principe de
|
| corporification, & qui est le noeud & le
|
| lien des autres deux principes soufre &
|
| mercure & leur donne corps, & par ainsi
|
| les fait paraître visiblement aux yeux
|
| d'un chacun.
|
| Le Sel duquel je parle n'est point le
|
| sel commun & marin, ou le salpêtre qui
|
@
des secrets Chimiques. 35
se trouve universellement épandu & |
|
infus par toute la terre, bien que ceux- |
|
ci en aient une grande quantité du |
|
sel susdit; comme les autres mixtes en |
|
ont, chacun en a sa part; & nulle des choses |
|
naturelles, quelles qu'elles soient, ne |
|
peuvent subsister sans icelui; car c'est lui |
|
qui les fait subsister, lui manquant c'est- | Quand le
|
à-dire étant empêché de produire ses | sel manque
|
actions, il faut nécessairement que le | tout manque.
|
mixte & l'individu où cet empêchement |
|
se trouve, se dissolve & se détruise |
|
en ses principes pour se dépêtrer des excréments |
|
ou autres choses étranges, qui |
|
empêchent l'action & vertu de ses principes; |
|
& ainsi dépêtrés & démêlés de |
|
cette mixtion étrange, ils recommencent |
|
un nouveau mixte, en agissant de |
|
nouveau en cet individu nouvellement |
|
produit, jusques à ce qu'encore un coup |
|
ils soient empêchés par des nouveaux excréments |
|
qui sont contractés par l'aliment, |
|
qu'ils sont contraints d'attirer & |
|
d'appeler à soi pour se nourrir: Car ces |
|
principes, soufre, mercure, & sel, liés |
|
ensemble d'un noeud indissoluble & gordien, |
|
ont besoin d'aliment & nourriture, |
|
pour persister & se conserver dans les |
|
mixtes qu'ils produisent; or ces aliments |
|
C ij |
|
@
36 Livre premier
L'Aliment | sont excrémenteux, & la soixantième
|
pur est en | partie d'iceux n'est pas vrai aliment, tout
|
petite quan- | le reste est excrément qui ne peut être
|
tité. | dûment séparé par la faculté expultrice
|
| du mixte qui prend cet aliment. Tellement
|
| que par succession de temps ces
|
| excréments croissent & multiplient si fort
|
| qu'ils sont capables d'empêcher les
|
| actions vitales de ces principes, dont
|
| vient la mort & destruction du mixte, où
|
| cette multiplication d'excréments, &
|
| choses étranges de l'essence des principes
|
| vitaux, se trouve.
|
| Or comme ils ne peuvent demeurer
|
Comment | oisifs, d'autant qu'ils sont principes de
|
les mixtes | mouvement, ils convoquent à soi l'esprit
|
se dépêtrent | général du monde qui est de même essence;
|
de leurs ex- | & avec icelui ils se dépêtrent des
|
créments. | dits excréments; d'autant que l'esprit général
|
| du monde pénétrant toutes choses,
|
| tant pour les conserver & nourrir, que
|
| pour susciter des nouvelles générations
|
| & productions ès sujets & individus où
|
| les actions vitales cessent à cause des excréments
|
| super-abondants qui empêchent
|
| lesdites actions, & introduisent la mort
|
| qui n'est que la fin & le terme des actions
|
| vitales. Cet esprit général, dis-je, en pénétrant
|
| toutes choses trouvant son fils
|
@
des secrets Chimiques. 37
garrotté & privé de ces actions, il commence
à lui susciter de nouvelles forces
& à séparer ses ennemis, d'où s'ensuivent
les dissolutions & corruptions des corps
morts, & en cette dissolution & corruption,
qui se fait par la pénétration de
l'esprit général du monde, l'esprit particulier
de l'individu, qui se dissout &
pourrit en ces parties étranges & non essentielles,
vient à pousser une nouvelle
vie, semblable aucune fois en espèce à la
première, & aucune fois dissemblable,
selon les teintures, dons & vertus que
l'esprit général y aura introduites les premières,
au commencement de la dissolution:
car l'esprit général, comme nous
avons dit ci-devant, a en vertu & puissance
toutes les formes naturelles; tellement
qu'il en introduit celles auxquelles
il est plus disposé, tant extérieurement
qu'intérieurement, par la dissolution du
mixte, qui le plus souvent par sa forme
intérieure a beaucoup de pouvoir de disposer
l'esprit général à la forme même,
d'où vient que le grain de froment dissout
& pourri en terre engendre & produit
le froment, & autres fois non: car le
plus souvent l'ivraie s'en produit, & de
la vermine, & cela vient de la disposition
C iij
@
38 Livre premier
| que l'esprit général du monde y suscite,
|
| qui reçoit cette disposition des lieux particuliers
|
| où il se trouve, qui sont ses matrices,
|
| qui contiennent ses esprits particuliers
|
| à ses formes, qui s'introduisent en
|
| la génération des choses, outre & par
|
| dessus le voeu & l'intention, ou but de la
|
| semence en laquelle l'esprit général passe
|
| les actions vitales, & fait la génération
|
| & production.
|
En la Na- | Or toutes ces choses susdites ne pourraient
|
ture il y a | se faire en la Nature, si en icelle il
|
une matière | ne se trouvait une matière incorruptible,
|
incorrupti- | une substance permanente & fixe
|
ble, qui est | qui soit la base & fondement inébranlable
|
le fondement | des générations & productions de
|
des généra- | toutes choses. Tous les Philosophes, tant
|
tions. | anciens que modernes l'ont admise en la
|
| Nature, l'ont confessé par leurs écrits,
|
| & l'ont appelée d'un nom général, première
|
| & dernière matière de toutes choses:
|
| Car selon leurs axiomes, reçus dans
|
| les Ecoles: Quae sunt prima in compositione,
|
| sunt vltima in resolutione: & quae sunt
|
| vltima in resolutione, sunt prima in compositione,
|
| nous apprenons qu'il y a en la Nature
|
| une première & dernière matière de
|
| toutes choses, qui est le fondement de
|
@
des secrets Chimiques. 39
toutes les productions & générations naturelles. |
|
Les Philosophes Chimiques faisant | Qu'est-ce*
|
l'anatomie & résolution des mixtes naturels | que première
|
en leurs principes, ont trouvé que | & dernière
|
cette première & dernière matière de | matière.
|
toutes choses était un sel central & radical, |
|
qui en la résolution des mixtes se |
|
trouvait toujours la dernière matière en |
|
laquelle le mixte se résolvait, & partant |
|
qu'elle devait être la première aussi en |
|
laquelle la Nature commençait la génération |
|
& production de toutes choses. |
|
Et à la vérité elle y commence & finit, |
|
car les semences de toutes choses où la |
|
Nature commence la production ne |
|
sont que sel congelé, avec les plus subtiles | Les semences
|
parties des corps desquels sont les semences; | ne sont
|
la preuve en est évidente en la | que sel
|
conjecture certaine: Faites bouillir la | congelé.
|
semence, quelle qu'elle soit, vous la rendrez |
|
à l'instant stérile & du tout infertile, |
|
la raison en est, d'autant que cette vertu |
|
séminale consiste à un sel, qui se résout |
|
comme sel qu'il est, en l'eau bouillante, |
|
& toute sa vertu passe en icelle eau, & |
|
l'expérience nous le montre, car si de |
|
cette eau en laquelle auraient bouilli quelques |
|
semences vous en arrosez les plantes |
|
C iiij |
|
@
40 Livre premier
| qui jettent ces semences, elles en reviennent
|
| beaucoup plus fertiles & fécondes,
|
| & les semences mêmes trempées
|
| dans la même eau en laquelle auraient
|
| bouilli de semblables semences,
|
| pourvu qu'elles y trempent, cette eau
|
| étant froide, & qu'après avoir trempé
|
| quelque temps on les jette en terre propre
|
| à leur Nature, elles en sont au centuple
|
| plus fertiles & fécondes; car elles
|
| prennent les vertus séminales de toutes
|
| les autres qui ont bouilli en cette eau, &
|
| c'est ainsi mettre double & triple semence
|
| & vertu prolifique dans un même
|
| corps. Les ménagers ont ici beaucoup
|
| à apprendre; car de tous les grains pourris
|
| & gâtés qu'on est contraint de jeter,
|
| l'on en peut faire de frais, & l'extrait
|
| duquel les semblables semences arrosées
|
| qu'on doit semer & jeter en terre, récompensent
|
| la perte qu'on a faite par la
|
| pourriture des susdites semences, portant
|
| ce double & ce triple, qu'elles n'eussent
|
| fait si elles n'eussent été ainsi arrosées.
|
La Nature | Cela nous apprend & nous montre
|
commence | très clairement que la Nature commence
|
la généra- | la production de toutes choses par un
|
tion par | sel qu'elle a, central & radical, qui comprend
|
le sel. |
|
@
des secrets Chimiques. 41
en soi & enferme en son sein les |
|
autres deux principes naturels, qui sont |
|
le feu naturel, & son humide radical que |
|
nous appelons en Chimie Soufre & |
|
Mercure; d'autant que ces deux mixtes |
|
ont plus de rapport à ce feu naturel & à |
|
cet humide radical, que tous les autres |
|
mixtes de la Nature: Et ainsi du sel, lequel, |
|
bien qu'il représente plus que tout |
|
autre mixte naturel ce principe duquel |
|
nous parlons, n'est pas toutefois ce principe, |
|
mais un mixte composé comme les |
|
autres mixtes naturels, dans lequel gît |
|
ce sel principe de toutes choses comme |
|
dans les autres mixtes; & d'icelui non |
|
moins que des autres mixtes nous ne le | Le sel commun
|
pouvons tirer & extraire par l'artifice Chimique | n'est
|
qu'avec beaucoup de peine, & | point le sel
|
de sueur: Car d'avoir un sel tout plein de | principe.
|
feu naturel & vital, nullement corrosif, |
|
rempli d'humide radical vivifiant le dernier |
|
& premier aliment en toutes choses, |
|
c'est posséder un trésor plus grand qu'on |
|
ne pense, & préférable aux choses plus |
|
précieuses qu'on doit tirer d'une chose |
|
générale. |
|
@
42 Livre premier
----------------------------------------
D E S E L E M E N T S N A-
turels. Qu'est-ce qu'Elément?
| Chapitre VII.
|
|
|
Ce que | Out le monde pense connaître
|
nous voyons | les éléments, jusques
|
ès éléments | au plus ignorant paysan, il
|
n'est point | pense savoir que c'est, &
|
élément. | moi au contraire je trouve
|
| qu'il y a fort peu de personnes, mêmes
|
| entre les plus doctes, qui connaissent
|
| exactement la nature & l'essence des éléments;
|
| car ce que nous voyons, & ce que
|
| le vulgaire appelle éléments, ne sont
|
| point éléments, mais corps mixtes & élémentés,
|
| & fruits de ce qu'on doit appeler
|
| élément. Car si nous suivons l'opinion
|
| des Philosophes Scolastiques,
|
| qui nous veulent faire entendre que les
|
| éléments sont les substances premières
|
| desquelles toutes choses sont faites &
|
| composées, je ne vois pas, ni ne comprends
|
| en aucune façon comme le feu,
|
| l'air, l'eau & la terre que nous voyons &
|
@
des secrets Chimiques. 43
sentons puissent composer & faire la |
|
moindre chose du monde; car bien que |
|
toutes choses se fassent en eux, se produisent | Rien n'est
|
& se conservent, ce n'est pas | fait des
|
toutefois d'eux que ces choses se font, | éléments.
|
mais de quelque autre chose qui est en |
|
eux, qui est entièrement distincte & séparée |
|
de l'essence & nature des éléments. |
|
Celui serait digne de risée & moquerie |
|
qui dirait que l'homme se fait de la |
|
matrice de la femme, à cause qu'il s'y |
|
engendre & s'y produit, s'y nourrit & s'y |
|
conserve: Les éléments que nous voyons |
|
sont pareillement les matrices de |
|
toutes choses, car en iceux gît l'esprit |
|
général & séminal de toutes choses, qui |
|
est celui qui engendre & produit tout |
|
dans les éléments, & les éléments ne |
|
sont que le lieu & la matrice des productions | Les éléments
|
& générations, le reste n'est qu'esprit | sont les matrices
|
vital, ou excrément de cet esprit qui | des choses.
|
informe, actue, & les rend pleins de |
|
vie, autrement ce sont des corps sans vie, |
|
vains & inutiles, comme il est dit dans la |
|
sainte Ecriture: Car ce qui est dit de |
|
l'un des éléments, Terra erat inanis & vacua, |
|
comme nous avons dit ci-devant, |
|
s'entend aussi des autres éléments, lesquels |
|
étaient tous inutiles avant que le |
|
@
44 Livre premier
| Créateur de toutes choses y eût mis cet
|
| esprit de vie qui les vivifia tous.
|
| Les éléments, séparés de cet esprit vital,
|
| ne sont que des substances vides de
|
| force & puissance active, dans lesquelles
|
| Dieu infusa cet esprit de vie, qui est
|
| principe de mouvement & d'action, pour
|
| rendre toute la nature créée productrice
|
| & génératrice de toutes choses; & cet
|
L'esprit de | esprit de vie est tellement lié & attaché
|
vie qui est | à la substance des éléments, par une magie
|
ès éléments | & un lien incompréhensible qu'il est
|
compose | impossible de l'en séparer, ni se trouver
|
tout. | aucune partie élémentaire la plus petite
|
| qu'elle soit, qui ne soit remplie de cet
|
| esprit vital que nous avons ci-devant
|
| décrit.
|
| Ces quatre substances colonnes du
|
| monde qui furent créées du Dieu Tout-
|
Le feu n'est | puissant, selon l'opinion de quelques
|
que ciel, & | Philosophes Chimiques, sont le Ciel,
|
le ciel n'est | l'air, l'eau & la terre, car ils ne font point
|
que feu. | différence entre le feu & le ciel, le ciel
|
| n'étant que feu, & le feu n'étant que
|
| ciel.
|
| Il y a beaucoup de Chimiques, entre
|
| autres Lulle qui estime que Dieu
|
| créa les Eléments & cet esprit de vie qui
|
| les vivifie, & les rend pleins de vertu productive,
|
@
des secrets Chimiques. 45
& autres propriétés concernant |
|
la vie, tout en un instant, & que cet esprit | Des trois
|
fut le premier créé, en intention & | principe
|
en pensée divine, & non en temps; & | comme les
|
que du feu naturel de cet esprit les cieux | éléments
|
furent faits, & que de l'humide radical, | furent faits.
|
l'air & l'eau, & que du sel radical la terre |
|
fut faite; & ainsi cet esprit de vie donna |
|
le principe aux éléments par la puissance |
|
divine, qui les en sépara, & mêla à l'instant |
|
cet esprit dans ces corps, & les unit |
|
tellement ensemble qu'il est impossible |
|
de les en séparer par aucune industrie |
|
humaine. |
|
D'où il ne faut que nul des Alchimistes | Les éléments
|
se vante de pouvoir par l'artifice chimique | ne se peuvent
|
venir jamais à bout de pouvoir séparer, | séparer
|
ni les principes vitaux l'un d'avec | des
|
l'autre, ni les éléments de ses principes, | principes.
|
en telle façon qu'on puisse dire, voilà un |
|
soufre sans mercure & sans sel, voilà |
|
un mercure sans soufre & sel, & voilà |
|
un sel sans soufre & mercure, ni même |
|
venir à la séparation des dits principes |
|
conjoints & unis ensemble sans l'union |
|
des quatre éléments ensemble avec ces |
|
trois principes. Nous pouvons bien avoir |
|
une substance en laquelle le soufre & |
|
le feu prédominera, & sera apparent, |
|
@
46 Livre premier
mais tout le reste y sera conjoint, & néanmoins
caché: car quelle essence se
peut trouver dans tout l'artifice chimique
qui n'ait en soi les quatre éléments
& les trois principes, je ne crois pas qu'aucun
Philosophe Chimique le puisse soutenir;
car de dire que tous parlent de la
séparation des éléments, & qu'en écrivant
de cette séparation il faut que réellement
& de fait elle se puisse faire, ou
c'est en vain qu'ils en ont écrit. Je réponds
à cette objection, qu'à la vérité les
Philosophes Chimiques ont tous écrit
de la séparation des quatre éléments en
la dissolution des mixtes, c'est-à-dire des
substances qui représentent les quatre éléments;
comme par exemple, quand ils
séparent une substance oléagineuse dans
Plaute, ils disent avoir séparé le feu &
le soufre de la plante, & quand ils ont
séparé une substance éthérée spirituelle,
ils disent avoir séparé l'air & le mercure,
& quand ils séparent une substance
humide dans son intérieur, & sèche en
son extérieur, qu'elle se congèle au froid,
& se dissout en l'humide, ils disent avoir
séparé la terre & le sel de la plante, mais
tout est en chacune de ces parties séparées,
car en ce sel tous les quatre éléments
@
des secrets Chimiques. 47
y sont cachés, voire assez manifestés, &
tous les autres deux principes mercure
& soufre: Tellement qu'on peut dire
que les quatre éléments ne sont que les
trois principes divisés en quatre par l'Alchimie
divine, car de la plus pure subtile
partie des trois principes que nous appelons
humide radical du monde, le Ciel
en fut séparé; & de l'autre partie moins
subtile, l'air; & de l'autre partie encore
moins subtile que celle-ci, l'eau en fut
tirée; & de la plus crasse & solide matière,
la terre en fut procréée, & ainsi un fit
trois, & trois firent quatre, où gît toute
la perfection qu'on pourrait souhaiter,
car 1. 2. 3. 4. font 10. où tout finit & se
termine. Voilà ce qui est en général des
éléments, l'essence desquels se donnera
plus clairement à connaître en leurs
Chapitres suivants.
@
48 Livre premier
----------------------------------------
D U C I E L, P R E M I E R
élément naturel.
Chapitre VIII.
Ous apprenons par la
Philosophie Sainte &
Sacrée qui est dans l'Ecriture
sainte, que le
Ciel est un des premiers
éléments qui commencèrent
à paraître dans la Création du
monde: plusieurs Philosophes ne peuvent
admettre le Ciel entre les éléments,
d'autant, disent-ils qu'il est incorruptible
& inaltérable, & qu'il faut que tous
les éléments soient altérables & corruptibles
pour la composition & production
des mixtes naturels, en la production
desquels les éléments entrent. A quoi je
puis répondre, que le Ciel n'est point
incorruptible & inaltérable, car l'expérience
nous montre le contraire, parce
que jusques en la Sphère de Vénus nous
avons vu produire des Comètes & des
feux
@
des secrets Chimiques. 49
feux étranges: car en l'an 1618. cette |
|
grande comète chevelue qui parut par |
|
tout cet hémisphère au mois de Novembre |
|
& Décembre, & brûla durant tout |
|
cet espace de temps, nous donne assez |
|
suffisamment à connaître que le ciel |
|
n'est point incorruptible & inaltérable, |
|
puisque les générations des comètes s'y |
|
font; & même dans le Firmament ces |
|
étoiles nouvelles qui ont été remarquées |
|
par l'Antiquité près de Cassiopea, |
|
qui ont eu même & pareil mouvement |
|
que la Cassiopée, & six ou sept mois durant |
|
ont continué leur mouvement & | Le ciel est
|
leur lumière, & puis ont disparu, nous | corruptible.
|
donnent à connaître que le ciel est altérable |
|
en la production de ces météores & |
|
feux nouveaux. Je ne vois aucun inconvénient |
|
en la Nature pour faire entrer le |
|
ciel en la composition & production des |
|
mixtes, comme les autres éléments, |
|
l'air, l'eau & la terre y entrent bien, & |
|
partant ils ne dominent jamais, ni ne |
|
manquent en la Nature: Le ciel en peut |
|
bien faire de même, sans que pour les |
|
générations & productions des choses il |
|
puisse jamais faillir & manquer en la | Rien ne se
|
Nature. Car en icelle rien ne se peut, & | perd dans
|
ne va jamais dans l'abîme du néant, il | la Nature.
|
D |
|
@
50 Livre premier
appartient au Créateur seul de pouvoir
anéantir, comme de tirer du néant en la
lumière de l'être substantiel. Toutes
choses ne font que se mêler ensemble,
& s'altérer les unes aux autres & de
là paraître dans la lumière de l'être,
tantôt sous un vêtement, & tantôt
sous un autre; & ainsi paraissent diverses
formes & figures en la production
des choses, qui sont les ombres & les
corps où l'être des choses est caché; &
cet être ne nous peut être connu que
par l'anatomie de ces corps & ombres
qui le cachent: Voilà pourquoi ces Chapitres
précédent la démonstration de cet
artifice Chimique, afin qu'en la dissolution
des corps l'on ne prenne pas martres
pour renards, & une chose pour une autre,
il faut savoir & connaître ce qui
entre en la composition & production de
toutes choses. Or en toute la Nature il
n'y a que les quatre éléments & les trois
principes naturels, avec leurs excréments
& résidences qui constituent toute
la Nature en général & en particulier.
Partant, étant très nécessaire de connaître
ces choses, avant que d'en venir
à leur séparation, vous devez estimer
très importants les Chapitres particuliers
@
des secrets Chimiques. 51
de toutes ces choses pour vous manifester |
|
leur nature & leur essence. |
|
Le ciel donc que nous estimons un des | Qu'est-ce
|
premiers éléments qui entrent en la composition | que ciel?
|
des choses n'est que la partie |
|
plus subtile & lumineuse de soufre de |
|
vie, duquel Dieu créa le ciel au commencement |
|
du monde, & en icelui mit |
|
& colloqua en abondance la plus subtile |
|
& lumineuse partie de ce feu naturel, |
|
que nous appelons soufre de vie, pour |
|
la communiquer aux autres éléments, & |
|
l`infuser par ces rayons, & la départir également | Pourquoi
|
par ses divers mouvements; & | le ciel est
|
voilà pourquoi le ciel a des lumières & | plein de lumière
|
des mouvements, afin que par ses feux | et
|
perpétuels & son mouvement continuel | de mouvement.
|
il puisse communiquer ce feu vital que |
|
Dieu a enclos en lui en abondance. Partant |
|
quand vous verrez en la dissolution |
|
des mixtes naturels, une substance |
|
subtile, claire & limpide, remplie |
|
de feu naturel qui lui donne un éclat |
|
précieux rouge comme rubis, ou jaune |
|
comme jacinthes, dites assurément que |
|
c'est le ciel du mixte que vous avez résolu, |
|
conjoint avec son feu vital, qui |
|
constituait l'être & la vie du mixte, |
|
tellement qu'à juste raison les Médecins |
|
D ij |
|
@
52 Livre premier
| Spagyriques, quand ils ont une essence
|
| pure & nette, où prédomine cette partie
|
| de soufre de vie; ils l'appellent astre &
|
| ciel, à cause que c'est l'influence céleste
|
| avec cet esprit général de vie, qui s'est incorporé
|
| & individué dans ce mixte, duquel
|
| vous avez fait cette résolution.
|
| Tout l'espace depuis le ciel de la
|
| Lune jusques au premier mobile, n'est
|
| qu'un lieu rempli d'une quintessence de
|
| ce feu de vie, & feu naturel que Dieu a
|
| constitué en la suprême région du monde,
|
| & l'appelle ciel, dans lequel il a mis &
|
| constitué plusieurs luminaires, entre
|
| autres deux très grands; l'un pour présider
|
| au jour, appelé Soleil, & l'autre pour
|
| présider à la nuit, appelé Lune: Et ces
|
| deux grands luminaires sont plus particulièrement
|
| doués & remplis de ce feu
|
| de vie que les autres, principalement le
|
| Soleil, qui comme centre du globe céleste
|
Le Soleil | possède plus copieusement ce feu vital,
|
est plein de | que toute autre Planète; aussi le fait-
|
soufre | on source & fontaine de vie pour cette
|
de vie. | raison: & les Hébreux qui possèdent par
|
| leur langue les vraies étymologies énergiques
|
| des mots, l'appellent Semes, qui
|
| signifie en leur langue Ciel car Samain
|
| au pluriel signifie Cieux, comme si le Soleil
|
@
des secrets Chimiques. 53
entre toutes les Planètes méritait de
porter le nom de Ciel, à cause de la vie
abondante & copieuse qu'il enferme
dans son centre, qui lui donne le nom:
Assurément donc que le Ciel n'est autre
chose qu'une substance pure de l'esprit
général de vie, en laquelle prédomine le
soufre vital dudit esprit, qui lui donne
l'éclat & lumière vitale, par laquelle
elle infuse & inspire la vie, la fomente, la
nourrit & conserve en toutes choses, &
qu'en la résolution des mixtes qui se fait
par artifice chimique, ce qui se trouve
de tel, savoir pur & limpide, éclatant
comme une pierre précieuse, plein de
vertu & d'énergie très puissante pour
agir, nous le pouvons appeler Ciel, d'autant
que cet esprit général de vie, duquel
Dieu créa toutes choses étant partie du
ciel, & descendant du ciel pour former &
procréer les mixtes, est à juste raison appelé
ciel par emphase, bien qu'il ne soit
pas ciel à parler exactement; & pareillement
se trouvant fait mixte, il me semble
que les mixtes ainsi purifiés & exaltés à
ce degré de pureté, peuvent avec juste raison
être appelés Ciels, à cause du pareil
esprit de vie qui se trouve en eux, en plus
grande perfection & pureté, qu'avant
D iij
@
54 Livre premier
leur résolution. De cette conclusion nous
pouvons comprendre que le ciel n'est
pas une substance tellement simple &
homogène en sa composition, qu'elle
n'ait dans l'intérieur de sa substance
tour ce que possède l'esprit de vie qui lui
donne son être, voire même que les
autres éléments qui sont en lui: mais très
purs, puisque les autres éléments ne peuvent
être séparés dudit esprit général
de vie, qui ne peut être séparé du Ciel,
y ayant été infus & implanté par la Toute-puissance
Divine, aussi bien qu'aux
autres éléments pour remplir leur vide
& vacuité, comme l'on a démontré ci-
devant. Tellement que dans le ciel se
trouve un air céleste, une eau céleste, &
une terre céleste, avec les trois principes
de vie; le tout constituant le nombre
septénaire sacré, où tout est compris
& contenu. Et partant ce n'est pas une
chose extraordinaire, & contre le cours
naturel, de voir des générations dans le
ciel, puisque dans icelui toutes les causes
de la génération & production s'y
trouvent, qui sont les éléments, comme
matière; & cet esprit général de vie comme
forme, & agent principal de toute
génération.
@
des secrets Chimiques. 55
Toutefois nous n'entendons pas que |
|
d'ordinaire des plantes, des animaux & |
|
métaux puissent produire en cette suprême |
|
partie du monde; d'autant que |
|
outre les causes matérielles & formelles |
|
en la génération, il est nécessaire que le |
|
lieu & la matrice particulière, & propre à |
|
l'individu, s'y engendre. Or ces lieux suprêmes |
|
sont ineptes, & impropres à soutenir |
|
& fomenter les semences pesantes |
|
& corporelles, de toutes sortes de végétaux, |
|
animaux & minéraux. Si est-ce |
|
toutefois que l'histoire nous apprend, |
|
qu'on a vu pleuvoir du blé, des crapauds, |
|
chenilles, chattepelouses, papillons |
|
& autres animaux infects, & du fer |
|
& du cuivre pour nous assurer que dans |
|
le ciel même la production de toutes choses |
|
peut succéder par quelque cause extraordinaire, |
|
les semences des dites choses |
|
pouvant être portées par quelque | Dans le ciel
|
tourbillon violent jusques dans le ciel, & | toutes choses
|
à l'éclore tout à coup dans la lumière | peuvent être
|
de leur être, pour choir sur l'élément | engendrées. |
|
prédestiné à leur demeure; & ainsi nul |
|
élément n'est exclu, ni privé des générations; |
|
mais chacun a ses propres semences |
|
qu'il chérit & conserve, pour en |
|
produire des fruits, propres & convenables |
|
D iiij |
|
@
56 Livre premier
| à sa région & à sa Sphère. Le ciel a ses
|
| Etoiles, Planètes, Comètes & feux
|
| contre nature, qui nous produisent des
|
| fruits fort différents les uns des autres:
|
| Mais puisque depuis que le péché est entré
|
| au monde le bien est toujours mélangé
|
| parmi le mal, il nous faut patiemment
|
| supporter ce mal, pour jouir avec tranquillité
|
| du bien, qui est mélangé parmi
|
| ce mal. Dans mon Panchimicum je
|
| traiterai particulièrement & bien au
|
| long de tous ces fruits célestes; Et partant
|
| nous quitterons ici le ciel pour descendre
|
| dans l'air, & voir qu'est-ce qu'on
|
| estime de cet élément.
|
| ----------------------------------------
|
| D E L'A I R, S E C O N D
|
| élément des choses naturelles.
|
|
|
| Chapitre IX.
|
|
|
Le feu | Lusieurs d'entre les
|
commun | Philosophes seront grandement
|
n'est point | étonnés, & quasi
|
élément. | ébahis qu'il m'a pris
|
| la fantaisie d'exclure le
|
| feu du calcul & du nombre
|
| des éléments, qui est visible, sensible,
|
@
des secrets Chimiques. 57
& apparent dans la masse du monde, aussi |
|
bien que l'air, l'eau & la terre: Ils quitteront |
|
s'il leur plaît leur étonnement, & |
|
cesseront de choquer cette opinion, |
|
quand ils méditeront avec moi, que le |
|
ciel duquel nous avons parlé ci-devant |
|
est le vrai feu naturel qui conserve, nourrit |
|
& produit toutes choses, comme tout |
|
vrai élément doit faire. Or le feu apparent |
|
& sensible dans la masse du monde, qui |
|
paraît dans nos fournaises & brasiers, |
|
dans nos foyers & flambeaux, dans nos lampes |
|
& chandelles, est un feu dévorant, consumant, |
|
détruisant plutôt que conservant, |
|
nourrissant & produisant: Et partant |
|
il ne peut être élément en aucune |
|
façon, car ce qui est principe de vie ne |
|
peut être jamais principe de mort; desquels |
|
principes nous parlerons en leur lieu |
|
comme diamétralement contraires aux | La vie
|
principes de vie, & provenant d'une source | vient de
|
entièrement différente: car les uns sont | Dieu, & la
|
venus immédiatement de Dieu, qui est | mort vient
|
la vraie & unique source de vie; & les | du péché.
|
autres sont venus du péché, & de la transgression |
|
de la volonté Divine, qui est | Pourquoi
|
avec Dieu diamétralement contraire. | le feu n'est
|
Le feu donc apparent & sensible dans | point élément.
|
nos brasiers, ne peut être élément & |
|
@
58 Livre premier
| principe de vie, puisqu'il est évidemment
|
| principe de mort, & qu'il dévore,
|
| détruit & consume toutes choses: je
|
| m'assure que ces petits raisonnements
|
| seront assez forts & puissants pour faire
|
| ôter d'étonnement tous ceux qui ont
|
| jusqu'à présent colloqué entre les éléments,
|
| ce messager de mort, & le vrai
|
| enfer des choses naturelles. En son Chapitre
|
| particulier nous en dirons à mon
|
| avis choses qui contenteront un chacun,
|
| pour reprendre à présent l'élément de
|
| l'air, & en montrer l'anatomie, pour
|
| faire voir à tout le monde ce qu'il a dans
|
| son ventre, & dans son intérieur.
|
Qu'est-ce | L'air donc, second élément des choses
|
que l'air? | naturelles, est une substance subtile, pénétrante,
|
| qui occupe tout l'espace du
|
| monde, qui est depuis le ciel jusques au
|
| globe de l'eau & de la terre. Il pénètre
|
| encore ces deux solides éléments, & s'insinue
|
| dans leurs pores, pour porter l'esprit
|
| général de vie, en toutes les parties de
|
| leurs solides masses: Il a été créé de la
|
| toute-puissante main Divine, de cet Esprit
|
| de vie, duquel toutes choses ont été
|
| faites, & principalement de cette partie
|
| que nous avons ci-devant écrite, & appelée
|
| humide radical du monde & mercure
|
@
des secrets Chimiques. 59
de vie: car si nous devons croire |
|
Hermès Trismégiste en son Pymandre, | L'air de
|
nous assurerons & écrirons hardiment | quoi a-t-il
|
que toute cette vaste campagne d'air, | été fait?
|
n'est que la plus subtile partie de l'humide |
|
radical du monde, ornée & assortie de |
|
diverses qualités suivant les diverses régions, |
|
& les diverses saisons de l'année, |
|
qui font pressentir en elle tantôt chaud, |
|
tantôt froid, & tantôt humide. Et si |
|
nous avons soutenu & démontré ci- |
|
dessus que le ciel est la plus subtile partie |
|
du feu naturel, & son pur esprit que nous |
|
appelons soufre de vie, qui est la première |
|
& principale partie du mercure de |
|
vie, ou esprit général du monde, il faut |
|
pareillement soutenir que l'air qui est |
|
moins pur que le ciel, & qui n'est élevé |
|
à tel degré de pureté & subtilité, a beaucoup |
|
moins de feu & de ce soufre de vie |
|
que le ciel; & partant qu'il tient plus du |
|
pur, de l'humide radical du monde, & de |
|
ce baume de vie, que tout autre élément; |
|
je dis du pur & du plus subtil de cet humide, |
|
à cause que l'eau en tient abondamment, |
|
mais il est plus crasse & épais |
|
que l'humide qui est en l'air, comme l'on |
|
verra en son Chapitre. De tout ce discours |
|
nous pouvons raccourcir sa définition, |
|
@
60 Livre premier
| & dire que l'air est un élément qui
|
Définition | a pris son origine & sa source de la plus
|
de l'air. | subtile partie de l'humide radical du
|
| monde que Dieu étendit depuis le ciel
|
| jusques à la superficie de l'eau, & lui donna
|
| encore ingrès & pénétration, jusques
|
| au plus profond de la terre pour y porter
|
| son esprit, qui premier lui donna son
|
| être, afin de pouvoir par ce moyen fournir
|
| ce qu'il faut à tant de générations, &
|
| productions des mixtes, qui se font tous
|
| les jours parmi ces éléments: il est toutefois
|
| vrai, certain & très véritable que ce
|
| qui pénètre ces solides éléments, n'est pas
|
| seulement air, mais son esprit qui lui
|
| donne cette pénétration, sans lequel il
|
| n'aurait aucune action, ni opération: car
|
| c'est de lui qu'il a & qu'il possède, & qu'il
|
| conserve toutes ses vertus & propriétés:
|
| hors de cet esprit, nous le pouvons avec
|
| juste raison appeler avec Virgile, Magnum in aue,
|
| grand vide: Mais aussi pourrait-on
|
| dire de même des autres éléments,
|
| car privés de cet esprit ils ne sont
|
| rien que des grands corps vastes, vides
|
| de toute vertu, propriété & action. Ce
|
| qui a occasionné Paracelse d'assurer que
|
| les éléments, voire le ciel, n'étaient que
|
| les lieux & matrices de cet esprit de vie,
|
@
des secrets Chimiques. 61
& que cet esprit ôté, ils n'étaient rien
qu'un abîme de vide, plein de ténèbres.
Hippocrate pareillement nous apprend
que tout dépend des puissances,
& forces naturelles
απο των Αηναμιον ωαντα
σινεδαι, dit-il, toutes choses sont engendrées
par les puissances: Or il appelle
puissances cet esprit qui est enclos dans
les éléments; & même dans l'homme, il
est appelé
Impetum faciens, comme principe
de force, vigueur & puissance. Or
que cet esprit duquel nous parlons ne
soit cette puissance que Hippocrate remarque
être en la Nature, il est facile à
conjecturer par cet Aphorisme, reçu
de tous les Médecins,
Natura morborum
curatrix; d'autant que ce qui guérit &
chasse les maladies, il faut que ce soit
quelque substance pleine de vertu & de
force: or il n'y a point en toute la Nature,
vertu plus puissante que cet esprit,
qui est même chose avec la Nature; &
partant est appelé par Hippocrate nature
& puissance d'icelle. Et le même
Hippocrate ayant remarqué que l'air est
rempli particulièrement de cet esprit,
puissance & vigueur de Nature, il appelle
cet esprit air, prenant le contenant
@
62 Livre premier
| pour le contenu: car la force & vigueur
|
| de l'air consiste en cet esprit, vrai nectar
|
| & restaurateur de toutes choses: Et c'est
|
| la raison pourquoi toutes choses qui ont
|
| être; tant minéral, végétal, qu'animal,
|
| ont besoin de nécessité nécessitante
|
| de l'air, pour la conservation de leur
|
| être; non pas que l'air simple, comme élément
|
| soit nécessaire à leur conservation;
|
| mais comme élément rempli de cet
|
| esprit qui est seul, la vraie & unique conservation
|
| de toutes choses, comme il est
|
| principe & commencement de leur
|
| être: car en tant qu'élément il n'est que
|
| véhicule de cet esprit, qui de soi est si
|
| simple & subtil, qu'il ne peut être communiqué
|
Les éléments | à nul des mixtes & individus
|
sont les vé- | élémentaires, que par les véhicules &
|
hicules de | moyens que Dieu a établis dans la Nature:
|
l'esprit de | Or ces véhicules sont quatre, le ciel est
|
vie. | le premier, qui par ses rayons & influences
|
| nous communique cet esprit de vie:
|
| l'air est le second véhicule qui moins
|
| subtil que les rayons & influences du
|
| ciel, nous communique encore en sa façon
|
| le même esprit: l'eau est le troisième
|
| véhicule qui nous départ pareillement
|
| cette quintessence de vie; & la terre est le
|
| dernier & quatrième moyen, par lequel
|
@
des secrets Chimiques. 63
nous recevons cette vertu qu'Aristote |
|
nomme Entéléchie, comme vertu & puissance |
|
de l'être. Et ainsi invisiblement & |
|
insensiblement cette vertu nous est départie |
|
selon la nécessité des différents |
|
êtres qui se trouvent dans l'enclos de ce |
|
vaste Univers: car les animaux pour entretenir |
|
leurs facultés & puissances supérieures |
|
à tous les autres, ont besoin |
|
d'un aliment très subtil, qui réponde à |
|
l'élément céleste, & aux influences des |
|
Etoiles & Planètes, & en être fomenté, |
|
nourri & conservé. Et les végétaux | Les divers
|
n'ayant leurs puissances & facultés vitales | mixtes de la
|
si subtiles & relevées que les animaux, | nature ont fait
|
n'ont aussi besoin d'un si sublime | la nécessité
|
aliment; & partant ils se contentent d'un | des quatre
|
esprit éthéré qui a plus d'air & d'eau que | éléments.
|
de ciel. Les minéraux pareillement plus |
|
grossiers que tous les autres, ont aussi |
|
besoin d'un aliment moins subtil que |
|
les animaux & végétaux, car ils ont |
|
un aliment où il y a plus d'eau & de terre |
|
que d'air & de ciel: Et ainsi la diversité |
|
des habitants du monde, semble avoir |
|
produit la diversité des aliments; car il |
|
faut qu'un chacun soit nourri & conservé, |
|
conformément à sa nature: Il est vrai |
|
toutefois que chaque individu, & tous |
|
@
64 Livre premier
| en général se produisent, se nourrissent, &
|
| se conservent d'une même chose, qui a
|
| tout en soi & qui se trouve en toutes; d'où
|
| les Chimiques ont dit: Omnia in omnibus:
|
| Toutefois les quatre éléments y sont toujours
|
| conjoints avec quelque différence,
|
| qui a sa dépendance du lieu où s'engendre,
|
| se nourrit & conserve le mixte; &
|
Pourquoi | voilà la raison pourquoi il y a quatre éléments
|
quatre élé- | en la Nature. S'il est permis, & si
|
ments. | l'on peut raisonner sur la volonté Divine,
|
| & chercher en icelle le fondement &
|
| raison de ces quatre diverses natures,
|
| pour nourrir & conserver, produire &
|
| engendrer, moyennant cet esprit qu'elles
|
| contiennent, tous les individus de ce
|
Comment | monde; Mais est-il possible, dira quelqu'un,
|
l'esprit gé- | que cet esprit homogène & semblable
|
néral nou- | en toutes ses parties, & unique en
|
rit tout. | substance, puisse servir d'aliment à tant
|
| & tant de choses différentes & diverses,
|
| qu'il y a en toute la Nature: Oui, répondrons-nous,
|
| parce qu'en cet esprit toutes
|
| les formes naturelles sont encloses, en
|
| puissance & vertu; le lieu seulement qui
|
| lui sert de matrice tire & pousse dehors
|
| en acte, & dans la lumière de l'être la
|
| forme particulière qu'il demande, comme
|
| par exemple, le pommier, le poirier,
|
| le
|
@
des secrets Chimiques. 65
le prunier, & ainsi des autres, attirant à |
|
eux cet esprit pour leur servir d'aliment; |
|
cet esprit s'insinue en eux, & prend la forme |
|
particulière & individuelle du lieu & |
|
de la matrice où il entre; & ainsi sert d'aliment |
|
au pommier, poirier & prunier, |
|
& se fait semblable à eux, & tire de sa |
|
puissance la forme qu'ils demandent. |
|
Les quatre éléments ne servent que de | Les éléments
|
véhicule & de menstrue, s'il faut ainsi | à quoi servent-ils.
|
parler, pour produire, nourrir & conserver |
|
toutes choses: comme nous verrons |
|
particulièrement au chapitre suivant. |
|
---------------------------------------- |
|
D E L'E A U, T R O I S I E M E |
|
Elément. |
|
|
|
Chapitre X. |
|
|
|
Lusieurs d'entre les Philosophes | L'eau premier
|
anciens, nous ont | élément.
|
laissé par écrit que l'eau a été |
|
le premier élément qui a paru |
|
à la Création du monde. Les Cabalistes |
|
Hébreux sont de cette opinion, car il |
|
semble même que par leur langue, que |
|
les Cieux ne sont qu'une eau étendue & |
|
sublimée en la suprême région du monde: |
|
E |
|
@
66 Livre premier
car מים c'est eau, & שמים c'est le
Ciel: comme voulant dire que le Ciel
n'est qu'une eau sublimée; & la terre
n'est que la plus grossière partie de l'eau.
Tellement que si la plus subtile partie de
l'eau est sublimée en haut, & a constitué
l'air & les Cieux; & la plus crasse & grossière
partie est descendue en bas, & a
constitué l'eau & la terre: ils ont très
juste raison de nous assurer que l'eau est
le premier élément du monde.
Mais je crois que sous ces discours des
anciens Philosophes & Cabalistes Hébreux
nous pouvons soutenir & éclaircir
notre opinion ci-devant écrite: savoir
que le monde & toutes choses qui
sont en icelui, ont été faites de l'esprit
général du monde, par la Toute-puissante
main du Souverain Créateur, qui
dans l'instance de la Création du monde,
tira de l'abîme du néant cet esprit
de vie, qui dans son vide comprenait
toute la multitude des espèces mondaines;
qui par la puissance Divine furent
dans le même instant tirés hors l'abîme
de la nuit & de l'ombre, dans la lumière
de l'être. Or cet esprit général
du monde qui fut créé au commencement,
ne pouvait paraître sous autre
@
des secrets Chimiques. 67
forme & signe, que sous celle qui paraît |
|
présentement lorsqu'on le rend visible |
|
& palpable aux sens des vrais & légitimes |
|
enfants d'Apollon. Tous nous assurent | L'esprit
|
que cet esprit paraît sous la forme | du monde n'est
|
de l'eau; tellement que cette Philosophie | que eau.
|
qui nous assure que l'eau fut la |
|
première chose qui donna l'être à tout |
|
cet Univers, ne contrarie en aucune façon |
|
à la Philosophie Chimique, qui nous |
|
dicte que ce fut l'esprit général du monde, |
|
qui n'étant autre chose qu'une eau |
|
pleine de vie, de force, vigueur & puissance |
|
de l'être, en général de toutes choses, |
|
nous peut faire comprendre que cette |
|
Philosophie Cabalistique, n'est nullement |
|
rêverie; mais pure & bien relevée |
|
sagesse. Et qu'ainsi ne soit, n'est-il pas |
|
vrai que tous les Philosophes, tant |
|
anciens que modernes, avec tous les |
|
Théologiens & Médecins, sont d'accord |
|
d'une première matière, qui par création |
|
Divine, donna commencement à toutes |
|
choses; & que cette matière première, |
|
où toutes choses étaient en puissance, & |
|
comme dans les ténèbres d'un abîme, & |
|
dans le confus mélange d'un chaos sans |
|
aucune distinction, ne pouvait être que |
|
sous la forme & figure de l'eau; puisque |
|
E ij |
|
@
68 Livre premier
encore en la résolution des mixtes, nous
ne trouvons qu'une eau grossière & épaisse,
congelée & condensée en sel, qui
se résout facilement en eau, tant de soi-
même, exposé à l'air, que par la violence
du feu, en la distillation & même, en la
fusion qu'il a, à force de feu il nous représente
toujours la forme & l'image de
l'eau. Puisqu'ainsi est, que la dernière
matière en laquelle par l'artifice Chimique
toutes choses sont résolues, est une
eau; n'aura-t-on raison de soutenir que la
première matière de toutes choses a été
l'eau, par l'axiome Péripatétique reçu
dans toutes les choses: Quae sunt ultima
in resolutione, sunt prima in compositione.
Il me semble qu'il n'en faut nullement
douter, mais seulement il est permis
de rechercher & s'enquérir, si cette
eau qui donna l'être à toutes choses,
était une eau simple & élémentaire, celle
que nous voulons décrire en ce Chapitre.
Nous prétendons démontrer l'eau
comme élément simple, dénué de ce
principe de vie; & partant cette eau qui
donna Commencement à toutes choses,
ne pouvait être telle: car il fallait bien
qu'elle eût avec elle ce principe de vie,
puisqu'elle le départit à toutes les choses
@
des secrets Chimiques. 69
créées: car tout étant plein de vie, il |
|
faut bien que son principe en fût aussi |
|
pourvu. L'élément donc que nous |
|
voyons dans les fontaines, dans les rivières |
|
& dans la mer, dirons-nous que c'est |
|
le premier élément, puisqu'il est rempli |
|
de cet esprit de vie, & qu'il contient en |
|
soi ce sel central qui est la base & le fondement |
|
de cette vie, bien qu'il soit tel, |
|
nous ne le pouvons colloquer le premier |
|
élément: car le ciel & l'air sont beaucoup |
|
plus nobles, & beaucoup plus purs que |
|
l'eau, & ont tout ce qu'il a, & tout autant |
|
de cet esprit de vie qu'il peut avoir, est |
|
beaucoup plus pur; & partant mérite la |
|
primauté en l'ordre de Nature, comme |
|
aussi ont-ils obtenu un siège & lieu plus |
|
relevé & sublimé que l'eau. |
|
Nous dirons donc que c'est le troisième | Qu'est-ce
|
élément que Dieu tira par création de la | que l'eau.
|
plus grossière partie de l'humide radical |
|
du mercure du monde, qu'ailleurs nous |
|
avons appelé esprit général de vie; & |
|
que dans icelui il infusa toutes les parties |
|
dudit esprit de vie, & lui donna son |
|
siège & demeure entre l'air & la terre; |
|
afin que les habitants de l'un & l'autre |
|
élément eussent par ce moyen facile |
|
accès à la jouissance de cet esprit de vie |
|
E iij |
|
@
70 Livre premier
| qu'il enferme dans son ventre: Et par
|
| ainsi c'est le troisième véhicule de cet
|
| esprit du monde, pour porter la vie naturelle
|
| par sa boisson à tous les vivants de
|
| l'Univers. Il fait & opère dans ce grand
|
| tout ce que le sang fait & opère dans les
|
| parfaits animaux. Nous voyons qu'il
|
| porte l'esprit nutritif à la substance alimenteuse
|
| par tout le corps, par le moyen
|
L'eau est | de ses veines qui sont comme les rivières,
|
dans la na- | les ruisseaux & fontaines dans le
|
ture comme | grand monde, qui vont arrosant tout le
|
le sang dans | grand corps de la terre, pour nourrir,
|
les corps. | croître & multiplier, conserver & maintenir
|
| tous les individus & mixtes qui s'y
|
| trouvent, donnant à un chacun, bien que
|
| différent l'un de l'autre, ce qui lui est
|
| propre & convenable à sa substance;
|
| comme le sang fournit au nerf, à l'os, à la
|
| chair, au cartilage, & à toutes les autres
|
| parties, bien que différentes l'une de
|
| l'autre, son propre & particulier aliment.
|
| Si l'on séparait du sang humain cet esprit
|
| nutritif, que les Médecins ont accoutumé
|
| de nommer naturel, le sang ne
|
| pourrait, ni ne saurait nourrir en aucune
|
| façon, mais serait au corps humain, &
|
| à tous les autres animaux un suc inutile à
|
| la vie, comme aussi par expérience nous
|
@
des secrets Chimiques. 71
voyons arriver, qu'après que les parties |
|
se sont appropriées, cet esprit de vie qui |
|
réside dans le sang, qui seul est le vrai |
|
& unique aliment, ils rejettent le reste |
|
de ce suc, & presque tout en urine & |
|
excréments aqueux & humides, comme |
|
inutiles à la vie; l'eau dans le grand |
|
monde en est de même, après qu'elle a |
|
porté & communiqué son esprit de vie |
|
qu'elle contient, elle se retire comme |
|
inutile, remplie de sel excrémenteux, |
|
que toutes sortes de mixtes rejettent à |
|
travers leurs pores, & les déposent dans | D'où vient
|
les éléments où ils sont produits, & où ils | la diversité
|
font leur demeure, d'où vient la grande | des sels
|
diversité des sels qui se trouvent & dans | en la nature.
|
la terre & dans l'eau, que la nature par |
|
sa vertu attractive amasse en quelques |
|
lieux, & en fait démonstration évidente, |
|
non pas que je veuille dire que la |
|
Nature n'ait d'autre moyen séminal & |
|
radical pour produire toute la diversité |
|
des sels qu'on se peut imaginer; outre |
|
& par-dessus ce sel excrémenteux des |
|
mixtes qui se trouvent & dans l'eau & |
|
dans la terre; car ceux-ci peuvent multiplier, |
|
& de vrai multiplient ceux que |
|
la Nature produit; car nous voyons par |
|
expérience que les pissats de tous les animaux |
|
E iiij |
|
@
72 Livre premier
multiplient le salpêtre naturel
qui se trouve dans la terre, d'où vient
que dans les écuries & étables de toutes
sortes d'animaux, à cause de leurs pissats
qui sont tous pleins de sel excrémenteux,
le salpêtre y est plus abondant
& copieux qu'en tout autre lieu: La même
chose arrive dans les Cimetières
couverts, où la pluie ne donne point,
& dans les Eglises & Cloîtres d'icelles
où l'on a accoutumé d'ensevelir les
corps humains, qui venants à se dissoudre
en leur dernière matière, il se trouve
en cette dissolution quantité de sel, qui
vient à se joindre à celui qui est naturel,
dans le lieu où les corps se pourrissent,
& par ainsi ce sel vient à croître & multiplier
plus abondamment en ces lieux
qu'en tout autre, où aucune pourriture
d'aucun mixte ne se fait.
Il est certain qu'en ces deux éléments
du globe intérieur, il se fait plus de dissolutions
& putréfactions qu'en tout
autre; car combien de mixtes & d'individus
se pourrissent & détruisent dedans
l'eau, & dans la terre? il s'y en détruit
tout autant, je crois, comme il s'y en
produit; & le sel radical de tous ces mixtes,
qui dans leurs putréfactions & altérations
@
des secrets Chimiques. 73
se dissolvent en leur première |
|
matière, & en leur sel radical, demeure |
|
& dans la terre & dans l'eau, sur laquelle |
|
le Soleil depuis la Création du monde, |
|
ayant agi & dardé ses rayons continuels, |
|
a fait paraître évidemment |
|
manifestement le sel caché au ventre de |
|
la Nature, non qu'il l'ait produit & engendré | Le sel dans
|
par la réflexion violente de ses | la Mer n'est
|
rayons, qui produisent par accident un | produit par
|
chaud très violent, brûlant & calcinant | le Soleil.
|
toutes choses, & de là engendrant le sel, |
|
comme partie plus subtile du sujet, qui |
|
est brûlé & calciné, selon l'opinion de |
|
quelques-uns de la commune Ecole; |
|
mais au contraire les rayons par leur violente |
|
réflexion, ne pouvant brûler & |
|
calciner le sel, d'autant qu'il est inaltérable |
|
par le feu, & incorruptible en soi- |
|
même, calcine, brûle, détruit & consume |
|
tout le reste, qui n'est de la nature |
|
du sel, & partant il est facile que le sel |
|
qui était invisiblement infus & mélangé |
|
par toutes les parties élémentaires |
|
de l'eau, paraît & se manifeste, lorsque |
|
les parties qui le tenaient caché, sont détruites |
|
& consumées. | Le sel dans
|
Quelques-uns estiment que le sel dans | la Mer est
|
la Mer, est par accident, & non naturel | naturel.
|
@
74 Livre premier
& radical, mais si ceux-ci posent ces
raisonnements susdits, ils trouveront que
le sel est naturellement implanté dans
l'élément de l'eau & non par accident;
par le moyen du Soleil qui calcine
& brûle la superficie de l'eau, toutes
choses, tant en général qu'en particulier,
ont un sel, racine de l'esprit de vie qui est
en elle. Si tous les individus en sont
pourvus, & que leur être dépende des
éléments, par le moyen de cet esprit de
vie, qui est en eux, il faut qu'en tous les
éléments se trouve ce sel, qui est la racine
& la partie matérielle de cet esprit de
vie; Et encore, puisque tous éléments
ont été tirés & créés de cet esprit de vie,
il faut de nécessité qu'il leur ait communiqué
tout ce qu'il a. Ayant donc le
sel avec lui, il faut qu'il le leur ait
communiqué. Il se trouvera donc dans
le Ciel, dedans l'air, & plus matériellement
dedans l'eau, & dans la terre,
non comme chose accidentellement advenue
en leur essence, mais comme
partie vraiment substantielle de leur
être, que si toutes les eaux ne sont pas
salées comme celle de la Mer, nous ne
dirons pourtant que le sel ne soit en elles,
peu ou prou, mais non pas si évident
& si apparent qu'en celle de la Mer;
@
des secrets Chimiques. 75
car évaporant les eaux les plus douces,
plus claires & limpides des plus belles
fontaines de la terre, enfin l'on trouve ès
résidences qu'elles laissent du vrai sel;
partant il faut dire qu'en toute eau il y
a du sel, peu ou prou, essentiel & radical,
& non accidentel.
L'eau de la mer en est plus pourvue
en abondance que toutes autres, d'autant
que c'est la source des eaux, & c'est
celle qui doit communiquer la vertu nutritive
à toutes les autres, par le moyen
de cet esprit de vie; dont la partie radicale
& essentielle est sel: Et si l'eau des
fontaines & rivières n'est en apparence
salée, & est privée de l'abondance du sel
qui est en la mer, c'est que l'eau de la mer
s'insinuant dans les pores de la terre, tant
de nombres presque infinis d'individus
& de mixtes qui se produisent dans la
terre, attirent à soi ce sel pour leur aliment,
& même il est employé en leur
production; tellement que petit à petit
l'eau se dépouille de son sel naturel qu'il
possédait en abondance, & n'en retient
que celui qui lui est nécessaire pour la
conservation de son être, qui n'est point
apparent comme en la mer: Et ainsi cette
eau qui sort de la terre, douce & exempte
@
76 Livre premier
| de toute violente & piquante saveur, s'approche
|
| plus de la nature de l'eau simple
|
| & élémentaire que toute autre; car elle
|
| n'a pas beaucoup de cet esprit nutritif &
|
| alimenteux, parce qu'elle la laisse dans
|
| les pores de la terre avec la substance du
|
Compa- | sel, duquel elle s'est dépouillée. Ainsi le
|
raison du | phlegme doux que nous rejetons par la
|
phlegme salé | bouche & par le nez, représente l'eau
|
avec l'eau | des rivières & fontaines minées, ou pour
|
de la mer. | le moins amoindries de sa substance du
|
| sel; il y a bien du phlegme qui est salé &
|
| piquant, il y a aussi des fontaines salées &
|
| qui ne laissent pas le sel que la Nature y
|
| a mis, comme le phlegme qui se sépare
|
| de la masse du sang, qui est abondant en
|
| sel, ne se peut exactement en tous sujets
|
| séparer dudit sel, qu'il n'en ait & n'en
|
| retienne quelque chose, de l'abondance
|
| de la source de laquelle il provient; il ne
|
| laisse pourtant, bien qu'en plusieurs sujets
|
| il paraisse doux, & entièrement privé
|
| du sel, d'en avoir sa provision; car
|
| rien du monde ne peut être exempt de
|
| ce principe, ni des autres deux qui sont
|
| conjoints avec lui, & moins des éléments
|
| qui sont aussi conjoints avec ces
|
| trois principes; Tellement qu'en toutes
|
| choses il se trouve que sept ont concouru
|
@
des secrets Chimiques. 77
à produire & constituer une seule & unique |
|
chose qui résulte de la mixtion d'icelles: | En toutes
|
savoir les trois principes, Sel, | choses sept
|
Soufre & Mercure, & les quatre éléments, | concourent à la
|
le Ciel, l'Air, l'Eau & la Terre, | génération,
|
& cependant selon la vérité pure de la | savoir les
|
vraie & vitale Philosophie, ces sept ne | trois principes
|
sont qu'un; car comme j'ai prouvé & démontré | & les quatre éléments.
|
ci-devant, les trois principes ne |
|
constituent qu'une chose, & une substance, |
|
que nous appelons Mercure de vie, |
|
Esprit de vie, Baume de vie; car elle a |
|
une infinité de noms, mais elle n'est |
|
qu'une seule substance; de laquelle les |
|
quatre éléments ayant été faits & créés, |
|
& n'étant rien plus que ces trois principes, |
|
il est très vrai que tous ces sept ne |
|
font qu'un, d'où est sorti ce fameux |
|
axiome: Omnia ab vno, & in vnum | Sept ne
|
omnia. | font qu'un.
|
Il ne faut donc douter que notre eau |
|
élémentaire, & tout ce qui est en elle ne |
|
soit sortie de ce principe, & principalement |
|
de la plus grossière & crasse partie |
|
de son humide, avec le plus pur & subtil |
|
de son sel qui enferme toujours la plus |
|
crasse partie de son soufre, ou son feu |
|
naturel; & voilà comment les trois principes |
|
concourent à la production de l'élément |
|
@
78 Livre premier
que nous traitons en ce Chapitre:
Et tous les jours l'on peut voir cette
production en la même façon que je la
décris, si les yeux des sages & légitimes
enfants de Minerve, ne sont couverts de
si grossières taies, que ce que les aveugles
mêmes peuvent comprendre par
leur attouchement, ils ne le peuvent
voir de leurs yeux: N'est-il pas vrai que
la tortue calcinée est tout sel calciné à
force de feu, qui lui a fait perdre tout ce
qu'il avait de cet esprit de vie volatil
qu'il avait en soi; aussitôt qu'il est exposé
à l'air il attire à soi tout autant d'air
qu'il peut, afin de recouvrer cet esprit
qu'il a perdu; & cet esprit ainsi attiré &
encrassé par la substance du sel, l'humide
qui est caché, & occulte en cet esprit de
vie qui est épars dans l'air, paraît, & se
joignant avec la plus subtile partie du sel,
donne production à l'eau & l'engendre;
laquelle par distillation séparée du sel
qui la dissout, ne diffère en rien de l'eau
élémentaire.
Aux concavités de la terre, dans les
antres cachés des rochers marbrés, cet
esprit invisible caché dans le ventre de
l'air, cet humide radical qui le suit toujours
est inséparable de sa substance, se
@
des secrets Chimiques. 79
joignant avec l'humide de l'air qui en |
|
ces lieux souterrains est très manifeste, |
|
vient avec la plus pure partie de son sel | Comme
|
s'encrasser & se faire eau. Et ainsi l'on | l'esprit de
|
voit insensiblement dégoutter l'eau sur | vie produit
|
la superficie des marbres les plus froids, | l'élément
|
& produire de très belles fontaines, | de l'eau.
|
dont la source n'est autre que de cet |
|
esprit de vie qui est caché dedans l'air, |
|
qui produit & engendre, de la façon que |
|
j'ai dit ci-dessus, l'élément de l'eau, |
|
que les yeux de plusieurs, couverts de |
|
taies très grossières, ne peuvent ou ne |
|
veulent voir. |
|
---------------------------------------- |
|
D E L A T E R R E, Q U A- |
|
trième & dernier Elément. |
|
|
|
Chapitre XI. |
|
|
|
E quatrième & dernier | Tout semble,
|
Elément de cet Univers | être
|
est la Terre, centre du | fait pour
|
monde, auquel toutes | la Terre.
|
ses vertus & propriétés & |
|
puissances aboutissent: |
|
Et il semble que tous les autres éléments |
|
aient été créés pour raison de la terre, |
|
@
80 Livre premier
car tout ce qu'ils ont de plus exquis &
rare, tend au service d'icelle, lui doit
respect, obéissance & hommage. Le
Ciel court incessamment nuit & jour
pour lui fournir de lumière & d'esprit de
vie, pour la dépense de sa famille. L'air
de même est en perpétuel mouvement
pour la pénétrer jusques au plus profond
de ses parties, & lui fournir le même
esprit de vie. L'eau veille nuit & jour,
& ne repose jamais dans ses tuyaux pour
lui rendre le même office que les autres
éléments: Tellement qu'il est très certain
que tout travaille pour la terre, &
la terre pour ses enfants, comme mère
qu'elle est de toutes choses; il semble
même que l'esprit général du monde,
aime plus la terre que tout autre élément;
d'autant qu'il descend du plus
haut des Cieux où est son siège & son
Trône royal, parmi ses Palais azurés,
dorés, & émaillés d'une infinité de diamants
& escarboucles, pour habiter dans
les plus creux cachots, obscurs & humides
cavernes de la terre; & y prendre le
corps le plus vil & le plus méprisé de
tous les corps, qu'il sache produire dans
tout l'Univers, qui est le sel de la plus
crasse partie, duquel la Terre a été
formée,
@
des secrets Chimiques. 81
formée, selon l'opinion des Philosophes
Chimiques; à laquelle opinion la raison
& la vérité semble être plus conforme
qu'en tout autre.
Car s'il est vrai qu'il y a un esprit général
du monde, duquel tous les éléments
aient été extraits par la toute-
puissance Divine, il semble que les cieux
comme ayant occupé la supérieure partie
du monde, ont été formés de la
plus subtile & ignée partie dudit esprit,
& que la terre ayant occupé la plus basse
partie & le centre du monde, ait pareillement
été formée de la plus crasse &
pesante partie du dit esprit. Et si Dieu
au commencement de l'être de toutes
choses, tirant de l'abîme de cet esprit
l'être de tous les éléments, lui donna
encore cette vertu & propriété qui est
demeurée en lui, de produire toujours
les éléments, nous pouvons assurer
encore qu'à présent la terre & les autres
éléments s'en produisent: car nous
voyons tous les jours que de la plus subtile
partie, le feu naturel & vital s'en
produit, qui est la même chose que
l'élément des Astres & des Cieux, selon
l'opinion même d'Aristote en plusieurs
lieux, qui dit; Que le feu naturel & vital
F
@
82 Livre premier
| répond proportionnellement à la substance
|
| des astres: de la plus subtile partie
|
| de l'humide dudit esprit l'air vient à
|
| naître; & de la moins subtile dudit humide,
|
| l'eau; & de la plus crasse & pesante
|
| partie qui se trouve dans ledit esprit, la
|
Les élé- | terre vient à croître: & ainsi tous les
|
ments se | jours les éléments croissent & multiplient;
|
font tous | & d'iceux, par le moyen de cet
|
les jours de | esprit, toutes choses naissent, croissent &
|
l'esprit gé- | se perfectionnent, & par corruption se réduisent
|
néral. | à ce dont elles ont pris naissance;
|
| tellement que tout va multipliant dans le
|
| grand vaisseau du monde, dans lequel
|
| Dieu a enfermé cet esprit de vie, Architecte
|
| & producteur de toutes choses;
|
| dans lequel il a enclos & enfermé toutes
|
| les vertus en chaque espèce, de toutes les
|
| choses qu'il a voulues, qui sortissent en
|
| lumière dans ce vaste Univers.
|
Qu'est-ce | La terre donc, comme le plus infirme
|
que la ter- | & le plus bas élément, & le centre du
|
re? | monde, a la plus crasse & pesante partie
|
| de cet esprit, qui dans l'Ecole des Philosophes,
|
| & parmi les écrits d'Hermès
|
| Trismégiste, est appelée Epaisseur des
|
| Eléments; d'autant que la vertu séminale,
|
| productrice & germinatrice, qui est
|
| en tous les éléments, s'épaissit & s'encrasse
|
@
des secrets Chimiques. 83
dans la terre, & prend corps de sel, lequel
si vous l'anatomisez, vous trouverez
que c'est la vraie graisse de tous les éléments:
vous y trouverez le feu de vie, où
le ciel épaissi, l'air, l'eau & la terre, encrassés
& enfermés dans ledit corps du
sel, qui seul mérite de porter le nom
de graisse du monde & épaisseur des
éléments: Car il est vrai que le sel n'est
autre chose que les autres éléments encrassés
& épaissis en corps de sel: Et la
terre que nous voyons, & sur laquelle
nous marchons, si nous la considérons
privée de son sel radical qu'elle a avec
soi, elle n'est que la partie excrémenteuse
de son sel qui a avec soi tous les excréments
des autres éléments. Purifiez
le sel tant que vous voudrez par calcination,
solution, filtration & évaporation,
vous y trouverez de la vraie terre
semblable à celle que nous voyons; &
cette terre ainsi séparée du sel, si elle est
exposée au serein & au Soleil par plusieurs
jours elle vient petit à petit à se
remplir du même sel, duquel elle a été
tirée, & devient fertile & capable de
produire & éclore les semences qu'on
y jettera & sèmera; ce que toutefois elle
ne ferait au commencement, lorsqu'elle
F ij
@
84 Livre premier
| vient fraîchement à être séparée de
|
| son sel; car pour lors elle est très infertile
|
| & incapable de donner nourriture à la
|
| moindre semence naturelle: ce qui est
|
Le sel est | une expérience très assurée que la fertilité
|
la fertilité | de la terre dépend du sel qu'elle a
|
de la terre. | en soi, puisque privée d'icelui elle devient
|
| stérile & infertile.
|
| L'on me pourra objecter que par toutes
|
| les salines & lieux où le sel se fait, soit
|
| par artifice, ou par Nature, sont infertiles,
|
| à cause du sel seulement qui est abondant
|
| en ces lieux, & qui empêche par sa
|
| seule substance, âcre & brûlante la fertilité
|
| de la terre: outre que quand les
|
| Princes & grands Seigneurs veulent témoigner
|
| leur défaveur & colère sur
|
| quelque lieu où ils ont été offensés par
|
| les habitants des dits lieux, ils font abattre
|
| & raser tout, & y semer du sel, en signe
|
| de leur malédiction, colère & défaveur:
|
| car comme leur faveur & grâce
|
| remplit tout d'abondance & fertilité; ils
|
| veulent aussi que leur disgrâce & défaveur,
|
| remplissent tout d'infertilité & de
|
| malheur, dont le sel en ce cas est le vrai
|
| hiéroglyphe.
|
| Cette objection semble très forte,
|
| mais elle n'a que l'apparence de la vérité,
|
@
des secrets Chimiques. 85
prise & entendue comme il la faut |
|
entendre, elle confirme plutôt notre |
|
opinion qu'elle ne la détruit. Il est très |
|
vrai que le sel dans les lieux où il croît | Pourquoi
|
en abondance, soit par Nature, ou par | le sel rend
|
artifice, les rend stériles & infertiles, | les lieux où
|
à cause de soi-même, mais à cause qu'étant | il croît infertile.
|
abondant & copieux en ces lieux |
|
il attire à soi par sa vertu attractive |
|
tout le sel qui a la vertu germinative de |
|
la terre, & l'attirant ainsi & multipliant, |
|
il ne peut être employé à la production |
|
& nourriture d'autre chose que de soi- |
|
même. Un Prince pareillement, quand |
|
il est en colère & indigné contre quelque |
|
lieu, il ne communique rien à ce lieu; |
|
mais prend tout pour lui, & imite en cela |
|
le sel, qui super-abondant dans les lieux |
|
où il se produit, il ne veut pas qu'il y ait |
|
d'autres productions avec lui; mais attirant |
|
tout à soi, il rend le lieu infertile, |
|
pour le reste des autres individus; mais il |
|
est très fertile puisqu'il produit la cause |
|
de la fertilité, & se fait la source de toute |
|
abondance, & fontaine de vie: Et c'est |
|
l'ordinaire de toutes les semences naturelles, |
|
que dans le lieu où elles croissent, |
|
de ne produire rien autre chose qu'elles |
|
seules, mais après étant tirées d'elles-mêmes, |
|
F iij |
|
@
86 Livre premier
| & les corps où elles sont encloses
|
| étant pourris & détruits, elles produisent
|
| les individus auxquels elles sont
|
| destinées.
|
| Il en est de même du sel là où il se produit,
|
| il ne produit autre chose que lui-
|
| même, il emploie tout à sa perfection &
|
| production; mais lorsqu'il est dissous &
|
| vaincu il se change & se transforme en la
|
| chose qui le vainc & surmonte, & se fait
|
| son propre & dernier aliment, & par ainsi
|
| la produit; car la nourriture est une continuelle
|
| production, puisque nous sommes
|
| faits de la même chose que nous
|
| sommes nourris, & nous sommes nourris
|
| d'un sel doux qui se trouve en la dernière
|
| résolution de tous les aliments que
|
| nous prenons: Et la semence de laquelle
|
| immédiatement nous sommes faits n'est
|
| qu'un sel doux de la résolution du dernier
|
| aliment, qui est la quintessence &
|
| entéléchie de toutes les parties qui nous
|
La semen- | composent: Voilà pourquoi la semence
|
ce est l'a- | est l'abrégé de toute la force, propriété
|
brégé des | & vertu des corps où elle se trouve, &
|
forces na- | qu'elle a pouvoir de produire un semblable
|
turelles. | & plusieurs corps par la vertu multiplicative,
|
| naturellement en elle implantée:
|
| Car la semence étant homogène &
|
@
des secrets Chimiques. 87
semblable en toutes ses parties, & égale
par tout en ses forces & vertus, quand
elle vient à se diviser, chaque atome &
parcelle a la vertu de produire un corps
semblable à celui duquel elle a été
tirée; & ainsi la multitude des gémeaux
par une même & unique semence, ne
vient que de la division de la semence:
car tout autant de parcelles auxquelles la
semence sera actuellement divisée, seront
autant d'individus parfaits qui se
mettront en lumière hors l'abîme incompréhensible
de cette vertu séminale,
qui toujours a le corps du sel pour
asile volatil ou fixe, selon le jargon Chimique.
Le fixe nous rend manifeste la
terre, & le dernier élément dans lequel
il se rend visible & manifeste à tous les
sens corporels; dans les autres il est tellement
spirituel qu'il est entièrement invisible,
sauf à l'eau, où il est sensible par le
goût.
Voilà ce qui est des éléments & de la
terre, tous produits en corps pour le présent,
par le moyen de cet esprit vital
du monde, qui le remplit absolument
de vie, & tous les éléments par même
moyen comme parties principales du monde,
qui sont vivifiés par icelui afin de
F iiij
@
88 Livre premier
| pouvoir administrer la vie & nourriture
|
Toute la | convenable à tous leurs habitants. Otez
|
Nature n'est | cet esprit de vie des éléments, il ne restera
|
rien sans | dans l'Univers qu'un lieu vaste,
|
son esprit | plein de vide, sans lumière quelconque,
|
de vie. | plein de ténèbres & d'obscurité, siège de
|
| la mort, & le vrai abîme du néant; Car
|
| les éléments ne pourraient subsister l'essence,
|
| la source & la racine de leur être
|
| ne subsistant point: & le ciel & les éléments
|
| ôtez, la campagne de l'humide
|
| serait assez grande pour y chasser aux
|
| chimères; & en dernier lieu, pour bien
|
| comprendre qu'est-ce que nous appelons
|
| éléments, ce ne sont que les trois
|
| principes ci-dessus décrits, divisés en
|
| quatre parties; la plus subtile fait le Ciel
|
| & les feux célestes; l'autre moins subtile
|
| que celle-ci, fait l'air; & l'autre moins
|
| encore subtile que celle-ci, qui constitue
|
| l'air, fait l'eau; & la moins subtile de toutes
|
| & plus épaisse, fait la terre: & voilà
|
| comme tous les éléments sont conjoints
|
| avec les trois principes, & sont inséparables
|
| les uns des autres, comme nous
|
| avons dit ci-devant.
|
@
des secrets Chimiques. 89
----------------------------------------
D E S P R I N C I P E S D E
mort qui se trouvent dans la Nature.
Chapitre XII.
Ous les principes que |
|
nous avons décrits ci- | Les principes
|
devant, avec les quatre | & les
|
éléments, ne sont que | éléments ne
|
vie, où cet esprit vital | sont qu'esprit
|
étendu en quatre diverses | de vie.
|
régions de ce grand Univers, qui |
|
de soi ne peut, ni ne doit produire autre |
|
chose que vie, puisque toute son essence |
|
& substance n'est que pure vie: Toutefois |
|
nous voyons que dans ce grand Univers il |
|
y a tout autant de mort, qu'il y peut avoir |
|
de vie, & que tout balancé, la mort pèse |
|
bien autant que la vie. Nous avons ci-devant |
|
déclaré qu'est-ce que vie, & d'où elle |
|
a pris sa source, & qui est le sujet qui |
|
la contient & enferme dans son sein. Il |
|
reste maintenant à démontrer qu'est-ce |
|
que mort, & qui est le sujet qui la contient |
|
& l'enferme dans son centre. |
|
L'on tient dans les écoles que les |
|
contraires colloqués, l'un auprès de l'autre, |
|
@
90 Livre premier
| sont beaucoup plus éclatants, & se
|
| font plus à connaître qu'autrement;
|
| ainsi la mort étant mise auprès de la vie,
|
| & la vie près de la mort, comme choses
|
| contraires qu'elles sont, se donneront
|
| plus clairement à connaître, qu'en ne
|
| déclarant que l'une ou l'autre tant seulement:
|
| Et puisque ci-devant nous avons
|
| déclaré que la vie n'est autre chose que
|
| cet esprit général du monde, qui est une
|
| substance radicale, source de toutes choses,
|
| à laquelle nous pouvons donner une
|
| âme, un esprit & un corps, non pas que
|
| cette âme soit différente de cet esprit, ni
|
| de ce corps, ni qu'il y ait aucune différence
|
| entre ces trois, comme nous avons
|
| prouvé ci-devant: mais nous appelons
|
| âme ce feu vital, & esprit cet humide radical,
|
| & corps ce sel général & radical,
|
| qui lie cet esprit & cette âme, où ce feu
|
Qu'est-ce | avec son humide, & le tout n'est autre
|
que Natu- | chose que la Nature, qui n'est autre que
|
re? | cet esprit général du monde; & ainsi qui
|
| entend l'un, entend l'autre; & la vie n'est
|
Qu'est-ce | que la force, vigueur & vertu de cet esprit,
|
que vie? | & l'esprit même; car il n'y a rien de
|
| dissemblable en lui, mais est tout semblable
|
| en ses parties. Puis donc que cet esprit
|
| général du monde est la même chose
|
@
des secrets Chimiques. 91
que la vie, même selon l'opinion d'Aristote, |
|
qui nous assure que la vie n'est |
|
autre chose que la chaleur naturelle enracinée |
|
dans son humide radical: Vita |
|
est radicatio caloris in humido, dit-il, & cet |
|
esprit contenant cette chaleur naturelle |
|
enracinée dans son humide, nous pouvons |
|
assurer & déterminer que cette |
|
vie n'est autre chose que l'esprit général |
|
du monde: Or tout ce qui est hors de | Qu'est-ce
|
l'essence & de l'origine de cet esprit est | que mort?
|
mort, puisque la mort est contraire à la |
|
vie: Mais la mort, dira quelqu'un, n'est |
|
autre chose qu'une privation de vie, & |
|
n'a nulle subsistance réelle & permanente |
|
dans la Nature; si par la privation de |
|
vie l'on entend un empêchement des |
|
actions vitales, je puis consentir que la |
|
mort est une privation de vie: mais cet |
|
empêchement ne se peut faire sans |
|
quelque chose réelle qui fasse cet empêchement, |
|
& de là il ne peut être vrai |
|
que la mort n'ait subsistance réelle & |
|
matérielle; car les choses qui empêchent |
|
les fonctions de la vie, peuvent être |
|
nommées mort, comme causes de la |
|
mort, & sont vraiment réelles. Or comme |
|
la vie est divisée & distinguée en trois |
|
principes, qui tous trois ensemble constituent |
|
@
92 Livre premier
| la vie, & ne font qu'une vie;
|
Trois prin- | nous constituons pareillement trois principes
|
cipes de | de mort distincts seulement, & non
|
mort. | différents en essence de mort, qui tous
|
| trois constituent la mort, & ne sont
|
| qu'une mort.
|
| ----------------------------------------
|
| D U S O U F R E C O N T R E
|
| nature, premier principe
|
| de mort.
|
|
|
| Chapitre XIII.
|
|
|
Qu'est-ce | Oute chaleur, ou plutôt
|
que sou- | substance chaude, âcre, mordicante
|
fre con- | & corrosive, détruisante
|
tre-nature. | & consumante, est telle
|
| par le soufre contre nature
|
| qu'elle contient, d'où procèdent ses
|
| vertus & propriétés comme de sa source
|
| & fontaine: car si du soufre naturel &
|
| vital, découle la vie, qui est suivie d'un
|
| équipage de santé, de vigueur, de force,
|
| de nourriture, & de conservation, il faut
|
| que le soufre contre-nature soit suivi
|
| d'un équipage de mort, tel qu'est tout ce
|
| qui détruit, gâte & consomme la vie,
|
| comme totalement contraire & opposé
|
@
des secrets Chimiques. 93
à icelle: Tous les Arsenics, Réalgars,
Orpins, Sandaraques, & autres sortes de
venins chauds & ignés, soient-ils célestes,
aériens, aquatiques ou terrestres, sont tels,
par la substance du soufre contre-nature,
premier principe de mort, dans tous
lesquels venins ce principe de mort est
très abondant; nous y pouvons ajouter
toutes les fièvres intermittentes &
continues, & toutes les inflammations
externes & internes, qui font abondantes
les unes plus que les autres en ce soufre
mortel & selon les degrés, élevés,
ou déprimés, constituent toutes les différences
des dites maladies, comme l'on
verra plus amplement dans mon Panchymicum.
Nous dirons ici tant seulement
que ce soufre contre-nature,
premier principe de mort, est une substance
opposite & contraire au soufre de
vie survenue en la Nature, de la tige &
de la source du péché du premier homme,
qui ayant été créé tout plein de vie
avec le reste du monde, sans aucun principe
de mort, venant à être désobéissant
à son Créateur, il introduisit dans la vie
le principe de cette mort par la transgression
du commandement qu'il lui fallait
observer à toute rigueur, sur peine de
@
94 Livre premier
| mourir, & mélanger la vie qui était
|
| pour lors toute pure, avec la mort pleine
|
| d'impureté.
|
Le principe | Ce principe de mort n'était donc, ni
|
de mort est | ne pouvait être avec la Création du
|
survenue en | principe de vie, car pour lors tout était
|
la Nature | vie; mais dès lors que le péché sortît de
|
par le péché. | son chaos, aussitôt ce principe de mort
|
| fut mêlé avec la vie, & y demeure encore
|
| inséparable, jusqu'à ce qu'en la dernière
|
Dans l'en- | séparation Dieu le mettra avec le
|
fer tout | péché dans l'abîme de mort, pour y demeurer
|
malheur | éternellement séparé de la vie:
|
abonde. | Voilà pourquoi tous les Théologiens
|
| tiennent que dans l'enfer, qui est le vrai
|
| abîme de la mort, toutes les maladies,
|
| & toutes les malédictions de la Nature
|
| seront ramassées avec tout le reste de leur
|
| suite, & le péché comme source de tout,
|
| sera réduit & rendu prisonnier & captif à
|
| toute éternité, & puni par les principes
|
| de mort qui le gêneront & rongeront
|
| éternellement. D'où l'on peut inférer
|
| par des conjectures infaillibles, que les
|
| trois principes de mort, comme capitaux
|
| ennemis de la vie, seront séparés d'icelle
|
| en la catastrophe du monde, & conduits
|
| avec la mort dans les prisons, où
|
| Dieu comme Auteur de la vie & capital
|
@
des secrets Chimiques. 95
ennemi de la mort, enchaînera pour jamais |
|
tous ses ennemis, & mettra avec |
|
eux toute l'impureté de la Nature, comme |
|
ayant eu son origine d'eux & par eux; |
|
Tellement que les trois principes de | Misère de
|
mort, comme ayant & tenant le premier | l'enfer &
|
rang, seront aussi colloqués en même | pourquoi
|
lieu que les ennemis de Dieu, où tous | elle y est en
|
mêlés ensemble seront & constitueront | suprême
|
un mélange & un chaos de misère | degré.
|
inimaginable, où tous les maux & malheurs |
|
que la Nature en général & en |
|
particulier pourra souffrir, se trouvera |
|
en leur suprême grade. |
|
Tellement que le soufre contre- |
|
nature, qui est le principe le plus actif de |
|
tous les autres deux, sera là en son suprême |
|
degré; rien de contraire, ni de vie ne |
|
rabattra ses actions, ses vertus, ses qualités, |
|
& propriétés; mais au contraire joint |
|
aux autres deux principes: savoir l'humide |
|
étranger, & le sel corrosif; toutes |
|
ses actions seront suprêmes: D'où tout ce |
|
qui est corrosif, de brûlant, de piquant, |
|
caustique, consumant & détruisant, se |
|
trouvera caressé & joint avec ce principe |
|
de mort, comme étant de sa nature |
|
& son essence, & le reste de toute la |
|
nature s'en trouvera séquestré & exempté; |
|
@
96 Livre premier
La Nature | partant toute pleine de vie, pure &
|
doit être | pareille qu'elle était à l'instant de
|
après le ju- | création, avant que le péché & la mort
|
gement pu- | introduite par icelui eût corrompu cette
|
re comme elle | pureté & netteté de vie, d'où le Créateur
|
était en | principe de vie avait rempli tout
|
sa création. | ce monde.
|
| En la dernière catastrophe du monde
|
| ou Dieu jugera les vivants & les morts,
|
| récompensera les bons, punira les méchants,
|
| les séparant les uns d'avec les
|
| autres à jamais; afin que les bons jouissent
|
| de leurs récompenses, avec paix &
|
| tranquillité, & les méchants soient punis
|
| avec rigueur de justice. Cette séparation
|
| des trois principes de mort, d'avec
|
| les trois principes de vie, se fera à raison
|
| des bons & des méchants; afin que tout
|
| ce qui est bon en la Nature créée soit
|
| joint avec les bons, & tout ce qui est de
|
| mal, soit joint & uni avec les méchants:
|
| Il n'est pas juste que le mal & le bien demeurent
|
| éternellement joints & unis
|
| ensemble, il faut qu'enfin Dieu les sépare,
|
| & qu'il mette une paix éternelle dans
|
| le monde, & qu'il en chasse la guerre que
|
| le péché y a introduite: ce sera en cette
|
| catastrophe où Dieu par le feu qu'il élèvera
|
| par-dessus son pouvoir ordinaire,
|
| fera
|
@
des secrets Chimiques. 97
fera cette séparation & triage du bon |
|
& du mal, de la vie & de la mort, mettra |
|
la vie parmi les bons, & la mort avec |
|
toute sa suite parmi les méchants. Là |
|
avec la mort, ce principe premier que |
|
nous appelons soufre contre-nature, |
|
se trouvera en sa pureté & vivacité de ses |
|
actions, il agira de toutes ses forces contre |
|
le sujet du péché, & de mort; contre |
|
lequel principalement il dressera ses | But enfin
|
actions, & pour la punition duquel Dieu | du soufre
|
a permis qu'il ait été introduit dans la | contre-na-
|
Nature; là il jouira de son but, & de | ture.
|
sa fin naturelle, qui est la punition du |
|
péché. |
|
---------------------------------------- |
|
D E L'H U M I D E E T R A N- |
|
ger, ou Mercure suffoquant la vie, |
|
second principe de mort. |
|
|
|
Chapitre XIV. |
|
|
|
Omme le soufre de vie & |
|
feu naturel a son humide radical |
|
incorruptible qui lui sert |
|
de pâture & sur lequel il agit |
|
incessamment pour se nourrir & conserver; |
|
le soufre de mort pareillement |
|
G |
|
@
98 Livre premier
| qui contient en soi un feu dévorant &
|
| consumant toutes choses a son humide
|
| radical, que nous appelons humide
|
| étranger, ou Mercure suffoquant la vie
|
| pour lui servir d'aliment & pâture, afin
|
| de conserver son être, & par ainsi faire
|
| la guerre perpétuelle au soufre de vie
|
| son mortel ennemi.
|
Qu'est-ce | Cet humide donc étranger, ou mercure
|
que mer- | suffocant la vie, pâture du soufre
|
cure contre | de mort, est une substance froide & humide,
|
nature. | ennemie de la vie qui la suffoque &
|
| l'éteint, empêchant ses actions, stupéfiant
|
| & mortifiant tous les sujets où il se
|
| trouve super-abondant.
|
| Tous les venins somnifères & narcotiques,
|
| comme la ciguë, la napellus, le pavot,
|
| la mandragore, la jusquiame, & tous
|
| autres semblables sont abondants en ce
|
| mercure de mort; & à cause d'icelui
|
| sont venins & mortels poisons: il y en a
|
| beaucoup de semblable mercure parmi
|
| tous les éléments qui n'est nullement individué,
|
| ni spécifié dans aucun individu;
|
| mais demeure volatil, voltigeant
|
| parmi les éléments, lequel étant super-
|
| abondant, cause mille sortes de maladies
|
| épidémiques, contagieuses & pestilentes.
|
| Et si les venins individués & corporifiés,
|
@
des secrets Chimiques. 99
ne l'attiraient à soi pour leur | Mercure
|
nourriture, il serait impossible de vivre | contre-nature
|
en ce bas monde; car les éléments demeureraient | est mêlé parmi
|
infects & pollus de cette | les éléments.
|
mortelle substance: mais les venins corporifiés |
|
l'attirent à soi pour leur aliment, |
|
car chacun se nourrit de son semblable; |
|
& ainsi les éléments demeurent purifiés |
|
de ce mortel poison. |
|
Ne pensez pas qu'en cet humide |
|
étranger, pâture & aliment ordinaire |
|
du soufre de mort, se trouve tellement |
|
le froid & l'humide qu'il soit entièrement |
|
dénué de chaud; car comme |
|
en l'humide radical, qui est la pâture ordinaire |
|
du soufre vital se trouve de la |
|
chaleur vitale parmi; ainsi notre humide |
|
étranger ou Mercure de mort, se |
|
trouve toujours mélangé, & garni de | Les principes
|
chaleur contre-nature, ennemie capitale | de mort
|
de la chaleur vitale; & ainsi ils vont | sont inséparables.
|
inséparablement conjoints, car l'un ne |
|
peut demeurer séparé de l'autre. Cet |
|
humide étranger ou Mercure de mort |
|
se trouve parmi tous les individus & |
|
mixtes naturels; car c'est celui qui les |
|
ruine, les sape & conduit à la mort & à |
|
leur destruction par son humide putréfactif, |
|
qui dissout & sépare les parties |
|
G ij |
|
@
100 Livre premier
| unies du composé, & leur fait souffrir altération
|
| ensemble, pour se séparer les unes
|
| d'avec les autres, & sortir de cette corruption.
|
| Pendant cette altération le
|
| soufre de vie avec les autres deux
|
| principes dessèchent & consument la
|
| plus grande partie de cet humide
|
| étranger, qui par son abondance a causé
|
| cette altération en leur composition; &
|
La cor- | par ainsi se réunissent encore un coup,
|
ruption de | & font composition & génération; d'où
|
l'un est par | vient que par accident la corruption ou
|
accident | dissolution des choses naturelles est cause
|
cause de la | de nouvelle génération: mais la principale
|
génération. | & formelle cause de la génération
|
| n'est pas la corruption, ni l'altération qui
|
| survient aux composés qui se détruisent.
|
Qu'est- | Mais la formelle & essentielle cause
|
ce que | de la génération, composition & mixtion
|
cause de la | ès choses naturelles, c'est les trois
|
génération. | principes de vie qui s'y trouvent incorruptibles,
|
| qui de soi & de leur naturelle
|
| inclination ne tendant qu'à union &
|
| mariage, ne peuvent aussi prétendre que
|
| leur naturel but qui est la composition
|
| & génération de toutes choses, qui est la
|
| vraie union & le vrai mariage de ces
|
| trois principes de vie. Au contraire si
|
| ceux-ci tendent à union, les autres tendent
|
@
des secrets Chimiques. 101
à désunion & destruction, & principalement
notre humide étranger, ou
Mercure de mort, qui par la ténuité de
son humeur pénètre fort facilement
tout le composé, & porte son sel corrosif
parmi toutes les plus petites parties du
mixte, & par ce moyen fait la désunion
entière; introduisant la guerre & la discorde
parmi ces trois principes de vie,
jusques à ce qu'ils se soient parfaitement
séparés de ces principes de mort, & pour
lors ce composé demeure en paix & tranquillité
& dure tout autant de temps que
cette union de trois principes vitaux, persiste
en son être, & aussitôt qu'elle commence
à manquer par l'introduction de
quelqu'un de nos principes de mort, qui
ne vont jamais séparés l'un de l'autre,
mais toujours conjoints ensemble, comme
les autres principes de vie. Que si
nous parlons d'eux comme séparés, c'est
pour donner à entendre leur nature &
leur être; & que l'action se trouve toujours
de l'un d'iceux manifeste & apparente,
& l'autre cachée & opprimée par
la présence de celui qui agit, & qui est
super-éminent aux autres, bien que les
vertus & propriétés des autres qui sont
cachés en celui qui est manifeste & apparent
G iij
@
102 Livre premier
| soient toujours parmi les autres
|
Comme tous | obtuses & opprimées, & sont comme pages
|
les trois | & de la suite & train des autres: comme
|
principe de | par exemple, quand l'humide étranger
|
mort agis- | ou Mercure de mort agit, l'action du
|
sent en- | soufre contre nature, & l'action du
|
semble. | sel corrosif ne cessent pas d'agir aussi par
|
| concomitance & suite d'action; mais
|
| d'autant que l'action du mercure de
|
| mort, est éminente & apparente sur les
|
| autres deux, nous disons que le mercure
|
| de mort agis tant seulement; bien que
|
| les autres deux principes de mort agissent
|
| aussi avec lui; car puisqu'ils sont
|
| conjoints inséparablement, & qu'ils sont
|
| principes d'action, se pourrait-il faire
|
| qu'ils n'agissent, puisqu'ils sont présents,
|
| & en puissance & acte d'action.
|
| Pourquoi donc, dira quelqu'un n'agissent-ils
|
| perpétuellement, puisqu'ils
|
| sont présents en tous sujets? ils agissent de
|
| vrai perpétuellement & en tous sujets;
|
| c'est ce qui a fait dire au Poète, Nacestes
|
| morimur finisq; ab origine pendet: mais cette
|
| action n'est pas apparente, que lorsqu'elle
|
| a fait une grandissime brèche en la
|
| composition des mixtes, & pour lors ce
|
| n'est pas son commencement, mais plutôt
|
| sa fin ou dernier terme que nous paysans
|
@
des secrets Chimiques. 103
& grossiers prenons pour son commencement, |
|
qui est du tout imperceptible |
|
à nos sens communs, & perceptible |
|
tant seulement à notre entendement, |
|
encore au plus raffiné tant seulement. |
|
L'humide donc étranger, ou mercure | Qu'est-ce
|
suffoquant la vie, second principe de | qu'humide étranger,
|
mort, est celui qui par sa férocité suffoque | ou Mercure
|
la chaleur vitale, l'éteint & la tue, | contre-
|
& est pâture & aliment du soufre | nature.
|
contre-nature, & est principe de solution |
|
& décomposition en toutes choses, |
|
corrompant, pourrissant & détruisant la |
|
solidité en toutes choses, les rendant |
|
molles & liquides, comme ennemi principal |
|
du sel de vie, à qui ouvertement il |
|
fait la guerre, démolissant & sapant la |
|
solidité de ses bâtiments qu'il introduit |
|
en la composition des choses naturelles. |
|
|
|
G iiij |
|
@
104 Livre premier
----------------------------------------
D U S E L C O R R O S I F E T
caustique, troisième & dernier
principe de mort.
| Chapitre XV.
|
|
|
Qu'est-ce | Ar le Sel de vie, principe
|
que sel con- | d'icelle, de nourriture
|
tre-nature. | & de conservation, qui
|
| est doux, non brûlant, ni
|
| caustique; nous comprenons
|
| facilement que peut-
|
| être le Sel corrosif & caustique, troisième
|
| & dernier principe de mort, qui confond,
|
| détruit, consume & dissout toutes
|
| choses: car si celui de vie engendre,
|
| nourrit & conserve tout, celui au contraire
|
| tue & détruit toutes choses; tels
|
| sont les sels qui se trouvent dans les venins
|
| corrosifs, comme sublimé, eau forte,
|
| eau régale, huile d'orpin, & gomme
|
| d'antimoine. Les sels aussi qui nous causent
|
| les douleurs de la goutte, les cancers,
|
| les gangrènes, les écrouelles, &
|
| toutes les autres ulcères malignes, dépascentes
|
| & phadégènes, qu'on dit être
|
| causées communément par des humeurs
|
@
des secrets Chimiques. 105
âcres & mordicantes, sont telles à cause |
|
de ce troisième principe de mort qui est |
|
abondant en elles, qui gâte & détruit |
|
toutes les parties où il se trouve super-abondant: |
|
Tellement que nous pouvons |
|
définir ce troisième principe de mort, une |
|
substance vraiment âcre, mordicante, |
|
caustique & brûlante, coagulée & fixée |
|
en corps de sel, par l'action du feu contre-nature, |
|
sur son mercure ou humide |
|
étranger, au moyen de laquelle ses deux |
|
autres principes de mort se rendent palpables |
|
& visibles, & se corporifient. |
|
Car tout ainsi que le sel de vie est | Le sel contre
|
principe de corporification en toutes | nature coagule
|
choses des deux autres principes, mercure | les autres
|
& soufre, qui se rendent visibles | deux
|
& palpables par la vertu de celui-ci | principes.
|
qui leur donne corps sensible & perceptible; |
|
autrement ils demeureraient |
|
corps invisibles, & substances imperceptibles; |
|
& pareillement le sel corrosif, |
|
dernier principe de mort coagule, & |
|
corporifie, ces deux autres principes de |
|
mort, mercure étranger & soufre contre-nature, |
|
les fait paraître & les rend |
|
visibles par le corps qu'il leur donne; car |
|
autrement ses substances demeureraient |
|
invisibles dans leur chaos, si elles n'étaient |
|
@
106 Livre premier
| faites visibles & corporelles par
|
| l'action du sel contre-nature, qui unissant
|
| l'humide étranger au feu contre-nature,
|
| fait paraître le corps qui doit sortir de
|
| l'union de ces trois principes contre-
|
| Nature: Ainsi ce principe de mort, unit
|
| & parfait tout contre la vie, & n'est dans
|
| l'être des choses naturelles que pour lui
|
| faire la guerre, & bat perpétuellement
|
| aux champs pour ruiner & détruire les
|
| sujets & vassaux de la vie.
|
Là où est | Ce n'est pas donc sans raison que là où
|
le sel contre | se trouve ce sel contre-nature tout y
|
nature, | va en confusion, déroute, & désordre;
|
tout tend | car il veut chasser les principes de vie,
|
à la mort. | désunir leur union, & rompre leur harmonie
|
| & l'accord qui conserve l'être
|
| du mixte où il se trouve, y causant toute
|
| sorte de maladies, voire même la mort,
|
| où il vise de toutes ses forces, comme à
|
| son naturel but, ce qu'il ne peut obtenir
|
| sans corrompre & gâter tout le bel ordre
|
| que la Nature a mis & colloqué dans les
|
| Palais & maisons royales de la vie, où
|
| pendant l'absence de celui-ci tout y
|
| vit, tout y danse, & y est en grande joie;
|
| mais dès lors qu'il commence à y mettre
|
| le pied, tout y est triste, & dans l'équipage
|
| & appareil de la mort, le deuil est de
|
@
des secrets Chimiques. 107
tous cotés, les douleurs & les cris d'angoisse
y sont en leur haut appareil: bref,
l'on n'y voit que des apparences de mort.
Au contraire du sel de vie, qu'en
tous lieux où il se trouve le maître & le
seigneur, l'on n'y voit que pure joie, cris
d'allégresse, cris d'hymen & de fête, la
conservation & l'entretien de toutes
choses en leur parfait être; Et par ainsi
il est facile à juger & connaître l'un d'avec
l'autre, & les distinguer ès sujets où
ils se trouvent par leurs différentes qualités,
propriétés & vertus qui sortent
d'une source entièrement contraire; &
néanmoins compatissent dans un même
sujet, bien qu'ils ne sont pas à la vérité
tous deux en même temps seigneurs &
puissants en leurs actions; mais quand l'un
domine, l'autre cède au domaine & à la
seigneurie de celui-ci: & ainsi chacun
à son tour a son empire l'un sur l'autre,
comme il est très apparent en la mixtion
& composition des mixtes naturels, dans
lesquels nous voyons clairement tantôt
dominer & présider le sel de vie,
pendant la durée & perfection du mixte,
& tantôt régenter le sel de mort;
pendant la corruption & résolution du
même mixte en ces principes, pour y introduire
@
108 Livre premier
| une autre génération, & en
|
| faire sortir un nouveau mixte & composé.
|
Des prin- | Ce qui est miraculeux en la Nature,
|
cipes de | que de si différents principes puisse enfin
|
mort & de | sortir de leurs discordants accords une
|
vie, en ré- | harmonie si belle, qu'elle ravit les plus
|
sulte une | beaux esprits de l'Univers en sa contemplation;
|
autre vie. | ce que nous verrons encore plus
|
| particulièrement en la production que
|
| la Nature fait tous les jours d'un esprit
|
| général, qui est l'aliment général de toute
|
| la Nature, où ses natures & principes
|
| discordants sont liés & attachés ensemble
|
| par un charme naturel, inconnu à
|
| tous les Philosophes, plus subtil de beaucoup
|
| que le rets par lequel Vulcain surprit
|
| en adultère Mars & sa Vénus; celui-
|
| ci n'étant que le symbole & la peinture
|
| de l'autre; mais ceux qui ont la connaissance
|
| de l'un, ont bien la connaissance
|
| de l'autre.
|
@
109
----------------------------------------
D E S E L E M E N T S
ET PRINCIPES DES
SECRETS CHIMIQUES,
où toute la Nature, en général
& en particulier est découverte.
----------------------------------------
L I V R E S E C O N D.
P A R Q U E L M O Y E N
tous les principes & éléments naturels
sont unis en la composition de l'esprit
général du monde, qu'on peut nommer
Médecine générale.
Chapitre Premier.
Ous avons en ce Chapitre
bien besoin, avec les anciens
Poètes, d'invoquer l'assistance
Divine, & de crier à tous
Principium musae, & avec les Hébreux,
@
110 Livre second
דאשית דצת יתאת יחוח Principium scientiae
timor Domini: La connaissance &
l'intelligence de ce Chapitre, & tous les
subséquents est si haute & si relevée, que
si nous ne commençons par la crainte
de Dieu, en l'honorant & révérant, l'invoquant
& le suppliant de nous départir
quelque étincelle de sa lumière & sagesse;
au moyen de laquelle nous puissions
pénétrer dans l'abîme des secrets
qu'il a cachés sous les ténèbres & sous
les ombres des corps naturels; nous
irons comme des taupes, creuser & sillonner
la terre, & tous les éléments avec
leurs mixtes & individus; & bien qu'on
trouve quantité de trésors, nous ne les
verrons point, ni ne les pourrons connaître
à faute de lumière, & des yeux capables
de les voir. Si Dieu qui est la lumière
des lumières, & la fontaine & la
source de toute connaissance & intelligence,
ne nous donne quelque rayon de
sa lumière pour nous éclairer dans les
ténèbres dans lesquelles toute la Nature
est ensevelie.
Nous avons décrit & fait connaître
tant que nous avons pu les principes &
éléments desquels la Nature se sert pour
faire & composer toutes choses: mais
@
des secrets Chimiques. 111
nous n'avons encore démontré par quel |
|
moyen elle unit en toutes choses ces |
|
principes & ces éléments, qui est la seule |
|
& unique chose; au moyen de laquelle |
|
toute la Nature se donne à connaître. |
|
Il est donc nécessaire de savoir & | Les éléments
|
comprendre, comme tous ces principes | sont unis
|
& tous ces éléments, desquels nous | par le moyen
|
avons parlé ci-devant au livre premier | de l'esprit
|
s'unissent entr'eux, & font & constituent | du monde.
|
un esprit général du monde, qui est l'aliment |
|
général & universel de toutes choses |
|
où toute la Nature est unie, & rassemblée |
|
en toutes ses parties, comme en son vrai |
|
centre, duquel se tirent des lignes infinies, |
|
qui tant plus elles sont éloignées |
|
du centre, tant plus elles sont discordantes |
|
& différentes; & tant plus elles sont |
|
proches du centre, tant plus elles sont |
|
unies, jusques à ne faire qu'un seul point |
|
homogène & semblable en toutes ses |
|
parties. Le Ciel donc avec les éléments, |
|
tous ensemble constituent une humeur |
|
liquide, où toutes les vertus naturelles |
|
du Ciel & des éléments se trouvent unies, |
|
par le même moyen que toutes les vertus |
|
& énergies des parties d'un corps, se trouvent |
|
unies & assemblées dans sa semence; |
|
@
112 Livre second
| ainsi cette liqueur est la semence du
|
| monde.
|
| Plusieurs grands personnages de la
|
| terre, & les plus sages, au dire du commun,
|
| estiment pour folie, la recherche
|
| de cet esprit général ou aliment universel
|
| du monde, qu'on appelle Médecine
|
| universelle à tous les trois genres des
|
| mixtes & composés naturels; & bien
|
| qu'il soit épandu par tous les éléments,
|
| & que ce grand Univers en soit tout
|
| rempli, & que nulle partie d'icelui ne
|
| puisse subsister en son être, sans qu'elle
|
| en soit perpétuellement fomentée &
|
| maintenue, il se trouve toutefois quantité
|
| & bon nombre des sages de ce temps
|
| qui nous ont voulu assurer & témoigner
|
| par leurs écrits, que cette médecine &
|
| cet esprit général du monde, ne se trouve
|
| que dans la tête des fous: Et cependant
|
| l'esprit du Sage, dans l'Ecriture
|
| Sainte nous assure le contraire, & nous
|
| dicte en termes que nous pouvons expliquer
|
| à ce sujet: Medecinam de terra creauit
|
Ecclesiast. | Deus, & vir sapiens non abhorrebit eam.
|
38. | Ce n'est pas la science, ni l'artifice qu'on
|
| emploie à préparer cette médecine que
|
| la Sagesse entend: mais la chose même
|
| réelle & naturelle, qui a constitué &
|
| enfanté
|
@
des secrets Chimiques. 113
enfanté cette science qu'on appelle Médecine.
La préparation de laquelle, &
sa vraie connaissance donne l'être au
Médecin, & a toute la faculté de la médecine.
D'ici ceux qui ont des yeux de Lynx
peuvent comprendre combien peu de
vrais & légitimes Médecins se trouvent
dans la Nature; & combien peu d'Universités
il y a dans l'Univers, où l'on
enseigne à connaître & à préparer cette
médecine que Dieu nous envoie du
Ciel sur la terre, pour nous conserver
notre vie, & la préserver des injures
mortelles d'une infinité de maladies, qui
nuit & jour veillent pour la détruire &
la perdre.
Bien que plusieurs des Sages de ce
temps ne soient point d'accord de cet
esprit universel, & de cette médecine
générale; si est-ce toutefois que tous les
anciens Philosophes, tant Arabes que
Hébreux, Chaldéens, & Persans nous
l'ont enseignée par diverses énigmes &
logogriphes; & nous ont témoigné par
leurs écrits, & assuré par leurs expériences
en avoir eu la connaissance & la
jouissance. Ils n'ont employé pour l'exécution
de cette divine oeuvre qu'une
H
@
114 Livre second
| seule opération, qui est la coction de leur
|
Pour par- | mercure, qui est cet esprit général du
|
faire la | monde & cette médecine universelle,
|
médecine | laquelle pure & nette, comme la Nature
|
générale il | nous la donne tous les jours pour l'entretien
|
ne faut que | & conservation de toutes choses; ils
|
cuire. | mettent dans un seul vaisseau bien fermé
|
| & clos au sceau d'Hermès, & le tout dans
|
| leur fourneau & dans leur feu continuel,
|
| doux & très lent, pour fixer & coaguler
|
| cette humeur vitale; & fixée qu'elle est
|
| la dissoudre encore par une nouvelle humeur
|
| vitale, pour en séparer les parties
|
| pures de mercure & de soufre qui s'y
|
| trouvent encloses & embarrassées d'une
|
| infinité d'excréments terrestres, qui empêchent
|
| leur action & leur miraculeuse
|
| vertu, pour icelles séparer & mondifier,
|
| les cuire encore au même feu pareil au
|
| premier, pour leur donner la dernière
|
| perfection; comme ils font paraître
|
| par tous leurs écrits, & ce que nous donnerons
|
| à entendre à tous ceux qui invités
|
| dans ces secrets, se donneront la patience
|
| de lire nos écrits; dans lesquels ils
|
| trouveront plus de satisfaction, à mon
|
| avis, que dans tous les autres, tant
|
| anciens que modernes; & principalement
|
| dans cette oeuvre, qui est le miroir
|
@
des secrets Chimiques. 115
de toutes nos oeuvres, & l'abrégé & le
compendium de toutes.
----------------------------------------
Q U'E S T C E Q U'E S P R I T
général du monde, & médecine
universelle.
Chapitre II.
Ous les Médecins sont |
|
en peine, pour savoir | Savoir
|
s'il y a un esprit général | s'il y a une
|
du monde, qui puisse | Médecine
|
être médecine générale | générale.
|
à tous les trois genres des |
|
mixtes, & composés naturels: Plusieurs |
|
l'admettent, & une infinité d'autres la |
|
nient & l'assurent être impossible: car |
|
ils croient qu'une seule chose ne peut |
|
avoir des effets contraires à soi-même, |
|
tels qu'il faudrait que cette médecine |
|
eût, si elle était universelle, puisqu'il |
|
y a des maladies contraires les unes aux |
|
autres: Mais ils ne pensent pas & ne considèrent |
|
point qu'il y peut avoir un aliment |
|
universel à tous les individus naturels, |
|
soient-ils animaux, végétaux, ou |
|
minéraux, qui sont autant différents les |
|
H ij |
|
@
116 Livre second
| uns des autres que pourraient être les
|
| plus contraires maladies qui soient au
|
| nombre des maladies. Et cependant les
|
| animaux végétaux & minéraux vivent
|
| & sont entretenus & nourris d'un même
|
| aliment seul & unique en toute la Nature
|
Tout est | à cet effet; car comme à l'homme qui
|
réduit en | est le vrai type & l'exemple du grand
|
un seul ali- | monde, & c'est pourquoi il est appelé
|
ment pour | Microcosme, tous les aliments, si différents
|
nourrir | qu'ils soient, se réduisent en un seul
|
tout. | & unique aliment, qui nourrit & conserve
|
| toutes ses parties, encore qu'elles
|
| soient différentes; ainsi dans le grand
|
| monde tous les éléments & les principes
|
| que nous avons ci-devant décrits se réduisent
|
| en un, où tout le reste est en vertu
|
| & puissance très grande, pour nourrir
|
| & entretenir toutes les parties du monde,
|
| bien qu'elles soient différentes les
|
| unes des autres.
|
| Tellement qu'il est très certain, &
|
| très véritable qu'en la Nature il y a une
|
| seule chose qui nourrit & entretien toutes
|
| choses en leur être, & qui le leur
|
| donne; & cette même chose doit être
|
| la Médecine universelle qui doit défendre
|
| l'être des choses de tous ses ennemis:
|
| car qui nourrit & conserve l'être, le
|
@
des secrets Chimiques. 117
préserve pareillement de l'injure de tous |
|
ses ennemis, & le préservant & conservant |
|
lui sert de médecine universelle; |
|
car ce qui préserve & conserve, guérit |
|
pareillement toutes maladies, puisque | Qu'est-ce
|
guérir n'est autre chose que conserver la | que guérir?
|
vie en son être parfait, & la dépouiller |
|
de son être imparfait & nuisible, tendant |
|
à mort. D'ici nous pouvons très |
|
bien raisonner que cette Médecine universelle |
|
n'est autre chose que l'esprit général |
|
du monde, qui est le vrai & unique |
|
aliment de toutes choses; comme principe |
|
de vie, source & fontaine du Baume |
|
qui la conserve & l'entretient; & par ainsi | Qu'est-ce
|
contraire à toutes maladies, puisqu'il est | que la Médecine
|
la vie même, qui est entièrement contraire | générale.
|
à tout ce qui la veut détruire, & |
|
gâter ses actions: & que cet esprit général |
|
n'est autre que la quintessence de |
|
toute la Nature, de tous ses éléments & |
|
principes qui se terminent & aboutissent |
|
en cet esprit, comme en un vrai centre, |
|
où Dieu veut que toute la Nature se |
|
trouve en sa force & vigueur; tellement |
|
que c'est un abrégé de toute la Nature, |
|
comme nous verrons par tous ces Chapitres |
|
subséquents. |
|
H iij |
|
@
118 Livre second
----------------------------------------
D E Q U E L S S U J E T S
peut-on tirer & extraire cet esprit
général du monde, & cette
Médecine universelle.
| Chapitre III.
|
|
|
La Méde- | Uisque nous assurons que
|
cine géné- | la Médecine universelle est
|
rale est en | l'esprit général du monde,
|
toutes cho- | vrai & unique aliment de toutes
|
ses & pour- | choses, il est très nécessaire qu'il soit
|
quoi. | en toutes choses; puisque toutes choses
|
| ont besoin d'aliment pour se nourrir &
|
| conserver en leur être, autrement elles
|
Pourquoi | défaudraient & manqueraient: Tellement
|
l'esprit gé- | que rien ne peut subsister sans cet
|
néral est | esprit général, ou cette vie générale que
|
dit Méde- | nous pouvons justement appeler Médecine
|
cine uni- | universelle; puisqu'en icelle consiste
|
verselle. | la cure & guérison de toutes maladies.
|
| Mais puisqu'elle est en toutes choses,
|
| se peut-elle tirer & extraire de toutes
|
| choses: Les Philosophes anciens & modernes
|
| nous assurent que oui; mais que
|
@
des secrets Chimiques. 119
c'est une oeuvre si longue de la vouloir | Le Mercure
|
tirer & extraire des animaux végétaux | des Philosophes
|
& minéraux, que la vie d'un homme ne | ne se
|
suffit pas pour ce faire, & qu'il vaut | peut tirer des
|
mieux la tirer de sa source & fontaine | animaux, ni
|
avant qu'elle soit entrée en nourriture | végétaux, ni
|
dans ces trois genres, que faire surmonter | minéraux.
|
ces trois genres & les faire rétrograder |
|
en leur principe: Il est bien plus facile |
|
de prendre ce que la Nature nous |
|
donne tout préparé & tout pur, qu'il ne |
|
reste qu'à cuire, & à séparer le pur de |
|
l'impur; qu'à vouloir prendre quelque |
|
mixte, quel qu'il soit dans la Nature, & |
|
par nos fantasques opérations le vouloir |
|
réduire en la première matière, de laquelle |
|
la Nature l'a fait & composé. |
|
Il ne faut donc penser de pouvoir tirer |
|
cette divine matière, d'aucun mixte & |
|
composé naturel, quel qu'il soit dans les |
|
trois genres; car cette matière à l'instant |
|
qu'elle est entrée dans la composition de |
|
ces trois genres, aussitôt elle se spécifie |
|
& s'individue dans les mixtes où elle |
|
entre & prend leurs vertus & propriétés: |
|
tellement qu'après elle est inutile, |
|
pour la composition de la Médecine universelle. |
|
Mais si nous voulons qu'elle |
|
nous serve & nous soit utile, il la faut |
|
H iiij |
|
@
120 Livre second
Description | prendre à l'instant qu'elle descend du
|
de la ma- | Ciel, & qu'elle ne fait que baiser doucement
|
tière de | & amoureusement les lèvres des
|
l'esprit gé- | mixtes & composés naturels, & que son
|
néral du | amour maternel envers ses enfants lui
|
monde. | fait jeter des larmes, plus claires & luisantes
|
| que perles & topazes, qui ne sont
|
| que lumières revêtues & couvertes
|
| d'une nuit humide; & c'est la raison vraie
|
| & unique pourquoi tous les Philosophes
|
| sont d'accord, que le Soleil est père de
|
| notre matière, & que la Lune est sa
|
| mère: car à la vérité cette matière qui est
|
| si cachée, & si découverte aux yeux de
|
| tout le monde, n'est rien plus que lumière,
|
| dont le Soleil est le vrai père revêtu
|
| d'une humidité, de laquelle la Lune est
|
| la vraie mère. C'est la description la plus
|
| claire que j'en puisse faire en vrai Philosophe
|
| pour empêcher que les marguerites
|
| physiques ne soient prostituées à des
|
| sots & ignorants, qui pires que des pourceaux
|
| se vautreraient dans les vices du
|
| monde. Et à la vérité ceux qui n'y pourront
|
| rien comprendre seront bien tenus
|
| pour aveugles nés, puisqu'ils ne peuvent
|
| voir la lumière même; qui les éclaire
|
| tous les jours, & ils sont bien privés de
|
| sentiment, & stupides, puisqu'ils ne peuvent
|
@
des secrets Chimiques. 121
toucher l'humidité qui couvre cette |
|
lumière, principe de tous corps, qui se |
|
trouve en tous lieux & en tout temps, & |
|
sans laquelle la Nature ne peut un seul |
|
moment de temps subsister en son être, |
|
ni ses chers enfants vivre un moment de |
|
temps: c'est la vraie chaleur naturelle & |
|
l'humide radical du monde, duquel toutes |
|
choses ont être, & au moyen duquel |
|
toutes choses se conservent, qui enferme |
|
dans son ventre les quatre éléments & |
|
les trois principes Chimiques, Sel, Soufre | Comment les
|
& Mercure. Le sel est ce qui lui | trois principes
|
donne corps visible & palpable. Le soufre | sont dans
|
c'est la chaleur naturelle; & le mercure | l'esprit du
|
c'est cette humidité mère de toutes | monde.
|
choses, qui environne en son commencement |
|
ce sel & cette lumière, père de toute |
|
la Nature. Voilà comme notre Mercure |
|
environne en soi & comprend en son |
|
centre tout ce qui est en ce monde, |
|
comme de lui seul l'on peut tirer & extraire |
|
ce que la plupart des Sages de ce |
|
temps estiment impossible, voire même |
|
pure folie; & cependant ce qu'ils estiment |
|
folie est à la vérité pure sagesse, & |
|
hors d'icelle il n'y en a pas dans le monde. |
|
Mais je laisserai l'opinion libre en |
|
un chacun, qu'on m'estime fol tant qu'on |
|
@
122 Livre second
Proposition | voudra, je me passerai toujours de ces
|
de l'Au- | Sages qui m'estimeront fol, & n'aurai
|
teur aux | jamais affaire d'eux, ni pour la santé, ni
|
médisants. | pour les richesses corporelles; & ne laisserai
|
| pas de leur dire la vérité, pour les
|
| retirer de leurs erreurs, qui entraînent
|
| une infinité d'autres, aimant mieux être
|
| blâmé, & porter profit à mon prochain,
|
| qu'être loué & lui porter dommage.
|
| Une infinité d'Alchimistes estiment
|
| pour tout assuré, que des métaux se doit
|
| tirer le mercure, qui doit servir à faire
|
| cette Médecine générale, qu'on spécifie
|
| après à la transmutation métallique;
|
| d'autant disent-ils, que in auro semina
|
| sunt auri, & ex metallis cum metallis metalla fieri debeam,
|
| & qu'il est très certain &
|
| manifeste que la semence des animaux
|
| se trouve ès animaux, & que celle des
|
| végétaux se trouve ès végétaux; & que
|
| de même & par même ordre, la semence
|
| des métaux & minéraux se doit
|
| trouver ès minéraux & métaux: Et que
|
| partant de vouloir aller rechercher cette
|
| semence plus avant dans le chaos des
|
| éléments, c'est se forger des chimères en
|
| la Nature, & vouloir rechercher ce qui
|
| n'est point.
|
@
des secrets Chimiques. 123
Il plaira considérer à ces Messieurs qui | Que des métaux
|
ont ces opinions, que les métaux & minéraux | ne peut
|
à la vérité ont leur semence dans | être tiré le
|
leur ventre, pendant qu'ils demeurent | mercure des
|
attachés à leurs matrices, mais dès lors | Philosophes.
|
qu'ils en sont séparés ils sont comme des |
|
membres tronqués & séparés des animaux |
|
ou végétaux, desquels il est impossible |
|
tirer aucune semence végétable, |
|
mais pendant qu'ils demeurent |
|
attachés & liés à leurs mères matrices, |
|
ils sont pleins à la vérité de semence; |
|
& dès aussitôt qu'ils en sont arrachés, |
|
cette semence qui demeure en eux n'a |
|
plus la vertu végétable qu'elle avait: Il |
|
est donc vrai qu'il ne faut pas tirer d'eux |
|
cette semence & faculté végétable métallique, |
|
mais de ce qui est hors d'eux, |
|
proche à se faire métal, qui est leur aliment |
|
proche & dernier, dont leurs mères |
|
matrices sont toutes pleines. |
|
Il est très certain & véritable que la |
|
semence des animaux & végétaux, n'est |
|
pas prolifique & végétable en toutes |
|
leurs parties, bien qu'elle soit en toutes; |
|
mais il se trouve certaines parties que |
|
la Nature a destinées pour cuire & parfaire |
|
cette semence qui se trouve crue & |
|
imparfaite en toutes les autres parties, |
|
@
124 Livre second
| & qu'en celle-ci seulement elle se trouve
|
| cuite & parfaite, & propre à végéter:
|
| Ainsi dans le genre métallique le suc vital
|
| qui est dans la substance métallique
|
| pour lui servir d'aliment & de semence
|
| n'est pas si propre à faire du métal, que
|
| dans le métal même, hors de là il en est
|
| incapable; & bien qu'on eût l'industrie
|
| de le pouvoir tirer, vous ne le sauriez
|
| conduire à autre perfection que la Nature
|
| le peut conduire; comme si la Nature
|
| le conduit à la perfection du plomb, ou
|
| du fer, vous le conduiriez à icelle, & non
|
| autre: Mais nous en la composition de
|
| notre Médecine générale nous conduisons
|
| cette semence métallique plus haut
|
| de beaucoup que la Nature ne la peut
|
| conduire; car on la conduit en une perfection
|
| qui parfait toutes les autres, au
|
| degré plus parfait que la Nature puisse
|
| avoir, qui est la perfection de l'or; ce
|
| que la Nature ne peut faire sans aide de
|
Raison fort | l'art Chimique.
|
pertinente | Arrêtons donc que la semence de laquelle
|
qu'il ne faut | l'on prétend faire la Médecine
|
point prendre | universelle, ne se peut & ne se doit tirer
|
des métaux | & extraire des métaux, ni des minéraux,
|
pour faire | mais de ce dont les métaux & minéraux
|
des métaux. | sont faits & composés; car la Nature
|
@
des secrets Chimiques. 125
pour faire des métaux ne prend point
aucun métal, ni pour faire un animal ou
végétal, ne prend point un animal ou végétal;
mais quelque autre chose qui est
seulement proche de l'être des animaux
& végétaux. La Nature a ses quatre éléments,
& ses trois principes, d'où elle
compose toutes choses; nous de même
la devons suivre en tout & par tout, puisqu'il
nous est commandé par les Philosophes:
Conuerte elementa & quod quaeris inuenies
sequendo naturam.
Nous devons seulement remarquer
sur cette matière, que puisque cette
Médecine universelle doit parfaire toutes
choses, elle doit aussi être la plus parfaite
chose qui soit en toute la Nature, &
que partant nous la devons extraire
d'une chose, où cette grande perfection
se puisse trouver, laquelle ne se pouvant
trouver qu'au seul esprit général du
monde qui est la chose la plus parfaite
qui soit en la Nature, nous ne devons rechercher
autre chose que lui pour la
composition de cette divine oeuvre; &
d'autant que tout est en lui, que toutes
les vertus & propriétés du monde universel
y sont encloses & enfermées, il n'a
besoin d'y joindre aucune chose; mais
@
126 Livre second
| tant seulement de séparer ce qui est
|
| étrange; ce qu'il a acquis & contracté
|
| d'impur & de sale, par le mélange des
|
| éléments infects & pollus, avec lesquels
|
| il est uni & lié, pour paraître sur le théâtre
|
| universel du monde. Ce qui nous est
|
| très bien démontré par l'axiome Chimique,
|
Le mercu- | Est in mercurio quidquid quaerunt
|
re des Phi- | sapientes, lesquels par le mercure ils n'entendent
|
losophes | pas en aucune façon le mercure
|
est l'es- | commun & vulgaire qu'on vend dans les
|
prit géné- | boutiques; mais ils entendent cet esprit
|
ral du | général, principe & matière première de
|
monde. | toutes choses, de laquelle immédiatement
|
| toutes choses sont faites: laquelle
|
| matière chaque jour est si abondamment
|
| épandue par tout le monde, qu'elle couvre
|
| toute la surface de la terre universelle,
|
| que chaque mixte & composé naturel
|
| attire pour sa nourriture & conservation:
|
| & néanmoins tout n'est pas employé,
|
| il en demeure la plus grande partie
|
| que sa chaleur vitale & lumière du
|
| monde sublime & circule dans ce grand
|
| vaisseau du monde, pour se trouver chaque
|
| matin répandue sur toute la face de
|
| la terre en substance très claire & luisante
|
| verdâtre toutefois, dont nos Sages
|
| l'ont appelée vitriol; d'autant qu'à la
|
@
des secrets Chimiques. 127
vérité cette substance parfaite & fixée | L'esprit
|
qu'elle est se fond & liquéfie comme verre, | général du
|
& ressemble à la graisse & huile de | monde pourquoi
|
verre par-dessus sa verdeur: Et de plus | est-il
|
cette substance est la vraie, unique & | appelé vitriol.
|
seule vie de l'or, ce qui est caché sous le |
|
nom de vitriol; car dans icelui vous y |
|
trouverez que l'or y vit: & de ce mystère |
|
vous pouvez comprendre ce que j'ai caché |
|
dans mon Palladium, donnant à soupçonner |
|
à quelques-uns que la matière |
|
de notre divine oeuvre était le vitriol; |
|
je n'entends pas le vitriol commun & ordinaire, |
|
mais celui des Philosophes qui | Qu'est-ce
|
se trouve au lever du Soleil, répandu | que vitriol
|
très copieusement & plus qu'abondamment | des Philosophes.
|
sur toute la terre; la préparation |
|
duquel vitriol j'entends démontrer en |
|
cette oeuvre, après en avoir donné une |
|
connaissance suffisante, tant de sa pure |
|
substance, que de ce qui lui est étranger |
|
& acquis d'impur & de sale par le |
|
mélange & union de ces éléments. |
|
@
128 Livre second
----------------------------------------
D E Q U E L L E S P A R T I E S
est construite & composée cette
Médecine universelle, &
esprit général du monde.
| Chapitre IV.
|
|
|
| Ous avons déjà assuré
|
| & prouvé que cette Médecine
|
| générale n'est autre
|
| chose que l'esprit général
|
| du monde, dépuré
|
| & séquestré de toute
|
| étrange matière, & puis cuit & digéré à
|
| parfaite fixation; mais nous n'avons encore
|
| déclaré son anatomie, pour voir l'intérieur
|
| de sa substance, desquelles parties
|
| elle est composée.
|
| Tous les Philosophes nous assurent
|
| que cette divine substance, tant avant la
|
| coction qu'après, est homogène & semblable
|
| en toutes ses parties, bien qu'elle
|
| ait trois parties qu'on nomme âme, esprit
|
| & corps: pour l'âme l'on entend la
|
| chaleur naturelle, & feu vital qui est très
|
| abondant & copieux en elle, qu'on
|
| nomme
|
@
des secrets Chimiques. 129
nomme autrement soufre. Pour son |
|
esprit l'on entend son humide radical, | Qu'est-ce
|
pâture & aliment inséparable de ce feu | qu'on entend
|
vital & de ce soufre, & comme l'esprit | pour âme, esprit
|
& véhicule de l'âme; ainsi cet humide | & corps.
|
radical est véhicule de ce feu naturel. |
|
Pour le corps on prend le noeud & le lien |
|
de cet humide avec ce feu; car l'union |
|
naturelle & l'assemblage magique que |
|
ce feu naturel a avec cet humide, & cet |
|
humide avec ce feu produit un lien & un |
|
noeud, par lequel ils sont liés & attachés |
|
inséparablement, & par icelui se rendent |
|
visibles & palpables; & partant se |
|
corporifient. L'on appelle ce noeud corps, |
|
& en termes Chimiques sel; parce que |
|
le sel est le principe de corporification, |
|
car en l'union du feu naturel avec l'humide |
|
radical, le feu agissant sur cet humide, |
|
produit le sel, ou le fait plutôt paraître; |
|
car il y est radicalement implanté, |
|
mais invisible dans le chaos de l'eau, |
|
& sous les membres de l'humide; avant |
|
son apparence tout est invisible, & fuit la |
|
pointe de nos sens corporels: Et voilà |
|
pourquoi l'esprit général du monde |
|
tend naturellement à corporification, |
|
afin de faire paraître à nos sens toutes les |
|
merveilles qu'il enferme en soi spirituellement |
|
I |
|
@
130 Livre second
| & invisiblement son feu qu'il
|
| contient & son humide, sont tellement
|
| spirituels, que hors le corps du sel qui le
|
| fait paraître, ils sont entièrement imperceptibles.
|
Les par- | Les parties donc de l'esprit général du
|
ties de l'es- | monde homogène & semblable en toutes
|
prit géné- | ses parties, sont le feu naturel, l'humide
|
ral du | radical, & le sel radical qu'en Chimie
|
monde. | on appelle soufre, mercure & sel; âme,
|
| esprit & corps: toutes lesquelles parties
|
| ne sont en aucune façon différentes l'une
|
| de l'autre, mais seulement distinctes:
|
| Car considérez le soufre, vous le trouverez
|
| toujours avec l'humide ou mercure,
|
| en telle façon conjoints & unis en
|
| identité de substance, que vous ne pouvez
|
| dire que le soufre ne soit mercure,
|
| ni le mercure n'être point soufre, ni
|
| définir l'un sans définir l'autre, & le comprendre
|
| dans les termes & limites de sa
|
| définition; & ainsi nous pouvons assurer
|
| du sel; Tellement qu'à un chacun,
|
| les autres deux sont contenus, & ainsi
|
| sont naturellement inséparables, ce que
|
| nous montre la substance tellement homogène
|
| & semblable qu'il n'y a nulle
|
| différence; mais seulement distinction
|
| de noms, & non de substances; Ce qui
|
@
des secrets Chimiques. 131
nous donne à connaître que ce soufre, |
|
ce mercure & ce sel qui sont dans l'esprit |
|
universel du monde, & dans notre Médecine |
|
générale ne sont point le soufre, |
|
le mercure & le sel commun & |
|
vulgaire, mais une autre chose différente; |
|
car si le soufre vulgaire brûle, l'autre |
|
vivifie; si le mercure commun tue par sa |
|
froideur & humidité, l'autre nourrit & |
|
conserve par son humide; si le sel dessèche, |
|
corrode & consume, l'autre humecte, |
|
conserve & préserve de corruption; |
|
empêchant que les individus où il |
|
se trouve super-abondant, ne soient réduits |
|
dans les ombres & ténèbres de leur |
|
premier chaos. |
|
Outre ces parties intégrantes qui |
|
composent, voire plutôt, sont la même |
|
substance de notre esprit général du |
|
monde & de notre Médecine universelle; |
|
nous pouvons dire que toutes ces |
|
choses susdites ne sont autre chose en cet |
|
esprit que la lumière que nous avons décrite |
|
ci-dessus; enveloppée & couverte | Description
|
d'une nuit humide, que ce n'est que | du mercure
|
le jour & la nuit joints ensemble dans | des Philosophes.
|
une mer humide, avec mille impuretés |
|
& saletés qui s'y fourrent parmi les éléments |
|
& principes qui constituent sa |
|
I ij |
|
@
132 Livre second
| substance, lesquelles il faut séparer &
|
| séquestrer, afin de pouvoir obtenir cette
|
| éminente perfection qui est parmi ces
|
| impuretés, en son plus haut lustre, & à
|
| tel degré qu'elle puisse être communicable,
|
| & parfaire par son éminente perfection
|
| toute chose imparfaite: Or afin
|
| que ces impuretés puissent être séparées
|
| il les faut donner à connaître, ce que
|
| nous devons faire au Chapitre suivant.
|
| ----------------------------------------
|
| D E S I M P U R E T E S E T
|
| saletés adventices en l'esprit &
|
| Médecine générale.
|
|
|
| Chapitre V.
|
|
|
| Lusieurs des Philosophes
|
| ont écrit que cet esprit universel,
|
| & cette Médecine générale,
|
| qui se trouve dans cet
|
| Univers, comme son âme & sa forme, de
|
| laquelle il reçoit toute sa force & vertu,
|
| est tellement pure & parfaite qu'elle surpasse
|
| en pureté & perfection la pureté du
|
| Ciel & du Soleil; si cela est comme il est,
|
| comment la pouvons-nous rendre plus
|
| parfaite & plus pure que le Ciel & le
|
@
des secrets Chimiques. 133
Soleil? Les Philosophes à la vérité ont |
|
écrit cette vérité, mais ils entendent que | La matière
|
la substance de la Médecine universelle, | de la Médecine
|
en sa source & en sa racine est vraiment | générale
|
plus pure que le Ciel & le Soleil, mais | est impure
|
d'autant qu'elle se mêle parmi les éléments, | & pourquoi.
|
pour la commodité de leurs habitants |
|
& citoyens, elle contracte beaucoup |
|
d'impuretés & saletés qui sont parmi |
|
les éléments, comme ayant les principes |
|
de mort & de corruption à eux survenues, |
|
par accident, & à toute la Nature par la |
|
prévarication du protoplaste, ou premier |
|
homme: Car auparavant le péché cette |
|
Médecine générale, & cet esprit universel |
|
du monde, était entièrement pur |
|
avec tous ses éléments. Le péché seul |
|
y mena & conduit ce méchant équipage, |
|
lequel comme étant fontaine & |
|
source de mort, il fallait aussi que tout |
|
ce qu'il y mêla tendît à la mort & corruption; |
|
car comme cet esprit général |
|
du monde tend à la vie & conservation |
|
de toutes choses, comme venant immédiatement |
|
du Créateur qui n'a pas fait |
|
une chose pour la détruire, mais pour la |
|
conserver en son être qu'il lui a donné; |
|
ainsi cet esprit général du monde tend & |
|
vise à même but que son maître: Le |
|
I iij |
|
@
134 Livre second
Le péché | péché pareillement qui est entièrement
|
tend tous- | contraire à Dieu, & opposite diamétralement,
|
jours à | tend à détruire & à réduire toutes
|
mort. | choses dans l'abîme du néant; & ne
|
| pouvant, d'autant que ses forces sont limitées
|
| & terminées, comme venant d'un
|
| sujet terminé & limité, il vise & bute à
|
| la mort, corruption & destruction de toutes
|
| choses, qui ne sont que les ombres & la
|
| peinture du néant, & ne peut parvenir à
|
| son but sans mélange des choses contraires
|
| à la substance de cet esprit général,
|
| que nous appelons Médecine universelle;
|
| laquelle mélangée sont ces impuretés
|
| que nous prétendons être attachées
|
| & liées parmi la substance de notre Médecine
|
| générale, lesquelles il faut nécessairement
|
| séparer & ôter, afin de pouvoir
|
| jouir de ses perfections: Autrement
|
| demeurant embarrassés des dites saletés
|
| & principes de péché, elle demeurerait
|
| toujours dans les principes de mort, qui
|
| lui donneraient toujours de la corruption
|
| & de l'altération en sa substance:
|
| Et par ce moyen ne pourrait jamais préserver
|
| les autres de ladite corruption, ne
|
| s'en pouvant préserver elle-même. Or
|
| ces mélanges que le péché y a mis,
|
| sont les excréments de tous les éléments,
|
@
des secrets Chimiques. 135
& les excréments des principes de vie |
|
que nous avons nommés ci-devant au |
|
premier Livre principes de mort, qui sont | Excrément
|
un soufre brûlant & caustique, un | du mercure
|
humide séreux & aqueux, plein de corruption, | des Philosophes.
|
& un soufre âcre & mordicant, |
|
sec & aride, corrodant & mangeant |
|
l'humide radical de vie qui se trouve en |
|
notre mercure de vie, d'où se fait notre |
|
Médecine générale: Tous lesquels excréments |
|
avec tous ceux des éléments, |
|
doivent être séparés de notre Médecine |
|
universelle avant de pouvoir jouir de |
|
ses rares & miraculeuses vertus, de tous |
|
lesquels excréments nous parlerons encore |
|
au Chapitre suivant, de la séparation |
|
des excréments élémentaires qui |
|
se trouvent dans l'esprit général du |
|
monde. |
|
|
|
I iiij |
|
@
136 Livre second
----------------------------------------
D E L A S E P A R A T I O N
des impuretés qui se trouvent en
l'esprit général & Médecine
universelle.
| Chapitre VI.
|
|
|
La Méde- | A Médecine générale
|
cine géné- | devant être parfaite,
|
rale doit | pour parfaire & perfectionner
|
être par- | tout ce qui est
|
faite. | d'imparfait dans ce grand
|
| Univers, doit être tellement
|
| pure & nette de toute ordure, que
|
| d'aqueuse qu'elle est & terrestre, vile &
|
| abjecte, elle doit monter à la perfection
|
| céleste & astrale: Ce que Hermès Trismégiste
|
| nous déclare dans sa table d'Emeraude,
|
| qui fut trouvée dans son tombeau,
|
| dans les vallées d'Ebron après le
|
| Déluge, où était gravé en lettres d'or,
|
| Separabis terram ab igne, subtile ab spisso
|
| suauiter & magno cum ingenio, ascendit à
|
| terra in coelum, aërumq; descendit in terram
|
| & suscipit vim superiorum & inferiorum, &
|
| sic habes gloriam totius mundi. Il faut donc
|
@
des secrets Chimiques. 137
par le commandement d'Hermès séparer |
|
la terre du feu, le subtil de l'épais, |
|
doucement & avec grande industrie, & |
|
le faire monter de la terre au Ciel par |
|
distillation & sublimation; c'est-à-dire, |
|
vous cuirez votre mercure fermé dans |
|
votre vaisseau, jusqu'à ce qu'a force de |
|
cuire par feu lent & continuel votre |
|
mercure devienne terre fixe & permanente, |
|
de laquelle vous tirerez sa pureté |
|
& netteté par le mélange du même mercure |
|
petit à petit en l'imbibant jusqu'à ce |
|
que la terre ait bu la dixième partie de |
|
son eau, & qu'elle soit grasse & épaisse |
|
comme sirop, de laquelle par simple distillation |
|
au bain marie, ou feu très lent |
|
vous séparerez les substances qui s'y | Qu'est-ce
|
trouveront acides & ardentes, & les séparerez | que Soleil
|
de leurs aquosités; & enfin les | des Sages.
|
remettrez sur le caput mortuum qui réside |
|
au fond, & par ce moyen doucement & |
|
avec grande industrie vous tirerez une |
|
substance éclatante, comme un astre & |
|
comme un nouveau Soleil, & à la vérité |
|
c'est le vrai Soleil des Philosophes, |
|
après qu'il est tel & qu'il est parvenu à |
|
cette netteté par cette dépuration & séparation |
|
de tout ce qui lui est étrange; |
|
il est encore question, d'astre qu'il est, ciel, |
|
@
138 Livre second
| & Soleil des Philosophes, de le rendre
|
| encore terre des Philosophes pure & nette
|
| de toute macule, comme il est écrit dans
|
| la même table d'Emeraude, Vis eius
|
| integra est si versa fuerit in terram, ascendit
|
| à terra in coelum iterumq; descendit in terram
|
| & suscipit vim superiorum & inferiorum:
|
| Car cette Médecine générale n'a besoin
|
| que d'être purifiée & fixée en terre fondante
|
| comme cire, & permanente au feu
|
| comme l'or; & ainsi elle est exaltée &
|
| sublimée jusques à la perfection du ciel
|
| & des astres, qui enferme en soi toutes
|
| les vertus universelles & particulières de
|
| toute la Nature.
|
Méthode | Pour parvenir avec facilité à cette séparation
|
pour faire | & dépuration, il faut nécessairement
|
le mercure | que le sperme général du monde
|
des sages | se pourrisse & meure dans le ventre de
|
& la Mé- | son propre vaisseau, qui peut être un matras
|
decine gé- | fermé au sceau commun près de son
|
nérale. | ventre, ou tel autre propre à circuler, bien
|
| fermé qu'il soit, afin que ses esprits ne
|
| sortent point; mais montent du fond du
|
| vaisseau à son bout, & derechef descendent
|
| au fond; & ainsi par cette circulation
|
| cette substance vient à mourir,
|
| c'est-à-dire à se fixer & coaguler en terre,
|
| noire & de toutes couleurs, à laquelle il
|
@
des secrets Chimiques. 139
faut donner à boire de la même substance
mercurielle, de laquelle elle a pris
naissance, comme a été dit ci-dessus,
afin de la tirer des ténèbres de la nuit,
dans la lumière du jour; c'est-à-dire la faire
blanchir, de laquelle blancheur si vous
êtes bon Maître vous pourrez tirer les
astres des Philosophes, pour iceux encore
réduire en terre, & les coaguler &
fixer en eau permanente, qui peut être
encore dissoute en son nectar naturel,
pour de là enfin en tirer toutes les substances
merveilleuses & miraculeuses
que la Nature y a encloses & enfermées.
Vous prendrez votre terre blanche, &
petit à petit lui donnerez à boire de son
eau jusqu'à ce qu'elle en ait bu la dixième
partie, & qu'elle sera congelée en son
soufre en pierrettes menues de couleur
de saphir, aucune fois de grenats,
aucune fois de marcassites, pailloles jaunes
& blanches, de couleur d'or & d'argent;
& enfin par diverses imbibitions
souvent réitérées, vous aurez une terre
grasse, fort épaisse, laquelle vous couperez
par petits morceaux, & mettrez
dans une cornue de verre jointe à son récipient,
bien lutés ensemble, & ferez
distiller au feu de cendres à petit feu, au
@
140 Livre second
commencement séparant ce qui pourra
passer par ce degré de feu insipide &
aqueux, retenant ce qui sera acide, en
haussant le feu à tel degré qu'il puisse tenir
fondu le plomb & l'étain, continuant
ce feu par tout un jour: Le jour
ensuivant vous croîtrez ce feu d'un degré
plus fort, & continuerez enfin de jour
en jour, à multiplier votre feu, jusqu'à
ce que votre matière ne distille plus; &
pour bien faire exactement cette distillation
selon les degrés du feu convenable,
il faut qu'entre les gouttes qui distillent
il y ait vingt ou trente moments de
l'une à l'autre; lorsque votre matière
ne distillera plus, & que les fumées blanches
passeront, lors éteignez votre feu
& laissez refroidir votre fourneau, &
tirez votre cornue où est votre matière,
laquelle vous romprez pour avoir votre
matière, pour la bien broyer dans un mortier
de verre avec son pilon de pareille
chose, & remettrez dans une autre cornue
nouvelle & bien nette, & sur icelle
mettrez son eau, la laissant reposer six
heures, & après distillez comme auparavant
au feu de cendres par les degrés de
feu semblable, continuant à distiller jusqu'à
ce que les fumées blanches sortent,
@
des secrets Chimiques. 141
lors cessez le feu & le laissez refroidir, |
|
rompez votre cornue, broyez votre matière |
|
& lui baillez son eau, comme dessus: |
|
Après la deuxième distillation gardez |
|
votre eau dans un vaisseau de verre |
|
bien fermé, & votre terre aussi: |
|
Prenez après de nouvelle matière, & |
|
nouvelle eau une autre livre, & la distillez |
|
comme vous avez fait celle-ici, & conjoignez |
|
l'eau avec l'eau, & la terre avec |
|
la terre; répétez cette opération sur de |
|
nouvelle matière jusqu'à ce que vous |
|
ayez de cette eau six livres, & conservez |
|
toutes vos terres aussi dans un vaisseau de |
|
verre bien fermé: Après prenez toutes | Manière
|
ces six livres d'eau ou davantage si vous | de purifier
|
en avez, & les distillez par le bain, séparant | le mercure
|
le flegme, & conservant ce qui est | des Sages.
|
acide, qu'il faut prendre tant seulement par |
|
un autre récipient bien joint & luté à sa |
|
cornue, & distillez tout ce qui se pourra |
|
distiller, rejetez les fèces qui demeurent |
|
au fond qui ne valent rien; réitérez |
|
cette distillation trois ou quatre fois, ou |
|
jusques à sept: après prenez de la terre |
|
que vous avez conservée auparavant six |
|
onces & broyez-la bien dans un mortier |
|
de verre, & mettez-la dans un matras |
|
assez grand pour la contenir avec toute |
|
@
142 Livre second
votre eau, laquelle vous mettrez sur
votre terre dans ledit matras, ou autre
vaisseau de verre propre à ce faire, bien
fermé, vous laisserez reposer votre matière
dans ledit vaisseau par trois jours
sans feu, & par inclination prendrez ce
qui sera clair & limpide de votre matière,
sans rien troubler, & mettrez ladite
matière à distiller dans un alambic ou
bain; au fond vous restera une gomme
bonne & noire, laquelle faut dessécher
par un jour, continuant le feu de la distillation
au feu de cendres très lent, & la
garderez: après vous remettrez votre
eau qui a distillé par le bain, sur six onces
de nouvelle terre, & laisserez reposer
trois jours comme devant, sans feu; puis
distillerez par le bain, comme devant,
gardant la gomme qui se trouve au fond
& la joignant avec la première, continuant
ainsi toujours jusqu'à ce que vous
aurez passé toute votre eau sur toute la
terre que vous aviez auparavant, &
qu'elle soit toute convertie en gomme;
laquelle gomme mise dans un alambic,
ou cornue vous distillerez à petit feu de
cendres, séparant le flegme qui coulera
le premier s'il y en a, & prendrez ce qui
coulera aigre & acide & continuerez la
@
des secrets Chimiques. 143
distillation jusques aux fumées blanches. | Le lait
|
Pour lors vous changerez de récipient, | des Sages.
|
& distillerez le lait des Philosophes, |
|
augmentant le feu petit à petit jusqu'à |
|
ce qu'il vienne une fumée rouge, |
|
lors vous changerez encore votre récipient, |
|
conservant bien le premier, comme |
|
l'âme, le sperme & mercure de notre |
|
pierre, & Médecine universelle, sans laquelle |
|
il est impossible de rien faire. |
|
Vous conserverez aussi très précieusement |
|
cette eau blanche dans un vaisseau |
|
de verre bien fermé, & à ces fumées |
|
rouges qui sortent les dernières, faut remettre |
|
un récipient nouveau, & augmenter |
|
le feu, tant qu'il ne distille plus, |
|
& qu'il aura distillé le sang du dragon, | Sang du
|
mercure rouge comme sang, continuant | Dragon
|
toujours à augmenter le feu, tant qu'il | des Sages.
|
ne distille plus, ce qui sera dans onze ou |
|
douze heures, & à la fin de la distillation, |
|
faut que le sable qui couvrira la cornue, |
|
soit tout rouge au fond; ce sang est l'or |
|
des Philosophes; le feu, leur lion rouge, |
|
& leur âme; ayant ces deux principes |
|
l'âme & l'esprit; ce qui demeure au fond |
|
de la cornue doit être terre noire, fort |
|
pesante comme métal, que vous garderez |
|
dans un vaisseau de verre bien fermé. |
|
@
144 Livre second
| Faut après purifier le sang du lion, &
|
| lui ôter un soufre combustible qu'il
|
| a, qui est passé & distillé avec lui, car ce
|
| soufre nuirait à notre oeuvre.
|
Purifica- | Et ainsi vous mettrez votre sang de
|
tion du | lion dans un matras, & fermerez bien votre
|
sang du | matras par un autre matras, qui entrera
|
Dragon. | dans le col de celui-ci, & le
|
| luterez ensemble, & mettrez votre
|
| matras dans le bain par huit jours, pendant
|
| lesquels les parties seront bien
|
| parfaitement dissoutes, & partant plus
|
| propres pour la séparation. Lors étant
|
| ainsi putréfié, vous le distillerez au bain
|
| bouillant, & quand il ne distillera plus
|
| par le bain, les fèces qui demeureront
|
| au fond, sont ce soufre duquel l'on
|
| vous a parlé qu'il faut séparer & rejeter,
|
| & faut réitérer par sept fois cette distillation,
|
| rejetant toujours les fèces qui
|
| demeurent au fond. Il en faut faire
|
| autant au lait des Philosophes & mercure
|
| blanc, lequel il faut redistiller par
|
| sept fois, jusqu'à ce qu'il ne fasse plus de
|
| fèces, & les conserver à part comme
|
| choses très précieuses.
|
| En après vous reviendrez à votre terre
|
| que vous avez gardée auparavant, pesante
|
| comme métal, & noire, laquelle
|
| vous
|
@
des secrets Chimiques. 145
vous broierez dans un mortier de verre, |
|
& mettrez après dans une cornue de verre, |
|
& y mettrez par-dessus tout votre |
|
sang de Lyon rectifié, & le laissez reposer |
|
trois heures sans feu, & puis le distillerez |
|
par les cendres, tant qu'il ne distille |
|
plus rien, & remettrez ce qui est distillé |
|
sur les fèces & terre qui demeurent au |
|
fond, & le laisserez reposer trois heures |
|
comme devant, & puis distillerez aussi |
|
comme auparavant; alors distille & monte |
|
le sel volatil qui est dans la terre, & le |
|
sang du Lyon le fait monter, & s'appelle |
|
ledit sel, l'Etoile de Diane, le talc | Talc des
|
des Philosophes, & la terre foliée, & le | Sages & soufre
|
soufre blanc. | blanc.
|
La raison pourquoi cette distillation |
|
est faite sur la terre avec le sang du Lyon, |
|
est d'autant que ce soufre blanc en la |
|
calcination de la terre viendrait à se perdre, |
|
étant volatil; & partant il l'en faut |
|
séparer & extraire par le sang du Lyon, |
|
avant calciner la terre: Ce sel volatil est |
|
grandement nécessaire, d'autant que |
|
c'est lui seul qui pénètre & ouvre la terre, |
|
la dissolvant avec le sang du Lyon; |
|
autrement le sang du Lyon seul, ni le |
|
mercure blanc ne pourrait dissoudre ladite |
|
terre, s'ils n'étaient imprégnés de |
|
K |
|
@
146 Livre second
| ce sel volatil, ce qui est très caché dans
|
| ce secret parmi tous les Philosophes.
|
| Après cette distillation gardez votre
|
| sang de Lyon, ou votre soufre rouge
|
| dans un vaisseau de verre bien fermé,
|
| après prenez votre terre qui est demeurée
|
| au fond de votre cornue, & mettez-
|
| la dans un pot de terre couvert de son
|
| juste & étroit couvercle, & là colloquée
|
| au feu de réverbère ou purgatoire, ou
|
| cette terre perdra un soufre terrestre
|
| combustible qui n'a pu être séparé par
|
Terre des | la distillation, cette calcination se fait
|
Philoso- | en trois heures, & cette terre devient
|
phes. | blanche, puis jaune, & enfin rouge, qui
|
| est chose admirable à voir; après laissez
|
| refroidir le feu & prenez cette précieuse
|
| terre, dépouillée & purifiée des parties
|
| corruptibles; sinon de quelques terrestres
|
| parties que le feu n'a pu séparer, broyez
|
| ladite terre & mettez-la dans un vaisseau
|
| de verre propre à cet effet, & mettez-y
|
| dessus son mercure & sperme blanc petit
|
| à petit en congelant à petit feu; &
|
| quand il aura bu son mercure blanc,
|
| donnez-lui à boire par même moyen
|
| un mercure rouge, peu à peu en congelant
|
| comme devant, au mercure blanc,
|
| & après mettez le tout à dissoudre au feu
|
@
des secrets Chimiques. 147
au bain tiède, en cette dissolution les |
|
éléments sont unis & congelés, & la terre |
|
prête à être rendue spirituelle par la |
|
force de l'âme & de l'esprit: cette matière |
|
congelée dans un vaisseau propre à |
|
fixer & congeler, vous verrez monter & |
|
descendre la partie spirituelle sur le |
|
corps, tant qu'ils soient congelés & |
|
fixés, alors vous mettrez votre matière |
|
dans un alambic sur les cendres, & donnerez |
|
feu par degrés, & verrez monter |
|
votre matière & sublimer en un corps |
|
cristallin le plus beau du monde, qui |
|
prit son poids propre & convenable de |
|
son âme & de son esprit, que l'homme ne |
|
lui peut donner, ni les Anges; Dieu seul |
|
le peut qui le sait: En cette distillation |
|
ou sublimation, le mercure qui n'est avec | Vraie terre
|
son poids juste de sa terre, coulera & distillera | blanche des
|
liquide le premier, lequel vous | Philosophes
|
joindrez avec les autres mercures liquides, | qui n'a besoin
|
qui ont servi à tirer le sel volatil de | que d'être fixé
|
la terre, & garderez votre terre volatile, | pour faire
|
sèche & cristalline plus blanche que | des miracles.
|
neige. |
|
Cette sublimation faite, le corps est |
|
rendu glorifié avec son esprit, & la terre |
|
qui demeure au fond est inutile & ne |
|
vaut rien; & c'est la première opération |
|
K ij |
|
@
148 Livre second
de l'oeuvre, & la première partie de la
Médecine universelle, purifiée de toute
macule & vice originel, que l'esprit &
l'âme ont rendu spirituelle: laquelle matière
ainsi purifiée & préparée, vous devez
mettre dans un matras fermé au
sceau d'Hermès, duquel la quatrième
partie sera tant seulement pleine, & le reste
vide; lequel matras vous mettrez
dans notre fourneau secret, dans son
vaisseau second, selon les lois de cette
coction, cuisant cette seconde fois à lent
feu & continuel, jusqu'à ce que le tout
soit fixé & rouge comme sang, prenant
garde que le feu ne soit violent, & qu'il
n'excède le feu intérieur de notre matière;
il ne faut pas qu'il excède la chaleur
du mois de Juin, & faut que la main puisse
être toujours tenue sur les vaisseaux
qui contiennent notre vaisseau, où est
contenue notre matière; laquelle au
commencement par un feu doux jette
ses fleurs, rondes comme petites lentilles,
blanches comme neige, & nagent sur
l'eau. Après dans les quarante jours cela
vient en pellicule noire & fleur noire qui
nage par-dessus l'eau; enfin cela s'épaissit
& devient noir comme poix: Il faut pour
lors continuer le feu jusques au blanc, &
@
des secrets Chimiques. 149
puis donner à boire petit à petit à notre
matière jusqu'à ce qu'elle ait bu dix
parties pour le moins de son eau; & selon
l'opinion d'autres jusqu'à quarante parties:
& lors il faut faire comme ci-devant
a été fait & enseigné en la séparation
des éléments, après les éléments séparés
& convertis en terre volatile, &
icelle terre volatile cuite & fixée faut
multiplier, si elle est blanche avec le
mercure blanc, sept fois rectifié; & si elle
est rouge, avec le mercure rouge sept fois
aussi rectifié & redistillé, cette matière
boira d'une bouche ravissante le mercure
que vous lui donnerez peu à peu, &
soudain boucherez votre vaisseau & le
remettrez au feu ordinaire jusqu'à ce
que verrez que rien ne monte ni descende,
& que tout soit bien rassis & fixé au
fond du vaisseau; donnez-lui encore à
boire & refermez votre vaisseau hermétiquement,
& cuisez-le au feu lent, par
trois jours, pendant lesquels la noirceur
apparaîtra; après augmentez le feu par
autres trois jours, vous aurez la couleur
blanche & apparente; & augmentez après
le feu, vous aurez la couleur rouge; &
ainsi en douze jours vous aurez l'entier
accomplissement, & verrez passer toutes
K iij
@
150 Livre second
Multipli- | les couleurs; après lesquels passés, la
|
cation de | pourrez encore multiplier comme devant,
|
la pierre. | & lui baillerez un oeuf nouveau
|
| & plus grand, & quand l'aurez multipliée
|
| par deux fois, en pourrez réserver
|
| une partie, parce qu'elle vous augmenterait
|
| trop, pour le vaisseau qui deviendrait
|
| trop petit; & partant vous en pourrez
|
| réserver une partie pour la multiplier
|
| si vous voulez en divers vaisseaux: Et
|
| notez qu'à chaque multiplication elle
|
| augmente de dix pour cent, puis de cent
|
| sur mille, puis sur dix mille, & puis sur
|
| cent mille, & ainsi à l'infini: Quand
|
| vous aurez fait une multiplication, & retenu
|
| le nombre des multiplications vous
|
| ferez projection d'une partie de votre
|
| matière sur quatre parties de fin or, ce
|
| que vous broierez après dans un mortier
|
| de verre, puis mettrez dans un oeuf sigillé
|
| & ferez cuire dans votre four secret, à la
|
| chaleur du dernier degré par trois jours
|
| & trois nuits, & lors vous aurez votre
|
| oeuvre prête à faire projection sur tous
|
| les métaux, suivant la puissance de la
|
| multiplication & ses degrés de perfection;
|
| car de la première vous ferez projection
|
| un poids sur cent, de la seconde
|
| sur mille, de la troisième sur dix mille,
|
@
des secrets Chimiques. 151
& de la quatrième sur cent mille. Si vos
éléments ont été bien rectifiez & purifiez
de leurs impuretés, & réunis ensemble
& congelez & fixez au dernier degré
de feu.
----------------------------------------
P O U R Q U O I L A N A T U R E
ne peut séparer les impuretés & saletés
qui sont en l'esprit général du
monde, & pourquoi ne peut-elle seule
achever la Médecine universelle.
Chapitre VII.
Ous avons démontré
ci-dessus qu'en notre
Médecine universelle, résident
quantité d'impuretés
& saletés élémentaires, &
avons enseigné plus que
suffisamment, & en termes plus clairs
qu'aucun des Philosophes qui aient écrit
de cette matière; à présent il est question
pour satisfaire à l'esprit de plusieurs,
d'enseigner & démontrer pourquoi la
Nature n'est assez forte & puissante pour
séparer toutes ces impuretés, puisqu'elle
K iiij
@
152 Livre second
est bien assez forte, pour parfaire &
achever l'or qui est un degré de perfection
bien haut & relevé: vous avez vu
ci-dessus ou vous êtes peu versé dans
cette Philosophie vitale, que ces parties
excrémenteuses élémentaires, qui sont
en notre matière, sont très copieuses &
très abondantes, & qu'il y a fallu diverses
opérations pour les séparer; les unes
étant séparées par distillation, les autres
par calcination, & encore par divers vaisseaux
& en divers lieux: Tellement que
la Nature étant dépourvue de tous
ses ustensiles, elle ne peut commodément
séparer ces soufres impurs & puants
qui résident en notre matière, outre que
n'ayant que les éléments, où les générations
& corruptions sont fréquentes &
en grande abondance par la destruction
des corps & des ombres que l'esprit général
du monde informe & actue tous les
jours, ces corps pourris & détruits de
leur être premier demeurant perpétuellement
dans les éléments; la Nature
n'ayant aucun lieu général destiné
pour rejeter tous les excréments
& impures lies qu'elle sépare tous les
jours en la génération de toutes choses;
mais elle laisse tout pèle-mêle dans ce
@
des secrets Chimiques. 153
grand vaisseau universel, fermé d'un |
|
sceau plus qu'hermétique, duquel rien |
|
ne peut sortir; Tellement que le pur circule | Le pur & l'impur
|
avec l'impure, monte & descend tout | circulent
|
pèle-mêle ensemble, d'où il est toujours | ensemble dans
|
infect & pollu de son impureté; & | la Nature &
|
partant sujet à corruption & altération: | sont cause de
|
D'autant que cette Médecine universelle, | la corruption.
|
ou cet esprit général du monde, |
|
tend à une suprême pureté, & n'y pouvant |
|
parvenir à cause du mélange des |
|
excréments, parmi lesquels il se trouve |
|
embarrassé, il tend toujours à s'en dépêtrer, |
|
& ne trouvant aucun lieu qui ne soit |
|
abondant en ses excréments, il est contraint |
|
de s'y mêler & d'y faire des générations |
|
de peu de durée: Mais dans notre |
|
vaisseau qui est un lieu très dépuré, |
|
étant une terre dépurée par le feu, qui a |
|
consumé tous les excréments élémentaires, |
|
& n'est rien demeuré en elle, que |
|
la pure partie élémentaire fixe, nous |
|
pouvons faire justement cette séparation |
|
suprême que la Nature prétend faire |
|
& fait encore; mais n'ayant des lieux |
|
pour rejeter à part ces excréments, & |
|
cuire après ces parties pures dans des |
|
vaisseaux purs, elle est contrainte de |
|
cuire tout pèle-mêle; & par ainsi elle n'a |
|
@
154 Livre second
| jamais parachevé sa séparation: Tellement
|
| que nous lui devons aider, &
|
| commencer là où elle finit, & suivre en
|
| tout & partout sa piste & ses pas sans rien
|
| innover.
|
La composi- | D'où vous pouvez comprendre facilement
|
tion de la | à présent le dire des anciens Philosophes,
|
pierre sem- | qui nous ont assuré que la composition
|
blable à la | de cette Médecine universelle
|
création | était semblable à la Création du monde
|
du monde. | car en icelle Dieu fit & créa la lumière,
|
| & la sépara des ténèbres; tant qu'il voulut,
|
| & fixa la plus pure partie d'icelle dans
|
| le ciel, & principalement dans le corps du
|
Qu'est-ce | Soleil, qui n'est rien plus que cette lumière
|
que le | fixée en corps de Soleil par la main
|
Soleil. | de Dieu, d'où il nous départ l'esprit général
|
| de vie pour la conservation & production
|
| de toutes choses; lequel esprit de vie
|
| venant à se corporifier en sperme général,
|
| contracte en cette coagulation les excréments
|
| qui sont dans les éléments, & principalement
|
| dedans l'eau & dans la terre:
|
| & d'autant qu'en icelle tous les éléments
|
| résident, & qu'icelle n'est autre chose
|
| que la résidence & la partie plus crasse &
|
| épaisse de tous les autres éléments,
|
| notre esprit général venant à prendre
|
| corps au moyen d'icelle, est contraint &
|
@
des secrets Chimiques. 155
forcé de se vêtir & couvrir de l'étoffe |
|
qu'il trouve dans ces magasins. |
|
Merveille des merveilles, que le Fils | Similitude
|
du Ciel, l'unique progéniteur du Soleil | du Fils de Dieu
|
& de la Lune, la pureté & netteté, & lumière | & de l'esprit
|
de toute la Nature, veuille prendre | du monde.
|
le corps le plus vil, & le plus abject |
|
de tout ce monde, que toutes les Créatures |
|
méprisent & foulent aux pieds, |
|
comme une chose de néant; à l'imitation |
|
de son Créateur qui pour l'amour |
|
des hommes qu'il a créés de l'abîme du |
|
néant, s'est fait homme, & a voulu pâtir |
|
volontairement pour eux, ce que le plus |
|
chétif des hommes n'aurait voulu faire |
|
pour soi-même; ce qui est plus amplement |
|
décrit dans mon Alchimiste |
|
Chrétien. |
|
La terre donc avec les autres éléments |
|
qui se trouvent en icelle, donnant & fournissant |
|
l'étoffe pour habiller notre esprit |
|
général du monde, & la matière de notre |
|
Médecine générale, lui baille ce qu'elle |
|
a, & n'ayant que quantité d'excréments |
|
aqueux & terrestres il y en fournit sa bonne |
|
part: mais c'est en nous à l'en dépouiller, |
|
& prendre seulement ce qui est de |
|
sa substance pure, avec la substance pure |
|
des autres éléments qui lui ont donné |
|
@
156 Livre second
| corps visible & palpable, rejetant l'humide
|
| aqueux & insipide, & tous les autres
|
| excréments élémentaires; réservant
|
| les substances acides, aériennes & ignées
|
| qui s'y trouvent, qui servent à dissoudre
|
| & pénétrer la terre & en tirer son âme,
|
| qui est un sel fixe, auquel ils donnent des
|
| ailes, & l'élèvent jusques au Ciel pour
|
| le dépurer de toutes ses ordures & saletés
|
| aqueuses & terrestres, comme vous avez
|
Pourquoi | appris très amplement au Chapitre précédent,
|
la Nature | par lequel vous pouvez allez
|
ne peut pa- | manifestement comprendre, pourquoi
|
rachever la | la Nature seule ne peut achever la Médecine
|
Médecine | générale; bien qu'elle la commence,
|
générale. | tende & vise à la parachever, mais
|
| elle ne peut, puisqu'elle n'a moyen de
|
| séparer de cette Divine substance tous
|
| les excréments étrangers qui s'y trouvent,
|
| & mettre après cette pureté, absente
|
| de toute ordure, dans un lieu pur, & la
|
| cuire & fixer en toute perfection, comme
|
| l'artifice est contraint & forcé de
|
| faire pour jouir d'une telle perfection
|
| & merveille naturelle que la plus grande
|
| part du monde estime ridicule, & toutefois
|
| c'est la pure vérité, qu'une infinité de
|
| personnes de toute condition ont vue
|
| & touchée.
|
@
des secrets Chimiques. 157
----------------------------------------
E N Q U E L T E M P S D E
l'année , & en quels lieux l'on peut
plus abondamment colliger la
matière de notre Médecine
universelle.
Chapitre VIII.
Uisque la matière de
notre Médecine universelle
& l'esprit général
du monde, & qu'en tout
temps & en tous lieux il
est répandu par tous les
éléments, pour la nécessité continuelle
des Citoyens du monde; il semble que
c'est une question frivole, & de peu de
considération, en quel temps l'on la doit
colliger, & en quel lieu, puisqu'elle se
trouve en tout temps & en tous lieux;
car la Nature en a tel besoin qu'elle ne
s'en peut passer un moment de temps
sans se perdre & aller dans son premier
néant: Néanmoins pendant l'Hiver
cette matière de l'esprit général du monde,
& de notre Médecine universelle,
@
158 Livre second
se retire plus copieusement au centre de
la terre pour la corporifier, chassé de tous
côtés de la Sphère de l'air & de l'eau, par
l'antipéristase du froid son mortel ennemi,
il se retire au centre du monde; &
lorsque son père le Soleil s'approche du
climat, duquel il s'était retiré pour aller
échauffer les autres climats de la terre à
leur tour; il ouvre par sa chaleur les pores
de la terre, chasse le froid de ce climat,
& lors cet esprit du monde vient
à monter plus copieusement & plus abondamment
vers ce climat, d'où son père
a chassé le froid par son approche; d'autant
qu'il fuit toujours sa source & sa
fontaine, & souhaite se joindre avec elle
pour la commodité des productions: Et
d'autre côté il est chassé de l'autre climat,
opposite à celui-ci par la présence
du froid & l'absence de son père, ou son
reculement, qui donne loisir & commodité
de le chasser & poursuivre jusques
dans son centre, ou ayant pris & recouvert
nouvelles forces, & s'étant rafraîchi
dans sa naturelle Citadelle & son
Palais royal, il s'en va à main armée du
côté où les forces de son père l'appellent
& l'attendent pour anéantir entièrement
le froid & toutes ses troupes, qui
@
des secrets Chimiques. 159
durant l'Hiver occupaient toute la campagne, |
|
ravageant, tuant & saccageant |
|
tous ses enfants: il revient donc au Printemps, |
|
& se joint aux troupes de son |
|
père, pour rendre la vie & délivrer des |
|
mortelles prisons tous ses sujets & vassaux |
|
que l'hiver avait fait prisonniers |
|
dans ses gelées & glacées maisons. D'où |
|
tous les Philosophes anciens & modernes, |
|
qui ont eu la connaissance de ces |
|
mystères, nous ont conseillé de colliger |
|
notre matière, lorsque le Soleil |
|
commence à entrer dans le Mouton & |
|
Bélier; d'autant qu'en ce temps-là cette | En quel temps
|
matière commence à monter & descendre | de l'année il
|
plus copieusement qu'en tout autre | faut colliger
|
temps, pour les raisons ci-devant déclarées: | la matière de
|
Car en Eté pendant les violentes | l'esprit général.
|
chaleurs, il en est converti en air & réduit |
|
dans la spiritualité aérienne, pour le |
|
moins une grande partie; d'où il est très |
|
difficile de le retirer sans l'humidité de |
|
la nuit, qui le couvre de son humide |
|
manteau, & l'étend après sur toute la |
|
face de la terre; que si les nuits sont sèches |
|
& arides, comme il arrive en plusieurs |
|
climats méridionaux, il demeure toujours |
|
dans sa spiritualité, sauf proche |
|
des rivières & fontaines, au rivage desquelles |
|
@
160 Livre second
| l'on en trouve quantité & en
|
| abondance; car l'humidité de ces lieux
|
| se joint facilement à la sécheresse & chaleur
|
| vitale de cette lumière solaire, &
|
| s'incorporent ensemble, pour être plus
|
| commodément portés par toutes les veines
|
| & pores de la terre; & ainsi être distribués
|
| pour aliment général & universel
|
| à tous les Citoyens du monde: hors de
|
| là il s'en trouve en tous lieux, mais plus
|
| commodément dans les prés, & dans
|
| tous lieux aquatiques, dans les vallées des
|
| montagnes, qui sont remplies de sources
|
| vives & fontaines très claires: Celle des
|
| montagnes est la plus pure & la plus belle,
|
| comme plus séquestrée des excréments
|
| aqueux & terrestres, même de
|
| la poussière qui est copieuse en d'autres
|
| lieux qui la rend crasse & épaisse; & partant
|
Méthode | plus terrestre & limoneuse. Ici
|
particuliè- | quelques Philosophes de ce temps se
|
re de la | sont imaginés que puisque les montagnes
|
pierre des | & lieux relevés nous donnent la
|
Sages, | matière de notre Médecine générale, la
|
combattue. | plus pure qu'on puisse trouver sur la terre;
|
| ils la veulent encore colliger plus pure
|
| que ces lieux ne la peuvent donner, & la
|
| veulent faire passer à travers les pores du
|
| verre, par le moyen de la vertu attractive
|
&
@
des secrets Chimiques. 161
& aimantine du fils du Soleil le plus
beau & le plus pur que la Nature puisse
faire, & disent que par ce moyen ce fils
d'Apollon échauffé par son père, attire
à travers même les murailles & parois
des prisons où il est enfermé ses rayons
de lumière, & les convertit en humeur
& liqueur, qui pénètre ses pores & tout
son corps, avec laquelle il s'unit & s'incorpore,
se putréfie & se dissout, & de
mort revient à vie, & sans autre artifice
que la seule chaleur de son père, & la tiédeur
& humidité de sa mère il parvient
à cette suprême perfection, que nous prétendons
conduire par nos régimes ci-
devant décrits; je le laisse juger aux plus
sensés de l'école Hermétique, qui nous
témoignent le contraire par leurs écrits
& par leurs expériences; car bien que
cette lumière qui pénètre le lit nuptial
& cristallin de ce beau Phoebus, soit à la
vérité la matière de l'esprit général du
monde, il ne peut avoir la totale perfection
qu'il doit avoir avec tous ces soufres
& mercures. Nous ne pouvons à
la vérité nier que ce qui perce les vaisseaux
de verre, exposés à la chaleur du
Soleil, & exposés à l'humidité de la nuit
ne soit cette semence générale qui se sublime
L
@
162 Livre second
| du centre de la terre, & descend
|
| du premier mobile & de tous les astres, &
|
| principalement du Soleil jusqu'à la superficie
|
| de la terre, & là par la tiédeur &
|
| l'humidité de la nuit, résolue en vapeur
|
| très subtile, qui comprend en soi la subtilité
|
| & le pur de tous les éléments, pour
|
| servir d'esprit de vie à toutes choses, d'où
|
| encore il s'encrasse & s'épaissit davantage
|
| par la moiteur de l'air, & des diverses
|
| altérations du froid & de l'humide, qui
|
| perpétuellement se font en icelui, pour
|
| derechef rechoir en terre, & prendre le
|
| même corps qu'il avait auparavant
|
| avant sa résolution en air.
|
| D'où s'ensuit cette perpétuelle & indésirante
|
| circulation, de monter & descendre
|
De la par- | de la terre au ciel, & du ciel en
|
tie coagu- | la terre, pour se résoudre, & se coaguler
|
lée & fixée | en semence & corps spermatique
|
de l'esprit | de toutes choses, & se résoudre en
|
du monde | vapeur très subtile, pleine toutefois de
|
qui demeu- | vie, & de feu naturel & céleste; & cependant
|
re dans les | les parties les plus coagulées, &
|
eaux, les | tendant à fixion demeurent dans la terre,
|
métaux | ou dans les eaux, & là produisent les choses
|
& pierres | plus précieuses, si ces parties tombent
|
précieuses | dans des lieux purs, & qu'elles-mêmes
|
se font. | soient dépurées à dernière purification,
|
@
des secrets Chimiques. 163
par la longue & continuelle sublimation
& circulation qui se fait de cette matière
nuit & jour, dans ce grand & vaste vaisseau
du monde universel, comme l'on
verra plus amplement en son Chapitre
particulier de la génération des métaux
& des pierres précieuses.
----------------------------------------
P A R Q U E L A R T I F I C E
Chimique plus court que le précédent,
l'esprit général du monde se convertit
en Astre, en Ciel, en Lune, en Soleil,
en talc, soufre, mercure & sel des
Philosophes.
Chapitre IX.
L semble d'abord très
difficile, voire impossible,
de pouvoir changer
la plus vile chose du
monde & la plus abjecte
de la terre, en un Astre
très éclatant, en Ciel, en Lune, en Soleil
très radieux & très puissant; ce qui
donne occasion de croire à tous ceux qui
ne sont point usités dans ces matières,
L ij
@
164 Livre second
| que c'est une fable & une chose ridicule,
|
| & conte pour amuser les sots, & les peu
|
| avisés: ils doivent toutefois tenir pour
|
| très assuré qu'en leur opinion ils sont
|
| très sots, & très ignorants en la connaissance
|
| de la Nature; & que cette affaire est
|
| aussi facile qu'à faire du moût & du suc
|
| des raisins du vin, & du pain de la farine
|
| de froment, car ici il ne faut, comme
|
| tout le monde sait, que séparer & trier
|
| le pur de l'impur, & fermer dans les vaisseaux,
|
| & laisser le reste à faire à la Nature,
|
| qui cuit & fermente le suc des raisins, & le
|
| change de moût en bon vin, & de la farine
|
| du froment, il ne faut que pétrir, fermenter
|
| & cuire.
|
Comme il | Il en est de même de notre matière,
|
faut fixer | il ne faut que la prendre, la mettre dans
|
la matière | son vaisseau scellé hermétiquement, &
|
de l'esprit | la colloquer dans un feu tiède, fort lent
|
du monde. | & continuel; afin qu'elle se sublime & se
|
| circule dans son vaisseau. Le plus subtil
|
| monte dans le ciel du vase & ayant monté
|
| descend vers la terre, qui est au fond
|
| du dit vaisseau; & ainsi continuellement
|
| montant & descendant se congèle & fixe
|
| en terre blanche, après avoir passé pendant
|
| sa coagulation, par toutes les couleurs
|
| que la Nature peut avoir; Pour
|
@
des secrets Chimiques. 165
lors il faut dissoudre encore votre terre
blanche, & la convertir en liqueur
gluante & épaisse, en lui donnant à boire
de la même eau & liqueur, de laquelle
à force de coction cette terre blanche
a été faite, & procréée dans le ventre de
votre vaisseau; après qu'elle est dissoute
vous séparerez par le bain ce qui peut monter,
qui sera une eau un peu acide; laquelle
vous rectifierez trois ou quatre fois,
voire tant qu'il faudra, jusqu'à ce qu'elle
devienne ardente, & la priverez de son
flegme aqueux; cette eau ardente ainsi
dépurée & séquestrée de son flegme,
vous la remettrez sur votre matière qui
est demeurée au fond de votre vaisseau
à la première distillation, & ferez ensemble
digérer à lent feu trois ou quatre heures,
& distillerez après au feu de cendres
lentement & avec modération; & ce qui
distillera vous le rectifierez quatre ou
cinq fois au feu lent de cendres, & le priverez
par cette rectification de tous excréments
aqueux & terrestres, & garderez
ce qui sera fort acide & ardent; ainsi
rectifié vous le rejoindrez encore sur l'onguent
& matière qui demeure au fond
de votre alambic, & le ferez digérer
trois ou quatre heures, & après encore
L iij
@
166 Livre second
| vous le redistillerez au feu de cendres,
|
| donnant sur la fin un peu plus fort que le
|
| premier, & pour lors distillera une eau
|
| rouge, laquelle vous rectifierez comme
|
| la première, afin de la purifier, & la rejoindrez
|
| avec votre matière ou terre gluante,
|
| & digérerez encore; & ferez après distiller
|
| à feu encore plus fort qu'auparavant,
|
| afin que le sel volatil qui réside
|
| dans votre terre puisse monter; lequel
|
| sel vous joindrez avec votre eau rouge,
|
| & ferez ensemble distiller quatre ou cinq
|
| fois, gardant les fèces de toutes les distillations
|
| pour les conjoindre avec la terre,
|
| laquelle vous réverbérerez & calcinerez
|
| dans un creuset bien fermé & clos, jusqu'à
|
| ce qu'elle devienne rougeâtre; laquelle
|
| ainsi calcinée vous joindrez avec
|
| votre eau ci-dessus rectifiée, qui est
|
| pleine de son sel volatil, afin qu'elle puisse
|
| attirer à soi tout le sel central qui réside
|
| encore dans ladite terre, laquelle
|
| étant toute examinée & privée de son
|
| sel, demeure en terre morte sans continuité
|
| fort légère.
|
| Votre quintessence ainsi préparée,
|
| ayant tous les quatre éléments en soi, &
|
| les trois principes naturels, avec leurs
|
| poids dûs & convenables; vous la
|
@
des secrets Chimiques. 167
pouvez enfermer dans un matras qui ait |
|
le col court, fermé au sceau d'Hermès, & |
|
la cuire au feu premier jusques à parfaite |
|
coagulation & fixation, à laquelle après |
|
cette perfection vous pouvez joindre |
|
l'âme de l'or, laquelle vous tirerez avec |
|
la première eau ardente, jointe avec son |
|
sel volatil & rectifié; l'or battu & passé |
|
par le ciment royal se dissoudra dans cette |
|
eau, & dissout qu'il soit vous le pouvez |
|
avec facilité joindre avec notre matière, |
|
& le pourrez avant le joindre, faire distiller |
|
pour le rendre plus pur & plus tingeant; |
|
& après cette distillation en séparer |
|
par le bain tout ce qui pourra monter |
|
& distiller, & ce qui restera au fond en |
|
mettre une partie sur dix, de notre quintessence, |
|
& cuire tout ensemble à dernière |
|
fixation; pour lors vous avez le secret |
|
des secrets, si l'abrégé de toute la | L'abrégé
|
puissance naturelle, l'Astre, le Ciel, la | des secrets
|
Lune, le Soleil, le talc, le soufre, le | naturels.
|
mercure, & le sel parfait & absolu des |
|
Philosophes, qui est préparé un peu plus |
|
court qu'auparavant; mais je tiens qu'en |
|
ce secret la plus longue coction est la |
|
meilleure, parce qu'aux courtes coctions |
|
& préparations, ce qui est occulte dans |
|
les éléments ne se peut si tôt rendre manifeste, |
|
L iiij |
|
@
168 Livre second
& que la Nature ayant en toutes
choses ses termes & ses temps limités &
comptés, & que les vouloir abréger, c'est
rendre ses fruits immurs & avancés, &
avortons: Le meilleur est de suivre la
piste des Anciens, & se contenter de pouvoir
parachever ce chef-d'oeuvre dans
un an entier & complet; ce qui est assez
court & plus court que nous ne méritons.
---------------------------------------
S I L'O R C O M M U N E T
vulgaire est nécessaire à la perfection
de notre Médecine
générale.
Chapitre X.
Ous avons assuré &
prouvé tout ensemble,
assez raisonnablement,
que la matière de notre
Médecine universelle a
tout en soi; car si cela
n'était, toutes choses ne s'en pourraient
pas produire comme elles s'en produisent.
Nous ne prétendons pas faire de
@
des secrets Chimiques. 169
l'or, ni aucun métal, ni animal ni végétal; |
|
nous prétendons seulement purifier |
|
& sublimer à tel degré de perfection cette |
|
première substance, où Dieu veut que |
|
la Nature commence le mouvement de |
|
toutes choses, & la cuire après cette purification |
|
à tel degré de coction, qu'elle |
|
soit fixe & permanente à toute action de |
|
feu sans la pouvoir détruire ni corrompre; |
|
& par ce moyen qu'elle chasse toutes |
|
les imperfections des mixtes naturels; |
|
lesquelles imperfections ne dépendent |
|
que de la crudité de cette même substance |
|
qui est en eux, & du mélange |
|
d'une infinité d'excréments avec lesquels |
|
elle est mêlée. D'ici nous pouvons | Il n'est besoin
|
assez clairement conjecturer qu'il | d'ajouter
|
n'est besoin d'y ajouter de l'or, ni en | de l'or à
|
son commencement, ni en son milieu, | la Médecine
|
ni dans sa fin: mais seulement purifier & | générale.
|
fixer cette matière générale, par le |
|
moyen de laquelle préparée & exaltée |
|
au suprême degré de perfection, l'on parfait |
|
l'or vulgaire & commun d'une perfection |
|
beaucoup plus grande & au-delà |
|
de son degré naturel & ordinaire: Tellement |
|
que de mort qu'il est, sans aucune |
|
teinture communicable aux autres |
|
métaux imparfaits, il devient un or vif |
|
@
170 Livre second
plein de vie, & de teinture communicable
aux autres métaux.
Ce qu'on peut faire en cette façon
bien courte, qui est toutefois énigmatiquement
décrite dans les dernières clefs
de Basilius Valentinus; il faut prendre
de notre matière parfaite & absolue,
ayant la dernière coction & séparation;
par exemple une once, & avoir de l'or
commun & ordinaire, passé par le ciment
royal, & par l'antimoine plusieurs fois,
afin de le séparer de toute ordure, & après
le couper en petites lamines, & les mettre
dans un creuset, stratum super stratum,
avec notre Médecine pulvérisée, & colloquer
le tout dans un feu assez fort &
violant afin que le creuset demeure toujours
rouge, & le laisser ainsi dans ce bain
Vulcanique, le creuset étant couvert
l'espace de quatre ou cinq heures, & icelles
passées fondre le tout s'il n'est fondu,
& le jeter fondu qu'il est sur un marbre
net & poli, icelle matière refroidie est
rouge & éclatante, & se brise & pulvérise
facilement, de laquelle si vous jetez
une partie sur mille de métal imparfait
vous le convertirez en fin or, meilleur de
beaucoup & à plus grand & haut degré
& carat, que celui que la Nature produit
@
des secrets Chimiques. 171
dans ses minières; d'autant que cet or |
|
naturel que vous avez ajouté à notre |
|
Médecine absolument parfaite & complète, |
|
s'est encore perfectionné davantage, |
|
& a passé les degrés de la perfection |
|
naturelle, & a reçu au moyen de |
|
cette Médecine générale la perfection |
|
dernière & absolue, que la Nature ne lui |
|
a pu donner, à cause qu'elle ne peut jamais |
|
parvenir à la dernière & absolue purification |
|
& coction de cette Médecine |
|
générale; & partant ne la peut rejoindre |
|
aux enfants qu'elle a produits imparfaits |
|
& pollus de mille excréments élémentaires, |
|
desquels elle ne se peut séparer sans |
|
être aidée de ce divin & miraculeux artifice; |
|
lequel elle-même a démontré par |
|
ses actions & opérations aux vrais & légitimes |
|
Philosophes qui la connaissent, |
|
& qui contemplent ses plus intérieures |
|
actions. |
|
Voilà en quelle façon je crois que les | Pourquoi faut-
|
anciens Philosophes nous ont laissé par | il ajouter de
|
écrit qu'il y faut ajouter de l'or, non | l'or à notre
|
pas pour perfectionner notre Médecine, | Médecine.
|
car elle se parfait elle-même ayant |
|
en elle-même le centre de toute perfection, |
|
& de quoi se perfectionner; mais |
|
pour parfaire l'or, qui est entièrement |
|
@
172 Livre second
imparfait, comparé & égalé à cette divine
substance qui lui a donné la perfection
qu'il a naturelle, & la lui peut
augmenter & multiplier à tel degré qu'il
peut après parfaire les autres. Que si
l'on vient au commencement à y ajouter
de l'or, c'est faire rétrograder l'or
d'un degré de perfection qu'il a, & d'une
coction plus haute & plus cuite, que notre
matière n'a au commencement; &
recuire derechef, après avoir réincrudé
ce que la Nature avait déjà fait & cuit.
Il est vrai toutefois que ce n'est autrement
gâter notre oeuvre, d'autant que
l'on n'y ajoute rien d'étrange; mais ce
qui est de sa nature & de son essence
déjà fixe & purifiée à certain degré de
perfection; lequel degré de perfection
& coction ne peut nuire en aucune façon
à la substance de notre Médecine générale,
mais avancer la coction & perfection
d'icelle, en multipliant son feu naturel
intérieur, & son soufre naturel &
parfait, par l'addition du soufre & du
feu naturel qui est enclos dans le ventre
de l'or, qui déjà ayant une coction assez
parfaite, avance la coction de l'autre qui
n'est pas si avancée que celle-ci: Et
voilà comme j'entends, & se doit entendre
@
des secrets Chimiques. 173
que l'or y peut, si l'on veut, y être ajouté, |
|
non pour perfectionner cette oeuvre, |
|
mais pour y être lui-même perfectionné |
|
& accompli, pendant le temps |
|
que notre oeuvre se parfait, s'avance |
|
& monte dans les degrés plus hauts & |
|
relevés que la Nature puisse prétendre. |
|
Mais ce qui se fait ici par ce moyen |
|
dans une longue espace de temps, se fait |
|
après dans quatre ou cinq heures, comme |
|
vous avez vu ci-devant; car notre |
|
matière parfaite jetée & fondue avec |
|
l'or, le parfait aussitôt au dernier degré |
|
de sa plus haute & éminente perfection. |
|
Quelqu'un m'objectera que cette divine | Objection.
|
Médecine fera le semblable aux |
|
métaux imparfaits; car ceux-ci ayant |
|
une substance métallique, imparfaite |
|
à cause de leur crudité, & du mélange |
|
de beaucoup d'excréments, qui ne sont |
|
point séparés de cette substance métallique, |
|
venant à être mélangés avec notre |
|
Médecine parfaite, par son feu naturel |
|
super-abondant & fixement implanté |
|
en elle, vient à séparer tous ces excréments |
|
hétérogènes de la substance métallique, |
|
& à les cuire parfaitement, & lui |
|
donner le degré de perfection qu'elle a, |
|
@
174 Livre second
autrement elle ne serait pas Médecine
générale, si elle ne pouvait elle-même
sans addition d'autre chose que de la
substance pure qui se trouve en elle-même,
perfectionner tous les individus qu'elle
a faits & formés de sa substance; &
si cela est vrai comme il est raisonnable
qu'il soit, il n'est en aucune façon besoin
d'y ajouter plutôt de l'or que du
plomb, ou quelque autre métal imparfait,
puisqu'avec celui-ci notre Médecine
fera aussi bien qu'avec l'or, puisqu'elle
est indifférente à tous les genres des
mixtes naturels, & n'a besoin de se joindre
pour se spécifier à aucun individu
parfait, pour à cause de cette perfection,
perfectionner les autres; car elle a assez
de perfection en elle-même pour perfectionner
l'individu auquel elle se joint,
soit-il parfait, ou imparfait; car en se joignant
elle se spécifie, & par la même
action elle parfait les individus auxquels
elle se joint, chacun en la perfection de
son genre & de son espèce. D'où vient
que se joignant au plomb ou à quelque
autre métal imparfait elle cuit & parfait
la substance imparfaite du plomb, & la
cuit à la perfection de l'or où cette substance
tend naturellement; que si la force
@
des secrets Chimiques. 175
& vertu de notre Médecine générale |
|
est encore plus forte & plus efficace, elle |
|
ne s'arrête pas à ce degré de la perfection, |
|
de l'or, mais la fait passer de l'or jusques |
|
à la perfection de la Médecine, mais |
|
toujours elle passe par ce degré qui est le |
|
milieu de cette extrémité. |
|
Cette objection est très véritable & | Solution
|
très subtile, & nous prouve assez évidemment | & réponse
|
que l'or n'est point nécessaire à | à l'objection.
|
la composition de notre oeuvre que pour |
|
s'y perfectionner lui-même, & communiquer |
|
la perfection aux autres métaux |
|
imparfaits, ce qui est prouvé par l'objection |
|
même, en l'exemple du plomb qui |
|
est mené parmi notre Médecine, qui |
|
vient à acquérir la perfection de l'or, & |
|
étant or, cet or encore passe outre jusques |
|
à la perfection plus grande que l'or commun; |
|
car il devient vif, & communiquant |
|
sa perfection aux autres métaux |
|
qui ne l'ont point, ce qui est se perfectionner |
|
au plus grand & au plus éminent |
|
degré de perfection. |
|
Nous conclurons donc qu'en la composition |
|
de notre Médecine générale, |
|
n'est besoin l'or commun & vulgaire, ce |
|
que tous les anciens Philosophes nous |
|
ont laissé confirmé par leur axiome, Ignis |
|
@
176 Livre second
Interpré- | & Azot tibi sufficiunt: Azot est ici un
|
tation du | mot mystérieux, outre qu'en Castillan il
|
mot Azot. | signifie mercure, il enferme en soi quatre
|
| lettres, qui représentent & sont de
|
| vrai le commencement & la fin de tous
|
| les Alphabets & langues du monde: Car
|
| par A, tous les Alphabets commencent;
|
| par Z, les Latins finissent; par ω. les
|
| Grecs, & par T. les Hébreux, & toutes
|
| les autres langues suivent l'une de ces
|
| trois ici: Tellement qu'en ce mot ici
|
| Azot, qui signifie Mercure, est compris
|
| tout ce que les Latins, les Grecs & les
|
| Hébreux, & tout ce qui dépend d'eux,
|
| peuvent enseigner, & le commencement,
|
| & la fin des choses naturelles y est
|
| enclos & enfermé.
|
|
|
| P A R
|
@
des secrets Chimiques. 177
----------------------------------------
P A R Q U E L M O Y E N
notre Médecine générale, complète
& absolue en perfection
peut guérir toutes sortes
de maladies.
Chapitre XI.
ippocrate parmi toutes
ses oeuvres ne nous
chante autre chose que la
Nature seule a le pouvoir
de guérir toute sorte de
maladies: Il n'y a qu'une
Nature, bien qu'elle se divise en un presque
infini nombre d'individus, qu'elle
engendre & procrée, elle est toujours
une, bien que ses enfants soient plusieurs:
Si ses enfants ont quelque vertu, ils l'ont
reçue de leur Mère qui les a engendrés,
& leur a donné tout ce qu'ils ont, qui est
beaucoup plus fort & actif dans le ventre
de leur mère & dans sa source, que dans
les individus qui en sont sortis. Cette
Nature donc qui est unique en essence,
est cette matière de notre Médecine
M
@
178 Livre second
| universelle, qui a le pouvoir de guérir
|
| toute sorte de maladies, selon l'opinion
|
Preuve que | d'Hippocrate. Or que la matière de notre
|
la Nature | Médecine universelle ne soit cette
|
est l'esprit | Nature unique principe de mouvement
|
général du | & de repos en toutes choses, il est très facile
|
monde. | à le prouver par les Chapitres précédents
|
| de cet oeuvre, où nous avons
|
| démontré que c'était l'esprit général
|
| du monde, où tous les éléments & principes
|
| naturels étaient enclos & enfermés
|
| comme dans leur vrai centre, &
|
| qu'en icelui était le vrai siège de Nature,
|
| où elle présidait avec une puissance
|
| royale, que toutes les forces & vertus
|
| étaient là ramassées; en telle façon qu'il
|
| ne faut nullement douter que la matière
|
| de notre Médecine universelle ne soit
|
| cet esprit général du monde; & que partant
|
| cette même matière ne soit la Nature
|
| même, qui a le pouvoir de guérir
|
| toute sorte de maladies, que notre Hippocrate
|
Qu'est-ce | appelle feu mol: lorsqu'au premier
|
que feu | livre de la méthode de vivre il veut
|
mol chez | témoigner aux Chimiques mêmement
|
Hippocrate. | avoir su ce grand secret, quand
|
| il enseigne en termes très courts la composition
|
| de l'or potable, sous ces paroles;
|
| Aurum operantis tundunt, lauant, molli
|
@
des secrets Chimiques. 179
igne liquant, forti autem non conflatur, vbi
vero elaborarunt ad omnia vtuntur. J'admire
ces paroles sous lesquelles ce grand
mystère est caché, duquel Hippocrate
avait la connaissance, & suis étonné
qu'aucun de ces interprètes ne s'en soit
pris garde. Ce feu qu'Hippocrate appelle
mol, est à la vérité notre Médecine
universelle, qui conjointe avec l'or, le
fond & liquéfie mollement & doucement
sans aucune violence, & le convertit
en sa substance molle & liquable,
comme cire, comme vous avez vu aux
Chapitres précédents; & après qu'il est
ainsi préparé guérit toutes sortes de maladies,
comme il assure par ces derniers
termes,
Vbi vero elaborarunt vtuntur ad
omnia.
Or que ce feu mol d'Hippocrate ne
soit cette Médecine universelle, de laquelle
nous avons ci-devant parlé, il est
très aisé à le prouver par tout ce que
nous avons écrit, & par tout ce que les
autres Philosophes Chimiques ont dit
& écrit; car il n'y a aucun feu mol en la
Nature, que notre eau visqueuse, qui est
toute pleine de feu, qui puisse dissoudre
& fondre l'or vulgaire: Car le feu commun
& ordinaire ne le peut fondre qu'il
M ij
@
180 Livre second
| ne soit très violent & très fort, ceux qui
|
| sont experts en la fusion de l'or le savent
|
| très bien; & partant il faut nécessairement
|
| que ce feu d'Hippocrate soit notre
|
| eau visqueuse & mercuriale, qui ne
|
| mouille point les mains, qui est l'humide
|
| radical métallique, au moyen duquel l'or
|
| se dissout & se fond aussi doucement &
|
| mollement que la neige & la glace dans
|
Hippocrate | l'eau chaude; tellement que c'est véritablement
|
savait la | un feu mol, puisque c'est une eau
|
pierre phi- | congelée qui se fond comme cire à la
|
losophale. | moindre chaleur: Et voilà comme Hippocrate
|
| en trois lignes enseigne & témoigne
|
| à ceux qui le savent, qu'il savait
|
| cette merveille & ce miracle naturel,
|
| lui attribuant la vertu & efficace de
|
| guérir toutes sortes de maladies.
|
| Et pourquoi ne pouvons-nous encore
|
| dire, que cet or d'Hippocrate n'est point
|
| l'or vulgaire, mais notre vrai or vif &
|
| végétable, la préparation duquel je vous
|
| ai enseignée ci-devant, de la même façon
|
| & méthode que ce grand personnage
|
| vous l'enseigne; car en notre décoction,
|
| cet or vif que nous pouvons appeler
|
| la matière de notre Médecine universelle,
|
| se brise, se lave, se liquéfie le
|
| plus mollement qu'on ne se peut imaginer,
|
@
des secrets Chimiques. 181
par un feu très lent & léger; ce que
Arisleus Roi des Indes en son livre
qu'on fait courir sous son nom, appelé
& intitulé la Turbe des Philosophes,
nous dit en plusieurs lieux,
Coque, coque,
coque, tere, tere, tere, & non le
taedeat
prolixitatis donec in laminas tenuent producatur:
car par cette longue coction, notre
matière qui est notre eau mercuriale, &
notre matière de la Médecine universelle
est enfin fixée & convertie en terre
foliée, en talc des Sages, qui sont nos
subtiles lamines, & notre or battu en
feuilles très déliées; lesquelles encore
nous devons cuire lentement & mollement,
selon l'opinion de tous les Philosophes
& selon Hippocrate, à l'opinion
duquel vous ne pouvez déroger sans crime
de lèse-majesté de toutes les écoles
Galéniques, qui cependant estiment
ridicule d'assurer qu'il y ait dans l'Univers
une Médecine universelle qui puisse
guérir toute sorte de maladies: Et cependant
Hippocrate l'avoue, le confesse,
voire même l'enseigne; l'avoue
quand il dit,
Natura morborum omnium
curatrix, l'enseigne au passage précédent
que je viens d'expliquer, que l'on ne peut
autrement interpréter sans avouer que
M iij
@
182 Livre second
| Hippocrate était si peu entendu en la
|
| Nature & en l'essence de l'or, que même
|
| il ne savait pas combien de feu violent
|
| & fort il fallait pour le fondre & liquéfier:
|
| Il y a encore davantage de discours
|
| énigmatiques sur ce sujet, dans le même
|
| Hippocrate, que ceux qui sont initiés
|
| dans ces mystères pourront entendre
|
| aussi facilement que moi, & confesser
|
| que ce grand personnage Hippocrate a eu
|
| la connaissance de ce mystère, sans lequel
|
| il ne pouvait jamais prétendre au
|
| but qu'il a touché plus que tout autre;
|
| c'est-à-dire, connaître la Nature de la
|
| façon qu'il l'a connue, car cette matière
|
| de laquelle nous avons tant écrit parmi
|
| toutes nos oeuvres, n'est autre chose que
|
| la Nature même; car toute sa force, vertu,
|
| vigueur & énergie est ramassée en
|
| cette semence naturelle, comme dans
|
| les semences particulières toute leur
|
| force & vigueur est rassemblée, & sont
|
| dites & appelées du nom du particulier
|
| duquel elles sont semences, comme la
|
| semence de l'homme est appelée homme
|
| même dans Tertullian: Hominem
|
| prohibere nasci occidere est, quod perdis homo
|
| est. Et semblables autres passages de
|
| plusieurs grands personnages, qui
|
@
des secrets Chimiques. 183
donnent le nom du tout à sa semence. |
|
De telle façon que nous parlons très |
|
proprement, en appelant notre semence |
|
& notre matière de la Médecine universelle, |
|
Nature, laquelle l'on ne peut |
|
nier qu'elle ne guérisse toute sorte de |
|
maladies. Mais dira quelqu'un n'y a-t-il | S'il y a des
|
pas des maladies incurables, je répondrai | maladies
|
que oui, & cependant je ne me dédirai | incurables.
|
point qu'il n'y ait une Médecine |
|
universelle pour guérir toutes maladies; |
|
d'autant que où ces maladies se trouvent |
|
dans la Nature, la Nature y manque & |
|
défaut entièrement; & où elle manque, |
|
elle ne peut agir, c'est à son Créateur de |
|
la remettre, & non à elle-même, car autrement |
|
elle serait éternelle en tous sujets |
|
où elle se trouve, si elle se pouvait |
|
remettre en son entier d'elle-même, & |
|
n'y aurait point de mort, ni défaillance |
|
en la Nature dans les particuliers, ce qui |
|
est toutefois manifeste tous les jours, & |
|
l'expérience nous force à le confesser & |
|
l'avouer: Or nous admettons toutes maladies |
|
curables par notre Médecine générale |
|
qui sont survenues en la Nature, |
|
lorsqu'elle est en sa vigueur & force, & |
|
non lorsqu'elle est en son déclin naturel, |
|
& sur la fin de son mouvement, lequel recommencer |
|
M iiij |
|
@
184 Livre second
Le seul | & remettre en son premier
|
Créateur | être, appartient au seul Créateur de la
|
peut ré- | Nature qui la peut aussi facilement rappeler
|
tablir la | de son chaos & l'implanter derechef
|
Nature | dans le sujet duquel elle s'était
|
distillante. | retirée, comme la tirer du centre du
|
| néant où elle était avant sa création:
|
| Avoir ce pouvoir en la Nature c'est avoir
|
| un pouvoir infini, & par-dessus la Nature;
|
| & comme ce n'est point puissance en
|
| Dieu de ne pouvoir faire ce qui n'est
|
| possible; ainsi en la Nature ce n'est pas
|
| puissance de guérir les maladies incurables,
|
| car elle ne peut avoir ce pouvoir,
|
| étant par-dessus sa puissance, & elle ne
|
| peut ce qu'elle ne peut, & ce pouvoir
|
| étant limité, il ne peut aller jusques dans
|
| le pouvoir infini, qui est seulement réservé
|
| à Dieu.
|
La pierre | La Nature donc guérit toutes maladies
|
des philo- | qu'elle peut guérir aux sujets où elle
|
sophes ne | n'est point manquante, & défaillante,
|
guérit pas | & notre Médecine qui est la Nature
|
toutes les | même, n'a pas, ni ne peut avoir davantage
|
maladies. | de pouvoir qu'elle, par son éminente
|
| pureté & son feu fixe radicalement
|
| implanté en son sel fixe, qui est la
|
| perfection de toute Nature, lorsqu'elle
|
| vient à entrer dans un sujet, attaqué des
|
@
des secrets Chimiques. 185
maladies où la Nature est encore forte
& est seulement opprimée & suffoquée
par les causes à elles contraires,
cette Médecine vient à se joindre à la
Nature opprimée par la force de ses ennemis;
& ainsi renforcée les attaque vivement
& les vainc & surmonte, ce
qu'elle n'eût su faire d'elle-même
étant si opprimée qu'elle était auparavant,
& eût entièrement succombé si
elle n'eût été secourue par cette divine
& très puissante Médecine: Et voilà en
quelle façon nous entendons que notre
Médecine universelle peut guérir toute
sorte de maladies, & non autrement.
@
186 Livre second
D E S E L E M E N T S
E T P R I N C I P E S D E S
SECRETS CHIMIQUES,
Où la Nature des métaux & minéraux
est découverte.
----------------------------------------
L I V R E T R O I S I E M E.
D E S M E T A U X E T
minéraux en général.
Chapitre Premier.
Près avoir découvert
toute la Nature en général,
décrit ses principes
& ses éléments, & recherché
en icelle la cause
générale de l'être &
conservation de toutes choses, il nous
reste maintenant à démontrer l'être
@
des secrets Chimiques. 187
particulier des choses Naturelles, & rechercher |
|
en elles si la Nature qui les conserve, |
|
peut encore particulièrement conserver |
|
l'homme; & puisqu'il est sorti de |
|
la terre, nous commencerons par les métaux |
|
& minéraux, comme fils aînés de |
|
la terre, & verrons si en eux se peut trouver |
|
quelque chose de plus conservatif, |
|
que chez les animaux & végétaux, qui |
|
puisse servir de Médecine particulière à |
|
l'homme, afin que ceux qui ne peuvent |
|
croire la générale de laquelle nous avons |
|
parlé, puissent trouver quelque satisfaction |
|
en cet oeuvre, & que ne voulant |
|
boire dans la source, ils puissent boire |
|
dans les ruisseaux & fontaines qui en |
|
découlent. |
|
Les métaux donc & minéraux, quels | Les métaux$
|
qu'ils puissent être, sont engendrés & | & minéraux
|
procréés de la Nature, de même étoffe | de quoi
|
& matière que les animaux & végétaux; | sont-ils
|
elle n'a rien plus en elle que l'esprit général | fait.
|
du monde, les cieux & les éléments |
|
de quoi elle compose toutes choses, elle |
|
n'a point d'autres boutiques, ni d'autres |
|
magasins, desquels elle puisse tirer une |
|
matière particulière pour composer les |
|
métaux & minéraux; elle a tout dans |
|
cette grande boutique, où elle a sa forge |
|
@
188 Livre troisième.
| générale & ses outils & instruments; si
|
| bien que là elle est contrainte de forger
|
| tout d'une même matière, les moyens
|
| en sont seulement différents, car elle ne
|
| tient pas les mêmes voies à forger les
|
| métaux, qu'à faire un homme, ou une
|
| plante.
|
| Pour faire donc les métaux, les voies
|
| qu'elle observe & garde inviolables sont
|
| celles-ci; chaque élément selon l'ordre
|
| que le suprême dispensateur de toutes
|
| choses a constitué en la Nature, jette son
|
| pur comme son meilleur de l'un à l'autre,
|
| le supérieur dans l'inférieur; car pour
|
| produire les choses, les semences ne
|
| montent point, mais elles descendent:
|
| Les cieux les plus hauts & suprêmes jettent
|
| leurs influences qui sont leurs semences,
|
| dans les cieux inférieurs; & ainsi
|
| par ordre descendent tous ou leurs vertus
|
| & influences jusqu'au centre de la terre.
|
L'ordre | De là, de toutes ces semences se forge &
|
que la Na- | se compose une vapeur, laquelle revient
|
ture tient à | en liqueur, qui monte & descend & se circule
|
faire les | perpétuellement de la terre jusques
|
métaux | au Ciel, & en se circulant & par cette
|
parfaits. | continuelle & indéfinente* sublimation,
|
| se convertit en terre; laquelle encore par
|
| continuelle irroration de la même liqueur
|
@
des secrets Chimiques. 189
qu'elle a été composée, se purifie
& nettoie de toutes ses ordures, &
devient très blanche, pure & nette sans
aucune macule; laquelle terre ainsi dépurée
& lavée, par les continuelles irrorations
de son eau, venant à être enfermée
dans les lieux souterrains purs &
nets, vient par sa chaleur naturelle, & la
vigueur des Astres à se cuire & fixer en
métal & pur argent, si cette terre pure
& blanche que les Alchimistes appellent
soufre blanc, incombustible; lorsqu'elle
vient à cette perfection est purement
enfermée dans les concavités de
la terre, sans se contaminer ni polluer
par le mélange d'aucune impureté, &
est là fixée & cuite en pur argent.
Que si le même soufre, ou terre
blanche, vient à recevoir un degré de
coction plus forte & plus relevée, de terre
blanche qu'elle est & soufre blanc,
elle devient terre rouge & soufre rouge,
lequel enfermé dans les concavités
de la terre, pure & nette de toute ordure,
vient pareillement comme la terre
blanche ci-dessus, à se cuire & fixer
en parfait & suprême métal qu'on appelle
or.
Mais si cette liqueur qui est la semence
@
190 Livre troisième.
L'ordre | de toutes choses, pendant sa circulation
|
que la Na- | & sublimation de la terre au ciel, &
|
ture tient | du ciel en la terre, vient à se contaminer
|
à faire les | & s'infecter par le mélange de quelque
|
métaux | excrément élémentaire, cette liqueur se
|
imparfaits. | fixe & se coagule en terre noire & infecte;
|
| ainsi infectée & corrompue, enfermée
|
| dans les concavités de la terre, elle
|
| se cuit & se congèle selon les degrés de
|
| son impureté en métal imparfait, & devient
|
| plomb, fer, ou étain, comme nous
|
| verrons plus particulièrement en leurs
|
| Chapitres particuliers, de la génération
|
L'esprit gé- | & production de chaque métal. Il suffira
|
néral du | de noter que cette liqueur, semence de
|
monde est | toutes choses, esprit général du monde,
|
fait de tou- | étant fait de toutes les pièces de l'Univers
|
tes les piè- | tant célestes qu'élémentaires, se sublimant
|
ces de l'U- | perpétuellement & se cuisant toujours,
|
nivers. | tant par son feu naturel, que par
|
| la chaleur externe du monde, devient à
|
| se faire terre, & que de cette terre avec la
|
| même eau, par la même & semblable
|
| coction en diverses matrices de la terre,
|
| sont faits & composés toutes les espèces
|
| métalliques & tout le reste des minéraux,
|
| tant pierres précieuses qu'autres, de tous
|
| lesquels en particulier vous en pourrez
|
| lire son Chapitre, pour en savoir particulièrement
|
@
des secrets Chimiques. 191
les tenants & aboutissants
de leur production, pourquoi d'une
même chose la Nature ne produit pas
la même & pareille chose.
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D E L A P R O D U C T I O N
& génération de l'or.
Chapitre II.
I la Nature n'eut produit
de l'or, les hommes n'eussent
pas recherché dans
les secrets & occultes
puissances & vertus naturelles,
le moyen de le
multiplier & faire croître sur la terre,
ravis de sa beauté, & étonnés de sa bonté,
ils se sont efforcés de savoir la cause
pourquoi la Nature le produisait infertile
& stérile, sans semence multiplicative,
ne gardant pas le même ordre comme
aux autres mixtes de la Nature. Les
animaux & végétaux tous multiplient &
croissent en leur semence, les seuls métaux
& minéraux semblent maudits du
Créateur, qui semble leur avoir introduit
& défendu la multiplication & génération
@
192 Livre troisième.
| de leur semblable en leur semence:
|
| Cette curieuse recherche a donné
|
| l'être à l'Alchimie, au moyen de laquelle
|
| nous sommes descendus dans les
|
| plus cachés antres de la terre, & là nous
|
Pourquoi | avons recherché la cause pourquoi l'or
|
les métaux | & les autres métaux ne multiplient point
|
ne multi- | en leur semence; d'autant qu'on a vu
|
plient point. | que cet esprit général du monde, semence
|
| universelle de toutes choses, est tellement
|
| épais, gros & terrestre que le feu
|
| végétatif qui est enclos en lui n'a pas le
|
| moyen de profuser* son germe, & tendre
|
| à multiplication; mais demeurant enclos
|
| enfermé dans sa terrestréité est construit
|
| de faire persister & durer tant seulement
|
| son individu: Que si l'on veut de la
|
| multiplication ès métaux, il ne faut qu'atténuer
|
| & subtiliser la matière de cette
|
| semence métallique, afin que le feu
|
| végétal qui est enclos là-dedans ne soit
|
| pas empêché (par) l'épaisseur de sa matière,
|
| à faire ses fonctions végétables.
|
Les ani- | L'on voit que la semence des animaux
|
maux et vé- | est un corps aérien & aqueux, & que le
|
gétaux pour- | feu vital qui est enclos là-dedans a pouvoir
|
quoi multi- | de le disposer çà & là, que la ténuité
|
plient-ils? | & subtilité de la substance n'empêche
|
| aucunement
|
@
des secrets Chimiques. 193
aucunement les fonctions & actions de |
|
ce feu vital; mais lui donne toute sorte |
|
de commodité de produire en elle-même |
|
de semblables & infinis individus; de |
|
même en est de la semence des végétaux, |
|
laquelle n'étant pas si subtile & si |
|
aérienne que celle des animaux, elle est |
|
jetée en terre, afin que le corps où cette |
|
semence est enfermée se dissolve & se délaie |
|
dans l'humeur de la terre; de laquelle |
|
cette même semence a été faite & formée, |
|
& dissoute qu'elle est dans son propre |
|
mercure, elle est par ce moyen faite |
|
subtile & aérienne, & de corps qu'elle |
|
est elle devient esprit, & en icelui seul se |
|
multiplient & croissent les végétaux & |
|
tout le reste de la Nature; sauf les métaux |
|
& minéraux, lesquels après qu'ils |
|
ont été faits & formés par leur mère |
|
Nature, de la semence ordinaire de toutes |
|
choses, ils n'ont pas moyen de donner |
|
leur propre corps à dissoudre & délayer |
|
dans la terre même où ils ont été |
|
faits & formés; d'autant que là il ne se | L'or pourquoi
|
trouva pas de mercure assez fort & pénétrant | ne
|
pour dissoudre ce corps si ferme & | multiplie
|
si compact, qu'ils ont fait & congelé, ou | point.
|
plutôt fixé par la coction continuelle de |
|
ses années; & par ainsi ce corps est contraint |
|
N |
|
@
194 Livre troisième.
| de demeurer dans la terre, en l'état
|
| que la Nature l'a fait, sans se pouvoir
|
| multiplier à faute de mercure assez pénétrant
|
| & puissant pour dissoudre les corps
|
| qu'il a congelés & fixés en métaux
|
| & minéraux, afin qu'en la dissolution de
|
| son corps, l'esprit végétatif qui est enclos
|
| & enfermé là-dedans puisse être mis en
|
| acte de pouvoir végéter, ce qui se fait
|
| seulement, lorsque cet esprit est délivré
|
| de la prison de son corps terrestre & grossier:
|
| Et c'est la raison pourquoi tous les
|
| Philosophes Chimiques sont d'accord,
|
| qu'en la composition de leur grande oeuvre,
|
| la première opération qui se doive
|
| faire en icelle, c'est la dissolution des
|
| corps, afin que cet esprit végétal puisse
|
| agir selon son but, & selon sa fin naturelle.
|
|
|
| Si fixam soluas faciasq; volare solutum,
|
| Et volucrem figas faciam te viuere tutum.
|
|
|
Pourquoi | Ainsi cet esprit végétal étant délivré
|
la solution | de son corps, & son corps étant atténué
|
est néces- | & fait esprit avec son esprit; & derechef
|
saire aux | cet esprit étant corporifié en corps beaucoup
|
métaux. | plus subtil qu'il n'était auparavant,
|
| il devient de mort qu'il était plein
|
@
des secrets Chimiques. 195
de vie & de végétation, & c'est à cause seulement
qu'il devient subtil & plus atténué
qu'il n'était auparavant, & qu'en
cette atténuation par la coction qu'il
faut que ce corps endure, pour derechef
se fixer en corps il acquiert encore nouveau
degré de feu végétal, au moyen duquel
il est beaucoup plus actif & puissant
qu'il n'était auparavant, & par ainsi capable
de végéter, & de se multiplier soi-
même.
Voilà pourquoi le Mercure métallique
qui se trouve parmi les entrailles de
la terre, duquel les métaux se font &
s'engendrent, n'est pas capable de dissoudre
les métaux & les atténuer en leur
substance, & délivrer l'esprit végétatif
qui est là enclos, comme il le fait ès végétaux
qui jetés en terre sont dissous
& défaits par leur mercure, & par ce
moyen sont poussés à multiplication &
végétation. La raison pourquoi cela ne
se fait comme ès végétaux, c'est parce
que le mercure métallique est trop cru,
trop froid & trop humide; à raison desquelles
qualités il ne peut en aucune façon
pénétrer la dure & fixe substance
des métaux, & se mêler avec elle pour
l'atténuer & faire esprit de masse terrestre
N ij
@
196 Livre troisième.
& épaisse qu'elle est: Et c'est pourquoi
il a besoin de l'artifice, qui par
ses fourneaux & feux continuels cuit
cette grande crudité & cette froideur, la
changeant en chaleur éthérée & subtile,
& ce à force de cuire; & par ainsi il est
rendu apte à dissoudre & pénétrer la substance
des métaux, qu'autrement il n'eut
su jamais faire à cause de sa crudité qui
emporte toujours avec elle une trop
grande humidité qui amortit & éteint
le feu naturel de ce mercure, au lieu de
lui donner des forces pour agir à dissoudre
les métaux qu'il rencontre dans les
veines de la terre: Mais après que cette
grande froideur & humidité qui étaient
apparentes & manifestes sont cachées
au centre, & rendues occultes, & que la
chaleur & sécheresse qui étaient pour
lors occultes au centre, sont faites manifestes
& apparentes; pour lors notre
mercure qui était froid & humide, devient
chaud & sec, plein de feu & d'action
propre à se multiplier & végéter à
l'infini, où la Nature d'elle-même seule,
sans aide de la main de quelque docte
Artiste ne peut jamais parvenir; mais tant
seulement à la seule première coagulation
du mercure en terre, laquelle terre
@
des secrets Chimiques. 197
elle fixe toujours sans la dissoudre derechef |
|
pour la purifier & sublimer, & en tirer |
|
ce mercure chaud & sec plein d'action |
|
& de feu, duquel nous venons de |
|
parler: Elle parvient seulement à la coagulation |
|
du mercure en terre, laquelle |
|
elle coagule & fixe en métal, selon les |
|
degrés qu'elle a pu observer en la dépuration |
|
de ce mercure par sa continuelle |
|
circulation & sublimation. |
|
Comme quand elle tend & bute à | L'ordre
|
produire de l'or: Après qu'elle a conduit | que la Nature
|
son mercure cru, froid & humide, | tient
|
par sa continuelle coction en terre blanche, | à faire de
|
pure & nette de toute ordure; si elle | l'or.
|
peut rencontrer un lieu assez chaud, elle |
|
ne se contente pas de cette fixation, mais |
|
elle la continue, & la presse plus fort |
|
dans les degrés de chaleur, cuisant davantage |
|
cette terre blanche, & la convertissant |
|
en terre rouge, laquelle encore |
|
davantage cuite à parfaite maturité, reçoit |
|
le lustre & l'éclat de ce suprême métal, |
|
qui contrefait & imite la beauté & la |
|
lumière du Soleil céleste. |
|
Or si cette terre rouge pouvait être | Comment la
|
encore dissoute en mercure, & ce mercure | Nature pourrait
|
encore cuit en terre rouge, cette terre | faire la
|
rouge par les fréquentes & réitérées solutions | pierre.
|
N iij |
|
@
198 Livre troisième.
& coagulations deviendront or vif
& végétatif, plein de teinture communicable
aux autres métaux imparfaits,
que la Nature a laissé tels, par faute de
chaleur & d'industrie de séparer le pur
de l'impur, & de cuire le pur tant seulement;
mais ne pouvant faire ses solutions
à faute de mercure propre à ce faire,
parce que d'une fois qu'elle l'a coagulé
en terre, elle ne le peut dissoudre
derechef en mercure; mais toujours tâche
à le coaguler, & non à dissoudre, ce
que néanmoins il faudrait pour obtenir
un mercure dissolutif pour parvenir au
but où l'artifice le peut conduire; Et ainsi
elle est contrainte de cuire cette terre à
la perfection métallique, ordinaire &
commune, & se contente de cet oeuvre
tant seulement, & finit là sans passer plus
outre, laissant aux doctes & industrieux
le moyen de suivre ses voies & ses pistes;
car en l'imitant & suivant pas à pas, ils
peuvent sans faillir multiplier cette perfection
que la Nature laisse aux métaux,
à faute de ne les pouvoir dissoudre en
leur propre mercure & les cuire encore
deux ou trois fois, séparant toujours le
pur de l'impur, & cuisant le pur jusqu'à
ce qu'ils aient une vertu tingente, communicable
@
des secrets Chimiques. 199
& multiplicante, & qu'ils |
|
obtiennent les degrés de perfection des |
|
autres mixtes naturels, qui est de |
|
croître & de multiplier chacun en son |
|
espèce. |
|
Ici les Médecins peuvent encore voir | Pourquoi
|
pourquoi les métaux & principalement | l'or ne peut
|
l'or, qui a tant de vertus, ne peut en communiquer | communiquer
|
aucune; car s'il est privé de la | ses vertus.
|
vertu multiplicative qui est la première |
|
vertu naturelle, & celle que tous les genres |
|
des mixtes ont reçue de leur Créateur |
|
à l'instant de leur création, il doit bien |
|
être aussi privé des autres vertus qui descendent |
|
& dépendent de celle-ci: mais |
|
quiconque le pourra convertir en mercure, |
|
par un mercure; c'est-à-dire en liqueur |
|
par une liqueur, de laquelle la |
|
Nature l'a fait & composé, il y trouvera |
|
de grandissimes vertus, & la cure parfaite |
|
de toutes les maladies, qui font la nique |
|
aux Médecins, autrement ce métal, |
|
bien que très précieux en la Nature, est |
|
inutile pour la santé des hommes, & ne |
|
sert qu'au commerce & trafic humain: il est |
|
vrai que calciné & ouvert par le moyen |
|
du salpêtre, ou du mercure commun, il se |
|
rend sudorifique & cardiaque, & est propre |
|
pour les maladies malignes & pestilentes, |
|
N iiij |
|
@
200 Livre troisième.
Les vertus | & pris en feuilles subtiles est propre à
|
de l'or. | secourir ceux qui ont bu de l'argent vif
|
| car il l'attire à soi, & empêche que la
|
| chaleur naturelle ne le sublime pas en
|
| l'habitude du corps, & dans les veines;
|
| mais le retient avec lui dans la première
|
| région du corps, d'où il peut être très
|
| facilement rejeté par un médicament
|
| purgatif; & ainsi l'or battu, empêche
|
| l'action du venin du mercure: Pour
|
| d'autres vertus, s'il n'est dissous en son
|
| propre mercure, il n'en faut point espérer;
|
| car elles sont nulles & vaines: mais aussitôt
|
| qu'il est dissous, c'est un médicament
|
| des plus forts, & des plus actifs &
|
L'or rendu | puissants que la Nature puisse donner; &
|
vif & vé- | encore sa vertu croît & multiplie s'il est
|
gétal, est | cuit & fixé en terre rouge & permanente;
|
tout ce qui | car ainsi préparé c'est la suprême médecine
|
est de rare | & tout ce que la Nature peut
|
en la Na- | faire de bon & de rare pour le service
|
ture. | de l'homme.
|
@
des secrets Chimiques. 201
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D E L A P R O D U C T I O N
& génération de l'argent.
Chapitre III.
Ue les hommes sont ridicules, |
|
& dignes de moquerie, | L'or &
|
de faire tant d'état | l'Agent
|
de l'or & de l'argent, & de | sont à mépriser.
|
tous les autres métaux; la |
|
Nature pour les composer |
|
& les faire ne prend que de l'eau, car ce |
|
n'est que de l'eau cuite & congelée en |
|
métal; il se faut bien peiner & fatiguer |
|
pour acquérir une chose, dont la matière |
|
n'est que de l'eau qui est si abondante & |
|
copieuse en tous lieux que personne n'en |
|
fait cas, & personne n'en refuse d'en donner |
|
en abondance: Mais venant à considérer |
|
combien de peine, & combien de |
|
temps la Nature consume à cuire cette |
|
eau, & la congeler en métal; pour lors |
|
je changerai de langage, & dirai que les |
|
hommes ont beaucoup de raison de faire |
|
cas & estime des métaux. Ce n'est pas la |
|
matière qui doit être considérée, mais |
|
c'est la peine & le travail qu'une si grande |
|
ouvrière met & emploie à faire les |
|
@
202 Livre troisième.
Combien | métaux. Tous les animaux & tous les végétaux
|
de temps | qu'on estime si beaux & si rares,
|
demeure la | sont bientôt faits & composés, elle ne demeure
|
Nature à | pas en la production des plus beaux
|
faire l'or | & rares, que l'espace d'un an ou environ;
|
& l'argent. | mais pour faire & composer les métaux elle
|
| emploie les siècles entiers, & encore n'en
|
| peut-elle venir à bout; tellement que le
|
| plus souvent elle est contrainte de quitter
|
| sa besogne & la laisser imparfaite
|
| pour la longueur des siècles qui sont nécessaires
|
L'or & | pour consumer la perfection de
|
l'argent | cette oeuvre. Les hommes donc ont raison
|
combien | d'en faire cas, puisque leur mère
|
rare. | Nature prend tant de peine à les produire
|
| & mettre en lumière; elle leur montre
|
| bien aussi qu'elle les estime rares &
|
| beaucoup plus que le reste de ses enfants,
|
| car elle les cache & les enferme dans les
|
| meilleurs & fermes coffres qu'elle puisse
|
| avoir. Et au contraire du reste elle les
|
| prostitue à la vue de tout le monde, &
|
| les expose à qui en veut; ce qu'au contraire
|
| de l'or & de l'argent, pour en avoir il faut
|
| creuser ses entrailles, fouiller dans la
|
| moelle de ses os pour en obtenir quelques
|
| pièces, & ce encore avec une peine,
|
| qui nous donne bien à connaître que la
|
| Nature nous donne bien abondamment
|
@
des secrets Chimiques. 203
tout le reste, mais que pour l'or & l'argent |
|
elle veut qu'on lui achète avec beaucoup |
|
de peine, de travail & de sueur. |
|
Ce n'est pas donc sans très pertinente | L'Alchimiste
|
raison, que tous les anciens Philosophes | pourquoi
|
& modernes ont voulu que l'Alchimiste | doit-
|
soit un Hercule, un homme engendré | il être un
|
des Dieux, infatigable à la peine & | Hercule.
|
au travail: Car puisque la Nature emploie |
|
les siècles entiers à faire de l'or & |
|
de l'argent, & travaille nuit & jour, que |
|
doit espérer l'Alchimiste qui prétend |
|
parfaire & accomplir tout ce que la Nature |
|
laisse d'imparfait dans le genre métallique, |
|
& ce encore en peu de temps, |
|
& convertir les siècles en heures & en |
|
moments. Vous avez lu & avez pu |
|
juger par la lecture que vous en avez fait |
|
au livre second de la présente oeuvre, la |
|
peine qu'un Alchimiste peut prendre à |
|
cet effet; elle est grande à la vérité, mais |
|
non pas égale à ceux qui travaillent aux |
|
mines, & à fondre & à compiler les métaux |
|
pour les séparer de leurs impures |
|
cadmies; ni cette peine, bien qu'elle |
|
soit grande ne nous doit nullement fâcher |
|
ni détourner de cette recherche, |
|
car le profit & l'utilité en vaut bien la |
|
peine & le travail, sans précompter le contentement |
|
@
204 Livre troisième.
| de l'esprit de pouvoir savoir
|
| & comprendre comme la Nature travaille
|
| & besogne dans les entrailles de
|
| la terre pour faire l'or & l'argent & tout
|
| le reste des métaux & minéraux; Et c'est
|
| ainsi que nous avons des yeux de Lynx,
|
| nous pénétrons les rochers les plus durs
|
| & les plus fermes, & entrons par ce
|
| moyen dans les sacrées boutiques où les
|
| métaux se forgent, & voyons que pour
|
| toute matière la Nature ne prend que de
|
| l'eau simple élémentaire, qui a avec elle
|
| tous les autres quatre éléments en semence
|
| & en pureté, & par-dessus encore
|
| la vertu & quintessence céleste, qui est
|
| l'influence de tous les Astres, où chacun
|
| en particulier & tous les Cieux en général
|
| ont jeté leur semence, pour faire cet
|
| esprit général du monde, joint avec la
|
| semence des éléments, que les Alchimistes
|
| en la composition de leurs métaux
|
Qu'est-ce | appellent mercure & soufre. L'humidité
|
que mer- | qui est apparente & manifeste est
|
cure & | dite mercure, & la sécheresse astrale &
|
soufre. | ignée qui est occulte, est dite soufre,
|
| & voilà comme une même substance
|
| comprend deux choses qui ne sont qu'une
|
| en la composition métallique, & encore
|
| cachent-elles la troisième, de laquelle ils
|
@
des secrets Chimiques. 205
ne font aucune mention, qui est le sel qui | Le sel rend
|
est dans le mercure du monde, qui corporifie | toutes choses
|
& fait visibles & palpables les | visibles.
|
substances réelles du monde, autrement |
|
sans lui elles seraient toujours spirituelles, |
|
& dans l'être imperceptible & invincible |
|
des substances. |
|
Cette eau donc appelée mercure, qui | L'Argent
|
comprend en soi le mercure, le soufre | comment
|
& le sel, est cuite & congelée dans les | se fait-il?
|
concavités des rochers, dans des lieux |
|
purs & nets de toute ordure bourbeuse |
|
& limoneuse, en terre blanche, laquelle |
|
petit à petit par continuelle coction |
|
vient à se cuire davantage, & à recevoir |
|
les dons & qualités du métal que |
|
nous appelons argent, & les Alchimistes, | L'argent
|
Lune; d'autant que la Lune pendant | pourquoi
|
sa coction y domine particulièrement, | appelé
|
& y laisse empreint & figuré le | Lune?
|
caractère de ses vertus & propriétés; |
|
outre que la principale matière de ce |
|
métal est l'humidité radicale du mercure |
|
qui le compose, laquelle humidité est |
|
appelée Lune; d'autant que la Lune en |
|
est sa propre mère, comme le Soleil est |
|
le propre père de la chaleur naturelle, |
|
qui gît dans le dit mercure. |
|
Tellement qu'on voit que l'argent |
|
@
206 Livre troisième.
L'argent | n'est différent de l'or qu'en coction & digestion,
|
point diffé- | & non en substance; car la même
|
rent de l'or. | étoffe que la Nature prend pour faire
|
| de l'or, elle prend la même pour faire
|
| de l'argent, elle y observe seulement cette
|
| différence, c'est qu'en l'or elle cuit &
|
| digère davantage & plus long temps cette
|
| matière jusqu'à ce qu'elle y ait introduit
|
| par sa continuelle coction les qualités
|
| & conditions de l'or, qui ne viennent
|
| d'ailleurs que de la digestion plus
|
| forte & plus longue qui en a été faite en
|
| la substance de l'or, plus qu'en celle de
|
| l'argent: Et si l'on ne tirait la mine de l'argent
|
| si tôt qu'on fait, par succession de
|
| temps elle deviendrait d'elle-même
|
| mine d'or. Mais l'avarice nous emporte,
|
| nous cueillons le fruit métallique avant
|
| sa parfaite maturité, & l'envie des métaux
|
| nous démange si fort, qu'elle nous
|
| fait creuser la terre, & renverser ses plus
|
| forts rochers, pour prendre avant le
|
| temps ce que nous y trouvons, soit-il commencé
|
| ou parachevé de cuire. Il est vrai
|
| que les plus Sages & avisés en l'économie
|
| métallique, peuvent sans difficulté
|
| aucune, & sans presque peine & travail
|
| quelconque, parachever ce que la Nature
|
| a commencé, & tout ce qu'elle a
|
@
des secrets Chimiques. 207
laissé d'imparfait, en suivant toutefois |
|
la Nature & observant les lois qu'elle | Comment
|
observe en la coction & digestion métallique, | l'homme peut
|
prenant la même matière qu'elle | parachever ce
|
prend, la dépurant encore davantage, & | que la Nature
|
la cuisant à un feu plus fort de beaucoup | a commencé ès
|
que celui qui est dans les mines, mais | métaux.
|
non pas toutefois si fort & violent qu'il |
|
brûle & calcine notre mercure, mais |
|
seulement qui le cuise, & qui le fixe en |
|
terre blanche, de laquelle par le même |
|
mercure qui lui a donné son être, vous |
|
pouvez tirer des substances liquides des |
|
miraculeuses vertus, une eau acide & ardente, |
|
qui dissout parfaitement & selon |
|
l'intention de Nature, les substances métalliques, |
|
& en tire leur propre & naturel |
|
soufre, qui est toute leur propre |
|
vertu & leur naturelle force. Par le | L'argent
|
moyen de cette eau acide & ardente | bien préparé
|
vous dissolvez l'argent & le réduisez en | guérit toutes
|
son soufre blanc, duquel il a été composé | les maladies
|
dans les entrailles de la terre, qui | du cerveau.
|
de miraculeuses vertus pour toutes les |
|
maladies Céphaliques, la cure desquelles |
|
nous fatigue si fort que nous n'en |
|
pouvons venir à bout à faute de ce remède |
|
seul, que la Nature nous envie, & n'a découvert |
|
qu'à ses plus chers amis & serviteurs; |
|
@
208 Livre troisième.
| c'est le vrai argent potable duquel
|
| ont fait mention tous les Philosophes
|
| anciens, mais ils ne l'ont point enseigné
|
| qu'à leur mode & façon: Avec ce remède
|
| il ne nous faut nullement plaindre
|
| contre la Nature de ce qu'elle nous fournit
|
| des remèdes contre les Apoplexies, les
|
| Manies, les Paralysies, les Epilepsies, &
|
| contre la fièvre hectique; car elle fournit
|
| & donne ce lait en abondance, pour réparer
|
| entièrement l'humide radical perdu
|
| par la chaleur contre-nature: Cet
|
| humide radical de ce lait métallique en
|
| répare tout autant que toutes les fièvres
|
| en général & en particulier en peuvent
|
| consumer & perdre.
|
L'eau qui | Or de là l'argent n'a aucune vertu &
|
fait les | propriété pour l'usage de la Médecine, &
|
métaux a | ne faut point se peiner à le mener parmi
|
seule le | nos médicaments; car il n'y sert de rien,
|
pouvoir de | & ne communique aucune de ses vertus,
|
les dissou- | à cause qu'elles sont enfermées & emprisonnées
|
dre comme | dans la dureté de sa substance,
|
il faut. | de laquelle il est impossible de les délivrer
|
| sans cette eau qui seule a le pouvoir
|
| d'attendrir & d'amollir cette dureté, &
|
| en faire sortir les rares dons & vertus que
|
| la Nature y a encloses & réservées pour
|
| le service de ses chers serviteurs.
|
| D E
|
@
des secrets Chimiques. 209
----------------------------------------
D E L A P R O D U C T I O N
& génération du cuivre &
de l'airain.
Chapitre IV.
Outes les fables de Fables de |
|
l'Antiquité que les Poètes | l'antiquité
|
ont excogitées sur la | sur la naissance
|
naissance de Vénus, sont | de
|
en quelque façon pour | Vénus, que
|
exprimer & démontrer | signifient-
|
la production & génération du cuivre; | elles?
|
car ils nous ont laissé par écrit que de |
|
l'écume de la mer, & du sang du Ciel |
|
enfermé dans une coquille de perle, cette |
|
Déesse fut engendrée; sous laquelle |
|
fable ils nous cachent la vraie & naturelle |
|
production du cuivre; car à la vérité il |
|
est produit & engendré du mercure métallique, |
|
impur & corrompu, qui est l'écume |
|
de la mer, & du soufre impur & |
|
aduste, qui est le sang du Ciel qui enfermés |
|
dans les rochers (représentés par les |
|
coquilles) sont cuits & congelés par la |
|
naturelle coction en cuivre. Or l'on ne |
|
peut rejeter cette interprétation, puisque |
|
O |
|
@
210 Livre troisième.
| tous les Alchimistes, tant anciens
|
| que modernes ont appelé le mercure du
|
| monde, Mer, & à très juste raison, car
|
Pourquoi | c'est celui seul qui est la vraie mer du
|
le mercure | monde, de laquelle toutes choses prennent
|
des Sages | leur vie & leur vigueur & leur arrosement:
|
est appelé | C'est lui qui arrose & humecte
|
mer. | toutes les choses qui ont être dans la Nature,
|
| & leur fournit d'humidité convenable
|
| pour leur entretien; tellement que
|
| c'est la vraie mer du monde, de laquelle
|
| toutes choses sont faites: Or que de son
|
| écume qui est une chose impure, naisse
|
| le cuivre qui est un métal impur & infect,
|
| produit & engendré d'un mercure infect
|
| & corrompu, représenté par l'écume,
|
| il n'est hors de raison, ni même de
|
| la vérité, & moins du sang du Ciel, car
|
| par icelle les Poètes nous donnent à entendre
|
| que le soufre rouge, aduste &
|
| corrompu, duquel notre cuivre, avec un
|
| semblable mercure, est produit & engendré,
|
| est sous-entendu par le sang du Ciel,
|
| qui joint & mené avec l'écume de la
|
| mer donnent l'être à notre Déesse.
|
| Ainsi sous les fables des Anciens sont
|
| cachés ces merveilleux secrets Chimiques,
|
| qui nous donnent tant de peine
|
| pour les pouvoir comprendre, & dont
|
@
des secrets Chimiques. 211
leur rareté est si grande, que les plus doctes |
|
n'y peuvent rien comprendre, & c'est |
|
pourquoi ils les estiment ridicules & insanes |
|
d'être recherchés; & cependant |
|
tout ce qui est de beau dans la Nature & |
|
de rare, & digne d'être recherché, est |
|
seul dans ces secrets, car tout le reste est |
|
un vrai fétu au respect de ceci. Parle & |
|
écrive qui voudra le contraire, la Nature, |
|
mes écrits & mes expériences leur |
|
donneront un démenti très juste & sans |
|
reproche: Mais quittons ces querelles & | Les fables
|
venons à la production de notre cuivre; | des anciens
|
quittons les fables qui ne sont que les | sont symboles
|
symboles des réalités naturelles, & disons | des réalités
|
que la Nature en la production du | naturelles.
|
cuivre ne prend autre chose que le mercure |
|
ordinaire qu'elle a de coutume de |
|
prendre pour produire les métaux, qui | Comment
|
est une eau pure, minérale, pleine de | se fait le
|
tous les autres éléments & de la semence | cuivre.
|
céleste; laquelle elle enferme dans les |
|
concavités de la terre, & pendant qu'elle |
|
fait cette clôture & fermeture de ce |
|
mercure, elle n'a pas moyen de le purifier |
|
à dernière perfection; mais l'enferme |
|
impur & mélangé d'un soufre rouge, |
|
aduste & brûlant, ou bien dans le lieu où |
|
il enferme ce mercure; cette terre rouge |
|
O ij |
|
@
212 Livre troisième.
| impure & aduste se trouve toute fixée
|
| & congelée de la coction d'un précédent
|
| mercure impur & corrompu; & ainsi le
|
| mélangeant avec ladite terre qui est le
|
| dit soufre, ils se mêlent ensemble comme
|
| de pareille & semblable Nature, se
|
| cuisent & se fixent en ce métal que nous
|
Pourquoi | appelons cuivre, & les Alchimistes
|
le cuivre | Vénus; d'autant qu'en sa production &
|
est appelé | génération cet Astre influe plus particulièrement
|
Vénus. | que tout autre, & lui
|
| donne abondamment ces vertus & propriétés.
|
| D'où les Médecins tirent de grandissimes
|
| secrets pour la cure des maladies des
|
| femmes, qui trouvent en ce seul métal
|
| le soulagement de tous leurs maux. Il
|
| s'en tire premièrement un sel, qui est le
|
Vertus & | sel blanc & cristallin du vitriol de
|
propriétés | Vénus, meilleur que tout autre pour
|
du cuivre. | guérir avec assurance toutes les maladies
|
| de la matrice, & principalement,
|
| les suffocations. Ce même sel conjoint
|
| avec autant de salpêtre cristallisé
|
| & dépuré, est le pur soulagement des
|
| ardeurs d'urine & des inflammations des
|
| reins. L'esprit acide qui se tire à force
|
| de feu par violente distillation de la cornue,
|
| ou tel autre artifice Chimique, est
|
@
des secrets Chimiques. 213
très excellent pour les mêmes inflammations, |
|
mélangé parmi l'eau commune: |
|
il secourt avec merveille & étonnement |
|
tous ceux qui ne peuvent retenir |
|
leur semence, & qui sont travaillés de |
|
gonorrhées perpétuelles, pris avec l'eau |
|
de chêne, qui seule aussi a un grand effet |
|
pour ce regard; d'autant que le chêne est | Le chêne
|
cuivreux, & tient de la Nature du cuivre, | tient de la
|
même de sa décoction s'en fait du vitriol | Nature du
|
qui égale les vertus du vitriol minéral. | cuivre.
|
Pour les ulcères il a aussi de grandes vertus, |
|
mais quiconque saura dulcifier son |
|
sel fixé avec son esprit acide, à force de |
|
coction continuelle, aura & possédera le |
|
secret assuré de guérir toute sorte d'ulcères, |
|
même les cancers les plus désespérés. |
|
Ainsi ce métal imparfait, à cause |
|
de son imperfection qui l'empêche que |
|
ses esprits métalliques ne sont pas entièrement |
|
fixés à une infinité de vertus; |
|
quiconque le pourra réduire en sa première |
|
matière, & en séparer le soufre |
|
aduste qu'il a avec soi, que la Nature n'a | Moyen de
|
su séparer & cuire, & digérer sa substance | conduire le
|
pure & nette de toute ordure & | cuivre à sa
|
impureté, le conduira sans faillir aux | perfection.
|
perfections solaires, & le rendra égal & |
|
pareil au vrai & légitime soufre rouge |
|
O iij |
|
@
214 Livre troisième.
| de Nature, qui possède en soi toutes les
|
| vertus naturelles.
|
| ----------------------------------------
|
| D E L A P R O D U C T I O N
|
| & génération du fer.
|
|
|
| Chapitre V.
|
|
|
Abus des | L y a un grand nombre
|
Chimi- | de Chimistes Sophistes,
|
ques sur le | qui font grand cas
|
fer. | du fer; à cause, disent-ils
|
| qu'il a avec soi quantité
|
| de soufre fixé, & qui
|
| est rouge de la Nature de l'or; par le
|
| moyen duquel ils prétendent avoir une
|
| teinture fixe & permanente au feu, pour
|
| donner teinture à la Lune, & la colorer
|
| en vrai Soleil; mais pauvres abusés qu'ils
|
| sont, s'ils avaient jamais fait résolution
|
| de ce métal & avaient fait son anatomie,
|
| ils auraient vu que ce soufre rouge qui
|
| est dans le fer, duquel ils font tant de cas
|
| pour la teinture de la Lune, ne vaut du
|
| tout rien; parce qu'il est combustible &
|
| corruptible au feu, & qu'il est impossible
|
| de le pouvoir mêler avec la substance
|
| de la Lune; d'autant qu'il est bien différent
|
@
des secrets Chimiques. 215
du soufre qu'il faut pour teindre |
|
ladite Lune, & la fixer en vrai Soleil car |
|
il est grossier & terrestre, tout infect & |
|
corrompu du limon de la terre, privé de |
|
son humide radical, & son compagnon |
|
inséparable qui est le vrai mercure pur |
|
& net des immondices élémentaires, qui |
|
suit toujours son vrai soufre pur & |
|
net, qui le fixe en pur métal par succession |
|
de temps; ainsi ce soufre de fer, | Le soufre
|
bien qu'il soit rouge & qu'il ait quelque | du fer, ne
|
teinture métallique avec lui, ne peut | vaut rien pour
|
être en aucune façon profitable aux | teindre la
|
transmutations métalliques; d'autant | Lune.
|
que cette teinture n'est nullement pure: |
|
& à cause de son impureté ne se peut |
|
mêler parmi les substances des métaux |
|
qui doivent recevoir cette teinture, & qui |
|
ne peuvent recevoir sinon ce qui est de |
|
pur métallique & de la substance parfaite |
|
& absolue, au moins pour le changer |
|
& parfaire en métal parfait. Or ce soufre |
|
étant imparfait ne peut être conjoint |
|
avec les autres pour les parfaire, |
|
qu'il ne soit plutôt lui-même purifié & |
|
fait parfait avant qu'il puisse donner |
|
aucune perfection. Or en le séparant du |
|
fer par le moyen de la calcination & solution |
|
ordinaire du vinaigre, ou autre |
|
O iiij |
|
@
216 Livre troisième.
| telle chose semblable, l'on ne le peut
|
| parfaire; mais au contraire le rendre
|
| encore beaucoup plus imparfait & séparé
|
| de la perfection métallique; parce
|
| que le vinaigre y contribue quelque
|
| chose du sien, qui n'a rien de métallique
|
| en soi, & le feu ordinaire d'autre côté
|
| le brûle davantage & le noircit; tellement
|
| que cette préparation le rend encore
|
| plus étrange à la substance métallique
|
| qu'il n'était auparavant icelle, pendant
|
| qu'il était en pur fer. Il ne faut
|
| donc espérer rien de bon de cette préparation,
|
| d'autant qu'elle ne tend pas à purifier
|
| les parties qui la composent, ni priver
|
| icelles de leurs soufres & mercures
|
| infects & corrompus; mais au contraire
|
| de les corrompre davantage: Mais qui
|
Moyen | prétendra tirer quelque chose d'utile &
|
pour tirer | profitable de ce métal, il faut qu'il sache
|
quelque | plutôt la matière de laquelle la Nature
|
chose d'u- | le compose dans sa forge Vulcanique,
|
tile du fer. | & faut qu'il tienne pour tout assuré
|
| que la Nature prend la même étoffe
|
| pour faire de l'or & de l'argent, mais
|
| il la laisse infecte & corrompue, & ne la
|
| nettoie pas avec telle dextérité qu'en la
|
| composition de l'or & de l'argent; car
|
| lorsqu'elle est occupée à coaguler &
|
@
des secrets Chimiques. 217
fixer par la simple coction son mercure & |
|
son soufre inséparable, elle n'en sépare | Qu'est-ce
|
pas les impures cadmies qui se trouvent | que le soufre
|
parmi la terre; mais elle y laisse un soufre | rouge
|
rouge, puant & infect, qui est un | impur du
|
excrément limoneux de tous les éléments, | fer.
|
& une humidité grasse, infecte & |
|
corrompue, qui est un excrément du |
|
mercure; lesquels excréments mêlés & |
|
unis parmi la vraie & essentielle substance |
|
du fer, se congèlent & se fixent |
|
parmi elle pendant sa coction; & par |
|
ainsi constituent ce métal imparfait que |
|
nous appelons fer, que tous les anciens |
|
Chimistes nous assurent être composé |
|
& produit par la Nature dans les viscères | Le fer comment
|
de la terre, d'un mercure gros, terrestre | est-il
|
& immonde, & d'un soufre aussi | fait?
|
immonde, terrestre & puant, qui veut |
|
dire la même chose & la même matière |
|
que nous venons de décrire. Pendant | Pourquoi
|
la coction & fixion de ces matières, l'Etoile | le fer est appelé
|
& Planète de Mars influe & jette | Mars.
|
ses vertus & propriétés sur ces matières, |
|
& les marque de son sceau; & par son ardente |
|
chaleur brûle & endurcit davantage |
|
ce soufre impur & ce mercure, & |
|
fait appeler en Chimie Mars, ce que |
|
nous appelons fer; duquel si nous voulons |
|
@
218 Livre troisième.
| tirer quelque chose d'utile & profitable
|
| il nous le faut résoudre en ses principes
|
| par ses principes, & il les faut
|
| purifier de la même façon qu'on a fait la
|
| substance de la Médecine universelle, &
|
| en séparer les mêmes soufres combustibles
|
| & puants, & en tirer un sang rouge
|
Vraie & | & très éclatant, qui servira pour extraire
|
profitable | & tirer un sel rouge qui est caché
|
teinture | dans l'intérieur de ce métal, qui vous
|
du fer. | peut à la vérité servir, fixe qu'il soit, &
|
| cuit en perfection pour teindre la Lune
|
| en vrai Soleil: Les expériences de Lulle
|
| sur ce sujet en sont de vrais témoins, à
|
| quoi ajoutant le pur soufre de l'or,
|
| vous parachevez un médicament parfait
|
| & entier pour guérir tous les flux de ventre,
|
Cure du | flux hépatique quel qu'il soit, & toutes
|
flux hépa- | les consomptions de l'humide radical,
|
tique. | avec toute sorte d'ulcères & de
|
| plaies, & de perdition de substance. Or
|
| de cette préparation n'espérez rien de
|
| rare & de merveilleux de ce belliqueux
|
| guerrier, que le simple usage de
|
| sa pure substance pour l'économie du
|
| monde; sauf à faire quelque vitriol, duquel
|
| par simple distillation vous tirerez
|
| quelques esprits acides, qui peuvent servir
|
| à mêmes usages que ceux du vitriol
|
@
des secrets Chimiques. 219
ordinaire, & sa terre styptique & astringente |
|
à guérir le flux de ventre & malins |
|
ulcères; mais tout cela est de peu |
|
de vertu, eu égard aux autres, qui sont la |
|
force des forces & témoignent bien qu'elles |
|
sortent de ce belliqueux Mars, à qui | Les fables
|
toute l'antiquité a donné tant de force & | de Mars
|
de faits héroïques, qu'il s'en est déifié, & | sont secrets
|
colloqué dans les Cieux, & nous en a | naturels.
|
laissé ici une perpétuelle mémoire, pour |
|
donner occasion aux plus sages & prudents |
|
de rechercher parmi ces fabuleuses |
|
Ephémérides, la réalité & vérité des |
|
effets naturels. |
|
---------------------------------------- |
|
D E L A G E N E R A T I O N |
|
& production de l'étain. |
|
|
|
Chapitre VI. |
|
|
|
'Etain que les Philosophes | Pourquoi
|
Chimiques appellent | l'étain est
|
Jupiter, à cause | appelé Jupiter?
|
que cette Planète influe |
|
& darde toutes ses vertus |
|
& propriétés avec plus |
|
de puissance que les autres, en la production |
|
& génération de ce métal, lorsque |
|
@
220 Livre troisième.
| la Nature dans les veines de la terre, cuit
|
| & digère son mercure & son soufre,
|
| qui étant infects & pollus* d'une graisse
|
| digestion
|
| & coction, est le mélange parfait &
|
| union du dit soufre & mercure; tellement
|
| que le mercure demeure beaucoup
|
| plus cru que son soufre; aussi
|
| ne sont-ils pas bien & dûment anatisés* il
|
| y a plus de l'un que de l'autre, le mercure
|
Impureté | est plus abondant que son soufre; tous
|
de l'étain. | deux sont blancs, crus & indigestes, &
|
| encore un peu infects & pollus de corruption
|
| élémentaire, qui provient d'une
|
| terre limoneuse, grasse & visqueuse,
|
| qui se trouve parmi cette composition,
|
| aucune fois dans les parties essentielles &
|
| intégrantes, & aucune fois lesdites parties
|
| reçoivent cette imperfection &
|
| corruption, des lieux & concavités où ce
|
| mercure & ce soufre sont enfermés &
|
| enclos, pour être cuits & digérés en ce
|
| métal; car au commencement de la production
|
| des métaux, lorsque la Nature
|
| commence à cuire cette matière, avant
|
| que les degrés particuliers de corruption
|
| infectent la semence métallique,
|
| & que les Planètes particulières y
|
| aient jeté leurs vertus & propriétés qui
|
@
des secrets Chimiques. 221
sont les causes plus puissantes de leur différence |
|
& de leur distinction: Cette semence |
|
métallique est indifférente à quel |
|
métal que ce soit, mais dès lors que cette |
|
corruption y est introduite & ses qualités |
|
astrales, pour lors ils reçoivent toute |
|
leur particulière différence, & leur distinction |
|
qui ne se peut ôter & corriger |
|
qu'en ôtant cette corruption & toutes |
|
les qualités astrales qui les individuent |
|
& particularisent ainsi, ce qui est d'une | Comment
|
grande spéculation. Et pour y pouvoir | les métaux
|
parvenir il faut de nécessité avoir cette | imparfaits
|
semence métallique avant que la Nature | peuvent être
|
l'ait individuée & particulièrement en | purifiés de
|
aucune espèce métallique; laquelle il | leur imperfe-
|
faut parfaitement dépurer & séquestrer | ction.
|
de tous soufres impurs, & mercures |
|
froids & crus, & avec cette divine substance |
|
ainsi exactement préparée vous |
|
dissolvez & réduisez vos métaux imparfaits |
|
quels qu'ils soient, en leur première |
|
matière & semence; & les ayant réduits |
|
en cette semence & première matière, il |
|
est facile après icelle purifier & séquestrer |
|
de ses immondices & corruptions; |
|
étant émondés & dépurés, il est facile |
|
de les cuire par simple coction en soufre |
|
parfait & fixe, qui joint à la perfection |
|
@
222 Livre troisième.
| & fixion du soufre solaire, croît
|
| & multiplie sa perfection, & a des vertus
|
| infinies & incroyables, tant pour les maladies
|
| humaines, que pour les maladies
|
| métalliques; ainsi il est possible de transmuer
|
Comment | & changer les métaux les uns avec
|
les métaux | les autres, & les délivrer de leurs maladies:
|
se chan- | Ce qu'Aristote a su comprendre,
|
gent les uns | lorsqu'il crie aux Alchimistes: Sciant
|
aux autres. | Alchymistae metalla transmutari non posse nisi
|
| reducantur in materiam primam: Or vous
|
| voyez comme cette réduction est facile
|
| & possible, par le moyen des principes &
|
| semences métalliques, qui dépurés &
|
| séquestrés de leurs crues substances &
|
| froides humidités sont conduites par le
|
| moyen de notre coction en une moyenne
|
| substance éthérée pleine d'esprits
|
| subtils & pénétrants, actifs & puissants
|
| pour pénétrer, & dissoudre la substance
|
| dure des métaux, & les réduire en semblable
|
| substance, de laquelle au commencement
|
| de leur coction la Nature les
|
| a faits & composés.
|
Comment | Ainsi notre étain, duquel nous parlons
|
l'étain est | ici particulièrement, étant fait &
|
rendu par- | composé de pareille substance humide
|
fait. | éthérée, pleine de feux, d'une terre subtile,
|
| blanche, incorporée & mélangée ensemble
|
@
des secrets Chimiques. 223
peut être, par la même substance, |
|
réduite en sa semence, laquelle peut |
|
être purifiée de toutes ses impuretés & |
|
soufres puants & infects qui amoindrissent |
|
grandement ses vertus & ses |
|
propriétés, & qui d'un Jupin foudroyant |
|
en font une masse terrestre sans vigueur |
|
& sans force: mais après qu'il est dépouillé |
|
de ses vieux haillons, l'on lui |
|
rend sa puissance & son foudre en ses |
|
mains pour se faire reconnaître Dieu du |
|
Ciel & de la terre; toutes les puissances |
|
élémentaires le reconnaissant pour père |
|
souverain d'une infinité de secrets naturels, |
|
qui ne peuvent paraître & être |
|
mis en lumière sans lui, qui seul les |
|
étale pour le soulagement du genre |
|
humain, comme la dissolution de la pierre |
|
dans les reins & dans la vessie, la cure |
|
parfaite de toute sorte de colique, de suffocation |
|
de matrice, la cure absolue de |
|
tous ulcères, même du cancer, & ulcères | La cure
|
malins & dépacents*, voire même | parfaite de
|
la cure parfaite de la fièvre hectique; | la fièvre
|
d'autant que son humide radical est fort | hectique.
|
homogène & semblable au nôtre, & le |
|
remet fort facilement en sa force & vigueur, |
|
le prive de tous soufres & sels |
|
âcres, piquants & mordicants, âcres & |
|
@
224 Livre troisième.
| caustiques, qui gâtent, consument &
|
| perdent l'humidité radicale de notre
|
| vie: mais sans cette préparation susdite
|
| il ne faut nullement attendre ses divines
|
| vertus & propriétés miraculeuses; partant
|
| que les Médecins se peinent s'ils
|
| veulent à rechercher dans la Nature cette
|
| préparation, car ils la trouveront s'ils
|
| sont diligents en cette recherche, & ses
|
| cruelles maladies, ils ne se moqueront
|
| pas après de leurs recettes & régimes, ils
|
| auront à contenter & soulager les maladies;
|
| mais s'ils croient qu'on leur baille
|
| tout mâché & tout prêt ils se trompent;
|
Les secrets | ces grands secrets ne se trouvent qu'à force
|
chimiques | de travail & d'étude, & nous font
|
s'achètent | bien voir qu'il est très vrai, & très certain
|
à force de | ce qu'ont dit les Anciens: Dij mortalibus,
|
travail & | labore omnia vendunt, secreta haec
|
de peine. | possuere dij labore paranda.
|
|
|
| D E
|
@
des secrets Chimiques. 225
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production du plomb.
Chapitre VII.
E plomb que les Philosophes | Pourquoi
|
Chimiques nomment | le plomb est
|
en leur langage | appelé Saturne.
|
Saturne, à cause que cette |
|
Planète Saturnine influe |
|
particulièrement sur |
|
la semence du plomb, & lui imprime |
|
toutes ses vertus & propriétés; tellement |
|
que le plomb est le vrai Saturne de la |
|
terre, il est froid & sec, de terrestre substance, |
|
mélancolique en tempérament, |
|
& toutes ses vertus sont humides & froides, |
|
sèches & terrestres, crues & nullement |
|
cuites; mais indigestes, pleines de |
|
superfluités humides & aqueuses, lesquelles |
|
il est impossible de corriger sans |
|
préalable coction de cette substance qui |
|
en son intérieur se trouve crue & indigeste, |
|
& de séparation des substances |
|
aqueuses, froides & humides qui sont |
|
super-abondantes en icelui, sans la séparation |
|
desquelles la bonne & due |
|
P |
|
@
226 Livre troisième.
| substance qui se trouve en lui ne pourrait
|
| jamais venir à coction parfaite, d'autant
|
| que ses humidités superflues empêchent
|
| la coction & fixation de ladite substance;
|
| tellement que jointe avec elles
|
| elle est toujours pendant ce temps empêchée
|
| de parvenir à sa dernière fin, qui
|
| est la parfaite fixation de sa substance
|
| mercuriale en vrai or. D'où plusieurs
|
| des Philosophes Chimiques nous assurent
|
| que le plomb n'est qu'un or ladre,
|
| infect & corrompu, à cause que son mercure
|
| & son soufre qui sont tous deux
|
| unis ensemble dans une humeur visqueuse
|
| & gluante, n'ont jamais pu dès
|
| le commencement de leur production
|
| être parfaitement dépurés de leurs soufres
|
| & mercures immondes, qui sont
|
| des aquosités crues & froides, & exhalaisons
|
| puantes, qui infectent cette liqueur,
|
| première semence métallique, fille
|
| du Ciel & des éléments; & par ainsi
|
| n'ayant pu être émondée, avant qu'elle
|
Comment | se soit enfermée dans sa matrice &
|
se fait le | dans son vaisseau circulatoire, qui est la
|
plomb. | concavité de quelque rocher bien fermé,
|
| où la chaleur naturelle du monde
|
| cuit & fixe cette liqueur par sa perpétuelle
|
| chaleur, qui sublime & circule perpétuellement
|
@
des secrets Chimiques. 227
cette liqueur jusqu'à ce |
|
qu'elle la convertisse en terre grasse & |
|
visqueuse, & de là en terre sèche & aride, |
|
plombine, pesante, qui a les qualités |
|
& conditions de la mine de plomb; d'où | Pourquoi
|
par le moyen du feu à force de fusion l'on | dans la mine
|
tire quantité de plomb, & quelque peu | de plomb se
|
d'argent fin: car la Nature en circulant | trouve de
|
& sublimant la matière du plomb se lave | l'argent.
|
& se purifie, & se séquestre de ses impuretés. |
|
D'où vient que parmi ces soufres |
|
& mercures impurs se trouve quelque |
|
peu de mercure & de soufre blanc |
|
& pur, qui a les qualités & conditions |
|
de l'argent, & par les coupelles & examens |
|
qui se font par le feu, dans les fontes |
|
des mines, se sépare du plomb, & reluit |
|
& brille, comme l'on dit, dans les |
|
fontes, comme étoiles sur les cendres |
|
& coupelles en signe de sa perfection. |
|
Ici les bons ménagers, en fait des mines, |
|
quand ils trouvent que leur mine de |
|
plomb se trouve mélangée avec de l'argent, |
|
la doivent bien fermer, & étouper |
|
tous les conduits, afin que l'air n'y entre, |
|
& que les esprits métalliques ne sortent; |
|
car par ce moyen leur mine de plomb se |
|
changera, & deviendra mine d'argent |
|
par succession de temps, environ cent ou |
|
P ij |
|
@
228 Livre troisième.
| tant d'années; il est vrai que cette ménagerie
|
| ne sera que pour leurs Neveux &
|
| descendants, mais il faut faire quelque
|
| chose pour ceux qui viennent après nous
|
| comme nous voyons que nos pères &
|
| prédécesseurs ont fait & travaillé pour
|
| nous, & pris beaucoup de peine; d'où la
|
| seule utilité & profit en revient à nous
|
| seuls & à nos pères la gloire & l'honneur:
|
Comment | Ceux qui ne voudront point être si charitables
|
de la mine | envers leurs descendants, prendront
|
de plomb l'on | de leur mine ce que la Nature leur
|
peut tirer | aura préparé; & si par art ils veulent secourir
|
quantité | la Nature en ce qu'elle n'a pu séparer
|
d'argent. | les immondices du plomb, & convertir
|
| le tout & le digérer en parfait argent,
|
| ils la pourront secourir & aider
|
| par l'artifice ordinaire ci-devant déclaré
|
| aux autres Chapitres; car d'en traduire
|
| un autre pour faire la même chose, il n'y
|
| en a point, c'est le seul moyen que la
|
| Nature veut qu'on la secoure pour corriger
|
| ses défauts & manquements. Par ce
|
| seul moyen vous réduirez le plomb en ses
|
| principes, en son mercure & en son soufre,
|
| desquels la Nature l'a composé;
|
| l'ayant ainsi réduit par simple distillation
|
| vous dépurerez son mercure & avec icelui
|
| purifié, vous tirerez de sa terre son
|
@
des secrets Chimiques. 229
soufre très pur & très blanc; lequel |
|
ainsi dépuré, conjoint avec son mercure |
|
qu'il a retiré de sa terre bourbeuse, limoneuse |
|
& infecte, vous le cuirez & fixerez |
|
à feu lent & continuel en soufre |
|
parfait, blanc ou rouge selon la continuation |
|
du feu que vous y ferez, qui aura les |
|
vertus & dons merveilleux du soufre |
|
intérieur du plomb, qui est le vrai soufre |
|
de l'or, pour guérir une infinité de |
|
maladies incurables à l'usage ordinaire |
|
des médicaments communs. |
|
Hors de cette préparation vous ne | Vertus du
|
pouviez espérer du plomb aucune rare | plomb.
|
& insigne vertu & propriété, que quelques |
|
onguents rafraîchissants & de siccatifs |
|
pour la brûlure, dont la description |
|
en a été faite dans ma Pharmacie & |
|
Chirurgie; & quelque peu de sel doux |
|
qu'on en sait extraire par le moyen du |
|
vinaigre, qui est très excellent pour les |
|
inflammations des reins & de la vessie, |
|
& aux gonorrhées violentes; mais ce |
|
n'est rien au respect de celles que la préparation |
|
sus-écrite donne, qui a en perfection |
|
toutes ses vertus & infinité d'autres |
|
beaucoup plus grandes. |
|
P iij |
|
@
230 Livre troisième.
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production du mercure, autrement
argent-vif.
| Chapitre VIII.
|
|
|
L'equivo- | 'Equivoque qui est entre
|
que du | le mercure vulgaire & commun,
|
mercure | & celui qui compose
|
commun, | les métaux, a fait errer grand
|
avec celui | nombre d'ignorants en l'Alchimie, prenants
|
des Sages | l'un pour l'autre, & donnant l'origine
|
est cause de | & source des métaux à celui-ci qui
|
beaucoup | est un métal lui-même, & qui est autant
|
de mal. | corrompu en son origine que peut être
|
| le plomb. Cette erreur a beaucoup coûté
|
| & de perte de temps & de perte d'argent
|
| à tous ceux qui ont eu cette opinion: Au
|
| commencement de mon étude Chimique
|
| ce fut celle qui préoccupa mon esprit,
|
| & me fit travailler un long temps
|
| pour tirer de son ventre ce vinaigre Physique
|
| que j'ai trouvé depuis dans un sujet
|
| bien plus commun & ordinaire, &
|
| plus abondant & copieux que n'est ce
|
| mercure ici; de ce travail n'en sortit
|
| que quelques petits secrets très bons
|
@
des secrets Chimiques. 231
pour la Médecine, qui ont donné l'être | Secrets du
|
à mon Hercule Chimique. Si les Maîtres | mercure commun
|
de cet art viennent à le lire, ils trouveront | ont donné
|
bien par sa lecture mes erreurs & | l'être à
|
mes dévoiements; mais ils m'ont été | l'Hercule
|
utiles pour connaître la Nature des métaux, | chimique.
|
& comme elle se change & altère |
|
par le moyen du feu, tant actuel que potentiel, |
|
qui se trouve dans les substances |
|
minérales, infixes & volatiles. Il ne faut |
|
penser toutefois que par ce moyen j'aie |
|
appris de quelle matière est le soufre |
|
& le mercure, qui compose & produit |
|
dans les veines de la terre l'argent-vif; | Dans les
|
car il est impossible de trouver dans la | métaux l'on
|
substance de l'argent-vif rien de semblable | ne voit point
|
& d'homogène à sa semence. Comme | leur semence.
|
dans les parties d'un animal, ou d'une |
|
plante, vous ne trouvez point aucune |
|
substance qui soit semblable à leur semence; |
|
ainsi est des métaux, lorsqu'ils |
|
sont faits & composés, & que le feu |
|
actuel les a tirés de leur matrice, il est |
|
impossible de trouver plus ni dans les |
|
substances, ni dans leurs pores aucune |
|
substance qui s'approche de leur semence, |
|
car leur semence se change & s'individue |
|
& se spécifie en substance métallique; |
|
tellement qu'elle n'a plus de forme |
|
P iiij |
|
@
232 Livre troisième.
| de semence métallique, ni ressemblance
|
| aucune avec icelle; mais est entièrement
|
| métal, ou terre métallique & minérale,
|
| de laquelle à force de feu le métal
|
Pour ap- | est parfait & absolu. Quiconque vent apprendre
|
prendre de- | à connaître la semence métallique,
|
quoi est | il ne faut qu'il regarde dans les
|
faite la se- | métaux ni minéraux, car il ne la trouvera
|
mence mé- | pas là que spécifiée & individué ;mais
|
tallique | il faut qu'il regarde & considère dans le
|
que faut-il | grand monde qu'est-ce que la Nature
|
considérer. | peut prendre pour composer & faire les
|
| métaux: Elle en premier lieu ne prend
|
| pas un métal ni un minéral quel qu'il soit
|
| ni un végétal, ni un animal quel qu'il
|
| puisse être; que peut-elle prendre donc,
|
| puisqu'en toute la Nature il ne se trouve
|
| par-dessus ces trois genres, minéral, végétal
|
| & animal, que les éléments; il faut
|
| donc qu'elle prenne les éléments, mais
|
| ils sont trop simples, ils ne peuvent dans
|
| leur simplicité composer & produire
|
| quelque chose: Il faut donc que la Nature
|
| compose les éléments, & que des
|
| quatre qu'ils sont elle en tire quelque
|
| chose qui ait la vertu de tous quatre, &
|
| que si le Ciel doit contribuer quelque
|
| chose du sien, (car en vain aurait-il été
|
| fait s'il ne contribuait du sien à la génération
|
@
des secrets Chimiques. 233
& production des mixtes naturels) | Semence
|
il faut donc aussi que le Ciel se mêle | de toutes
|
avec les éléments, & que tous ensemble |
|
composent & fassent une chose qui doive |
|
être la semence de toutes choses; les esprits |
|
seulement qui s'introduisent dans |
|
cette seule & unique chose, qui sont |
|
spécifiés de l'un des trois genres, savoir |
|
les animaux, les végétaux, ou |
|
minéraux, peuvent seuls mettre la |
|
différence, & individuer cette semence |
|
générale que les éléments des Cieux |
|
font pour la matière universelle de la |
|
production de toutes choses. |
|
La Nature donc prend cette matière |
|
ainsi préparée, & venant à tomber dans |
|
les matrices qui sont infinies dans la Nature: |
|
car autant de lieux, autant de |
|
matrices; là dans ces matrices & ces lieux |
|
se trouvent des esprits de l'un de quelque |
|
genre, qui vient à prendre cette semence |
|
qui n'est point encore spécifiée par |
|
aucun des trois genres, mais est indifférente |
|
à tous trois; venant donc à être occupée |
|
par des esprits minéraux & métalliques, |
|
elle commence à prendre les |
|
qualités & conditions métalliques, & là |
|
continue de travailler, & cuire cette semence |
|
imprégnée & remplie des esprits |
|
@
234 Livre troisième.
| métalliques, & la conduit par sa coction
|
| à la perfection de l'un de quelques métaux
|
| selon la pureté qu'elle peut obtenir
|
| par sa réitérée sublimation de sa semence,
|
| & selon même la pureté de la matrice
|
| dans laquelle elle a enfermé cette
|
L'argent | semence métallique; Et quand elle
|
vif com- | vient à enfermer & clore cette semence
|
mun com- | pleine & grosse d'esprits métalliques,
|
ment est-il | en laquelle l'humidité pure, qui est la
|
produit. | partie mercurielle, vient à être anatisée
|
| & faite égale avec la partie du soufre
|
| qui est la partie sèche & chaude, tous
|
| deux en quelque façon assez purs & nets
|
| des ordures élémentaires, pour lors cette
|
| humidité & cette sécheresse terrestre
|
| viennent à se lier en telle façon qu'elles
|
| ne prédominent point l'une sur l'autre;
|
| mais se tempèrent également l'une avec
|
| l'autre & constituent par ce moyen une
|
| espèce de métal qui semble toujours
|
| fondu, qui court & coule, & qui ne
|
| mouille point; d'autant que son soufre
|
| qui est la partie sèche & chaude de sa
|
| semence, lie en telle façon son mercure
|
| & son humidité qui ne lui permet pas
|
| d'adhérer aux corps qu'elle touche; & par
|
| ainsi cette humidité ne mouille point,
|
| mais court & coule sur la superficie de la
|
@
des secrets Chimiques. 235
terre sans mouiller: Ainsi se fait & compose |
|
dans les veines de la terre l'argent |
|
vif, commun & vulgaire, qu'une infinité | Le mercure
|
d'ignorants ont cru être le fondement | commun
|
& le commencement, & principe des | n'est principe
|
métaux; assurant que la Nature commence | des
|
la coagulation des métaux par | métaux.
|
celle-ci, ce qui est entièrement faux & |
|
bien loin de la vérité. La Nature quand |
|
elle a commencé à cuire quelque semence, |
|
elle la conduit toujours d'imparfaite |
|
qu'elle est en quelque perfection, & ne |
|
tend jamais à détérioration de sa semence, |
|
sans y cesser son mouvement & en |
|
commencer un autre: Que si du mercure |
|
commun & vulgaire elle venait à faire |
|
du plomb ou du fer, ou quelque autre |
|
métal imparfait, elle viendrait à détériorer |
|
sa semence, qui serait assez pure & |
|
nette en son commencement, & puis par |
|
sa coction elle deviendrait impure, qui |
|
est contre son ordre ordinaire qu'elle observe |
|
avec toute rigueur; car tous les | Pourquoi
|
bons Philosophes Chimiques, tant modernes | la Nature
|
qu'anciens, nous ont laissé par | ne commence
|
écrit que l'argent vif commun est beaucoup | point les métaux
|
plus pur que le plomb, & que tous | par l'argent
|
les autres métaux imparfaits: Tellement | vif.
|
qu'on voit clairement que si la Nature |
|
@
236 Livre troisième.
| commençait les métaux par l'argent vif
|
| elle détériorerait sa semence par sa coction
|
| au lieu de l'améliorer, ce qu'elle n'a pas
|
L'argent | accoutumé de faire. Que personne n'estime
|
vif a la | donc l'argent vif être la semence
|
même se- | des métaux; mais lui-même être métal
|
mence que | & avoir dans son ventre la même & pareille
|
les autres | semence que les autres métaux spécifiés
|
métaux. | & individués en lui selon la coction
|
| & sublimation que la Nature y a
|
| faite particulière dans sa propre matrice.
|
Moyen | Qui voudra donc retirer du mercure
|
d'extraire | commun & vulgaire, les vertus & propriétés
|
les vertus | rares que la Nature y a mis, il
|
du mercure | faut qu'il pense de le dissoudre en ses
|
commun. | principes, & d'en séparer toutes ses crudités
|
| froides & trop aqueuses, & quelque
|
| peu de soufre infect & puant, qui
|
| est mêlé parmi son soufre blanc, cuire
|
| après le tout par feu continuel jusqu'au
|
| sang de notre Lion, qui est la vraie teinture
|
| rouge de notre soufre rouge; par
|
| ce seul moyen il obtiendra une thériaque
|
| absolue & parfaite contre toute sorte de
|
| venins, & un baume parfait pour guérir
|
| toute sorte de plaies & ulcères telles qu'elles
|
| puissent être; même les cancers les
|
| plus malins & caustiques; car le sel doux
|
@
des secrets Chimiques. 237
qui réside dans ce baume, dulcifie dans |
|
un instant tous les sels contre-nature qui |
|
peuvent être dans notre corps, si âcres |
|
& mordicants qu'ils puissent être: Et | Cure de la
|
par ce moyen il guérira aussi parfaitement | goutte.
|
la goutte & toutes ces espèces; autrement |
|
il ne possédera du mercure que |
|
des remèdes de bas aloi, qui ne valent pas |
|
la peine qu'on prend à le préparer, il en |
|
a de soi-même sans autre préparation |
|
tout autant que les communes préparations |
|
lui en peuvent donner. Il purge | Vertus du
|
fort doucement, pris en petite quantité | mercure
|
mélangé parmi le sucre, sans torsion | cru.
|
ni incommodité quelconque: Tue les |
|
vers des petits enfants parfaitement bien, |
|
& guérit les fièvres intermittentes, & |
|
guérit les ulcères malins, véroliques |
|
& autres, mais il n'en faut pas user fréquemment |
|
à un même malade. |
|
@
238 Livre troisième.
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production de l'antimoine.
| Chapitre IX.
|
|
|
Qu'est-ce | 'Antimoine est un plomb
|
qu'anti- | infect & corrompu, abondant
|
moine. | en sel & en soufre, & diminuant
|
| en mercure, d'où il est
|
| friable sous le marteau, à cause qu'il a
|
| fort peu de mercure qui soit parfait, uni
|
| & mêlé parmi son soufre & parmi
|
| son sel: le sel & le soufre prédominent
|
| en cette composition, & lui ôtent la
|
| mal-habilité; l'ôtant de l'espèce du
|
| plomb, & en font un plomb particulier
|
| beaucoup plus infect & corrompu que le
|
| plomb commun, & pour distinction on
|
Le soufre | l'appelle Antimoine, ou Stibium. Plusieurs
|
& mercure | ont cru, mais follement, que son
|
de l'Anti- | mercure & son soufre étaient le soufre
|
moine ne | & le mercure qu'il fallait prendre
|
sont point | pour faire la pierre Philosophale; mais
|
le vrai sou- | ils sont bien loin de la vérité, car ce soufre
|
fre pour | & ce mercure sont si corrompus &
|
changer les | infects en cette composition, qu'ils ne
|
métaux. | se peuvent dépêtrer de cette infection
|
@
des secrets Chimiques. 239
sans préalable dissolution dans le vrai
mercure des Philosophes, dans lequel
seul il se peut dépouiller de ses ordures
comme tous les autres métaux
font; que si de lui-même il ne se peut
dépêtrer de ses corruptions, comment
pourra-t-il en dépêtrer les autres qui en
ont besoin; ce qui est toutefois nécessaire
pour obtenir les qualités & conditions
du mercure & du soufre des Philosophes,
qui font la composition de la pierre
philosophale: C'est une erreur très grande
que de croire que l'Antimoine est le
soufre des Philosophes, & que d'icelui
on l'en puisse tirer & extraire: Toutefois
cette erreur est sortie des paroles
crues & nues des anciens Philosophes,
qui ont laissé par écrit que l'Antimoine
est le commencement de leur oeuvre:
mais par cet Antimoine ils n'entendent
pas cet Antimoine duquel nous parlons,
mais leur mercure congelé & coagulé en
terre noire comme poix qui est la première
coagulation de leur mercure; lorsqu'à
force de cuire il s'épaissit & congèle
en terre noire, gluante & tenant comme
poix, laquelle terre est appelée Antimoine
à cause de sa noirceur & couleur;
& à la vérité cet Antimoine est le
@
240 Livre troisième.
L'Anti- | principe & le commencement plus proche
|
moine des | de la pierre, & bienheureux sont
|
Sages d'où | ceux qui le peuvent obtenir de notre
|
se tire-t-il? | eau, fille du Ciel & des éléments: Car à
|
| la vérité de cet Antimoine ils tireront
|
| une liqueur aigre & ardente, par le
|
| moyen de laquelle ils déferont & décomposeront
|
| cet Antimoine ici, & verront
|
| dans ses viscères de quoi la Nature l'a
|
| composé: L'on y verra une eau semblable
|
| à celle qui l'a défait & décomposé, &
|
| un soufre corrompu, infect, puant
|
| & rouge, qui était uni inséparablement
|
L'Anti- | avec son mercure, pareillement
|
moine de- | infect & corrompu, que la Nature avait
|
quoi est-il | unis ensemble au commencement de sa
|
fait? | composition, & enfermé ainsi dans
|
| quelque roche, & là cuits & congelés par
|
| sa chaleur continuelle en vrai & légitime
|
| Antimoine, où elle avait assemblé &
|
| uni quantité de sel & de soufre par-
|
| dessus la quantité du mercure, qui est la
|
Pourquoi | cause pourquoi l'Antimoine est friable,
|
l'Antimoi- | & n'est point extensible sous le marteau
|
me n'est ex- | comme le plomb; Il a toutefois quasi le
|
tensible | même tempérament que le plomb, &
|
sous le | les mêmes vertus; sauf que le mercure
|
marteau. | qui est beaucoup plus abondant au
|
| plomb qu'à l'Antimoine, rend plus doux
|
le
@
des secrets Chimiques. 241
le plomb que l'Antimoine qui est aigre |
|
& acide; & partant il est beaucoup plus |
|
froid & astringent que le plomb. |
|
Plusieurs des Médecins Galénistes, |
|
estiment que l'Antimoine est un pur |
|
venin; & partant ils le chassent de leurs |
|
antidotaires, & ne veulent en aucune |
|
façon qu'on en tire aucun remède |
|
pour la cure des maladies; c'est un Lion |
|
disent-ils, domestique, qui enfin tue & |
|
dévore son propre Maître. Si ceux-ci |
|
avaient travaillé & sué à la recherche des |
|
vertus & propriétés de l'Antimoine, ils |
|
chanteraient la Palinodie, & diraient |
|
mille louanges & mille hymnes de gloire |
|
au Créateur qui l'a fait: Ils verront que | Pourquoi
|
la cure de toutes les maladies consiste en | est-il nécessaire
|
l'Antimoine: Que s'il est fort & robuste | que la vertu purgative
|
en ses purgations, il faut nécessairement | de l'Antimoine
|
qu'il le soit puisqu'il y a des matières | soit forte
|
morbifiques qui sont dans l'habitude du | & puissante.
|
corps, d'où il est quasi impossible de les |
|
tirer de là, sans une puissance bien grande, |
|
& telle que la chaleur de l'estomac |
|
ne puisse pas dompter & vaincre. La | Vertu rares
|
goutte ne se peut guérir que par l'usage | de l'Antimoine.
|
de l'antimoine, ni la disposition du calcul |
|
se changer sans le même usage: |
|
Outre que si nous venons à purifier ce |
|
Q |
|
@
242 Livre troisième.
mercure & ce soufre que la Nature a
mis en sa composition; & purifiés qu'ils
soient, si nous les venons à cuire & fixer
parfaitement, nous obtiendrons un soufre
parfait, qui aura tout autant de vertus
& de propriétés que celui-là de l'or,
qui aura le pouvoir de purifier entièrement
le corps humain de toute sorte d'ordure,
jusques à parvenir à la cure parfaite
de la ladrerie parfaite & confirmée. Les
préparations vulgaires & communes que
l'on fait de l'antimoine sont très bonnes
& très excellentes, l'on en fait une poudre
hermétique qui purge parfaitement
bien, & guérit toutes sortes de fièvres intermittentes,
& les continues, & est un
Catholicon* général, très excellent, &
qui ne m'a jamais manqué, ni fait aucun
affront; il est à la vérité violent, à cause
des vomissements qu'il procure, mais
aussi en échange il purge parfaitement
toutes sortes d'humeurs peccantes, & ne
laisse point de reliquat pour donner place
aux rechutes. L'on en prépare aussi un
bézoard minéral qui est sudorifique, &
résiste puissamment aux malignités des
humeurs qui égalent les vertus des venins.
Il s'en prépare une fleur, un verre
hyacinthin, & tous possèdent de grandes
@
des secrets Chimiques. 243
& merveilleuses vertus, qui gouvernées |
|
par un docte & sage Médecin lui acquièrent |
|
plus d'honneur que ne saurait |
|
faire nul autre des mixtes & composés |
|
naturels: Mais toutes ces vertus bien | Vertus de
|
que très grandes, ne peuvent égaler en | l'Antimoine
|
façon quelconque les vertus des préparations | multipliées.
|
qu'on en peut tirer & extraire par |
|
sa résolution en ses principes, & par la |
|
dépuration de ses principes & coction |
|
parfaite d'iceux, en soufre rouge. |
|
---------------------------------------- |
|
D E L A G E N E R A T I O N |
|
& production des Marcassites. |
|
|
|
Chapitre X. |
|
|
|
L y a quantité de Marcassites |
|
qui prennent |
|
leur dénomination & |
|
différence de la diversité |
|
des métaux, auxquels |
|
elles inclinent, & tiennent |
|
de leur Nature; les unes sont appelées |
|
Marcassites d'or, les autres d'argent, |
|
de fer, de plomb & de cuivre; mais toutes |
|
en substance ne sont faites & composées |
|
que d'une même matière différente; |
|
Q ij |
|
@
244 Livre troisième.
| toutefois en degré de coction, par laquelle
|
| coction leurs mercures & soufres
|
| infects & corrompus reçoivent
|
| quelque différence, & les couleurs différentes
|
| paraissent & les font jaunes, blanches,
|
| noires & plombines; elles sont
|
| composées de beaucoup de soufre
|
| blanc ou rouge infect & corrompu, avec
|
| beaucoup de sel, & peu de mercure,
|
Pourquoi | mais tous corrompus & infects, & le peu
|
les Mar- | de mercure qu'elles ont en leur composition,
|
cassites | fait qu'elles ne sont point extensibles
|
sont fria- | sous le marteau, mais friables comme
|
bles comme | verre: l'humide n'est pas parfaitement
|
verre. | uni avec le sec, le sec n'est pas tellement
|
| tempéré par l'humide qu'il soit
|
| également en toutes les parties de l'humide,
|
| mais il est plus abondant & copieux
|
| en cette mixtion que l'humide; &
|
| partant il dessèche par trop l'humide, &
|
| le rompt & rend aigre, comme on dit, &
|
| cause par ce moyen ce brisement qui se
|
| voit ès Marcassites lorsqu'on les frappe
|
| du marteau: Ce qui ne se ferait pas si le
|
| sec & l'humide qui est ès Marcassites
|
| étaient anatisés ensemble; ils sont grossièrement
|
| mêlés ensemble, & encore le
|
| sec plus abondant que l'humide, & ainsi
|
| sont enfermés dans quelque rocher, où
|
@
des secrets Chimiques. 245
la chaleur naturelle de la terre, avec la |
|
chaleur même interne de cette semence |
|
des Marcassites, avec les influences de |
|
Saturne & de Mars qui prédominent sur | Mars &
|
cette composition & mixtion qui tous | Saturne
|
ensemble congèlent & fixent en quelque | président
|
façon cette semence en Marcassite; | sur les Marcassites.
|
& si elle est jaune, le soufre qui y est |
|
reçoit quelque particulière coction, plus |
|
forte que celle qui est blanche, & qui est |
|
dite Marcassite d'argent; c'en est la seule |
|
cause: Elles ont beaucoup de vertus & |
|
propriétés que le commun des Médecins |
|
ignore, pensant que sous ces durs |
|
cailloux métalliques la Nature n'ait mis |
|
& colloqué que le simple être: mais ils |
|
seront bien trompés s'ils voient que |
|
dans toutes les Marcassites, quelles |
|
qu'elles soient il y a des puissantes vertus |
|
purgatives, aussi fortes & énergiques |
|
qu'en l'Antimoine. Une dragme infusée | Cure de
|
dans quatre ou cinq onces de vin | l'hydropisie
|
blanc, purgera avec grande efficace le | par les Marcassites.
|
plus constipé hydropique qui se puisse |
|
trouver, & l'usage prudent de cette purgation |
|
le guérira avec assurance: Elles |
|
évacuent puissamment toutes les sérosités, |
|
ouvrent & désopilent toutes les |
|
voies intérieures de notre corps, & avec |
|
Q iij |
|
@
246 Livre troisième.
tout cela fortifient le foie; il y en a qui
en font des extraits avec le vinaigre, ou
suc de limon, ou oranger, ou grenades, &
font après évaporer le suc à petit feu, &
de ce qui demeure au fond du vaisseau
ils en font de petites pilules polychrestes
qui purgent puissamment toutes sortes
d'humeurs, & sont de très bons secrets
pour guérir parfaitement l'hydropisie;
la crème de tartre, mélangée avec le
vin distillé, en tire un extrait merveilleux.
Mais ces vertus & propriétés qui sont
sans autre préparation dans les Marcassites
ne sont point presque à estimer, au
respect des autres vertus, qui se trouvent
après la préparation qu'on en peut faire
par l'ordre sus-écrit, en les dissolvant en
leurs principes desquels elles ont été
composées par la Nature dans les mines
de la terre, & ce par le moyen du vinaigre
central élémentaire qui se trouve
dans l'esprit général du monde; par le
moyen de ce vin aigre vous les dissolvez
en leur mercure & leur soufre, & les
purifiez de toutes leurs ordures & infections,
& pures qu'ils sont vous les unissez
encore un coup, & les cuisez à perfection
en terre rouge, fixe & fondante
@
des secrets Chimiques. 247
comme cire, qui a des vertus incroyables |
|
pour remettre la faiblesse de toutes |
|
les parties du corps humain; & avant sa |
|
fixation & coction en terre rouge, cette |
|
seule liqueur possède de grandes vertus |
|
purgatives, à cause que leurs substances |
|
sont crues & volatiles & infixes, qui ont |
|
accoutumé d'attirer leurs semblables |
|
substances qui se trouvent en nous copieuses |
|
& abondantes lorsque nous sommes |
|
malades de quelque maladie. |
|
Ceux qui ont cru que dans les Marcassites | Toute la
|
il y avait quelques teintures | teinture
|
parfaites pour teindre les métaux en or | qui est dans
|
ou en argent, ou quelque vertu fixative | } Marcassites$
|
pour fixer le mercure en argent fin, se | est inutile.
|
sont trompés, si elles ne sont réduites par |
|
notre moyen susdit, en leur principe, & |
|
ces principes ne sont après leur dépuration |
|
fixée en parfait soufre rouge; toutefois |
|
je veux bien croire que ce soufre |
|
est tingeant & fixant, car il est égal à celui-là |
|
de l'or, si l'on en vient à la parfaite |
|
dépuration & coction; mais c'est une oeuvre |
|
bien longue & pénible: nous avons |
|
assez à faire à obtenir de l'esprit général |
|
du monde ce parfait dissolvant, & quand |
|
nous l'avons je ne serais pas d'avis de le |
|
contaminer encore par le mélange des |
|
Q iiij |
|
@
248 Livre troisième.
| mixtes corrompus, pour s'amuser à tirer
|
| de leur corruption ce que la Nature a
|
| mis en abondance, avec une très grande
|
| pureté dans l'or & dans l'argent.
|
| ----------------------------------------
|
| D E L A G E N E R A T I O N
|
| & production des Arsenics
|
| & Réalgars.
|
|
|
| Chapitre XI.
|
|
|
En quelle | A Nature voulant produire
|
façon s'en- | & engendrer les
|
gendrent | Arsenics & Réalgars elle
|
les Arse- | prend le mercure
|
nics & | dont elle a accoutumé
|
Réalgars. | de produire toutes choses, ce qu'il a
|
| de plus en cette mixtion c'est la corruption
|
| élémentaire qui est très grande, qui
|
| est quasi une fiente & une graisse terrestre,
|
| corrompue & pourrie, qui se mêle parmi
|
| le mercure qui compose les Arsenics
|
| & Réalgars. Elle enferme donc ce mercure
|
| plein de pourriture terrestre dans
|
| quelque rocher, & là cuit & congèle
|
| cette humeur & liqueur gluante en pierre
|
@
des secrets Chimiques. 249
blanche ou jaunâtre, ou rougeâtre, |
|
& de là donne l'être à l'Arsenic, à l'Orpin, |
|
& au Réalgar jaune, qui sont trois |
|
espèces d'Arsenic qui ne diffèrent point |
|
en substance, mais en coction, plus ou |
|
moins de ce soufre pourri & corrompu |
|
qui se trouve dans cette composition, |
|
lequel par diverse coction reçoit diverses |
|
teintures toutes pleines de venins | Saturne
|
mortifères. Saturne préside en ces compositions | préside en
|
& darde ses influences pendant | la production
|
tout le temps de leur génération, dont | des Arsenics.
|
toute la malignité de Saturne se trouve |
|
en ses compositions au suprême grade, |
|
& tout l'équipage de sa constellation y |
|
préside aussi, & influe aussi tout ce qu'ils |
|
ont de malin & contraire à la vie, d'où |
|
ces minéraux sont les venins terrestres |
|
plus malins qui puissent être en toute |
|
la terre; leur action est âcre, caustique |
|
& brûlante, à cause de l'abondance du |
|
fiel caustique & brûlant qui est en eux; |
|
lequel parmi cette pourriture pendant |
|
le temps de leur coction, se multiplie de |
|
beaucoup par-dessus le soufre & le |
|
mercure: le mercure est le moindre de |
|
tous les trois principes; l'abondance du |
|
soufre suit celle du sel, & tous trois |
|
mal-unis ensemble sans aucune proportion |
|
@
250 Livre troisième.
| de l'un à l'autre lient sans liaison
|
Comment | cette composition: l'Orpin est celle de
|
de l'Orpin | toutes les trois espèces des Arsenics &
|
se fait de | Réalgars, de laquelle la Nature tire
|
l'or. | quelque chose de bon à force de temps,
|
| de peine & de travail; car en sublimant
|
| & dissolvant souvent cette pourriture
|
| minérale, il la lave tant & tant de
|
| fois qu'elle parvient enfin à la dépuration
|
| de son soufre & de son mercure,
|
| & purs qu'ils sont elle les unit ensemble
|
| & les anatise, les cuit & congèle en soufre
|
| rouge ou blanc, pur & parfait, sur
|
| lequel continuant ses actions & ses coctions
|
| en fait enfin de fin or, ou de fin argent;
|
| mais elle sue & travaille bien plus
|
| de mille ans à cette oeuvre, & elle a plutôt
|
| de beaucoup parachevé son oeuvre
|
| à commencer à son mercure commun &
|
| ordinaire, qu'elle prend pour faire les métaux;
|
| car avant qu'elle ait séparé seulement
|
| ce mercure de ses ordures & puanteurs,
|
| elle a cuit & fixé celui-ci en soufre
|
La Na- | blanc ou rouge; tellement qu'elle a
|
ture tend | ici plutôt achevé, que commencé,
|
toujours à | mais la Nature pourtant pour ne laisser
|
perfection. | rien d'infect & corrompu, cache par tous
|
| moyens de parvenir à la perfection; Et à
|
| ces fins attaque l'impureté même dans
|
@
des secrets Chimiques. 251
son oeuvre & dans ses propres maisons & |
|
citadelles, comme il est très certain en |
|
cet exemple des Réalgars: Car un |
|
Empereur Romain fit décuire une énorme |
|
quantité d'Orpin, & sur les derniers |
|
affinements il s'y trouva quantité d'or, qui |
|
valait le prix de l'Orpin, mais non pas la |
|
peine des affineurs; ce qui eut été |
|
impossible si la Nature n'eût commencé |
|
de travailler sur cet Orpin, & n'eut dépuré |
|
déjà quelques parties de cet Orpin |
|
en fin or. |
|
Ainsi si nous voulons tirer de ces Réalgars |
|
quelque chose de bon, il nous faut |
|
imiter la Nature, dissoudre ses mixtes |
|
en leurs premiers principes, les purifier |
|
dissous qu'ils sont de leurs viscosités & |
|
soufres graisseux & puants, & après |
|
cette dépuration cuire & fixer cette matière |
|
en parfait soufre blanc ou rouge, |
|
& de là nous posséderons de grandissimes |
|
secrets, tant pour la santé du corps |
|
humain, que pour la teinture des métaux: |
|
Car ce soufre rouge dissout en | Cure &
|
quelle liqueur que ce soit, c'est une parfaite | préservatif
|
thériaque contre toute sorte de venins | de la peste.
|
élémentaires & naturels; c'est la |
|
cure parfaite de la peste, & la préservation |
|
assurée; c'est un bézoard parfait |
|
@
252 Livre troisième.
| pour éteindre l'action mortifère de tout
|
| venin; c'est un baume aussi parfait & absolu
|
| pour guérir toutes plaies & ulcères,
|
| malignes & autres, même les cancers
|
| & écrouelles telles qu'elles soient; hors
|
| de ces préparations l'on n'en peut tirer
|
Les arse- | rien digne de louange; Je conseille à
|
nics influent | tous Médecins de les laisser & n'en user
|
du venin | point en aucune façon; mais le fuir comme
|
dans les | venins qu'ils sont, très pernicieux;
|
escarres | même appliqués extérieurement ils
|
qu'ils font. | montrent leur grandissime malignité,
|
| & font des feux & tisons très ardents, qui
|
| brûlent tout ce qu'ils touchent; & outre
|
| leur brûlure ils influent dans leurs escarres
|
| de grandes malignités, ce que le feu
|
| actuel ne fait pas.
|
@
des secrets Chimiques. 253
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production du Soufre.
Chapitre XII.
N grand nombre de Le soufre |
|
gens d'esprit ont eu | commun
|
cette opinion, que le | ne peut
|
Soufre commun & ordinaire | composer les
|
qui découle des | métaux.
|
montagnes, & qui se |
|
trouve en fleur sur la superficie des rochers, |
|
fût une des matières dont les métaux |
|
se composent dans les mines; mais s'ils |
|
eussent examiné la qualité & vertu de ce |
|
Soufre, ils eussent trouvé par expérience |
|
qu'il ne pouvait en aucune façon |
|
composer les métaux, puisqu'il a vertu |
|
de les défaire & détruire, car il brûle & |
|
consume les métaux, consumant leur |
|
humide & détruisant leur Soufre; ce |
|
qui détruit n'est jamais principe de |
|
composition. Il est vrai que les anciens |
|
& modernes Chimistes nous assurent, |
|
comme il est très vrai, que le Soufre |
|
est une des matières principale qui composent |
|
les métaux; mais ce n'est pas ce |
|
@
254 Livre troisième.
| Soufre duquel nous parlons en ce
|
| Chapitre, mais c'est l'essence du feu naturel
|
| & élémentaire qui est le vrai & unique
|
| principe des métaux, qu'en Chimie
|
| on appelle Soufre, qui est bien différent
|
| de celui-ci; car l'un est principe de
|
| vie en toutes choses, & l'autre est plutôt
|
| principe de mort & de destruction que
|
| de vie: Il est vrai qu'en icelui, comme
|
| mixte naturel il a en soi quelque peu de
|
| ce Soufre qui est principe de vie en
|
| toutes choses; autrement il ne pourrait
|
Qu'est-ce | être composé & mixte naturel. Ce n'est
|
que Sou- | donc (pas) ce Soufre qui est principe de vie
|
fre com- | en toutes choses, mais une graisse & une
|
mun. | huile terrestre, faite & composée du limon
|
| graisseux de la terre, où les trois
|
| principes naturels, Sel, Soufre & Mercure
|
| se trouvent mêlés pour faire cette
|
| composition; car lorsque l'esprit général
|
| du monde, ce mercure de vie trouve
|
| une terre grasse & limoneuse, laquelle se
|
| fait & compose des excréments élémentaires,
|
| il l'imprègne, l'informe & s'unit
|
| avec elle, & la cuit en Soufre; lequel
|
| le plus souvent aux lieux où il s'engendre
|
| & produit à cause que la chaleur y
|
| est forte & puissante, vient à s'enflammer
|
| & brûler, & brûlant, le plus subtil se
|
@
des secrets Chimiques. 255
sublime à travers les pores des rochers; |
|
d'où l'on collige ses fleurs sur la superficie |
|
des pierres, qui par leur froideur arrêtent |
|
cette exhalaison, & la condensent |
|
en farine sulfureuse qu'on appelle fleur |
|
de soufre: Les Alchimistes à l'imitation |
|
de la Nature font fondre le Soufre |
|
dans des vaisseaux, & font élever |
|
le plus subtil d'icelui dans des chapiteaux |
|
qui couvrent ces vaisseaux, où |
|
est le Soufre qui brûle: L'autre partie |
|
qui est plus grossière se brûle dans les |
|
concavités de la terre, & se brûlant donne |
|
aucune fois à travers les pores des rochers, |
|
de l'huile grasse & pesante qu'on appelle |
|
pétrole, si la mine du Soufre qui |
|
brûle est bitumineuse, qui est un Soufre |
|
plus gras que l'ordinaire, d'où la |
|
partie plus crasse est huile & terre, & venant |
|
à brûler dans ses fourneaux naturels, |
|
produit des sources & des fontaines |
|
oléagineuses, qui ont de grandes vertus |
|
& propriétés pour dissiper les humeurs |
|
froides. |
|
Cette même matière sulfureuse, | Charbon
|
quand elle est conjointe & mêlée parmi | de terre
|
quantité de terre qui a avec elle l'esprit | comme s'engendre-t-il.
|
coagulatif du sel, donne l'être au charbon |
|
de terre, qui n'est autre chose qu'un |
|
@
256 Livre troisième.
| Soufre empierré, ou une pierre ensoufrée;
|
| c'est-à-dire que les conditions
|
| & qualités de la terre y prédominent
|
| parmi cette graisse, & cette huile de terre
|
| que la Nature produit à force de cuire
|
| de la substance des éléments; tellement
|
| qu'elle a de l'huile dans le genre des minéraux,
|
| aussi bien que dans le genre des
|
| végétaux & animaux. Et cette huile ici
|
| qu'on appelle pétrole rectifié qu'il est, &
|
| plusieurs fois distillé, sert pour dissoudre
|
| le Soufre, & le convertit en baume
|
| par simple ébullition, est de merveilleuse
|
| vertu pour guérir les douleurs excessives
|
| de la goutte; c'est le meilleur anodin &
|
| plus puissant qu'on puisse trouver dans la
|
| Nature; sauf si notre Soufre, duquel
|
| nous parlons en ce Chapitre vient à être
|
| dissous par l'eau ardente qui se trouve
|
| dans l'esprit général du monde, laquelle
|
| dissout parfaitement notre Soufre
|
Cure de | & le réduit en ses principes; lesquels
|
la goutte. | purifiés qu'ils sont, peuvent être faits
|
| baumes très excellents pour guérir parfaitement
|
| la goutte; d'autant que le
|
| Soufre naturel tempère par sa graisse
|
| l'acrimonie de toute sorte de sel, où consiste
|
| la cessation de douleur telle qu'elle
|
| soit; car elle vient toujours de l'acrimonie
|
| nie
|
@
des secrets Chimiques. 257
du sel. Or de cette préparation, le | La douleur
|
soufre commun a fort peu de vertu; | vient du
|
d'autant qu'il n'apparaît point, mais | sel âcre.
|
est caché dans ce corps compacte & |
|
terrestre, qui ne peut rien communiquer |
|
de ses vertus qu'il ne soit fait, ou |
|
igné, ou aéré, ce qui se fait par la dissolution |
|
en ses principes & non autrement. |
|
---------------------------------------- |
|
D E L A G E N E R A T I O N |
|
& production du Vitriol. |
|
|
|
Chapitre XIII. |
|
|
|
L y a grand nombre de Plusieurs |
|
Vitriols qui ne diffèrent | Vitriols.
|
point en substance, mais |
|
seulement en accidents, |
|
les couleurs les distinguent |
|
les uns des autres, |
|
& leur font porter nom différent, qu'ils |
|
prennent des Provinces où ils croissent, |
|
mais pour tout cela ils ne sont que Vitriol, | Qu'est-ce
|
qui est un sel minéral, empreint & | que Vitriols?
|
gros des esprits métalliques du fer ou du |
|
cuivre: Car la Nature produit plus de sel |
|
R |
|
@
258 Livre troisième.
| dans la terre que dans la mer, & celui
|
| qui est dans la mer, n'est que celui qui
|
| est dans la terre; mais il est dans la mer
|
| résout*, & dans la terre il est congelé,
|
| comme c'est le propre du sel de se congeler
|
| & fixer; car le principe de corporification
|
| en toutes choses, qui est le sel central
|
| & radical de toutes choses, est ici dominant
|
| & en son haut degré, mais non
|
| pas en sa splendeur & être; il y a d'autres
|
| sujets dans la Nature où il est beaucoup
|
| plus gradué & en plus grand lustre,
|
| comme dans l'or. Mais ici dans le sel il
|
| est à un grade plus apparent & visible
|
| qu'en tout autre sujet; dans le Vitriol
|
| aussi qui est une espèce de sel, cette vertu
|
| coagulative & fixante est très apparente
|
| & visible.
|
Comment | Le sel donc étant plus abondant &
|
se fait le | copieux dans la terre, que dans tous autres
|
Vitriol. | éléments, s'il vient à recevoir quelques
|
| esprits métalliques de fer ou de cuivre,
|
| ou d'argent, il se mêle avec eux & les
|
| incorpore avec sa substance, & se convertit
|
| en Vitriol par le seul moyen de
|
| ces esprits métalliques. L'art imitant la
|
| Nature en fait le même: car par le
|
| moyen des esprits du sel, il corrode &
|
| dissout la substance de ses métaux, &
|
@
des secrets Chimiques. 259
par la vertu coagulative qui est très forte
dans les métaux, ces esprits du sel se
réduisent derechef en sel, & prennent
leur premier corps; & ayant les esprits
métalliques avec eux, se font Vitriol; &
voilà comme le plus souvent la Nature
produit le Vitriol, & aucunes fois d'un
premier coup, lorsqu'en la coction de
l'humide radical du monde, lorsqu'il est
coagulé en terre métallique de quelque
métal imparfait; savoir de fer ou de cuivre,
cette terre avant qu'elle soit entièrement
fixée en métal, vient à être dissoute
par une grande abondance d'eau
élémentaire, qui par les pores de la mine
vient à pénétrer dans la mine, & dissout
cette terre imparfaite, & emporte tout
ce qu'elle a de sel métallique; & venant
à être cuite, le plus subtil vient à s'évaporer,
& le reste à se congeler en vitriol
dans les mines d'où on le tire; tellement
que de quel côté qu'on le considère, ce n'est
qu'un sel métallique de fer, de cuivre ou
d'argent, tiré & extrait de leurs terres
pendant qu'elles sont encore à se coaguler
& congeler en terre métallique; car
lorsqu'elles sont parfaitement congelées,
& fixées, elles ne peuvent pour lors communiquer
leur sel à une simple eau élémentaire;
R ij
@
260 Livre troisième.
| d'autant qu'il est entièrement
|
| changé en métal, ou il faut qu'il se convertisse
|
| en rouillure, & que cette rouillure
|
| infusée dans l'eau élémentaire, y
|
| communique son sel: Ce qui arrive
|
| aucune fois dans les mines des métaux imparfaits,
|
| & principalement dans celles
|
| du fer & du cuivre, où la Nature tendant
|
| à dépurer ces métaux, tend toujours à
|
| leur résolution, par le moyen des vapeurs
|
| de leur propre mercure; & ainsi ces métaux
|
| se trouvant à demi résolus en leurs
|
| principes, l'eau élémentaire venant à
|
| laver cette résolution, emporte tout ce
|
| qui est de sel, qui vient petit à petit à se
|
| congeler & manifester en vitriol, le plus
|
| aqueux de la dissolution se venant à s'évaporer
|
Vitriol du | & s'exhaler. Ainsi paraissent les
|
fer, du cui- | diverses espèces de vitriol; celui qui est
|
vre & de | vert vient du fer & celui qui est blanc
|
l'argent. | vient du cuivre, & celui qui est un bleu
|
| fort haut & céleste, vient de l'argent.
|
| Tous ont de grandissimes vertus & propriétés,
|
| celui-là de l'argent en a plus
|
| que tout autre, comme venant d'un métal
|
| plus parfait & accompli que les autres.
|
| Plusieurs toutefois des Philosophes
|
| anciens & modernes lui ont attribué des
|
| vertus qui ne lui peuvent convenir, ni
|
@
des secrets Chimiques. 261
lui être attribuées, comme d'être le | Vitriol
|
principe & l'origine des métaux, d'être | n'est point
|
le sujet de la pierre des Philosophes, de | principe des
|
contenir en son ventre le vrai soufre | métaux.
|
de Nature dessus le principe des métaux, |
|
& ne peut; car la semence métallique, |
|
comme de tous les autres genres, ne peuvent |
|
être faits par l'artifice, c'est la seule |
|
Nature qui les doit, & qui les peut |
|
faire tant seulement: Or nous voyons |
|
que nous faisons du vitriol par l'artifice, |
|
& partant il n'est (pas) possible qu'il soit semence |
|
ou principe des métaux. |
|
En outre nous voyons comme la Nature |
|
le compose & le tire des principes |
|
& semences métalliques; & partant il ne |
|
peut être semence lui-même, & ne |
|
pouvant être tel, il ne peut aussi avoir |
|
dans son ventre ce soufre que nous |
|
avons nommé ci-dessus soufre de Nature, |
|
ni par conséquent il ne peut être le |
|
sujet de la pierre des Philosophes; mais si |
|
les Philosophes anciens l'ont écrit, ils ont |
|
entendu quelque autre chose qu'ils ont |
|
voulu nommer vitriol, comme j'ai fait |
|
dans mon Palladium, où sous le nom de |
|
vitriol j'ai caché le vrai nom de la matière |
|
de la pierre, & sous la préparation du |
|
même vitriol j'ai caché notre préparation, |
|
R iij |
|
@
262 Livre troisième.
| bien que pour lors je n'en eusse
|
| pas tant de connaissance comme à présent;
|
| tellement que si l'on y remarque des
|
| erreurs elles sont excusables, lesquelles
|
| j'avoue maintenant, mais cette oeuvre
|
| les relève toutes & les corrige, & donne
|
| une lumière assez grande pour entendre
|
| toutes mes autres oeuvres auxquelles
|
| j'ai dit des grandes merveilles du vitriol;
|
| mais par ce vitriol j'entends le sujet de la
|
| pierre, & la pierre même, qu'en cet oeuvre
|
| je nomme esprit général du monde,
|
| & Médecine générale & universelle:
|
| Car le vitriol commun & ordinaire, duquel
|
| je parle en ce Chapitre, n'est point
|
| ce vitriol-là, qui a tant de vertus, ni ne
|
| peut par aucune préparation parvenir en
|
| un si haut degré de perfection, qu'il puisse
|
Vertus | obtenir toutes ces insignes vertus. Il
|
du vitriol | se contente d'en avoir quelques-unes
|
commun. | qui lui sont propres & particulières,
|
| comme de guérir les suffocations de matrice,
|
| & toutes fièvres intermittentes, &
|
| son esprit acide guérit toutes inflammations
|
| internes, & désopile parfaitement
|
| bien; l'on peut multiplier un peu ses vertus
|
| & corriger sa vertu vomitive par la
|
| calcination fréquente, & solution dans
|
| l'eau douce, jusqu'à ce qu'il ait perdu
|
@
des secrets Chimiques. 263
tous ses esprits acides, pour lors il devient
un sel rouge, qui a de grandes vertus
pour les suffocations, & pour faire accoucher
les femmes enceintes fort
promptement, & leur faire rendre les
arrières-faits & foetus morts, & sans
aucun danger ni péril. Pour le faire
monter plus haut l'on ne peut, ni en
pouvoir tirer le soufre de Nature qui
est dans les métaux, parce qu'il n'est pas
métal, & que ce n'est qu'un sel métallique,
tellement éloigné de la Nature
métallique, que sans métal il est impossible
de le rendre métal; mais avec du
fer ou quelque autre Métal il reprend
facilement ce qui lui manque, & devient
encore métal comme il a été auparavant,
avant qu'il fût vitriol.
R iiij
@
264 Livre troisième.
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production du Salpêtre.
| Chapitre XIV.
|
|
|
| E salpêtre & le sel nitre
|
| ne diffèrent point l'un de
|
| l'autre, c'est une même
|
| chose, les Marchands
|
| font seulement différence
|
| de l'un & de l'autre
|
| par la pureté de leur substance, celui qui
|
| est pur & net de toute chose étrange, ils
|
| l'appellent nitre, & celui qui est encore
|
| mêlé avec quantité de sel commun, ils
|
| l'appellent salpêtre, d'où l'on voit que
|
| ce n'est point une différence essentielle,
|
Qu'est-ce | mais tant seulement accidentelle, facile
|
que salpê- | à ôter; car dépurant le salpêtre il deviendra
|
tre. | sel nitre, qui n'est autre chose
|
| qu'une eau congelée, pleine de graisse
|
| terrestre, & de soufre que la Nature
|
| fait, & compose de l'esprit général du
|
| monde en le cuisant & congelant dans
|
| les pores de la terre, par son feu Naturel
|
| en salpêtre ou nitre, dans lequel elle ramasse
|
| tout ce qui est d'igné & de sulfureux,
|
@
des secrets Chimiques. 265
& l'enferme dans un corps limpide |
|
& clair, où l'on voit clairement une |
|
eau congelée, froide & sèche, à cause de |
|
sa congélation, & chaude dans son intérieur, |
|
à cause du feu qu'elle contient: |
|
Elle est fondante comme cire au feu assez |
|
lent, qui témoigne sa graisse & son |
|
soufre, enfermé dans cette composition |
|
& mixtion. |
|
Le plus gras & le plus résineux de l'esprit | Comment
|
du monde, lorsque par sa coction il | le salpêtre
|
s'est fixé en terre limoneuse, pleine d'esprit | se fait.
|
éthéré & igné, cet esprit s'élève |
|
comme eau-de-vie, & s'unit & s'incorpore |
|
avec le plus subtil de la terre, résineuse |
|
ou graisseuse, & s'unissent ensemble, |
|
& se subliment l'un l'autre à travers les pores |
|
de la terre, & paraissent en fleur de |
|
sel, là où la Nature ne produit rien; car |
|
où elle produit, les mixtes engendrés |
|
& produits l'attirent à soi pour leur |
|
aliment, à cause de l'abondance de l'esprit |
|
général du monde qu'elle a en soi, |
|
qui est le vrai & unique aliment de toutes |
|
choses. |
|
Il paraît donc en fleur de sel dans les | Où se fait
|
concavités de la terre aux vieilles parois | le salpêtre.
|
& murs de terre, d'où on le tire par |
|
simple lotion de cette terre, où se fait |
|
@
266 Livre troisième.
| cette fleur de sel; laquelle terre se lave
|
| par la simple eau élémentaire, & puis
|
| cette eau qui a avec soi cette fleur de sel
|
| est exhalée jusqu'à ce qu'elle produise une
|
| pellicule par-dessus; pour lors elle est
|
| jetée dans de grands vaisseaux de bois,
|
| ou cette décoction venant à se refroidir,
|
| se congèle en gros glaçons qu'on appelle
|
| salpêtre, la faisant plutôt passer
|
| avant de la faire exhaler par-dessus de la
|
| cendre commune, afin de la dégraisser
|
| & priver de son plus gras limon, & terrestre
|
| soufre.
|
Acidité du | Il est plein d'une humeur acide, qui
|
salpêtre. | est le flegme de l'humeur ignée & éthérée
|
| qui y réside; car l'humide aqueux
|
| quand il est mêlé parmi l'humide éthéré
|
| par coction se rend acide; le chaud
|
| agissant sur le simple humide l'en aigrit:
|
| car le sel qui réside s'épaissit & se rend
|
| plus abondant, & rend acide la substance
|
| de l'humide aqueux. Cet acide est pénétrant
|
| & dissolvant, & partant quand
|
| il est séparé des autres substances qui
|
| sont parmi le salpêtre, il fait une liqueur
|
| très acide, dont l'usage d'icelle parmi
|
| l'eau du chardon à cent têtes, fait un
|
| remède merveilleux pour rompre la
|
| pierre dans la vessie & dans les reins, &
|
@
des secrets Chimiques. 267
avec l'usage de l'eau de mandragore, empêche | Secret pour
|
la production du calcul, & est un | la pierre.
|
remède très assuré pour ceux qui sont |
|
sujets au calcul: Il ôte aussi & tempère |
|
les violentes ardeurs des reins & du foie, |
|
& désopile la rate. |
|
Voilà toutes les vertus que j'ai pu | Le salpêtre
|
encore trouver dans le salpêtre: plusieurs | n'est point
|
ont voulu nous assurer que c'était | le sujet de
|
le sujet de notre pierre, & de l'Elixir | la pierre des
|
Arabique, mais ils sont trompés, & trompent | Sages.
|
ceux qui les croient; car dans tout |
|
l'intérieur du salpêtre n'y a substance |
|
qui puisse donner aucune partie de notre |
|
Elixir ou Médecine générale; les |
|
Philosophes qui ont écrit ces choses ont |
|
écrit allégoriquement, & ont entendu |
|
une chose pour autre: Ils appellent le sel |
|
qui se trouve dans la matière de l'esprit |
|
général du monde, salpêtre; d'autant |
|
qu'à la vérité c'est le sel de la pierre des |
|
Philosophes: Toute la plus grande vertu |
|
que j'aie trouvée qu'a le salpêtre, c'est |
|
qu'il corrige tous les venins, & la violence | Vertu du
|
de tous les médicaments purgatifs | salpêtre.
|
quels qu'ils soient, soient-ils animaux, |
|
végétaux ou minéraux, pourvu qu'on |
|
le fonde avec eux; car par son feu intérieur |
|
il brûle & consume toutes sortes de |
|
@
268 Livre troisième.
venins & calcine leur substance, dans laquelle
après ne réside que la partie bézoartique,
qui gît dans la chaux, qui résiste
parfaitement au venin, qui de soi
est cru & incuit, & partant volatil, ne
pouvant endurer l'action du feu naturel
qui réside dans le salpêtre, qui brûle
toutes ces parties-là.
Il s'incorpore parfaitement bien, & se
mêle parmi le sublimé doux, avec un
peu d'acide, de vitriol ou de sel, & constituent
tous trois ensemble une graisse
talqueuse, fondante comme cire, laquelle
a des grandes vertus, & purge fort doucement
sans vomissement quelconque, ni
violence, ni tranchée, guérit parfaitement
les fièvres intermittentes; parce
qu'outre qu'il purge & évacue les humeurs
peccantes, il réfrigère & désopile,
qui est une action fort contraire; mais il a
avec soi diverses substances, au moyen
desquelles il opère diversement.
@
des secrets Chimiques. 269
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production du Sel commun.
Chapitre XV.
Out le monde croit &
pense savoir comme le
sel commun s'engendre
& se produit, parce
qu'ils le voient produire
& croître; ils voient
bien croître les arbres & les plantes, &
toutefois il y en a fort peu qui sachent
comme ils se font & se produisent, il en
est de même du sel, il se fait devant nos
yeux, & pourtant nous ne savons comme
la Nature le compose: Je n'entends
pas parler ici du sel comme principe de
toutes choses, mais du sel comme mixte
& composé naturel, qui est si abondant
& copieux par toute la Nature qu'il
égale quasi le sablon de la mer: C'est
ici comme tous les mixtes naturels ont
persisté dans l'être, leur temps, & leur
durée, ils se corrompent & se détruisent
eux-mêmes, par les principes mêmes
intérieurs de leur être, & se corrompant
@
270 Livre troisième.
Comment | & détruisant ils se résolvent en leurs principes;
|
se fait le | dont le sel étant celui qui se trouve
|
sel commun. | en la dernière résolution de chaque
|
| mixte, l'eau élémentaire qui se trouve parmi
|
| toutes les concavités de la terre & sur
|
| toute la superficie d'icelle, vient à laver
|
| cette résolution, & ces fientes de tant &
|
| tant de mixtes qui se corrompent dans la terre
|
| & sur la superficie d'icelle, emportent
|
| par ce moyen ce qui est de la nature de sel,
|
| & se filtrant à travers les pores de la terre
|
| se clarifie de ses immondices: Puis toutes
|
| ces lessives & ces eaux imprégnées du sel
|
| de la résolution des mixtes s'en vont rendre
|
| dans la mer, réceptacle naturel des
|
| eaux, où par la chaleur naturelle du monde
|
| & du Soleil, le plus aqueux s'exhalant
|
| & s'évaporant le plus terrestre se congèle
|
| en sel, dans les salines & lieux proches
|
| de la mer, où l'on a accoutumé de faire
|
| cuire par le Soleil l'eau de la mer, ès pays
|
| fort chauds en temps d'Eté; Aucune fois
|
| ces eaux du monde toutes remplies du
|
| sel sont cuites dans les concavités de la
|
| terre, & sont poussées hors de la terre comme
|
| sources de sel perpétuelles, & converties
|
| en montagnes de sel; comme ès
|
| montagnes de Querdonne, où le sel
|
| croît en telle abondance qu'il est impossible
|
@
des secrets Chimiques. 271
d'épuiser sa source & minière. Les | Le sel de
|
vapeurs de l'esprit général du monde en | Querdonne
|
ce lieu particulier se convertissent en sel | comment
|
commun & usuel, par la force & vertu du | se fait-il.
|
sel qui est déjà en ce lieu congelé & condensé, |
|
sa vertu se congelant étant si forte |
|
& si puissante que tout ce qui arrive là se |
|
convertit en sel. |
|
En quel lieu que le sel se fasse & se |
|
congèle, il est toujours fait & composé |
|
de l'esprit général du monde, qui ayant |
|
avec soi les quatre éléments, le chaud |
|
agissant sur l'humide, le cuit & le digère |
|
en terre, en laquelle le sel paraît & prédomine |
|
incontinent; même avant |
|
qu'en la coction du mercure du monde |
|
signe de l'esprit général, le sec prédomine |
|
sur l'humide; l'humide se rend salé & |
|
plein de fiel, lequel toujours tend à coagulation |
|
& fixation, & enfin boit tout |
|
son humide, & se fait sel; ainsi l'humide |
|
élémentaire cuit, se congèle & coagule |
|
en sel, qui a toujours les plus grandes |
|
vertus & propriétés; car l'esprit & semence |
|
céleste est enfermée & enclose |
|
dans cette coagulation, & la pure semence |
|
de l'air pareillement y est enfermée, |
|
& en ces deux gît l'action & vertu |
|
des choses; car ces éléments sont les plus |
|
@
272 Livre troisième.
| actifs de tous, & sont appelés mâles
|
| éléments, & les autres femelles, à raison
|
| qu'ils pâtissent plutôt qu'ils n'agissent,
|
| & qu'ils se laissent gouverner aux autres:
|
Qu'est-ce | Ainsi le sel est la graisse & salpêtre de
|
que sel? | tous les autres éléments, & la vertu d'iceux
|
| & l'entéléchie est en icelui, & qui
|
| sait avoir liquide & doux son intérieur,
|
| possède un grand secret, & un grand aliment
|
| pour servir la Nature affaiblie: son
|
Or potable | acide, à force de circulation, vient doux
|
avec le sel | & dulcifie sa substance âcre & mordicante,
|
commun | & la dissout & tient liquide comme
|
dulcifié. | sirop, avec lequel vous pouvez faire
|
| un or potable d'importance; non toutefois
|
| semblable & égal en vertu à celui
|
| qui est fait avec l'esprit acide & ardent
|
| qui se tire de l'esprit du monde, qui est
|
| le vrai & seul or potable des anciens; car
|
| celui-ci n'est qu'une branche: Il est
|
Or potable | vrai qu'en dissolvant le sel dans l'esprit
|
des anciens. | ardent & acide de l'esprit du monde,
|
| vous convertissez le sel en leur substance,
|
| & le dulcifiez parfaitement, avec lequel
|
| vous pouvez faire un or potable d'égale
|
| vertu & puissance à celui des anciens.
|
| Il y en a peu qui puissent parvenir à ce
|
| secret, & partant il est réputé impossible
|
| de ceux qui ne chérissent que ce que la
|
| Nature
|
@
des secrets Chimiques. 273
Nature opère ordinairement, & qui ne |
|
cherchent point ce qu'elle peut faire, |
|
aidée par l'artifice. Ils se contentent du |
|
seul sel comme la Nature le produit & |
|
l'engendre, & encore ne se mettent pas |
|
en peine de savoir desquelles parties la |
|
Nature le compose, & desquelles vertus |
|
dans son intérieur elle le dote & le qualifie: |
|
Ils sont contents de le voir âcre & | Les vertus
|
mordicant, abstersif* & préservé de corruption, | du sel intérieures
|
& être incorruptible lui-même, | sont
|
tuer la vermine & résister puissamment | très grandes.
|
aux venins; ils n'ont que faire de |
|
lui multiplier ses vertus, & voir à quel |
|
degré elles peuvent monter, ses vertus |
|
apparentes témoignent bien que |
|
celles qui sont cachées dans son intérieur |
|
sont bien plus grandes & magnifiques: |
|
|
|
S |
|
@
274 Livre troisième.
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production du Corail.
| Chapitre XVI.
|
|
|
Le corail | E Corail devrait être un
|
montre | exemple & preuve assez
|
que les | suffisante à tous les
|
pierres | Philosophes péripatéticiens,
|
croissent | pour leur faire croire
|
& végé- | que les pierres & tous les
|
tent. | minéraux croissent & multiplient de la
|
| même & pareille façon que les végétaux;
|
| car ils voient visiblement devant
|
| leurs yeux que le corail qui est vraiment
|
| pierre, croît & végète à la façon des autres
|
| végétaux, & non par addition extérieure
|
| d'une substance sur autre, mais
|
| par vrai aliment intérieurement pris, &
|
| digéré & changé en sa substance de pareille
|
| façon que les végétaux sucent &
|
| attirent leur aliment de la terre, & cuisent
|
| & digèrent, & le distribuent par
|
| leurs visibles veines à toutes les parties
|
| de leurs corps. Ainsi le corail commence
|
| à germer & croître dans la mer de sa semence
|
@
des secrets Chimiques. 275
qui se tire du grand ventre de la |
|
terre, où l'esprit général du monde reçoit |
|
quelque disposition particulière par | Le corail
|
les esprits coralliens qui disposent cette | comment
|
semence à leur particulière dévotion, & | s'engendre-
|
dans la profondeur de la mer; cette matière | t-il.
|
visqueuse se pousse en arbre de pierre, |
|
& selon les soufres blancs, rouges ou |
|
noirs qui se trouvent abondant en cette |
|
semence ou matière visqueuse, les coraux se |
|
forment & se poussent en petits arbres |
|
rouges, si le soufre est rouge, blancs si | Le soufre
|
le soufre est blanc, & noirs si le soufre | donne
|
est noir; car du soufre le corail | la couleur
|
reçoit sa couleur, comme toutes les autres | à toutes
|
choses qui sont au monde. Le corail | choses.
|
donc né & formé de cette matière visqueuse, |
|
glutineuse & humide qui se trouve |
|
particulièrement dans la mer, pleine |
|
de ces esprits, croît & vit de même & |
|
de pareille matière qu'il est fait & engendré, |
|
en telle grandeur & hauteur qu'il |
|
égale la hauteur des petits arbrisseaux, |
|
& fait cent & cent petites branches qui |
|
sortent de son tronc & tige, & grossissent |
|
toujours, tant que leur tige croît, & |
|
s'en font de nouvelles tous les ans, de |
|
même façon qu'aux autres arbres & |
|
plantes qui végètent sur terre: ce qui devrait |
|
S ij |
|
@
276 Livre troisième.
| convaincre d'erreur tous les Péripatéticiens
|
| qui ne veulent accorder la
|
| végétation aux pierres & minéraux: car
|
| le corail est de vrai une pierre, & la Nature
|
| la fait croître & végéter en même
|
Le corail | façon que les plantes, visiblement à nos
|
est une | yeux, pour nous apprendre comme toutes
|
pierre qui | les autres pierres croissent & végètent
|
végète. | aussi bien que le corail.
|
| Anciennement tout le monde, & encor
|
| dans les Indes on fait grand cas du corail.
|
| Les vierges & les femmes en faisaient
|
| leur principal ornement, à présent l'on
|
Vertu du | ne fait état que de l'or, & l'ornement
|
corail. | plus beau & rare que la femme puisse
|
| avoir, c'est l'or: mais le passé de fin corail;
|
| à cause des grandes vertus qu'on dirait
|
| qu'il possédait, tant pour purifier le sang,
|
| donner du bonheur, que pour chasser
|
| les spectres, & empêcher les charmes &
|
| préserver de l'épilepsie: c'est pourquoi
|
| les petits enfants en portaient de grandes
|
| pièces au col, les plus belles & les plus
|
| vives qu'on sût trouver; à présent l'on
|
| n'y remarque pas tant de vertus, l'on y
|
| remarque tant seulement une vertu
|
| astringente & cardiaque; Et moi j'y
|
| ai remarqué une vertu incisive & propre
|
| pour atténuer le calcul dans la vessie
|
@
des secrets Chimiques. 277
& encore se multiplier par la calcination |
|
du même corail; car par la calcination |
|
il s'atténue & se rend plus pénétrant & |
|
incisif: L'on le peut dissoudre dans le |
|
vinaigre distillé, en faire du sel qui conserve |
|
ses vertus; mais si l'on le dissout | Vertus du
|
dans le vinaigre physique & eau ardente | corail préparé
|
qui se trouve dans l'esprit général du | par le
|
monde vous en ferez un sel, qui par | vinaigre
|
continuelle coction se dulcifie & se convertit | physique.
|
en une liqueur très douce & très |
|
précieuse, de grandissime vertu & efficace |
|
pour purifier le sang, capable vraiment |
|
de guérir la ladrerie, en l'usage |
|
continuel d'icelle. |
|
|
|
S ij |
|
@
278 Livre troisième.
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production des Perles.
| Chapitre XVII.
|
|
|
Autre | I les coraux nous ont fourni
|
preuve que | de preuve comme les
|
les pierres | pierres & métaux, végètent
|
végètent | & vivent à leur mode
|
par les per- | les perles nous fourniront
|
les. | d'exemple & de preuve,
|
| comme dans les animaux mêmes
|
| elles croissent & se multiplient & végètent
|
| dans leurs corps de la même substance
|
| dont leurs mères sont nourries &
|
| conservées pour preuve évidente qu'il
|
| n'y a qu'une chose dans la Nature dont
|
| toutes choses sont faites & composées,
|
| tant animaux végétaux que minéraux.
|
Opinion | Tous les bons Auteurs nous laissent par
|
des anciens | écrit que les perles se font & se composent
|
sur la gé- | de la rosée; les mères perles dans
|
nération | leurs coquilles qui sont les mines, où ces
|
des perles. | pierres précieuses se forgent & s'engendrent
|
| prennent à la pointe du jour la
|
| rosée, lorsque cette divine liqueur tombe
|
@
des secrets Chimiques. 279
du Ciel & montent à la superficie de |
|
l'eau, & là ouvrent leurs coquilles, afin |
|
de donner entrée à cette rosée qui les |
|
remplie & les engrosse de sa pure substance, |
|
après elles se ferment & vont dans |
|
leur gîte ordinaire au fond de la mer, où |
|
par leur chaleur naturelle cette rosée est |
|
cuite & digérée, & par leur industrie naturelle |
|
formée & faite perle, qui s'attache |
|
aux côtés de leur coquille. |
|
Voilà ce qu'en écrivent tous les anciens |
|
& les modernes Philosophes, de la composition |
|
de la perle, sans considérer que |
|
leurs mères qui sont leurs vraies mines, |
|
& desquelles les perles font parties, ne |
|
sont pas faites & engendrées de la rosée |
|
tant seulement qu'il y faut une semence |
|
particulière pour engendrer les mères |
|
perles, qui de la digestion de leur aliment |
|
intérieur, comme excrémenteuse, |
|
se forgent & composent une coquille |
|
qui leur sert de maison, comme aux limaçons, |
|
& dans icelle font les perles. Je | La rosée
|
veux bien croire que la mère perle se | nourrit les
|
nourrit de la rosée immédiatement; car | mères perles.
|
il y a dans la rosée assez d'aliment pour |
|
elle, mais que du même aliment sans |
|
passer plutôt & changer en elle les perles |
|
s'en fassent, c'est ce qu'il me semble |
|
S iiij |
|
@
280 Livre troisième.
| qui est contre l'ordre naturel: car les parties
|
| sont toujours faites de la même matière
|
| que le tout. Or les mères perles ne
|
| sont pas faites immédiatement de la rosée,
|
| mais elles en sont nourries; & cet
|
| aliment est changé en semence, de laquelle
|
| immédiatement, après les mères
|
| perles, sont faites: Ainsi l'opinion des
|
| anciens Philosophes sur la génération
|
| des perles, n'est pas bien déclarée & faite
|
Comment | manifeste; car il est bien vrai que la rosée
|
la rosée | donne l'être aux perles, mais elle est
|
donne l'être | plutôt digérée en aliment des mères
|
aux perles. | perles, & puis de cet aliment en la dernière
|
| digestion des mères perles, la croûte
|
| est pierreuse, comme ayant plus d'esprit de
|
| sel, & est renvoyée comme excrément aux
|
| croûtes de la coquille de la mère perle,
|
| où il s'attache & se forme en perle, tant par
|
| sa chaleur intérieure, que par la chaleur
|
| extérieure de la mère perle, qui est la
|
| matrice qui cuit & digère cet excrément
|
Comme | que la mère perle y envoie. Les perles
|
se font les | donc se font & composent de la façon selon
|
perles. | mon opinion; les mères perles s'élèvent
|
| du fond de la mer à la superficie de
|
| l'eau, pour prendre leur pain quotidien,
|
| & leur pâture ordinaire: là elles s'ouvrent
|
| & prennent la rosée, de laquelle
|
@
des secrets Chimiques. 281
elles se nourrissent & s'alimentent, elles
digèrent & cuisent cet aliment, dont le
plus crasse & terrestre est envoyé, comme
excrément inutile aux extrémités de
leurs corps, d'où se forge leur coquille,
l'intérieur de laquelle est très beau & ressemble
à la perle; parce que le plus pur
de cet excrément y est employé, & le
plus crasse & terrestre est renvoyé au dehors
en grosses & vilaines écailles endurcies
l'une sur l'autre en pierre coquille.
La coquille étant faite & vieille,
pour lors les mères perles attirent & se
remplissent de rosée, de laquelle elles
vivent, & l'excrément de leur aliment
étant rejeté aux lieux ordinaires ne
trouvant lieu ni occasion pour se faire
coquille du plus pur d'icelui, la perle se
forme, & le plus crasse est rejeté dehors
à travers les pores.
Voilà ce que j'ai pu comprendre de
la génération & production des perles
par les promenades que j'ai faites sur les
côtes de la mer de Bretagne, où il se
trouve des coquilles qui portent les perles,
mais je n'ai jamais pu comprendre
par l'inspection des mères perles que j'ai
souvent contemplées que la rosée fût
la cause immédiate de la production
@
282 Livre troisième.
| d'icelle, mais que telle production venait
|
| de l'intérieur des perles; aussi voit-
|
| on sortir les perles à travers les pores de
|
| la coquille: Car la mère étant attachée
|
| à sa coquille envoie ses excréments des
|
| digestions qu'elle a faites de son aliment
|
| à travers les pores de la coquille, d'où les
|
| perles sortent comme graine de ladrerie;
|
| & à la vérité cet animal & poisson est
|
| plus ladre que les autres, & manifeste sa
|
| ladrerie par sa perle, qui est un excrément
|
| mélancolique & terrestre, plein
|
La perle | de sel, vrais signes de ladrerie. Voilà d'où
|
est la la- | est venu le faste humain de faire cas &
|
drerie de la | estime de la ladrerie des poissons, parce
|
mère perle. | qu'elle est belle aux yeux & agréable:
|
| car pour des rares & insignes vertus il n'y
|
| en a point; bien que le commun & vulgaire
|
Vertus des | y en attribue beaucoup, les estimant
|
perles. | fort cardiaques pour conforter les
|
| esprits, arrêter le flux de sang, & toute
|
| sorte de flux de ventre, conforter la vue,
|
| retenir les mois, blanchir les dents, purifier
|
| le sang, & plusieurs autres semblables:
|
| Toutes lesquelles vertus, si elles
|
| sont, elles sont occultes dans leurs principes
|
| car comme elles sont, elles ne manifestent
|
| aucune de ces vertus, que la
|
| vertu astringente. Quiconque donc
|
@
des secrets Chimiques. 283
voudra voir toutes ces vertus dans les |
|
perles, qu'il tâche de les dissoudre en |
|
leurs principes, comme l'on a fait les métaux, |
|
& il trouvera un sel, une liqueur, |
|
& un soufre de grandissime vertu, à |
|
qui l'on pourra justement attribuer toutes |
|
les vertus susdites très apparentes & |
|
manifestes: car de ce divin aliment, |
|
d'où les mères perles sont nourries, la |
|
Nature en fait tout ce qui est de précieux |
|
dans le monde; tellement que l'art | La rosée
|
aussi y trouve toutes les raretés qu'on se | est miracle
|
peut imaginer, mais il le faut savoir | en la Nature.
|
traiter, & cuire, & fixer ce qui est en lui |
|
d'homogène. |
|
@
284 Livre troisième.
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production des Diamants.
| Chapitre XVIII.
|
|
|
Comment | Es diamants & toutes les autres
|
se font les | pierres précieuses se produisent
|
diamants. | & se font de la pareille
|
| façon & manière que les
|
| métaux & autres choses terrestres; car la
|
| vapeur des éléments, qui perpétuellement
|
| découle d'eux comme leur vraie
|
| semence, descend au centre de la terre,
|
| & par la chaleur naturelle, tant d'icelle
|
| vapeur, que de la terre même, cette vapeur
|
| vient à se sublimer en haut à travers
|
| les pores de la terre, & par ce moyen
|
| monte & descend; & par cette montée
|
| & descente se cuit & digère, & se purifie
|
| toujours de plus en plus, en telle façon
|
| qu'elle parvient à un suprême degré de
|
| pureté, & netteté; tellement qu'en cette
|
| pureté & limpidité elle se congèle
|
| par les principes qu'elle a de congélation
|
| en elle-même, qui sont la chaleur & sécheresse
|
| qui président en cette vapeur;
|
@
des secrets Chimiques. 285
qui par les pores de la terre se change en |
|
eau limpide & cristalline; laquelle séparée |
|
à force de distillations & sublimations |
|
toute de graisse élémentaire, l'humeur |
|
aqueuse prédominant se congèle, comme |
|
nous avons dit ès lieux froids, en petits |
|
cristaux, qui se congèlent & s'endurcissent |
|
en telle façon par la sécheresse |
|
qui est en leur substance, qu'ils se forment |
|
enfin en vrais diamants, tellement |
|
forts & puissants qu'ils résistent aux |
|
coups de marteaux; toutefois les unes |
|
plus que les autres, à cause des lieux où ils |
|
se forgent & se composent & selon la pureté |
|
de leur substance, & force d'icelle en |
|
vertu coagulative & congelante, qui dépend |
|
& descend de la vertu du sel, qui |
|
est en la matière séminale des diamants. |
|
Il s'en trouve grand nombre ès Indes, en | Les diamants
|
Arabie, & autres lieux parmi la mine | se
|
d'or; d'autant que où l'or a accoutumé | trouvent ès
|
de se produire, cette vapeur élémentaire | mines d'or
|
semence de toutes choses a accoutumé | & pourquoi.
|
aussi en ces lieux de se purifier au dernier |
|
degré, & ce qui est de plus gras & |
|
sulfureux de cette purification se forme |
|
en or à cause du soufre plus copieux |
|
qui y demeure, & le reste qui est |
|
plus subtil & aérien se change & se cuit |
|
@
286 Livre troisième.
| en diamant; & voilà la raison pourquoi
|
| les diamants se trouvent toujours parmi
|
| la mine d'or, & où les diamants se trouvent
|
| l'or n'est guère loin.
|
Différence | S'il y a différence entre les diamants,
|
entre les | elle provient de la pureté de leur matière,
|
diamants. | qui selon la diversité des lieux se purifie
|
| aux unes plus qu'aux autres, à cause que
|
| le lieu est plus net & plus pur l'un que
|
| l'autre, & cette pureté dépend encore de
|
| la continuelle sublimation de cette vapeur
|
| élémentaire qui en s'élevant &
|
| montant & descendant purifie toujours
|
| les lieux où elle passe, emportant avec
|
| elle le plus limoneux & bourbeux, & le
|
D'où se | fixant & congelant en gros cailloux &
|
font les | grosses pierres, & le passant toujours en
|
cailloux. | haut à travers les gros pores de la terre;
|
| dont les montagnes se font & les rochers,
|
| dans lesquels après cette vapeur élémentaire
|
| continuant à se sublimer, en fait en
|
| fin, rejetant toujours le plus impur &
|
| grossier au dehors des vases de pureté, où
|
| cette vapeur venant à se congeler pure &
|
| nette de tout excrément élémentaire, si
|
| elle est pleine de soufre & de graisse,
|
| elle fait & compose l'or; & si elle est privée
|
| de cette graisse, & qu'au lieu d'icelle
|
| domine la partie aqueuse, & celle du
|
@
des secrets Chimiques. 287
sel, elle en fait les diamants, comme nous |
|
avons dit; lesquels ne sont différents des |
|
cristaux qu'en la partie fixante, qui est |
|
beaucoup plus puissante aux diamants |
|
qu'aux cristaux, & que le mercure qui |
|
est ès diamants est encore plus pur & sublimé |
|
que non pas ès cristaux, qui sont |
|
tous remplis d'eau élémentaire, congelée, |
|
tant par la force du froid, que par la |
|
vertu congelante du sel qui est parmi |
|
leur mercure: Aux diamants il n'y a que | Différence
|
mercure, & toute leur liqueur de laquelle | des cristaux
|
ils sont composés est mercurielle, | &
|
& de la vapeur pure des éléments; ès cristaux | diamants.
|
au contraire il y a quantité d'eau |
|
élémentaire & peu de vapeur ou de mercure, |
|
ce qui est la cause pourquoi les cristaux |
|
sont plus mous, & ne sont pas si luisants |
|
& pleins de lumière; car l'eau élémentaire |
|
congelée par la vertu du sel ne |
|
peut être jamais si éclatante & lumineuse, |
|
que le mercure, pur congelé, & fixé |
|
par la vertu de son sel & soufre blanc, |
|
qui lui augmente son lustre & son éclat. |
|
Ce soufre blanc & la pureté du mercure |
|
avec la ferme & constante fixation |
|
du sel qui se trouvent ès diamants, font |
|
toute leur différence. Les Indiens & |
|
ceux qui se trouvent ès mines d'Arabie |
|
@
288 Livre troisième.
Pourquoi | & d'Ethiopie, sont estimés les meilleurs
|
les dia- | & plus fins; d'autant qu'en ces provinces
|
mant In- | les mines d'or sont très pures, & que la
|
diens sont | matière séminale des diamants en ces
|
plus fins | lieux-là, & plus pure & sublimée qu'en
|
que tous | autres lieux de la terre, & le Ciel & le Soleil
|
autres. | plus vigoureux & fort qu'en tout autre
|
| lieu, qui cuit avec plus de puissance cette
|
| matière, & la conduit à parfaite congélation
|
| & fixation; car bien que le
|
| froid extérieur serve grandement à cette
|
| congélation, si est-ce toutefois que la
|
| chaleur naturelle y aide encore davantage;
|
| car rien ne vient à parfaite fixation
|
| sans préalable maturité & coction de la
|
| matière qui se doit fixer & congeler.
|
Vertus des | Les diamants ont plusieurs vertus,
|
diamants. | mais à cause de leur ferme fixation &
|
| congélation, je ne crois pas qu'ils en
|
| puissent communiquer aucune: L'on
|
| tient qu'ils résistent à toutes sortes de venins,
|
| & qu'ils sont venins eux-mêmes; ce
|
| qui est toutefois à l'expérience très faux.
|
| Je crois bien toutefois qu'ils ont de grandes
|
| vertus, mais qu'elles sont comme en
|
| l'or, ensevelies dans leurs fermes & fortes
|
| murailles, & qu'il faut rompre icelles
|
| pour en jouir. La matière qui les compose
|
| peut seule les rompre & amollir, &
|
@
des secrets Chimiques. 289
les convertir en liqueur qui sera de |
|
grande vertu, car la matière dont ils sont |
|
composés par la Nature est de grand prix, |
|
& de même étoffe que celle-là de l'or; |
|
tellement que s'il y a des vertus rares |
|
dans l'or, il y en aura dans les diamants, |
|
& qui seront indomptables, comme les |
|
diamants en portent le nom. |
|
---------------------------------------- |
|
D E L A P R O D U C T I O N |
|
& génération des Escarboucles |
|
& Rubis. |
|
|
|
Chapitre XIX. |
|
|
|
Es escarboucles & rubis ne |
|
sont point différents les uns des | Différence
|
autres, qu'en qualité, les escarboucles | des rubis
|
sont plus éclatantes & | & escarboucles.
|
lumineuses que les rubis; les rubis à |
|
cause que leur matière n'est pas si pure & |
|
si nette que celle des escarboucles, le feu |
|
qui est enfermé & congelé là-dedans ne |
|
peut pas éclater & illuminer; tant que |
|
dans les escarboucles, où il est à un suprême |
|
degré de sa pureté, avec tous les |
|
autres principes qui composent l'esprit |
|
T |
|
@
290 Livre troisième.
| général du monde, & l'humide radical
|
Comment | universel duquel les escarboucles
|
se font les | & les rubis sont faits & composés
|
rubis & | en cette façon, cet humide radical universel
|
escarbou- | distillant perpétuellement des
|
cles. | éléments, & s'insinuant dedans la terre
|
| montant & descendant; & se circulant
|
| ainsi perpétuellement pour se dépurer &
|
| pour se porter où il est nécessaire, pour
|
| entretenir la diversité des générations &
|
| productions naturelles, parvient enfin
|
| en quelque lieu, pur & net, rempli des
|
| esprits coagulatifs du sel où il s'enferme,
|
| & se congèle avec eux en pierre très
|
| dure & éclatante, qu'on nomme escarboucle;
|
| car cette liqueur très limpide
|
| & très claire se venant à congeler & se
|
| fixer par le moyen des esprits du sel, ayant
|
| avec lui un soufre très rouge & très
|
| éclatant, qui se congèle parmi cette
|
| limpidité; & congelé qu'il est, est la
|
| cause de son éclat & de son lustre, & de
|
| son feu radieux. Les différences que les
|
| provinces où ils croissent leur donnent,
|
| n'est autre chose, sinon que leur eau &
|
| leur feu n'est pas également pur & net,
|
| en toutes provinces de la terre, mais aux
|
| unes plus, aux autres moins; d'où selon
|
| les degrés de pureté & netteté ils recevaient
|
@
des secrets Chimiques. 291
le nom de leur différence, & le |
|
prix de leur valeur & estime; & d'autant |
|
qu'en diverses provinces & climats de la |
|
terre, cette pureté est plus grande aux |
|
unes qu'aux autres, l'on leur donne le |
|
prix de valeur selon les provinces où ils |
|
croissent; car ceux des Indes sont les |
|
plus estimés; ceux d'Ethiopie viennent | Escarboucles
|
après. Les mâles sont les plus beaux, & | Indiens
|
sont ceux qui jettent plus de feu; les femelles | très
|
sont ceux qui reluisent moins: Et | fins &
|
toute cette différence n'est que de la limpidité | pourquoi.
|
& clarté de son mercure, & du feu |
|
& de l'éclat de leur soufre. |
|
Les rubis sont des escarboucles, mais |
|
ils ne sont pas si luisants & éclatants; |
|
d'autant que leur eau & mercure qui |
|
leur a donné leur être, est plus trouble, |
|
& n'est pas si sublimé & dépuré que celui |
|
des escarboucles, ni leur feu & soufre |
|
n'est pas si vif ni dépuré; tellement |
|
qu'ils ne peuvent pas composer une pierre |
|
si radiante & éclatante que s'ils |
|
étaient en leur suprême degré de pureté; |
|
qui est la cause pourquoi toutes choses |
|
qui l'ont éclatent & reluisent. Nous |
|
le voyons dans le bois de chêne, qui |
|
tendant qu'il est en son naturel, il ne |
|
donne aucun éclat ni lumière, & dès |
|
T ij |
|
@
292 Livre troisième.
Le bois | aussitôt qu'il commence à se pourrir en
|
pourri du | terre, sa substance se dissolvant & se séparant
|
chêne | de ses impuretés, son sel se purifiant
|
pourquoi | il reçoit une clarté lumineuse, &
|
reluit-il. | belle qu'en pleine nuit il jette des
|
| rayons de lumière, plus beaux que ceux
|
| de l'émeraude: Quiconque pourrait
|
| trouver le moyen de séparer cette humeur
|
| lumineuse & la congeler & fixer
|
| en pierre, il en ferait des pierres très
|
| précieuses.
|
Grenats | Les grenats sont encore de bas rubis,
|
d'où sont- | & sont de même étoffe & matière les
|
ils faits. | uns que les autres; mais l'humeur & le
|
| mercure qui les compose est beaucoup
|
| plus trouble & obscur que celui qui
|
| compose les rubis, & leur soufre aussi
|
| n'est pas égal en pureté; & voilà pourquoi
|
| les grenats sont beaucoup plus obscurs
|
| que les rubis, & ne jettent pas de
|
| feu, aussi ne sont-ils pas si précieux &
|
| tant en estime que les rubis.
|
Vertus des | Je ne doute pas qu'il n'y ait des grandissimes
|
escarbou- | vertus, & dans les escarboucles
|
cles, rubis | & dans les rubis & grenats; mais elles
|
& grenats. | sont si enveloppées & si étroitement
|
| liées & enfermées dans leurs fortes murailles
|
| qu'il est impossible qu'elles se puissent
|
| communiquer & démontrer en
|
@
des secrets Chimiques. 293
évidence, sans rompre plutôt ces fortes |
|
& dures murailles, qui ne craignent | Le feu seul
|
aucun feu que celui qui est enclos dans | qui est enclos
|
l'humide, qui leur a donné leur être; | dans l'humide
|
avec lequel seul, & non avec autre, vous | radical du
|
pourrez dissoudre en leur première matière | monde peut
|
ces pierres si dures, & jouir par ce | dissoudre
|
seul moyen de toutes les vertus que la | les pierres.
|
Nature y a enfermées & encloses, comme |
|
jalouse de nous communiquer ses |
|
plus riches trésors. |
|
---------------------------------------- |
|
D E L A G E N E R A T I O N |
|
& production des Emeraudes |
|
& Hyacinthes. |
|
|
|
Chapitre XX. |
|
|
|
Es Emeraudes sont produites | L'Emeraude
|
& composées de la | d'où
|
plus pure partie de l'esprit | est-elle faite?
|
général du monde, |
|
en laquelle un soufre |
|
pur, non toutefois cuit & |
|
mûr consiste, qui lui cause & lui donne |
|
sa verdeur. Cet esprit général du monde |
|
rempli d'une vigueur & force céleste & |
|
T iij |
|
@
294 Livre troisième.
| astrale, jointe à une subtile vapeur élémentaire
|
| se convertit en eau très claire
|
| & limpide, qui a en soi tout ce que la
|
| Nature peut souhaiter pour la composition
|
| de toutes choses: cette eau s'enfermant
|
| dans les concavités d'une roche
|
| très fine & très pure se cuit, tant par sa
|
| propre chaleur & son soufre naturel
|
| qui perpétuellement tend à sa coction,
|
| que par la chaleur extrême qui est enclose
|
| naturellement dans le centre de la terre,
|
| qui échauffe toute la terre; cette matière
|
| se cuit petit à petit, & se congèle
|
| dans ses lieux souterrains en pierre luisante
|
| & limpide, & le soufre qui est
|
| là-dedans interne lui donne cette couleur
|
| verte que nous y voyons; car étant
|
| celui-là seul comme principe de mouvement
|
| & de chaleur, qui mêle les éléments
|
| & leurs qualités & vertus en l'émeraude,
|
| particulièrement il introduit
|
| la verdeur de la crudité du mercure qu'il
|
La couleur | y congèle & fixe en pierre; que s'il le cuisait
|
verte se | davantage cette verte couleur se
|
change en | changerait en jaune, comme nous
|
jaune, & | voyons par l'expérience en toutes choses
|
le jaune en | vertes, qui par plus forte coction changent
|
rouge. | leur couleur verte en jaune, & le
|
| jaune se change après par plus forte coction
|
@
des secrets Chimiques. 295
en rouge, lequel vient clair, limpide |
|
& luisant, par la limpidité & pureté |
|
du mercure où il est enfermé & congelé |
|
avec lui, par lui-même. |
|
Les hyacinthes pareillement se forment | Les hyacinthes
|
& se composent de la même liqueur | de
|
vitale du monde qui s'enferme | quoi sont-
|
dans les rochers purs & nets de toute | elles faites?
|
sorte de terre limoneuse & fangeuse, & |
|
se congèle, comme dit est en pierre luisante |
|
& limpide par la vertu de sa chaleur |
|
naturelle, & la vertu du sel coagulatif |
|
& fixant qui est en cette liqueur vitale, |
|
qui travaille toujours à le congeler |
|
& fixer. Le soufre aussi qui est pareillement |
|
dans la même liqueur se mûrissant |
|
toujours, colore & teint cette liqueur |
|
& lui donne cette teinture d'or éclatante |
|
qui paraît & reluit dans les hyacinthes: |
|
Ainsi les hyacinthes se parfont & | Semence
|
composent dans les entrailles de la terre; | des hyacinthes.
|
mais leur semence vient de l'eau qui jet- |
|
te son sperme rempli de semence dans la |
|
terre comme la matrice des semences de | La terre
|
l'eau, où elles sont digérées, cuites & | est la matrice
|
parfaites en métaux, minéraux où pierres, | des
|
sels ou aluns, ou telles autres choses | semences
|
semblables, selon les lieux où cette semence | de l'eau.
|
tombe avec les esprits individus |
|
T iiij |
|
@
296 Livre troisième.
| de chaque espèce pour spécifier & individuer
|
| cette semence générale, selon
|
| leur voeu & intention en l'espèce particulière
|
| en laquelle ils tendent & visent.
|
Vertus des | Les hyacinthes & les émeraudes, ainsi
|
hyacinthes | faites & composées par la Nature, ont de
|
& éme- | grandes & efficaces vertus, les émeraudes
|
raudes. | pour le haut-mal & autres maladies
|
| de la tête, & les hyacinthes pour la peste
|
| & fièvres pestilentes & malignes: Mais
|
| leur corps étant si compact & si fixe
|
| qu'il est, il est impossible que ces vertus
|
| puissent être communiquées, car elles
|
| ne communiquent rien à cause qu'elles
|
| ne le peuvent, parce que leur substance
|
| n'a aucuns esprits volatils pour porter
|
| leur vertu. Que faut-il donc faire pour
|
| obtenir d'elles ces grandes vertus, il les
|
| faut ramollir & réincruder leur substance,
|
Hyacin- | cuite & fixe par la liqueur & l'humeur
|
thes dis- | céleste & élémentaire qui leur a
|
soutes en | donné leur être, & en faire par ce moyen
|
leurs prin- | des émeraudes & des hyacinthes liquides
|
cipes. | & molles, & par ce seul moyen vous
|
| aurez des remèdes très assurés pour
|
| guérir l'épilepsie, & préserver & guérir
|
| de la peste & de toutes fièvres pestilentes.
|
@
des secrets Chimiques. 297
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production du Talc.
Chapitre XXI.
Lusieurs se mettent |
|
en peine pour savoir réduire |
|
le talc en huile & |
|
eau, pour les rares & riches |
|
trésors qu'ils pensent, |
|
qui consistent en |
|
cette huile & eau de talc; s'ils savaient |
|
que c'est, ils le laisseraient là, comme |
|
une chose inutile. Ce n'est pas le talc duquel | Qu'est-ce
|
l'huile est si précieuse, & si merveilleuse, | que talc.
|
mais c'est un minéral que la Nature |
|
compose d'eau très claire avec un |
|
peu de soufre blanc mêlés ensemble |
|
& de sel, cuits & fixés à perfection dans |
|
les rochers & minières du plâtre, où il se |
|
trouve ordinairement congelé en feuilles |
|
& tables l'une sur l'autre entassées, |
|
luisantes comme cristal, d'où vient que |
|
quelques-uns l'appellent étoile de terre |
|
à cause de son éclat & de son lustre, les |
|
autres l'appellent verre de terre; d'autant |
|
@
298 Livre troisième.
| qu'il est transparent & luisant comme
|
| verre: tant y a que ce n'est qu'une
|
| terre luisante, claire & diaphane, où la
|
| limpidité du soufre blanc & du sel,
|
| prédomine en sa composition, tellement
|
| fixe & compacte qu'il est inviolable aux
|
Le talc en- | forces & violences du plus fort Vulcan
|
fin se cal- | qu'on puisse excogiter, toutefois à la fin
|
cine au feu | est contraint d'y céder: mais l'on est impatient,
|
violent. | & l'on ne peut avoir la patience
|
| de le tenir dans le feu l'espace de trente
|
| ou quarante jours, dans lesquels il se calcine,
|
| dans un feu fort violent, tel qu'est
|
| celui des verreries. Il ne faut pas avoir
|
| peur qu'il s'y fonde, ni qu'il s'y convertisse
|
| en verre, d'autant que sa matière n'y
|
| est pas disposée, pour le peu d'humeur
|
| mercurielle qui s'y trouve, qui est la seule
|
| cause de fusion en toutes choses, si elle
|
| est absente, la siccité du sel prenant en
|
| telle façon que tous les mixtes où elle se
|
| trouve prédominante, sont infusibles
|
| comme les pierres.
|
Talc privé | Or pour le talc il est tel par l'expérience
|
naturelle- | qu'en font tous les jours tous les Alchimistes,
|
ment de | qui se peinent après lui pour
|
l'humide | en avoir son humide onctueux que la
|
onctueux. | Nature ne lui a pas donné, ils veulent
|
| en dépit de la Nature qu'il en ait, &
|
@
des secrets Chimiques. 299
encore par des moyens contraires à leurs
intentions; car ils le mettent dans un
grand feu le plus violent qu'ils peuvent
faire, & par ce moyen disent-ils pouvoir
parvenir à l'extraction de l'humide
onctueux qui réside en lui. Qu'ils contemplent
un peu je les prie sa composition
qui est de beaucoup de soufre &
de sel & peu d'humide, s'ils peuvent tirer
d'une chose ce qu'elle n'a point, & encore
par le moyen d'une calcination violente
qui dessèche plutôt qu'elle n'humecte;
si c'est pour ouvrir ses pores &
donner après sa calcination plus d'ingrès
à leur dissolvant, je prendrais patience;
mais ils pensent après cette violente calcination
par la seule exposition à leur
froid & humide parvenir à sa dissolution:
l'humide qui réside en l'air qui est
aqueux & flegmatique n'a pas le pouvoir
de le dissoudre, mais il s'y congèle bien
en eau & s'y condense, y étant appelé par
la sécheresse violente qui réside dans
ce talc calciné, & se change en humide
aqueux, qu'ils estiment huile de talc;
mais s'ils sont gens de bien, ils voient
bien que c'est seulement l'humide de l'air
que le talc calciné a appelé, & qu'il
n'a aucune vertu de celles que les anciens
@
300 Livre troisième.
| Philosophes Chimiques lui ont
|
| attribué.
|
Huile de | S'ils désirent tant avoir son humide
|
talc. | onctueux, encore qu'il soit petit en quantité,
|
| il s'y faut comporter d'autre façon
|
| qu'on ne fait: Il faut plutôt avoir cet
|
| humide radical onctueux, qui réside copieusement
|
| en l'air, & le priver par coction
|
| continuelle de son humide
|
| aqueux. Avec cet humide radical aérien
|
| vous dissoudrez parfaitement notre talc
|
| sans aucune précédente calcination, &
|
| tirerez d'icelui cette huile tant précieuse,
|
| que les Anciens ont tant chantée &
|
| déclarée par leurs écrits, qui est l'amour
|
| & les délices des Dames pour embellir
|
Qu'est-ce | leur visage & leur teint. Ce n'est pas
|
que le | toutefois tant l'humide onctueux du talc
|
vrai talc | que l'humide onctueux de l'air, lequel
|
des Sages. | fixe & coagulé en soufre blanc est le
|
| vrai talc des Philosophes anciens, & le
|
| vrai fard des Dames.
|
| C'est celui-ci qui a les vertus & propriétés
|
| incroyables de la vraie huile de
|
| talc, que les Philosophes anciens ont
|
| tant loué, & que les modernes cherchent
|
| avec passion, mais non aux mines où il
|
| se trouve: Ils pensent le trouver dans la
|
| terre, & tous vont là vers cet élément à
|
@
des secrets Chimiques. 301
bride abattue: Et cependant c'est dans | Graisse &
|
l'eau qu'il le faut chercher, l'huile & la | huile de
|
graisse de laquelle est le trésor des | l'eau trésor
|
trésors de ce monde, & le vrai baume | de la
|
naturel pour entretenir toutes choses en | terre.
|
leur embonpoint; duquel les anciens |
|
n'ont parlé que par énigme & emblème, |
|
de peur de découvrir aux indignes des |
|
secrets qu'ils ne méritent point, & desquels |
|
ils ne voudraient user à la gloire de |
|
Dieu, & au bien & utilité de leur prochain; |
|
mais tant seulement pour leurs |
|
plaisirs & voluptés, ce qui redonderait* |
|
plutôt à leur dommage qu'à leur |
|
profit devant le Créateur de toutes |
|
choses. |
|
@
302 Livre troisième.
----------------------------------------
C O N C L U S I O N D U
troisième livre des secrets
Chimiques.
| Chapitre XXII.
|
|
|
| E pourrais poursuivre
|
| encore le discours de la
|
| génération & production
|
| particulière des pierres
|
| précieuses, mais il me
|
| semble que ce que j'en
|
| ai écrit suffit pour entendre toutes les
|
| autres générations & productions particulières
|
| de toutes les autres pierres particulières
|
| qui restent à décrire, la différence
|
| desquelles dépend tant seulement
|
| de leur diverse & différente coction, de
|
| la quantité de leurs principes, prédominants
|
| ou étant moindres les uns que
|
D'où vient- | les autres en leur composition. Car de la
|
nent les | diverse quantité du soufre & de sa diverse
|
couleurs & | coction proviennent toutes les différentes
|
dureté ès | couleurs qui peuvent être dans
|
pierres & | les pierres précieuses, & de l'abondance
|
leur éclat. | du sel & de sa ferme & constante fixation
|
@
des secrets Chimiques. 303
provient la dureté & fermeté des pierres |
|
& de la limpidité & clarté de leur mercure |
|
dépend leur lumière & rayons & leurs |
|
feux; car encore qu'elles aient beaucoup |
|
de soufre, si leur eau n'est claire & limpide, |
|
ce feu qui est leur soufre est |
|
enclos & emprisonné dans leur noire prison; |
|
où il ne jette aucun éclat: Ainsi si le |
|
sel n'est copieux & abondant & fixé & |
|
permanent en leur composition, il ne |
|
peut endurcir & affermir la mollesse de |
|
leur mercure, & si leur mercure n'est entièrement |
|
dépuré de tout limon élémentaire, |
|
jamais les pierres ne peuvent |
|
être luisantes ni éclatantes comme |
|
l'on voit dans les turquoises auxquelles le | Turquoises
|
soufre est copieux, & le mercure plein | pourquoi
|
de limon terrestre; vous y voyez aussi une | n'éclatent-
|
très belle couleur bleue, qui dépend de | elles pas.
|
l'abondance de son soufre, mais elle est |
|
sans éclat ni lumière quelconque. Les |
|
jaspes & marbres de toutes couleurs sont |
|
pareils en composition, & abondant en |
|
soufre, mais leur mercure est tout limoneux, |
|
& ce limon n'ayant point été |
|
séparé de son mercure, mais fixé & coagulé |
|
avec lui obscurcit le marbre, mais |
|
il ne reste d'avoir de très belles couleurs |
|
selon la diversité de son soufre qui prédomine |
|
@
304 Livre troisième.
| en sa composition, qui selon
|
| diverse coction fait naître & paraître
|
| les diverses couleurs qui sont ès marbres
|
| & jaspes.
|
Tableaux | J'y ai vu des peintures des plus excellentes
|
naturels es | & exquises qu'on en pourrait
|
marbres & | trouver chez les plus fameux peintres de
|
jaspes. | Rome & d'Anvers; c'est que la Nature
|
| est douée en son intérieur de toute sorte
|
| d'arts, & son Créateur l'a pourvue de
|
| toute sorte de dons & sciences, aux
|
| moyens desquels elle se forme & se figure
|
| toutes les formes qu'elle veut: Et si
|
| ces dons & sciences n'étaient plutôt
|
| dans l'intérieur de la Nature, l'art n'eût
|
| jamais su inventer de lui-même ces
|
| formes & figures, & n'eût jamais su
|
| peindre un arbre, une fleur, si la Nature
|
| ne l'eût jamais faite: Et nous admirons
|
| & sommes ravis en extase quand nous
|
| voyons dans des marbres & dans des
|
| jaspes des hommes, des Anges, des
|
| bêtes, des bâtiments, des vignes, des
|
| prés émaillés de toute sorte de fleurs,
|
| & ne considérons pas que la même Nature,
|
| qui les fait réellement & de fait en
|
| leur genre & en leur espèce; c'est cela
|
| même qui les fait & les peint sur le marbre,
|
| & hors de leur étoffe ordinaire: Si
|
| elle
|
@
des secrets Chimiques. 305
elle les animait là, comme dans leur propre
matière, il y aurait de quoi se ravir &
s'étonner, mais de n'y voir que la figure,
les Sages n'ont de quoi s'émerveiller;
car la Nature le peut bien, puisque son
disciple qui est l'art le peut, mais non
pas si parfaitement qu'elle. Aussi voyons-
nous ces tableaux naturels dans les marbres
& dans les jaspes être plus exquis &
plus parfaits de beaucoup, que ceux que
l'art nous propose; les couleurs de l'artifice
n'étant jamais si parfaites & si vives
& éclatantes que celles que la Nature
emploie en ces tableaux naturels.
Et si elle est merveilleuse en peinture,
elle n'est moins rare & excellente en
sculpture & imagerie; car j'ai vu dans
des grottes & cavernes de la terre, au
pays de Languedoc près de Soreze, dans
une caverne appelée en langage vulgaire
le tranc del Caleil, des traits de sculpture
& d'imagerie les plus parfaits qu'on
saurait souhaiter; les plus curieux les
peuvent aller voir, ils les verront insérées
& attachées dans les rochers de mille
sorte de figures, qui ravissent la vue des
spectateurs. Jamais sculpteur n'est entré là-
dedans pour y tailler ni ciseler image,
& cependant vous y en trouvez de très
V
@
306 Livre troisième.
Nature est | parfaites; Ce qui nous doit induire à
|
douée de | croire que la Nature est douée des dons
|
toute sorte | & sciences merveilleuses que son Créateur
|
de science | lui a donnés, pour savoir travailler
|
& arts. | diversement, comme elle fait en toute
|
| sorte de matières; car ces esprits mécaniques
|
| desquels toute la suite &
|
| équipage est composée, ce sont des maîtres
|
| très excellents & experts, en fait de
|
| former & composer figures de toute sorte
|
| d'espèce & de genre: Et ces esprits ne
|
| sont point des démons ni des Anges,
|
| comme quelques-uns ont voulu croire,
|
| que les démons souterrains s'occupaient
|
| quelquefois à tailler & ciseler les marbres
|
| en très parfaites images, ce qui est
|
| ridicule à croire; mais se font des substances
|
| subtiles, célestes, ignées, &
|
| aériennes qui résident dans l'esprit général
|
| du monde, qui ont la vertu & le pouvoir
|
| de le disposer en toutes sortes de figures
|
| & formes que la matière peut souhaiter;
|
| aucune fois hors du genre & de
|
| l'espèce où la figure se trouve ordinairement,
|
| comme la figure d'un boeuf, ou de
|
| telle autre figure animale qu'on pourrait
|
| s'imaginer, dans des marbres, pierres, &
|
| bois: ces figures dépendent de la vertu
|
| naturelle des esprits Architectoniques
|
@
des secrets Chimiques. 307
qui sont dans la Nature, comme l'on voit |
|
par expérience dans la racine de la fougère, | La racine
|
laquelle coupée en biais & en pied- | de fougère
|
de-biche représente parfaitement la figure | a figure
|
de l'Aigle Romaine; cette figure n'est | d'Aigle Romaine.
|
inférée là-dedans que par les esprits de la |
|
fougère, qui ont quelque rapport inséparable |
|
avec l'Aigle: & voilà pourquoi |
|
cette figure se trouve toujours inséparablement |
|
peinte & figurée dans la racine |
|
de la fougère, qui doit servir aux aigles de |
|
quelque grand secret pour leur santé, ce |
|
qu'on pourrait découvrir si l'on y prenait |
|
garde, blessant où rendant malades |
|
ses petits pendant qu'ils sont dans le |
|
nid, & que les pères les nourrissent: Car | Mystère de
|
cette figure d'aigle n'est pas naturellement | l'Aigle Romain
|
peinte dans toutes les racines de la | peinte
|
fougère sans quelque mystère, qui appartient | en la racine
|
aux aigles. L'Empire Romain | de la
|
y trouve aussi son particulier mystère, | fougère.
|
pour le Domaine général & universel |
|
qu'il doit avoir sur toutes les provinces |
|
de la terre; car la fougère croît par tous |
|
les coins du monde; & ainsi les armes de |
|
l'Empire Romain se trouvent naturelles |
|
par toute la terre. |
|
V ij |
|
@
308 Livre troisième.
|
|
|
|
| D E S E L E M E N T S
|
| ET PRINCIPES DES
|
| Secrets Chimiques,
|
| où la Nature des végétaux est
|
| découverte.
|
|
|
| L I V R E Q U A T R I E M E.
|
| ----------------------------------------
|
| D E L A G E N E R A T I O N
|
| & production des végétaux
|
| en général.
|
|
|
| Chapitre Premier.
|
|
|
Création | Ous les végétaux en
|
des végé- | général furent produits,
|
taux. | ou plutôt créés, pendant
|
| que la Nature
|
| était en son berceau, &
|
| qu'elle suçait encore le
|
| lait récent des mamelles que son
|
@
des secrets Chimiques. 309
Créateur lui avait données pour se nourrir |
|
& conserver: ils furent, dis-je, créés |
|
par la Toute-puissance Divine, qui |
|
tout à coup par sa parole orna la terre |
|
universelle de tous les végétaux principaux |
|
qui lui plût, leur donnant une |
|
vertu & puissance végétative, par le |
|
moyen de laquelle ils ont pouvoir de se |
|
multiplier & croître en leur espèce, sans |
|
jamais manquer ni finir: Car cette vertu |
|
végétative produit une semence, dans |
|
laquelle gît une puissance & vertu multiplicative |
|
de ses semblables qui ne manque |
|
jamais. Ainsi les végétaux se sont |
|
entretenus & maintenus par le moyen |
|
de cette semence manifeste qui se produit |
|
& s'engendre en eux, & se maintiennent |
|
& se maintiendront jusques à la fin |
|
du monde. Cette semence donc est à |
|
présent la cause immédiate de leur production |
|
& de leur génération; quiconque |
|
veut rechercher la cause immédiate |
|
de leur production, il faut qu'il recherche |
|
les principes de cette semence: Et | De quoi est
|
pour ne point manquer, il faut qu'il | faite la semence
|
contemple de quoi se nourrissent les végétaux; | des
|
car s'il connaît parfaitement l'aliment | végétaux.
|
des végétaux, il connaîtra pareillement |
|
de quoi est faite leur semence, |
|
V iij |
|
@
310 Livre quatrième.
| puisque la semence est de même
|
| étoffe que le corps qui la contient, &
|
| puisque le corps est fait & composé de la
|
| même chose, de laquelle il est nourri
|
| & conservé en son être. Si nous venons
|
| à comprendre la matière de l'aliment,
|
| j'entends de l'aliment dernier, & duquel
|
| immédiatement les végétaux sont nourris,
|
| nous viendrons facilement à comprendre
|
| la matière de la semence de tous
|
| végétaux; & de là nous obtiendrons la
|
| connaissance entière & parfaite de la
|
| Nature, de tous avec leurs vertus &
|
| propriétés, tant en général qu'en particulier.
|
| Ils sont tous fichés en terre pour y
|
| prendre leur aliment; il faut voir à présent
|
| qu'est-ce que la terre leur donne
|
| pour pain quotidien & viande ordinaire,
|
| pour les nourrir tous indifféremment.
|
Nourritu- | Elle se trouve n'avoir que de l'eau pour
|
re & der- | leur pâture; quand cette eau manque,
|
nier ali- | les végétaux privés de leur pâture ordinaire
|
ment des | meurent & manquent. L'aliment
|
végétaux. | donc ordinaire & général de tous les végétaux
|
| est l'eau: Il faut voir à présent si
|
| cette eau, est eau simple & élémentaire,
|
| ou bien si c'est quelque liqueur ou nectar
|
| divin & céleste qui sous la forme de l'eau
|
@
des secrets Chimiques. 311
ait en soi enclos toutes les vertus naturelles |
|
de ce grand Univers. |
|
Il est très vrai que la Nature comme | Aliment
|
sage & très chère mère de toutes choses, | des végétaux.
|
voulant & souhaitant tout entretenir & |
|
nourrir le plus délicatement qu'elle |
|
peut, elle fait un restaurant & une gelée |
|
très délicate de la quintessence de tous |
|
les éléments, & du plus pur des influences |
|
célestes qu'elle mêle ensemble, & |
|
en fait une liqueur propre & convenable |
|
à nourrir toutes choses; laquelle liqueur |
|
elle épand tous les jours sur la superficie |
|
de toute la terre, qui pénètre toute la |
|
terre & tous les éléments, pour y nourrir |
|
& conserver par son seul aliment tous les |
|
habitants & citoyens qui s'y trouvent logés; |
|
& les végétaux étant du nombre, |
|
ils en sont aussi nourris & alimentés très |
|
parfaitement. Ils sucent par leurs racines |
|
cette liqueur, & la distribuent par |
|
tous leurs membres; lesquels par leur |
|
chaleur naturelle la cuisent & digèrent, |
|
& la convertissent en leur propre substance; |
|
& de la plus pure partie de cette |
|
humeur digérée & cuite dans leurs propres |
|
membres, ils en forment un corps, |
|
dans lequel particulièrement gît & consiste |
|
leur semence; car tout ce corps |
|
V iiij |
|
@
312 Livre quatrième.
| n'est pas semence, mais quelque particulière
|
| portion qu'on y voit, séparée &
|
La semen- | distincte du corps où elle est; Lequel
|
ce des vé- | corps quand il vient à être jeté en terre
|
gétaux se | pour y germer & produire son semblable,
|
dissout en | vient à se dissoudre dans l'humeur
|
terre pour | qui réside dans la terre, de laquelle tous les
|
multiplier. | végétaux se nourrissent, & duquel nous
|
| avons dit que cette semence est faite &
|
| formée.
|
Semence | Tellement que nous voyons très clairement
|
des végé- | que la semence des végétaux est
|
taux de | faite & composée de la quintessence des
|
quoi com- | quatre éléments, & de l'esprit céleste
|
posée. | de tous les Astres, qui descend en terre
|
| par le moyen de leur influence, pour se
|
| marier en terre avec les éléments; en cette
|
| façon les éléments donnent une vapeur
|
| qui tend vers le Ciel, & le Ciel donne
|
| des rayons qui se mêlent avec cette
|
| vapeur & constituent cette liqueur restaurative
|
| de toutes choses, laquelle fixée
|
| & congelée est plus précieuse que toute
|
| la terre ensemble.
|
| Nous pouvons donc d'ici philosopher
|
| que la production & génération de tous
|
| les végétaux, en général, dépend de
|
| cette liqueur élémentaire, qui enferme
|
| en soi les vertus & propriétés de toute la
|
@
des secrets Chimiques. 313
Nature, laquelle s'individue & se spécifie |
|
dans les végétaux particuliers qu'elle |
|
alimente: Car étant attirée par les racines |
|
de la rose, elle se fait rose, & a toutes les |
|
vertus de la rose, & étant attirée par un |
|
pommier, figuier, ou poirier, elle se fait |
|
pommier, figuier, & poirier, & a toutes |
|
les vertus & propriétés, & ainsi conséquemment |
|
de tous les autres, chacun a |
|
le pouvoir d'attirer cet aliment: Cette |
|
vertu attractive vient de la partie fixe & |
|
permanente qui est en eux, qui étant |
|
semblable à cette liqueur divine a le pouvoir |
|
par sa ressemblance de l'attirer à soi |
|
pour s'en nourrir & maintenir. Or elle | Moyen
|
est semblable, car elle en a été faite | d'attirer
|
comme vous avez vu par le discours | les vertus
|
précédent; D'ici sortent mille secrets | des végétaux.
|
pour attirer les vertus & propriétés des |
|
végétaux; car si vous savez rendre cette |
|
liqueur alimenteuse des végétaux, toute | Secret très
|
aérienne & toute de feu; c'est-à-dire que | grand pour
|
l'air & le feu qui sont occultes en icelle & | avoir les
|
cachés dans son centre, soient manifestes | vertus des
|
& apparents, vous posséderez un médion | végétaux.
|
& une ventouse pour attirer & soi |
|
toutes les vertus des végétaux, & les rendre |
|
beaucoup plus fortes qu'elles n'étaient |
|
dans les végétaux; car cette liqueur |
|
@
314 Livre quatrième.
| étant copieuse & abondante, attirera
|
| à soi toute l'autre humeur radicale,
|
| qui contient en soi toutes les vertus végétales,
|
| qui lui communiquant à l'instant
|
| ses propriétés & vertus, & les débarrassera
|
| de la crasse élémentaire;
|
| & par ainsi les rendra beaucoup plus agiles
|
| & plus efficaces qu'elles n'étaient
|
| auparavant, pendant le temps qu'elles
|
| étaient dans leurs corps crasses & élémentaires;
|
| car cette liqueur qui les a tirés &
|
| séparés de leurs corps a la propriété &
|
| vertu de leur augmenter, & croître toutes
|
| leurs vertus; car elle est la source &
|
| la fontaine des vertus naturelles de chaque
|
| végétal, & de tous les individus qui
|
| sont dans la Nature, comme nous verrons
|
| dans les Chapitres particuliers des
|
| végétaux.
|
@
des secrets Chimiques. 315
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production de la vigne.
Chapitre II.
Out le monde connaît la
vigne & son fruit, sauf quelques
Septentrionaux qui
n'en ont jamais vu qu'en
peinture, mais tant ceux-là
que ceux-ci, ignorent entièrement de
quelle étoffe la Nature l'a faite & construite,
& par quel moyen de la même
matière qu'elle est construite elle engendre
& produit les raisins, du suc desquels
se fait le vin, boisson très agréable.
Tous les Philosophes sont d'accord
que toutes choses sont faites & composées
de la mixtion des quatre éléments,
sans traiter plus avant ce mystère de la
mixtion des quatre éléments, & comment
de cette mixtion, la forme particulière
de chaque chose s'engendre & se
produit, & se met en lumière: Car les
éléments se mêlant ne constituent pas
immédiatement les individus, mais ils se
@
316 Livre quatrième.
Les élé- | mêlent plutôt, & de cette mixtion que
|
ments ne | nous avons appelée ci-devant semence
|
sont point | universelle du monde & sperme général,
|
immédia- | mercure de vie, soufre vital, & de plusieurs
|
tement | autres noms, se font & composent
|
mixtes. | après les individus particuliers de chaque
|
| chose, comme il se verra clairement
|
| en ce Chapitre particulier de la vigne,
|
| laquelle se produit & s'engendre en cette
|
| façon du mercure de vie, & de cette
|
| semence universelle.
|
Comment | Toutes choses sont faites & composées
|
s'engendre | de la même étoffe, de laquelle elles
|
la vigne. | sont nourries. Nous voyons que la vigne
|
| attire par ses racines qu'elle a fichées en
|
| terre cette semence universelle, qui est
|
| épandue par toute la terre & par tous les
|
| éléments, pour nourrir leurs habitants:
|
| Elle, dis-je, attire à soi cette semence universelle,
|
| qui est une eau visqueuse &
|
| gluante, grasse & remplie de la quintessence
|
| de tous les éléments, & de la quintessence
|
| de tous les Astres; & l'ayant attirée
|
| à soi, la cuit & digère par sa chaleur
|
| naturelle, séparant le pur de l'impur, convertit
|
| le pur en ses plus pures parties, &
|
| l'impur en ses grosses écorces: Ainsi puisqu'elle
|
| s'en nourrit, elle aussi en devait
|
| être faite & composée au commencement
|
@
des secrets Chimiques. 317
de son être: Car Dieu au commencement | La semence
|
de l'être des choses, créant | générale
|
la Nature & cette semence universelle, | a en soi
|
il y mit la puissance universelle de toutes | toutes formes.
|
choses que la Nature pouvait faire & |
|
engendrer; or cette puissance & vertu séminale |
|
qui est naturelle dans la semence |
|
générale pour toutes choses, c'est la vertu |
|
& puissance de produire les formes |
|
particulières qu'elle a intention de produire, |
|
en spécifiant & individuant cette |
|
semence universelle: Comme quand |
|
elle fit & composa la vigne au commencement, |
|
& qu'elle encore l'a pu produire |
|
en des lieux où il n'y a aucune semence |
|
propre & individuelle de la vigne, elle |
|
digéra & cuit cette semence universelle, |
|
& tira de son centre même la forme particulière |
|
qu'il faut à la vigne, avec toutes |
|
ses vertus & propriétés, & fit la |
|
vigne portant fruit selon son espèce. |
|
Ainsi toutes choses se firent, & encore |
|
se font de même tous les jours: Nous |
|
voyons que le suc des raisins tout fraîchement |
|
trié & extrait d'eux n'est pas |
|
encore vin, mais nous voyons comme la |
|
Nature qui est dans ce suc opère, cuit & |
|
digère par sa chaleur naturelle ce suc, le |
|
fait bouillir & petit à petit le conduit à la |
|
@
318 Livre quatrième.
perfection du vin, tirant de son centre
même la forme particulière & individuelle
du vin, avec toutes ces vertus &
propriétés, qui étaient toutefois occultes
& cachées dans le suc des raisins, &
encore plus cachées dans l'aliment de
sa souche & de la vigne, qui a produit
de cet aliment le raisin d'où est venu le
vin: Et voilà comme la Nature met en
lumière & pousse dehors de son chaos
toutes choses qu'elle y contient cachées,
attendant le temps, & choisissant les lieux
propres & commodes pour ce faire; car
en tout temps & en tous lieux elle ne
produit pas toutes choses, mais en un
temps particulier & en un lieu certain,
elle produit telle & telle chose, qu'en un
autre temps & en un autre lieu elle pourrait
produire; d'autant que le temps &
les lieux particuliers lui servent d'organes;
& lui sont comme des instruments
propres & convenables pour préparer
sa matière & la disposer à la génération
& production des choses particulières.
Car le Ciel qui roule continuellement
autour des éléments, par ce mouvement
continuel met & infuse des dispositions
particulières dans les lieux, qui
sont les matrices des productions des
@
des secrets Chimiques. 319
choses, en un temps plutôt qu'en un |
|
autre; car les saisons sont diverses, & icelles |
|
ont diverses influences & divers |
|
Astres qui dominent & qui président en |
|
icelles; ce qui fait que l'Hiver n'est pas |
|
semblable au Printemps, ni le Printemps |
|
à l'Eté, ni l'Eté à l'Automne, ni l'Automne |
|
à l'Hiver; & partant aussi les productions |
|
& générations qui se font en |
|
ces saisons sont aussi différentes, bien |
|
qu'elles aient toutes une même & pareille |
|
matière, mais elle est diversement |
|
disposée par les divers & différents agents |
|
qui se trouvent en ces diverses saisons, |
|
dans les divers lieux & climats de la terre. |
|
Ainsi par tous les lieux Méridionaux, & |
|
Orientaux & Occidentaux, la vigne se | Lieux &
|
peut produire & engendrer par le moyen | climats de
|
de l'esprit général du monde, qui est cette | la terre où
|
quintessence élémentaire & Astrale, | la vigne peut
|
qui digérée & disposée dans ces lieux | croître.
|
propres & commodes à sa nourriture & |
|
aliment, vient par cette disposition à tirer |
|
de son centre même la forme particulière |
|
& spécifique de la vigne, douée |
|
de toutes ses vertus & propriétés; qui |
|
après contient en elle-même cette vertu |
|
séminale, qui a le pouvoir de se multiplier |
|
à l'infini, & se provignant soi-même, |
|
@
320 Livre quatrième.
| d'où est venu ce bel ordre des vignes
|
| qu'on voit en toutes les campagnes des
|
| régions, où la vigne se plaît, qui sont
|
| chaudes, ou tempérées pour le moins; car
|
| où le froid domine, cette plante ne croît
|
| point, car elle abonde en esprit de vie,
|
| qui ne se peut élaborer & digérer à sa
|
| perfection dans les climats froids; Partant
|
| quiconque plantera vigne, qu'il ait
|
| soin de la planter toujours du côté du
|
| Midi, Orient ou Occident, & jamais
|
| vers le Septentrion, s'il ne veut avoir
|
| & recueillir du verjus, & du vin verdelet.
|
Vertus & | Par le moyen de la semence universelle
|
propriétés | & mercure du monde, duquel la vigne
|
de la vigne. | est composée, vous avez moyen d'extraire
|
| de la vigne toutes ses vertus & propriétés,
|
| tant de son bois, de sa feuille, de
|
| son fruit, que du vin, & de son tartre,
|
| de toutes lesquelles choses vous pouvez
|
| tirer quantité de médicaments de différentes
|
| vertus, entre autres des feuilles de
|
| vigne, lorsqu'elles sont rouges & qu'elles
|
| tombent d'elles-mêmes, se tire un extrait
|
| si astringent, qu'il n'y a remède
|
| plus excellent en la Nature, pour la cure
|
| des dysenteries & flux de ventre, voire
|
| même cette poudre des feuilles de vigne
|
| gne
|
@
des secrets Chimiques. 321
séchées à lente chaleur dans un four | Cure des
|
est miraculeuse pour cet effet, mêlée | dysenteries.
|
parmi du cotignac en quantité d'une |
|
dragme; & avec l'eau-de-vie & vinaigre |
|
qui se tire du même mercure du |
|
monde, comme vous avez vu dans le |
|
second livre de la présente oeuvre, vous |
|
pouvez tirer un sel fixe & volatil du tartre |
|
du vin, qui cuit & fixe à perfection, est |
|
la médecine parfaite pour guérir le vin | Médecine
|
de tous ces vices & impuretés, en mettant | pour guérir
|
certaine quantité de cette Médecine | le vin de
|
dans les tonneaux & vaisseaux où le | ses vices.
|
vin gâté & corrompu est contenu. Les | Lampes$
|
lampes ardentes de l'antiquité qui brûlaient | ardentes
|
perpétuellement sans s'éteindre, | d'où sont-
|
se faisaient & composaient par le moyen | elles faites?
|
de cette eau ardente fixée avec son sel, & |
|
unie avec lui inséparablement par le |
|
moyen du feu. Des baumes plus excellents |
|
se peuvent extraire du vin, par ce |
|
même moyen: Si je n'enseigne la méthode |
|
particulière pour ce faire, c'est assez |
|
de la coter & de le dire; car ceux qui |
|
sont maîtres en cet art le sauront assez |
|
faire & conduire à perfection, par le |
|
moyen de la seule coction perpétuelle & |
|
longue de neuf à dix mois, jusques à parfaite |
|
coagulation & fixation de ces divines |
|
@
322 Livre quatrième.
| liqueurs, dans les vaisseaux propres
|
| & aptes à ce faire, par un feu lent & bénin,
|
| qui cuit & digère incessamment
|
| cette matière & la conduit à son terme
|
| destiné.
|
| ----------------------------------------
|
| D E L A G E N E R A T I O N
|
| & production des Pommiers,
|
| Poiriers, Pruniers &
|
| Figuiers.
|
|
|
| Chapitre III.
|
|
|
La Natu- | Ue la Nature est merveilleuse
|
re compose | en ses oeuvres?
|
tout d'une | d'une seule matière elle
|
même | compose toutes choses,
|
chose. | qui sont entièrement différentes,
|
| pour faire des
|
| pommiers, poiriers, pruniers & figuiers;
|
| elle commence en une seule matière, laquelle
|
| elle prépare & dispose en telle façon,
|
| que petit à petit elle la rend propre
|
| & convenable à produire tant seulement
|
| ce qu'elle a intention de produire
|
| individuellement & non toutes choses:
|
| Elle est si savante & industrieuse qu'elle
|
@
des secrets Chimiques. 323
y sait introduire la forme qu'elle |
|
veut, & l'y ayant introduite elle fait encore |
|
que cette forme y grave tellement |
|
ses marques & ses qualités, que tant que |
|
l'individu persiste en son être, il a puis |
|
après toujours le pouvoir de produire |
|
son semblable, & de se multiplier en son |
|
espèce; & c'est toujours par le pouvoir |
|
& l'industrie de cette savante ouvrière, |
|
qui réside perpétuellement en lui; car |
|
sans elle il n'aurait aucun de ces pouvoirs: |
|
Or elle est tellement interne à |
|
cette matière unique qu'elle a pour produire |
|
toujours d'elle seule, & par elle |
|
seule toutes choses, qu'elle & cette matière |
|
ne sont qu'une même chose sans |
|
distinction ni différence; tellement que |
|
quiconque connaît parfaitement cette |
|
matière, il connaît aussi parfaitement la |
|
Nature, & tout ce qui dépend d'elle: |
|
Nous disons tous que la Nature fait tout; | Nature &
|
& peu oseraient dire, cette matière fait | la vertu
|
tout; car il y a peu de gens qui la connaissent, | nutritive
|
& partant ils ne lui peuvent donner | des choses
|
cette puissance; mais à la Nature ils | est la même
|
n'en font pas difficulté: jusques au plus | chose.
|
chétif Paysan & ignorant du monde, il |
|
ne fera difficulté aucune d'attribuer toutes |
|
les merveilles du monde à la Nature, |
|
X ij |
|
@
324 Livre quatrième.
| & interrogé qu'est-ce qu'il entend par
|
| Nature; il répondra que tout ce qu'on
|
| voit est Nature, qu'elle est si grande qu'-
|
| elle comprend tout le monde; mais de
|
| lui faire croire qu'elle est enfermée dans
|
| une seule matière, qui spirituellement
|
| diffuse, se trouve partout, & occupe la
|
| grandeur, & tout l'espace de tous les
|
| éléments, afin qu'elle puisse produire en
|
| tous lieux les choses qu'elle doit produire:
|
| Il faut le rendre grand Philosophe
|
La lumière | pour lui faire croire ces mystères: Car de
|
des Astres | croire que la lumière du Soleil & de tous
|
s'incorpore | les Astres s'incorpore & se mêle avec les
|
avec les | éléments, & que de ce mélange se fait
|
éléments, | une vapeur, & que cette vapeur monte
|
& font la | & descend, recevant toujours l'influence
|
matière | des Astres, se fait tous les jours liqueur,
|
qu'on ap- | qui est la vie & l'aliment universel
|
pelle Na- | de toutes choses. Cette liqueur tombe
|
ture. | en terre, comme en son lieu destiné,
|
| qui est l'universel garde-manger de toutes
|
| choses: c'est pourquoi toutes choses
|
| cherchent leur vie dans la terre. Vous
|
| voyez tous les animaux demander à la
|
| terre leur pain quotidien; tous les végétaux
|
| avoir leurs racines fichées en terre,
|
| pour en sucer continuellement cet
|
| aliment qui de soi-même s'y verse tous
|
@
des secrets Chimiques. 325
les jours; leur faire voir à l'oeil tout ceci, |
|
& le leur faire toucher, c'est les rendre |
|
des grands Philosophes; ils verront & |
|
connaîtront par là, que la même chose |
|
qui donne l'être au pommier la donne |
|
aussi au poirier, prunier & figuier, il n'y |
|
a seulement autre différence, qu'en disposant |
|
cette matière pour le pommier; la |
|
chaleur naturelle de cette matière que |
|
nous appelons soufre, y met & introduit |
|
particulièrement quelques dispositions |
|
qu'elle ne met pas au poirier; & au |
|
poirier elle y met quelque disposition |
|
particulière qu'elle ne met pas au prunier |
|
ni au figuier; & ainsi cette seule & |
|
pareille matière recevant diverses & différentes |
|
dispositions, produit & engendre |
|
différents & divers individus, & cette |
|
disposition différente demeure tellement |
|
empreinte en cet individu, qu'après |
|
à jamais en se nourrissant & s'entretenant |
|
de même matière, cette disposition |
|
particulière a le pouvoir de disposer | Comment
|
cette matière entièrement universelle | s'engendrent
|
& indifférente à toute espèce, pour sa | les pommiers,
|
nourriture particulière & son entretien; | poiriers, pruniers
|
& ainsi se produisent les pommiers, poiriers, | & figuiers.
|
pruniers & figuiers. La Nature |
|
baille & fournit cette matière universelle |
|
X iij |
|
@
326 Livre quatrième.
| que nous avons dit ci-devant en
|
| force lieux être composée de la quintessence
|
| & pureté des quatre éléments, &
|
| de la quintessence de tous les Astres
|
| qui se mêlent ensemble pour faire cette
|
| matière universelle, qui a une infinité
|
| de noms, & dont le premier & principal
|
| c'est la vie naturelle de toutes choses,
|
| & la base & fondement de l'être des
|
| choses naturelles, qui en la génération
|
| & production des pommiers, figuiers,
|
| pruniers & poiriers ne fait que recevoir
|
| la disposition particulière pour ces arbres
|
L'esprit gé- | de son centre même: Car cette matière
|
néral est un | possède en elle-même une chaleur vitale,
|
Maître li- | qui est l'Architecte de toute forme,
|
boron. | & le Maître liboron de tous métiers, il
|
| sait faire tout & n'ignore rien, sans lui
|
| la Nature est morte & n'a aucune vertu:
|
| Et c'est cette vertu que Dieu infusa dans
|
| les éléments, au commencement de la
|
| Création du monde, pour produire toutes
|
| choses, lorsqu'il commanda à la terre
|
| de produire & germer l'herbe verdoyante,
|
| & aux arbres de produire leur
|
| fruit chacun selon son espèce, & aux
|
| animaux de croître & de multiplier chacun
|
| en son espèce, pour lors cette matière
|
| fut ornée & qualifiée de la vertu de
|
@
des secrets Chimiques. 327
produire toutes choses, car elle reçut |
|
aussi le pouvoir de les nourrir & alimenter. |
|
Partant très sages sont les Médecins |
|
qui contemplent ces mystères, méditent |
|
tous les jours à connaître cette matière, |
|
au nom de laquelle ils ont le pouvoir de |
|
connaître les vertus de toutes choses, & |
|
de les tirer & extraire, & encore multiplier |
|
de beaucoup, pour survenir aux nécessités |
|
de leurs malades: Ils auront par | Secret merveilleux
|
ce moyen les vertus entières, & encore | pour
|
beaucoup plus grandes & efficaces des | faire porter
|
pommiers, poiriers, pruniers & figuiers | fruit plusieurs
|
& de leurs fruits, & feront avec icelle | fois en l'année
|
des merveilles en ces individus, les remettant | aux arbres.
|
en leur vigueur & force, & leur |
|
faisant même porter fruit, plusieurs |
|
fois dans une même année, pourvu |
|
que cet aliment soit entièrement dépuré |
|
de toutes ses ordures, & cuit parfaitement |
|
jusqu'à ce que le feu y ait introduit |
|
sa teinture; car auparavant vous ne | Teinture
|
pourrez voir les merveilles & miracles, | de feu merveilleuses.
|
de cette matière; d'autant qu'elle est ensevelie |
|
dans tant de crudités superflues, |
|
que ses vertus & puissances sont quasi |
|
dans le tombeau & toutes mortes, si par |
|
le moyen du feu tempéré & modéré, |
|
X iiij |
|
@
328 Livre quatrième.
| elles ne sont ressuscitées & exhalées en
|
| quintessence de feu, qui est une matière
|
| belle, claire & luisante, & éclatante
|
| comme rubis, qui contient avec
|
| grande éminence toutes les vertus naturelles.
|
| ----------------------------------------
|
| D E L A P R O D U C T I O N
|
| & génération des Amandiers,
|
| Noyers & Noisetiers.
|
|
|
| Chapitre IV.
|
|
|
Nature | Est une merveille à la
|
d'une mê- | vérité que de voir travailler
|
me chose | la Nature sur une
|
fait tout. | même chose, dans un
|
| même sujet, & en faire
|
| tant de diverses choses.
|
| Les amandiers, noyers & noisetiers avec
|
| tout le reste des arbres portant fruits,
|
| en peuvent rendre un suffisant témoignage;
|
| car de la même liqueur qu'ils
|
| sont nourris & entretenus ils produisent
|
| leur bois, leurs feuilles, leur écorce,
|
| leurs fleurs & leurs fruits, qui ont en eux
|
| cinq ou six parties différentes l'une de
|
@
des secrets Chimiques. 329
l'autre. Premièrement l'amande ou le |
|
noyau qui est au-dedans de sa coque, est |
|
fait & composé de trois parties; du |
|
noyau, du germe qui est au bout du |
|
noyau, & d'une peau qui couvre le tout, |
|
& la coque d'autre trois parties, de la |
|
première & seconde table, qui est divisée |
|
l'une de l'autre par des petits filaments |
|
qui peuvent faire la quatrième |
|
partie, avec la dernière peau ou écorce |
|
verte qui couvre le tout, qui est nourri |
|
d'une seule liqueur, homogène & semblable |
|
en toutes ses parties, qui s'épandant |
|
par la seule coction différente qu'elle |
|
reçoit en ses diverses parties, elle se |
|
rend différente; & même qui par sa seule |
|
coction intérieure de son seul soufre |
|
ou feu vital dont elle est pleine, fait & |
|
compose toutes ces différentes parties, |
|
par la science & don spécifique qu'elle a |
|
reçu de son Créateur Tout-puissant, | Comme
|
qui a voulu que comme il est seul, & que | d'un seul Dieu
|
de lui seul toutes choses ont été faites | tout procède,
|
& créées, que d'une seule chose aussi toutes | tout aussi est
|
choses fussent faites & entretenues, | nourri & fait
|
depuis qu'elles ont été tirées par sa toute | à une chose.
|
puissance de l'abîme du chaos, & |
|
du centre du pur néant; Car de chercher |
|
des raisons pourquoi cette unique & |
|
@
330 Livre quatrième.
| seule matière a le pouvoir de faire &
|
| composer toutes choses, c'est chercher
|
| le pourquoi au tout-puissant pouvoir
|
| de Dieu; & vouloir savoir pourquoi
|
| Dieu est Tout-puissant; à quoi nous ne
|
| pouvons répondre sinon qu'il faut de nécessité
|
| que Dieu soit Tout-puissant pour
|
| être Dieu, & qu'autrement il ne pourrait
|
Pourquoi | être tel. Ainsi pouvons-nous dire de
|
la matière | notre matière universelle, elle a le pouvoir
|
première a | de faire & composer toutes choses;
|
le pouvoir | d'autant qu'il faut de nécessité que pour
|
de produi- | être matière universelle elle ait le pouvoir
|
re toutes | universel de composer & faire tout;
|
choses. | Et cette puissance ne lui étant point
|
| venue d'elle-même; car si cela était il
|
| n'y aurait entr'elle & Dieu nulle différence:
|
| Il faut de nécessité que ce pouvoir
|
| lui ait été donné de celui qui a essentiellement
|
| de soi-même, & non
|
| d'autre, cette puissance infinie, & beaucoup
|
| plus infiniment infinie que ne peut
|
| avoir cette matière universelle; que bien
|
| que nous disions qu'elle a un pouvoir
|
| universel, ce n'est pas pourtant que nous
|
| accordions qu'elle a un pouvoir infini,
|
| mais un pouvoir qui ressemble à l'infini,
|
| pour la génération du nombre des individus
|
| naturels: Car qui est celui qui
|
@
des secrets Chimiques. 331
peut comprendre le nombre des choses | Pouvoir de
|
que la Nature a faites depuis la Création, | la matière
|
& le nombre des choses qu'elle doit | première
|
encore faire & composer avant qu'elle | limité &
|
finisse & cesse de faire & composer. Ce | terminé.
|
pouvoir ressemble infini, mais à la vérité |
|
il est terminé, & a ses limites dans l'infinie |
|
puissance de son Créateur. |
|
Assurons donc que notre matière |
|
universelle, dont toutes choses sont faites |
|
& composées, est douée & ornée par |
|
le tout-puissant pouvoir de son Créateur; |
|
de la science & de l'artifice de composer |
|
toutes choses, & qu'en la naissance |
|
& composition des noyers, elle ne travaille |
|
que sur une seule chose qui est | De quoi
|
elle-même: Elle le montre par expérience | fait la Nature
|
& les met devant les yeux d'un | les noyers,
|
chacun; car elle ne travaille après avoir | amandiers &
|
fait & composé un noyer, amandier, ou | noisetiers.
|
noisetier tout parfait, qu'à faire de la même |
|
étoffe qu'elle fait ces arbres; elle ne |
|
travaille, dis-je, après qu'à faire leur |
|
fruit, dans lequel elle produit un germe |
|
particulier, qui est distinct & différent du |
|
fruit, dans lequel germe tout son pouvoir |
|
est raccourci; car ce germe a le pouvoir |
|
de produire & faire un noyer, un |
|
@
332 Livre quatrième.
| amandier & noisetier, selon qu'est le
|
| germe.
|
| Tellement que nous voyons clairement
|
| que le germe est une substance unique,
|
| homogène & semblable en toutes
|
| ses parties, où est enfermé le pouvoir de
|
| produire & engendrer un arbre différent
|
| en toutes ses parties. Ce qui nous témoigne
|
| clairement que toutes choses
|
| sont produites d'une matière universelle,
|
| & que les amandiers, noyers & noisetiers
|
| pareillement n'ont qu'une même matière,
|
| pour les produire & engendrer sur
|
| terre, & que la coction d'icelle fait toute
|
| la différence, & que cette coction dépend
|
| de son feu intérieur, & de son soufre
|
Le soufre | vital, qui est l'artifice si subtil & ingénieux,
|
vital fait | pour faire & manifester ces
|
la diversi- | merveilles en la Nature: Et ceux qui
|
té ès choses | veulent encore faire des merveilles sur
|
par sa co- | les fruits & sur les arbres sus-nommés,
|
ction. | faut de nécessité qu'ils aient ce feu &
|
| matière de laquelle ils sont faits & composés;
|
| car autrement ils ne peuvent
|
Fruit | voir rien qui vaille; mais avec ses ingénieurs
|
trois ou | ils leur feront porter fruit trois ou
|
quatre fois | quatre fois l'année, & si beaux qu'ils voudront,
|
l'année | & en si grande quantité qu'il faudra
|
rapporté. | les étançonner pour empêcher
|
@
des secrets Chimiques. 333
qu'ils ne rompent, & leur vertu nutritive
sera encore plus grande.
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production des Fleurs.
Chapitre V.
Est ici où l'homme a raison | Les fleurs
|
de se ravir en admiration, | sont aussi
|
& demeurer suspendu | précieuses en
|
en extase, contemplant & | la Nature que
|
méditant la production & | les pierres
|
génération des fleurs, qui sont au genre | précieuses.
|
des végétaux, aussi ravissantes que les |
|
pierres précieuses entre les minéraux; |
|
tant des roses, tant des oeillets, tant des |
|
tulipes, tant des violettes, des lys, des narcisses, |
|
d'anémones, des hyacinthes, des |
|
soucis & des amarantes, sont autant de |
|
petits Soleils emmusqués*, & des Etoiles |
|
odoriférantes remplies de baume, d'ambre, |
|
de musc & de civette, où la Nature |
|
n'a point épargné son émail, ses plus vives |
|
couleurs, son or & argent qu'elle a |
|
si bien départi avec son pinceau, que |
|
vous ne pouvez discerner avec vos yeux, |
|
@
334 Livre quatrième.
| ni avec vos mains, si c'est du satin ou du
|
| velours, où mille veines incarnates courent
|
| çà & là pour les passementer, où les
|
| rebordements sont de fin argent ou d'or
|
Bigarrure | sur une couleur colombine: A d'autres
|
des fleurs. | vous voyez un satin vert, sur-émaillé de
|
| gouttelettes d'or, avec mille filaments
|
| purpurins qui les détranchent & découpent
|
| en mille & mille façons & gaîtés
|
| admirables: A d'autres vous voyez un
|
| satin blanc, plus blanc que neige, parsemé
|
| de mille filets & petits points
|
| ensanglantés, comme si la Nature leur
|
| mère les avait fouettés jusques au sang,
|
| de ce qu'elles se bigarrent en tant de façons
|
| pour plaire à des hommes ingrats &
|
| félons: Celles-là sont émaillées & picotées
|
| de mille pointes de diverses
|
| couleurs; celles-ci sont étincelantes
|
| d'une écarlate rayonnante; celles-là
|
| d'une couleur au dehors purpurine, &
|
| le dedans bigarré de trois autres couleurs
|
| toutes différentes. Comment est-
|
| il possible qu'une feuille si mince, nourrie
|
| de même air, & de même liqueur,
|
| issue de même racine & oignon soit d'or
|
| au fond, d'écarlate au-dehors, violette
|
| safranée & purpurine au-dedans, rebordée
|
| de fin or, & le bout & la pointe,
|
@
des secrets Chimiques. 335
vert comme une émeraude. Il faut confesser |
|
que Dieu, qui est la source de toutes |
|
ces raretés, est plus qu'admirable en |
|
ses ouvrages, puisque d'un peu d'eau & |
|
de terre, il a commandé à la Nature de produire |
|
ces fleurs, qui rendent fous la plus |
|
grande part des hommes à cause de leur |
|
beauté, que feraient-ils s'ils pouvaient |
|
recouvrer de ces fleurs célestes, qui sont |
|
dans les parterres de Dieu, qui ne fanent |
|
jamais & dont celles ici n'en sont |
|
que les ombres & les idées. |
|
Voyons donc à présent comme celle | De quoi la
|
qui les fait & compose s'y comporte, & | Nature
|
avec quelle industrie elle tire d'une même | compose les
|
matière tant de diverses étoffes, parsemées | fleurs.
|
de tant de couleurs, & bordées |
|
de tant de clinquants, pour habiller ses |
|
beaux enfants. Premièrement elle n'a que |
|
de l'eau en apparence & au touchement, |
|
mais cette eau à la vérité a tous les quatre |
|
éléments, & la lumière de tous les |
|
Astres: Là vous avez toute sorte de soufre |
|
blanc & rouge, avec tous les mercures |
|
& tous les sels, du mélange desquels |
|
toutes ces belles couleurs & ces |
|
diverses étoffes, avec leurs clinquants, |
|
paraissent étalées dans ces beaux parterres. |
|
Le soufre rouge pur & net de |
|
@
336 Livre quatrième.
l'incarnat, | toute immondicité, avec le mélange &
|
le pourpre | union du pur mercure cause & produit ce
|
& le jaune | rouge incarnadin, cette écarlate, ce
|
d'où vient- | pourpre, cet or & cette orpheurie* végétale,
|
il ès fleurs, | qui dore, clinquante & émaille
|
& toutes | ces belles fleurs. Ce soufre blanc pur
|
les autres | & net avec son semblable mercure joints
|
couleurs. | & unis par son sel, qui leur donne la solidité
|
| nécessaire, est celui qui cause ce
|
| beau satin blanc & cet argent lustré. Les
|
| autres soufres qui se composent de
|
| ceux-ci par leur mélange des uns & des
|
| autres, avec pareil mélange de leurs
|
| mercures & sels qui reçoivent par leur
|
| diverse coction diverse altération en leur
|
| essence, causent toutes ces diverses couleurs,
|
| & le bon génie de ces fleurs, qui
|
| est leur forme, les agence & les met &
|
| colloque chacune en sa place, coupe &
|
| déchiquette cette étoffe en mille & mille
|
| gaîtés qui nous ravissent en extase &
|
Les sen- | admiration. Les senteurs, les odeurs &
|
teurs & | les baumes, musc & ambre qui est employé
|
odeurs ès | pour parfumer ces velours & ces
|
fleurs, d'où | satins, de cette ample boutique végétale,
|
viennent- | ce ne sont que les soufres purs &
|
elles. | nets avec leur pure coction, qui causent
|
| ces diverses odeurs & ces parfums si
|
| agréables qui vivent, qui croissent, qui
|
| végètent
|
@
des secrets Chimiques. 337
végètent à mesure que leurs sujets où ils |
|
sont croissent & végètent. |
|
Voilà comme la Nature produit & |
|
engendre les fleurs dans le genre végétal, |
|
qui ravissent en admiration la plupart |
|
des hommes & aussi bien que les pierres |
|
précieuses dans le genre minéral, qui |
|
toutes sont d'une même étoffe, mais les |
|
fleurs ont leur matière plus molle, plus |
|
subtile, aérienne & aqueuse, le sel qui | Matière
|
est aux fleurs n'est pas si ferme & solide, | des fleurs
|
& n'a pas tant endurci le mercure & le | plus molle
|
soufre, qui se trouve en elles, comme | que celle
|
il a endurci & fixé le mercure & le | des pierres.
|
soufre qui se trouve aux pierres précieuses; |
|
voilà ce qui cause leur différence, |
|
& ce qui cause l'éclat plus rayonnant |
|
& étincelant aux pierres précieuses |
|
qu'aux fleurs; c'est la solidité & fixation |
|
du sel, qui par sa pureté & netteté |
|
condense & congèle avec éclat & rayon |
|
la substance des pierres, & ne peut ainsi |
|
faire la substance des fleurs, bien qu'il |
|
leur donne un éclat fort étincelant, |
|
comme à ces fleurs jaunes perpétuelles |
|
qui ne fanent jamais, leur éclat est |
|
fort lustré & étincelant, mais non pas |
|
avec lumière comme aux pierres précieuses: |
|
Toutefois j'avoue que la Nature |
|
Y |
|
@
338 Livre quatrième.
La natu- | en quelque climat de la terre peut
|
re peut fai- | faire des fleurs rayonnantes & éclatantes
|
re des fleurs | comme des pierres précieuses; car
|
éclatan- | puisque la Nature fait des animaux
|
tes. | étincelants & lumineux, comme sont
|
| ces vers luisants de nuit, pourquoi ne
|
| pourra-t-elle pas faire des fleurs étincelantes
|
| & lumineuses, puisque pour ce
|
| faire il ne faut que fixer & congeler davantage
|
| leur substance, augmentant &
|
| multipliant leur sel? Ce qui me semble
|
| pouvoir être obtenu par le moyen de
|
| l'artifice, qui par une docte main peut
|
| recouvrer ce sel central, principe de toutes
|
| choses, de la source où il se trouve ordinairement,
|
| & après l'avoir conduit à
|
| perfection, les plus belles fleurs en peuvent
|
| être arrosées, & les bulbes & oignons
|
| d'icelles peuvent être trempés
|
| & amollis dans ce sel, dissout dans l'eau
|
| propre de la plante, & puis ce bulbe
|
| peut être remis en être pour y germer
|
| & produire son fruit & sa fleur, qui à
|
| mon avis sortira de sa tige avec tant de
|
| force, qu'elle en sera beaucoup plus belle,
|
| & sa substance en sera si ferme & solide,
|
| à cause du sel plus abondant & copieux
|
| qu'elle aura sucé, qu'elle en deviendra
|
| rayonnante & éclatante en
|
@
des secrets Chimiques. 339
toutes ces couleurs, ce qui ferait une | Secret pour
|
merveille, & un étonnement bien grand | faire les
|
avec un surcroît d'amour & de passion à | fleurs rayonnantes
|
ceux qui les chérissent: Toutefois je ne | &
|
crois pas qu'ils fussent fort loin de leur | lumineuses.
|
attente, s'ils pouvaient obtenir ce sel |
|
physique & central du monde, qui se trouve |
|
dans l'aliment universel de toutes choses, |
|
avec lequel ils verraient encore des |
|
choses plus rares & merveilleuses que |
|
celles ici, lesquelles méritent d'être ensevelies |
|
dans le silence; pour n'être sifflé |
|
de ceux qui ne sont initiés dans ces mystères; |
|
il est bien vrai que leur risée & |
|
moquerie tomberait sur eux-mêmes, |
|
se confessant par ce moyen ignorants; qui |
|
s'étonnent de ce qu'ils ne savent pas, & |
|
ne peuvent croire que ce que leur faible |
|
sens peut voir & toucher. |
|
|
|
Y ij |
|
@
340 Livre quatrième.
----------------------------------------
C O N C L U S I O N D U
quatrième livre des secrets
Chimiques.
| Chapitre VI.
|
|
|
| Es six Chapitres suffiront pour
|
| comprendre la production &
|
| génération des végétaux; car
|
| qui en sait & comprend la génération
|
| d'un seul végétal, peut d'icelui
|
| savoir la génération & production de
|
| tous les autres, puisque la matière est
|
| unique & semblable en tous, la seule
|
Différence | différence qu'on remarque à tous les individus
|
des végé- | de ce genre, dépend de la forme
|
taux d'où | particulière qui est en eux, qui fait &
|
dépend- | cause en tous toutes ces particulières &
|
elle. | individuelles différences: mais cette forme
|
| procède & est tirée du centre, & du
|
| profond de cette matière, qui a la propriété
|
| & vertu en elle, même de produire
|
| ces formes, & ces formes ne sont point
|
| quelque chose de différent de la matière,
|
| puisqu'elles en sortent & en procèdent;
|
| sinon que c'est une matière active,
|
@
des secrets Chimiques. 341
pleine de vertu & d'énergie, & la matière |
|
qu'on appelle de ce nom, regarde cette |
|
partie de la matière sur laquelle cette |
|
partie active agit. Qu'il suffise donc aux |
|
curieux de cette science, ce que j'ai dit |
|
& écrit de la production & génération | Les végétaux
|
des végétaux, ils proviennent tous de | procèdent
|
l'esprit général du monde, qui en eux | tous de
|
produit & engendre un sel particulier, | de l'esprit
|
un mercure & un soufre, & tous trois | général du
|
ensemble, une semence immédiate | monde.
|
& végétale, de laquelle tous les |
|
végétaux croissent & multiplient sur |
|
terre, & les formes qui de là en sortent |
|
spécifient & individuent particulièrement |
|
ce genre végétal, duquel il ne |
|
faut jamais croire ni penser qu'on puisse |
|
extraire quelque mercure, sel, où soufre, | Des végétaux
|
qui puisse servir pour tirer & extraire | ne se peut tirer
|
le soufre, sel, & mercure métallique, | aucun sel, ni
|
il faut que chacun attire son | mercure, ni
|
semblable. Il est bien vrai que pour | soufre métalliques.
|
attirer les soufres, sels & mercures |
|
végétaux, & les rendre en leur perfection, |
|
c'est des végétaux qu'il les faut |
|
tirer, & c'est où tend & vise tout ce que |
|
j'ai écrit en ce petit traité des végétaux. |
|
Voyons donc maintenant ce qui |
|
Y iij |
|
@
342 Livre quatrième.
sera dans le genre des animaux, & de
quoi la Nature les compose & les
forme.
@
343
D E S E L E M E N T S
ET PRINCIPES DES
SECRETS CHIMIQUES,
ou l'essence des animaux est
découverte.
L I V R E C I N Q U I E M E.
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production des animaux
en général.
Chapitre Premier.
'Est ici que le Ciel & la
terre, avec tout le reste
des éléments, & toute la
nature est assemblée pour
produire & engendrer les
animaux, qui tous, quels
qu'ils soient, sont de petits mondes, & un
Y iiij
@
344 Livre cinquième.
Rareté des | abrégé de toute la Nature, tant céleste
|
animaux. | qu'élémentaire: Le moindre petit moucheron,
|
| arrêtera le plus grand Philosophe
|
| du monde, & le plus docte & savant
|
| Alchimiste, en la recherche de la
|
| composition; c'est bien autre chose que
|
| la composition d'un métal, d'une pierre
|
| précieuse, d'un végétal, d'un arbre,
|
| d'une fleur: Nous avons ici à rechercher
|
| la source & l'origine d'un mouvement
|
| quasi perpétuel, si l'on en pouvait
|
| bannir la mort.
|
| Il est ici besoin de rechercher la
|
| source d'une âme qui faute, qui danse,
|
| qui se meut à sa volonté de toutes sortes
|
| de façons, & se repose quand elle veut,
|
| qui cependant tire son origine & sa source
|
| d'une matière bien différente d'elle,
|
| à laquelle nous ne pouvons nous imaginer
|
| être tant de merveilles, & de raretés
|
| que nous voyons après être mises en lumière,
|
| & étalées en plein jour, dans
|
| la boutique & magasin des animaux,
|
De quoi | ceux qui ont un être parfait.
|
sont com- | Ils sont tous engendrés & composés
|
posés les | d'une petite humeur glaireuse, qui est
|
animaux. | leur sperme & semence, qui se forme &
|
| compose en eux-mêmes, de la coction
|
| du dernier aliment qui se fait en toutes
|
@
des secrets Chimiques. 345
les parties de leur corps, & est attiré dans |
|
les testicules & autres vases spermatiques, |
|
à travers les pores du corps, par la |
|
vertus attrayante & communicative de ses |
|
parties qui sont douées de cette vertu naturelle |
|
à cette fin: mais cette semence |
|
venant des aliments, & les aliments prenant |
|
leur être de la semence universelle |
|
des quatre éléments, d'où toutes choses |
|
sont faites & composées, qui peuvent servir | La semence
|
d'aliment aux animaux; il s'ensuit de | des animaux
|
là que puisque la semence des animaux | de quoi est-
|
est faite des aliments, & les aliments de | elle faite?
|
la semence générale du monde: Il s'ensuit, |
|
dis-je, que cette semence animale |
|
est faite & composée de la semence générale |
|
du monde, laquelle n'a fait que |
|
passer par diverses coctions & digestions, |
|
& enfin reçu la digestion qu'il lui fallait |
|
dans les vaisseaux spermatiques des |
|
animaux, pour être enfin faite semence |
|
animale, & recevoir là ses dernières dispositions. | Chaque
|
C'est une merveille que chaque | mixte a la
|
mixte en ce grand monde ait le | vertu de
|
pouvoir & la vertu péculière* & naturelle, | changer
|
de changer en soi cette semence générale | l'aliment
|
indifférente à toutes, & la rendre | en soi.
|
propre & péculière* pour lui seul, avec |
|
une telle individuité qui la rend différente |
|
@
346 Livre cinquième.
| entièrement de tout, & propre
|
| tant seulement à lui seul.
|
| Car le mixte quel qu'il soit, si nous le
|
| considérons de près, n'est autre chose en
|
| soi matériellement que cette semence
|
| universelle, qui s'est individuée & spécifiée
|
| en ce mixte particulier: La forme
|
| même qui est en lui, qui individue &
|
| spécifie cette semence générale, est elle-
|
| même tirée & sortie du centre de cette
|
La partie | semence: Car la partie lumineuse, astrale
|
astrale du | & ignée qui était dans cette semence
|
mercure du | générale s'est faite forme, & a pris le titre
|
monde est | & le grade de gouvernante, & de
|
faite forme | maîtresse dans cette matière, & a soumis
|
ès mixtes. | à son joug tout le reste. La merveille
|
| des merveilles est que cette partie lumineuse
|
| & Astrale que nous admettons
|
| dans la semence générale, prenne plutôt
|
| la forme d'un rat & d'une souris que
|
| d'une grenouille, ou d'un serpent; d'où
|
| vient ce choix & élection qu'elle fait,
|
| pendant son indifférence, il faut que les
|
| agents extérieurs aient quelque pouvoir
|
| à la disposer particulièrement, plutôt à
|
| cette forme qu'en une autre: Et ces
|
| agents extérieurs aucune fois sont pleins
|
| & remplis des esprits particuliers, & individus
|
| de quelques mixtes qui se sont
|
@
des secrets Chimiques. 347
corrompus & dissous dans leurs premières
semences: Or ces esprits comme
éthérés & ignés pleins de vertu astrale,
difficiles à corrompre, voltigeant par
l'air; & les autres éléments où les résolutions
des mixtes qui tendent à leur fin, se
font tous les jours, se mêlent le plus souvent
parmi ces matières séminales, qui
sont proches à s'individuer en quelque
espèce, & les disposent pour eux seuls:
D'où vient le plus souvent le choix & l'élection
que la semence générale fait des
formes particulières plutôt des unes
que des autres: Mais aussi le fait-elle sans
cette particulière disposition des agents
extérieurs, remplis des esprits qui se séparent
des mixtes particuliers pendant
leurs résolutions; car elle le plus souvent
y résiste, & ne fait pas ce que veulent ces
esprits, mais tire une forme particulière,
toute contraire & différente à la disposition
ou intention de ses esprits, ayant le
pouvoir de ce faire, car elle a toute puissance
pour cet effet; cette puissance lui
a été donnée de son Créateur en l'instant
de sa Création, afin qu'il ne fût
contraint jamais plus de créer, & Dieu
ne lui donna pas cette vertu productive
des formes pour quelque temps; mais
@
348 Livre cinquième.
| pour tout le temps que les générations &
|
Comme la | productions dureront en ce bas monde.
|
matière | Cette matière donc qui est incorruptible
|
première se | dans le centre de toutes choses, &
|
dispose | dans le centre du monde est le fondement
|
d'elle-mê- | des productions & générations de
|
me à la gé- | toutes choses, elle se dispose elle-même
|
nération. | à toutes les générations, tire de soi-même
|
| les esprits & les agents qui la disposent
|
| à ce dont elle-même leur donne le
|
| pouvoir & la vertu de la disposer ainsi,
|
| & en tirer les formes qu'elle veut, &
|
| qui sont nécessaires pour l'ornement du
|
| monde, où les animaux tiennent le premier
|
| rang de la production particulière,
|
| desquels nous traiterons en ce traité, &
|
| commencerons par le plus noble qui est
|
| l'homme.
|
@
des secrets Chimiques. 349
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production de l'homme.
Chapitre II.
A plus grand part des |
|
Philosophes anciens & |
|
modernes, nous ont voulu |
|
enseigner que ce que |
|
nous voyons d'apparent |
|
& manifeste en l'homme, |
|
n'est pas l'homme; que c'est quelque | L'homme
|
chose de plus rare, quelque chose de | en son extérieur
|
plus relevé; ce que nous voyons n'est que | n'est
|
poussière, que pourriture, que boue, | que misère.
|
qu'excrément, le but & la quintaine de |
|
la fortune, où elle joue tous les jours à |
|
son plaisir & volonté, le centre & l'abîme |
|
des mystères & calamités de ce monde, |
|
le théâtre des malheurs, où ils se |
|
montrent en leur haut appareil; bref, |
|
c'est un rien, un néant rempli de misères |
|
& de malheurs. | L'homme
|
Mais ce que nous ne voyons pas, l'homme | en son intérieur
|
interne c'est une étincelle de la divinité | qu'est-
|
pour laquelle toute la Nature visible | ce.
|
@
350 Livre cinquième.
| a été faite, & tirée du centre du néant
|
| pour y être maîtresse & super-intendante
|
| générale, pour laquelle, perdue &
|
| éteinte, remettre en son premier lustre;
|
| le Créateur de toutes choses n'a pas donné
|
| un autre monde, mais lui-même a
|
| voulu être le prix & le rachat: Que pouvons-nous
|
| donc dire du prix & du poids
|
| de l'homme intérieur, si Dieu même qui
|
| sait le vrai prix de toutes choses a plus
|
| estimé l'homme que soi-même, puisqu'il
|
| s'est donné lui-même pour son rachat.
|
| Si c'est un excès de son amour envers
|
| l'homme, n'importe, c'est toujours un
|
| témoignage évident du poids & du prix
|
| que Dieu fait de l'homme; car Dieu
|
| n'aime pas sans raison, ni sans sujet:
|
| Il est vrai que l'homme n'a d'autre
|
| prix, ni d'autre poids dans les choses
|
| créées, que celui que la pure miséricorde
|
| divine, & non la justice lui a donné:
|
L'homme | Par Justice, il ne fut été jamais racheté,
|
racheté | la seule miséricorde lui a donné ce bien,
|
par misé- | & procuré ce bonheur: c'est pourquoi
|
ricorde. | il se doit estimer un rien, un néant, qui
|
| n'a d'autre subsistance & fondement de
|
| son être, que la seule miséricorde divine
|
| qui le fait subsister, tant en son intérieur
|
| qu'en son extérieur. Il ne faut donc pas
|
@
des secrets Chimiques. 351
plus estimer l'un que l'autre; puisque |
|
tout subsiste par la seule miséricorde divine: |
|
l'un tire son origine de la même |
|
étoffe & de la même matière que les |
|
autres choses corporelles de cet Univers, |
|
qui a été tirée de l'abîme du néant, par |
|
la toute Toute-puissance divine. L'autre |
|
se tire tous les jours du même néant, à |
|
même instant que cette matière corporelle |
|
commence à être disposée & organisée |
|
pour recevoir cette forme divine, |
|
qui n'est nullement matérielle, puisqu'elle |
|
vient d'ailleurs, & de la puissance |
|
divine. |
|
C'est ici un second témoignage d'amour | Amour
|
signalé de Dieu envers nous, que | signalé de
|
tous les jours pour l'amour de nous, sur le | Dieu envers
|
point que la semence humaine vient à | l'homme en sa
|
être disposée par sa chaleur intérieure | naissance.
|
qui la dispose à cet effet; aussitôt Dieu |
|
infuse cette âme divine qu'il crée par sa |
|
toute-puissance du centre du néant pour |
|
l'amour de l'homme, & en le créant l'infuse, |
|
& l'infusant la crée, pour la mettre |
|
dans ce corps glaireux de semence, qui ne |
|
fait que de sortir de recevoir sa dernière |
|
disposition, qu'elle doit avoir pour recevoir |
|
cette âme, comme la forme la plus |
|
parfaite qu'elle puisse avoir. Or cette |
|
@
352 Livre cinquième.
subsistance glaireuse est toute pleine des
esprits, j'appelle esprits de substance,
ignés, éthérés & célestes, desquels
cette substance est toute pleine, qui sont
tous portés à la forme humaine; &
partant ils figurent & forment cette
substance en corps humain, lequel aussitôt
qu'il a reçu la dernière disposition
par ces esprits naturels, aussi cette divine
forme y vient, laquelle ils reçoivent
avec contentement & liesse, & lui administrent
après pendant tout le temps
qu'elle y demeure, & font tout ce qui est
nécessaire & qui tend à la perfection de
tout l'individu: Ils achèvent de perfectionner
ce corps, ils étendent les nerfs,
les durcissent & clarifient, ils cavent &
pertuisent les veines, & les artères, &
durcissent leurs tuniques, coagulent
les tendons & les cartilages, fixent & affermissent
les os, les remplissent de moelles,
les pertuisent, les rendent spongieux
& pleins de pores, afin qu'ils y puissent
entrer & sortir à leur plaisir & volonté,
pour y apporter la vie nécessaire, les faire
croître & affermir, pour être les colonnes
& les bases, & fondement de tout ce
bâtiment. Cependant l'âme pareillement
montre & manifeste ses plus rares
dons
@
des secrets Chimiques. 353
dons & qualités, fait parade de sa divinité, |
|
déclare sa prudence & sagesse à |
|
mesure que ces esprits travaillent, & sont |
|
occupés nuit & jour à lui parfaire & |
|
orner sa maison & son Palais, pour lequel | Le corps
|
parfaire ils ne cessent jamais; aussi | humain a
|
ont-ils à travailler incessamment: car | besoin d'une
|
leur bâtiment est la bile, & à mesure | perpétuelle
|
qu'ils dressent & parachèvent quelque | réparation.
|
pièce d'un côté, de l'autre il croule & |
|
tombe quelque autre: c'est un bâtiment |
|
qui a besoin d'une perpétuelle réparation, |
|
& avec tout cela ils ne peuvent |
|
empêcher qu'enfin il ne croule entièrement, |
|
& que l'âme ne soit contrainte |
|
de déloger, attendant que son Créateur |
|
lui rebâtisse son Palais & sa maison, |
|
d'une autre matière plus ferme & constante, |
|
où elle puisse demeurer à jamais |
|
pour le glorifier, & lui chanter des |
|
louanges infinies. C'est ici que ceux qui | Matière en
|
ont des yeux de Lynx peuvent voir les | l'homme qui
|
secrets, & raretés merveilleuses qui sont | est le fondement
|
en la Nature; car puisque Dieu en la rénovation | de l'incorruptibilité.
|
du monde, sera le corps de |
|
l'homme immortel & incorruptible, il |
|
faut bien qu'il y ait quelque matière en |
|
l'homme, qui soit le fondement de son |
|
incorruptibilité, qui parmi tant d'altérations |
|
Z |
|
@
354 Livre cinquième.
| & corruptions visibles demeure
|
| incorruptible: car il ne se perd pas entièrement,
|
| & ne s'anéantit point; mais demeure
|
| toujours parmi tant d'altérations
|
| quelque chose d'incorruptible, qui
|
| doit être le sujet de sa résurrection, autrement
|
| la résurrection serait plutôt
|
| une création ou génération, pour le
|
| moins plutôt que résurrection, qui n'est
|
| autre chose que la réunion des mêmes
|
| parties, qui avaient été séparées par le
|
| moyen du désaccord, unissant icelles: Or
|
| Dieu en la résurrection des hommes fera
|
| la paix entière, & mettra l'accord général
|
| entre ces moyens unissant, qui sont
|
| les quatre éléments, & les accordera si
|
| bien que jamais plus ils ne seront en discorde,
|
| ni en querelle, mais s'uniront
|
| d'une paix perpétuelle; tellement que
|
| ces parties désunies par la discorde de
|
| ces quatre éléments, unis après par la
|
| concorde & paix d'iceux, seront unies
|
Preuve de | éternellement. Que si le corps humain
|
l'immorta- | a un fondement incorruptible par lequel
|
lité de | il subsiste perpétuellement parmi
|
l'homme. | tant d'altérations & corruptions, il faut
|
| bien pareillement que l'âme demeure
|
| incorruptible, pour être unie incorruptiblement
|
| à ce corps qui attend son entière
|
@
des secrets Chimiques. 355
perfection, par l'union de son âme.
Il y a encore des merveilles très grandes
sur l'union de cette âme divine avec son
corps, qu'il faut déclarer par des Chapitres
particuliers.
----------------------------------------
Q U E S T-C E Q U I F A I T
l'union de l'âme humaine avec son
corps? & d'où vient sa longue
& courte vie?
Chapitre III.
Ntre le corps humain Qu'est-ce |
|
& son âme immortelle, il | qui fait
|
y a une différence si grande, | l'union de
|
que qui la pèse & | l'âme humaine
|
considère de près, est ravi | avec
|
en admiration, par quel | le corps?
|
moyen elle se peut unir à ce corps, si différent |
|
& si loin de sa perfection & de |
|
son essence: Elle étant toute divine, immortelle, |
|
homogène & semblable en |
|
toutes ses parties, très simple, indivisible, |
|
une en son tout, qui n'a rien en elle d'élémentaire, |
|
ni d'astral & céleste: mais |
|
elle est une autre Nature toute supérieure |
|
Z ij |
|
@
356 Livre cinquième.
à celle-ci. Le corps au contraire tout
matériel, corruptible, divisible en une
infinité de parties dissemblables & hétérogènes,
tout élémentaire & céleste,
pêle-mêle ensemble en un chaos d'altération
& corruption: comment est-il
possible que ces parties tant différentes
se puissent voir ensemble pour demeurer
unies l'espace de quatre-vingt ou cent
ans, & aux premiers siècles que la Nature
n'était pas si corruptible, pouvaient-
elles demeurer ensemble unies l'espace
de mille ans: cherchons dans la Nature
le noeud & lien qui lie & attache ces parties
si différentes un si long temps. Il est
vrai que cet assemblage & union des
parties si différentes est super-naturel, &
que la puissance de Dieu est le principal
lien de cet assemblage; il y en a encore un
autre qui dépend de la Nature, sous les
lois duquel Dieu a soumis cet assemblage,
lequel persistant en son bon ordre
& en son bon point donne la persistance
& la durée à cette union; lui manquant,
tout va en déroute, & en destruction
mortelle.
C'est enfin une substance éthérée,
toute pleine de lumière & d'influence
céleste, qui ne participe que de la quintessence
@
des secrets Chimiques. 357
pure & nette des quatre éléments | La quintessence
|
& de la plus pure influence céleste, qui | de
|
& une pure lumière solaire incorporée | l'esprit du
|
& mêlée avec cette quintessence élémentaire: | monde est le
|
Cette quintessence élémentaire | lien de l'âme
|
le fait participer avec le corps, & cette | & du corps.
|
pure lumière claire le fait participer |
|
avec l'âme humaine; car comme elle est |
|
une étincelle de la lumière incréée, celle- |
|
ci est une étincelle de la lumière créée, |
|
symbole de l'incréée. Quelques Philosophes, |
|
entre autres Raymond Lulle, ont |
|
voulu soutenir que cette lumière créée, |
|
est de la même étoffe que les Anges, & |
|
l'âme raisonnable, sauf que l'acte intelligible |
|
n'y est point, qui fait la différence |
|
de ces lumières créées. Si cela était vrai, |
|
comme selon son avis, il n'implique |
|
point, & n'y a point d'absurdité que cela |
|
ne puisse être; cette lumière créée qui se |
|
trouve en l'homme en ces esprits naturels, |
|
vitaux & animaux, participerait de |
|
beaucoup avec la substance de l'âme raisonnable, |
|
& le noeud & lien du mariage |
|
de l'âme humaine avec son corps, ne serait |
|
pas fort difficile à trouver, & à soutenir: |
|
car cet esprit & lumière étant |
|
unie avec la quintessence des quatre éléments, |
|
serait fort bien le moyen de cette |
|
Z iij |
|
@
358 Livre cinquième.
| union, comme il l'est à la vérité, & il n'y
|
| en a point d'autre en toute la Nature que
|
| celle-ci: Car nous voyons par expérience
|
| que tant que ces esprits sont vigoureux,
|
| forts & puissants dans le corps humain,
|
| nous voyons aussi que cette union
|
| est forte & puissante en toutes ses
|
| actions, & à mesure que la force & vigueur
|
| de ces esprits manquent, nous
|
| voyons aussi manquer & faillir les actions
|
Qu'est-ce | de cette union, & la désunion de ses
|
qui fait la | deux parties, se faire en telle façon, qu'il
|
courte & | ne faille en nulle façon douter, que cette
|
longue vie | substance qui constitue les esprits naturels,
|
ès homme. | vitaux & animaux ès hommes, ne
|
| soit le moyen unissant de l'âme & du
|
| corps: Et que la même substance spirituelle
|
| ne soit la cause efficiente & matérielle
|
| de la longue & courte vie ès hommes;
|
| longue quand cette quintessence
|
| élémentaire est fort dépurée de ces excréments
|
| & séparée de son limon, car à
|
| mesure qu'elle est ainsi préparée, la lumière
|
| & cette influence solaire se mêle
|
| plus parfaitement avec cette quintessence
|
| élémentaire, & est d'une plus forte union
|
| que non pas quand elle n'est pas bien
|
| dépurée & séparée des limons & fèces
|
| élémentaires: lesquels limons font la
|
@
des secrets Chimiques. 359
courte vie en l'homme; d'autant qu'ils |
|
empêchent l'union parfaite de l'influence |
|
céleste, avec la quintessence élémentaire, |
|
& par même moyen empêchent |
|
aussi l'union parfaite, avec force & vigueur |
|
de l'âme & du corps; car tant plus |
|
cette substance est pure, tant plus elle |
|
s'approche de la perfection de la forme |
|
humaine, & tant plus par ce moyen l'unit- |
|
elle & la marie avec le corps: D'où nous | Afin que le
|
pouvons préméditer qu'afin que le corps | corps s'unisse
|
humain s'unisse éternellement avec son | à perpétuité
|
âme, il faut nécessairement qu'il se dépouille | avec l'âme,
|
de tous ses excréments élémentaires, | il faut qu'il
|
& l'âme aussi de tous ses péchés; | meure.
|
& que par ainsi il faut nécessairement |
|
qu'ils se séparent, l'un d'avec l'autre, que |
|
le corps pourrisse, & qu'en cette putréfaction |
|
il faut qu'il délaisse tout ce qui est |
|
de corruption & de pourriture, & qu'il |
|
sorte d'icelle pur & net de toute ordure, |
|
& que l'âme pareillement se purifie aussi |
|
de tout ce qui la peut contaminer & |
|
souiller; & ainsi purifiée soit jointe à son |
|
corps pur & net, & que de l'union de ces |
|
deux purs & nets, résulte un composé |
|
éternel & incorruptible pour jamais. |
|
Pour lors ce moyen unissant cette quintessence |
|
élémentaire & céleste, sera tellement |
|
Z iiij |
|
@
360 Livre cinquième.
| pure qu'elle s'approchera de la
|
| perfection de l'âme; & à cause de sa pureté
|
| unira si parfaitement le corps avec
|
| son âme, qu'il en fera un composé éternel
|
Secret | & incorruptible. Ces méditations
|
merveil- | sont tirées de l'action des Philosophes
|
leux pour | sur leur grande oeuvre, car ici pour rendre
|
rendre les | ce composé incorruptible, ils séparent
|
choses in- | en premier lieu par la solution & putréfaction,
|
corrupti- | cet esprit unissant & cette
|
bles. | quintessence céleste & élémentaire,
|
| la rendent toute feu dans le ventre
|
| de l'eau, tout air dans le ventre de la
|
| terre; & ainsi ils unissent tellement les
|
| éléments, & les convertissent les uns
|
| avec les autres, que ce qui était auparavant
|
| froid & humide, devient chaud &
|
| sec, ce qui était eau devient terre, &
|
| cette terre devient air, & cet air pur feu;
|
| l'occulte se fait manifeste, & le manifeste
|
| se fait occulte, sans toutefois rien perdre
|
| de la substance des quatre éléments;
|
| mais seulement les dépurer & séquestrer
|
| de toute ordure, & cacher les actions des
|
| uns & des autres dans leur ventre car
|
| lorsque le feu est apparent & manifeste,
|
| il a ses actions apparentes & manifestes,
|
| & tient cachées les actions des autres éléments
|
| dans son ventre. En cette façon ils
|
@
des secrets Chimiques. 361
dépurent tellement cette quintessence &
moyen unissant des formes & des corps,
qu'ils la rendent entièrement incorruptible,
& permanente à l'encontre de tous
agents: En après ils viennent à dépurer le
corps par l'action du feu, en telle façon
qu'ils le rendent égal en pureté à son esprit,
ils unissent après ce corps avec cet
esprit; & de cette union en résulte une
forme qui ne quitte jamais plus son
corps, tellement que c'est un composé
incorruptible: Et de là nous pouvons
méditer par-dessus les révélations que les
Chrétiens en ont, qu'il faut assurément
croire que Dieu l'Alchimiste des Alchimistes
fera ainsi du corps humain & de
l'âme humaine, pour les unir éternellement
ensemble. Voyons à présent quelle
différence il y a entre cet esprit unissant
& le corps humain, & de quelles
parties naturelles ils sont composés, afin
que nous puissions avoir par l'Alchimie
une connaissance plus parfaite de nous-
mêmes, que par la Philosophie commune
& scolastique.
@
362 Livre cinquième.
----------------------------------------
D E L A D I F F E R E N C E
du corps humain d'avec son esprit,
qui unit l'âme humaine avec
le corps.
| Chapitre IV.
|
|
|
| L y a dans l'homme tant
|
| de ressorts, tant de parties
|
| différentes, que je
|
| n'entends point parler ni
|
| écrire d'icelles en ce
|
| chapitre, laissant cet affaire
|
| particulière aux Anatomistes, je me
|
| contente de pouvoir écrire la différence
|
| du corps humain avec son esprit, qui unit
|
| l'âme humaine avec ledit corps, & de
|
| décrire leurs parties intégrantes, naturelles,
|
| qui les composent & qui font &
|
| constituent leur différence.
|
| Pour bien & dûment faire comprendre
|
| la différence de cet esprit avec
|
| le corps humain, il est nécessaire que
|
| nous démontrions les parties de la semence
|
| humaine, de laquelle cet esprit &
|
@
des secrets Chimiques. 363
ce corps sont formés & produits. Il est | De quoi est
|
très certain que la semence & sperme | composé la
|
humaine est composée de la quintessence | semence
|
des quatre éléments, & de la quintessence | humaine.
|
de la lumière & influence des |
|
Astres, coulée dans la semence humaine |
|
par le moyen des aliments que l'homme |
|
use pour se nourrir & maintenir en son |
|
être; laquelle quintessence est dans lesdits |
|
aliments par le moyen de la terre qui |
|
les produit & engendre & nourrit tous; |
|
où cette quintessence que nous avons appelée | La semence
|
semence universelle, est jetée dans | générale est
|
le centre de la terre, comme dans les | jetée dans le
|
reins du monde pour y être digérée & | centre de la
|
cuite à perfection, pour de là être distribuée | terre comme dans
|
à tous les genres des mixtes pour | les reins pour
|
leur nourriture & entretien. | être digérée.
|
L'homme donc prend cette quintessence |
|
& semence universelle du monde, |
|
qui est spécifiée & individuée dans les |
|
mixtes naturels qui lui servent d'aliments, |
|
& la cuit & digère dans ses vaisseaux |
|
propre & destinés à ce faire, & la fait |
|
sienne & particulière: Or comme dans |
|
la semence universelle vous avez la lumière |
|
& influence des Astres, qui est la |
|
plus subtile partie, & la plus agissante; & |
|
la quintessence des éléments qui est la |
|
@
364 Livre cinquième.
| partie la plus crase, & plus épaisse; bien
|
| que toutes deux ensemble soient si bien
|
| mêlées & unies en ce corps de semence,
|
| qu'il est impossible de les séparer, en telle
|
| façon qu'il se trouve une partie où il
|
| n'y ait que la semence astrale, & en l'autre
|
| partie, qu'il n'y ait que la semence
|
| élémentaire; tout est mêlé ensemble:
|
| Toutefois peut-on diviser ces deux parties
|
De quoi | par le moyen de l'entendement, quand
|
sont com- | en une partie il y aura plus de semence
|
posés les | astrale qu'en l'autre, & celle-ci sera appelée
|
esprits du | proprement semence, & l'autre partie
|
corps hu- | sperme: Car à la vérité le sperme est
|
main. | le corps de la semence, & la semence est
|
De quoi est | quasi l'âme & l'esprit du sperme. De
|
composé le | la semence donc ou de la partie lumineuse
|
corps hu- | & astrale qui est au sperme humain
|
| les esprits vitaux, animaux, & naturels
|
| sont faits & composés, & de l'autre
|
| partie plus crasse & terrestre, qui est le
|
| sperme, toutes les autres parties du corps
|
| humain qui le constituent & parfont,
|
| sont faites & produites; ainsi le corps humain
|
| est fait & produit de la partie plus
|
| crasse & élémentaire qui est au sperme
|
| humain, & son esprit est fait & engendré
|
| de la partie plus subtile & astrale qui
|
| s'y trouve: Tellement qu'ils ne diffèrent
|
@
des secrets Chimiques. 365
point qu'en pureté & subtilité de substance,
tous deux sont faits & composés
d'une même chose; mais l'un qui est l'esprit
est fait de la partie lumineuse &
quintessence céleste, avec la pure partie
de la quintessence élémentaire, qui se
trouve dans le sperme humain, & l'autre
qui est le corps est fait du reste. D'où
vient que l'esprit est tout plein de mouvement,
& de lumière & de feu, & de
vie, comme fait de telles substances,
d'où sort comme de sa vraie source la vie
& le mouvement: Et le corps est pesant
& massif, comme provenant des substances
crasses & terrestres, tardives & pesantes.
Ceux qui divisent la semence humaine,
ou corps spermatique en sel, soufre
& mercure, & assurent que de la partie
plus pure du soufre & du mercure,
& de la partie plus volatile du sel, l'esprit
humain se fait & compose, c'est dire
la même chose que nous disons: car
nous savons très bien que la semence
générale & particulière de toutes choses
est composée de ces trois principes, lesquels
principes ne sont autre chose que
la quintessence des Astres, & des Eléments:
Car comme ils ont donné l'être
@
366 Livre cinquième.
| aux Eléments & aux Astres, les Eléments
|
| ni les Astres ne peuvent rien produire,
|
| où ces trois principes ne soient infus, comme
|
| la première matière de toutes choses,
|
| & la vertu même productive des Astres,
|
Qu'est-ce | & des Eléments. Car quand nous disons
|
à dire quand | que les trois principes viennent des Eléments
|
on dit que | & des Astres, ce n'est pas à dire
|
les trois | que les trois principes soient faits & produits
|
principes | de nouveau par les Astres & Eléments;
|
procèdent | mais seulement les Astres & les
|
des Astres | Eléments poussent & mettent au dehors
|
& des Elé- | ce qui est en eux de vertu productive &
|
ments. | générative, qui leur a été implantée
|
| par la vertu des trois principes, qui demeurent
|
| en eux incorruptible & permanente.
|
| Aussitôt donc que la semence humaine
|
| a été jetée dans sa matrice, &
|
| dans son lieu propre & apte pour produire
|
| & engendrer ce qui est de son intention,
|
| & de son voeu, & qu'elle est suscitée
|
| par la chaleur naturelle de sa matrice.
|
| Cette partie Astrale & Céleste qui est en
|
| elle, commence à travailler, disposer, &
|
| agencer l'autre partie plus crasse & terrestre
|
| en corps humain, l'organise, & fait
|
| triage de ce qu'il faut, pour les os, pour
|
| les nerfs, pour les tendons, pour les veines,
|
@
des secrets Chimiques. 367
pour les artères, pour les viscères, | En combien
|
& pour tout le reste, & ce avec une telle | de temps
|
vitesse & promptitude, qu'il est difficile | le corps humain
|
à le croire: car j'ai vu, & une infinité | est
|
d'autres avec moi; un Embryon parfaitement | organisé.
|
organisé, où l'on pouvait distinguer |
|
parfaitement toutes les principales |
|
parties, comme la teste, les yeux, le nez, |
|
les bras, les mains, les pieds, les cuisses, & |
|
le tronc du corps; & cependant tout ce |
|
corps n'était encore que semence glaireuse |
|
& limpide, qui n'avait aucune forme |
|
& idée de chair, mais tout était limpide |
|
& cristallin; & l'on voyait cependant |
|
dans ce cristal un corps humain parfaitement |
|
organisé, & distingué en toutes |
|
ses principales parties. Ce qui me | Dans le
|
fait croire que l'âme humaine ne demeure | quantième
|
pas si longtemps à être infusée & | jour l'âme
|
créée dans son corps, comme l'on dit, & | est infusée
|
je crois qu'elle est infusée & créée dans le | dans le
|
sixième jour; parce que dans ce temps | corps.
|
le corps humain est parfaitement organisé |
|
par un esprit: Car comme Dieu Créateur |
|
de toutes choses parfit ce grand |
|
univers en toutes ses parties, dans six |
|
jours, & le septième se reposa. Il veut |
|
de même que l'homme qui est l'abrégé |
|
de ce grand Univers soit parfait & complet |
|
@
368 Livre cinquième.
| dans le sixième jour, il est vrai que
|
| le mouvement réel & manifeste & sensible
|
| ne peut paraître en ce temps-là. Et
|
Explica- | c'est l'occasion pourquoi Hippocrate au
|
tion d'Hip- | livre de Octimestri parta, a très bien remarqué
|
pocrate sur | que le quarantième jour était
|
l'infusion | celui qui achevait entièrement de perfectionner
|
de l'âme | le corps humain: mais il ne
|
humaine. | dit pas qu'en ce temps-là seulement
|
| l'âme humaine fût infusée, & non plutôt;
|
| mais seulement il dit qu'en ce
|
| temps-là le corps est achevé de parfaire,
|
| il entend que chaque partie a son entière
|
| perfection, & que l'âme avec son esprit
|
| qui est son instrument & son génie, a
|
| achevé de consolider & estimer toutes
|
| les parties de la semence, qu'à son entrée
|
| n'était que distinctes & séparées, & non
|
| entièrement cuites & parfaites, selon le
|
| but & intention de la Nature, & que
|
| dans le quatrième elles ont eu leur entière
|
| coction chacune selon son espèce
|
| bien qu'elles n'aient encore leur dernière
|
| perfection, qui ne s'achève qu'en l'âge
|
| viril de l'homme: cette perfection n'est
|
| pas nécessaire pour l'introduction de
|
| l'âme; mais seulement la distinction des
|
| parties; que la semence soit divisée en
|
| toutes les parties qui doivent continuer
|
| & former
|
@
des secrets Chimiques. 369
& former un corps parfait, & c'est comme |
|
je veux & ose croire, que c'est dans |
|
le sixième jour, pendant lequel cette |
|
partie spirituelle de la semence, la sépare |
|
& distingue en toutes ses parties, & |
|
l'âme venant là-dessus informe tout, & |
|
parachève avec le même esprit à cuire & |
|
condenser, & affermir toutes lesdites |
|
parties, que ledit esprit n'avait que distinguées |
|
& séparés seulement pour la |
|
constitution & formation du corps humain. |
|
L'âme en ce temps-là, trouve le |
|
corps tout disposé à la recevoir sans aucune |
|
résistance, toutes les parties étant |
|
molles, & ressentant encore la substance |
|
de la semence: L'âme comme un rayon de | L'âme de
|
lumière divine, s'insinue dans icelles, & | l'homme est
|
pénétrant toutes lesdites parties, s'unit | un rayon de
|
parfaitement avec elles & les informe, & | la lumière
|
donne l'être parfait à cet individu, qui | divine.
|
petit à petit après par la nourriture qu'il |
|
reçoit de sa mère, reçoit la dernière perfection |
|
qu'il doit recevoir dans sa matrice, |
|
pour de là sortir & en recevoir une autre |
|
plus ferme & constante par le moyen |
|
des aliments qu'il doit prendre hors du |
|
lieu de sa génération & production. |
|
Aa |
|
@
370 Livre cinquième.
----------------------------------------
D'O U V I E N T L A D I F-
férence & la diversité des hommes.
| Chapitre V.
|
|
|
| E nombre des hommes
|
| est si grand que l'arithmétique
|
| ne le peut soumettre
|
| sous ses nombres,
|
| & cependant il ne
|
| s'en trouve pas un semblable
|
| à l'autre de point en point. Ceux
|
| qui ont voulu rechercher la cause de cette
|
| diversité se tiennent aux divers tempéraments
|
| des uns & des autres, & que de
|
D'où vient | la différence de ce tempérament, la semence
|
la diversi- | qui est la cause immédiate de la
|
té des hom- | production des hommes, reçoit les traits
|
mes. | premiers de cette variété, car il est impossible
|
| que le tempérament ne donne
|
| ce qu'il a, à la semence, & qu'il n'introduise
|
| cette harmonie des quatre qualités
|
| en icelle, laquelle harmonie comme elle
|
| ne demeure jamais en même état, mais
|
| toujours plus ou moins, est dissemblable
|
| à soi-même, ne demeurant jamais sur
|
@
des secrets Chimiques. 371
le même poids & égalité, tantôt penchant
d'un côté, tantôt de l'autre; tantôt l'humide
prédomine, & tantôt le chaud, selon
les diversités de l'âge de l'homme,
les maladies & la santé, qui tous ont un
grandissime pouvoir de changer cette
température & harmonie des quatre qualités,
en telle façon qu'il est impossible
qu'elle demeure égale: Partant aussi
la semence venant à changer de température
comme le corps change, où elle
est enfermée, il faut de nécessité que les
esprits Architectoniques; autrement appelés
productifs & formatifs de la semence,
tendent à diverses formes & diverses
figures, parce que la matière de
laquelle ils forment & composent leurs
corps, est entièrement différente en la
production des généraux, la semence
desquels est une & semblable en toutes
ses parties & de pareil tempérament, cependant
pour s'être seulement divisée
dans la matrice, & l'une s'être retirée du
côté droit, & l'autre du côté gauche,
cette seule division de la semence lui
cause une telle différence, & y introduit
des qualités diverses, que ce qui en vient
à naître est entièrement différend, non
seulement en forme & en figure, mais en
Aa ij
@
372 Livre cinquième.
D'où vient | sexe, l'un sera mâle, & l'autre femelle.
|
la diversi- | Et c'est que la partie de la semence qui
|
té du sexe | se sera retirée du côté droit, comme
|
ès gé- | étant la partie du corps la plus chaude &
|
meaux. | vigoureuse, aura entretenu la force & la
|
| vigueur & chaleur de la semence, d'où
|
| sera sorti un mâle; & l'autre partie pour
|
| s'être retirée du côté gauche, qui est la
|
| partie plus froide du corps humain, aura
|
| là reçu des qualités froides, qui auront
|
| de beaucoup diminué & amoindri la vigueur
|
| de la semence, & de là sera sortie la
|
| femelle, qui cependant en sa première
|
Le tempé- | source était toute mâle; & voilà comme
|
rament est | la température seule est la cause de
|
la cause | la diversité des productions & générations
|
de la diffé- | humaines: car est-il possible que les
|
rence des | esprits formatifs & productifs qui sont
|
hommes. | en sa semence, fassent & produisent choses
|
| du tout semblables, si la matière y répugne,
|
| & est dissemblable: De la diversité
|
| des tempéraments provient la diversité
|
| des soufres blancs & rouges; car
|
| ce n'est que digestion & coction différente,
|
| qui fait le soufre blanc & rouge:
|
| Outre qu'il y a dans l'homme des soufres
|
| corrompus, & contre-nature, du
|
| mélange desquels avec les naturels &
|
| balsaniques*, se font un million de diverses
|
@
des secrets Chimiques. 373
couleurs, par lesquelles le sel & le |
|
mercure sont teints & colorés: Davantage, |
|
par ce divers tempérament, le sel & |
|
mercure naturels, sans comprendre ceux |
|
qui sont contre-nature, prennent différente |
|
coagulation en leur substance; tellement |
|
que de là vient la petitesse ou | La petitesse
|
grandeur & extension des corps humains. | & grandeur
|
| ès corps humain
|
Cela ajouté avec un million de couleurs | d'où
|
différentes qui proviennent des soufres, | vient-elle?
|
est-il possible qu'il se puisse rencontrer |
|
deux hommes en tout semblables |
|
& pareils? les saisons différentes, la diversité |
|
des aliments, l'influence différente des |
|
Astres, les climats de la terre distincts & |
|
séparés; d'où vient que les Français ne | D'où vient
|
ressemblent jamais aux Espagnols, ni les | la différence
|
Normands aux Picards, ni ceux de Languedoc | des Français
|
aux Gascons & Provençaux, & | & Espagnols.
|
ainsi des autres Provinces & Royaumes, |
|
qui étant différents en climats, ont toujours |
|
quelque différence remarquable |
|
en leurs personnes. En telle façon que |
|
nous pouvons facilement comprendre |
|
que tous les hommes sont différents & |
|
dissemblables les uns des autres, tant par |
|
les causes externes qui agissent continuellement |
|
contre eux, que par les causes |
|
Aa iij |
|
@
374 Livre cinquième.
| internes, différentes entre celles qui sont
|
| & composent toutes les parties corporelles
|
| de l'homme.
|
| ----------------------------------------
|
| D'O U V I E N T L A G E N E-
|
| ration & production des mâles
|
| & femelles.
|
|
|
| Chapitre VI.
|
|
|
Les fem- | Es femelles ne sont point
|
mes ne sont | des monstres, ni des créatures
|
point des | faites par cas fortuit
|
monstres. | comme quelques-uns des
|
| Philosophes anciens nous
|
| ont voulu faire accroire:
|
| elles sont aussi parfaites & accomplies en
|
| leur espèce que les mâles, il n'y a d'autre
|
| différence & distinction, sinon que
|
| leur semence dont elles sont procréées
|
D'où sont | & engendrées est beaucoup plus froide
|
faites les | & humide que celles-là des mâles, où
|
femmes. | l'élément du feu & de l'air prédomine
|
| sur les autres éléments. Et en celle des
|
| femelles l'élément de l'eau & de la terre
|
| est supérieur: Hippocrate au premier livre
|
| de sa Diète & méthode de vivre,
|
@
des secrets Chimiques. 375
nous assure le même par ces termes: Si | Moyen pour
|
igitur foemellam parere velis diaeta ad aquam | produire des
|
vergente utendum. Si vero masculum victu | mâles &
|
ad ignem tendente vtendum: Car puisque | des femelles.
|
pour engendrer & produire des femelles, |
|
il faut user d'une manière de vivre |
|
froide & humide, c'est pour produire une |
|
semence telle, de laquelle les femelles se |
|
produisent; & pour engendrer des mâles, |
|
il faut user d'une manière de vivre |
|
tendant au feu, chaude & sèche, c'est |
|
afin de produire & faire une semblable |
|
semence de laquelle les mâles se font. |
|
La semence donc des femmes n'est |
|
point différente de celles des hommes | Les femmes
|
& mâles, qu'en qualité, la substance est | ont toutes
|
toute pareille, aussi ont les femelles toutes | les parties
|
les parties que les hommes ont, & ce | des hommes.
|
que les hommes ont dehors, qui a été |
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poussé au-dehors par la vigueur de leur |
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forte chaleur, les femmes l'ont au-dedans |
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que le froid & humide ont retenu au-dedans: |
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Vous voyez aussi toutes les femmes |
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à cause de ce tempérament froid & |
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humide, moins fortes que les hommes, |
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plus timides & moins courageuses, à |
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cause que la force, le courage & l'action |
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viennent du feu & de l'air, qui sont les éléments |
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actifs; & partant les appelle-t-on |
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Aa iiij |
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376 Livre cinquième.
La forme | mâles; & les autres éléments, l'eau & la
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& le courage | terre, éléments passifs & femelles: Tellement
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d'où vient-il | que les hommes sont des femmes
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Les fem- | occultes, car ils ont les éléments femelles
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mes sont | cachés au-dedans, & les éléments
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des hommes | mâles apparents au-dehors; & les femmes
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occultes, & | au contraire sont des hommes occultes,
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les hommes | parce qu'elles ont les éléments
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sont des | mâles cachés au-dedans, & les éléments
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femmes | femelles apparents & manifestes
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occultes. | au-dehors.
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Les fem- | Ce qui nous pourrait en quelque façon
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mes se peu- | faire accroire les propositions que
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vent chan- | quelques Historiens mettent en avant,
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ger en | qu'ils ont vu des femelles changées en
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hommes. | mâles; car il n'est pas impossible que par
|
| un bon aliment, tendant à un tempérament
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| chaud & sec, la chaleur faible des
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| femelles ne puisse devenir forte à tel degré,
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| qu'elle ait moyen de pousser au-dehors
|
| les parties que sa faiblesse avait retenues
|
| au-dedans dans la matrice de sa
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| production.
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Les fem- | De tout ce discours, nous pouvons
|
mes sont | aisément comprendre que les femelles
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faites d'u- | sont engendrées & produites d'une semence
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ne semence | froide & humide, & les mâles
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froide & | d'une semence chaude, pleine de feu, en
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humide. | laquelle la vigueur des Astres & leur influence
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@
des secrets Chimiques. 377
prédomine de beaucoup sur la
quintessence élémentaire: Tellement
que ceux qui souhaiteront produire des
enfants mâles, tâcheront de se nourrir
de tous bons aliments chauds & ignés,
& feront un fort & violent exercice, afin
de pouvoir produire une semblable &
pareille semence de laquelle les mâles
se font. Et ceux qui souhaiteront avoir
des filles, tâcheront de se nourrir des
aliments contraires, tendant à un tempérament
froid & humide, pour engendrer
une semence pareille, de laquelle
les femelles se font & s'engendrent.
@
378 Livre cinquième.
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D E Q U E L L E P A R T I E
de la semence les os sont faits
& composés.
Chapitre VII.
Omment est-il possible
que dans la semence & matière
spermatique des animaux,
qui est une substance
molle, aqueuse & aérienne se trouve en
icelle quelque partie qui puisse par la
seule coction légère & très débile, devenir
ferme & solide en consistance d'os,
qui égale en dureté la solidité des pierres:
Il ne faut être par trop étonné de
cette oeuvre de Nature, puisqu'elle a de
coutume d'en faire tout autant & davantage
dans la semence des métaux &
pierres précieuses; la semence de tous
lesquels, au commencement de leur
être est aussi molle & liquide que peut
être celle de l'homme, & de tous les
autres animaux. Cependant dans cette
mollesse il y a un certain feu invisible,
qui par son action imperceptible, nuit &
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des secrets Chimiques. 379
jour agissant, cuit cette partie molle, & |
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par le moyen de son sel imperceptible & |
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insensible, coagule & affermit en telle |
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façon les parties les plus crasses & terrestres |
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de cette semence, qu'enfin elle en |
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fait de l'or & des diamants, beaucoup |
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plus durs & solides que ne sont pas les os |
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des hommes: Tellement qu'il nous est |
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très facile à juger de la génération des |
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métaux & pierres, tant précieuses qu'autres, |
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comment & en quelle façon, les os | Les os d'où
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ès hommes & animaux s'endurcissent, se | sont-ils
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font & composent de la partie plus crasse | faits.
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& terrestre de la semence humaine, |
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qu'en Alchimie on peut nommer sel; car |
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c'est la partie de la semence qui congèle |
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& affermit toutes les parties du corps, |
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leur donnant la solidité nécessaire |
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compétente qui leur est due à chacune, |
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les esprits formatifs & Architectoniques |
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travaillant nuit & jour dans la semence |
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humaine à la diviser & départir en toutes |
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les parties du corps: Des parties mercurielles | La chair
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de la semence, ils font les chairs | d'où est-elle
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toutes les parties qui en dépendent; | faite & les
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de la partie du soufre les esprits & parties | esprits cartilages
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ignées & éthérées, & de la partie du | &
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sel, les os, cartilages & tendons, & la fermeté | tendons.
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entière & solidité de tout le corps. |
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380 Livre cinquième.
| Après que la semence & été ainsi départie
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| & divisée par ces esprits, & le corps
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| formé & organisé entièrement & parfaitement,
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| l'âme étant infuse, & l'informant,
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| il est après nourri de la même &
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| pareille matière dont il est composé, &
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| chaque partie attire à soi par une vertu
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| communicative & attrayante, qui est, &
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| réside en chacune d'icelles, son pareil aliment:
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