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Réfer. : AL0919
Auteur : Pierre Iean Fabre.
Titre : L'Abrégé des secrets chymiques.
S/titre : ov l'on void la natvre des animaux
vegetaux & mineraux entierement découuerte.
Editeur : Pierre Billaine. Paris.
Date éd. : 1636 .
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L'ABREGE D E S S E C R E T S C H Y M I Q V E S
OV L'ON VOID LA NATVRE des animaux vegetaux & mineraux entierement découuerte:
AVEC LES VERTVS ET PRO- prietez des principes qui composent & con-
seruent leur estre; & vn Traitté de la
Medecine generale.
Par M. PIERRE IEAN FABRE, Docteur en
la Faculté de Medecine de l'Vniversité de Montpellier.
pict
A P A R I S. Chez PIERRE BILLAINE, ruë S.Iacques, à la Bonne-Foy, deuant S. Yues. ------------------------------ M. DC. XXXVI. AVEC PRIVILEGE DV ROY.
@
@

pict

A M O N S I E U R FRERE UNIQUE D U R O I, DUC D'ORLEANS.
pict ONSEIGNEUR,
Tout le monde révère & honore, voire quasi adore votre Grandeur; vu que votre naissance
leur promet des bonheurs
non pareils, à cet effet un chacun
vous adresse ses voeux: moi
à ij
@

E P I S T R E
le moindre de vos serviteurs en
grade & en qualité, mais grand en
affection & amour, depuis que j'eus
l'honneur de vous saluer dans Toulouse
en qualité de Consul député
de la ville de Castelnaudary, &
dans Bruxelles, comme passager,
j'ai conçu outre mon naturel devoir,
je ne sais quel feu d'amour
pour vous, que j'ai depuis toujours
travaillé de tout mon pouvoir, à le
vous faire paraître; & n'ayant
d'autre moyen que ma plume, sachant
que vous êtes naturellement
porté à la recherche des secrets naturels,
j'ai jugé être de mon devoir,
que cet abrégé des Secrets
Chimiques, qui montre la Nature
à nu, & fait voir à un chacun
ce qu'elle a de plus rare dans l'être
des animaux, végétaux & minéraux,

@

D E D I C A T O I R E.
vous fut présenté & dédié:
Vous-même me l'avez témoigné
pour agréable, lorsque dans Bruxelles
vous me fîtes l'honneur de
me demander ce qui était écrit
dans cet oeuvre, & que vous souhaitiez
de le voir imprimé; j'ai
fait mon possible à y mettre la dernière
main; Votre Altesse Royale
trouvera, à mon avis, l'oeuvre
curieuse, bien que rude en son langage,
mais toute pleine d'affection
& d'amour à vous rendre mes devoirs
par tous les lieux du monde
où je puisse être, en qualité de

MONSEIGNEUR,

Votre très humble, très affectionné, très obéissant & très fidèle serviteur. P. I. FABRE.
à iij
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E X T R A I C T DV P R I V I L E G E
du Roy.
P Ar grace & Priuilege du Roy, Donné à Paris, en datte du premier May 1635 Signé par le Roy en son Conseil.
C H O V I N. Il est permis à PIERRE
BLAISE, d'imprimer, ou faire imprimer
vn liure intitulé L'Abregé des secrets chymiques,
durant le temps de douze ans,
& deffences sont faites à tous Libraires,
Imprimeurs, & autres de contrefaire ny
alterer ledit liure, sur les peines portées
par ledit Priuilege.

Et ledit Blaise a associé audit Priuilege P I E R R E B I L L A I N E, & A NT H O I N E DE S O M M A V I L L E, marchands
Libraires, pour en ioüyr suiuant
l'accord fait entr'eux:

@
@

pict

T A B L E D E S C H A P I T R E S D E S S E C R E T S CHIMIQUES.
----------------------------------------

L I V R E P R E M I E R.

pict E l'origine de l'Alchimie, &
de sa perfection de siècle en
siècle. Chapitre I. page I
Que l'Alchimie est la vraie & unique
Philosophie naturelle, & qu'elle
comprend en soi toute la Nature. Chapitre
2. pag. 8
Des principes de l'Alchimie qui donnent
à connaître l'intérieur de toute la
Nature. Chap. 3. pag. 14
@

Du feu naturel de toutes choses, qu'en
Chimie on appelle soufre Ch 4. pag. 17
De l'humide radical de toutes choses,
qu'en Chimie on appelle Mercure.
Chap. 5. pag. 23
Du sel central, principe de toutes
choses. Chap. 6. pag. 33
Des éléments naturels: Qu'est-ce
qu'Elément. Chap. 7. pag. 42.
Du Ciel, premier élément naturel.
Chap. 8. pag. 48
De l'Air, second élément des choses naturelles.
Chap. 9. pag. 56
De l'Eau, troisième Elément. Chap.
10. pag. 65
De la Terre, quatrième & dernier
Elément. Chap. 11. pag. 79
Des principes de mort qui se trouvent
dans la Nature. Chap. 12. pag. 89
Du soufre contre-nature premier
principe de mort. Chap. 13. pag. 92
De l'humide étranger, ou Mercure
suffocant la vie, second principe de
@

mort. Chap. 14. pag. 97
Du sel corrosif & caustique, troisième
& dernier principe de mort. Chap.
15. pag. 104

----------------------------------------
Livre second.

P Ar quel moyen tous les principes
& éléments naturels sont unis en
la composition de l'esprit général du monde,
qu'on peut nommer Médecine générale.
Chap. 1. pag. 109
Qu'est-ce qu'esprit général du monde,
& Médecine universelle. Chap. 2.
pag. 115
De quels sujets peut-on tirer & extraire
cet esprit général du monde, & cette
Médecine universelle. Chap. 3.
pag. 118
De quelles parties est construite &
composée cette Médecine universelle, &
@

esprit général du monde. Chap. 4.
pag. 128
Des impuretés & saletés adventices
en l'esprit & Médecine générale.
Chap. 5. pag. 132
De la séparation des impuretés qui
se trouvent en l'esprit général & Médecine
universelle. Chap. 6. pag. 136
Pourquoi la Nature ne peut séparer
les impuretés & saletés qui sont en l'esprit
général du monde, & pourquoi peut-
elle seule achever la Médecine universelle.
Chap. 7. pag. 151
En quel temps de l'année, & en quels
lieux l'on peut plus abondamment colliger
la matière de notre Médecine universelle.
Chap. 8. pag. 157
Par quel artifice Chimique plus court
{{que le précédent, l'esprit général du monde}
se convertit en Astre, en Ciel, en Lune,
en Soleil, en talc, soufre, mercure &
sel des Philosophes. Chap. 9. pag. 163
Si l'or commun & vulgaire est nécessaire
@

à la perfection de notre Médecine
générale. Chap. 10. pag. 168
Par quel moyen notre Médecine générale,
complète & absolue en perfection
peut guérir toutes sortes de maladies.
Chap. 11. pag. 177

----------------------------------------
Livre troisième.

D Es métaux & minéraux en général
Chap. 1. pag. 186
De la production & génération de
l'or. Chap. 2. pag. 191
De la production & génération de
l'argent. Chap. 3. pag. 201
De la production & génération du
cuivre & de l'airain. Chap. 4. pag. 209
De la production & génération du
fer. Chap. 5. pag. 214
De la génération & production de
l'étain. Chap 6. pag. 219
@

De la génération & production du
plomb. Chap. 7. pag. 225
De la génération & production du
mercure, autrement argent vif Ch. 8.
pag. 230
De la génération & production de
l'Antimoine. Chap. 9. pag. 238
De la génération & production des
Marcassites. Chap. 10. pag. 243
De la génération & production des
Arsenics & Réalgars. Chap. 11.
pag. 248
De la génération & production du
Soufre. Chap. 12. pag. 253
De la génération & production du
Vitriol. Chap. 13. pag. 257
De la génération & production du
Salpêtre. Chap. 14. pag. 264
De la génération & production du sel
commun. Chap. 15. pag. 269
De la génération & production du
Corail. Chap. 16. pag. 274
De la génération & production des
@

Perles. Chap. 17. pag. 278
De la génération & production des
Diamants. Chap. 18. pag. 284
De la production & génération des
Escarboucles & Rubis. Chap. 19.
pag. 289
De la génération & production des
Emeraudes & Hyacinthes. Chap. 20.
pag. 293
De la génération & production du
Talc. Chap. 21. pag. 297
Conclusion du troisième livre des secrets
Chimiques. Chap. 22. pag. 302

----------------------------------------
Livre quatrième.

D E la génération & production
des végétaux en général. Chapitre
1. pag. 308
De la génération & production de la
Vigne. Chap. 2. pag. 315
@

De la génération & production des
Pommiers, Poiriers, Pruniers & Figuiers.
Chap. 3. pag. 322
De la production & génération des
Amandiers, Noyers & Noisetiers.
Chap. 4. pag. 328
De la génération & production des
Fleurs. Chap. 5. pag. 333
Conclusion du quatrième livre des secrets
Chimiques. Chap. 6. pag. 340

----------------------------------------
Livre cinquième.

D E la génération & production
des animaux en général. Chapitre
1. pag. 343
De la génération & production de
l'homme. Chap. 2. pag. 349
Qu'est-ce qui fait l'union de l'âme humaine
avec son corps? & d'où vient sa
longue & courte vie? Chap. 3. pag. 355
@

De la différence du corps humain
d'avec son esprit, qui unit l'âme humaine
avec le corps. Chap. 4. pag. 362
D'où vient la différence & la diversité
des hommes. Chap. 5. pag. 370
D'où vient la génération & production
des mâles & femelles. Chap. 6.
pag. 374
De quelle partie de la semence les os
sont faits & composés. Chap. 7.
pag. 378
D'où vient la sottise & stupidité ès
hommes. Chap. 8. pag. 381
D'où vient la subtilité & prudence ès
hommes. Chap. 9. pag. 305
Conclusion du cinquième livre des secrets
Chimiques. Chap. 10. pag. 389

F I N.
@
@

pict

L'ABREGE D E S S E C R E T S C H I M I Q U E S O U TOUTE LA NATURE, EN GE- néral & en particulier, est découverte.
----------------------------------------

L I V R E P R E M I E R.
D E L'O R I G I N E DE L'A L- chimie, & de sa perfection de siècle en siècle.
CHAPITRE PREMIER.
pict L est impossible, selon
mon opinion, de pouvoir Nulle
trouver parmi le calcul science, ni
des sciences & des Arts, nul des Arts
tant mécaniques que libéraux, n'est parfait en
aucun d'iceux sa source.
parfait en sa source; ils se parfont de jour
A
@

2 Livre premier
en jour, comme l'embryon dans sa mère,
qui en son commencement est informe,
& petit à petit insensiblement il acquiert
la polissure & l'embellissement destiné
par la nature. Tout à coup, il est impossible,
il faut du temps pour perfectionner
la moindre chose que ce soit en la nature.
Alchi- L'alchimie, qui est la maîtresse des
mie im- Arts & sciences naturelles, nous le donne
parfaite en assez à connaître: Car si nous la contemplons
son com- dans les premiers siècles où les hommes
mencement. étaient huttés dans les antres des rochers
& dans les creux des arbres, nous la
verrons encore naître, & toute dans l'abîme
de la connaissance & de l'intelligence
Divine, sans encore se faire connaître
à l'homme, comme lui étant
quasi inutile, ne sachant encore que c'était
du pur & de l'impur des choses naturelles,
pour n'avoir jamais encore ressenti
les aiguillons piquants de cette impureté:
Mais aussitôt que petit à petit insensiblement,
cet esprit de vie, implanté
dans l'humide radical de l'homme, vint à
perdre sa force & vigueur, & que les maladies
commencèrent à naître; aussitôt
l'homme sentant affaiblie & diminuée
en lui cette vigueur de vie par ses ennemis,
il commença à songer & méditer
@

des secrets Chimiques. 3
comme raisonnable & plein d'intelligence,
par quel moyen & en quelle façon il
pourrait résister à cet inconvénient. Il connut
par la lumière des sciences naturelles Monde
& infuses, que son Créateur lui avait plein de
données, que le monde où il était, était vie.
tout plein de vie, semblable à celle qui
était en lui, & qu'il ne pouvait demeurer
un moment de temps sans la perpétuelle
attraction de cet esprit vital, qu'il faisait
attirer continuellement par le moyen de
ses poumons, & que cet esprit ainsi attiré
n'était encore suffisant pour lui conserver
sa vie, qu'il fallait encore qu'il tirât
des aliments un esprit de vie plus fixe &
plus solide que celui qu'il tirait de l'air, &
que, les aliments qu'il prenait pour sustenter
sa vie, avaient déjà attiré à soi
quantité de cet esprit vital, infus par tous
les éléments, & l'avaient préparé pour se
l'approprier & faire leur, & que son estomac,
son foie son coeur, & toutes les parties Toute
de son corps travaillaient nuit & les parties
jour à faire séparation de cet esprit vital, font l'alchimie.
qui était infus, que parmi tous les éléments,
que parmi tous les individus élémentés,
afin de pouvoir entretenir & conserver
sa misérable vie.
Et qu'avec tout cela il ne pouvait encore
A ij
@

4 Livre premier
Comment éviter le malheur des maladies; il
le premier pensa donc, par une semonce Divine, une
homme science au moyen de laquelle il eût la connaissance:
excogita premièrement de cet esprit
l'alchimie. vital, principe & soutien de sa vie: secondement
il eût la connaissance de tous les
individus qui abondaient en cet esprit vital;
l'usage desquels pouvait renforcer sa
vie, & contrarier aux ennemis d'icelle.
Tiercement, il trouva le moyen & la méthode
de pouvoir séparer cette substance
vitale sur le modèle des vases naturels
que la nature avait forgés en lui-même,
& en tous les animaux, pour la commodité
de cette séparation. Pour un quatrième,
il excogita tous les moyens de prévenir
l'affaiblissement de cet esprit de vie
implanté en lui, pour éviter qu'il ne succombât
point aux assauts de tant de maladies,
qui par laps de temps le devaient
attaquer.
Le tout était bien puissant, & ramassé
dans cet esprit Divin, mais la communication
qu'il nous en laissa était bien petite;
car aux siècles subséquents, lorsque la
terre commença à être peuplée & ornée
d'hommes, nous n'en trouvons aucuns vestiges
par lesquels nous puissions comprendre
que nos premiers aïeuls fussent
@

des secrets Chimiques. 5
de grands Chimiques, & sussent avec
perfection l'artifice de séparer le pur de
l'impur, & l'extraction de cet esprit vital,
duquel tout le monde est plein, & duquel
rien ne peut être vide.
L'on tient que Cham fils de Noé fut un Cham
des premiers qui mit la main à la pâte, & fils de Noé
qui premier charbonna ses mains pour en premier Alchimiste.
faire la preuve; d'où l'on tient que cet artifice
est appelé Alchamie, comme voulant
dire artifice de Cham. Je sais bien Dérivation
qu'il y a d'autres étymologies & dérivations du mot
de ce mot Alchimie, mais je les lais-£ Alchimie.
se pour être parmi tous les Alchimistes,
très communes, & très connues; pour
vous dire que ce ne sont point les hommes
qui ont trouvé ce merveilleux & miraculeux
artifice, mais que c'est la même
nature qui le montre, & l'enseigne tous
les jours à la vue de tout le monde; & cependant
la plus grande partie des hommes
est si aveuglée, qu'elle ne voit point
cette opération manifeste.
N'est-il pas vrai, que tous les hommes, Nature
tous les animaux brutes, tous les végétaux est inventrice
& tous les minéraux attirent cet esprit de
vital infus parmi les éléments, pour se l'Alchimie.
nourrir, entretenir, & conserver en leur
être; & qu'en cette attraction ils manifestent
A iij
@

6 Livre premier
parfaitement la séparation du pur
& de l'impur par le bannissement ordinaire
de tous les excréments, qu'ils rejettent
hors de leurs corps d'une force incroyable;
pour laquelle arrêter, il est impossible,
sans la totale ruine des sujets
auxquels l'on voudrait empêcher cette séparation.
Antiqui- Il est donc très notoire que la seule Nature,
té de l'Al- & non les hommes, est inventrice de
chimie. cet admirable & miraculeux artifice, &
qu'il est si ancien que la Nature même; &
qu'aussitôt qu'elle a commencé à produire,
nourrir, & conserver ses enfants;
aussitôt elle a commencé à exercer l'Alchimie
parmi eux, pour parvenir à la séparation
du pur & de l'impur, sans laquelle
elle ne peut en aucune façon produire,
nourrir, & conserver ses enfants qu'elle éclôt
tous les jours de l'abîme de ses trésors
& de la nuit de son chaos, les poussant
dans la lumière de sa vie. Au commencement
des siècles cette Alchimie naturelle
était bien puissante par la puissance
de son feu naturel, qui séparait puissamment
ce qui lui était contraire, & qui
donnait empêchement à ces perfections,
& rebutait l'accomplissement de ces voeux:
aussi voyait-on toutes choses durer davantage
@

des secrets Chimiques. 7
qu'on ne voit à présent, puisque
ce feu naturel est beaucoup affaibli par la
société d'une grande & énorme quantité
d'excréments qu'il ne peut rejeter, qui
lui causent son entière extinction dans
une infinité d'individus particuliers, qu'il
est contraint d'abandonner, & se retirer
dans sa source, pour de nouveau reprendre
ses forces, & en produire de nouveaux,
dans lesquels il recommence son Alchimie;
& par ainsi il ne la quitte jamais,
que pour la recommencer avec nouvelle
force.
Ainsi les vrais sages & serviteurs de la Nature doivent apprendre de leur maîtresse
à faire cette séparation; & que si
dans les siècles passés, ils se sont trouvés
quantité de Philosophes, même parmi
les Palais Royaux, où les Rois Philosophes
n'ont dédaigné de mettre en exécution
les préceptes de cet Art, comme Hermès
Trismégiste, Aristaeus, & Geber, nous le
témoignent assez suffisamment, nous devons
à leur exemple, ne mépriser point
les préceptes de ce merveilleux artifice,
afin de pouvoir retirer du plus profond
des individus naturels ce qui peut conserver
& maintenir en sa vigueur & force, le
baume de notre vie, & combattre par
A iiij
@

8 Livre premier
même moyen, & vaincre tous ses ennemis;
car c'est par ce seul artifice que nous
pouvons obtenir cette glorieuse victoire,
comme l'on verra très clairement par la
suite des Chapitres suivants, & par l'expérience
qu'un chacun en pourra faire au
traitement de toute sorte de maladies.
----------------------------------------
Q U E L'A L C H I M I E E S T
la vraie & unique Philosophie naturelle,
& qu'elle comprend en
soi toute la nature.

Chapitre II.

pict Our clairement comprendre
que l'Alchimie
est la vraie & unique Philosophie,
& qu'elle a la
connaissance de toutes les
choses naturelles, nous devons
déclarer que c'est que nous entendons
par l'Alchimie.
Plusieurs d'entre les Philosophes ont
Défini- voulu définir l'Alchimie un Art qui enseigne
tion d'Al- de changer les métaux l'un à l'autre;
chimie. savoir les Imparfaits en parfaits. En
ce changement ils veulent comprendre
@

des secrets Chimiques. 9
toutes les dépurations & triages des choses
métalliques & minérales d'avec les impures
cadmies, terrestréités & féculences,
qui se trouvent parmi le genre minéral:
Mais cette distinction est bien étroite, &
ne s'étend pas si loin que son défini: Car
l'Alchimie comprend bien davantage
que le genre minéral. Les végétaux & les
animaux ne peuvent éviter ses puissances,
ni même ces quatre corps vastes
que nous appelons les quatre Eléments,
qui sont les colonnes du monde, ne peuvent
empêcher par leur grandeur & vaste
solidité, que l'Alchimie ne les pénètre L'Alchimie
d'outre en outre, & ne voie par ces opérations pénètre
ce qu'ils ont dans leur ventre, & ce toute
qu'ils ont de caché dans le plus reculé de la nature.
leur centre inconnu. Le Ciel même qui
est par-dessus nos sens corporels, que nous
ne pouvons comprendre que par l'opération
intellectuelle de notre âme, ne peut
être exclu du domaine de l'Alchimie;
puisque par la matière incorruptible des
choses inférieures qui se trouvent en leur
centre, elle voit & touche les matières supérieures
& célestes; & voit par même
moyen & même voie, les matières inférieures
être semblables & de pareille substance
que les supérieures & célestes, &
@

10 Livre premier
que leur différence est seulement par le
pur & l'impur qui se trouve en leurs individus.
Nous dirons donc, vu tant de merveilles,
que l'Alchimie n'est pas tant seulement
un Art ou science pour enseigner
la transmutation métallique, mais une
Vraie vraie & solide science, qui enseigne de
définition connaître le centre de toutes choses;
d'Alchi- qu'en langage Divin l'on appelle l'Esprit
mie. de vie, que Dieu infusa parmi tous les
éléments pour la production des choses
naturelles, leur nourriture & entretien,
qui se corporifie au centre de toutes choses,
se faisant un corps incorruptible, permanent
& fixe, pour résister à toutes sortes
d'altérations qu'il faut qu'il pâtisse, pour
la commodité des diverses générations
qu'il doit éclore de son centre.
L'Alchimie donc enseignant cette substance
divine, spirituelle en toutes choses;
& démontrant par ses opérations Chimiques
de la tirer & séparer de l'embarras
& corruption Elémentaire, pour la faire
jouir des puissances & vertus, presque infinies,
que son Créateur lui a données,
mérite le vrai nom de l'unique Philosophie
naturelle, puisqu'elle montre la base,
le fondement, & la racine de toutes les
@

des secrets Chimiques. 11
choses créées, & enseigne la dépuration &
exaltation d'icelle; d'où vient la transmutation
métallique ès métaux, la fertilité
ès végétaux, & la prorogation de vie,
avec l'équipage de tout son ornement ès
animaux.
Quelle connaissance plus grande pouvons-nous avoir de la nature en général &
en particulier, que par l'anatomie générale
& particulière que l'Alchimie fait de
toute la nature en général & en particulier?
Est-il possible que l'homme raisonnable
puisse penser & méditer, qu'il y ait
en la nature une méthode plus facile pour
obtenir la connaissance entière des choses
naturelles, que par celle que l'Alchimie
a trouvée, prise & inventée de la nature
même, sans l'altérer ni la corrompre en
sa substance radicale; ne la dépouillant
que du corps qu'elle prend comme une
robe, pour se tenir couverte; & comme
pudique qu'elle est, & vierge, ne se montrer
toute nue, qu'à ses vrais serviteurs &
chers amis, qui la savent caresser & honorer
selon son mérite, & lui porter la révérence
qui lui est due, & non la prostituer
à tout le monde, pour être bafouée
& moquée des ignorants; qui nouveaux
Ixions embrassent les ombres plutôt que

@

12 Livre premier
les vrais corps de notre chaste Junon:
Ainsi ils courent après les corps mortels
& corruptibles, & ne veulent entendre,
ni écouter ceux qui leur veulent montrer
la semence merveilleuse qui est cachée
sous l'ombre du corps qu'elle a produit
à cet effet, qui de soi n'a aucune vertu
ni propriété quelconque; car tout ce
qu'il a, descend immédiatement de cet esprit
Toutes séminal qui est en lui. Ce qui est par
les vertus trop manifeste en la corruption qui se fait
corporelles du dit corps, pendant que son esprit se forge
descendent un nouveau, & plusieurs corps, du débris
de l'esprit & ruine du premier. Le grain de froment
séminal, pourrissant en terre, & s'anéantissant,
qui est en- son esprit séminal pousse un tuyau, au
clos dans bout duquel il produit un épi, garni de
son corps. cent ou tant de grains, semblables à celui
qui se perd & se détruit dans la terre: il
ne monte pas de la terre en l'air au bout de
son épi, mais cet esprit seulement y
monte & y produit, & engendre plusieurs
corps semblables à celui qu'il a quitté, &
duquel il s'est retiré pendant le temps de
sa corruption, pour se multiplier & diviser
en plusieurs, semblables au premier: Tellement
que cette petite parcelle, & comme
invisible substance séminale de grain,
est capable par succession de temps, & a le
@

des secrets Chimiques. 13
pouvoir de se multiplier en une infinité
de corps semblables à son premier: Et encore
chacun de ces corps contient en soi
cette vertu séminale, qui a toujours le même
pouvoir de produire encore vue infinité
de corps, semblables à ceux qu'elle a
forgés naguère, & tout fraîchement.
Merveille des merveilles, miracle des
miracles, que Dieu infini en sa puissance,
a colloqué en la nature créée, pour être le
perpétuel & continuel objet aux vrais sages
de son infinie puissance, qu'un point,
qu'un atome en corpulence, puisse remplir,
par la production de ses individus,
toute une Province, voire tout un monde.
Que la science donc qui enseigne &
démontre cette vertu séminale, & cet esprit L'Alchimie
de vie enclos en toutes choses, qui est
remplit tout le monde, & est sa seule & la vraie
unique force & vertu, soit estimée la vraie Philosophie.
Philosophie, & la vraie perle des sciences
naturelles; sans laquelle toutes celles qui
se veulent parer de ce beau titre, sont de
vraies carcasses mortes, ou des échos sonnants,
où la voix des hommes ne fait qu'éclater
& sonner tant seulement, & non
raisonner.
@

14 Livre premier ---------------------------------------- D E S P R I N C I P E S D E
l'Alchimie, qui donnent à connaître l'intérieur de toute la Nature.
Chapitre III.

pict 'Alchimie, comme
la quintessence, & la vertu
même de la Philosophie
naturelle, après avoir
fait l'anatomie de la nature
en général & en particulier,
& fouillé dans le plus creux de son
intérieur, a trouvé que la source & racine
Le fon- de toutes choses était une substance spirituelle,
dement de homogène & semblable en soi-
la nature même, sans avoir aucune partie différente
est une qui constituât son essence diverse, que
Substance tous les Philosophes anciens ont nommée
spirituelle. Substance vitale, Esprit de vie, Lumière,
Baume de vie, Mumie vitale, Chaud naturel,
Humide premier né, Esprit & Ame
du monde, Force & vigueur de toute la
nature, Principe de mouvement, Entéléchie
& Quintessence, & Mercure de vie; &
de mille autres noms qu'il n'est besoin de
coucher sur le papier, pour être court.
@

des secrets Chimiques. 15
Cette Substance spirituelle, semence La semence
première de toutes choses, a trois substances de
distinctes, & non différentes en soi- toutes choses,
même; car elle est homogène, comme est distincte
nous avons dit, & partant toute une: Mais en trois substances.
d'autant qu'il s'y trouve un chaud, un humide
& un sec, & que tous trois entr'eux
sont distincts seulement & non différents,
nous disons à bon droit, que tous trois ne
sont qu'une essence & substance radicale;
autrement il ne se trouverait rien de simple
& homogène en toute la nature; tous
les composés seraient hétérogènes, & composés
de parties essentiellement différentes
en leurs principes séminaux & racines
originelles: ce qui ne peut être pour les
grands inconvénients qui s'en ensuivraient.
Car si le chaud était différent de l'humide
qui lui est connaturel, il ne s'en pourrait
nourrir comme il fait, à cause qu'il ne
se nourrit point des choses différentes, mais
toutes semblables: Que si l'aliment est en
son commencement différent de son alimenté,
il faut qu'il se dépouille de cette
différence, & par diverses altérations il se
rende semblable à son alimenté, avant
qu'il puisse être son dernier aliment; or il
est assuré que l'humide radical est le dernier
aliment de la chaleur naturelle, &
@

16 Livre premier
partant il ne peut être différent d'icelle: Davantage s'ils étaient différents, chacun voudrait produire son semblable, tellement que dans un même sujet & individu naturel, il se trouverait trois formes différentes; l'une qui viendrait du chaud; l'autre qui viendrait de l'humide; & l'autre qui viendrait du sec; tellement que dans un même individu se trouveraient trois individus, & qu'un serait trois, ce qui implique & ne peut être. Les Péripatéticiens mêmes, lorsqu'ils font entrer en la composition des individus, leurs quatre Eléments, chacun différents en forme, ils veulent qu'en la mixtion ces formes différentes se perdent & s'anéantissent, & que de cet anéantissement s'élève & se produise la forme de la chose qui se doit produire. Nous ne philosophons pas de la façon, mais entendons que toutes formes sont pleines de vie, & qu'elles sont incorruptibles; & que si elles viennent à quitter leurs sujets, ce n'est que se cacher dans leur abîme & chaos, pour reprendre à leur tour un semblable corps en espèce, mais nous parlerons de ceci en son lieu plus amplement. Nous reprendrons notre discours, & dirons que cette substance radicale & fondamentale fonda-
@

des secrets Chimiques. 17
en toutes choses, est vraiment
unique en essence, & trine en nomination,
s'il m'est permis ainsi de parler, pour
interpréter nos intentions & pensées:
Car cette substance, à raison de son feu La semence
naturel, est appelée soufre; à raison de radicale, dite
son humide aliment & pâture de ce feu, soufre, mercure
est nommée Mercure; & à raison de ce & sel, à
sec radical, ciment & liaison de cet humide cause de son
& de ce feu, est dit sel; tellement feu, de son
qu'une même chose unique en essence a humide, & de
trois noms, & pourtant n'a pas trois substances son sec.
différentes l'une de l'autre; comme
l'on verra plus particulièrement aux
Chapitres suivants, qui seront particuliers
pour l'explication & intelligence
de ces trois substances.
----------------------------------------
D U F E U N A T U R E L D E
toutes choses, qu'en Chimie on
appelle soufre.

Chapitre IV.

pict Uand les Philosophes Chimiques Qu'est-ce
parlent du feu naturel qui que feu
engendre & produit toutes choses, naturel.
ils n'entendent en aucune façon le feu
B
@

18 Livre premier
matériel que nous voyons ici-bas dans
nos foyers & fournaises, mais ils entendent
un feu vital invisible, principe de
tout mouvement & de toute action qui
n'est nullement différent, mais du tout
semblable aux influences célestes, générales
& particulières: Pour les générales,
j'entends les influences du premier mobile,
source & principe de ce feu: Pour les
particulières, j'entends les influences particulières
de toutes les Planètes & constellations
Le feu célestes; entre lesquelles le
naturel Soleil en est la plus abondante, comme le
plus puis- centre de ce globe céleste, où l'esprit de
sant au So- vie, où ce feu naturel est plus puissant
leil qu'en qu'en toutes les autres parties de ce grand
toutes au- corps supérieur, que Dieu a rempli d'esprit
tre Plan- de vie & de ce feu, plus particulièrement
nètes. que toutes les autres parties du
monde; comme étant la tête & le cerveau
du monde, où doit être le foyer &
la mine de ce feu vital, pour vivifier toutes
les parties, qui par une chaîne invisible,
& toutefois impossible de rompre,
sont attachées à cette grosse tête.
Ce feu donc est astral & céleste; c'est-à-
dire qu'il retient plutôt de la nature des
astres que toute autre chose: Car pour dire
vérité, & parler à la rigueur de la vraie
@

des secrets Chimiques. 19
& véritable Philosophie, il n'est point
astral ni céleste, mais quelque chose de
plus pur que le Ciel, dont le Ciel a été
rempli, & tous les autres Eléments, pour
les rendre puissants & capables, de produire
& d'engendrer toutes les choses naturelles
que nous voyons tous les jours
s'y produire: car avant cet esprit ils Ce feu
étaient vides, vains, inutiles, & pleins vital est la
de ténèbres, comme nous dicte le Saint- lumière.
Esprit dans l'Ecriture Sainte: Terra erat
inanis & vacua, tenebrae erant super faciem
abyssi; Mais après la création de la lumière,
qui est cet esprit de vie, feu naturel &
soufre vital, tout fut à l'instant rempli
de vie, & rien ne fut inutile, ni vide, ni
vain; tout fut bon & très important.
Ce feu donc naturel que nous appelons
soufre, est cet esprit de vie avec sa
lumière inséparable, qui fut créé par la
Toute-puissance Divine, & infus dans
tous les Eléments pour la vivification de
toute la nature; & principalement dans
le Ciel, comme le premier & principal
élément, dans lequel ce feu naturel est si
puissant, qu'il en est communiqué par
toutes les parties de l'Univers. D'où
vient que tous les anciens Philosophes
nous ont laissé par écrit; que l'être principal
B ij
@

20 Livre premier
de toutes choses inférieures qu'ils
disaient être leur forme, & leur vraie
essence était dépendante du Ciel; car
Le feu ils ont assuré que sous les formes particulières
vital est de tous les individus élémentaires
protecteur elles étaient produites & engendrées par
des formes. ce feu céleste; qui s'introduisant dans les
semences inférieures, suscite & fait paraître
la forme intérieure du plus profond
de la matière, avec tout son ornement &
équipage: Et voilà comme la génération
se fait par le moyen de ce feu céleste, &
comme toutes choses élémentaires ici-
bas en dépendent, comme de leur vraie
source & origine.
Pour bien & dûment comprendre
avec très facile intelligence, les puissances
de ce soufre & feu naturel sur toutes
les choses inférieures, il faut noter, selon
l'opinion des Talmudistes & Hébreux,
que le premier mobile de vie &
de ce feu naturel, l'infuse & le communique
au firmament où il commence par
les diverses constellations & infinies
Comment étoiles que Dieu y a colloquées, à recevoir
l'esprit de & s'orner de diverses & infinies vertus
vie descend & propriétés, chacune de ces Etoiles
du premier y mettant la sienne; ainsi orné & rempli
mobile. des vertus du firmament il descend dans
@

des secrets Chimiques. 21
la Sphère & globe de Saturne, où il prend
la vertu de Saturne; & de là il descend
dans la Sphère de Jupiter, où il reçoit tout
ce que Jupiter a: il descend après de Planète
en Planète, jusques au globe de la
Lune, où il reçoit la dernière & l'absolue
perfection céleste: de là il descend
dedans l'air; de l'air, dans l'eau; de
l'eau, dans la terre; au centre de laquelle
il acquiert la dernière perfection élémentaire,
ou par sa propre vertu Architectrice
de toutes formes & figures, il prend
corps de sel; que quelques-uns des
Philosophes Chimiques ont appelé Daemogorgon, Qu'est-
comme esprit & démon de la ce que Daemogorgon.
terre; qui de son centre jette tant de rayons
de sa puissance, qu'il la pénètre toute
jusques à sa superficie; voire encore
tout le globe de l'eau & de l'air, pour produire
& engendrer en tous ces Eléments
une infinité de mixtes individus de toute
sorte d'espèce: Et ainsi après avoir descendu
du premier mobile jusques au
centre de la terre, il monte du centre de
la terre jusques au Ciel; & pénètre, & en
pénétrant anime tout l'Univers, & le
remplit de sa puissance; vivifiant, engendrant,
produisant, nourrissant, & conservant
toutes choses; car il ne se peut trouver
B iij
@

22 Livre premier
aucune chose naturelle, quelle qu'elle
soit, qui ne souhaite pour son entretien,
nourriture & conservation, ce feu
Le sou- & ce soufre céleste; comme ayant en
fre a tout soi tout ce que chaque individu peut
ce que les souhaiter pour sa production, nourriture
Mixtes na- & conservation: Car comme vous avez
turels sou- vu tout ce qui est dans le Ciel, dans les
haitent Etoiles, Constellations & Planètes, &
pour leur dans tout le reste des autres Eléments, &
conserva- en abrégé & en quintessence dans ce feu
tion. naturel, & ce soufre vital, lequel comme
étant inséparable de son humide radical,
ou son mercure & de son sel, se
donnera encore plus parfaitement à connaître
par la démonstration & l'anatomie
de son mercure & de son sel, aux
Chapitres suivants.
@

des secrets Chimiques. 23 ----------------------------------------
D E L'H U M I D E R A D I C A L
de toutes choses, qu'en Chimie on appelle Mercure.
Chapitre V.
pict Ous avons, ce me semble
assez clairement discouru
du feu naturel &
du soufre vital, pour le
faire connaître à tout le
monde; l'on le pourra encore
connaître avec plus d'intelligence
en donnant à connaître son humide radical,
qui lui est inséparable, & de même
nature & essence, qui lui sert d'aliment
& pâture, & de fidèle Achate &
compagnon inséparable en la production
& conservation de toutes choses.
L'humide donc radical de toutes choses, Qu'est-ce
qu'en Chimie on appelle mercure, que mercure
c'est la substance humide, première née & humide
en la semence de toutes choses; sur laquelle radical.
le feu naturel, ou soufre vital
agit, pour en pousser les formes mussées
& cachées dans le trésor de son abîme;
J'appelle abîme, les vertus & propriétés
B iij
@

24 Livre premier
qu'il a presque infinies, pour tirer de soi-
même toutes sortes de formes. Les divers
lieux tant seulement qui lui sont
ces diverses matrices, empêchent, &
sont la vraie cause pourquoi en un même
lieu, & dans une même matrice,
il ne pousse pas plusieurs & diverses formes
en même temps, & en même sujet;
le lieu lui détermine son oeuvre & sa besogne,
& lui donne la loi de travailler
ainsi, & non autrement.
Les se- Les semences particulières de toutes
mences par- les espèces qui sont dans l'Univers, sont
ticulière les vrais lieux & matrices particulières;
sont les dans lesquelles cette semence universelle,
vraies ma- avec son feu & son humide, s'épaissit,
trices de s'individue, & se fait particulière: car
l'esprit chacune de ces semences a une vertu
général. aimantine & attrayante par son feu naturel,
d'attirer à soi pour se conserver, &
nourrir cette semence universelle, ce
soufre & ce mercure; & l'ayant attiré, se
le fait propre & particulier à soi-même.
D'où vient que lorsque cette semence
particulière, dans son lieu propre & convenable,
vient à produire & engendrer
son individu, & mettre en évidence au
jour & en lumière, la forme qui lui est
due & convenable, attirant à soi pour
@

des secrets Chimiques. 25
se multiplier & se renouveler cette semence
générale que nous appelons
soufre & mercure, le force & contraint
de se joindre à son voeu & intention, &
non au voeu qu'elle a de toutes les formes,
lorsqu'elle est dans ses matrices générales
& universelles, qui sont les
Cieux, & tous les Eléments. Car si la semence
particulière, le feu naturel, &
l'humide radical particulier de chaque
chose, a son lieu & sa matrice particulière
pour le mettre en acte, & le conserver L'esprit
en son entier; la semence générale, le feu général a
naturel, & l'humide radical universel a sa matrice
aussi son lieu, & sa matrice générale où il générale.
réside, & demeure entier & puissant,
pour de là survenir à tous les particuliers.
C'est ce qui a trompé & abusé la plus
grande part des Philosophes, qu'en la génération
des mixtes naturels, les Eléments
entrassent en leur composition &
production; d'autant que toutes sortes
de mixtes se produisent dans iceux; & Les Eléments
prennent nourriture, & se conservent n'entrent
emmi* les Eléments: Mais si l'on pèse bien, point
& considère cette façon de production, en la composition
nourriture & conservation, l'on verra des choses.
que bien qu'elle se fasse dans les Eléments,
elle ne se fait pas pourtant d'iceux; mais
@

26 Livre premier
de cet esprit de vie qui est en eux, & sans
lequel les éléments seraient inutiles &
vains dans la pâture, comme des corps
sans âme & sans vie: car de vrai cet esprit
est leur vie & leur âme; au moyen
de laquelle ils font, produisent, & conservent
Qu'est- toutes choses: Or la partie de cette
ce qui est âme & de cette vie, & de cet esprit vital
appelé qui est parmi tous les Eléments, qui est
soufre, humide & pleine de lumière, est appelée
mercure soufre: Et la partie humide, à laquelle
& sel. cette chaleur lumineuse est attachée
& adhérente, comme à soi propre
& unique, & dernier aliment, est appelée
mercure, humide radical, humide
premier né: Et la troisième partie
qui procède de l'action de ces deux, au
moyen de laquelle ils prennent corps
visible & sensible, est appelée Sel,
de laquelle nous ferons son Chapitre
particulier. En celui-ci nous déclarons
tant seulement qu'est-ce que Mercure,
humide radical, & humide premier né,
qui se trouve en la matière première, &
dernière de toutes choses pendant qu'elle
dure & persiste en sa vigueur & sa force:
le feu naturel, & le soufre vital, aussi
persiste; & ainsi durent les choses, & conservent
leur être, sans recevoir aucun
@

des secrets Chimiques. 27
changement ni diminution; mais s'il
croît, elles croissent & augmentent.
Mais aussitôt que cet humide radical
vient à diminuer, aussitôt il y a changement
& mutation en l'être de la chose,
dans laquelle cet humide radical diminue:
lui diminuant & manquant, le feu D'où
naturel & soufre vital vient aussi pareillement vient la
à diminuer & manquer; & résolution
tous deux diminuant & manquant, le des mixtes.
sel vital, principe de corporification, ne
peut subsister; & ainsi le mixte & l'individu
produit, vient à se détruire, & se résoudre
en ses principes, pour se réunir derechef,
& se joindre dans son cahos, &
dans son abîme; qui est cet esprit universel,
qui contient en soi toutes les formes
virtuellement & en puissance sous
une forme générale, qui n'est point répugnante
à toutes les autres particulières,
que virtuellement elle contient, & à
cause de cet esprit universel, est appelé
cahos & abîme; qui à cause de cette
puissance virtuelle, & non répugnante à
toutes les formes qu'il a, Aristote, très Subtilité
subtil en l'inquisition de la Nature, pour d'Aristote
ajouter quelque chose à la doctrine de sur les
son maître, & montrer à la postérité sa principes.
subtilité, a admis aux principes naturels,
@

28 Livre premier
la privation; mais sans déroger à l'honneur
d'Aristote, & à la grandeur de son
esprit, il me semble qu'il n'a pas si bien
rencontré comme il pense, sinon qu'il ait
eu l'intention & volonté par ce moyen
de nous cacher cette puissance & vertu
miraculeuse de cette matière & première
& unique substance des substances de
toutes choses; mais nous parlerons de cette
affaire en son lieu.
L'humide donc radical de toutes choses
venant à manquer, les autres deux
parties qui lui sont essentielles & connaturelles,
viennent pareillement à manquer,
& ainsi le mixte se détruit. Mais
comment, dira quelqu'un, peut-il manquer
ni jamais faillir, puisqu'il est incorruptible,
& que les agents les plus violents
ne le sauraient détruire; car même
le feu dévorant & destructif, brûlant &
calcinant quel mixte que ce soit, dans ses
cendres est conservé un sel incorruptible,
qui contient en soi son humide &
son feu naturel; au moyen duquel le
mixte avait son être & sa durée; & au
moyen duquel il peut encore renaître
le même en espèce, selon notre opinion
& de tous les Philosophes Chimiques.
L'on répond à cette objection, qui
@

des secrets Chimiques. 29
semble très subtile, & de difficile solution,
que l'humide radical à la vérité de
tous les mixtes, est incorruptible, & qu'il
demeure après leur mort & destruction,
tout entier dans les masures de leur ruine.
L'on dit cependant qu'il manque ou se
diminue; d'autant que ses actions, vertus
& propriétés, manquent & diminuent
par l'assemblage & congrégation d'une
infinité d'excréments, & substances contraires
& étranges à cette substance vitale,
qui empêchée de faire ses fonctions
par l'apposition de son contraire, est dite
défaillante, morte, & éclipsée; bien
qu'en son intérieur & en soi-même elle
ne ressente aucune liaison, mais seulement
empêchement de faire ces fonctions,
& d'agir comme elle agissait auparavant.
De même qu'un diamant &
pierre précieuse barbouillés & embrenés
de quelque ordure & vilenie, ne jette
plus ses rayons éclatants & ses feux brillants;
mais lavée qu'elle est & nettoyée,
elle reprend son premier lustre & son naturel
éclat; ainsi cette substance vitale,
cette lumière naturelle, qui constitue
l'être en toutes choses par succession de
temps, petit à petit vient à contracter
quelque rouillure & excrément, qui

@

30 Livre premier
vient de l'aliment ordinaire, & son pain
quotidien, qu'elle est contrainte d'appeler
pour sa pâture: Elle prend ce qui
lui est homogène & semblable, & le reste
elle le rejette par sa puissance & faculté
expultrice: mais elle ne pouvant faire
exactement ce triage & séparation du
pur & de l'impur, petit à petit cet impur
vient à croître; & lorsqu'il est grand, il
empêche entièrement les actions de cette
substance vitale, & par ainsi le mixte
& l'individu où cela est, est sensé mort,
& détruit: Ce néanmoins nous voyons
Comme clairement que dans cette mort & cette
de la cor- destruction, les rayons de la vie demeurent
ruption de entiers & puissants, puisqu'elle a de coutume
l'un s'en- de se remettre sur pieds, & derechef
gendre faire paraître sa vertu & sa force
l'autre. en renaissant; comme vrai Phoenix de
ses cendres, & en faisant une seconde vie
de sa mort. Ce qui a donné occasion au
Génie de la Philosophie Scolastique
d'établir cet Axiome; Corruptio unius est
generatio Alterius.
Et voilà comme l'humide radical, &
les autres principes des choses naturelles,
demeurent fermes & constants parmi
la corruption & de destruction de leurs individus,
sans jamais se détruire ni corrompre,
@

des secrets Chimiques. 31
mais seulement mêlés ou séparés,
s'altèrent & s'ornent de diverses figures,
qui est seulement se déguiser & prendre divers
vêtements; & l'humide radical principalement,
qui ferme & constant, paraît
& se montre évidemment en son
sel en la résolution des mixtes; duquel si
l'on le veut séparer, & le montrer super-
abondant à ces deux autres principes,
soufre & sel, & paraître en liqueur,
portant le nom d'humide radical ou de
mercure de vie, il ne faut que le mettre
dans une cornue bien lutée, & à force de
feu tirer cet esprit volatil qui réside dans
le sel, accompagné d'un humide éthéré
vital; car c'est lui seul qui est appelé D'où
humide radical, & mercure de vie en vient ce
toutes choses. Il est appelé humide radical, mot d'humide
parce que véritablement il est humide radical, &
& radical; d'autant qu'il est principe & pourquoi il
racine de toutes choses, avec les autres est appelé
deux principes, soufre & sel, qui sont Mercure.
toujours insinués radicalement en cet
humide. Et il est appelé Mercure, d'autant
que cette Planète, comme ont remarqué
tous les Astrologues anciens &
modernes, a outre & par-dessus sa vertu
particulière, de produire cet humide radical
en toutes choses, & le conserver
@

32 Livre premier
particulièrement il a encore ce don & cette vertu de son Créateur, qui conjoint avec le Soleil; il est Soleil, & a les vertus solaires, conjointement avec Saturne, & a les vertus de Saturne, & infuse comme lui; avec Mars comme Mars, & ainsi des autres. Cet humide radical pareillement, outre & pardessus toutes ces choses, il produit, conserve & augmente l'humide radical particulier de toutes choses: En un poirier, il est poirier; dans un chou, il est chou; en l'or, il est or; au plomb, il est plomb; tellement qu'en tout & par tout, il suit les propriétés & vertus de la Planète de Mercure, & partant les Chimiques ont eu droit & juste raison de l'appeler Mercure.
DV
@

des secrets Chimiques. 33 ----------------------------------------
D U S E L C E N T R A L
principe radical de toutes choses.
Chapitre VI.
pict Ous les Philosophes Pourquoi
Chimiques anciens ont le principe
parlé manifestement du du Sel a
soufre & du mercure été caché
principes radicaux de des anciens.
toutes choses, mais il y
en a fort peu qui aient parlé du Sel radical,
qui est aussi principe de toutes choses;
c'est qu'ils estimaient qu'en la manifestation
de ce principe toute la nature
était découverte, & qu'en déclarant
son essence l'on mettrait à nu toute la
nature. Voilà pourquoi ce trois fois
Grand Hermès a dit: In Sole & Sale naturae
sunt omnia; tellement qu'ils cachaient
tant qu'ils pouvaient ce principe de toutes
choses; & lorsqu'ils étaient contraints
d'en dire quelque chose c'était
superficiellement, en ne faisant qu'effleurer
leurs fleurs de cette connaissance,
pour témoigner qu'ils en avaient l'intelligence,
& que s'ils cachaient cette
C
@

34 Livre premier
doctrine c'était afin de ne permettre pas
à tout le monde indifféremment l'entrée
de cette divine science; Car à la vérité
l'anatomie du Sel est si haute & si relevée,
que quiconque la sait dûment faire,
& unir toutes ses parties intégrantes qui
Qu'est- le composent, il verra en vérité que c'est
que Sel? le siège fondamental de toute la nature
en général & en particulier, que c'est le
point & le centre où toutes les vertus &
propriétés célestes & élémentaires aboutissent
& se terminent, & que de là l'on
peut former & constituer sa vraie définition
en cette forme. Le sel central de
toutes choses est leur principe radical &
séminal, qui enferme en soi le feu naturel
ou soufre vital, l'humide radical
ou mercure de vie avec toutes les vertus
Célestes & Elémentaires; & est par ainsi
l'abrégé de toute la nature pour constituer
un petit monde dans chaque individu,
où il est enfermé comme principe de
corporification, & qui est le noeud & le
lien des autres deux principes soufre &
mercure & leur donne corps, & par ainsi
les fait paraître visiblement aux yeux
d'un chacun.
Le Sel duquel je parle n'est point le
sel commun & marin, ou le salpêtre qui
@

des secrets Chimiques. 35
se trouve universellement épandu &
infus par toute la terre, bien que ceux-
ci en aient une grande quantité du
sel susdit; comme les autres mixtes en
ont, chacun en a sa part; & nulle des choses
naturelles, quelles qu'elles soient, ne
peuvent subsister sans icelui; car c'est lui
qui les fait subsister, lui manquant c'est- Quand le
à-dire étant empêché de produire ses sel manque
actions, il faut nécessairement que le tout manque.
mixte & l'individu où cet empêchement
se trouve, se dissolve & se détruise
en ses principes pour se dépêtrer des excréments
ou autres choses étranges, qui
empêchent l'action & vertu de ses principes;
& ainsi dépêtrés & démêlés de
cette mixtion étrange, ils recommencent
un nouveau mixte, en agissant de
nouveau en cet individu nouvellement
produit, jusques à ce qu'encore un coup
ils soient empêchés par des nouveaux excréments
qui sont contractés par l'aliment,
qu'ils sont contraints d'attirer &
d'appeler à soi pour se nourrir: Car ces
principes, soufre, mercure, & sel, liés
ensemble d'un noeud indissoluble & gordien,
ont besoin d'aliment & nourriture,
pour persister & se conserver dans les
mixtes qu'ils produisent; or ces aliments
C ij
@

36 Livre premier
L'Aliment sont excrémenteux, & la soixantième
pur est en partie d'iceux n'est pas vrai aliment, tout
petite quan- le reste est excrément qui ne peut être
tité. dûment séparé par la faculté expultrice
du mixte qui prend cet aliment. Tellement
que par succession de temps ces
excréments croissent & multiplient si fort
qu'ils sont capables d'empêcher les
actions vitales de ces principes, dont
vient la mort & destruction du mixte, où
cette multiplication d'excréments, &
choses étranges de l'essence des principes
vitaux, se trouve.
Or comme ils ne peuvent demeurer
Comment oisifs, d'autant qu'ils sont principes de
les mixtes mouvement, ils convoquent à soi l'esprit
se dépêtrent général du monde qui est de même essence;
de leurs ex- & avec icelui ils se dépêtrent des
créments. dits excréments; d'autant que l'esprit général
du monde pénétrant toutes choses,
tant pour les conserver & nourrir, que
pour susciter des nouvelles générations
& productions ès sujets & individus où
les actions vitales cessent à cause des excréments
super-abondants qui empêchent
lesdites actions, & introduisent la mort
qui n'est que la fin & le terme des actions
vitales. Cet esprit général, dis-je, en pénétrant
toutes choses trouvant son fils
@

des secrets Chimiques. 37
garrotté & privé de ces actions, il commence
à lui susciter de nouvelles forces
& à séparer ses ennemis, d'où s'ensuivent
les dissolutions & corruptions des corps
morts, & en cette dissolution & corruption,
qui se fait par la pénétration de
l'esprit général du monde, l'esprit particulier
de l'individu, qui se dissout &
pourrit en ces parties étranges & non essentielles,
vient à pousser une nouvelle
vie, semblable aucune fois en espèce à la
première, & aucune fois dissemblable,
selon les teintures, dons & vertus que
l'esprit général y aura introduites les premières,
au commencement de la dissolution:
car l'esprit général, comme nous
avons dit ci-devant, a en vertu & puissance
toutes les formes naturelles; tellement
qu'il en introduit celles auxquelles
il est plus disposé, tant extérieurement
qu'intérieurement, par la dissolution du
mixte, qui le plus souvent par sa forme
intérieure a beaucoup de pouvoir de disposer
l'esprit général à la forme même,
d'où vient que le grain de froment dissout
& pourri en terre engendre & produit
le froment, & autres fois non: car le
plus souvent l'ivraie s'en produit, & de
la vermine, & cela vient de la disposition
C iij
@

38 Livre premier
que l'esprit général du monde y suscite,
qui reçoit cette disposition des lieux particuliers
où il se trouve, qui sont ses matrices,
qui contiennent ses esprits particuliers
à ses formes, qui s'introduisent en
la génération des choses, outre & par
dessus le voeu & l'intention, ou but de la
semence en laquelle l'esprit général passe
les actions vitales, & fait la génération
& production.
En la Na- Or toutes ces choses susdites ne pourraient
ture il y a se faire en la Nature, si en icelle il
une matière ne se trouvait une matière incorruptible,
incorrupti- une substance permanente & fixe
ble, qui est qui soit la base & fondement inébranlable
le fondement des générations & productions de
des généra- toutes choses. Tous les Philosophes, tant
tions. anciens que modernes l'ont admise en la
Nature, l'ont confessé par leurs écrits,
& l'ont appelée d'un nom général, première
& dernière matière de toutes choses:
Car selon leurs axiomes, reçus dans
les Ecoles: Quae sunt prima in compositione,
sunt vltima in resolutione: & quae sunt
vltima in resolutione, sunt prima in compositione,
nous apprenons qu'il y a en la Nature
une première & dernière matière de
toutes choses, qui est le fondement de
@

des secrets Chimiques. 39
toutes les productions & générations naturelles.
Les Philosophes Chimiques faisant Qu'est-ce*
l'anatomie & résolution des mixtes naturels que première
en leurs principes, ont trouvé que & dernière
cette première & dernière matière de matière.
toutes choses était un sel central & radical,
qui en la résolution des mixtes se
trouvait toujours la dernière matière en
laquelle le mixte se résolvait, & partant
qu'elle devait être la première aussi en
laquelle la Nature commençait la génération
& production de toutes choses.
Et à la vérité elle y commence & finit,
car les semences de toutes choses où la
Nature commence la production ne
sont que sel congelé, avec les plus subtiles Les semences
parties des corps desquels sont les semences; ne sont
la preuve en est évidente en la que sel
conjecture certaine: Faites bouillir la congelé.
semence, quelle qu'elle soit, vous la rendrez
à l'instant stérile & du tout infertile,
la raison en est, d'autant que cette vertu
séminale consiste à un sel, qui se résout
comme sel qu'il est, en l'eau bouillante,
& toute sa vertu passe en icelle eau, &
l'expérience nous le montre, car si de
cette eau en laquelle auraient bouilli quelques
semences vous en arrosez les plantes
C iiij
@

40 Livre premier
qui jettent ces semences, elles en reviennent
beaucoup plus fertiles & fécondes,
& les semences mêmes trempées
dans la même eau en laquelle auraient
bouilli de semblables semences,
pourvu qu'elles y trempent, cette eau
étant froide, & qu'après avoir trempé
quelque temps on les jette en terre propre
à leur Nature, elles en sont au centuple
plus fertiles & fécondes; car elles
prennent les vertus séminales de toutes
les autres qui ont bouilli en cette eau, &
c'est ainsi mettre double & triple semence
& vertu prolifique dans un même
corps. Les ménagers ont ici beaucoup
à apprendre; car de tous les grains pourris
& gâtés qu'on est contraint de jeter,
l'on en peut faire de frais, & l'extrait
duquel les semblables semences arrosées
qu'on doit semer & jeter en terre, récompensent
la perte qu'on a faite par la
pourriture des susdites semences, portant
ce double & ce triple, qu'elles n'eussent
fait si elles n'eussent été ainsi arrosées.
La Nature Cela nous apprend & nous montre
commence très clairement que la Nature commence
la généra- la production de toutes choses par un
tion par sel qu'elle a, central & radical, qui comprend
le sel.
@

des secrets Chimiques. 41
en soi & enferme en son sein les
autres deux principes naturels, qui sont
le feu naturel, & son humide radical que
nous appelons en Chimie Soufre &
Mercure; d'autant que ces deux mixtes
ont plus de rapport à ce feu naturel & à
cet humide radical, que tous les autres
mixtes de la Nature: Et ainsi du sel, lequel,
bien qu'il représente plus que tout
autre mixte naturel ce principe duquel
nous parlons, n'est pas toutefois ce principe,
mais un mixte composé comme les
autres mixtes naturels, dans lequel gît
ce sel principe de toutes choses comme
dans les autres mixtes; & d'icelui non
moins que des autres mixtes nous ne le Le sel commun
pouvons tirer & extraire par l'artifice Chimique n'est
qu'avec beaucoup de peine, & point le sel
de sueur: Car d'avoir un sel tout plein de principe.
feu naturel & vital, nullement corrosif,
rempli d'humide radical vivifiant le dernier
& premier aliment en toutes choses,
c'est posséder un trésor plus grand qu'on
ne pense, & préférable aux choses plus
précieuses qu'on doit tirer d'une chose
générale.
@

42 Livre premier ---------------------------------------- D E S E L E M E N T S N A-
turels. Qu'est-ce qu'Elément?
Chapitre VII.

Ce que pict Out le monde pense connaître
nous voyons les éléments, jusques
ès éléments au plus ignorant paysan, il
n'est point pense savoir que c'est, &
élément. moi au contraire je trouve
qu'il y a fort peu de personnes, mêmes
entre les plus doctes, qui connaissent
exactement la nature & l'essence des éléments;
car ce que nous voyons, & ce que
le vulgaire appelle éléments, ne sont
point éléments, mais corps mixtes & élémentés,
& fruits de ce qu'on doit appeler
élément. Car si nous suivons l'opinion
des Philosophes Scolastiques,
qui nous veulent faire entendre que les
éléments sont les substances premières
desquelles toutes choses sont faites &
composées, je ne vois pas, ni ne comprends
en aucune façon comme le feu,
l'air, l'eau & la terre que nous voyons &
@

des secrets Chimiques. 43
sentons puissent composer & faire la
moindre chose du monde; car bien que
toutes choses se fassent en eux, se produisent Rien n'est
& se conservent, ce n'est pas fait des
toutefois d'eux que ces choses se font, éléments.
mais de quelque autre chose qui est en
eux, qui est entièrement distincte & séparée
de l'essence & nature des éléments.
Celui serait digne de risée & moquerie
qui dirait que l'homme se fait de la
matrice de la femme, à cause qu'il s'y
engendre & s'y produit, s'y nourrit & s'y
conserve: Les éléments que nous voyons
sont pareillement les matrices de
toutes choses, car en iceux gît l'esprit
général & séminal de toutes choses, qui
est celui qui engendre & produit tout
dans les éléments, & les éléments ne
sont que le lieu & la matrice des productions Les éléments
& générations, le reste n'est qu'esprit sont les matrices
vital, ou excrément de cet esprit qui des choses.
informe, actue, & les rend pleins de
vie, autrement ce sont des corps sans vie,
vains & inutiles, comme il est dit dans la
sainte Ecriture: Car ce qui est dit de
l'un des éléments, Terra erat inanis & vacua,
comme nous avons dit ci-devant,
s'entend aussi des autres éléments, lesquels
étaient tous inutiles avant que le
@

44 Livre premier
Créateur de toutes choses y eût mis cet
esprit de vie qui les vivifia tous.
Les éléments, séparés de cet esprit vital,
ne sont que des substances vides de
force & puissance active, dans lesquelles
Dieu infusa cet esprit de vie, qui est
principe de mouvement & d'action, pour
rendre toute la nature créée productrice
& génératrice de toutes choses; & cet
L'esprit de esprit de vie est tellement lié & attaché
vie qui est à la substance des éléments, par une magie
ès éléments & un lien incompréhensible qu'il est
compose impossible de l'en séparer, ni se trouver
tout. aucune partie élémentaire la plus petite
qu'elle soit, qui ne soit remplie de cet
esprit vital que nous avons ci-devant
décrit.
Ces quatre substances colonnes du
monde qui furent créées du Dieu Tout-
Le feu n'est puissant, selon l'opinion de quelques
que ciel, & Philosophes Chimiques, sont le Ciel,
le ciel n'est l'air, l'eau & la terre, car ils ne font point
que feu. différence entre le feu & le ciel, le ciel
n'étant que feu, & le feu n'étant que
ciel.
Il y a beaucoup de Chimiques, entre
autres Lulle qui estime que Dieu
créa les Eléments & cet esprit de vie qui
les vivifie, & les rend pleins de vertu productive,
@

des secrets Chimiques. 45
& autres propriétés concernant
la vie, tout en un instant, & que cet esprit Des trois
fut le premier créé, en intention & principe
en pensée divine, & non en temps; & comme les
que du feu naturel de cet esprit les cieux éléments
furent faits, & que de l'humide radical, furent faits.
l'air & l'eau, & que du sel radical la terre
fut faite; & ainsi cet esprit de vie donna
le principe aux éléments par la puissance
divine, qui les en sépara, & mêla à l'instant
cet esprit dans ces corps, & les unit
tellement ensemble qu'il est impossible
de les en séparer par aucune industrie
humaine.
D'où il ne faut que nul des Alchimistes Les éléments
se vante de pouvoir par l'artifice chimique ne se peuvent
venir jamais à bout de pouvoir séparer, séparer
ni les principes vitaux l'un d'avec des
l'autre, ni les éléments de ses principes, principes.
en telle façon qu'on puisse dire, voilà un
soufre sans mercure & sans sel, voilà
un mercure sans soufre & sel, & voilà
un sel sans soufre & mercure, ni même
venir à la séparation des dits principes
conjoints & unis ensemble sans l'union
des quatre éléments ensemble avec ces
trois principes. Nous pouvons bien avoir
une substance en laquelle le soufre &
le feu prédominera, & sera apparent,
@

46 Livre premier
mais tout le reste y sera conjoint, & néanmoins caché: car quelle essence se peut trouver dans tout l'artifice chimique qui n'ait en soi les quatre éléments & les trois principes, je ne crois pas qu'aucun Philosophe Chimique le puisse soutenir; car de dire que tous parlent de la séparation des éléments, & qu'en écrivant de cette séparation il faut que réellement & de fait elle se puisse faire, ou c'est en vain qu'ils en ont écrit. Je réponds à cette objection, qu'à la vérité les Philosophes Chimiques ont tous écrit de la séparation des quatre éléments en la dissolution des mixtes, c'est-à-dire des substances qui représentent les quatre éléments; comme par exemple, quand ils séparent une substance oléagineuse dans Plaute, ils disent avoir séparé le feu & le soufre de la plante, & quand ils ont séparé une substance éthérée spirituelle, ils disent avoir séparé l'air & le mercure, & quand ils séparent une substance humide dans son intérieur, & sèche en son extérieur, qu'elle se congèle au froid, & se dissout en l'humide, ils disent avoir séparé la terre & le sel de la plante, mais tout est en chacune de ces parties séparées, car en ce sel tous les quatre éléments
@

des secrets Chimiques. 47
y sont cachés, voire assez manifestés, &
tous les autres deux principes mercure
& soufre: Tellement qu'on peut dire
que les quatre éléments ne sont que les
trois principes divisés en quatre par l'Alchimie
divine, car de la plus pure subtile
partie des trois principes que nous appelons
humide radical du monde, le Ciel
en fut séparé; & de l'autre partie moins
subtile, l'air; & de l'autre partie encore
moins subtile que celle-ci, l'eau en fut
tirée; & de la plus crasse & solide matière,
la terre en fut procréée, & ainsi un fit
trois, & trois firent quatre, où gît toute
la perfection qu'on pourrait souhaiter,
car 1. 2. 3. 4. font 10. où tout finit & se
termine. Voilà ce qui est en général des
éléments, l'essence desquels se donnera
plus clairement à connaître en leurs
Chapitres suivants.

@

48 Livre premier ---------------------------------------- D U C I E L, P R E M I E R
élément naturel.
Chapitre VIII.
pict Ous apprenons par la Philosophie Sainte & Sacrée qui est dans l'Ecriture sainte, que le Ciel est un des premiers éléments qui commencèrent à paraître dans la Création du monde: plusieurs Philosophes ne peuvent admettre le Ciel entre les éléments, d'autant, disent-ils qu'il est incorruptible & inaltérable, & qu'il faut que tous les éléments soient altérables & corruptibles pour la composition & production des mixtes naturels, en la production desquels les éléments entrent. A quoi je puis répondre, que le Ciel n'est point incorruptible & inaltérable, car l'expérience nous montre le contraire, parce que jusques en la Sphère de Vénus nous avons vu produire des Comètes & des feux
@

des secrets Chimiques. 49
feux étranges: car en l'an 1618. cette
grande comète chevelue qui parut par
tout cet hémisphère au mois de Novembre
& Décembre, & brûla durant tout
cet espace de temps, nous donne assez
suffisamment à connaître que le ciel
n'est point incorruptible & inaltérable,
puisque les générations des comètes s'y
font; & même dans le Firmament ces
étoiles nouvelles qui ont été remarquées
par l'Antiquité près de Cassiopea,
qui ont eu même & pareil mouvement
que la Cassiopée, & six ou sept mois durant
ont continué leur mouvement & Le ciel est
leur lumière, & puis ont disparu, nous corruptible.
donnent à connaître que le ciel est altérable
en la production de ces météores &
feux nouveaux. Je ne vois aucun inconvénient
en la Nature pour faire entrer le
ciel en la composition & production des
mixtes, comme les autres éléments,
l'air, l'eau & la terre y entrent bien, &
partant ils ne dominent jamais, ni ne
manquent en la Nature: Le ciel en peut
bien faire de même, sans que pour les
générations & productions des choses il
puisse jamais faillir & manquer en la Rien ne se
Nature. Car en icelle rien ne se peut, & perd dans
ne va jamais dans l'abîme du néant, il la Nature.
D
@

50 Livre premier
appartient au Créateur seul de pouvoir anéantir, comme de tirer du néant en la lumière de l'être substantiel. Toutes choses ne font que se mêler ensemble, & s'altérer les unes aux autres & de là paraître dans la lumière de l'être, tantôt sous un vêtement, & tantôt sous un autre; & ainsi paraissent diverses formes & figures en la production des choses, qui sont les ombres & les corps où l'être des choses est caché; & cet être ne nous peut être connu que par l'anatomie de ces corps & ombres qui le cachent: Voilà pourquoi ces Chapitres précédent la démonstration de cet artifice Chimique, afin qu'en la dissolution des corps l'on ne prenne pas martres pour renards, & une chose pour une autre, il faut savoir & connaître ce qui entre en la composition & production de toutes choses. Or en toute la Nature il n'y a que les quatre éléments & les trois principes naturels, avec leurs excréments & résidences qui constituent toute la Nature en général & en particulier. Partant, étant très nécessaire de connaître ces choses, avant que d'en venir à leur séparation, vous devez estimer très importants les Chapitres particuliers
@

des secrets Chimiques. 51
de toutes ces choses pour vous manifester
leur nature & leur essence.
Le ciel donc que nous estimons un des Qu'est-ce
premiers éléments qui entrent en la composition que ciel?
des choses n'est que la partie
plus subtile & lumineuse de soufre de
vie, duquel Dieu créa le ciel au commencement
du monde, & en icelui mit
& colloqua en abondance la plus subtile
& lumineuse partie de ce feu naturel,
que nous appelons soufre de vie, pour
la communiquer aux autres éléments, &
l`infuser par ces rayons, & la départir également Pourquoi
par ses divers mouvements; & le ciel est
voilà pourquoi le ciel a des lumières & plein de lumière
des mouvements, afin que par ses feux et
perpétuels & son mouvement continuel de mouvement.
il puisse communiquer ce feu vital que
Dieu a enclos en lui en abondance. Partant
quand vous verrez en la dissolution
des mixtes naturels, une substance
subtile, claire & limpide, remplie
de feu naturel qui lui donne un éclat
précieux rouge comme rubis, ou jaune
comme jacinthes, dites assurément que
c'est le ciel du mixte que vous avez résolu,
conjoint avec son feu vital, qui
constituait l'être & la vie du mixte,
tellement qu'à juste raison les Médecins
D ij
@

52 Livre premier
Spagyriques, quand ils ont une essence
pure & nette, où prédomine cette partie
de soufre de vie; ils l'appellent astre &
ciel, à cause que c'est l'influence céleste
avec cet esprit général de vie, qui s'est incorporé
& individué dans ce mixte, duquel
vous avez fait cette résolution.
Tout l'espace depuis le ciel de la
Lune jusques au premier mobile, n'est
qu'un lieu rempli d'une quintessence de
ce feu de vie, & feu naturel que Dieu a
constitué en la suprême région du monde,
& l'appelle ciel, dans lequel il a mis &
constitué plusieurs luminaires, entre
autres deux très grands; l'un pour présider
au jour, appelé Soleil, & l'autre pour
présider à la nuit, appelé Lune: Et ces
deux grands luminaires sont plus particulièrement
doués & remplis de ce feu
de vie que les autres, principalement le
Soleil, qui comme centre du globe céleste
Le Soleil possède plus copieusement ce feu vital,
est plein de que toute autre Planète; aussi le fait-
soufre on source & fontaine de vie pour cette
de vie. raison: & les Hébreux qui possèdent par
leur langue les vraies étymologies énergiques
des mots, l'appellent Semes, qui
signifie en leur langue Ciel car Samain
au pluriel signifie Cieux, comme si le Soleil
@

des secrets Chimiques. 53
entre toutes les Planètes méritait de
porter le nom de Ciel, à cause de la vie
abondante & copieuse qu'il enferme
dans son centre, qui lui donne le nom:
Assurément donc que le Ciel n'est autre
chose qu'une substance pure de l'esprit
général de vie, en laquelle prédomine le
soufre vital dudit esprit, qui lui donne
l'éclat & lumière vitale, par laquelle
elle infuse & inspire la vie, la fomente, la
nourrit & conserve en toutes choses, &
qu'en la résolution des mixtes qui se fait
par artifice chimique, ce qui se trouve
de tel, savoir pur & limpide, éclatant
comme une pierre précieuse, plein de
vertu & d'énergie très puissante pour
agir, nous le pouvons appeler Ciel, d'autant
que cet esprit général de vie, duquel
Dieu créa toutes choses étant partie du
ciel, & descendant du ciel pour former &
procréer les mixtes, est à juste raison appelé
ciel par emphase, bien qu'il ne soit
pas ciel à parler exactement; & pareillement
se trouvant fait mixte, il me semble
que les mixtes ainsi purifiés & exaltés à
ce degré de pureté, peuvent avec juste raison
être appelés Ciels, à cause du pareil
esprit de vie qui se trouve en eux, en plus
grande perfection & pureté, qu'avant
D iij
@

54 Livre premier
leur résolution. De cette conclusion nous pouvons comprendre que le ciel n'est pas une substance tellement simple & homogène en sa composition, qu'elle n'ait dans l'intérieur de sa substance tour ce que possède l'esprit de vie qui lui donne son être, voire même que les autres éléments qui sont en lui: mais très purs, puisque les autres éléments ne peuvent être séparés dudit esprit général de vie, qui ne peut être séparé du Ciel, y ayant été infus & implanté par la Toute-puissance Divine, aussi bien qu'aux autres éléments pour remplir leur vide & vacuité, comme l'on a démontré ci- devant. Tellement que dans le ciel se trouve un air céleste, une eau céleste, & une terre céleste, avec les trois principes de vie; le tout constituant le nombre septénaire sacré, où tout est compris & contenu. Et partant ce n'est pas une chose extraordinaire, & contre le cours naturel, de voir des générations dans le ciel, puisque dans icelui toutes les causes de la génération & production s'y trouvent, qui sont les éléments, comme matière; & cet esprit général de vie comme forme, & agent principal de toute génération.
@

des secrets Chimiques. 55
Toutefois nous n'entendons pas que
d'ordinaire des plantes, des animaux &
métaux puissent produire en cette suprême
partie du monde; d'autant que
outre les causes matérielles & formelles
en la génération, il est nécessaire que le
lieu & la matrice particulière, & propre à
l'individu, s'y engendre. Or ces lieux suprêmes
sont ineptes, & impropres à soutenir
& fomenter les semences pesantes
& corporelles, de toutes sortes de végétaux,
animaux & minéraux. Si est-ce
toutefois que l'histoire nous apprend,
qu'on a vu pleuvoir du blé, des crapauds,
chenilles, chattepelouses, papillons
& autres animaux infects, & du fer
& du cuivre pour nous assurer que dans
le ciel même la production de toutes choses
peut succéder par quelque cause extraordinaire,
les semences des dites choses
pouvant être portées par quelque Dans le ciel
tourbillon violent jusques dans le ciel, & toutes choses
à l'éclore tout à coup dans la lumière peuvent être
de leur être, pour choir sur l'élément engendrées. |
prédestiné à leur demeure; & ainsi nul
élément n'est exclu, ni privé des générations;
mais chacun a ses propres semences
qu'il chérit & conserve, pour en
produire des fruits, propres & convenables
D iiij
@

56 Livre premier
à sa région & à sa Sphère. Le ciel a ses
Etoiles, Planètes, Comètes & feux
contre nature, qui nous produisent des
fruits fort différents les uns des autres:
Mais puisque depuis que le péché est entré
au monde le bien est toujours mélangé
parmi le mal, il nous faut patiemment
supporter ce mal, pour jouir avec tranquillité
du bien, qui est mélangé parmi
ce mal. Dans mon Panchimicum je
traiterai particulièrement & bien au
long de tous ces fruits célestes; Et partant
nous quitterons ici le ciel pour descendre
dans l'air, & voir qu'est-ce qu'on
estime de cet élément.
----------------------------------------
D E L'A I R, S E C O N D
élément des choses naturelles.

Chapitre IX.

Le feu pict Lusieurs d'entre les
commun Philosophes seront grandement
n'est point étonnés, & quasi
élément. ébahis qu'il m'a pris
la fantaisie d'exclure le
feu du calcul & du nombre
des éléments, qui est visible, sensible,
@

des secrets Chimiques. 57
& apparent dans la masse du monde, aussi
bien que l'air, l'eau & la terre: Ils quitteront
s'il leur plaît leur étonnement, &
cesseront de choquer cette opinion,
quand ils méditeront avec moi, que le
ciel duquel nous avons parlé ci-devant
est le vrai feu naturel qui conserve, nourrit
& produit toutes choses, comme tout
vrai élément doit faire. Or le feu apparent
& sensible dans la masse du monde, qui
paraît dans nos fournaises & brasiers,
dans nos foyers & flambeaux, dans nos lampes
& chandelles, est un feu dévorant, consumant,
détruisant plutôt que conservant,
nourrissant & produisant: Et partant
il ne peut être élément en aucune
façon, car ce qui est principe de vie ne
peut être jamais principe de mort; desquels
principes nous parlerons en leur lieu
comme diamétralement contraires aux La vie
principes de vie, & provenant d'une source vient de
entièrement différente: car les uns sont Dieu, & la
venus immédiatement de Dieu, qui est mort vient
la vraie & unique source de vie; & les du péché.
autres sont venus du péché, & de la transgression
de la volonté Divine, qui est Pourquoi
avec Dieu diamétralement contraire. le feu n'est
Le feu donc apparent & sensible dans point élément.
nos brasiers, ne peut être élément &
@

58 Livre premier
principe de vie, puisqu'il est évidemment
principe de mort, & qu'il dévore,
détruit & consume toutes choses: je
m'assure que ces petits raisonnements
seront assez forts & puissants pour faire
ôter d'étonnement tous ceux qui ont
jusqu'à présent colloqué entre les éléments,
ce messager de mort, & le vrai
enfer des choses naturelles. En son Chapitre
particulier nous en dirons à mon
avis choses qui contenteront un chacun,
pour reprendre à présent l'élément de
l'air, & en montrer l'anatomie, pour
faire voir à tout le monde ce qu'il a dans
son ventre, & dans son intérieur.
Qu'est-ce L'air donc, second élément des choses
que l'air? naturelles, est une substance subtile, pénétrante,
qui occupe tout l'espace du
monde, qui est depuis le ciel jusques au
globe de l'eau & de la terre. Il pénètre
encore ces deux solides éléments, & s'insinue
dans leurs pores, pour porter l'esprit
général de vie, en toutes les parties de
leurs solides masses: Il a été créé de la
toute-puissante main Divine, de cet Esprit
de vie, duquel toutes choses ont été
faites, & principalement de cette partie
que nous avons ci-devant écrite, & appelée
humide radical du monde & mercure
@

des secrets Chimiques. 59
de vie: car si nous devons croire
Hermès Trismégiste en son Pymandre, L'air de
nous assurerons & écrirons hardiment quoi a-t-il
que toute cette vaste campagne d'air, été fait?
n'est que la plus subtile partie de l'humide
radical du monde, ornée & assortie de
diverses qualités suivant les diverses régions,
& les diverses saisons de l'année,
qui font pressentir en elle tantôt chaud,
tantôt froid, & tantôt humide. Et si
nous avons soutenu & démontré ci-
dessus que le ciel est la plus subtile partie
du feu naturel, & son pur esprit que nous
appelons soufre de vie, qui est la première
& principale partie du mercure de
vie, ou esprit général du monde, il faut
pareillement soutenir que l'air qui est
moins pur que le ciel, & qui n'est élevé
à tel degré de pureté & subtilité, a beaucoup
moins de feu & de ce soufre de vie
que le ciel; & partant qu'il tient plus du
pur, de l'humide radical du monde, & de
ce baume de vie, que tout autre élément;
je dis du pur & du plus subtil de cet humide,
à cause que l'eau en tient abondamment,
mais il est plus crasse & épais
que l'humide qui est en l'air, comme l'on
verra en son Chapitre. De tout ce discours
nous pouvons raccourcir sa définition,
@

60 Livre premier
& dire que l'air est un élément qui
Définition a pris son origine & sa source de la plus
de l'air. subtile partie de l'humide radical du
monde que Dieu étendit depuis le ciel
jusques à la superficie de l'eau, & lui donna
encore ingrès & pénétration, jusques
au plus profond de la terre pour y porter
son esprit, qui premier lui donna son
être, afin de pouvoir par ce moyen fournir
ce qu'il faut à tant de générations, &
productions des mixtes, qui se font tous
les jours parmi ces éléments: il est toutefois
vrai, certain & très véritable que ce
qui pénètre ces solides éléments, n'est pas
seulement air, mais son esprit qui lui
donne cette pénétration, sans lequel il
n'aurait aucune action, ni opération: car
c'est de lui qu'il a & qu'il possède, & qu'il
conserve toutes ses vertus & propriétés:
hors de cet esprit, nous le pouvons avec
juste raison appeler avec Virgile, Magnum in aue,
grand vide: Mais aussi pourrait-on
dire de même des autres éléments,
car privés de cet esprit ils ne sont
rien que des grands corps vastes, vides
de toute vertu, propriété & action. Ce
qui a occasionné Paracelse d'assurer que
les éléments, voire le ciel, n'étaient que
les lieux & matrices de cet esprit de vie,
@

des secrets Chimiques. 61
& que cet esprit ôté, ils n'étaient rien
qu'un abîme de vide, plein de ténèbres.
Hippocrate pareillement nous apprend que tout dépend des puissances,
& forces naturelles απο των Αηναμιον ωαντα
σινεδαι, dit-il, toutes choses sont engendrées
par les puissances: Or il appelle
puissances cet esprit qui est enclos dans
les éléments; & même dans l'homme, il
est appelé Impetum faciens, comme principe
de force, vigueur & puissance. Or
que cet esprit duquel nous parlons ne
soit cette puissance que Hippocrate remarque
être en la Nature, il est facile à
conjecturer par cet Aphorisme, reçu
de tous les Médecins, Natura morborum
curatrix; d'autant que ce qui guérit &
chasse les maladies, il faut que ce soit
quelque substance pleine de vertu & de
force: or il n'y a point en toute la Nature,
vertu plus puissante que cet esprit,
qui est même chose avec la Nature; &
partant est appelé par Hippocrate nature
& puissance d'icelle. Et le même
Hippocrate ayant remarqué que l'air est
rempli particulièrement de cet esprit,
puissance & vigueur de Nature, il appelle
cet esprit air, prenant le contenant

@

62 Livre premier
pour le contenu: car la force & vigueur
de l'air consiste en cet esprit, vrai nectar
& restaurateur de toutes choses: Et c'est
la raison pourquoi toutes choses qui ont
être; tant minéral, végétal, qu'animal,
ont besoin de nécessité nécessitante
de l'air, pour la conservation de leur
être; non pas que l'air simple, comme élément
soit nécessaire à leur conservation;
mais comme élément rempli de cet
esprit qui est seul, la vraie & unique conservation
de toutes choses, comme il est
principe & commencement de leur
être: car en tant qu'élément il n'est que
véhicule de cet esprit, qui de soi est si
simple & subtil, qu'il ne peut être communiqué
Les éléments à nul des mixtes & individus
sont les vé- élémentaires, que par les véhicules &
hicules de moyens que Dieu a établis dans la Nature:
l'esprit de Or ces véhicules sont quatre, le ciel est
vie. le premier, qui par ses rayons & influences
nous communique cet esprit de vie:
l'air est le second véhicule qui moins
subtil que les rayons & influences du
ciel, nous communique encore en sa façon
le même esprit: l'eau est le troisième
véhicule qui nous départ pareillement
cette quintessence de vie; & la terre est le
dernier & quatrième moyen, par lequel
@

des secrets Chimiques. 63
nous recevons cette vertu qu'Aristote
nomme Entéléchie, comme vertu & puissance
de l'être. Et ainsi invisiblement &
insensiblement cette vertu nous est départie
selon la nécessité des différents
êtres qui se trouvent dans l'enclos de ce
vaste Univers: car les animaux pour entretenir
leurs facultés & puissances supérieures
à tous les autres, ont besoin
d'un aliment très subtil, qui réponde à
l'élément céleste, & aux influences des
Etoiles & Planètes, & en être fomenté,
nourri & conservé. Et les végétaux Les divers
n'ayant leurs puissances & facultés vitales mixtes de la
si subtiles & relevées que les animaux, nature ont fait
n'ont aussi besoin d'un si sublime la nécessité
aliment; & partant ils se contentent d'un des quatre
esprit éthéré qui a plus d'air & d'eau que éléments.
de ciel. Les minéraux pareillement plus
grossiers que tous les autres, ont aussi
besoin d'un aliment moins subtil que
les animaux & végétaux, car ils ont
un aliment où il y a plus d'eau & de terre
que d'air & de ciel: Et ainsi la diversité
des habitants du monde, semble avoir
produit la diversité des aliments; car il
faut qu'un chacun soit nourri & conservé,
conformément à sa nature: Il est vrai
toutefois que chaque individu, & tous
@

64 Livre premier
en général se produisent, se nourrissent, &
se conservent d'une même chose, qui a
tout en soi & qui se trouve en toutes; d'où
les Chimiques ont dit: Omnia in omnibus:
Toutefois les quatre éléments y sont toujours
conjoints avec quelque différence,
qui a sa dépendance du lieu où s'engendre,
se nourrit & conserve le mixte; &
Pourquoi voilà la raison pourquoi il y a quatre éléments
quatre élé- en la Nature. S'il est permis, & si
ments. l'on peut raisonner sur la volonté Divine,
& chercher en icelle le fondement &
raison de ces quatre diverses natures,
pour nourrir & conserver, produire &
engendrer, moyennant cet esprit qu'elles
contiennent, tous les individus de ce
Comment monde; Mais est-il possible, dira quelqu'un,
l'esprit gé- que cet esprit homogène & semblable
néral nou- en toutes ses parties, & unique en
rit tout. substance, puisse servir d'aliment à tant
& tant de choses différentes & diverses,
qu'il y a en toute la Nature: Oui, répondrons-nous,
parce qu'en cet esprit toutes
les formes naturelles sont encloses, en
puissance & vertu; le lieu seulement qui
lui sert de matrice tire & pousse dehors
en acte, & dans la lumière de l'être la
forme particulière qu'il demande, comme
par exemple, le pommier, le poirier,
le
@

des secrets Chimiques. 65
le prunier, & ainsi des autres, attirant à
eux cet esprit pour leur servir d'aliment;
cet esprit s'insinue en eux, & prend la forme
particulière & individuelle du lieu &
de la matrice où il entre; & ainsi sert d'aliment
au pommier, poirier & prunier,
& se fait semblable à eux, & tire de sa
puissance la forme qu'ils demandent.
Les quatre éléments ne servent que de Les éléments
véhicule & de menstrue, s'il faut ainsi à quoi servent-ils.
parler, pour produire, nourrir & conserver
toutes choses: comme nous verrons
particulièrement au chapitre suivant.
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D E L'E A U, T R O I S I E M E
Elément.

Chapitre X.

pict Lusieurs d'entre les Philosophes L'eau premier
anciens, nous ont élément.
laissé par écrit que l'eau a été
le premier élément qui a paru
à la Création du monde. Les Cabalistes
Hébreux sont de cette opinion, car il
semble même que par leur langue, que
les Cieux ne sont qu'une eau étendue &
sublimée en la suprême région du monde:
E
@

66 Livre premier
car מים c'est eau, & שמים c'est le Ciel: comme voulant dire que le Ciel n'est qu'une eau sublimée; & la terre n'est que la plus grossière partie de l'eau. Tellement que si la plus subtile partie de l'eau est sublimée en haut, & a constitué l'air & les Cieux; & la plus crasse & grossière partie est descendue en bas, & a constitué l'eau & la terre: ils ont très juste raison de nous assurer que l'eau est le premier élément du monde. Mais je crois que sous ces discours des anciens Philosophes & Cabalistes Hébreux nous pouvons soutenir & éclaircir notre opinion ci-devant écrite: savoir que le monde & toutes choses qui sont en icelui, ont été faites de l'esprit général du monde, par la Toute-puissante main du Souverain Créateur, qui dans l'instance de la Création du monde, tira de l'abîme du néant cet esprit de vie, qui dans son vide comprenait toute la multitude des espèces mondaines; qui par la puissance Divine furent dans le même instant tirés hors l'abîme de la nuit & de l'ombre, dans la lumière de l'être. Or cet esprit général du monde qui fut créé au commencement, ne pouvait paraître sous autre
@

des secrets Chimiques. 67
forme & signe, que sous celle qui paraît
présentement lorsqu'on le rend visible
& palpable aux sens des vrais & légitimes
enfants d'Apollon. Tous nous assurent L'esprit
que cet esprit paraît sous la forme du monde n'est
de l'eau; tellement que cette Philosophie que eau.
qui nous assure que l'eau fut la
première chose qui donna l'être à tout
cet Univers, ne contrarie en aucune façon
à la Philosophie Chimique, qui nous
dicte que ce fut l'esprit général du monde,
qui n'étant autre chose qu'une eau
pleine de vie, de force, vigueur & puissance
de l'être, en général de toutes choses,
nous peut faire comprendre que cette
Philosophie Cabalistique, n'est nullement
rêverie; mais pure & bien relevée
sagesse. Et qu'ainsi ne soit, n'est-il pas
vrai que tous les Philosophes, tant
anciens que modernes, avec tous les
Théologiens & Médecins, sont d'accord
d'une première matière, qui par création
Divine, donna commencement à toutes
choses; & que cette matière première,
où toutes choses étaient en puissance, &
comme dans les ténèbres d'un abîme, &
dans le confus mélange d'un chaos sans
aucune distinction, ne pouvait être que
sous la forme & figure de l'eau; puisque
E ij
@

68 Livre premier
encore en la résolution des mixtes, nous ne trouvons qu'une eau grossière & épaisse, congelée & condensée en sel, qui se résout facilement en eau, tant de soi- même, exposé à l'air, que par la violence du feu, en la distillation & même, en la fusion qu'il a, à force de feu il nous représente toujours la forme & l'image de l'eau. Puisqu'ainsi est, que la dernière matière en laquelle par l'artifice Chimique toutes choses sont résolues, est une eau; n'aura-t-on raison de soutenir que la première matière de toutes choses a été l'eau, par l'axiome Péripatétique reçu dans toutes les choses: Quae sunt ultima in resolutione, sunt prima in compositione. Il me semble qu'il n'en faut nullement douter, mais seulement il est permis de rechercher & s'enquérir, si cette eau qui donna l'être à toutes choses, était une eau simple & élémentaire, celle que nous voulons décrire en ce Chapitre. Nous prétendons démontrer l'eau comme élément simple, dénué de ce principe de vie; & partant cette eau qui donna Commencement à toutes choses, ne pouvait être telle: car il fallait bien qu'elle eût avec elle ce principe de vie, puisqu'elle le départit à toutes les choses
@

des secrets Chimiques. 69
créées: car tout étant plein de vie, il
faut bien que son principe en fût aussi
pourvu. L'élément donc que nous
voyons dans les fontaines, dans les rivières
& dans la mer, dirons-nous que c'est
le premier élément, puisqu'il est rempli
de cet esprit de vie, & qu'il contient en
soi ce sel central qui est la base & le fondement
de cette vie, bien qu'il soit tel,
nous ne le pouvons colloquer le premier
élément: car le ciel & l'air sont beaucoup
plus nobles, & beaucoup plus purs que
l'eau, & ont tout ce qu'il a, & tout autant
de cet esprit de vie qu'il peut avoir, est
beaucoup plus pur; & partant mérite la
primauté en l'ordre de Nature, comme
aussi ont-ils obtenu un siège & lieu plus
relevé & sublimé que l'eau.
Nous dirons donc que c'est le troisième Qu'est-ce
élément que Dieu tira par création de la que l'eau.
plus grossière partie de l'humide radical
du mercure du monde, qu'ailleurs nous
avons appelé esprit général de vie; &
que dans icelui il infusa toutes les parties
dudit esprit de vie, & lui donna son
siège & demeure entre l'air & la terre;
afin que les habitants de l'un & l'autre
élément eussent par ce moyen facile
accès à la jouissance de cet esprit de vie
E iij
@

70 Livre premier
qu'il enferme dans son ventre: Et par
ainsi c'est le troisième véhicule de cet
esprit du monde, pour porter la vie naturelle
par sa boisson à tous les vivants de
l'Univers. Il fait & opère dans ce grand
tout ce que le sang fait & opère dans les
parfaits animaux. Nous voyons qu'il
porte l'esprit nutritif à la substance alimenteuse
par tout le corps, par le moyen
L'eau est de ses veines qui sont comme les rivières,
dans la na- les ruisseaux & fontaines dans le
ture comme grand monde, qui vont arrosant tout le
le sang dans grand corps de la terre, pour nourrir,
les corps. croître & multiplier, conserver & maintenir
tous les individus & mixtes qui s'y
trouvent, donnant à un chacun, bien que
différent l'un de l'autre, ce qui lui est
propre & convenable à sa substance;
comme le sang fournit au nerf, à l'os, à la
chair, au cartilage, & à toutes les autres
parties, bien que différentes l'une de
l'autre, son propre & particulier aliment.
Si l'on séparait du sang humain cet esprit
nutritif, que les Médecins ont accoutumé
de nommer naturel, le sang ne
pourrait, ni ne saurait nourrir en aucune
façon, mais serait au corps humain, &
à tous les autres animaux un suc inutile à
la vie, comme aussi par expérience nous
@

des secrets Chimiques. 71
voyons arriver, qu'après que les parties
se sont appropriées, cet esprit de vie qui
réside dans le sang, qui seul est le vrai
& unique aliment, ils rejettent le reste
de ce suc, & presque tout en urine &
excréments aqueux & humides, comme
inutiles à la vie; l'eau dans le grand
monde en est de même, après qu'elle a
porté & communiqué son esprit de vie
qu'elle contient, elle se retire comme
inutile, remplie de sel excrémenteux,
que toutes sortes de mixtes rejettent à
travers leurs pores, & les déposent dans D'où vient
les éléments où ils sont produits, & où ils la diversité
font leur demeure, d'où vient la grande des sels
diversité des sels qui se trouvent & dans en la nature.
la terre & dans l'eau, que la nature par
sa vertu attractive amasse en quelques
lieux, & en fait démonstration évidente,
non pas que je veuille dire que la
Nature n'ait d'autre moyen séminal &
radical pour produire toute la diversité
des sels qu'on se peut imaginer; outre
& par-dessus ce sel excrémenteux des
mixtes qui se trouvent & dans l'eau &
dans la terre; car ceux-ci peuvent multiplier,
& de vrai multiplient ceux que
la Nature produit; car nous voyons par
expérience que les pissats de tous les animaux
E iiij
@

72 Livre premier
multiplient le salpêtre naturel qui se trouve dans la terre, d'où vient que dans les écuries & étables de toutes sortes d'animaux, à cause de leurs pissats qui sont tous pleins de sel excrémenteux, le salpêtre y est plus abondant & copieux qu'en tout autre lieu: La même chose arrive dans les Cimetières couverts, où la pluie ne donne point, & dans les Eglises & Cloîtres d'icelles où l'on a accoutumé d'ensevelir les corps humains, qui venants à se dissoudre en leur dernière matière, il se trouve en cette dissolution quantité de sel, qui vient à se joindre à celui qui est naturel, dans le lieu où les corps se pourrissent, & par ainsi ce sel vient à croître & multiplier plus abondamment en ces lieux qu'en tout autre, où aucune pourriture d'aucun mixte ne se fait. Il est certain qu'en ces deux éléments du globe intérieur, il se fait plus de dissolutions & putréfactions qu'en tout autre; car combien de mixtes & d'individus se pourrissent & détruisent dedans l'eau, & dans la terre? il s'y en détruit tout autant, je crois, comme il s'y en produit; & le sel radical de tous ces mixtes, qui dans leurs putréfactions & altérations
@

des secrets Chimiques. 73
se dissolvent en leur première
matière, & en leur sel radical, demeure
& dans la terre & dans l'eau, sur laquelle
le Soleil depuis la Création du monde,
ayant agi & dardé ses rayons continuels,
a fait paraître évidemment
manifestement le sel caché au ventre de
la Nature, non qu'il l'ait produit & engendré Le sel dans
par la réflexion violente de ses la Mer n'est
rayons, qui produisent par accident un produit par
chaud très violent, brûlant & calcinant le Soleil.
toutes choses, & de là engendrant le sel,
comme partie plus subtile du sujet, qui
est brûlé & calciné, selon l'opinion de
quelques-uns de la commune Ecole;
mais au contraire les rayons par leur violente
réflexion, ne pouvant brûler &
calciner le sel, d'autant qu'il est inaltérable
par le feu, & incorruptible en soi-
même, calcine, brûle, détruit & consume
tout le reste, qui n'est de la nature
du sel, & partant il est facile que le sel
qui était invisiblement infus & mélangé
par toutes les parties élémentaires
de l'eau, paraît & se manifeste, lorsque
les parties qui le tenaient caché, sont détruites
& consumées. Le sel dans
Quelques-uns estiment que le sel dans la Mer est
la Mer, est par accident, & non naturel naturel.
@

74 Livre premier
& radical, mais si ceux-ci posent ces raisonnements susdits, ils trouveront que le sel est naturellement implanté dans l'élément de l'eau & non par accident; par le moyen du Soleil qui calcine & brûle la superficie de l'eau, toutes choses, tant en général qu'en particulier, ont un sel, racine de l'esprit de vie qui est en elle. Si tous les individus en sont pourvus, & que leur être dépende des éléments, par le moyen de cet esprit de vie, qui est en eux, il faut qu'en tous les éléments se trouve ce sel, qui est la racine & la partie matérielle de cet esprit de vie; Et encore, puisque tous éléments ont été tirés & créés de cet esprit de vie, il faut de nécessité qu'il leur ait communiqué tout ce qu'il a. Ayant donc le sel avec lui, il faut qu'il le leur ait communiqué. Il se trouvera donc dans le Ciel, dedans l'air, & plus matériellement dedans l'eau, & dans la terre, non comme chose accidentellement advenue en leur essence, mais comme partie vraiment substantielle de leur être, que si toutes les eaux ne sont pas salées comme celle de la Mer, nous ne dirons pourtant que le sel ne soit en elles, peu ou prou, mais non pas si évident & si apparent qu'en celle de la Mer;
@

des secrets Chimiques. 75
car évaporant les eaux les plus douces,
plus claires & limpides des plus belles
fontaines de la terre, enfin l'on trouve ès
résidences qu'elles laissent du vrai sel;
partant il faut dire qu'en toute eau il y
a du sel, peu ou prou, essentiel & radical,
& non accidentel.
L'eau de la mer en est plus pourvue en abondance que toutes autres, d'autant
que c'est la source des eaux, & c'est
celle qui doit communiquer la vertu nutritive
à toutes les autres, par le moyen
de cet esprit de vie; dont la partie radicale
& essentielle est sel: Et si l'eau des
fontaines & rivières n'est en apparence
salée, & est privée de l'abondance du sel
qui est en la mer, c'est que l'eau de la mer
s'insinuant dans les pores de la terre, tant
de nombres presque infinis d'individus
& de mixtes qui se produisent dans la
terre, attirent à soi ce sel pour leur aliment,
& même il est employé en leur
production; tellement que petit à petit
l'eau se dépouille de son sel naturel qu'il
possédait en abondance, & n'en retient
que celui qui lui est nécessaire pour la
conservation de son être, qui n'est point
apparent comme en la mer: Et ainsi cette
eau qui sort de la terre, douce & exempte

@

76 Livre premier
de toute violente & piquante saveur, s'approche
plus de la nature de l'eau simple
& élémentaire que toute autre; car elle
n'a pas beaucoup de cet esprit nutritif &
alimenteux, parce qu'elle la laisse dans
les pores de la terre avec la substance du
Compa- sel, duquel elle s'est dépouillée. Ainsi le
raison du phlegme doux que nous rejetons par la
phlegme salé bouche & par le nez, représente l'eau
avec l'eau des rivières & fontaines minées, ou pour
de la mer. le moins amoindries de sa substance du
sel; il y a bien du phlegme qui est salé &
piquant, il y a aussi des fontaines salées &
qui ne laissent pas le sel que la Nature y
a mis, comme le phlegme qui se sépare
de la masse du sang, qui est abondant en
sel, ne se peut exactement en tous sujets
séparer dudit sel, qu'il n'en ait & n'en
retienne quelque chose, de l'abondance
de la source de laquelle il provient; il ne
laisse pourtant, bien qu'en plusieurs sujets
il paraisse doux, & entièrement privé
du sel, d'en avoir sa provision; car
rien du monde ne peut être exempt de
ce principe, ni des autres deux qui sont
conjoints avec lui, & moins des éléments
qui sont aussi conjoints avec ces
trois principes; Tellement qu'en toutes
choses il se trouve que sept ont concouru
@

des secrets Chimiques. 77
à produire & constituer une seule & unique
chose qui résulte de la mixtion d'icelles: En toutes
savoir les trois principes, Sel, choses sept
Soufre & Mercure, & les quatre éléments, concourent à la
le Ciel, l'Air, l'Eau & la Terre, génération,
& cependant selon la vérité pure de la savoir les
vraie & vitale Philosophie, ces sept ne trois principes
sont qu'un; car comme j'ai prouvé & démontré & les quatre éléments.
ci-devant, les trois principes ne
constituent qu'une chose, & une substance,
que nous appelons Mercure de vie,
Esprit de vie, Baume de vie; car elle a
une infinité de noms, mais elle n'est
qu'une seule substance; de laquelle les
quatre éléments ayant été faits & créés,
& n'étant rien plus que ces trois principes,
il est très vrai que tous ces sept ne
font qu'un, d'où est sorti ce fameux
axiome: Omnia ab vno, & in vnum Sept ne
omnia. font qu'un.
Il ne faut donc douter que notre eau
élémentaire, & tout ce qui est en elle ne
soit sortie de ce principe, & principalement
de la plus grossière & crasse partie
de son humide, avec le plus pur & subtil
de son sel qui enferme toujours la plus
crasse partie de son soufre, ou son feu
naturel; & voilà comment les trois principes
concourent à la production de l'élément
@

78 Livre premier
que nous traitons en ce Chapitre: Et tous les jours l'on peut voir cette production en la même façon que je la décris, si les yeux des sages & légitimes enfants de Minerve, ne sont couverts de si grossières taies, que ce que les aveugles mêmes peuvent comprendre par leur attouchement, ils ne le peuvent voir de leurs yeux: N'est-il pas vrai que la tortue calcinée est tout sel calciné à force de feu, qui lui a fait perdre tout ce qu'il avait de cet esprit de vie volatil qu'il avait en soi; aussitôt qu'il est exposé à l'air il attire à soi tout autant d'air qu'il peut, afin de recouvrer cet esprit qu'il a perdu; & cet esprit ainsi attiré & encrassé par la substance du sel, l'humide qui est caché, & occulte en cet esprit de vie qui est épars dans l'air, paraît, & se joignant avec la plus subtile partie du sel, donne production à l'eau & l'engendre; laquelle par distillation séparée du sel qui la dissout, ne diffère en rien de l'eau élémentaire. Aux concavités de la terre, dans les antres cachés des rochers marbrés, cet esprit invisible caché dans le ventre de l'air, cet humide radical qui le suit toujours est inséparable de sa substance, se
@

des secrets Chimiques. 79
joignant avec l'humide de l'air qui en
ces lieux souterrains est très manifeste,
vient avec la plus pure partie de son sel Comme
s'encrasser & se faire eau. Et ainsi l'on l'esprit de
voit insensiblement dégoutter l'eau sur vie produit
la superficie des marbres les plus froids, l'élément
& produire de très belles fontaines, de l'eau.
dont la source n'est autre que de cet
esprit de vie qui est caché dedans l'air,
qui produit & engendre, de la façon que
j'ai dit ci-dessus, l'élément de l'eau,
que les yeux de plusieurs, couverts de
taies très grossières, ne peuvent ou ne
veulent voir.
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D E L A T E R R E, Q U A-
trième & dernier Elément.

Chapitre XI.

pict E quatrième & dernier Tout semble,
Elément de cet Univers être
est la Terre, centre du fait pour
monde, auquel toutes la Terre.
ses vertus & propriétés &
puissances aboutissent:
Et il semble que tous les autres éléments
aient été créés pour raison de la terre,
@

80 Livre premier
car tout ce qu'ils ont de plus exquis & rare, tend au service d'icelle, lui doit respect, obéissance & hommage. Le Ciel court incessamment nuit & jour pour lui fournir de lumière & d'esprit de vie, pour la dépense de sa famille. L'air de même est en perpétuel mouvement pour la pénétrer jusques au plus profond de ses parties, & lui fournir le même esprit de vie. L'eau veille nuit & jour, & ne repose jamais dans ses tuyaux pour lui rendre le même office que les autres éléments: Tellement qu'il est très certain que tout travaille pour la terre, & la terre pour ses enfants, comme mère qu'elle est de toutes choses; il semble même que l'esprit général du monde, aime plus la terre que tout autre élément; d'autant qu'il descend du plus haut des Cieux où est son siège & son Trône royal, parmi ses Palais azurés, dorés, & émaillés d'une infinité de diamants & escarboucles, pour habiter dans les plus creux cachots, obscurs & humides cavernes de la terre; & y prendre le corps le plus vil & le plus méprisé de tous les corps, qu'il sache produire dans tout l'Univers, qui est le sel de la plus crasse partie, duquel la Terre a été formée,
@

des secrets Chimiques. 81
formée, selon l'opinion des Philosophes
Chimiques; à laquelle opinion la raison
& la vérité semble être plus conforme
qu'en tout autre.
Car s'il est vrai qu'il y a un esprit général du monde, duquel tous les éléments
aient été extraits par la toute-
puissance Divine, il semble que les cieux
comme ayant occupé la supérieure partie
du monde, ont été formés de la
plus subtile & ignée partie dudit esprit,
& que la terre ayant occupé la plus basse
partie & le centre du monde, ait pareillement
été formée de la plus crasse &
pesante partie du dit esprit. Et si Dieu
au commencement de l'être de toutes
choses, tirant de l'abîme de cet esprit
l'être de tous les éléments, lui donna
encore cette vertu & propriété qui est
demeurée en lui, de produire toujours
les éléments, nous pouvons assurer
encore qu'à présent la terre & les autres
éléments s'en produisent: car nous
voyons tous les jours que de la plus subtile
partie, le feu naturel & vital s'en
produit, qui est la même chose que
l'élément des Astres & des Cieux, selon
l'opinion même d'Aristote en plusieurs
lieux, qui dit; Que le feu naturel & vital
F
@

82 Livre premier
répond proportionnellement à la substance
des astres: de la plus subtile partie
de l'humide dudit esprit l'air vient à
naître; & de la moins subtile dudit humide,
l'eau; & de la plus crasse & pesante
partie qui se trouve dans ledit esprit, la
Les élé- terre vient à croître: & ainsi tous les
ments se jours les éléments croissent & multiplient;
font tous & d'iceux, par le moyen de cet
les jours de esprit, toutes choses naissent, croissent &
l'esprit gé- se perfectionnent, & par corruption se réduisent
néral. à ce dont elles ont pris naissance;
tellement que tout va multipliant dans le
grand vaisseau du monde, dans lequel
Dieu a enfermé cet esprit de vie, Architecte
& producteur de toutes choses;
dans lequel il a enclos & enfermé toutes
les vertus en chaque espèce, de toutes les
choses qu'il a voulues, qui sortissent en
lumière dans ce vaste Univers.
Qu'est-ce La terre donc, comme le plus infirme
que la ter- & le plus bas élément, & le centre du
re? monde, a la plus crasse & pesante partie
de cet esprit, qui dans l'Ecole des Philosophes,
& parmi les écrits d'Hermès
Trismégiste, est appelée Epaisseur des
Eléments; d'autant que la vertu séminale,
productrice & germinatrice, qui est
en tous les éléments, s'épaissit & s'encrasse
@

des secrets Chimiques. 83
dans la terre, & prend corps de sel, lequel
si vous l'anatomisez, vous trouverez
que c'est la vraie graisse de tous les éléments:
vous y trouverez le feu de vie, où
le ciel épaissi, l'air, l'eau & la terre, encrassés
& enfermés dans ledit corps du
sel, qui seul mérite de porter le nom
de graisse du monde & épaisseur des
éléments: Car il est vrai que le sel n'est
autre chose que les autres éléments encrassés
& épaissis en corps de sel: Et la
terre que nous voyons, & sur laquelle
nous marchons, si nous la considérons
privée de son sel radical qu'elle a avec
soi, elle n'est que la partie excrémenteuse
de son sel qui a avec soi tous les excréments
des autres éléments. Purifiez
le sel tant que vous voudrez par calcination,
solution, filtration & évaporation,
vous y trouverez de la vraie terre
semblable à celle que nous voyons; &
cette terre ainsi séparée du sel, si elle est
exposée au serein & au Soleil par plusieurs
jours elle vient petit à petit à se
remplir du même sel, duquel elle a été
tirée, & devient fertile & capable de
produire & éclore les semences qu'on
y jettera & sèmera; ce que toutefois elle
ne ferait au commencement, lorsqu'elle
F ij
@

84 Livre premier
vient fraîchement à être séparée de
son sel; car pour lors elle est très infertile
& incapable de donner nourriture à la
moindre semence naturelle: ce qui est
Le sel est une expérience très assurée que la fertilité
la fertilité de la terre dépend du sel qu'elle a
de la terre. en soi, puisque privée d'icelui elle devient
stérile & infertile.
L'on me pourra objecter que par toutes
les salines & lieux où le sel se fait, soit
par artifice, ou par Nature, sont infertiles,
à cause du sel seulement qui est abondant
en ces lieux, & qui empêche par sa
seule substance, âcre & brûlante la fertilité
de la terre: outre que quand les
Princes & grands Seigneurs veulent témoigner
leur défaveur & colère sur
quelque lieu où ils ont été offensés par
les habitants des dits lieux, ils font abattre
& raser tout, & y semer du sel, en signe
de leur malédiction, colère & défaveur:
car comme leur faveur & grâce
remplit tout d'abondance & fertilité; ils
veulent aussi que leur disgrâce & défaveur,
remplissent tout d'infertilité & de
malheur, dont le sel en ce cas est le vrai
hiéroglyphe.
Cette objection semble très forte,
mais elle n'a que l'apparence de la vérité,
@

des secrets Chimiques. 85
prise & entendue comme il la faut
entendre, elle confirme plutôt notre
opinion qu'elle ne la détruit. Il est très
vrai que le sel dans les lieux où il croît Pourquoi
en abondance, soit par Nature, ou par le sel rend
artifice, les rend stériles & infertiles, les lieux où
à cause de soi-même, mais à cause qu'étant il croît infertile.
abondant & copieux en ces lieux
il attire à soi par sa vertu attractive
tout le sel qui a la vertu germinative de
la terre, & l'attirant ainsi & multipliant,
il ne peut être employé à la production
& nourriture d'autre chose que de soi-
même. Un Prince pareillement, quand
il est en colère & indigné contre quelque
lieu, il ne communique rien à ce lieu;
mais prend tout pour lui, & imite en cela
le sel, qui super-abondant dans les lieux
où il se produit, il ne veut pas qu'il y ait
d'autres productions avec lui; mais attirant
tout à soi, il rend le lieu infertile,
pour le reste des autres individus; mais il
est très fertile puisqu'il produit la cause
de la fertilité, & se fait la source de toute
abondance, & fontaine de vie: Et c'est
l'ordinaire de toutes les semences naturelles,
que dans le lieu où elles croissent,
de ne produire rien autre chose qu'elles
seules, mais après étant tirées d'elles-mêmes,
F iij
@

86 Livre premier
& les corps où elles sont encloses
étant pourris & détruits, elles produisent
les individus auxquels elles sont
destinées.
Il en est de même du sel là où il se produit,
il ne produit autre chose que lui-
même, il emploie tout à sa perfection &
production; mais lorsqu'il est dissous &
vaincu il se change & se transforme en la
chose qui le vainc & surmonte, & se fait
son propre & dernier aliment, & par ainsi
la produit; car la nourriture est une continuelle
production, puisque nous sommes
faits de la même chose que nous
sommes nourris, & nous sommes nourris
d'un sel doux qui se trouve en la dernière
résolution de tous les aliments que
nous prenons: Et la semence de laquelle
immédiatement nous sommes faits n'est
qu'un sel doux de la résolution du dernier
aliment, qui est la quintessence &
entéléchie de toutes les parties qui nous
La semen- composent: Voilà pourquoi la semence
ce est l'a- est l'abrégé de toute la force, propriété
brégé des & vertu des corps où elle se trouve, &
forces na- qu'elle a pouvoir de produire un semblable
turelles. & plusieurs corps par la vertu multiplicative,
naturellement en elle implantée:
Car la semence étant homogène &
@

des secrets Chimiques. 87
semblable en toutes ses parties, & égale
par tout en ses forces & vertus, quand
elle vient à se diviser, chaque atome &
parcelle a la vertu de produire un corps
semblable à celui duquel elle a été
tirée; & ainsi la multitude des gémeaux
par une même & unique semence, ne
vient que de la division de la semence:
car tout autant de parcelles auxquelles la
semence sera actuellement divisée, seront
autant d'individus parfaits qui se
mettront en lumière hors l'abîme incompréhensible
de cette vertu séminale,
qui toujours a le corps du sel pour
asile volatil ou fixe, selon le jargon Chimique.
Le fixe nous rend manifeste la
terre, & le dernier élément dans lequel
il se rend visible & manifeste à tous les
sens corporels; dans les autres il est tellement
spirituel qu'il est entièrement invisible,
sauf à l'eau, où il est sensible par le
goût.
Voilà ce qui est des éléments & de la terre, tous produits en corps pour le présent,
par le moyen de cet esprit vital
du monde, qui le remplit absolument
de vie, & tous les éléments par même
moyen comme parties principales du monde,
qui sont vivifiés par icelui afin de
F iiij
@

88 Livre premier
pouvoir administrer la vie & nourriture
Toute la convenable à tous leurs habitants. Otez
Nature n'est cet esprit de vie des éléments, il ne restera
rien sans dans l'Univers qu'un lieu vaste,
son esprit plein de vide, sans lumière quelconque,
de vie. plein de ténèbres & d'obscurité, siège de
la mort, & le vrai abîme du néant; Car
les éléments ne pourraient subsister l'essence,
la source & la racine de leur être
ne subsistant point: & le ciel & les éléments
ôtez, la campagne de l'humide
serait assez grande pour y chasser aux
chimères; & en dernier lieu, pour bien
comprendre qu'est-ce que nous appelons
éléments, ce ne sont que les trois
principes ci-dessus décrits, divisés en
quatre parties; la plus subtile fait le Ciel
& les feux célestes; l'autre moins subtile
que celle-ci, fait l'air; & l'autre moins
encore subtile que celle-ci, qui constitue
l'air, fait l'eau; & la moins subtile de toutes
& plus épaisse, fait la terre: & voilà
comme tous les éléments sont conjoints
avec les trois principes, & sont inséparables
les uns des autres, comme nous
avons dit ci-devant.
@

des secrets Chimiques. 89 ----------------------------------------
D E S P R I N C I P E S D E
mort qui se trouvent dans la Nature.
Chapitre XII.
pict Ous les principes que
nous avons décrits ci- Les principes
devant, avec les quatre & les
éléments, ne sont que éléments ne
vie, où cet esprit vital sont qu'esprit
étendu en quatre diverses de vie.
régions de ce grand Univers, qui
de soi ne peut, ni ne doit produire autre
chose que vie, puisque toute son essence
& substance n'est que pure vie: Toutefois
nous voyons que dans ce grand Univers il
y a tout autant de mort, qu'il y peut avoir
de vie, & que tout balancé, la mort pèse
bien autant que la vie. Nous avons ci-devant
déclaré qu'est-ce que vie, & d'où elle
a pris sa source, & qui est le sujet qui
la contient & enferme dans son sein. Il
reste maintenant à démontrer qu'est-ce
que mort, & qui est le sujet qui la contient
& l'enferme dans son centre.
L'on tient dans les écoles que les
contraires colloqués, l'un auprès de l'autre,
@

90 Livre premier
sont beaucoup plus éclatants, & se
font plus à connaître qu'autrement;
ainsi la mort étant mise auprès de la vie,
& la vie près de la mort, comme choses
contraires qu'elles sont, se donneront
plus clairement à connaître, qu'en ne
déclarant que l'une ou l'autre tant seulement:
Et puisque ci-devant nous avons
déclaré que la vie n'est autre chose que
cet esprit général du monde, qui est une
substance radicale, source de toutes choses,
à laquelle nous pouvons donner une
âme, un esprit & un corps, non pas que
cette âme soit différente de cet esprit, ni
de ce corps, ni qu'il y ait aucune différence
entre ces trois, comme nous avons
prouvé ci-devant: mais nous appelons
âme ce feu vital, & esprit cet humide radical,
& corps ce sel général & radical,
qui lie cet esprit & cette âme, où ce feu
Qu'est-ce avec son humide, & le tout n'est autre
que Natu- chose que la Nature, qui n'est autre que
re? cet esprit général du monde; & ainsi qui
entend l'un, entend l'autre; & la vie n'est
Qu'est-ce que la force, vigueur & vertu de cet esprit,
que vie? & l'esprit même; car il n'y a rien de
dissemblable en lui, mais est tout semblable
en ses parties. Puis donc que cet esprit
général du monde est la même chose
@

des secrets Chimiques. 91
que la vie, même selon l'opinion d'Aristote,
qui nous assure que la vie n'est
autre chose que la chaleur naturelle enracinée
dans son humide radical: Vita
est radicatio caloris in humido, dit-il, & cet
esprit contenant cette chaleur naturelle
enracinée dans son humide, nous pouvons
assurer & déterminer que cette
vie n'est autre chose que l'esprit général
du monde: Or tout ce qui est hors de Qu'est-ce
l'essence & de l'origine de cet esprit est que mort?
mort, puisque la mort est contraire à la
vie: Mais la mort, dira quelqu'un, n'est
autre chose qu'une privation de vie, &
n'a nulle subsistance réelle & permanente
dans la Nature; si par la privation de
vie l'on entend un empêchement des
actions vitales, je puis consentir que la
mort est une privation de vie: mais cet
empêchement ne se peut faire sans
quelque chose réelle qui fasse cet empêchement,
& de là il ne peut être vrai
que la mort n'ait subsistance réelle &
matérielle; car les choses qui empêchent
les fonctions de la vie, peuvent être
nommées mort, comme causes de la
mort, & sont vraiment réelles. Or comme
la vie est divisée & distinguée en trois
principes, qui tous trois ensemble constituent
@

92 Livre premier
la vie, & ne font qu'une vie;
Trois prin- nous constituons pareillement trois principes
cipes de de mort distincts seulement, & non
mort. différents en essence de mort, qui tous
trois constituent la mort, & ne sont
qu'une mort.
----------------------------------------
D U S O U F R E C O N T R E
nature, premier principe
de mort.

Chapitre XIII.

Qu'est-ce pict Oute chaleur, ou plutôt
que sou- substance chaude, âcre, mordicante
fre con- & corrosive, détruisante
tre-nature. & consumante, est telle
par le soufre contre nature
qu'elle contient, d'où procèdent ses
vertus & propriétés comme de sa source
& fontaine: car si du soufre naturel &
vital, découle la vie, qui est suivie d'un
équipage de santé, de vigueur, de force,
de nourriture, & de conservation, il faut
que le soufre contre-nature soit suivi
d'un équipage de mort, tel qu'est tout ce
qui détruit, gâte & consomme la vie,
comme totalement contraire & opposé
@

des secrets Chimiques. 93
à icelle: Tous les Arsenics, Réalgars,
Orpins, Sandaraques, & autres sortes de
venins chauds & ignés, soient-ils célestes,
aériens, aquatiques ou terrestres, sont tels,
par la substance du soufre contre-nature,
premier principe de mort, dans tous
lesquels venins ce principe de mort est
très abondant; nous y pouvons ajouter
toutes les fièvres intermittentes &
continues, & toutes les inflammations
externes & internes, qui font abondantes
les unes plus que les autres en ce soufre
mortel & selon les degrés, élevés,
ou déprimés, constituent toutes les différences
des dites maladies, comme l'on
verra plus amplement dans mon Panchymicum.
Nous dirons ici tant seulement
que ce soufre contre-nature,
premier principe de mort, est une substance
opposite & contraire au soufre de
vie survenue en la Nature, de la tige &
de la source du péché du premier homme,
qui ayant été créé tout plein de vie
avec le reste du monde, sans aucun principe
de mort, venant à être désobéissant
à son Créateur, il introduisit dans la vie
le principe de cette mort par la transgression
du commandement qu'il lui fallait
observer à toute rigueur, sur peine de

@

94 Livre premier
mourir, & mélanger la vie qui était
pour lors toute pure, avec la mort pleine
d'impureté.
Le principe Ce principe de mort n'était donc, ni
de mort est ne pouvait être avec la Création du
survenue en principe de vie, car pour lors tout était
la Nature vie; mais dès lors que le péché sortît de
par le péché. son chaos, aussitôt ce principe de mort
fut mêlé avec la vie, & y demeure encore
inséparable, jusqu'à ce qu'en la dernière
Dans l'en- séparation Dieu le mettra avec le
fer tout péché dans l'abîme de mort, pour y demeurer
malheur éternellement séparé de la vie:
abonde. Voilà pourquoi tous les Théologiens
tiennent que dans l'enfer, qui est le vrai
abîme de la mort, toutes les maladies,
& toutes les malédictions de la Nature
seront ramassées avec tout le reste de leur
suite, & le péché comme source de tout,
sera réduit & rendu prisonnier & captif à
toute éternité, & puni par les principes
de mort qui le gêneront & rongeront
éternellement. D'où l'on peut inférer
par des conjectures infaillibles, que les
trois principes de mort, comme capitaux
ennemis de la vie, seront séparés d'icelle
en la catastrophe du monde, & conduits
avec la mort dans les prisons, où
Dieu comme Auteur de la vie & capital
@

des secrets Chimiques. 95
ennemi de la mort, enchaînera pour jamais
tous ses ennemis, & mettra avec
eux toute l'impureté de la Nature, comme
ayant eu son origine d'eux & par eux;
Tellement que les trois principes de Misère de
mort, comme ayant & tenant le premier l'enfer &
rang, seront aussi colloqués en même pourquoi
lieu que les ennemis de Dieu, où tous elle y est en
mêlés ensemble seront & constitueront suprême
un mélange & un chaos de misère degré.
inimaginable, où tous les maux & malheurs
que la Nature en général & en
particulier pourra souffrir, se trouvera
en leur suprême grade.
Tellement que le soufre contre-
nature, qui est le principe le plus actif de
tous les autres deux, sera là en son suprême
degré; rien de contraire, ni de vie ne
rabattra ses actions, ses vertus, ses qualités,
& propriétés; mais au contraire joint
aux autres deux principes: savoir l'humide
étranger, & le sel corrosif; toutes
ses actions seront suprêmes: D'où tout ce
qui est corrosif, de brûlant, de piquant,
caustique, consumant & détruisant, se
trouvera caressé & joint avec ce principe
de mort, comme étant de sa nature
& son essence, & le reste de toute la
nature s'en trouvera séquestré & exempté;
@

96 Livre premier
La Nature partant toute pleine de vie, pure &
doit être pareille qu'elle était à l'instant de
après le ju- création, avant que le péché & la mort
gement pu- introduite par icelui eût corrompu cette
re comme elle pureté & netteté de vie, d'où le Créateur
était en principe de vie avait rempli tout
sa création. ce monde.
En la dernière catastrophe du monde
ou Dieu jugera les vivants & les morts,
récompensera les bons, punira les méchants,
les séparant les uns d'avec les
autres à jamais; afin que les bons jouissent
de leurs récompenses, avec paix &
tranquillité, & les méchants soient punis
avec rigueur de justice. Cette séparation
des trois principes de mort, d'avec
les trois principes de vie, se fera à raison
des bons & des méchants; afin que tout
ce qui est bon en la Nature créée soit
joint avec les bons, & tout ce qui est de
mal, soit joint & uni avec les méchants:
Il n'est pas juste que le mal & le bien demeurent
éternellement joints & unis
ensemble, il faut qu'enfin Dieu les sépare,
& qu'il mette une paix éternelle dans
le monde, & qu'il en chasse la guerre que
le péché y a introduite: ce sera en cette
catastrophe où Dieu par le feu qu'il élèvera
par-dessus son pouvoir ordinaire,
fera
@

des secrets Chimiques. 97
fera cette séparation & triage du bon
& du mal, de la vie & de la mort, mettra
la vie parmi les bons, & la mort avec
toute sa suite parmi les méchants. Là
avec la mort, ce principe premier que
nous appelons soufre contre-nature,
se trouvera en sa pureté & vivacité de ses
actions, il agira de toutes ses forces contre
le sujet du péché, & de mort; contre
lequel principalement il dressera ses But enfin
actions, & pour la punition duquel Dieu du soufre
a permis qu'il ait été introduit dans la contre-na-
Nature; là il jouira de son but, & de ture.
sa fin naturelle, qui est la punition du
péché.
----------------------------------------
D E L'H U M I D E E T R A N-
ger, ou Mercure suffoquant la vie,
second principe de mort.

Chapitre XIV.

pict Omme le soufre de vie &
feu naturel a son humide radical
incorruptible qui lui sert
de pâture & sur lequel il agit
incessamment pour se nourrir & conserver;
le soufre de mort pareillement
G
@

98 Livre premier
qui contient en soi un feu dévorant &
consumant toutes choses a son humide
radical, que nous appelons humide
étranger, ou Mercure suffoquant la vie
pour lui servir d'aliment & pâture, afin
de conserver son être, & par ainsi faire
la guerre perpétuelle au soufre de vie
son mortel ennemi.
Qu'est-ce Cet humide donc étranger, ou mercure
que mer- suffocant la vie, pâture du soufre
cure contre de mort, est une substance froide & humide,
nature. ennemie de la vie qui la suffoque &
l'éteint, empêchant ses actions, stupéfiant
& mortifiant tous les sujets où il se
trouve super-abondant.
Tous les venins somnifères & narcotiques,
comme la ciguë, la napellus, le pavot,
la mandragore, la jusquiame, & tous
autres semblables sont abondants en ce
mercure de mort; & à cause d'icelui
sont venins & mortels poisons: il y en a
beaucoup de semblable mercure parmi
tous les éléments qui n'est nullement individué,
ni spécifié dans aucun individu;
mais demeure volatil, voltigeant
parmi les éléments, lequel étant super-
abondant, cause mille sortes de maladies
épidémiques, contagieuses & pestilentes.
Et si les venins individués & corporifiés,
@

des secrets Chimiques. 99
ne l'attiraient à soi pour leur Mercure
nourriture, il serait impossible de vivre contre-nature
en ce bas monde; car les éléments demeureraient est mêlé parmi
infects & pollus de cette les éléments.
mortelle substance: mais les venins corporifiés
l'attirent à soi pour leur aliment,
car chacun se nourrit de son semblable;
& ainsi les éléments demeurent purifiés
de ce mortel poison.
Ne pensez pas qu'en cet humide
étranger, pâture & aliment ordinaire
du soufre de mort, se trouve tellement
le froid & l'humide qu'il soit entièrement
dénué de chaud; car comme
en l'humide radical, qui est la pâture ordinaire
du soufre vital se trouve de la
chaleur vitale parmi; ainsi notre humide
étranger ou Mercure de mort, se
trouve toujours mélangé, & garni de Les principes
chaleur contre-nature, ennemie capitale de mort
de la chaleur vitale; & ainsi ils vont sont inséparables.
inséparablement conjoints, car l'un ne
peut demeurer séparé de l'autre. Cet
humide étranger ou Mercure de mort
se trouve parmi tous les individus &
mixtes naturels; car c'est celui qui les
ruine, les sape & conduit à la mort & à
leur destruction par son humide putréfactif,
qui dissout & sépare les parties
G ij
@

100 Livre premier
unies du composé, & leur fait souffrir altération
ensemble, pour se séparer les unes
d'avec les autres, & sortir de cette corruption.
Pendant cette altération le
soufre de vie avec les autres deux
principes dessèchent & consument la
plus grande partie de cet humide
étranger, qui par son abondance a causé
cette altération en leur composition; &
La cor- par ainsi se réunissent encore un coup,
ruption de & font composition & génération; d'où
l'un est par vient que par accident la corruption ou
accident dissolution des choses naturelles est cause
cause de la de nouvelle génération: mais la principale
génération. & formelle cause de la génération
n'est pas la corruption, ni l'altération qui
survient aux composés qui se détruisent.
Qu'est- Mais la formelle & essentielle cause
ce que de la génération, composition & mixtion
cause de la ès choses naturelles, c'est les trois
génération. principes de vie qui s'y trouvent incorruptibles,
qui de soi & de leur naturelle
inclination ne tendant qu'à union &
mariage, ne peuvent aussi prétendre que
leur naturel but qui est la composition
& génération de toutes choses, qui est la
vraie union & le vrai mariage de ces
trois principes de vie. Au contraire si
ceux-ci tendent à union, les autres tendent
@

des secrets Chimiques. 101
à désunion & destruction, & principalement
notre humide étranger, ou
Mercure de mort, qui par la ténuité de
son humeur pénètre fort facilement
tout le composé, & porte son sel corrosif
parmi toutes les plus petites parties du
mixte, & par ce moyen fait la désunion
entière; introduisant la guerre & la discorde
parmi ces trois principes de vie,
jusques à ce qu'ils se soient parfaitement
séparés de ces principes de mort, & pour
lors ce composé demeure en paix & tranquillité
& dure tout autant de temps que
cette union de trois principes vitaux, persiste
en son être, & aussitôt qu'elle commence
à manquer par l'introduction de
quelqu'un de nos principes de mort, qui
ne vont jamais séparés l'un de l'autre,
mais toujours conjoints ensemble, comme
les autres principes de vie. Que si
nous parlons d'eux comme séparés, c'est
pour donner à entendre leur nature &
leur être; & que l'action se trouve toujours
de l'un d'iceux manifeste & apparente,
& l'autre cachée & opprimée par
la présence de celui qui agit, & qui est
super-éminent aux autres, bien que les
vertus & propriétés des autres qui sont
cachés en celui qui est manifeste & apparent
G iij
@

102 Livre premier
soient toujours parmi les autres
Comme tous obtuses & opprimées, & sont comme pages
les trois & de la suite & train des autres: comme
principe de par exemple, quand l'humide étranger
mort agis- ou Mercure de mort agit, l'action du
sent en- soufre contre nature, & l'action du
semble. sel corrosif ne cessent pas d'agir aussi par
concomitance & suite d'action; mais
d'autant que l'action du mercure de
mort, est éminente & apparente sur les
autres deux, nous disons que le mercure
de mort agis tant seulement; bien que
les autres deux principes de mort agissent
aussi avec lui; car puisqu'ils sont
conjoints inséparablement, & qu'ils sont
principes d'action, se pourrait-il faire
qu'ils n'agissent, puisqu'ils sont présents,
& en puissance & acte d'action.
Pourquoi donc, dira quelqu'un n'agissent-ils
perpétuellement, puisqu'ils
sont présents en tous sujets? ils agissent de
vrai perpétuellement & en tous sujets;
c'est ce qui a fait dire au Poète, Nacestes
morimur finisq; ab origine pendet: mais cette
action n'est pas apparente, que lorsqu'elle
a fait une grandissime brèche en la
composition des mixtes, & pour lors ce
n'est pas son commencement, mais plutôt
sa fin ou dernier terme que nous paysans
@

des secrets Chimiques. 103
& grossiers prenons pour son commencement,
qui est du tout imperceptible
à nos sens communs, & perceptible
tant seulement à notre entendement,
encore au plus raffiné tant seulement.
L'humide donc étranger, ou mercure Qu'est-ce
suffoquant la vie, second principe de qu'humide étranger,
mort, est celui qui par sa férocité suffoque ou Mercure
la chaleur vitale, l'éteint & la tue, contre-
& est pâture & aliment du soufre nature.
contre-nature, & est principe de solution
& décomposition en toutes choses,
corrompant, pourrissant & détruisant la
solidité en toutes choses, les rendant
molles & liquides, comme ennemi principal
du sel de vie, à qui ouvertement il
fait la guerre, démolissant & sapant la
solidité de ses bâtiments qu'il introduit
en la composition des choses naturelles.

G iiij
@

104 Livre premier ---------------------------------------- D U S E L C O R R O S I F E T caustique, troisième & dernier principe de mort.
Chapitre XV.

Qu'est-ce pict Ar le Sel de vie, principe
que sel con- d'icelle, de nourriture
tre-nature. & de conservation, qui
est doux, non brûlant, ni
caustique; nous comprenons
facilement que peut-
être le Sel corrosif & caustique, troisième
& dernier principe de mort, qui confond,
détruit, consume & dissout toutes
choses: car si celui de vie engendre,
nourrit & conserve tout, celui au contraire
tue & détruit toutes choses; tels
sont les sels qui se trouvent dans les venins
corrosifs, comme sublimé, eau forte,
eau régale, huile d'orpin, & gomme
d'antimoine. Les sels aussi qui nous causent
les douleurs de la goutte, les cancers,
les gangrènes, les écrouelles, &
toutes les autres ulcères malignes, dépascentes
& phadégènes, qu'on dit être
causées communément par des humeurs
@

des secrets Chimiques. 105
âcres & mordicantes, sont telles à cause
de ce troisième principe de mort qui est
abondant en elles, qui gâte & détruit
toutes les parties où il se trouve super-abondant:
Tellement que nous pouvons
définir ce troisième principe de mort, une
substance vraiment âcre, mordicante,
caustique & brûlante, coagulée & fixée
en corps de sel, par l'action du feu contre-nature,
sur son mercure ou humide
étranger, au moyen de laquelle ses deux
autres principes de mort se rendent palpables
& visibles, & se corporifient.
Car tout ainsi que le sel de vie est Le sel contre
principe de corporification en toutes nature coagule
choses des deux autres principes, mercure les autres
& soufre, qui se rendent visibles deux
& palpables par la vertu de celui-ci principes.
qui leur donne corps sensible & perceptible;
autrement ils demeureraient
corps invisibles, & substances imperceptibles;
& pareillement le sel corrosif,
dernier principe de mort coagule, &
corporifie, ces deux autres principes de
mort, mercure étranger & soufre contre-nature,
les fait paraître & les rend
visibles par le corps qu'il leur donne; car
autrement ses substances demeureraient
invisibles dans leur chaos, si elles n'étaient
@

106 Livre premier
faites visibles & corporelles par
l'action du sel contre-nature, qui unissant
l'humide étranger au feu contre-nature,
fait paraître le corps qui doit sortir de
l'union de ces trois principes contre-
Nature: Ainsi ce principe de mort, unit
& parfait tout contre la vie, & n'est dans
l'être des choses naturelles que pour lui
faire la guerre, & bat perpétuellement
aux champs pour ruiner & détruire les
sujets & vassaux de la vie.
Là où est Ce n'est pas donc sans raison que là où
le sel contre se trouve ce sel contre-nature tout y
nature, va en confusion, déroute, & désordre;
tout tend car il veut chasser les principes de vie,
à la mort. désunir leur union, & rompre leur harmonie
& l'accord qui conserve l'être
du mixte où il se trouve, y causant toute
sorte de maladies, voire même la mort,
où il vise de toutes ses forces, comme à
son naturel but, ce qu'il ne peut obtenir
sans corrompre & gâter tout le bel ordre
que la Nature a mis & colloqué dans les
Palais & maisons royales de la vie, où
pendant l'absence de celui-ci tout y
vit, tout y danse, & y est en grande joie;
mais dès lors qu'il commence à y mettre
le pied, tout y est triste, & dans l'équipage
& appareil de la mort, le deuil est de
@

des secrets Chimiques. 107
tous cotés, les douleurs & les cris d'angoisse
y sont en leur haut appareil: bref,
l'on n'y voit que des apparences de mort.
Au contraire du sel de vie, qu'en
tous lieux où il se trouve le maître & le
seigneur, l'on n'y voit que pure joie, cris
d'allégresse, cris d'hymen & de fête, la
conservation & l'entretien de toutes
choses en leur parfait être; Et par ainsi
il est facile à juger & connaître l'un d'avec
l'autre, & les distinguer ès sujets où
ils se trouvent par leurs différentes qualités,
propriétés & vertus qui sortent
d'une source entièrement contraire; &
néanmoins compatissent dans un même
sujet, bien qu'ils ne sont pas à la vérité
tous deux en même temps seigneurs &
puissants en leurs actions; mais quand l'un
domine, l'autre cède au domaine & à la
seigneurie de celui-ci: & ainsi chacun
à son tour a son empire l'un sur l'autre,
comme il est très apparent en la mixtion
& composition des mixtes naturels, dans
lesquels nous voyons clairement tantôt
dominer & présider le sel de vie,
pendant la durée & perfection du mixte,
& tantôt régenter le sel de mort;
pendant la corruption & résolution du
même mixte en ces principes, pour y introduire

@

108 Livre premier
une autre génération, & en
faire sortir un nouveau mixte & composé.
Des prin- Ce qui est miraculeux en la Nature,
cipes de que de si différents principes puisse enfin
mort & de sortir de leurs discordants accords une
vie, en ré- harmonie si belle, qu'elle ravit les plus
sulte une beaux esprits de l'Univers en sa contemplation;
autre vie. ce que nous verrons encore plus
particulièrement en la production que
la Nature fait tous les jours d'un esprit
général, qui est l'aliment général de toute
la Nature, où ses natures & principes
discordants sont liés & attachés ensemble
par un charme naturel, inconnu à
tous les Philosophes, plus subtil de beaucoup
que le rets par lequel Vulcain surprit
en adultère Mars & sa Vénus; celui-
ci n'étant que le symbole & la peinture
de l'autre; mais ceux qui ont la connaissance
de l'un, ont bien la connaissance
de l'autre.
@

109 ----------------------------------------

pict

D E S E L E M E N T S ET PRINCIPES DES SECRETS CHIMIQUES, où toute la Nature, en général & en particulier est découverte. ----------------------------------------
L I V R E S E C O N D.
P A R Q U E L M O Y E N
tous les principes & éléments naturels sont unis en la composition de l'esprit
général du monde, qu'on peut nommer
Médecine générale.
Chapitre Premier.
pict Ous avons en ce Chapitre
bien besoin, avec les anciens Poètes, d'invoquer l'assistance Divine, & de crier à tous Principium musae, & avec les Hébreux,

@

110 Livre second
דאשית דצת יתאת יחוח Principium scientiae timor Domini: La connaissance & l'intelligence de ce Chapitre, & tous les subséquents est si haute & si relevée, que si nous ne commençons par la crainte de Dieu, en l'honorant & révérant, l'invoquant & le suppliant de nous départir quelque étincelle de sa lumière & sagesse; au moyen de laquelle nous puissions pénétrer dans l'abîme des secrets qu'il a cachés sous les ténèbres & sous les ombres des corps naturels; nous irons comme des taupes, creuser & sillonner la terre, & tous les éléments avec leurs mixtes & individus; & bien qu'on trouve quantité de trésors, nous ne les verrons point, ni ne les pourrons connaître à faute de lumière, & des yeux capables de les voir. Si Dieu qui est la lumière des lumières, & la fontaine & la source de toute connaissance & intelligence, ne nous donne quelque rayon de sa lumière pour nous éclairer dans les ténèbres dans lesquelles toute la Nature est ensevelie. Nous avons décrit & fait connaître tant que nous avons pu les principes & éléments desquels la Nature se sert pour faire & composer toutes choses: mais
@

des secrets Chimiques. 111
nous n'avons encore démontré par quel
moyen elle unit en toutes choses ces
principes & ces éléments, qui est la seule
& unique chose; au moyen de laquelle
toute la Nature se donne à connaître.
Il est donc nécessaire de savoir & Les éléments
comprendre, comme tous ces principes sont unis
& tous ces éléments, desquels nous par le moyen
avons parlé ci-devant au livre premier de l'esprit
s'unissent entr'eux, & font & constituent du monde.
un esprit général du monde, qui est l'aliment
général & universel de toutes choses
où toute la Nature est unie, & rassemblée
en toutes ses parties, comme en son vrai
centre, duquel se tirent des lignes infinies,
qui tant plus elles sont éloignées
du centre, tant plus elles sont discordantes
& différentes; & tant plus elles sont
proches du centre, tant plus elles sont
unies, jusques à ne faire qu'un seul point
homogène & semblable en toutes ses
parties. Le Ciel donc avec les éléments,
tous ensemble constituent une humeur
liquide, où toutes les vertus naturelles
du Ciel & des éléments se trouvent unies,
par le même moyen que toutes les vertus
& énergies des parties d'un corps, se trouvent
unies & assemblées dans sa semence;
@

112 Livre second
ainsi cette liqueur est la semence du
monde.
Plusieurs grands personnages de la
terre, & les plus sages, au dire du commun,
estiment pour folie, la recherche
de cet esprit général ou aliment universel
du monde, qu'on appelle Médecine
universelle à tous les trois genres des
mixtes & composés naturels; & bien
qu'il soit épandu par tous les éléments,
& que ce grand Univers en soit tout
rempli, & que nulle partie d'icelui ne
puisse subsister en son être, sans qu'elle
en soit perpétuellement fomentée &
maintenue, il se trouve toutefois quantité
& bon nombre des sages de ce temps
qui nous ont voulu assurer & témoigner
par leurs écrits, que cette médecine &
cet esprit général du monde, ne se trouve
que dans la tête des fous: Et cependant
l'esprit du Sage, dans l'Ecriture
Sainte nous assure le contraire, & nous
dicte en termes que nous pouvons expliquer
à ce sujet: Medecinam de terra creauit
Ecclesiast. Deus, & vir sapiens non abhorrebit eam.
38. Ce n'est pas la science, ni l'artifice qu'on
emploie à préparer cette médecine que
la Sagesse entend: mais la chose même
réelle & naturelle, qui a constitué &
enfanté
@

des secrets Chimiques. 113
enfanté cette science qu'on appelle Médecine.
La préparation de laquelle, &
sa vraie connaissance donne l'être au
Médecin, & a toute la faculté de la médecine.
D'ici ceux qui ont des yeux de Lynx peuvent comprendre combien peu de
vrais & légitimes Médecins se trouvent
dans la Nature; & combien peu d'Universités
il y a dans l'Univers, où l'on
enseigne à connaître & à préparer cette
médecine que Dieu nous envoie du
Ciel sur la terre, pour nous conserver
notre vie, & la préserver des injures
mortelles d'une infinité de maladies, qui
nuit & jour veillent pour la détruire &
la perdre.
Bien que plusieurs des Sages de ce temps ne soient point d'accord de cet
esprit universel, & de cette médecine
générale; si est-ce toutefois que tous les
anciens Philosophes, tant Arabes que
Hébreux, Chaldéens, & Persans nous
l'ont enseignée par diverses énigmes &
logogriphes; & nous ont témoigné par
leurs écrits, & assuré par leurs expériences
en avoir eu la connaissance & la
jouissance. Ils n'ont employé pour l'exécution
de cette divine oeuvre qu'une
H
@

114 Livre second
seule opération, qui est la coction de leur
Pour par- mercure, qui est cet esprit général du
faire la monde & cette médecine universelle,
médecine laquelle pure & nette, comme la Nature
générale il nous la donne tous les jours pour l'entretien
ne faut que & conservation de toutes choses; ils
cuire. mettent dans un seul vaisseau bien fermé
& clos au sceau d'Hermès, & le tout dans
leur fourneau & dans leur feu continuel,
doux & très lent, pour fixer & coaguler
cette humeur vitale; & fixée qu'elle est
la dissoudre encore par une nouvelle humeur
vitale, pour en séparer les parties
pures de mercure & de soufre qui s'y
trouvent encloses & embarrassées d'une
infinité d'excréments terrestres, qui empêchent
leur action & leur miraculeuse
vertu, pour icelles séparer & mondifier,
les cuire encore au même feu pareil au
premier, pour leur donner la dernière
perfection; comme ils font paraître
par tous leurs écrits, & ce que nous donnerons
à entendre à tous ceux qui invités
dans ces secrets, se donneront la patience
de lire nos écrits; dans lesquels ils
trouveront plus de satisfaction, à mon
avis, que dans tous les autres, tant
anciens que modernes; & principalement
dans cette oeuvre, qui est le miroir
@

des secrets Chimiques. 115
de toutes nos oeuvres, & l'abrégé & le
compendium de toutes.
----------------------------------------
Q U'E S T C E Q U'E S P R I T
général du monde, & médecine universelle.
Chapitre II.
pict Ous les Médecins sont
en peine, pour savoir Savoir
s'il y a un esprit général s'il y a une
du monde, qui puisse Médecine
être médecine générale générale.
à tous les trois genres des
mixtes, & composés naturels: Plusieurs
l'admettent, & une infinité d'autres la
nient & l'assurent être impossible: car
ils croient qu'une seule chose ne peut
avoir des effets contraires à soi-même,
tels qu'il faudrait que cette médecine
eût, si elle était universelle, puisqu'il
y a des maladies contraires les unes aux
autres: Mais ils ne pensent pas & ne considèrent
point qu'il y peut avoir un aliment
universel à tous les individus naturels,
soient-ils animaux, végétaux, ou
minéraux, qui sont autant différents les
H ij
@

116 Livre second
uns des autres que pourraient être les
plus contraires maladies qui soient au
nombre des maladies. Et cependant les
animaux végétaux & minéraux vivent
& sont entretenus & nourris d'un même
aliment seul & unique en toute la Nature
Tout est à cet effet; car comme à l'homme qui
réduit en est le vrai type & l'exemple du grand
un seul ali- monde, & c'est pourquoi il est appelé
ment pour Microcosme, tous les aliments, si différents
nourrir qu'ils soient, se réduisent en un seul
tout. & unique aliment, qui nourrit & conserve
toutes ses parties, encore qu'elles
soient différentes; ainsi dans le grand
monde tous les éléments & les principes
que nous avons ci-devant décrits se réduisent
en un, où tout le reste est en vertu
& puissance très grande, pour nourrir
& entretenir toutes les parties du monde,
bien qu'elles soient différentes les
unes des autres.
Tellement qu'il est très certain, &
très véritable qu'en la Nature il y a une
seule chose qui nourrit & entretien toutes
choses en leur être, & qui le leur
donne; & cette même chose doit être
la Médecine universelle qui doit défendre
l'être des choses de tous ses ennemis:
car qui nourrit & conserve l'être, le
@

des secrets Chimiques. 117
préserve pareillement de l'injure de tous
ses ennemis, & le préservant & conservant
lui sert de médecine universelle;
car ce qui préserve & conserve, guérit
pareillement toutes maladies, puisque Qu'est-ce
guérir n'est autre chose que conserver la que guérir?
vie en son être parfait, & la dépouiller
de son être imparfait & nuisible, tendant
à mort. D'ici nous pouvons très
bien raisonner que cette Médecine universelle
n'est autre chose que l'esprit général
du monde, qui est le vrai & unique
aliment de toutes choses; comme principe
de vie, source & fontaine du Baume
qui la conserve & l'entretient; & par ainsi Qu'est-ce
contraire à toutes maladies, puisqu'il est que la Médecine
la vie même, qui est entièrement contraire générale.
à tout ce qui la veut détruire, &
gâter ses actions: & que cet esprit général
n'est autre que la quintessence de
toute la Nature, de tous ses éléments &
principes qui se terminent & aboutissent
en cet esprit, comme en un vrai centre,
où Dieu veut que toute la Nature se
trouve en sa force & vigueur; tellement
que c'est un abrégé de toute la Nature,
comme nous verrons par tous ces Chapitres
subséquents.
H iij
@

118 Livre second ---------------------------------------- D E Q U E L S S U J E T S
peut-on tirer & extraire cet esprit général du monde, & cette Médecine universelle.
Chapitre III.

La Méde- pict Uisque nous assurons que
cine géné- la Médecine universelle est
rale est en l'esprit général du monde,
toutes cho- vrai & unique aliment de toutes
ses & pour- choses, il est très nécessaire qu'il soit
quoi. en toutes choses; puisque toutes choses
ont besoin d'aliment pour se nourrir &
conserver en leur être, autrement elles
Pourquoi défaudraient & manqueraient: Tellement
l'esprit gé- que rien ne peut subsister sans cet
néral est esprit général, ou cette vie générale que
dit Méde- nous pouvons justement appeler Médecine
cine uni- universelle; puisqu'en icelle consiste
verselle. la cure & guérison de toutes maladies.
Mais puisqu'elle est en toutes choses,
se peut-elle tirer & extraire de toutes
choses: Les Philosophes anciens & modernes
nous assurent que oui; mais que
@

des secrets Chimiques. 119
c'est une oeuvre si longue de la vouloir Le Mercure
tirer & extraire des animaux végétaux des Philosophes
& minéraux, que la vie d'un homme ne ne se
suffit pas pour ce faire, & qu'il vaut peut tirer des
mieux la tirer de sa source & fontaine animaux, ni
avant qu'elle soit entrée en nourriture végétaux, ni
dans ces trois genres, que faire surmonter minéraux.
ces trois genres & les faire rétrograder
en leur principe: Il est bien plus facile
de prendre ce que la Nature nous
donne tout préparé & tout pur, qu'il ne
reste qu'à cuire, & à séparer le pur de
l'impur; qu'à vouloir prendre quelque
mixte, quel qu'il soit dans la Nature, &
par nos fantasques opérations le vouloir
réduire en la première matière, de laquelle
la Nature l'a fait & composé.
Il ne faut donc penser de pouvoir tirer
cette divine matière, d'aucun mixte &
composé naturel, quel qu'il soit dans les
trois genres; car cette matière à l'instant
qu'elle est entrée dans la composition de
ces trois genres, aussitôt elle se spécifie
& s'individue dans les mixtes où elle
entre & prend leurs vertus & propriétés:
tellement qu'après elle est inutile,
pour la composition de la Médecine universelle.
Mais si nous voulons qu'elle
nous serve & nous soit utile, il la faut
H iiij
@

120 Livre second
Description prendre à l'instant qu'elle descend du
de la ma- Ciel, & qu'elle ne fait que baiser doucement
tière de & amoureusement les lèvres des
l'esprit gé- mixtes & composés naturels, & que son
néral du amour maternel envers ses enfants lui
monde. fait jeter des larmes, plus claires & luisantes
que perles & topazes, qui ne sont
que lumières revêtues & couvertes
d'une nuit humide; & c'est la raison vraie
& unique pourquoi tous les Philosophes
sont d'accord, que le Soleil est père de
notre matière, & que la Lune est sa
mère: car à la vérité cette matière qui est
si cachée, & si découverte aux yeux de
tout le monde, n'est rien plus que lumière,
dont le Soleil est le vrai père revêtu
d'une humidité, de laquelle la Lune est
la vraie mère. C'est la description la plus
claire que j'en puisse faire en vrai Philosophe
pour empêcher que les marguerites
physiques ne soient prostituées à des
sots & ignorants, qui pires que des pourceaux
se vautreraient dans les vices du
monde. Et à la vérité ceux qui n'y pourront
rien comprendre seront bien tenus
pour aveugles nés, puisqu'ils ne peuvent
voir la lumière même; qui les éclaire
tous les jours, & ils sont bien privés de
sentiment, & stupides, puisqu'ils ne peuvent
@

des secrets Chimiques. 121
toucher l'humidité qui couvre cette
lumière, principe de tous corps, qui se
trouve en tous lieux & en tout temps, &
sans laquelle la Nature ne peut un seul
moment de temps subsister en son être,
ni ses chers enfants vivre un moment de
temps: c'est la vraie chaleur naturelle &
l'humide radical du monde, duquel toutes
choses ont être, & au moyen duquel
toutes choses se conservent, qui enferme
dans son ventre les quatre éléments &
les trois principes Chimiques, Sel, Soufre Comment les
& Mercure. Le sel est ce qui lui trois principes
donne corps visible & palpable. Le soufre sont dans
c'est la chaleur naturelle; & le mercure l'esprit du
c'est cette humidité mère de toutes monde.
choses, qui environne en son commencement
ce sel & cette lumière, père de toute
la Nature. Voilà comme notre Mercure
environne en soi & comprend en son
centre tout ce qui est en ce monde,
comme de lui seul l'on peut tirer & extraire
ce que la plupart des Sages de ce
temps estiment impossible, voire même
pure folie; & cependant ce qu'ils estiment
folie est à la vérité pure sagesse, &
hors d'icelle il n'y en a pas dans le monde.
Mais je laisserai l'opinion libre en
un chacun, qu'on m'estime fol tant qu'on
@

122 Livre second
Proposition voudra, je me passerai toujours de ces
de l'Au- Sages qui m'estimeront fol, & n'aurai
teur aux jamais affaire d'eux, ni pour la santé, ni
médisants. pour les richesses corporelles; & ne laisserai
pas de leur dire la vérité, pour les
retirer de leurs erreurs, qui entraînent
une infinité d'autres, aimant mieux être
blâmé, & porter profit à mon prochain,
qu'être loué & lui porter dommage.
Une infinité d'Alchimistes estiment
pour tout assuré, que des métaux se doit
tirer le mercure, qui doit servir à faire
cette Médecine générale, qu'on spécifie
après à la transmutation métallique;
d'autant disent-ils, que in auro semina
sunt auri, & ex metallis cum metallis metalla fieri debeam,
& qu'il est très certain &
manifeste que la semence des animaux
se trouve ès animaux, & que celle des
végétaux se trouve ès végétaux; & que
de même & par même ordre, la semence
des métaux & minéraux se doit
trouver ès minéraux & métaux: Et que
partant de vouloir aller rechercher cette
semence plus avant dans le chaos des
éléments, c'est se forger des chimères en
la Nature, & vouloir rechercher ce qui
n'est point.
@

des secrets Chimiques. 123
Il plaira considérer à ces Messieurs qui Que des métaux
ont ces opinions, que les métaux & minéraux ne peut
à la vérité ont leur semence dans être tiré le
leur ventre, pendant qu'ils demeurent mercure des
attachés à leurs matrices, mais dès lors Philosophes.
qu'ils en sont séparés ils sont comme des
membres tronqués & séparés des animaux
ou végétaux, desquels il est impossible
tirer aucune semence végétable,
mais pendant qu'ils demeurent
attachés & liés à leurs mères matrices,
ils sont pleins à la vérité de semence;
& dès aussitôt qu'ils en sont arrachés,
cette semence qui demeure en eux n'a
plus la vertu végétable qu'elle avait: Il
est donc vrai qu'il ne faut pas tirer d'eux
cette semence & faculté végétable métallique,
mais de ce qui est hors d'eux,
proche à se faire métal, qui est leur aliment
proche & dernier, dont leurs mères
matrices sont toutes pleines.
Il est très certain & véritable que la
semence des animaux & végétaux, n'est
pas prolifique & végétable en toutes
leurs parties, bien qu'elle soit en toutes;
mais il se trouve certaines parties que
la Nature a destinées pour cuire & parfaire
cette semence qui se trouve crue &
imparfaite en toutes les autres parties,
@

124 Livre second
& qu'en celle-ci seulement elle se trouve
cuite & parfaite, & propre à végéter:
Ainsi dans le genre métallique le suc vital
qui est dans la substance métallique
pour lui servir d'aliment & de semence
n'est pas si propre à faire du métal, que
dans le métal même, hors de là il en est
incapable; & bien qu'on eût l'industrie
de le pouvoir tirer, vous ne le sauriez
conduire à autre perfection que la Nature
le peut conduire; comme si la Nature
le conduit à la perfection du plomb, ou
du fer, vous le conduiriez à icelle, & non
autre: Mais nous en la composition de
notre Médecine générale nous conduisons
cette semence métallique plus haut
de beaucoup que la Nature ne la peut
conduire; car on la conduit en une perfection
qui parfait toutes les autres, au
degré plus parfait que la Nature puisse
avoir, qui est la perfection de l'or; ce
que la Nature ne peut faire sans aide de
Raison fort l'art Chimique.
pertinente Arrêtons donc que la semence de laquelle
qu'il ne faut l'on prétend faire la Médecine
point prendre universelle, ne se peut & ne se doit tirer
des métaux & extraire des métaux, ni des minéraux,
pour faire mais de ce dont les métaux & minéraux
des métaux. sont faits & composés; car la Nature
@

des secrets Chimiques. 125
pour faire des métaux ne prend point
aucun métal, ni pour faire un animal ou
végétal, ne prend point un animal ou végétal;
mais quelque autre chose qui est
seulement proche de l'être des animaux
& végétaux. La Nature a ses quatre éléments,
& ses trois principes, d'où elle
compose toutes choses; nous de même
la devons suivre en tout & par tout, puisqu'il
nous est commandé par les Philosophes:
Conuerte elementa & quod quaeris inuenies
sequendo naturam.
Nous devons seulement remarquer sur cette matière, que puisque cette
Médecine universelle doit parfaire toutes
choses, elle doit aussi être la plus parfaite
chose qui soit en toute la Nature, &
que partant nous la devons extraire
d'une chose, où cette grande perfection
se puisse trouver, laquelle ne se pouvant
trouver qu'au seul esprit général du
monde qui est la chose la plus parfaite
qui soit en la Nature, nous ne devons rechercher
autre chose que lui pour la
composition de cette divine oeuvre; &
d'autant que tout est en lui, que toutes
les vertus & propriétés du monde universel
y sont encloses & enfermées, il n'a
besoin d'y joindre aucune chose; mais

@

126 Livre second
tant seulement de séparer ce qui est
étrange; ce qu'il a acquis & contracté
d'impur & de sale, par le mélange des
éléments infects & pollus, avec lesquels
il est uni & lié, pour paraître sur le théâtre
universel du monde. Ce qui nous est
très bien démontré par l'axiome Chimique,
Le mercu- Est in mercurio quidquid quaerunt
re des Phi- sapientes, lesquels par le mercure ils n'entendent
losophes pas en aucune façon le mercure
est l'es- commun & vulgaire qu'on vend dans les
prit géné- boutiques; mais ils entendent cet esprit
ral du général, principe & matière première de
monde. toutes choses, de laquelle immédiatement
toutes choses sont faites: laquelle
matière chaque jour est si abondamment
épandue par tout le monde, qu'elle couvre
toute la surface de la terre universelle,
que chaque mixte & composé naturel
attire pour sa nourriture & conservation:
& néanmoins tout n'est pas employé,
il en demeure la plus grande partie
que sa chaleur vitale & lumière du
monde sublime & circule dans ce grand
vaisseau du monde, pour se trouver chaque
matin répandue sur toute la face de
la terre en substance très claire & luisante
verdâtre toutefois, dont nos Sages
l'ont appelée vitriol; d'autant qu'à la
@

des secrets Chimiques. 127
vérité cette substance parfaite & fixée L'esprit
qu'elle est se fond & liquéfie comme verre, général du
& ressemble à la graisse & huile de monde pourquoi
verre par-dessus sa verdeur: Et de plus est-il
cette substance est la vraie, unique & appelé vitriol.
seule vie de l'or, ce qui est caché sous le
nom de vitriol; car dans icelui vous y
trouverez que l'or y vit: & de ce mystère
vous pouvez comprendre ce que j'ai caché
dans mon Palladium, donnant à soupçonner
à quelques-uns que la matière
de notre divine oeuvre était le vitriol;
je n'entends pas le vitriol commun & ordinaire,
mais celui des Philosophes qui Qu'est-ce
se trouve au lever du Soleil, répandu que vitriol
très copieusement & plus qu'abondamment des Philosophes.
sur toute la terre; la préparation
duquel vitriol j'entends démontrer en
cette oeuvre, après en avoir donné une
connaissance suffisante, tant de sa pure
substance, que de ce qui lui est étranger
& acquis d'impur & de sale par le
mélange & union de ces éléments.
@

128 Livre second ---------------------------------------- D E Q U E L L E S P A R T I E S
est construite & composée cette Médecine universelle, & esprit général du monde.
Chapitre IV.

pict Ous avons déjà assuré
& prouvé que cette Médecine
générale n'est autre
chose que l'esprit général
du monde, dépuré
& séquestré de toute
étrange matière, & puis cuit & digéré à
parfaite fixation; mais nous n'avons encore
déclaré son anatomie, pour voir l'intérieur
de sa substance, desquelles parties
elle est composée.
Tous les Philosophes nous assurent
que cette divine substance, tant avant la
coction qu'après, est homogène & semblable
en toutes ses parties, bien qu'elle
ait trois parties qu'on nomme âme, esprit
& corps: pour l'âme l'on entend la
chaleur naturelle, & feu vital qui est très
abondant & copieux en elle, qu'on
nomme
@

des secrets Chimiques. 129
nomme autrement soufre. Pour son
esprit l'on entend son humide radical, Qu'est-ce
pâture & aliment inséparable de ce feu qu'on entend
vital & de ce soufre, & comme l'esprit pour âme, esprit
& véhicule de l'âme; ainsi cet humide & corps.
radical est véhicule de ce feu naturel.
Pour le corps on prend le noeud & le lien
de cet humide avec ce feu; car l'union
naturelle & l'assemblage magique que
ce feu naturel a avec cet humide, & cet
humide avec ce feu produit un lien & un
noeud, par lequel ils sont liés & attachés
inséparablement, & par icelui se rendent
visibles & palpables; & partant se
corporifient. L'on appelle ce noeud corps,
& en termes Chimiques sel; parce que
le sel est le principe de corporification,
car en l'union du feu naturel avec l'humide
radical, le feu agissant sur cet humide,
produit le sel, ou le fait plutôt paraître;
car il y est radicalement implanté,
mais invisible dans le chaos de l'eau,
& sous les membres de l'humide; avant
son apparence tout est invisible, & fuit la
pointe de nos sens corporels: Et voilà
pourquoi l'esprit général du monde
tend naturellement à corporification,
afin de faire paraître à nos sens toutes les
merveilles qu'il enferme en soi spirituellement
I
@

130 Livre second
& invisiblement son feu qu'il
contient & son humide, sont tellement
spirituels, que hors le corps du sel qui le
fait paraître, ils sont entièrement imperceptibles.
Les par- Les parties donc de l'esprit général du
ties de l'es- monde homogène & semblable en toutes
prit géné- ses parties, sont le feu naturel, l'humide
ral du radical, & le sel radical qu'en Chimie
monde. on appelle soufre, mercure & sel; âme,
esprit & corps: toutes lesquelles parties
ne sont en aucune façon différentes l'une
de l'autre, mais seulement distinctes:
Car considérez le soufre, vous le trouverez
toujours avec l'humide ou mercure,
en telle façon conjoints & unis en
identité de substance, que vous ne pouvez
dire que le soufre ne soit mercure,
ni le mercure n'être point soufre, ni
définir l'un sans définir l'autre, & le comprendre
dans les termes & limites de sa
définition; & ainsi nous pouvons assurer
du sel; Tellement qu'à un chacun,
les autres deux sont contenus, & ainsi
sont naturellement inséparables, ce que
nous montre la substance tellement homogène
& semblable qu'il n'y a nulle
différence; mais seulement distinction
de noms, & non de substances; Ce qui
@

des secrets Chimiques. 131
nous donne à connaître que ce soufre,
ce mercure & ce sel qui sont dans l'esprit
universel du monde, & dans notre Médecine
générale ne sont point le soufre,
le mercure & le sel commun &
vulgaire, mais une autre chose différente;
car si le soufre vulgaire brûle, l'autre
vivifie; si le mercure commun tue par sa
froideur & humidité, l'autre nourrit &
conserve par son humide; si le sel dessèche,
corrode & consume, l'autre humecte,
conserve & préserve de corruption;
empêchant que les individus où il
se trouve super-abondant, ne soient réduits
dans les ombres & ténèbres de leur
premier chaos.
Outre ces parties intégrantes qui
composent, voire plutôt, sont la même
substance de notre esprit général du
monde & de notre Médecine universelle;
nous pouvons dire que toutes ces
choses susdites ne sont autre chose en cet
esprit que la lumière que nous avons décrite
ci-dessus; enveloppée & couverte Description
d'une nuit humide, que ce n'est que du mercure
le jour & la nuit joints ensemble dans des Philosophes.
une mer humide, avec mille impuretés
& saletés qui s'y fourrent parmi les éléments
& principes qui constituent sa
I ij
@

132 Livre second
substance, lesquelles il faut séparer &
séquestrer, afin de pouvoir obtenir cette
éminente perfection qui est parmi ces
impuretés, en son plus haut lustre, & à
tel degré qu'elle puisse être communicable,
& parfaire par son éminente perfection
toute chose imparfaite: Or afin
que ces impuretés puissent être séparées
il les faut donner à connaître, ce que
nous devons faire au Chapitre suivant.
----------------------------------------
D E S I M P U R E T E S E T
saletés adventices en l'esprit &
Médecine générale.

Chapitre V.

pict Lusieurs des Philosophes
ont écrit que cet esprit universel,
& cette Médecine générale,
qui se trouve dans cet
Univers, comme son âme & sa forme, de
laquelle il reçoit toute sa force & vertu,
est tellement pure & parfaite qu'elle surpasse
en pureté & perfection la pureté du
Ciel & du Soleil; si cela est comme il est,
comment la pouvons-nous rendre plus
parfaite & plus pure que le Ciel & le
@

des secrets Chimiques. 133
Soleil? Les Philosophes à la vérité ont
écrit cette vérité, mais ils entendent que La matière
la substance de la Médecine universelle, de la Médecine
en sa source & en sa racine est vraiment générale
plus pure que le Ciel & le Soleil, mais est impure
d'autant qu'elle se mêle parmi les éléments, & pourquoi.
pour la commodité de leurs habitants
& citoyens, elle contracte beaucoup
d'impuretés & saletés qui sont parmi
les éléments, comme ayant les principes
de mort & de corruption à eux survenues,
par accident, & à toute la Nature par la
prévarication du protoplaste, ou premier
homme: Car auparavant le péché cette
Médecine générale, & cet esprit universel
du monde, était entièrement pur
avec tous ses éléments. Le péché seul
y mena & conduit ce méchant équipage,
lequel comme étant fontaine &
source de mort, il fallait aussi que tout
ce qu'il y mêla tendît à la mort & corruption;
car comme cet esprit général
du monde tend à la vie & conservation
de toutes choses, comme venant immédiatement
du Créateur qui n'a pas fait
une chose pour la détruire, mais pour la
conserver en son être qu'il lui a donné;
ainsi cet esprit général du monde tend &
vise à même but que son maître: Le
I iij
@

134 Livre second
Le péché péché pareillement qui est entièrement
tend tous- contraire à Dieu, & opposite diamétralement,
jours à tend à détruire & à réduire toutes
mort. choses dans l'abîme du néant; & ne
pouvant, d'autant que ses forces sont limitées
& terminées, comme venant d'un
sujet terminé & limité, il vise & bute à
la mort, corruption & destruction de toutes
choses, qui ne sont que les ombres & la
peinture du néant, & ne peut parvenir à
son but sans mélange des choses contraires
à la substance de cet esprit général,
que nous appelons Médecine universelle;
laquelle mélangée sont ces impuretés
que nous prétendons être attachées
& liées parmi la substance de notre Médecine
générale, lesquelles il faut nécessairement
séparer & ôter, afin de pouvoir
jouir de ses perfections: Autrement
demeurant embarrassés des dites saletés
& principes de péché, elle demeurerait
toujours dans les principes de mort, qui
lui donneraient toujours de la corruption
& de l'altération en sa substance:
Et par ce moyen ne pourrait jamais préserver
les autres de ladite corruption, ne
s'en pouvant préserver elle-même. Or
ces mélanges que le péché y a mis,
sont les excréments de tous les éléments,
@

des secrets Chimiques. 135
& les excréments des principes de vie
que nous avons nommés ci-devant au
premier Livre principes de mort, qui sont Excrément
un soufre brûlant & caustique, un du mercure
humide séreux & aqueux, plein de corruption, des Philosophes.
& un soufre âcre & mordicant,
sec & aride, corrodant & mangeant
l'humide radical de vie qui se trouve en
notre mercure de vie, d'où se fait notre
Médecine générale: Tous lesquels excréments
avec tous ceux des éléments,
doivent être séparés de notre Médecine
universelle avant de pouvoir jouir de
ses rares & miraculeuses vertus, de tous
lesquels excréments nous parlerons encore
au Chapitre suivant, de la séparation
des excréments élémentaires qui
se trouvent dans l'esprit général du
monde.

I iiij
@

136 Livre second ---------------------------------------- D E L A S E P A R A T I O N
des impuretés qui se trouvent en l'esprit général & Médecine universelle.
Chapitre VI.

La Méde- pict A Médecine générale
cine géné- devant être parfaite,
rale doit pour parfaire & perfectionner
être par- tout ce qui est
faite. d'imparfait dans ce grand
Univers, doit être tellement
pure & nette de toute ordure, que
d'aqueuse qu'elle est & terrestre, vile &
abjecte, elle doit monter à la perfection
céleste & astrale: Ce que Hermès Trismégiste
nous déclare dans sa table d'Emeraude,
qui fut trouvée dans son tombeau,
dans les vallées d'Ebron après le
Déluge, où était gravé en lettres d'or,
Separabis terram ab igne, subtile ab spisso
suauiter & magno cum ingenio, ascendit à
terra in coelum, aërumq; descendit in terram
& suscipit vim superiorum & inferiorum, &
sic habes gloriam totius mundi. Il faut donc
@

des secrets Chimiques. 137
par le commandement d'Hermès séparer
la terre du feu, le subtil de l'épais,
doucement & avec grande industrie, &
le faire monter de la terre au Ciel par
distillation & sublimation; c'est-à-dire,
vous cuirez votre mercure fermé dans
votre vaisseau, jusqu'à ce qu'a force de
cuire par feu lent & continuel votre
mercure devienne terre fixe & permanente,
de laquelle vous tirerez sa pureté
& netteté par le mélange du même mercure
petit à petit en l'imbibant jusqu'à ce
que la terre ait bu la dixième partie de
son eau, & qu'elle soit grasse & épaisse
comme sirop, de laquelle par simple distillation
au bain marie, ou feu très lent
vous séparerez les substances qui s'y Qu'est-ce
trouveront acides & ardentes, & les séparerez que Soleil
de leurs aquosités; & enfin les des Sages.
remettrez sur le caput mortuum qui réside
au fond, & par ce moyen doucement &
avec grande industrie vous tirerez une
substance éclatante, comme un astre &
comme un nouveau Soleil, & à la vérité
c'est le vrai Soleil des Philosophes,
après qu'il est tel & qu'il est parvenu à
cette netteté par cette dépuration & séparation
de tout ce qui lui est étrange;
il est encore question, d'astre qu'il est, ciel,
@

138 Livre second
& Soleil des Philosophes, de le rendre
encore terre des Philosophes pure & nette
de toute macule, comme il est écrit dans
la même table d'Emeraude, Vis eius
integra est si versa fuerit in terram, ascendit
à terra in coelum iterumq; descendit in terram
& suscipit vim superiorum & inferiorum:
Car cette Médecine générale n'a besoin
que d'être purifiée & fixée en terre fondante
comme cire, & permanente au feu
comme l'or; & ainsi elle est exaltée &
sublimée jusques à la perfection du ciel
& des astres, qui enferme en soi toutes
les vertus universelles & particulières de
toute la Nature.
Méthode Pour parvenir avec facilité à cette séparation
pour faire & dépuration, il faut nécessairement
le mercure que le sperme général du monde
des sages se pourrisse & meure dans le ventre de
& la Mé- son propre vaisseau, qui peut être un matras
decine gé- fermé au sceau commun près de son
nérale. ventre, ou tel autre propre à circuler, bien
fermé qu'il soit, afin que ses esprits ne
sortent point; mais montent du fond du
vaisseau à son bout, & derechef descendent
au fond; & ainsi par cette circulation
cette substance vient à mourir,
c'est-à-dire à se fixer & coaguler en terre,
noire & de toutes couleurs, à laquelle il
@

des secrets Chimiques. 139
faut donner à boire de la même substance
mercurielle, de laquelle elle a pris
naissance, comme a été dit ci-dessus,
afin de la tirer des ténèbres de la nuit,
dans la lumière du jour; c'est-à-dire la faire
blanchir, de laquelle blancheur si vous
êtes bon Maître vous pourrez tirer les
astres des Philosophes, pour iceux encore
réduire en terre, & les coaguler &
fixer en eau permanente, qui peut être
encore dissoute en son nectar naturel,
pour de là enfin en tirer toutes les substances
merveilleuses & miraculeuses
que la Nature y a encloses & enfermées.
Vous prendrez votre terre blanche, &
petit à petit lui donnerez à boire de son
eau jusqu'à ce qu'elle en ait bu la dixième
partie, & qu'elle sera congelée en son
soufre en pierrettes menues de couleur
de saphir, aucune fois de grenats,
aucune fois de marcassites, pailloles jaunes
& blanches, de couleur d'or & d'argent;
& enfin par diverses imbibitions
souvent réitérées, vous aurez une terre
grasse, fort épaisse, laquelle vous couperez
par petits morceaux, & mettrez
dans une cornue de verre jointe à son récipient,
bien lutés ensemble, & ferez
distiller au feu de cendres à petit feu, au

@

140 Livre second
commencement séparant ce qui pourra passer par ce degré de feu insipide & aqueux, retenant ce qui sera acide, en haussant le feu à tel degré qu'il puisse tenir fondu le plomb & l'étain, continuant ce feu par tout un jour: Le jour ensuivant vous croîtrez ce feu d'un degré plus fort, & continuerez enfin de jour en jour, à multiplier votre feu, jusqu'à ce que votre matière ne distille plus; & pour bien faire exactement cette distillation selon les degrés du feu convenable, il faut qu'entre les gouttes qui distillent il y ait vingt ou trente moments de l'une à l'autre; lorsque votre matière ne distillera plus, & que les fumées blanches passeront, lors éteignez votre feu & laissez refroidir votre fourneau, & tirez votre cornue où est votre matière, laquelle vous romprez pour avoir votre matière, pour la bien broyer dans un mortier de verre avec son pilon de pareille chose, & remettrez dans une autre cornue nouvelle & bien nette, & sur icelle mettrez son eau, la laissant reposer six heures, & après distillez comme auparavant au feu de cendres par les degrés de feu semblable, continuant à distiller jusqu'à ce que les fumées blanches sortent,
@

des secrets Chimiques. 141
lors cessez le feu & le laissez refroidir,
rompez votre cornue, broyez votre matière
& lui baillez son eau, comme dessus:
Après la deuxième distillation gardez
votre eau dans un vaisseau de verre
bien fermé, & votre terre aussi:
Prenez après de nouvelle matière, &
nouvelle eau une autre livre, & la distillez
comme vous avez fait celle-ici, & conjoignez
l'eau avec l'eau, & la terre avec
la terre; répétez cette opération sur de
nouvelle matière jusqu'à ce que vous
ayez de cette eau six livres, & conservez
toutes vos terres aussi dans un vaisseau de
verre bien fermé: Après prenez toutes Manière
ces six livres d'eau ou davantage si vous de purifier
en avez, & les distillez par le bain, séparant le mercure
le flegme, & conservant ce qui est des Sages.
acide, qu'il faut prendre tant seulement par
un autre récipient bien joint & luté à sa
cornue, & distillez tout ce qui se pourra
distiller, rejetez les fèces qui demeurent
au fond qui ne valent rien; réitérez
cette distillation trois ou quatre fois, ou
jusques à sept: après prenez de la terre
que vous avez conservée auparavant six
onces & broyez-la bien dans un mortier
de verre, & mettez-la dans un matras
assez grand pour la contenir avec toute
@

142 Livre second
votre eau, laquelle vous mettrez sur votre terre dans ledit matras, ou autre vaisseau de verre propre à ce faire, bien fermé, vous laisserez reposer votre matière dans ledit vaisseau par trois jours sans feu, & par inclination prendrez ce qui sera clair & limpide de votre matière, sans rien troubler, & mettrez ladite matière à distiller dans un alambic ou bain; au fond vous restera une gomme bonne & noire, laquelle faut dessécher par un jour, continuant le feu de la distillation au feu de cendres très lent, & la garderez: après vous remettrez votre eau qui a distillé par le bain, sur six onces de nouvelle terre, & laisserez reposer trois jours comme devant, sans feu; puis distillerez par le bain, comme devant, gardant la gomme qui se trouve au fond & la joignant avec la première, continuant ainsi toujours jusqu'à ce que vous aurez passé toute votre eau sur toute la terre que vous aviez auparavant, & qu'elle soit toute convertie en gomme; laquelle gomme mise dans un alambic, ou cornue vous distillerez à petit feu de cendres, séparant le flegme qui coulera le premier s'il y en a, & prendrez ce qui coulera aigre & acide & continuerez la
@

des secrets Chimiques. 143
distillation jusques aux fumées blanches. Le lait
Pour lors vous changerez de récipient, des Sages.
& distillerez le lait des Philosophes,
augmentant le feu petit à petit jusqu'à
ce qu'il vienne une fumée rouge,
lors vous changerez encore votre récipient,
conservant bien le premier, comme
l'âme, le sperme & mercure de notre
pierre, & Médecine universelle, sans laquelle
il est impossible de rien faire.
Vous conserverez aussi très précieusement
cette eau blanche dans un vaisseau
de verre bien fermé, & à ces fumées
rouges qui sortent les dernières, faut remettre
un récipient nouveau, & augmenter
le feu, tant qu'il ne distille plus,
& qu'il aura distillé le sang du dragon, Sang du
mercure rouge comme sang, continuant Dragon
toujours à augmenter le feu, tant qu'il des Sages.
ne distille plus, ce qui sera dans onze ou
douze heures, & à la fin de la distillation,
faut que le sable qui couvrira la cornue,
soit tout rouge au fond; ce sang est l'or
des Philosophes; le feu, leur lion rouge,
& leur âme; ayant ces deux principes
l'âme & l'esprit; ce qui demeure au fond
de la cornue doit être terre noire, fort
pesante comme métal, que vous garderez
dans un vaisseau de verre bien fermé.
@

144 Livre second
Faut après purifier le sang du lion, &
lui ôter un soufre combustible qu'il
a, qui est passé & distillé avec lui, car ce
soufre nuirait à notre oeuvre.
Purifica- Et ainsi vous mettrez votre sang de
tion du lion dans un matras, & fermerez bien votre
sang du matras par un autre matras, qui entrera
Dragon. dans le col de celui-ci, & le
luterez ensemble, & mettrez votre
matras dans le bain par huit jours, pendant
lesquels les parties seront bien
parfaitement dissoutes, & partant plus
propres pour la séparation. Lors étant
ainsi putréfié, vous le distillerez au bain
bouillant, & quand il ne distillera plus
par le bain, les fèces qui demeureront
au fond, sont ce soufre duquel l'on
vous a parlé qu'il faut séparer & rejeter,
& faut réitérer par sept fois cette distillation,
rejetant toujours les fèces qui
demeurent au fond. Il en faut faire
autant au lait des Philosophes & mercure
blanc, lequel il faut redistiller par
sept fois, jusqu'à ce qu'il ne fasse plus de
fèces, & les conserver à part comme
choses très précieuses.
En après vous reviendrez à votre terre
que vous avez gardée auparavant, pesante
comme métal, & noire, laquelle
vous
@

des secrets Chimiques. 145
vous broierez dans un mortier de verre,
& mettrez après dans une cornue de verre,
& y mettrez par-dessus tout votre
sang de Lyon rectifié, & le laissez reposer
trois heures sans feu, & puis le distillerez
par les cendres, tant qu'il ne distille
plus rien, & remettrez ce qui est distillé
sur les fèces & terre qui demeurent au
fond, & le laisserez reposer trois heures
comme devant, & puis distillerez aussi
comme auparavant; alors distille & monte
le sel volatil qui est dans la terre, & le
sang du Lyon le fait monter, & s'appelle
ledit sel, l'Etoile de Diane, le talc Talc des
des Philosophes, & la terre foliée, & le Sages & soufre
soufre blanc. blanc.
La raison pourquoi cette distillation
est faite sur la terre avec le sang du Lyon,
est d'autant que ce soufre blanc en la
calcination de la terre viendrait à se perdre,
étant volatil; & partant il l'en faut
séparer & extraire par le sang du Lyon,
avant calciner la terre: Ce sel volatil est
grandement nécessaire, d'autant que
c'est lui seul qui pénètre & ouvre la terre,
la dissolvant avec le sang du Lyon;
autrement le sang du Lyon seul, ni le
mercure blanc ne pourrait dissoudre ladite
terre, s'ils n'étaient imprégnés de
K
@

146 Livre second
ce sel volatil, ce qui est très caché dans
ce secret parmi tous les Philosophes.
Après cette distillation gardez votre
sang de Lyon, ou votre soufre rouge
dans un vaisseau de verre bien fermé,
après prenez votre terre qui est demeurée
au fond de votre cornue, & mettez-
la dans un pot de terre couvert de son
juste & étroit couvercle, & là colloquée
au feu de réverbère ou purgatoire, ou
cette terre perdra un soufre terrestre
combustible qui n'a pu être séparé par
Terre des la distillation, cette calcination se fait
Philoso- en trois heures, & cette terre devient
phes. blanche, puis jaune, & enfin rouge, qui
est chose admirable à voir; après laissez
refroidir le feu & prenez cette précieuse
terre, dépouillée & purifiée des parties
corruptibles; sinon de quelques terrestres
parties que le feu n'a pu séparer, broyez
ladite terre & mettez-la dans un vaisseau
de verre propre à cet effet, & mettez-y
dessus son mercure & sperme blanc petit
à petit en congelant à petit feu; &
quand il aura bu son mercure blanc,
donnez-lui à boire par même moyen
un mercure rouge, peu à peu en congelant
comme devant, au mercure blanc,
& après mettez le tout à dissoudre au feu
@

des secrets Chimiques. 147
au bain tiède, en cette dissolution les
éléments sont unis & congelés, & la terre
prête à être rendue spirituelle par la
force de l'âme & de l'esprit: cette matière
congelée dans un vaisseau propre à
fixer & congeler, vous verrez monter &
descendre la partie spirituelle sur le
corps, tant qu'ils soient congelés &
fixés, alors vous mettrez votre matière
dans un alambic sur les cendres, & donnerez
feu par degrés, & verrez monter
votre matière & sublimer en un corps
cristallin le plus beau du monde, qui
prit son poids propre & convenable de
son âme & de son esprit, que l'homme ne
lui peut donner, ni les Anges; Dieu seul
le peut qui le sait: En cette distillation
ou sublimation, le mercure qui n'est avec Vraie terre
son poids juste de sa terre, coulera & distillera blanche des
liquide le premier, lequel vous Philosophes
joindrez avec les autres mercures liquides, qui n'a besoin
qui ont servi à tirer le sel volatil de que d'être fixé
la terre, & garderez votre terre volatile, pour faire
sèche & cristalline plus blanche que des miracles.
neige.
Cette sublimation faite, le corps est
rendu glorifié avec son esprit, & la terre
qui demeure au fond est inutile & ne
vaut rien; & c'est la première opération
K ij
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148 Livre second
de l'oeuvre, & la première partie de la Médecine universelle, purifiée de toute macule & vice originel, que l'esprit & l'âme ont rendu spirituelle: laquelle matière ainsi purifiée & préparée, vous devez mettre dans un matras fermé au sceau d'Hermès, duquel la quatrième partie sera tant seulement pleine, & le reste vide; lequel matras vous mettrez dans notre fourneau secret, dans son vaisseau second, selon les lois de cette coction, cuisant cette seconde fois à lent feu & continuel, jusqu'à ce que le tout soit fixé & rouge comme sang, prenant garde que le feu ne soit violent, & qu'il n'excède le feu intérieur de notre matière; il ne faut pas qu'il excède la chaleur du mois de Juin, & faut que la main puisse être toujours tenue sur les vaisseaux qui contiennent notre vaisseau, où est contenue notre matière; laquelle au commencement par un feu doux jette ses fleurs, rondes comme petites lentilles, blanches comme neige, & nagent sur l'eau. Après dans les quarante jours cela vient en pellicule noire & fleur noire qui nage par-dessus l'eau; enfin cela s'épaissit & devient noir comme poix: Il faut pour lors continuer le feu jusques au blanc, &
@

des secrets Chimiques. 149
puis donner à boire petit à petit à notre
matière jusqu'à ce qu'elle ait bu dix
parties pour le moins de son eau; & selon
l'opinion d'autres jusqu'à quarante parties:
& lors il faut faire comme ci-devant
a été fait & enseigné en la séparation
des éléments, après les éléments séparés
& convertis en terre volatile, &
icelle terre volatile cuite & fixée faut
multiplier, si elle est blanche avec le
mercure blanc, sept fois rectifié; & si elle
est rouge, avec le mercure rouge sept fois
aussi rectifié & redistillé, cette matière
boira d'une bouche ravissante le mercure
que vous lui donnerez peu à peu, &
soudain boucherez votre vaisseau & le
remettrez au feu ordinaire jusqu'à ce
que verrez que rien ne monte ni descende,
& que tout soit bien rassis & fixé au
fond du vaisseau; donnez-lui encore à
boire & refermez votre vaisseau hermétiquement,
& cuisez-le au feu lent, par
trois jours, pendant lesquels la noirceur
apparaîtra; après augmentez le feu par
autres trois jours, vous aurez la couleur
blanche & apparente; & augmentez après
le feu, vous aurez la couleur rouge; &
ainsi en douze jours vous aurez l'entier
accomplissement, & verrez passer toutes
K iij
@

150 Livre second
Multipli- les couleurs; après lesquels passés, la
cation de pourrez encore multiplier comme devant,
la pierre. & lui baillerez un oeuf nouveau
& plus grand, & quand l'aurez multipliée
par deux fois, en pourrez réserver
une partie, parce qu'elle vous augmenterait
trop, pour le vaisseau qui deviendrait
trop petit; & partant vous en pourrez
réserver une partie pour la multiplier
si vous voulez en divers vaisseaux: Et
notez qu'à chaque multiplication elle
augmente de dix pour cent, puis de cent
sur mille, puis sur dix mille, & puis sur
cent mille, & ainsi à l'infini: Quand
vous aurez fait une multiplication, & retenu
le nombre des multiplications vous
ferez projection d'une partie de votre
matière sur quatre parties de fin or, ce
que vous broierez après dans un mortier
de verre, puis mettrez dans un oeuf sigillé
& ferez cuire dans votre four secret, à la
chaleur du dernier degré par trois jours
& trois nuits, & lors vous aurez votre
oeuvre prête à faire projection sur tous
les métaux, suivant la puissance de la
multiplication & ses degrés de perfection;
car de la première vous ferez projection
un poids sur cent, de la seconde
sur mille, de la troisième sur dix mille,
@

des secrets Chimiques. 151
& de la quatrième sur cent mille. Si vos
éléments ont été bien rectifiez & purifiez
de leurs impuretés, & réunis ensemble
& congelez & fixez au dernier degré
de feu.
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P O U R Q U O I L A N A T U R E
ne peut séparer les impuretés & saletés qui sont en l'esprit général du
monde, & pourquoi ne peut-elle seule achever la Médecine universelle.
Chapitre VII.
pict Ous avons démontré
ci-dessus qu'en notre Médecine universelle, résident quantité d'impuretés & saletés élémentaires, & avons enseigné plus que suffisamment, & en termes plus clairs
qu'aucun des Philosophes qui aient écrit
de cette matière; à présent il est question
pour satisfaire à l'esprit de plusieurs,
d'enseigner & démontrer pourquoi la
Nature n'est assez forte & puissante pour
séparer toutes ces impuretés, puisqu'elle
K iiij
@

152 Livre second
est bien assez forte, pour parfaire & achever l'or qui est un degré de perfection bien haut & relevé: vous avez vu ci-dessus ou vous êtes peu versé dans cette Philosophie vitale, que ces parties excrémenteuses élémentaires, qui sont en notre matière, sont très copieuses & très abondantes, & qu'il y a fallu diverses opérations pour les séparer; les unes étant séparées par distillation, les autres par calcination, & encore par divers vaisseaux & en divers lieux: Tellement que la Nature étant dépourvue de tous ses ustensiles, elle ne peut commodément séparer ces soufres impurs & puants qui résident en notre matière, outre que n'ayant que les éléments, où les générations & corruptions sont fréquentes & en grande abondance par la destruction des corps & des ombres que l'esprit général du monde informe & actue tous les jours, ces corps pourris & détruits de leur être premier demeurant perpétuellement dans les éléments; la Nature n'ayant aucun lieu général destiné pour rejeter tous les excréments & impures lies qu'elle sépare tous les jours en la génération de toutes choses; mais elle laisse tout pèle-mêle dans ce
@

des secrets Chimiques. 153
grand vaisseau universel, fermé d'un
sceau plus qu'hermétique, duquel rien
ne peut sortir; Tellement que le pur circule Le pur & l'impur
avec l'impure, monte & descend tout circulent
pèle-mêle ensemble, d'où il est toujours ensemble dans
infect & pollu de son impureté; & la Nature &
partant sujet à corruption & altération: sont cause de
D'autant que cette Médecine universelle, la corruption.
ou cet esprit général du monde,
tend à une suprême pureté, & n'y pouvant
parvenir à cause du mélange des
excréments, parmi lesquels il se trouve
embarrassé, il tend toujours à s'en dépêtrer,
& ne trouvant aucun lieu qui ne soit
abondant en ses excréments, il est contraint
de s'y mêler & d'y faire des générations
de peu de durée: Mais dans notre
vaisseau qui est un lieu très dépuré,
étant une terre dépurée par le feu, qui a
consumé tous les excréments élémentaires,
& n'est rien demeuré en elle, que
la pure partie élémentaire fixe, nous
pouvons faire justement cette séparation
suprême que la Nature prétend faire
& fait encore; mais n'ayant des lieux
pour rejeter à part ces excréments, &
cuire après ces parties pures dans des
vaisseaux purs, elle est contrainte de
cuire tout pèle-mêle; & par ainsi elle n'a
@

154 Livre second
jamais parachevé sa séparation: Tellement
que nous lui devons aider, &
commencer là où elle finit, & suivre en
tout & partout sa piste & ses pas sans rien
innover.
La composi- D'où vous pouvez comprendre facilement
tion de la à présent le dire des anciens Philosophes,
pierre sem- qui nous ont assuré que la composition
blable à la de cette Médecine universelle
création était semblable à la Création du monde
du monde. car en icelle Dieu fit & créa la lumière,
& la sépara des ténèbres; tant qu'il voulut,
& fixa la plus pure partie d'icelle dans
le ciel, & principalement dans le corps du
Qu'est-ce Soleil, qui n'est rien plus que cette lumière
que le fixée en corps de Soleil par la main
Soleil. de Dieu, d'où il nous départ l'esprit général
de vie pour la conservation & production
de toutes choses; lequel esprit de vie
venant à se corporifier en sperme général,
contracte en cette coagulation les excréments
qui sont dans les éléments, & principalement
dedans l'eau & dans la terre:
& d'autant qu'en icelle tous les éléments
résident, & qu'icelle n'est autre chose
que la résidence & la partie plus crasse &
épaisse de tous les autres éléments,
notre esprit général venant à prendre
corps au moyen d'icelle, est contraint &
@

des secrets Chimiques. 155
forcé de se vêtir & couvrir de l'étoffe
qu'il trouve dans ces magasins.
Merveille des merveilles, que le Fils Similitude
du Ciel, l'unique progéniteur du Soleil du Fils de Dieu
& de la Lune, la pureté & netteté, & lumière & de l'esprit
de toute la Nature, veuille prendre du monde.
le corps le plus vil, & le plus abject
de tout ce monde, que toutes les Créatures
méprisent & foulent aux pieds,
comme une chose de néant; à l'imitation
de son Créateur qui pour l'amour
des hommes qu'il a créés de l'abîme du
néant, s'est fait homme, & a voulu pâtir
volontairement pour eux, ce que le plus
chétif des hommes n'aurait voulu faire
pour soi-même; ce qui est plus amplement
décrit dans mon Alchimiste
Chrétien.
La terre donc avec les autres éléments
qui se trouvent en icelle, donnant & fournissant
l'étoffe pour habiller notre esprit
général du monde, & la matière de notre
Médecine générale, lui baille ce qu'elle
a, & n'ayant que quantité d'excréments
aqueux & terrestres il y en fournit sa bonne
part: mais c'est en nous à l'en dépouiller,
& prendre seulement ce qui est de
sa substance pure, avec la substance pure
des autres éléments qui lui ont donné
@

156 Livre second
corps visible & palpable, rejetant l'humide
aqueux & insipide, & tous les autres
excréments élémentaires; réservant
les substances acides, aériennes & ignées
qui s'y trouvent, qui servent à dissoudre
& pénétrer la terre & en tirer son âme,
qui est un sel fixe, auquel ils donnent des
ailes, & l'élèvent jusques au Ciel pour
le dépurer de toutes ses ordures & saletés
aqueuses & terrestres, comme vous avez
Pourquoi appris très amplement au Chapitre précédent,
la Nature par lequel vous pouvez allez
ne peut pa- manifestement comprendre, pourquoi
rachever la la Nature seule ne peut achever la Médecine
Médecine générale; bien qu'elle la commence,
générale. tende & vise à la parachever, mais
elle ne peut, puisqu'elle n'a moyen de
séparer de cette Divine substance tous
les excréments étrangers qui s'y trouvent,
& mettre après cette pureté, absente
de toute ordure, dans un lieu pur, & la
cuire & fixer en toute perfection, comme
l'artifice est contraint & forcé de
faire pour jouir d'une telle perfection
& merveille naturelle que la plus grande
part du monde estime ridicule, & toutefois
c'est la pure vérité, qu'une infinité de
personnes de toute condition ont vue
& touchée.
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des secrets Chimiques. 157 ----------------------------------------
E N Q U E L T E M P S D E l'année , & en quels lieux l'on peut plus abondamment colliger la matière de notre Médecine universelle.
Chapitre VIII.
pict Uisque la matière de
notre Médecine universelle & l'esprit général du monde, & qu'en tout temps & en tous lieux il est répandu par tous les éléments, pour la nécessité continuelle
des Citoyens du monde; il semble que
c'est une question frivole, & de peu de
considération, en quel temps l'on la doit
colliger, & en quel lieu, puisqu'elle se
trouve en tout temps & en tous lieux;
car la Nature en a tel besoin qu'elle ne
s'en peut passer un moment de temps
sans se perdre & aller dans son premier
néant: Néanmoins pendant l'Hiver
cette matière de l'esprit général du monde,
& de notre Médecine universelle,

@

158 Livre second
se retire plus copieusement au centre de la terre pour la corporifier, chassé de tous côtés de la Sphère de l'air & de l'eau, par l'antipéristase du froid son mortel ennemi, il se retire au centre du monde; & lorsque son père le Soleil s'approche du climat, duquel il s'était retiré pour aller échauffer les autres climats de la terre à leur tour; il ouvre par sa chaleur les pores de la terre, chasse le froid de ce climat, & lors cet esprit du monde vient à monter plus copieusement & plus abondamment vers ce climat, d'où son père a chassé le froid par son approche; d'autant qu'il fuit toujours sa source & sa fontaine, & souhaite se joindre avec elle pour la commodité des productions: Et d'autre côté il est chassé de l'autre climat, opposite à celui-ci par la présence du froid & l'absence de son père, ou son reculement, qui donne loisir & commodité de le chasser & poursuivre jusques dans son centre, ou ayant pris & recouvert nouvelles forces, & s'étant rafraîchi dans sa naturelle Citadelle & son Palais royal, il s'en va à main armée du côté où les forces de son père l'appellent & l'attendent pour anéantir entièrement le froid & toutes ses troupes, qui
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des secrets Chimiques. 159
durant l'Hiver occupaient toute la campagne,
ravageant, tuant & saccageant
tous ses enfants: il revient donc au Printemps,
& se joint aux troupes de son
père, pour rendre la vie & délivrer des
mortelles prisons tous ses sujets & vassaux
que l'hiver avait fait prisonniers
dans ses gelées & glacées maisons. D'où
tous les Philosophes anciens & modernes,
qui ont eu la connaissance de ces
mystères, nous ont conseillé de colliger
notre matière, lorsque le Soleil
commence à entrer dans le Mouton &
Bélier; d'autant qu'en ce temps-là cette En quel temps
matière commence à monter & descendre de l'année il
plus copieusement qu'en tout autre faut colliger
temps, pour les raisons ci-devant déclarées: la matière de
Car en Eté pendant les violentes l'esprit général.
chaleurs, il en est converti en air & réduit
dans la spiritualité aérienne, pour le
moins une grande partie; d'où il est très
difficile de le retirer sans l'humidité de
la nuit, qui le couvre de son humide
manteau, & l'étend après sur toute la
face de la terre; que si les nuits sont sèches
& arides, comme il arrive en plusieurs
climats méridionaux, il demeure toujours
dans sa spiritualité, sauf proche
des rivières & fontaines, au rivage desquelles
@

160 Livre second
l'on en trouve quantité & en
abondance; car l'humidité de ces lieux
se joint facilement à la sécheresse & chaleur
vitale de cette lumière solaire, &
s'incorporent ensemble, pour être plus
commodément portés par toutes les veines
& pores de la terre; & ainsi être distribués
pour aliment général & universel
à tous les Citoyens du monde: hors de
là il s'en trouve en tous lieux, mais plus
commodément dans les prés, & dans
tous lieux aquatiques, dans les vallées des
montagnes, qui sont remplies de sources
vives & fontaines très claires: Celle des
montagnes est la plus pure & la plus belle,
comme plus séquestrée des excréments
aqueux & terrestres, même de
la poussière qui est copieuse en d'autres
lieux qui la rend crasse & épaisse; & partant
Méthode plus terrestre & limoneuse. Ici
particuliè- quelques Philosophes de ce temps se
re de la sont imaginés que puisque les montagnes
pierre des & lieux relevés nous donnent la
Sages, matière de notre Médecine générale, la
combattue. plus pure qu'on puisse trouver sur la terre;
ils la veulent encore colliger plus pure
que ces lieux ne la peuvent donner, & la
veulent faire passer à travers les pores du
verre, par le moyen de la vertu attractive
&
@

des secrets Chimiques. 161
& aimantine du fils du Soleil le plus
beau & le plus pur que la Nature puisse
faire, & disent que par ce moyen ce fils
d'Apollon échauffé par son père, attire
à travers même les murailles & parois
des prisons où il est enfermé ses rayons
de lumière, & les convertit en humeur
& liqueur, qui pénètre ses pores & tout
son corps, avec laquelle il s'unit & s'incorpore,
se putréfie & se dissout, & de
mort revient à vie, & sans autre artifice
que la seule chaleur de son père, & la tiédeur
& humidité de sa mère il parvient
à cette suprême perfection, que nous prétendons
conduire par nos régimes ci-
devant décrits; je le laisse juger aux plus
sensés de l'école Hermétique, qui nous
témoignent le contraire par leurs écrits
& par leurs expériences; car bien que
cette lumière qui pénètre le lit nuptial
& cristallin de ce beau Phoebus, soit à la
vérité la matière de l'esprit général du
monde, il ne peut avoir la totale perfection
qu'il doit avoir avec tous ces soufres
& mercures. Nous ne pouvons à
la vérité nier que ce qui perce les vaisseaux
de verre, exposés à la chaleur du
Soleil, & exposés à l'humidité de la nuit
ne soit cette semence générale qui se sublime
L
@

162 Livre second
du centre de la terre, & descend
du premier mobile & de tous les astres, &
principalement du Soleil jusqu'à la superficie
de la terre, & là par la tiédeur &
l'humidité de la nuit, résolue en vapeur
très subtile, qui comprend en soi la subtilité
& le pur de tous les éléments, pour
servir d'esprit de vie à toutes choses, d'où
encore il s'encrasse & s'épaissit davantage
par la moiteur de l'air, & des diverses
altérations du froid & de l'humide, qui
perpétuellement se font en icelui, pour
derechef rechoir en terre, & prendre le
même corps qu'il avait auparavant
avant sa résolution en air.
D'où s'ensuit cette perpétuelle & indésirante
circulation, de monter & descendre
De la par- de la terre au ciel, & du ciel en
tie coagu- la terre, pour se résoudre, & se coaguler
lée & fixée en semence & corps spermatique
de l'esprit de toutes choses, & se résoudre en
du monde vapeur très subtile, pleine toutefois de
qui demeu- vie, & de feu naturel & céleste; & cependant
re dans les les parties les plus coagulées, &
eaux, les tendant à fixion demeurent dans la terre,
métaux ou dans les eaux, & là produisent les choses
& pierres plus précieuses, si ces parties tombent
précieuses dans des lieux purs, & qu'elles-mêmes
se font. soient dépurées à dernière purification,
@

des secrets Chimiques. 163
par la longue & continuelle sublimation
& circulation qui se fait de cette matière
nuit & jour, dans ce grand & vaste vaisseau
du monde universel, comme l'on
verra plus amplement en son Chapitre
particulier de la génération des métaux
& des pierres précieuses.
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P A R Q U E L A R T I F I C E
Chimique plus court que le précédent, l'esprit général du monde se convertit en Astre, en Ciel, en Lune, en Soleil, en talc, soufre, mercure & sel des Philosophes.
Chapitre IX.
pict L semble d'abord très
difficile, voire impossible, de pouvoir changer la plus vile chose du monde & la plus abjecte de la terre, en un Astre très éclatant, en Ciel, en Lune, en Soleil
très radieux & très puissant; ce qui
donne occasion de croire à tous ceux qui
ne sont point usités dans ces matières,
L ij
@

164 Livre second
que c'est une fable & une chose ridicule,
& conte pour amuser les sots, & les peu
avisés: ils doivent toutefois tenir pour
très assuré qu'en leur opinion ils sont
très sots, & très ignorants en la connaissance
de la Nature; & que cette affaire est
aussi facile qu'à faire du moût & du suc
des raisins du vin, & du pain de la farine
de froment, car ici il ne faut, comme
tout le monde sait, que séparer & trier
le pur de l'impur, & fermer dans les vaisseaux,
& laisser le reste à faire à la Nature,
qui cuit & fermente le suc des raisins, & le
change de moût en bon vin, & de la farine
du froment, il ne faut que pétrir, fermenter
& cuire.
Comme il Il en est de même de notre matière,
faut fixer il ne faut que la prendre, la mettre dans
la matière son vaisseau scellé hermétiquement, &
de l'esprit la colloquer dans un feu tiède, fort lent
du monde. & continuel; afin qu'elle se sublime & se
circule dans son vaisseau. Le plus subtil
monte dans le ciel du vase & ayant monté
descend vers la terre, qui est au fond
du dit vaisseau; & ainsi continuellement
montant & descendant se congèle & fixe
en terre blanche, après avoir passé pendant
sa coagulation, par toutes les couleurs
que la Nature peut avoir; Pour
@

des secrets Chimiques. 165
lors il faut dissoudre encore votre terre
blanche, & la convertir en liqueur
gluante & épaisse, en lui donnant à boire
de la même eau & liqueur, de laquelle
à force de coction cette terre blanche
a été faite, & procréée dans le ventre de
votre vaisseau; après qu'elle est dissoute
vous séparerez par le bain ce qui peut monter,
qui sera une eau un peu acide; laquelle
vous rectifierez trois ou quatre fois,
voire tant qu'il faudra, jusqu'à ce qu'elle
devienne ardente, & la priverez de son
flegme aqueux; cette eau ardente ainsi
dépurée & séquestrée de son flegme,
vous la remettrez sur votre matière qui
est demeurée au fond de votre vaisseau
à la première distillation, & ferez ensemble
digérer à lent feu trois ou quatre heures,
& distillerez après au feu de cendres
lentement & avec modération; & ce qui
distillera vous le rectifierez quatre ou
cinq fois au feu lent de cendres, & le priverez
par cette rectification de tous excréments
aqueux & terrestres, & garderez
ce qui sera fort acide & ardent; ainsi
rectifié vous le rejoindrez encore sur l'onguent
& matière qui demeure au fond
de votre alambic, & le ferez digérer
trois ou quatre heures, & après encore
L iij
@

166 Livre second
vous le redistillerez au feu de cendres,
donnant sur la fin un peu plus fort que le
premier, & pour lors distillera une eau
rouge, laquelle vous rectifierez comme
la première, afin de la purifier, & la rejoindrez
avec votre matière ou terre gluante,
& digérerez encore; & ferez après distiller
à feu encore plus fort qu'auparavant,
afin que le sel volatil qui réside
dans votre terre puisse monter; lequel
sel vous joindrez avec votre eau rouge,
& ferez ensemble distiller quatre ou cinq
fois, gardant les fèces de toutes les distillations
pour les conjoindre avec la terre,
laquelle vous réverbérerez & calcinerez
dans un creuset bien fermé & clos, jusqu'à
ce qu'elle devienne rougeâtre; laquelle
ainsi calcinée vous joindrez avec
votre eau ci-dessus rectifiée, qui est
pleine de son sel volatil, afin qu'elle puisse
attirer à soi tout le sel central qui réside
encore dans ladite terre, laquelle
étant toute examinée & privée de son
sel, demeure en terre morte sans continuité
fort légère.
Votre quintessence ainsi préparée,
ayant tous les quatre éléments en soi, &
les trois principes naturels, avec leurs
poids dûs & convenables; vous la
@

des secrets Chimiques. 167
pouvez enfermer dans un matras qui ait
le col court, fermé au sceau d'Hermès, &
la cuire au feu premier jusques à parfaite
coagulation & fixation, à laquelle après
cette perfection vous pouvez joindre
l'âme de l'or, laquelle vous tirerez avec
la première eau ardente, jointe avec son
sel volatil & rectifié; l'or battu & passé
par le ciment royal se dissoudra dans cette
eau, & dissout qu'il soit vous le pouvez
avec facilité joindre avec notre matière,
& le pourrez avant le joindre, faire distiller
pour le rendre plus pur & plus tingeant;
& après cette distillation en séparer
par le bain tout ce qui pourra monter
& distiller, & ce qui restera au fond en
mettre une partie sur dix, de notre quintessence,
& cuire tout ensemble à dernière
fixation; pour lors vous avez le secret
des secrets, si l'abrégé de toute la L'abrégé
puissance naturelle, l'Astre, le Ciel, la des secrets
Lune, le Soleil, le talc, le soufre, le naturels.
mercure, & le sel parfait & absolu des
Philosophes, qui est préparé un peu plus
court qu'auparavant; mais je tiens qu'en
ce secret la plus longue coction est la
meilleure, parce qu'aux courtes coctions
& préparations, ce qui est occulte dans
les éléments ne se peut si tôt rendre manifeste,
L iiij
@

168 Livre second
& que la Nature ayant en toutes choses ses termes & ses temps limités & comptés, & que les vouloir abréger, c'est rendre ses fruits immurs & avancés, & avortons: Le meilleur est de suivre la piste des Anciens, & se contenter de pouvoir parachever ce chef-d'oeuvre dans un an entier & complet; ce qui est assez court & plus court que nous ne méritons. --------------------------------------- S I L'O R C O M M U N E T vulgaire est nécessaire à la perfection de notre Médecine générale.
Chapitre X.
pict Ous avons assuré & prouvé tout ensemble, assez raisonnablement, que la matière de notre Médecine universelle a tout en soi; car si cela n'était, toutes choses ne s'en pourraient pas produire comme elles s'en produisent. Nous ne prétendons pas faire de
@

des secrets Chimiques. 169
l'or, ni aucun métal, ni animal ni végétal;
nous prétendons seulement purifier
& sublimer à tel degré de perfection cette
première substance, où Dieu veut que
la Nature commence le mouvement de
toutes choses, & la cuire après cette purification
à tel degré de coction, qu'elle
soit fixe & permanente à toute action de
feu sans la pouvoir détruire ni corrompre;
& par ce moyen qu'elle chasse toutes
les imperfections des mixtes naturels;
lesquelles imperfections ne dépendent
que de la crudité de cette même substance
qui est en eux, & du mélange
d'une infinité d'excréments avec lesquels
elle est mêlée. D'ici nous pouvons Il n'est besoin
assez clairement conjecturer qu'il d'ajouter
n'est besoin d'y ajouter de l'or, ni en de l'or à
son commencement, ni en son milieu, la Médecine
ni dans sa fin: mais seulement purifier & générale.
fixer cette matière générale, par le
moyen de laquelle préparée & exaltée
au suprême degré de perfection, l'on parfait
l'or vulgaire & commun d'une perfection
beaucoup plus grande & au-delà
de son degré naturel & ordinaire: Tellement
que de mort qu'il est, sans aucune
teinture communicable aux autres
métaux imparfaits, il devient un or vif
@

170 Livre second
plein de vie, & de teinture communicable aux autres métaux. Ce qu'on peut faire en cette façon bien courte, qui est toutefois énigmatiquement décrite dans les dernières clefs de Basilius Valentinus; il faut prendre de notre matière parfaite & absolue, ayant la dernière coction & séparation; par exemple une once, & avoir de l'or commun & ordinaire, passé par le ciment royal, & par l'antimoine plusieurs fois, afin de le séparer de toute ordure, & après le couper en petites lamines, & les mettre dans un creuset, stratum super stratum, avec notre Médecine pulvérisée, & colloquer le tout dans un feu assez fort & violant afin que le creuset demeure toujours rouge, & le laisser ainsi dans ce bain Vulcanique, le creuset étant couvert l'espace de quatre ou cinq heures, & icelles passées fondre le tout s'il n'est fondu, & le jeter fondu qu'il est sur un marbre net & poli, icelle matière refroidie est rouge & éclatante, & se brise & pulvérise facilement, de laquelle si vous jetez une partie sur mille de métal imparfait vous le convertirez en fin or, meilleur de beaucoup & à plus grand & haut degré & carat, que celui que la Nature produit
@

des secrets Chimiques. 171
dans ses minières; d'autant que cet or
naturel que vous avez ajouté à notre
Médecine absolument parfaite & complète,
s'est encore perfectionné davantage,
& a passé les degrés de la perfection
naturelle, & a reçu au moyen de
cette Médecine générale la perfection
dernière & absolue, que la Nature ne lui
a pu donner, à cause qu'elle ne peut jamais
parvenir à la dernière & absolue purification
& coction de cette Médecine
générale; & partant ne la peut rejoindre
aux enfants qu'elle a produits imparfaits
& pollus de mille excréments élémentaires,
desquels elle ne se peut séparer sans
être aidée de ce divin & miraculeux artifice;
lequel elle-même a démontré par
ses actions & opérations aux vrais & légitimes
Philosophes qui la connaissent,
& qui contemplent ses plus intérieures
actions.
Voilà en quelle façon je crois que les Pourquoi faut-
anciens Philosophes nous ont laissé par il ajouter de
écrit qu'il y faut ajouter de l'or, non l'or à notre
pas pour perfectionner notre Médecine, Médecine.
car elle se parfait elle-même ayant
en elle-même le centre de toute perfection,
& de quoi se perfectionner; mais
pour parfaire l'or, qui est entièrement
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172 Livre second
imparfait, comparé & égalé à cette divine substance qui lui a donné la perfection qu'il a naturelle, & la lui peut augmenter & multiplier à tel degré qu'il peut après parfaire les autres. Que si l'on vient au commencement à y ajouter de l'or, c'est faire rétrograder l'or d'un degré de perfection qu'il a, & d'une coction plus haute & plus cuite, que notre matière n'a au commencement; & recuire derechef, après avoir réincrudé ce que la Nature avait déjà fait & cuit. Il est vrai toutefois que ce n'est autrement gâter notre oeuvre, d'autant que l'on n'y ajoute rien d'étrange; mais ce qui est de sa nature & de son essence déjà fixe & purifiée à certain degré de perfection; lequel degré de perfection & coction ne peut nuire en aucune façon à la substance de notre Médecine générale, mais avancer la coction & perfection d'icelle, en multipliant son feu naturel intérieur, & son soufre naturel & parfait, par l'addition du soufre & du feu naturel qui est enclos dans le ventre de l'or, qui déjà ayant une coction assez parfaite, avance la coction de l'autre qui n'est pas si avancée que celle-ci: Et voilà comme j'entends, & se doit entendre
@

des secrets Chimiques. 173
que l'or y peut, si l'on veut, y être ajouté,
non pour perfectionner cette oeuvre,
mais pour y être lui-même perfectionné
& accompli, pendant le temps
que notre oeuvre se parfait, s'avance
& monte dans les degrés plus hauts &
relevés que la Nature puisse prétendre.
Mais ce qui se fait ici par ce moyen
dans une longue espace de temps, se fait
après dans quatre ou cinq heures, comme
vous avez vu ci-devant; car notre
matière parfaite jetée & fondue avec
l'or, le parfait aussitôt au dernier degré
de sa plus haute & éminente perfection.
Quelqu'un m'objectera que cette divine Objection.
Médecine fera le semblable aux
métaux imparfaits; car ceux-ci ayant
une substance métallique, imparfaite
à cause de leur crudité, & du mélange
de beaucoup d'excréments, qui ne sont
point séparés de cette substance métallique,
venant à être mélangés avec notre
Médecine parfaite, par son feu naturel
super-abondant & fixement implanté
en elle, vient à séparer tous ces excréments
hétérogènes de la substance métallique,
& à les cuire parfaitement, & lui
donner le degré de perfection qu'elle a,
@

174 Livre second
autrement elle ne serait pas Médecine générale, si elle ne pouvait elle-même sans addition d'autre chose que de la substance pure qui se trouve en elle-même, perfectionner tous les individus qu'elle a faits & formés de sa substance; & si cela est vrai comme il est raisonnable qu'il soit, il n'est en aucune façon besoin d'y ajouter plutôt de l'or que du plomb, ou quelque autre métal imparfait, puisqu'avec celui-ci notre Médecine fera aussi bien qu'avec l'or, puisqu'elle est indifférente à tous les genres des mixtes naturels, & n'a besoin de se joindre pour se spécifier à aucun individu parfait, pour à cause de cette perfection, perfectionner les autres; car elle a assez de perfection en elle-même pour perfectionner l'individu auquel elle se joint, soit-il parfait, ou imparfait; car en se joignant elle se spécifie, & par la même action elle parfait les individus auxquels elle se joint, chacun en la perfection de son genre & de son espèce. D'où vient que se joignant au plomb ou à quelque autre métal imparfait elle cuit & parfait la substance imparfaite du plomb, & la cuit à la perfection de l'or où cette substance tend naturellement; que si la force
@

des secrets Chimiques. 175
& vertu de notre Médecine générale
est encore plus forte & plus efficace, elle
ne s'arrête pas à ce degré de la perfection,
de l'or, mais la fait passer de l'or jusques
à la perfection de la Médecine, mais
toujours elle passe par ce degré qui est le
milieu de cette extrémité.
Cette objection est très véritable & Solution
très subtile, & nous prouve assez évidemment & réponse
que l'or n'est point nécessaire à à l'objection.
la composition de notre oeuvre que pour
s'y perfectionner lui-même, & communiquer
la perfection aux autres métaux
imparfaits, ce qui est prouvé par l'objection
même, en l'exemple du plomb qui
est mené parmi notre Médecine, qui
vient à acquérir la perfection de l'or, &
étant or, cet or encore passe outre jusques
à la perfection plus grande que l'or commun;
car il devient vif, & communiquant
sa perfection aux autres métaux
qui ne l'ont point, ce qui est se perfectionner
au plus grand & au plus éminent
degré de perfection.
Nous conclurons donc qu'en la composition
de notre Médecine générale,
n'est besoin l'or commun & vulgaire, ce
que tous les anciens Philosophes nous
ont laissé confirmé par leur axiome, Ignis
@

176 Livre second
Interpré- & Azot tibi sufficiunt: Azot est ici un
tation du mot mystérieux, outre qu'en Castillan il
mot Azot. signifie mercure, il enferme en soi quatre
lettres, qui représentent & sont de
vrai le commencement & la fin de tous
les Alphabets & langues du monde: Car
par A, tous les Alphabets commencent;
par Z, les Latins finissent; par ω. les
Grecs, & par T. les Hébreux, & toutes
les autres langues suivent l'une de ces
trois ici: Tellement qu'en ce mot ici
Azot, qui signifie Mercure, est compris
tout ce que les Latins, les Grecs & les
Hébreux, & tout ce qui dépend d'eux,
peuvent enseigner, & le commencement,
& la fin des choses naturelles y est
enclos & enfermé.

P A R
@

des secrets Chimiques. 177 ----------------------------------------
P A R Q U E L M O Y E N
notre Médecine générale, complète & absolue en perfection peut guérir toutes sortes de maladies.
Chapitre XI.
pict ippocrate parmi toutes
ses oeuvres ne nous chante autre chose que la Nature seule a le pouvoir de guérir toute sorte de maladies: Il n'y a qu'une Nature, bien qu'elle se divise en un presque
infini nombre d'individus, qu'elle
engendre & procrée, elle est toujours
une, bien que ses enfants soient plusieurs:
Si ses enfants ont quelque vertu, ils l'ont
reçue de leur Mère qui les a engendrés,
& leur a donné tout ce qu'ils ont, qui est
beaucoup plus fort & actif dans le ventre
de leur mère & dans sa source, que dans
les individus qui en sont sortis. Cette
Nature donc qui est unique en essence,
est cette matière de notre Médecine
M
@

178 Livre second
universelle, qui a le pouvoir de guérir
toute sorte de maladies, selon l'opinion
Preuve que d'Hippocrate. Or que la matière de notre
la Nature Médecine universelle ne soit cette
est l'esprit Nature unique principe de mouvement
général du & de repos en toutes choses, il est très facile
monde. à le prouver par les Chapitres précédents
de cet oeuvre, où nous avons
démontré que c'était l'esprit général
du monde, où tous les éléments & principes
naturels étaient enclos & enfermés
comme dans leur vrai centre, &
qu'en icelui était le vrai siège de Nature,
où elle présidait avec une puissance
royale, que toutes les forces & vertus
étaient là ramassées; en telle façon qu'il
ne faut nullement douter que la matière
de notre Médecine universelle ne soit
cet esprit général du monde; & que partant
cette même matière ne soit la Nature
même, qui a le pouvoir de guérir
toute sorte de maladies, que notre Hippocrate
Qu'est-ce appelle feu mol: lorsqu'au premier
que feu livre de la méthode de vivre il veut
mol chez témoigner aux Chimiques mêmement
Hippocrate. avoir su ce grand secret, quand
il enseigne en termes très courts la composition
de l'or potable, sous ces paroles;
Aurum operantis tundunt, lauant, molli
@

des secrets Chimiques. 179
igne liquant, forti autem non conflatur, vbi
vero elaborarunt ad omnia vtuntur. J'admire
ces paroles sous lesquelles ce grand
mystère est caché, duquel Hippocrate
avait la connaissance, & suis étonné
qu'aucun de ces interprètes ne s'en soit
pris garde. Ce feu qu'Hippocrate appelle
mol, est à la vérité notre Médecine
universelle, qui conjointe avec l'or, le
fond & liquéfie mollement & doucement
sans aucune violence, & le convertit
en sa substance molle & liquable,
comme cire, comme vous avez vu aux
Chapitres précédents; & après qu'il est
ainsi préparé guérit toutes sortes de maladies,
comme il assure par ces derniers
termes, Vbi vero elaborarunt vtuntur ad
omnia.
Or que ce feu mol d'Hippocrate ne soit cette Médecine universelle, de laquelle
nous avons ci-devant parlé, il est
très aisé à le prouver par tout ce que
nous avons écrit, & par tout ce que les
autres Philosophes Chimiques ont dit
& écrit; car il n'y a aucun feu mol en la
Nature, que notre eau visqueuse, qui est
toute pleine de feu, qui puisse dissoudre
& fondre l'or vulgaire: Car le feu commun
& ordinaire ne le peut fondre qu'il
M ij
@

180 Livre second
ne soit très violent & très fort, ceux qui
sont experts en la fusion de l'or le savent
très bien; & partant il faut nécessairement
que ce feu d'Hippocrate soit notre
eau visqueuse & mercuriale, qui ne
mouille point les mains, qui est l'humide
radical métallique, au moyen duquel l'or
se dissout & se fond aussi doucement &
mollement que la neige & la glace dans
Hippocrate l'eau chaude; tellement que c'est véritablement
savait la un feu mol, puisque c'est une eau
pierre phi- congelée qui se fond comme cire à la
losophale. moindre chaleur: Et voilà comme Hippocrate
en trois lignes enseigne & témoigne
à ceux qui le savent, qu'il savait
cette merveille & ce miracle naturel,
lui attribuant la vertu & efficace de
guérir toutes sortes de maladies.
Et pourquoi ne pouvons-nous encore
dire, que cet or d'Hippocrate n'est point
l'or vulgaire, mais notre vrai or vif &
végétable, la préparation duquel je vous
ai enseignée ci-devant, de la même façon
& méthode que ce grand personnage
vous l'enseigne; car en notre décoction,
cet or vif que nous pouvons appeler
la matière de notre Médecine universelle,
se brise, se lave, se liquéfie le
plus mollement qu'on ne se peut imaginer,
@

des secrets Chimiques. 181
par un feu très lent & léger; ce que
Arisleus Roi des Indes en son livre
qu'on fait courir sous son nom, appelé
& intitulé la Turbe des Philosophes,
nous dit en plusieurs lieux, Coque, coque,
coque, tere, tere, tere, & non le taedeat
prolixitatis donec in laminas tenuent producatur:
car par cette longue coction, notre
matière qui est notre eau mercuriale, &
notre matière de la Médecine universelle
est enfin fixée & convertie en terre
foliée, en talc des Sages, qui sont nos
subtiles lamines, & notre or battu en
feuilles très déliées; lesquelles encore
nous devons cuire lentement & mollement,
selon l'opinion de tous les Philosophes
& selon Hippocrate, à l'opinion
duquel vous ne pouvez déroger sans crime
de lèse-majesté de toutes les écoles
Galéniques, qui cependant estiment
ridicule d'assurer qu'il y ait dans l'Univers
une Médecine universelle qui puisse
guérir toute sorte de maladies: Et cependant
Hippocrate l'avoue, le confesse,
voire même l'enseigne; l'avoue
quand il dit, Natura morborum omnium
curatrix, l'enseigne au passage précédent
que je viens d'expliquer, que l'on ne peut
autrement interpréter sans avouer que
M iij
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182 Livre second
Hippocrate était si peu entendu en la
Nature & en l'essence de l'or, que même
il ne savait pas combien de feu violent
& fort il fallait pour le fondre & liquéfier:
Il y a encore davantage de discours
énigmatiques sur ce sujet, dans le même
Hippocrate, que ceux qui sont initiés
dans ces mystères pourront entendre
aussi facilement que moi, & confesser
que ce grand personnage Hippocrate a eu
la connaissance de ce mystère, sans lequel
il ne pouvait jamais prétendre au
but qu'il a touché plus que tout autre;
c'est-à-dire, connaître la Nature de la
façon qu'il l'a connue, car cette matière
de laquelle nous avons tant écrit parmi
toutes nos oeuvres, n'est autre chose que
la Nature même; car toute sa force, vertu,
vigueur & énergie est ramassée en
cette semence naturelle, comme dans
les semences particulières toute leur
force & vigueur est rassemblée, & sont
dites & appelées du nom du particulier
duquel elles sont semences, comme la
semence de l'homme est appelée homme
même dans Tertullian: Hominem
prohibere nasci occidere est, quod perdis homo
est. Et semblables autres passages de
plusieurs grands personnages, qui
@

des secrets Chimiques. 183
donnent le nom du tout à sa semence.
De telle façon que nous parlons très
proprement, en appelant notre semence
& notre matière de la Médecine universelle,
Nature, laquelle l'on ne peut
nier qu'elle ne guérisse toute sorte de
maladies. Mais dira quelqu'un n'y a-t-il S'il y a des
pas des maladies incurables, je répondrai maladies
que oui, & cependant je ne me dédirai incurables.
point qu'il n'y ait une Médecine
universelle pour guérir toutes maladies;
d'autant que où ces maladies se trouvent
dans la Nature, la Nature y manque &
défaut entièrement; & où elle manque,
elle ne peut agir, c'est à son Créateur de
la remettre, & non à elle-même, car autrement
elle serait éternelle en tous sujets
où elle se trouve, si elle se pouvait
remettre en son entier d'elle-même, &
n'y aurait point de mort, ni défaillance
en la Nature dans les particuliers, ce qui
est toutefois manifeste tous les jours, &
l'expérience nous force à le confesser &
l'avouer: Or nous admettons toutes maladies
curables par notre Médecine générale
qui sont survenues en la Nature,
lorsqu'elle est en sa vigueur & force, &
non lorsqu'elle est en son déclin naturel,
& sur la fin de son mouvement, lequel recommencer
M iiij
@

184 Livre second
Le seul & remettre en son premier
Créateur être, appartient au seul Créateur de la
peut ré- Nature qui la peut aussi facilement rappeler
tablir la de son chaos & l'implanter derechef
Nature dans le sujet duquel elle s'était
distillante. retirée, comme la tirer du centre du
néant où elle était avant sa création:
Avoir ce pouvoir en la Nature c'est avoir
un pouvoir infini, & par-dessus la Nature;
& comme ce n'est point puissance en
Dieu de ne pouvoir faire ce qui n'est
possible; ainsi en la Nature ce n'est pas
puissance de guérir les maladies incurables,
car elle ne peut avoir ce pouvoir,
étant par-dessus sa puissance, & elle ne
peut ce qu'elle ne peut, & ce pouvoir
étant limité, il ne peut aller jusques dans
le pouvoir infini, qui est seulement réservé
à Dieu.
La pierre La Nature donc guérit toutes maladies
des philo- qu'elle peut guérir aux sujets où elle
sophes ne n'est point manquante, & défaillante,
guérit pas & notre Médecine qui est la Nature
toutes les même, n'a pas, ni ne peut avoir davantage
maladies. de pouvoir qu'elle, par son éminente
pureté & son feu fixe radicalement
implanté en son sel fixe, qui est la
perfection de toute Nature, lorsqu'elle
vient à entrer dans un sujet, attaqué des
@

des secrets Chimiques. 185
maladies où la Nature est encore forte
& est seulement opprimée & suffoquée
par les causes à elles contraires,
cette Médecine vient à se joindre à la
Nature opprimée par la force de ses ennemis;
& ainsi renforcée les attaque vivement
& les vainc & surmonte, ce
qu'elle n'eût su faire d'elle-même
étant si opprimée qu'elle était auparavant,
& eût entièrement succombé si
elle n'eût été secourue par cette divine
& très puissante Médecine: Et voilà en
quelle façon nous entendons que notre
Médecine universelle peut guérir toute
sorte de maladies, & non autrement.

@

186 Livre second
pict
D E S E L E M E N T S E T P R I N C I P E S D E S
SECRETS CHIMIQUES, Où la Nature des métaux & minéraux est découverte. ---------------------------------------- L I V R E T R O I S I E M E.
D E S M E T A U X E T
minéraux en général.
Chapitre Premier.
pict Près avoir découvert toute la Nature en général, décrit ses principes & ses éléments, & recherché en icelle la cause générale de l'être & conservation de toutes choses, il nous reste maintenant à démontrer l'être
@

des secrets Chimiques. 187
particulier des choses Naturelles, & rechercher
en elles si la Nature qui les conserve,
peut encore particulièrement conserver
l'homme; & puisqu'il est sorti de
la terre, nous commencerons par les métaux
& minéraux, comme fils aînés de
la terre, & verrons si en eux se peut trouver
quelque chose de plus conservatif,
que chez les animaux & végétaux, qui
puisse servir de Médecine particulière à
l'homme, afin que ceux qui ne peuvent
croire la générale de laquelle nous avons
parlé, puissent trouver quelque satisfaction
en cet oeuvre, & que ne voulant
boire dans la source, ils puissent boire
dans les ruisseaux & fontaines qui en
découlent.
Les métaux donc & minéraux, quels Les métaux$
qu'ils puissent être, sont engendrés & & minéraux
procréés de la Nature, de même étoffe de quoi
& matière que les animaux & végétaux; sont-ils
elle n'a rien plus en elle que l'esprit général fait.
du monde, les cieux & les éléments
de quoi elle compose toutes choses, elle
n'a point d'autres boutiques, ni d'autres
magasins, desquels elle puisse tirer une
matière particulière pour composer les
métaux & minéraux; elle a tout dans
cette grande boutique, où elle a sa forge
@

188 Livre troisième.
générale & ses outils & instruments; si
bien que là elle est contrainte de forger
tout d'une même matière, les moyens
en sont seulement différents, car elle ne
tient pas les mêmes voies à forger les
métaux, qu'à faire un homme, ou une
plante.
Pour faire donc les métaux, les voies
qu'elle observe & garde inviolables sont
celles-ci; chaque élément selon l'ordre
que le suprême dispensateur de toutes
choses a constitué en la Nature, jette son
pur comme son meilleur de l'un à l'autre,
le supérieur dans l'inférieur; car pour
produire les choses, les semences ne
montent point, mais elles descendent:
Les cieux les plus hauts & suprêmes jettent
leurs influences qui sont leurs semences,
dans les cieux inférieurs; & ainsi
par ordre descendent tous ou leurs vertus
& influences jusqu'au centre de la terre.
L'ordre De là, de toutes ces semences se forge &
que la Na- se compose une vapeur, laquelle revient
ture tient à en liqueur, qui monte & descend & se circule
faire les perpétuellement de la terre jusques
métaux au Ciel, & en se circulant & par cette
parfaits. continuelle & indéfinente* sublimation,
se convertit en terre; laquelle encore par
continuelle irroration de la même liqueur
@

des secrets Chimiques. 189
qu'elle a été composée, se purifie
& nettoie de toutes ses ordures, &
devient très blanche, pure & nette sans
aucune macule; laquelle terre ainsi dépurée
& lavée, par les continuelles irrorations
de son eau, venant à être enfermée
dans les lieux souterrains purs &
nets, vient par sa chaleur naturelle, & la
vigueur des Astres à se cuire & fixer en
métal & pur argent, si cette terre pure
& blanche que les Alchimistes appellent
soufre blanc, incombustible; lorsqu'elle
vient à cette perfection est purement
enfermée dans les concavités de
la terre, sans se contaminer ni polluer
par le mélange d'aucune impureté, &
est là fixée & cuite en pur argent.
Que si le même soufre, ou terre blanche, vient à recevoir un degré de
coction plus forte & plus relevée, de terre
blanche qu'elle est & soufre blanc,
elle devient terre rouge & soufre rouge,
lequel enfermé dans les concavités
de la terre, pure & nette de toute ordure,
vient pareillement comme la terre
blanche ci-dessus, à se cuire & fixer
en parfait & suprême métal qu'on appelle
or.
Mais si cette liqueur qui est la semence
@

190 Livre troisième.
L'ordre de toutes choses, pendant sa circulation
que la Na- & sublimation de la terre au ciel, &
ture tient du ciel en la terre, vient à se contaminer
à faire les & s'infecter par le mélange de quelque
métaux excrément élémentaire, cette liqueur se
imparfaits. fixe & se coagule en terre noire & infecte;
ainsi infectée & corrompue, enfermée
dans les concavités de la terre, elle
se cuit & se congèle selon les degrés de
son impureté en métal imparfait, & devient
plomb, fer, ou étain, comme nous
verrons plus particulièrement en leurs
Chapitres particuliers, de la génération
L'esprit gé- & production de chaque métal. Il suffira
néral du de noter que cette liqueur, semence de
monde est toutes choses, esprit général du monde,
fait de tou- étant fait de toutes les pièces de l'Univers
tes les piè- tant célestes qu'élémentaires, se sublimant
ces de l'U- perpétuellement & se cuisant toujours,
nivers. tant par son feu naturel, que par
la chaleur externe du monde, devient à
se faire terre, & que de cette terre avec la
même eau, par la même & semblable
coction en diverses matrices de la terre,
sont faits & composés toutes les espèces
métalliques & tout le reste des minéraux,
tant pierres précieuses qu'autres, de tous
lesquels en particulier vous en pourrez
lire son Chapitre, pour en savoir particulièrement
@

des secrets Chimiques. 191
les tenants & aboutissants
de leur production, pourquoi d'une
même chose la Nature ne produit pas
la même & pareille chose.
----------------------------------------
D E L A P R O D U C T I O N
& génération de l'or.
Chapitre II.
pict I la Nature n'eut produit
de l'or, les hommes n'eussent pas recherché dans les secrets & occultes puissances & vertus naturelles, le moyen de le multiplier & faire croître sur la terre,
ravis de sa beauté, & étonnés de sa bonté,
ils se sont efforcés de savoir la cause
pourquoi la Nature le produisait infertile
& stérile, sans semence multiplicative,
ne gardant pas le même ordre comme
aux autres mixtes de la Nature. Les
animaux & végétaux tous multiplient &
croissent en leur semence, les seuls métaux
& minéraux semblent maudits du
Créateur, qui semble leur avoir introduit
& défendu la multiplication & génération

@

192 Livre troisième.
de leur semblable en leur semence:
Cette curieuse recherche a donné
l'être à l'Alchimie, au moyen de laquelle
nous sommes descendus dans les
plus cachés antres de la terre, & là nous
Pourquoi avons recherché la cause pourquoi l'or
les métaux & les autres métaux ne multiplient point
ne multi- en leur semence; d'autant qu'on a vu
plient point. que cet esprit général du monde, semence
universelle de toutes choses, est tellement
épais, gros & terrestre que le feu
végétatif qui est enclos en lui n'a pas le
moyen de profuser* son germe, & tendre
à multiplication; mais demeurant enclos
enfermé dans sa terrestréité est construit
de faire persister & durer tant seulement
son individu: Que si l'on veut de la
multiplication ès métaux, il ne faut qu'atténuer
& subtiliser la matière de cette
semence métallique, afin que le feu
végétal qui est enclos là-dedans ne soit
pas empêché (par) l'épaisseur de sa matière,
à faire ses fonctions végétables.
Les ani- L'on voit que la semence des animaux
maux et vé- est un corps aérien & aqueux, & que le
gétaux pour- feu vital qui est enclos là-dedans a pouvoir
quoi multi- de le disposer çà & là, que la ténuité
plient-ils? & subtilité de la substance n'empêche
aucunement
@

des secrets Chimiques. 193
aucunement les fonctions & actions de
ce feu vital; mais lui donne toute sorte
de commodité de produire en elle-même
de semblables & infinis individus; de
même en est de la semence des végétaux,
laquelle n'étant pas si subtile & si
aérienne que celle des animaux, elle est
jetée en terre, afin que le corps où cette
semence est enfermée se dissolve & se délaie
dans l'humeur de la terre; de laquelle
cette même semence a été faite & formée,
& dissoute qu'elle est dans son propre
mercure, elle est par ce moyen faite
subtile & aérienne, & de corps qu'elle
est elle devient esprit, & en icelui seul se
multiplient & croissent les végétaux &
tout le reste de la Nature; sauf les métaux
& minéraux, lesquels après qu'ils
ont été faits & formés par leur mère
Nature, de la semence ordinaire de toutes
choses, ils n'ont pas moyen de donner
leur propre corps à dissoudre & délayer
dans la terre même où ils ont été
faits & formés; d'autant que là il ne se L'or pourquoi
trouva pas de mercure assez fort & pénétrant ne
pour dissoudre ce corps si ferme & multiplie
si compact, qu'ils ont fait & congelé, ou point.
plutôt fixé par la coction continuelle de
ses années; & par ainsi ce corps est contraint
N
@

194 Livre troisième.
de demeurer dans la terre, en l'état
que la Nature l'a fait, sans se pouvoir
multiplier à faute de mercure assez pénétrant
& puissant pour dissoudre les corps
qu'il a congelés & fixés en métaux
& minéraux, afin qu'en la dissolution de
son corps, l'esprit végétatif qui est enclos
& enfermé là-dedans puisse être mis en
acte de pouvoir végéter, ce qui se fait
seulement, lorsque cet esprit est délivré
de la prison de son corps terrestre & grossier:
Et c'est la raison pourquoi tous les
Philosophes Chimiques sont d'accord,
qu'en la composition de leur grande oeuvre,
la première opération qui se doive
faire en icelle, c'est la dissolution des
corps, afin que cet esprit végétal puisse
agir selon son but, & selon sa fin naturelle.

Si fixam soluas faciasq; volare solutum,
Et volucrem figas faciam te viuere tutum.

Pourquoi Ainsi cet esprit végétal étant délivré
la solution de son corps, & son corps étant atténué
est néces- & fait esprit avec son esprit; & derechef
saire aux cet esprit étant corporifié en corps beaucoup
métaux. plus subtil qu'il n'était auparavant,
il devient de mort qu'il était plein
@

des secrets Chimiques. 195
de vie & de végétation, & c'est à cause seulement
qu'il devient subtil & plus atténué
qu'il n'était auparavant, & qu'en
cette atténuation par la coction qu'il
faut que ce corps endure, pour derechef
se fixer en corps il acquiert encore nouveau
degré de feu végétal, au moyen duquel
il est beaucoup plus actif & puissant
qu'il n'était auparavant, & par ainsi capable
de végéter, & de se multiplier soi-
même.
Voilà pourquoi le Mercure métallique qui se trouve parmi les entrailles de
la terre, duquel les métaux se font &
s'engendrent, n'est pas capable de dissoudre
les métaux & les atténuer en leur
substance, & délivrer l'esprit végétatif
qui est là enclos, comme il le fait ès végétaux
qui jetés en terre sont dissous
& défaits par leur mercure, & par ce
moyen sont poussés à multiplication &
végétation. La raison pourquoi cela ne
se fait comme ès végétaux, c'est parce
que le mercure métallique est trop cru,
trop froid & trop humide; à raison desquelles
qualités il ne peut en aucune façon
pénétrer la dure & fixe substance
des métaux, & se mêler avec elle pour
l'atténuer & faire esprit de masse terrestre
N ij
@

196 Livre troisième.
& épaisse qu'elle est: Et c'est pourquoi il a besoin de l'artifice, qui par ses fourneaux & feux continuels cuit cette grande crudité & cette froideur, la changeant en chaleur éthérée & subtile, & ce à force de cuire; & par ainsi il est rendu apte à dissoudre & pénétrer la substance des métaux, qu'autrement il n'eut su jamais faire à cause de sa crudité qui emporte toujours avec elle une trop grande humidité qui amortit & éteint le feu naturel de ce mercure, au lieu de lui donner des forces pour agir à dissoudre les métaux qu'il rencontre dans les veines de la terre: Mais après que cette grande froideur & humidité qui étaient apparentes & manifestes sont cachées au centre, & rendues occultes, & que la chaleur & sécheresse qui étaient pour lors occultes au centre, sont faites manifestes & apparentes; pour lors notre mercure qui était froid & humide, devient chaud & sec, plein de feu & d'action propre à se multiplier & végéter à l'infini, où la Nature d'elle-même seule, sans aide de la main de quelque docte Artiste ne peut jamais parvenir; mais tant seulement à la seule première coagulation du mercure en terre, laquelle terre
@

des secrets Chimiques. 197
elle fixe toujours sans la dissoudre derechef
pour la purifier & sublimer, & en tirer
ce mercure chaud & sec plein d'action
& de feu, duquel nous venons de
parler: Elle parvient seulement à la coagulation
du mercure en terre, laquelle
elle coagule & fixe en métal, selon les
degrés qu'elle a pu observer en la dépuration
de ce mercure par sa continuelle
circulation & sublimation.
Comme quand elle tend & bute à L'ordre
produire de l'or: Après qu'elle a conduit que la Nature
son mercure cru, froid & humide, tient
par sa continuelle coction en terre blanche, à faire de
pure & nette de toute ordure; si elle l'or.
peut rencontrer un lieu assez chaud, elle
ne se contente pas de cette fixation, mais
elle la continue, & la presse plus fort
dans les degrés de chaleur, cuisant davantage
cette terre blanche, & la convertissant
en terre rouge, laquelle encore
davantage cuite à parfaite maturité, reçoit
le lustre & l'éclat de ce suprême métal,
qui contrefait & imite la beauté & la
lumière du Soleil céleste.
Or si cette terre rouge pouvait être Comment la
encore dissoute en mercure, & ce mercure Nature pourrait
encore cuit en terre rouge, cette terre faire la
rouge par les fréquentes & réitérées solutions pierre.
N iij
@

198 Livre troisième.
& coagulations deviendront or vif & végétatif, plein de teinture communicable aux autres métaux imparfaits, que la Nature a laissé tels, par faute de chaleur & d'industrie de séparer le pur de l'impur, & de cuire le pur tant seulement; mais ne pouvant faire ses solutions à faute de mercure propre à ce faire, parce que d'une fois qu'elle l'a coagulé en terre, elle ne le peut dissoudre derechef en mercure; mais toujours tâche à le coaguler, & non à dissoudre, ce que néanmoins il faudrait pour obtenir un mercure dissolutif pour parvenir au but où l'artifice le peut conduire; Et ainsi elle est contrainte de cuire cette terre à la perfection métallique, ordinaire & commune, & se contente de cet oeuvre tant seulement, & finit là sans passer plus outre, laissant aux doctes & industrieux le moyen de suivre ses voies & ses pistes; car en l'imitant & suivant pas à pas, ils peuvent sans faillir multiplier cette perfection que la Nature laisse aux métaux, à faute de ne les pouvoir dissoudre en leur propre mercure & les cuire encore deux ou trois fois, séparant toujours le pur de l'impur, & cuisant le pur jusqu'à ce qu'ils aient une vertu tingente, communicable
@

des secrets Chimiques. 199
& multiplicante, & qu'ils
obtiennent les degrés de perfection des
autres mixtes naturels, qui est de
croître & de multiplier chacun en son
espèce.
Ici les Médecins peuvent encore voir Pourquoi
pourquoi les métaux & principalement l'or ne peut
l'or, qui a tant de vertus, ne peut en communiquer communiquer
aucune; car s'il est privé de la ses vertus.
vertu multiplicative qui est la première
vertu naturelle, & celle que tous les genres
des mixtes ont reçue de leur Créateur
à l'instant de leur création, il doit bien
être aussi privé des autres vertus qui descendent
& dépendent de celle-ci: mais
quiconque le pourra convertir en mercure,
par un mercure; c'est-à-dire en liqueur
par une liqueur, de laquelle la
Nature l'a fait & composé, il y trouvera
de grandissimes vertus, & la cure parfaite
de toutes les maladies, qui font la nique
aux Médecins, autrement ce métal,
bien que très précieux en la Nature, est
inutile pour la santé des hommes, & ne
sert qu'au commerce & trafic humain: il est
vrai que calciné & ouvert par le moyen
du salpêtre, ou du mercure commun, il se
rend sudorifique & cardiaque, & est propre
pour les maladies malignes & pestilentes,
N iiij
@

200 Livre troisième.
Les vertus & pris en feuilles subtiles est propre à
de l'or. secourir ceux qui ont bu de l'argent vif
car il l'attire à soi, & empêche que la
chaleur naturelle ne le sublime pas en
l'habitude du corps, & dans les veines;
mais le retient avec lui dans la première
région du corps, d'où il peut être très
facilement rejeté par un médicament
purgatif; & ainsi l'or battu, empêche
l'action du venin du mercure: Pour
d'autres vertus, s'il n'est dissous en son
propre mercure, il n'en faut point espérer;
car elles sont nulles & vaines: mais aussitôt
qu'il est dissous, c'est un médicament
des plus forts, & des plus actifs &
L'or rendu puissants que la Nature puisse donner; &
vif & vé- encore sa vertu croît & multiplie s'il est
gétal, est cuit & fixé en terre rouge & permanente;
tout ce qui car ainsi préparé c'est la suprême médecine
est de rare & tout ce que la Nature peut
en la Na- faire de bon & de rare pour le service
ture. de l'homme.
@

des secrets Chimiques. 201 ----------------------------------------
D E L A P R O D U C T I O N
& génération de l'argent.
Chapitre III.
pict Ue les hommes sont ridicules,
& dignes de moquerie, L'or &
de faire tant d'état l'Agent
de l'or & de l'argent, & de sont à mépriser.
tous les autres métaux; la
Nature pour les composer
& les faire ne prend que de l'eau, car ce
n'est que de l'eau cuite & congelée en
métal; il se faut bien peiner & fatiguer
pour acquérir une chose, dont la matière
n'est que de l'eau qui est si abondante &
copieuse en tous lieux que personne n'en
fait cas, & personne n'en refuse d'en donner
en abondance: Mais venant à considérer
combien de peine, & combien de
temps la Nature consume à cuire cette
eau, & la congeler en métal; pour lors
je changerai de langage, & dirai que les
hommes ont beaucoup de raison de faire
cas & estime des métaux. Ce n'est pas la
matière qui doit être considérée, mais
c'est la peine & le travail qu'une si grande
ouvrière met & emploie à faire les
@

202 Livre troisième.
Combien métaux. Tous les animaux & tous les végétaux
de temps qu'on estime si beaux & si rares,
demeure la sont bientôt faits & composés, elle ne demeure
Nature à pas en la production des plus beaux
faire l'or & rares, que l'espace d'un an ou environ;
& l'argent. mais pour faire & composer les métaux elle
emploie les siècles entiers, & encore n'en
peut-elle venir à bout; tellement que le
plus souvent elle est contrainte de quitter
sa besogne & la laisser imparfaite
pour la longueur des siècles qui sont nécessaires
L'or & pour consumer la perfection de
l'argent cette oeuvre. Les hommes donc ont raison
combien d'en faire cas, puisque leur mère
rare. Nature prend tant de peine à les produire
& mettre en lumière; elle leur montre
bien aussi qu'elle les estime rares &
beaucoup plus que le reste de ses enfants,
car elle les cache & les enferme dans les
meilleurs & fermes coffres qu'elle puisse
avoir. Et au contraire du reste elle les
prostitue à la vue de tout le monde, &
les expose à qui en veut; ce qu'au contraire
de l'or & de l'argent, pour en avoir il faut
creuser ses entrailles, fouiller dans la
moelle de ses os pour en obtenir quelques
pièces, & ce encore avec une peine,
qui nous donne bien à connaître que la
Nature nous donne bien abondamment
@

des secrets Chimiques. 203
tout le reste, mais que pour l'or & l'argent
elle veut qu'on lui achète avec beaucoup
de peine, de travail & de sueur.
Ce n'est pas donc sans très pertinente L'Alchimiste
raison, que tous les anciens Philosophes pourquoi
& modernes ont voulu que l'Alchimiste doit-
soit un Hercule, un homme engendré il être un
des Dieux, infatigable à la peine & Hercule.
au travail: Car puisque la Nature emploie
les siècles entiers à faire de l'or &
de l'argent, & travaille nuit & jour, que
doit espérer l'Alchimiste qui prétend
parfaire & accomplir tout ce que la Nature
laisse d'imparfait dans le genre métallique,
& ce encore en peu de temps,
& convertir les siècles en heures & en
moments. Vous avez lu & avez pu
juger par la lecture que vous en avez fait
au livre second de la présente oeuvre, la
peine qu'un Alchimiste peut prendre à
cet effet; elle est grande à la vérité, mais
non pas égale à ceux qui travaillent aux
mines, & à fondre & à compiler les métaux
pour les séparer de leurs impures
cadmies; ni cette peine, bien qu'elle
soit grande ne nous doit nullement fâcher
ni détourner de cette recherche,
car le profit & l'utilité en vaut bien la
peine & le travail, sans précompter le contentement
@

204 Livre troisième.
de l'esprit de pouvoir savoir
& comprendre comme la Nature travaille
& besogne dans les entrailles de
la terre pour faire l'or & l'argent & tout
le reste des métaux & minéraux; Et c'est
ainsi que nous avons des yeux de Lynx,
nous pénétrons les rochers les plus durs
& les plus fermes, & entrons par ce
moyen dans les sacrées boutiques où les
métaux se forgent, & voyons que pour
toute matière la Nature ne prend que de
l'eau simple élémentaire, qui a avec elle
tous les autres quatre éléments en semence
& en pureté, & par-dessus encore
la vertu & quintessence céleste, qui est
l'influence de tous les Astres, où chacun
en particulier & tous les Cieux en général
ont jeté leur semence, pour faire cet
esprit général du monde, joint avec la
semence des éléments, que les Alchimistes
en la composition de leurs métaux
Qu'est-ce appellent mercure & soufre. L'humidité
que mer- qui est apparente & manifeste est
cure & dite mercure, & la sécheresse astrale &
soufre. ignée qui est occulte, est dite soufre,
& voilà comme une même substance
comprend deux choses qui ne sont qu'une
en la composition métallique, & encore
cachent-elles la troisième, de laquelle ils
@

des secrets Chimiques. 205
ne font aucune mention, qui est le sel qui Le sel rend
est dans le mercure du monde, qui corporifie toutes choses
& fait visibles & palpables les visibles.
substances réelles du monde, autrement
sans lui elles seraient toujours spirituelles,
& dans l'être imperceptible & invincible
des substances.
Cette eau donc appelée mercure, qui L'Argent
comprend en soi le mercure, le soufre comment
& le sel, est cuite & congelée dans les se fait-il?
concavités des rochers, dans des lieux
purs & nets de toute ordure bourbeuse
& limoneuse, en terre blanche, laquelle
petit à petit par continuelle coction
vient à se cuire davantage, & à recevoir
les dons & qualités du métal que
nous appelons argent, & les Alchimistes, L'argent
Lune; d'autant que la Lune pendant pourquoi
sa coction y domine particulièrement, appelé
& y laisse empreint & figuré le Lune?
caractère de ses vertus & propriétés;
outre que la principale matière de ce
métal est l'humidité radicale du mercure
qui le compose, laquelle humidité est
appelée Lune; d'autant que la Lune en
est sa propre mère, comme le Soleil est
le propre père de la chaleur naturelle,
qui gît dans le dit mercure.
Tellement qu'on voit que l'argent
@

206 Livre troisième.
L'argent n'est différent de l'or qu'en coction & digestion,
point diffé- & non en substance; car la même
rent de l'or. étoffe que la Nature prend pour faire
de l'or, elle prend la même pour faire
de l'argent, elle y observe seulement cette
différence, c'est qu'en l'or elle cuit &
digère davantage & plus long temps cette
matière jusqu'à ce qu'elle y ait introduit
par sa continuelle coction les qualités
& conditions de l'or, qui ne viennent
d'ailleurs que de la digestion plus
forte & plus longue qui en a été faite en
la substance de l'or, plus qu'en celle de
l'argent: Et si l'on ne tirait la mine de l'argent
si tôt qu'on fait, par succession de
temps elle deviendrait d'elle-même
mine d'or. Mais l'avarice nous emporte,
nous cueillons le fruit métallique avant
sa parfaite maturité, & l'envie des métaux
nous démange si fort, qu'elle nous
fait creuser la terre, & renverser ses plus
forts rochers, pour prendre avant le
temps ce que nous y trouvons, soit-il commencé
ou parachevé de cuire. Il est vrai
que les plus Sages & avisés en l'économie
métallique, peuvent sans difficulté
aucune, & sans presque peine & travail
quelconque, parachever ce que la Nature
a commencé, & tout ce qu'elle a
@

des secrets Chimiques. 207
laissé d'imparfait, en suivant toutefois
la Nature & observant les lois qu'elle Comment
observe en la coction & digestion métallique, l'homme peut
prenant la même matière qu'elle parachever ce
prend, la dépurant encore davantage, & que la Nature
la cuisant à un feu plus fort de beaucoup a commencé ès
que celui qui est dans les mines, mais métaux.
non pas toutefois si fort & violent qu'il
brûle & calcine notre mercure, mais
seulement qui le cuise, & qui le fixe en
terre blanche, de laquelle par le même
mercure qui lui a donné son être, vous
pouvez tirer des substances liquides des
miraculeuses vertus, une eau acide & ardente,
qui dissout parfaitement & selon
l'intention de Nature, les substances métalliques,
& en tire leur propre & naturel
soufre, qui est toute leur propre
vertu & leur naturelle force. Par le L'argent
moyen de cette eau acide & ardente bien préparé
vous dissolvez l'argent & le réduisez en guérit toutes
son soufre blanc, duquel il a été composé les maladies
dans les entrailles de la terre, qui du cerveau.
de miraculeuses vertus pour toutes les
maladies Céphaliques, la cure desquelles
nous fatigue si fort que nous n'en
pouvons venir à bout à faute de ce remède
seul, que la Nature nous envie, & n'a découvert
qu'à ses plus chers amis & serviteurs;
@

208 Livre troisième.
c'est le vrai argent potable duquel
ont fait mention tous les Philosophes
anciens, mais ils ne l'ont point enseigné
qu'à leur mode & façon: Avec ce remède
il ne nous faut nullement plaindre
contre la Nature de ce qu'elle nous fournit
des remèdes contre les Apoplexies, les
Manies, les Paralysies, les Epilepsies, &
contre la fièvre hectique; car elle fournit
& donne ce lait en abondance, pour réparer
entièrement l'humide radical perdu
par la chaleur contre-nature: Cet
humide radical de ce lait métallique en
répare tout autant que toutes les fièvres
en général & en particulier en peuvent
consumer & perdre.
L'eau qui Or de là l'argent n'a aucune vertu &
fait les propriété pour l'usage de la Médecine, &
métaux a ne faut point se peiner à le mener parmi
seule le nos médicaments; car il n'y sert de rien,
pouvoir de & ne communique aucune de ses vertus,
les dissou- à cause qu'elles sont enfermées & emprisonnées
dre comme dans la dureté de sa substance,
il faut. de laquelle il est impossible de les délivrer
sans cette eau qui seule a le pouvoir
d'attendrir & d'amollir cette dureté, &
en faire sortir les rares dons & vertus que
la Nature y a encloses & réservées pour
le service de ses chers serviteurs.
D E
@

des secrets Chimiques. 209 ----------------------------------------
D E L A P R O D U C T I O N
& génération du cuivre & de l'airain.
Chapitre IV.
pict Outes les fables de Fables de
l'Antiquité que les Poètes l'antiquité
ont excogitées sur la sur la naissance
naissance de Vénus, sont de
en quelque façon pour Vénus, que
exprimer & démontrer signifient-
la production & génération du cuivre; elles?
car ils nous ont laissé par écrit que de
l'écume de la mer, & du sang du Ciel
enfermé dans une coquille de perle, cette
Déesse fut engendrée; sous laquelle
fable ils nous cachent la vraie & naturelle
production du cuivre; car à la vérité il
est produit & engendré du mercure métallique,
impur & corrompu, qui est l'écume
de la mer, & du soufre impur &
aduste, qui est le sang du Ciel qui enfermés
dans les rochers (représentés par les
coquilles) sont cuits & congelés par la
naturelle coction en cuivre. Or l'on ne
peut rejeter cette interprétation, puisque
O
@

210 Livre troisième.
tous les Alchimistes, tant anciens
que modernes ont appelé le mercure du
monde, Mer, & à très juste raison, car
Pourquoi c'est celui seul qui est la vraie mer du
le mercure monde, de laquelle toutes choses prennent
des Sages leur vie & leur vigueur & leur arrosement:
est appelé C'est lui qui arrose & humecte
mer. toutes les choses qui ont être dans la Nature,
& leur fournit d'humidité convenable
pour leur entretien; tellement que
c'est la vraie mer du monde, de laquelle
toutes choses sont faites: Or que de son
écume qui est une chose impure, naisse
le cuivre qui est un métal impur & infect,
produit & engendré d'un mercure infect
& corrompu, représenté par l'écume,
il n'est hors de raison, ni même de
la vérité, & moins du sang du Ciel, car
par icelle les Poètes nous donnent à entendre
que le soufre rouge, aduste &
corrompu, duquel notre cuivre, avec un
semblable mercure, est produit & engendré,
est sous-entendu par le sang du Ciel,
qui joint & mené avec l'écume de la
mer donnent l'être à notre Déesse.
Ainsi sous les fables des Anciens sont
cachés ces merveilleux secrets Chimiques,
qui nous donnent tant de peine
pour les pouvoir comprendre, & dont
@

des secrets Chimiques. 211
leur rareté est si grande, que les plus doctes
n'y peuvent rien comprendre, & c'est
pourquoi ils les estiment ridicules & insanes
d'être recherchés; & cependant
tout ce qui est de beau dans la Nature &
de rare, & digne d'être recherché, est
seul dans ces secrets, car tout le reste est
un vrai fétu au respect de ceci. Parle &
écrive qui voudra le contraire, la Nature,
mes écrits & mes expériences leur
donneront un démenti très juste & sans
reproche: Mais quittons ces querelles & Les fables
venons à la production de notre cuivre; des anciens
quittons les fables qui ne sont que les sont symboles
symboles des réalités naturelles, & disons des réalités
que la Nature en la production du naturelles.
cuivre ne prend autre chose que le mercure
ordinaire qu'elle a de coutume de
prendre pour produire les métaux, qui Comment
est une eau pure, minérale, pleine de se fait le
tous les autres éléments & de la semence cuivre.
céleste; laquelle elle enferme dans les
concavités de la terre, & pendant qu'elle
fait cette clôture & fermeture de ce
mercure, elle n'a pas moyen de le purifier
à dernière perfection; mais l'enferme
impur & mélangé d'un soufre rouge,
aduste & brûlant, ou bien dans le lieu où
il enferme ce mercure; cette terre rouge
O ij
@

212 Livre troisième.
impure & aduste se trouve toute fixée
& congelée de la coction d'un précédent
mercure impur & corrompu; & ainsi le
mélangeant avec ladite terre qui est le
dit soufre, ils se mêlent ensemble comme
de pareille & semblable Nature, se
cuisent & se fixent en ce métal que nous
Pourquoi appelons cuivre, & les Alchimistes
le cuivre Vénus; d'autant qu'en sa production &
est appelé génération cet Astre influe plus particulièrement
Vénus. que tout autre, & lui
donne abondamment ces vertus & propriétés.
D'où les Médecins tirent de grandissimes
secrets pour la cure des maladies des
femmes, qui trouvent en ce seul métal
le soulagement de tous leurs maux. Il
s'en tire premièrement un sel, qui est le
Vertus & sel blanc & cristallin du vitriol de
propriétés Vénus, meilleur que tout autre pour
du cuivre. guérir avec assurance toutes les maladies
de la matrice, & principalement,
les suffocations. Ce même sel conjoint
avec autant de salpêtre cristallisé
& dépuré, est le pur soulagement des
ardeurs d'urine & des inflammations des
reins. L'esprit acide qui se tire à force
de feu par violente distillation de la cornue,
ou tel autre artifice Chimique, est
@

des secrets Chimiques. 213
très excellent pour les mêmes inflammations,
mélangé parmi l'eau commune:
il secourt avec merveille & étonnement
tous ceux qui ne peuvent retenir
leur semence, & qui sont travaillés de
gonorrhées perpétuelles, pris avec l'eau
de chêne, qui seule aussi a un grand effet
pour ce regard; d'autant que le chêne est Le chêne
cuivreux, & tient de la Nature du cuivre, tient de la
même de sa décoction s'en fait du vitriol Nature du
qui égale les vertus du vitriol minéral. cuivre.
Pour les ulcères il a aussi de grandes vertus,
mais quiconque saura dulcifier son
sel fixé avec son esprit acide, à force de
coction continuelle, aura & possédera le
secret assuré de guérir toute sorte d'ulcères,
même les cancers les plus désespérés.
Ainsi ce métal imparfait, à cause
de son imperfection qui l'empêche que
ses esprits métalliques ne sont pas entièrement
fixés à une infinité de vertus;
quiconque le pourra réduire en sa première
matière, & en séparer le soufre
aduste qu'il a avec soi, que la Nature n'a Moyen de
su séparer & cuire, & digérer sa substance conduire le
pure & nette de toute ordure & cuivre à sa
impureté, le conduira sans faillir aux perfection.
perfections solaires, & le rendra égal &
pareil au vrai & légitime soufre rouge
O iij
@

214 Livre troisième.
de Nature, qui possède en soi toutes les
vertus naturelles.
----------------------------------------
D E L A P R O D U C T I O N
& génération du fer.

Chapitre V.

Abus des pict L y a un grand nombre
Chimi- de Chimistes Sophistes,
ques sur le qui font grand cas
fer. du fer; à cause, disent-ils
qu'il a avec soi quantité
de soufre fixé, & qui
est rouge de la Nature de l'or; par le
moyen duquel ils prétendent avoir une
teinture fixe & permanente au feu, pour
donner teinture à la Lune, & la colorer
en vrai Soleil; mais pauvres abusés qu'ils
sont, s'ils avaient jamais fait résolution
de ce métal & avaient fait son anatomie,
ils auraient vu que ce soufre rouge qui
est dans le fer, duquel ils font tant de cas
pour la teinture de la Lune, ne vaut du
tout rien; parce qu'il est combustible &
corruptible au feu, & qu'il est impossible
de le pouvoir mêler avec la substance
de la Lune; d'autant qu'il est bien différent
@

des secrets Chimiques. 215
du soufre qu'il faut pour teindre
ladite Lune, & la fixer en vrai Soleil car
il est grossier & terrestre, tout infect &
corrompu du limon de la terre, privé de
son humide radical, & son compagnon
inséparable qui est le vrai mercure pur
& net des immondices élémentaires, qui
suit toujours son vrai soufre pur &
net, qui le fixe en pur métal par succession
de temps; ainsi ce soufre de fer, Le soufre
bien qu'il soit rouge & qu'il ait quelque du fer, ne
teinture métallique avec lui, ne peut vaut rien pour
être en aucune façon profitable aux teindre la
transmutations métalliques; d'autant Lune.
que cette teinture n'est nullement pure:
& à cause de son impureté ne se peut
mêler parmi les substances des métaux
qui doivent recevoir cette teinture, & qui
ne peuvent recevoir sinon ce qui est de
pur métallique & de la substance parfaite
& absolue, au moins pour le changer
& parfaire en métal parfait. Or ce soufre
étant imparfait ne peut être conjoint
avec les autres pour les parfaire,
qu'il ne soit plutôt lui-même purifié &
fait parfait avant qu'il puisse donner
aucune perfection. Or en le séparant du
fer par le moyen de la calcination & solution
ordinaire du vinaigre, ou autre
O iiij
@

216 Livre troisième.
telle chose semblable, l'on ne le peut
parfaire; mais au contraire le rendre
encore beaucoup plus imparfait & séparé
de la perfection métallique; parce
que le vinaigre y contribue quelque
chose du sien, qui n'a rien de métallique
en soi, & le feu ordinaire d'autre côté
le brûle davantage & le noircit; tellement
que cette préparation le rend encore
plus étrange à la substance métallique
qu'il n'était auparavant icelle, pendant
qu'il était en pur fer. Il ne faut
donc espérer rien de bon de cette préparation,
d'autant qu'elle ne tend pas à purifier
les parties qui la composent, ni priver
icelles de leurs soufres & mercures
infects & corrompus; mais au contraire
de les corrompre davantage: Mais qui
Moyen prétendra tirer quelque chose d'utile &
pour tirer profitable de ce métal, il faut qu'il sache
quelque plutôt la matière de laquelle la Nature
chose d'u- le compose dans sa forge Vulcanique,
tile du fer. & faut qu'il tienne pour tout assuré
que la Nature prend la même étoffe
pour faire de l'or & de l'argent, mais
il la laisse infecte & corrompue, & ne la
nettoie pas avec telle dextérité qu'en la
composition de l'or & de l'argent; car
lorsqu'elle est occupée à coaguler &
@

des secrets Chimiques. 217
fixer par la simple coction son mercure &
son soufre inséparable, elle n'en sépare Qu'est-ce
pas les impures cadmies qui se trouvent que le soufre
parmi la terre; mais elle y laisse un soufre rouge
rouge, puant & infect, qui est un impur du
excrément limoneux de tous les éléments, fer.
& une humidité grasse, infecte &
corrompue, qui est un excrément du
mercure; lesquels excréments mêlés &
unis parmi la vraie & essentielle substance
du fer, se congèlent & se fixent
parmi elle pendant sa coction; & par
ainsi constituent ce métal imparfait que
nous appelons fer, que tous les anciens
Chimistes nous assurent être composé
& produit par la Nature dans les viscères Le fer comment
de la terre, d'un mercure gros, terrestre est-il
& immonde, & d'un soufre aussi fait?
immonde, terrestre & puant, qui veut
dire la même chose & la même matière
que nous venons de décrire. Pendant Pourquoi
la coction & fixion de ces matières, l'Etoile le fer est appelé
& Planète de Mars influe & jette Mars.
ses vertus & propriétés sur ces matières,
& les marque de son sceau; & par son ardente
chaleur brûle & endurcit davantage
ce soufre impur & ce mercure, &
fait appeler en Chimie Mars, ce que
nous appelons fer; duquel si nous voulons
@

218 Livre troisième.
tirer quelque chose d'utile & profitable
il nous le faut résoudre en ses principes
par ses principes, & il les faut
purifier de la même façon qu'on a fait la
substance de la Médecine universelle, &
en séparer les mêmes soufres combustibles
& puants, & en tirer un sang rouge
Vraie & & très éclatant, qui servira pour extraire
profitable & tirer un sel rouge qui est caché
teinture dans l'intérieur de ce métal, qui vous
du fer. peut à la vérité servir, fixe qu'il soit, &
cuit en perfection pour teindre la Lune
en vrai Soleil: Les expériences de Lulle
sur ce sujet en sont de vrais témoins, à
quoi ajoutant le pur soufre de l'or,
vous parachevez un médicament parfait
& entier pour guérir tous les flux de ventre,
Cure du flux hépatique quel qu'il soit, & toutes
flux hépa- les consomptions de l'humide radical,
tique. avec toute sorte d'ulcères & de
plaies, & de perdition de substance. Or
de cette préparation n'espérez rien de
rare & de merveilleux de ce belliqueux
guerrier, que le simple usage de
sa pure substance pour l'économie du
monde; sauf à faire quelque vitriol, duquel
par simple distillation vous tirerez
quelques esprits acides, qui peuvent servir
à mêmes usages que ceux du vitriol
@

des secrets Chimiques. 219
ordinaire, & sa terre styptique & astringente
à guérir le flux de ventre & malins
ulcères; mais tout cela est de peu
de vertu, eu égard aux autres, qui sont la
force des forces & témoignent bien qu'elles
sortent de ce belliqueux Mars, à qui Les fables
toute l'antiquité a donné tant de force & de Mars
de faits héroïques, qu'il s'en est déifié, & sont secrets
colloqué dans les Cieux, & nous en a naturels.
laissé ici une perpétuelle mémoire, pour
donner occasion aux plus sages & prudents
de rechercher parmi ces fabuleuses
Ephémérides, la réalité & vérité des
effets naturels.
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D E L A G E N E R A T I O N
& production de l'étain.

Chapitre VI.

pict 'Etain que les Philosophes Pourquoi
Chimiques appellent l'étain est
Jupiter, à cause appelé Jupiter?
que cette Planète influe
& darde toutes ses vertus
& propriétés avec plus
de puissance que les autres, en la production
& génération de ce métal, lorsque
@

220 Livre troisième.
la Nature dans les veines de la terre, cuit
& digère son mercure & son soufre,
qui étant infects & pollus* d'une graisse
digestion
& coction, est le mélange parfait &
union du dit soufre & mercure; tellement
que le mercure demeure beaucoup
plus cru que son soufre; aussi
ne sont-ils pas bien & dûment anatisés* il
y a plus de l'un que de l'autre, le mercure
Impureté est plus abondant que son soufre; tous
de l'étain. deux sont blancs, crus & indigestes, &
encore un peu infects & pollus de corruption
élémentaire, qui provient d'une
terre limoneuse, grasse & visqueuse,
qui se trouve parmi cette composition,
aucune fois dans les parties essentielles &
intégrantes, & aucune fois lesdites parties
reçoivent cette imperfection &
corruption, des lieux & concavités où ce
mercure & ce soufre sont enfermés &
enclos, pour être cuits & digérés en ce
métal; car au commencement de la production
des métaux, lorsque la Nature
commence à cuire cette matière, avant
que les degrés particuliers de corruption
infectent la semence métallique,
& que les Planètes particulières y
aient jeté leurs vertus & propriétés qui
@

des secrets Chimiques. 221
sont les causes plus puissantes de leur différence
& de leur distinction: Cette semence
métallique est indifférente à quel
métal que ce soit, mais dès lors que cette
corruption y est introduite & ses qualités
astrales, pour lors ils reçoivent toute
leur particulière différence, & leur distinction
qui ne se peut ôter & corriger
qu'en ôtant cette corruption & toutes
les qualités astrales qui les individuent
& particularisent ainsi, ce qui est d'une Comment
grande spéculation. Et pour y pouvoir les métaux
parvenir il faut de nécessité avoir cette imparfaits
semence métallique avant que la Nature peuvent être
l'ait individuée & particulièrement en purifiés de
aucune espèce métallique; laquelle il leur imperfe-
faut parfaitement dépurer & séquestrer ction.
de tous soufres impurs, & mercures
froids & crus, & avec cette divine substance
ainsi exactement préparée vous
dissolvez & réduisez vos métaux imparfaits
quels qu'ils soient, en leur première
matière & semence; & les ayant réduits
en cette semence & première matière, il
est facile après icelle purifier & séquestrer
de ses immondices & corruptions;
étant émondés & dépurés, il est facile
de les cuire par simple coction en soufre
parfait & fixe, qui joint à la perfection
@

222 Livre troisième.
& fixion du soufre solaire, croît
& multiplie sa perfection, & a des vertus
infinies & incroyables, tant pour les maladies
humaines, que pour les maladies
métalliques; ainsi il est possible de transmuer
Comment & changer les métaux les uns avec
les métaux les autres, & les délivrer de leurs maladies:
se chan- Ce qu'Aristote a su comprendre,
gent les uns lorsqu'il crie aux Alchimistes: Sciant
aux autres. Alchymistae metalla transmutari non posse nisi
reducantur in materiam primam: Or vous
voyez comme cette réduction est facile
& possible, par le moyen des principes &
semences métalliques, qui dépurés &
séquestrés de leurs crues substances &
froides humidités sont conduites par le
moyen de notre coction en une moyenne
substance éthérée pleine d'esprits
subtils & pénétrants, actifs & puissants
pour pénétrer, & dissoudre la substance
dure des métaux, & les réduire en semblable
substance, de laquelle au commencement
de leur coction la Nature les
a faits & composés.
Comment Ainsi notre étain, duquel nous parlons
l'étain est ici particulièrement, étant fait &
rendu par- composé de pareille substance humide
fait. éthérée, pleine de feux, d'une terre subtile,
blanche, incorporée & mélangée ensemble
@

des secrets Chimiques. 223
peut être, par la même substance,
réduite en sa semence, laquelle peut
être purifiée de toutes ses impuretés &
soufres puants & infects qui amoindrissent
grandement ses vertus & ses
propriétés, & qui d'un Jupin foudroyant
en font une masse terrestre sans vigueur
& sans force: mais après qu'il est dépouillé
de ses vieux haillons, l'on lui
rend sa puissance & son foudre en ses
mains pour se faire reconnaître Dieu du
Ciel & de la terre; toutes les puissances
élémentaires le reconnaissant pour père
souverain d'une infinité de secrets naturels,
qui ne peuvent paraître & être
mis en lumière sans lui, qui seul les
étale pour le soulagement du genre
humain, comme la dissolution de la pierre
dans les reins & dans la vessie, la cure
parfaite de toute sorte de colique, de suffocation
de matrice, la cure absolue de
tous ulcères, même du cancer, & ulcères La cure
malins & dépacents*, voire même parfaite de
la cure parfaite de la fièvre hectique; la fièvre
d'autant que son humide radical est fort hectique.
homogène & semblable au nôtre, & le
remet fort facilement en sa force & vigueur,
le prive de tous soufres & sels
âcres, piquants & mordicants, âcres &
@

224 Livre troisième.
caustiques, qui gâtent, consument &
perdent l'humidité radicale de notre
vie: mais sans cette préparation susdite
il ne faut nullement attendre ses divines
vertus & propriétés miraculeuses; partant
que les Médecins se peinent s'ils
veulent à rechercher dans la Nature cette
préparation, car ils la trouveront s'ils
sont diligents en cette recherche, & ses
cruelles maladies, ils ne se moqueront
pas après de leurs recettes & régimes, ils
auront à contenter & soulager les maladies;
mais s'ils croient qu'on leur baille
tout mâché & tout prêt ils se trompent;
Les secrets ces grands secrets ne se trouvent qu'à force
chimiques de travail & d'étude, & nous font
s'achètent bien voir qu'il est très vrai, & très certain
à force de ce qu'ont dit les Anciens: Dij mortalibus,
travail & labore omnia vendunt, secreta haec
de peine. possuere dij labore paranda.

D E
@

des secrets Chimiques. 225 ----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production du plomb.
Chapitre VII.
pict E plomb que les Philosophes Pourquoi
Chimiques nomment le plomb est
en leur langage appelé Saturne.
Saturne, à cause que cette
Planète Saturnine influe
particulièrement sur
la semence du plomb, & lui imprime
toutes ses vertus & propriétés; tellement
que le plomb est le vrai Saturne de la
terre, il est froid & sec, de terrestre substance,
mélancolique en tempérament,
& toutes ses vertus sont humides & froides,
sèches & terrestres, crues & nullement
cuites; mais indigestes, pleines de
superfluités humides & aqueuses, lesquelles
il est impossible de corriger sans
préalable coction de cette substance qui
en son intérieur se trouve crue & indigeste,
& de séparation des substances
aqueuses, froides & humides qui sont
super-abondantes en icelui, sans la séparation
desquelles la bonne & due
P
@

226 Livre troisième.
substance qui se trouve en lui ne pourrait
jamais venir à coction parfaite, d'autant
que ses humidités superflues empêchent
la coction & fixation de ladite substance;
tellement que jointe avec elles
elle est toujours pendant ce temps empêchée
de parvenir à sa dernière fin, qui
est la parfaite fixation de sa substance
mercuriale en vrai or. D'où plusieurs
des Philosophes Chimiques nous assurent
que le plomb n'est qu'un or ladre,
infect & corrompu, à cause que son mercure
& son soufre qui sont tous deux
unis ensemble dans une humeur visqueuse
& gluante, n'ont jamais pu dès
le commencement de leur production
être parfaitement dépurés de leurs soufres
& mercures immondes, qui sont
des aquosités crues & froides, & exhalaisons
puantes, qui infectent cette liqueur,
première semence métallique, fille
du Ciel & des éléments; & par ainsi
n'ayant pu être émondée, avant qu'elle
Comment se soit enfermée dans sa matrice &
se fait le dans son vaisseau circulatoire, qui est la
plomb. concavité de quelque rocher bien fermé,
où la chaleur naturelle du monde
cuit & fixe cette liqueur par sa perpétuelle
chaleur, qui sublime & circule perpétuellement
@

des secrets Chimiques. 227
cette liqueur jusqu'à ce
qu'elle la convertisse en terre grasse &
visqueuse, & de là en terre sèche & aride,
plombine, pesante, qui a les qualités
& conditions de la mine de plomb; d'où Pourquoi
par le moyen du feu à force de fusion l'on dans la mine
tire quantité de plomb, & quelque peu de plomb se
d'argent fin: car la Nature en circulant trouve de
& sublimant la matière du plomb se lave l'argent.
& se purifie, & se séquestre de ses impuretés.
D'où vient que parmi ces soufres
& mercures impurs se trouve quelque
peu de mercure & de soufre blanc
& pur, qui a les qualités & conditions
de l'argent, & par les coupelles & examens
qui se font par le feu, dans les fontes
des mines, se sépare du plomb, & reluit
& brille, comme l'on dit, dans les
fontes, comme étoiles sur les cendres
& coupelles en signe de sa perfection.
Ici les bons ménagers, en fait des mines,
quand ils trouvent que leur mine de
plomb se trouve mélangée avec de l'argent,
la doivent bien fermer, & étouper
tous les conduits, afin que l'air n'y entre,
& que les esprits métalliques ne sortent;
car par ce moyen leur mine de plomb se
changera, & deviendra mine d'argent
par succession de temps, environ cent ou
P ij
@

228 Livre troisième.
tant d'années; il est vrai que cette ménagerie
ne sera que pour leurs Neveux &
descendants, mais il faut faire quelque
chose pour ceux qui viennent après nous
comme nous voyons que nos pères &
prédécesseurs ont fait & travaillé pour
nous, & pris beaucoup de peine; d'où la
seule utilité & profit en revient à nous
seuls & à nos pères la gloire & l'honneur:
Comment Ceux qui ne voudront point être si charitables
de la mine envers leurs descendants, prendront
de plomb l'on de leur mine ce que la Nature leur
peut tirer aura préparé; & si par art ils veulent secourir
quantité la Nature en ce qu'elle n'a pu séparer
d'argent. les immondices du plomb, & convertir
le tout & le digérer en parfait argent,
ils la pourront secourir & aider
par l'artifice ordinaire ci-devant déclaré
aux autres Chapitres; car d'en traduire
un autre pour faire la même chose, il n'y
en a point, c'est le seul moyen que la
Nature veut qu'on la secoure pour corriger
ses défauts & manquements. Par ce
seul moyen vous réduirez le plomb en ses
principes, en son mercure & en son soufre,
desquels la Nature l'a composé;
l'ayant ainsi réduit par simple distillation
vous dépurerez son mercure & avec icelui
purifié, vous tirerez de sa terre son
@

des secrets Chimiques. 229
soufre très pur & très blanc; lequel
ainsi dépuré, conjoint avec son mercure
qu'il a retiré de sa terre bourbeuse, limoneuse
& infecte, vous le cuirez & fixerez
à feu lent & continuel en soufre
parfait, blanc ou rouge selon la continuation
du feu que vous y ferez, qui aura les
vertus & dons merveilleux du soufre
intérieur du plomb, qui est le vrai soufre
de l'or, pour guérir une infinité de
maladies incurables à l'usage ordinaire
des médicaments communs.
Hors de cette préparation vous ne Vertus du
pouviez espérer du plomb aucune rare plomb.
& insigne vertu & propriété, que quelques
onguents rafraîchissants & de siccatifs
pour la brûlure, dont la description
en a été faite dans ma Pharmacie &
Chirurgie; & quelque peu de sel doux
qu'on en sait extraire par le moyen du
vinaigre, qui est très excellent pour les
inflammations des reins & de la vessie,
& aux gonorrhées violentes; mais ce
n'est rien au respect de celles que la préparation
sus-écrite donne, qui a en perfection
toutes ses vertus & infinité d'autres
beaucoup plus grandes.
P iij
@

230 Livre troisième. ---------------------------------------- D E L A G E N E R A T I O N
& production du mercure, autrement argent-vif.
Chapitre VIII.

L'equivo- pict 'Equivoque qui est entre
que du le mercure vulgaire & commun,
mercure & celui qui compose
commun, les métaux, a fait errer grand
avec celui nombre d'ignorants en l'Alchimie, prenants
des Sages l'un pour l'autre, & donnant l'origine
est cause de & source des métaux à celui-ci qui
beaucoup est un métal lui-même, & qui est autant
de mal. corrompu en son origine que peut être
le plomb. Cette erreur a beaucoup coûté
& de perte de temps & de perte d'argent
à tous ceux qui ont eu cette opinion: Au
commencement de mon étude Chimique
ce fut celle qui préoccupa mon esprit,
& me fit travailler un long temps
pour tirer de son ventre ce vinaigre Physique
que j'ai trouvé depuis dans un sujet
bien plus commun & ordinaire, &
plus abondant & copieux que n'est ce
mercure ici; de ce travail n'en sortit
que quelques petits secrets très bons
@

des secrets Chimiques. 231
pour la Médecine, qui ont donné l'être Secrets du
à mon Hercule Chimique. Si les Maîtres mercure commun
de cet art viennent à le lire, ils trouveront ont donné
bien par sa lecture mes erreurs & l'être à
mes dévoiements; mais ils m'ont été l'Hercule
utiles pour connaître la Nature des métaux, chimique.
& comme elle se change & altère
par le moyen du feu, tant actuel que potentiel,
qui se trouve dans les substances
minérales, infixes & volatiles. Il ne faut
penser toutefois que par ce moyen j'aie
appris de quelle matière est le soufre
& le mercure, qui compose & produit
dans les veines de la terre l'argent-vif; Dans les
car il est impossible de trouver dans la métaux l'on
substance de l'argent-vif rien de semblable ne voit point
& d'homogène à sa semence. Comme leur semence.
dans les parties d'un animal, ou d'une
plante, vous ne trouvez point aucune
substance qui soit semblable à leur semence;
ainsi est des métaux, lorsqu'ils
sont faits & composés, & que le feu
actuel les a tirés de leur matrice, il est
impossible de trouver plus ni dans les
substances, ni dans leurs pores aucune
substance qui s'approche de leur semence,
car leur semence se change & s'individue
& se spécifie en substance métallique;
tellement qu'elle n'a plus de forme
P iiij
@

232 Livre troisième.
de semence métallique, ni ressemblance
aucune avec icelle; mais est entièrement
métal, ou terre métallique & minérale,
de laquelle à force de feu le métal
Pour ap- est parfait & absolu. Quiconque vent apprendre
prendre de- à connaître la semence métallique,
quoi est il ne faut qu'il regarde dans les
faite la se- métaux ni minéraux, car il ne la trouvera
mence mé- pas là que spécifiée & individué ;mais
tallique il faut qu'il regarde & considère dans le
que faut-il grand monde qu'est-ce que la Nature
considérer. peut prendre pour composer & faire les
métaux: Elle en premier lieu ne prend
pas un métal ni un minéral quel qu'il soit
ni un végétal, ni un animal quel qu'il
puisse être; que peut-elle prendre donc,
puisqu'en toute la Nature il ne se trouve
par-dessus ces trois genres, minéral, végétal
& animal, que les éléments; il faut
donc qu'elle prenne les éléments, mais
ils sont trop simples, ils ne peuvent dans
leur simplicité composer & produire
quelque chose: Il faut donc que la Nature
compose les éléments, & que des
quatre qu'ils sont elle en tire quelque
chose qui ait la vertu de tous quatre, &
que si le Ciel doit contribuer quelque
chose du sien, (car en vain aurait-il été
fait s'il ne contribuait du sien à la génération
@

des secrets Chimiques. 233
& production des mixtes naturels) Semence
il faut donc aussi que le Ciel se mêle de toutes
avec les éléments, & que tous ensemble
composent & fassent une chose qui doive
être la semence de toutes choses; les esprits
seulement qui s'introduisent dans
cette seule & unique chose, qui sont
spécifiés de l'un des trois genres, savoir
les animaux, les végétaux, ou
minéraux, peuvent seuls mettre la
différence, & individuer cette semence
générale que les éléments des Cieux
font pour la matière universelle de la
production de toutes choses.
La Nature donc prend cette matière
ainsi préparée, & venant à tomber dans
les matrices qui sont infinies dans la Nature:
car autant de lieux, autant de
matrices; là dans ces matrices & ces lieux
se trouvent des esprits de l'un de quelque
genre, qui vient à prendre cette semence
qui n'est point encore spécifiée par
aucun des trois genres, mais est indifférente
à tous trois; venant donc à être occupée
par des esprits minéraux & métalliques,
elle commence à prendre les
qualités & conditions métalliques, & là
continue de travailler, & cuire cette semence
imprégnée & remplie des esprits
@

234 Livre troisième.
métalliques, & la conduit par sa coction
à la perfection de l'un de quelques métaux
selon la pureté qu'elle peut obtenir
par sa réitérée sublimation de sa semence,
& selon même la pureté de la matrice
dans laquelle elle a enfermé cette
L'argent semence métallique; Et quand elle
vif com- vient à enfermer & clore cette semence
mun com- pleine & grosse d'esprits métalliques,
ment est-il en laquelle l'humidité pure, qui est la
produit. partie mercurielle, vient à être anatisée
& faite égale avec la partie du soufre
qui est la partie sèche & chaude, tous
deux en quelque façon assez purs & nets
des ordures élémentaires, pour lors cette
humidité & cette sécheresse terrestre
viennent à se lier en telle façon qu'elles
ne prédominent point l'une sur l'autre;
mais se tempèrent également l'une avec
l'autre & constituent par ce moyen une
espèce de métal qui semble toujours
fondu, qui court & coule, & qui ne
mouille point; d'autant que son soufre
qui est la partie sèche & chaude de sa
semence, lie en telle façon son mercure
& son humidité qui ne lui permet pas
d'adhérer aux corps qu'elle touche; & par
ainsi cette humidité ne mouille point,
mais court & coule sur la superficie de la
@

des secrets Chimiques. 235
terre sans mouiller: Ainsi se fait & compose
dans les veines de la terre l'argent
vif, commun & vulgaire, qu'une infinité Le mercure
d'ignorants ont cru être le fondement commun
& le commencement, & principe des n'est principe
métaux; assurant que la Nature commence des
la coagulation des métaux par métaux.
celle-ci, ce qui est entièrement faux &
bien loin de la vérité. La Nature quand
elle a commencé à cuire quelque semence,
elle la conduit toujours d'imparfaite
qu'elle est en quelque perfection, & ne
tend jamais à détérioration de sa semence,
sans y cesser son mouvement & en
commencer un autre: Que si du mercure
commun & vulgaire elle venait à faire
du plomb ou du fer, ou quelque autre
métal imparfait, elle viendrait à détériorer
sa semence, qui serait assez pure &
nette en son commencement, & puis par
sa coction elle deviendrait impure, qui
est contre son ordre ordinaire qu'elle observe
avec toute rigueur; car tous les Pourquoi
bons Philosophes Chimiques, tant modernes la Nature
qu'anciens, nous ont laissé par ne commence
écrit que l'argent vif commun est beaucoup point les métaux
plus pur que le plomb, & que tous par l'argent
les autres métaux imparfaits: Tellement vif.
qu'on voit clairement que si la Nature
@

236 Livre troisième.
commençait les métaux par l'argent vif
elle détériorerait sa semence par sa coction
au lieu de l'améliorer, ce qu'elle n'a pas
L'argent accoutumé de faire. Que personne n'estime
vif a la donc l'argent vif être la semence
même se- des métaux; mais lui-même être métal
mence que & avoir dans son ventre la même & pareille
les autres semence que les autres métaux spécifiés
métaux. & individués en lui selon la coction
& sublimation que la Nature y a
faite particulière dans sa propre matrice.
Moyen Qui voudra donc retirer du mercure
d'extraire commun & vulgaire, les vertus & propriétés
les vertus rares que la Nature y a mis, il
du mercure faut qu'il pense de le dissoudre en ses
commun. principes, & d'en séparer toutes ses crudités
froides & trop aqueuses, & quelque
peu de soufre infect & puant, qui
est mêlé parmi son soufre blanc, cuire
après le tout par feu continuel jusqu'au
sang de notre Lion, qui est la vraie teinture
rouge de notre soufre rouge; par
ce seul moyen il obtiendra une thériaque
absolue & parfaite contre toute sorte de
venins, & un baume parfait pour guérir
toute sorte de plaies & ulcères telles qu'elles
puissent être; même les cancers les
plus malins & caustiques; car le sel doux
@

des secrets Chimiques. 237
qui réside dans ce baume, dulcifie dans
un instant tous les sels contre-nature qui
peuvent être dans notre corps, si âcres
& mordicants qu'ils puissent être: Et Cure de la
par ce moyen il guérira aussi parfaitement goutte.
la goutte & toutes ces espèces; autrement
il ne possédera du mercure que
des remèdes de bas aloi, qui ne valent pas
la peine qu'on prend à le préparer, il en
a de soi-même sans autre préparation
tout autant que les communes préparations
lui en peuvent donner. Il purge Vertus du
fort doucement, pris en petite quantité mercure
mélangé parmi le sucre, sans torsion cru.
ni incommodité quelconque: Tue les
vers des petits enfants parfaitement bien,
& guérit les fièvres intermittentes, &
guérit les ulcères malins, véroliques
& autres, mais il n'en faut pas user fréquemment
à un même malade.
@

238 Livre troisième. ---------------------------------------- D E L A G E N E R A T I O N
& production de l'antimoine.
Chapitre IX.

Qu'est-ce pict 'Antimoine est un plomb
qu'anti- infect & corrompu, abondant
moine. en sel & en soufre, & diminuant
en mercure, d'où il est
friable sous le marteau, à cause qu'il a
fort peu de mercure qui soit parfait, uni
& mêlé parmi son soufre & parmi
son sel: le sel & le soufre prédominent
en cette composition, & lui ôtent la
mal-habilité; l'ôtant de l'espèce du
plomb, & en font un plomb particulier
beaucoup plus infect & corrompu que le
plomb commun, & pour distinction on
Le soufre l'appelle Antimoine, ou Stibium. Plusieurs
& mercure ont cru, mais follement, que son
de l'Anti- mercure & son soufre étaient le soufre
moine ne & le mercure qu'il fallait prendre
sont point pour faire la pierre Philosophale; mais
le vrai sou- ils sont bien loin de la vérité, car ce soufre
fre pour & ce mercure sont si corrompus &
changer les infects en cette composition, qu'ils ne
métaux. se peuvent dépêtrer de cette infection
@

des secrets Chimiques. 239
sans préalable dissolution dans le vrai
mercure des Philosophes, dans lequel
seul il se peut dépouiller de ses ordures
comme tous les autres métaux
font; que si de lui-même il ne se peut
dépêtrer de ses corruptions, comment
pourra-t-il en dépêtrer les autres qui en
ont besoin; ce qui est toutefois nécessaire
pour obtenir les qualités & conditions
du mercure & du soufre des Philosophes,
qui font la composition de la pierre
philosophale: C'est une erreur très grande
que de croire que l'Antimoine est le
soufre des Philosophes, & que d'icelui
on l'en puisse tirer & extraire: Toutefois
cette erreur est sortie des paroles
crues & nues des anciens Philosophes,
qui ont laissé par écrit que l'Antimoine
est le commencement de leur oeuvre:
mais par cet Antimoine ils n'entendent
pas cet Antimoine duquel nous parlons,
mais leur mercure congelé & coagulé en
terre noire comme poix qui est la première
coagulation de leur mercure; lorsqu'à
force de cuire il s'épaissit & congèle
en terre noire, gluante & tenant comme
poix, laquelle terre est appelée Antimoine
à cause de sa noirceur & couleur;
& à la vérité cet Antimoine est le

@

240 Livre troisième.
L'Anti- principe & le commencement plus proche
moine des de la pierre, & bienheureux sont
Sages d'où ceux qui le peuvent obtenir de notre
se tire-t-il? eau, fille du Ciel & des éléments: Car à
la vérité de cet Antimoine ils tireront
une liqueur aigre & ardente, par le
moyen de laquelle ils déferont & décomposeront
cet Antimoine ici, & verront
dans ses viscères de quoi la Nature l'a
composé: L'on y verra une eau semblable
à celle qui l'a défait & décomposé, &
un soufre corrompu, infect, puant
& rouge, qui était uni inséparablement
L'Anti- avec son mercure, pareillement
moine de- infect & corrompu, que la Nature avait
quoi est-il unis ensemble au commencement de sa
fait? composition, & enfermé ainsi dans
quelque roche, & là cuits & congelés par
sa chaleur continuelle en vrai & légitime
Antimoine, où elle avait assemblé &
uni quantité de sel & de soufre par-
dessus la quantité du mercure, qui est la
Pourquoi cause pourquoi l'Antimoine est friable,
l'Antimoi- & n'est point extensible sous le marteau
me n'est ex- comme le plomb; Il a toutefois quasi le
tensible même tempérament que le plomb, &
sous le les mêmes vertus; sauf que le mercure
marteau. qui est beaucoup plus abondant au
plomb qu'à l'Antimoine, rend plus doux
le
@

des secrets Chimiques. 241
le plomb que l'Antimoine qui est aigre
& acide; & partant il est beaucoup plus
froid & astringent que le plomb.
Plusieurs des Médecins Galénistes,
estiment que l'Antimoine est un pur
venin; & partant ils le chassent de leurs
antidotaires, & ne veulent en aucune
façon qu'on en tire aucun remède
pour la cure des maladies; c'est un Lion
disent-ils, domestique, qui enfin tue &
dévore son propre Maître. Si ceux-ci
avaient travaillé & sué à la recherche des
vertus & propriétés de l'Antimoine, ils
chanteraient la Palinodie, & diraient
mille louanges & mille hymnes de gloire
au Créateur qui l'a fait: Ils verront que Pourquoi
la cure de toutes les maladies consiste en est-il nécessaire
l'Antimoine: Que s'il est fort & robuste que la vertu purgative
en ses purgations, il faut nécessairement de l'Antimoine
qu'il le soit puisqu'il y a des matières soit forte
morbifiques qui sont dans l'habitude du & puissante.
corps, d'où il est quasi impossible de les
tirer de là, sans une puissance bien grande,
& telle que la chaleur de l'estomac
ne puisse pas dompter & vaincre. La Vertu rares
goutte ne se peut guérir que par l'usage de l'Antimoine.
de l'antimoine, ni la disposition du calcul
se changer sans le même usage:
Outre que si nous venons à purifier ce
Q
@

242 Livre troisième.
mercure & ce soufre que la Nature a mis en sa composition; & purifiés qu'ils soient, si nous les venons à cuire & fixer parfaitement, nous obtiendrons un soufre parfait, qui aura tout autant de vertus & de propriétés que celui-là de l'or, qui aura le pouvoir de purifier entièrement le corps humain de toute sorte d'ordure, jusques à parvenir à la cure parfaite de la ladrerie parfaite & confirmée. Les préparations vulgaires & communes que l'on fait de l'antimoine sont très bonnes & très excellentes, l'on en fait une poudre hermétique qui purge parfaitement bien, & guérit toutes sortes de fièvres intermittentes, & les continues, & est un Catholicon* général, très excellent, & qui ne m'a jamais manqué, ni fait aucun affront; il est à la vérité violent, à cause des vomissements qu'il procure, mais aussi en échange il purge parfaitement toutes sortes d'humeurs peccantes, & ne laisse point de reliquat pour donner place aux rechutes. L'on en prépare aussi un bézoard minéral qui est sudorifique, & résiste puissamment aux malignités des humeurs qui égalent les vertus des venins. Il s'en prépare une fleur, un verre hyacinthin, & tous possèdent de grandes
@

des secrets Chimiques. 243
& merveilleuses vertus, qui gouvernées
par un docte & sage Médecin lui acquièrent
plus d'honneur que ne saurait
faire nul autre des mixtes & composés
naturels: Mais toutes ces vertus bien Vertus de
que très grandes, ne peuvent égaler en l'Antimoine
façon quelconque les vertus des préparations multipliées.
qu'on en peut tirer & extraire par
sa résolution en ses principes, & par la
dépuration de ses principes & coction
parfaite d'iceux, en soufre rouge.
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production des Marcassites.

Chapitre X.

pict L y a quantité de Marcassites
qui prennent
leur dénomination &
différence de la diversité
des métaux, auxquels
elles inclinent, & tiennent
de leur Nature; les unes sont appelées
Marcassites d'or, les autres d'argent,
de fer, de plomb & de cuivre; mais toutes
en substance ne sont faites & composées
que d'une même matière différente;
Q ij
@

244 Livre troisième.
toutefois en degré de coction, par laquelle
coction leurs mercures & soufres
infects & corrompus reçoivent
quelque différence, & les couleurs différentes
paraissent & les font jaunes, blanches,
noires & plombines; elles sont
composées de beaucoup de soufre
blanc ou rouge infect & corrompu, avec
beaucoup de sel, & peu de mercure,
Pourquoi mais tous corrompus & infects, & le peu
les Mar- de mercure qu'elles ont en leur composition,
cassites fait qu'elles ne sont point extensibles
sont fria- sous le marteau, mais friables comme
bles comme verre: l'humide n'est pas parfaitement
verre. uni avec le sec, le sec n'est pas tellement
tempéré par l'humide qu'il soit
également en toutes les parties de l'humide,
mais il est plus abondant & copieux
en cette mixtion que l'humide; &
partant il dessèche par trop l'humide, &
le rompt & rend aigre, comme on dit, &
cause par ce moyen ce brisement qui se
voit ès Marcassites lorsqu'on les frappe
du marteau: Ce qui ne se ferait pas si le
sec & l'humide qui est ès Marcassites
étaient anatisés ensemble; ils sont grossièrement
mêlés ensemble, & encore le
sec plus abondant que l'humide, & ainsi
sont enfermés dans quelque rocher, où
@

des secrets Chimiques. 245
la chaleur naturelle de la terre, avec la
chaleur même interne de cette semence
des Marcassites, avec les influences de
Saturne & de Mars qui prédominent sur Mars &
cette composition & mixtion qui tous Saturne
ensemble congèlent & fixent en quelque président
façon cette semence en Marcassite; sur les Marcassites.
& si elle est jaune, le soufre qui y est
reçoit quelque particulière coction, plus
forte que celle qui est blanche, & qui est
dite Marcassite d'argent; c'en est la seule
cause: Elles ont beaucoup de vertus &
propriétés que le commun des Médecins
ignore, pensant que sous ces durs
cailloux métalliques la Nature n'ait mis
& colloqué que le simple être: mais ils
seront bien trompés s'ils voient que
dans toutes les Marcassites, quelles
qu'elles soient il y a des puissantes vertus
purgatives, aussi fortes & énergiques
qu'en l'Antimoine. Une dragme infusée Cure de
dans quatre ou cinq onces de vin l'hydropisie
blanc, purgera avec grande efficace le par les Marcassites.
plus constipé hydropique qui se puisse
trouver, & l'usage prudent de cette purgation
le guérira avec assurance: Elles
évacuent puissamment toutes les sérosités,
ouvrent & désopilent toutes les
voies intérieures de notre corps, & avec
Q iij
@

246 Livre troisième.
tout cela fortifient le foie; il y en a qui en font des extraits avec le vinaigre, ou suc de limon, ou oranger, ou grenades, & font après évaporer le suc à petit feu, & de ce qui demeure au fond du vaisseau ils en font de petites pilules polychrestes qui purgent puissamment toutes sortes d'humeurs, & sont de très bons secrets pour guérir parfaitement l'hydropisie; la crème de tartre, mélangée avec le vin distillé, en tire un extrait merveilleux. Mais ces vertus & propriétés qui sont sans autre préparation dans les Marcassites ne sont point presque à estimer, au respect des autres vertus, qui se trouvent après la préparation qu'on en peut faire par l'ordre sus-écrit, en les dissolvant en leurs principes desquels elles ont été composées par la Nature dans les mines de la terre, & ce par le moyen du vinaigre central élémentaire qui se trouve dans l'esprit général du monde; par le moyen de ce vin aigre vous les dissolvez en leur mercure & leur soufre, & les purifiez de toutes leurs ordures & infections, & pures qu'ils sont vous les unissez encore un coup, & les cuisez à perfection en terre rouge, fixe & fondante
@

des secrets Chimiques. 247
comme cire, qui a des vertus incroyables
pour remettre la faiblesse de toutes
les parties du corps humain; & avant sa
fixation & coction en terre rouge, cette
seule liqueur possède de grandes vertus
purgatives, à cause que leurs substances
sont crues & volatiles & infixes, qui ont
accoutumé d'attirer leurs semblables
substances qui se trouvent en nous copieuses
& abondantes lorsque nous sommes
malades de quelque maladie.
Ceux qui ont cru que dans les Marcassites Toute la
il y avait quelques teintures teinture
parfaites pour teindre les métaux en or qui est dans
ou en argent, ou quelque vertu fixative } Marcassites$
pour fixer le mercure en argent fin, se est inutile.
sont trompés, si elles ne sont réduites par
notre moyen susdit, en leur principe, &
ces principes ne sont après leur dépuration
fixée en parfait soufre rouge; toutefois
je veux bien croire que ce soufre
est tingeant & fixant, car il est égal à celui-là
de l'or, si l'on en vient à la parfaite
dépuration & coction; mais c'est une oeuvre
bien longue & pénible: nous avons
assez à faire à obtenir de l'esprit général
du monde ce parfait dissolvant, & quand
nous l'avons je ne serais pas d'avis de le
contaminer encore par le mélange des
Q iiij
@

248 Livre troisième.
mixtes corrompus, pour s'amuser à tirer
de leur corruption ce que la Nature a
mis en abondance, avec une très grande
pureté dans l'or & dans l'argent.
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production des Arsenics
& Réalgars.

Chapitre XI.

En quelle pict A Nature voulant produire
façon s'en- & engendrer les
gendrent Arsenics & Réalgars elle
les Arse- prend le mercure
nics & dont elle a accoutumé
Réalgars. de produire toutes choses, ce qu'il a
de plus en cette mixtion c'est la corruption
élémentaire qui est très grande, qui
est quasi une fiente & une graisse terrestre,
corrompue & pourrie, qui se mêle parmi
le mercure qui compose les Arsenics
& Réalgars. Elle enferme donc ce mercure
plein de pourriture terrestre dans
quelque rocher, & là cuit & congèle
cette humeur & liqueur gluante en pierre
@

des secrets Chimiques. 249
blanche ou jaunâtre, ou rougeâtre,
& de là donne l'être à l'Arsenic, à l'Orpin,
& au Réalgar jaune, qui sont trois
espèces d'Arsenic qui ne diffèrent point
en substance, mais en coction, plus ou
moins de ce soufre pourri & corrompu
qui se trouve dans cette composition,
lequel par diverse coction reçoit diverses
teintures toutes pleines de venins Saturne
mortifères. Saturne préside en ces compositions préside en
& darde ses influences pendant la production
tout le temps de leur génération, dont des Arsenics.
toute la malignité de Saturne se trouve
en ses compositions au suprême grade,
& tout l'équipage de sa constellation y
préside aussi, & influe aussi tout ce qu'ils
ont de malin & contraire à la vie, d'où
ces minéraux sont les venins terrestres
plus malins qui puissent être en toute
la terre; leur action est âcre, caustique
& brûlante, à cause de l'abondance du
fiel caustique & brûlant qui est en eux;
lequel parmi cette pourriture pendant
le temps de leur coction, se multiplie de
beaucoup par-dessus le soufre & le
mercure: le mercure est le moindre de
tous les trois principes; l'abondance du
soufre suit celle du sel, & tous trois
mal-unis ensemble sans aucune proportion
@

250 Livre troisième.
de l'un à l'autre lient sans liaison
Comment cette composition: l'Orpin est celle de
de l'Orpin toutes les trois espèces des Arsenics &
se fait de Réalgars, de laquelle la Nature tire
l'or. quelque chose de bon à force de temps,
de peine & de travail; car en sublimant
& dissolvant souvent cette pourriture
minérale, il la lave tant & tant de
fois qu'elle parvient enfin à la dépuration
de son soufre & de son mercure,
& purs qu'ils sont elle les unit ensemble
& les anatise, les cuit & congèle en soufre
rouge ou blanc, pur & parfait, sur
lequel continuant ses actions & ses coctions
en fait enfin de fin or, ou de fin argent;
mais elle sue & travaille bien plus
de mille ans à cette oeuvre, & elle a plutôt
de beaucoup parachevé son oeuvre
à commencer à son mercure commun &
ordinaire, qu'elle prend pour faire les métaux;
car avant qu'elle ait séparé seulement
ce mercure de ses ordures & puanteurs,
elle a cuit & fixé celui-ci en soufre
La Na- blanc ou rouge; tellement qu'elle a
ture tend ici plutôt achevé, que commencé,
toujours à mais la Nature pourtant pour ne laisser
perfection. rien d'infect & corrompu, cache par tous
moyens de parvenir à la perfection; Et à
ces fins attaque l'impureté même dans
@

des secrets Chimiques. 251
son oeuvre & dans ses propres maisons &
citadelles, comme il est très certain en
cet exemple des Réalgars: Car un
Empereur Romain fit décuire une énorme
quantité d'Orpin, & sur les derniers
affinements il s'y trouva quantité d'or, qui
valait le prix de l'Orpin, mais non pas la
peine des affineurs; ce qui eut été
impossible si la Nature n'eût commencé
de travailler sur cet Orpin, & n'eut dépuré
déjà quelques parties de cet Orpin
en fin or.
Ainsi si nous voulons tirer de ces Réalgars
quelque chose de bon, il nous faut
imiter la Nature, dissoudre ses mixtes
en leurs premiers principes, les purifier
dissous qu'ils sont de leurs viscosités &
soufres graisseux & puants, & après
cette dépuration cuire & fixer cette matière
en parfait soufre blanc ou rouge,
& de là nous posséderons de grandissimes
secrets, tant pour la santé du corps
humain, que pour la teinture des métaux:
Car ce soufre rouge dissout en Cure &
quelle liqueur que ce soit, c'est une parfaite préservatif
thériaque contre toute sorte de venins de la peste.
élémentaires & naturels; c'est la
cure parfaite de la peste, & la préservation
assurée; c'est un bézoard parfait
@

252 Livre troisième.
pour éteindre l'action mortifère de tout
venin; c'est un baume aussi parfait & absolu
pour guérir toutes plaies & ulcères,
malignes & autres, même les cancers
& écrouelles telles qu'elles soient; hors
de ces préparations l'on n'en peut tirer
Les arse- rien digne de louange; Je conseille à
nics influent tous Médecins de les laisser & n'en user
du venin point en aucune façon; mais le fuir comme
dans les venins qu'ils sont, très pernicieux;
escarres même appliqués extérieurement ils
qu'ils font. montrent leur grandissime malignité,
& font des feux & tisons très ardents, qui
brûlent tout ce qu'ils touchent; & outre
leur brûlure ils influent dans leurs escarres
de grandes malignités, ce que le feu
actuel ne fait pas.
@

des secrets Chimiques. 253 ----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production du Soufre.
Chapitre XII.
pict N grand nombre de Le soufre
gens d'esprit ont eu commun
cette opinion, que le ne peut
Soufre commun & ordinaire composer les
qui découle des métaux.
montagnes, & qui se
trouve en fleur sur la superficie des rochers,
fût une des matières dont les métaux
se composent dans les mines; mais s'ils
eussent examiné la qualité & vertu de ce
Soufre, ils eussent trouvé par expérience
qu'il ne pouvait en aucune façon
composer les métaux, puisqu'il a vertu
de les défaire & détruire, car il brûle &
consume les métaux, consumant leur
humide & détruisant leur Soufre; ce
qui détruit n'est jamais principe de
composition. Il est vrai que les anciens
& modernes Chimistes nous assurent,
comme il est très vrai, que le Soufre
est une des matières principale qui composent
les métaux; mais ce n'est pas ce
@

254 Livre troisième.
Soufre duquel nous parlons en ce
Chapitre, mais c'est l'essence du feu naturel
& élémentaire qui est le vrai & unique
principe des métaux, qu'en Chimie
on appelle Soufre, qui est bien différent
de celui-ci; car l'un est principe de
vie en toutes choses, & l'autre est plutôt
principe de mort & de destruction que
de vie: Il est vrai qu'en icelui, comme
mixte naturel il a en soi quelque peu de
ce Soufre qui est principe de vie en
toutes choses; autrement il ne pourrait
Qu'est-ce être composé & mixte naturel. Ce n'est
que Sou- donc (pas) ce Soufre qui est principe de vie
fre com- en toutes choses, mais une graisse & une
mun. huile terrestre, faite & composée du limon
graisseux de la terre, où les trois
principes naturels, Sel, Soufre & Mercure
se trouvent mêlés pour faire cette
composition; car lorsque l'esprit général
du monde, ce mercure de vie trouve
une terre grasse & limoneuse, laquelle se
fait & compose des excréments élémentaires,
il l'imprègne, l'informe & s'unit
avec elle, & la cuit en Soufre; lequel
le plus souvent aux lieux où il s'engendre
& produit à cause que la chaleur y
est forte & puissante, vient à s'enflammer
& brûler, & brûlant, le plus subtil se
@

des secrets Chimiques. 255
sublime à travers les pores des rochers;
d'où l'on collige ses fleurs sur la superficie
des pierres, qui par leur froideur arrêtent
cette exhalaison, & la condensent
en farine sulfureuse qu'on appelle fleur
de soufre: Les Alchimistes à l'imitation
de la Nature font fondre le Soufre
dans des vaisseaux, & font élever
le plus subtil d'icelui dans des chapiteaux
qui couvrent ces vaisseaux, où
est le Soufre qui brûle: L'autre partie
qui est plus grossière se brûle dans les
concavités de la terre, & se brûlant donne
aucune fois à travers les pores des rochers,
de l'huile grasse & pesante qu'on appelle
pétrole, si la mine du Soufre qui
brûle est bitumineuse, qui est un Soufre
plus gras que l'ordinaire, d'où la
partie plus crasse est huile & terre, & venant
à brûler dans ses fourneaux naturels,
produit des sources & des fontaines
oléagineuses, qui ont de grandes vertus
& propriétés pour dissiper les humeurs
froides.
Cette même matière sulfureuse, Charbon
quand elle est conjointe & mêlée parmi de terre
quantité de terre qui a avec elle l'esprit comme s'engendre-t-il.
coagulatif du sel, donne l'être au charbon
de terre, qui n'est autre chose qu'un
@

256 Livre troisième.
Soufre empierré, ou une pierre ensoufrée;
c'est-à-dire que les conditions
& qualités de la terre y prédominent
parmi cette graisse, & cette huile de terre
que la Nature produit à force de cuire
de la substance des éléments; tellement
qu'elle a de l'huile dans le genre des minéraux,
aussi bien que dans le genre des
végétaux & animaux. Et cette huile ici
qu'on appelle pétrole rectifié qu'il est, &
plusieurs fois distillé, sert pour dissoudre
le Soufre, & le convertit en baume
par simple ébullition, est de merveilleuse
vertu pour guérir les douleurs excessives
de la goutte; c'est le meilleur anodin &
plus puissant qu'on puisse trouver dans la
Nature; sauf si notre Soufre, duquel
nous parlons en ce Chapitre vient à être
dissous par l'eau ardente qui se trouve
dans l'esprit général du monde, laquelle
dissout parfaitement notre Soufre
Cure de & le réduit en ses principes; lesquels
la goutte. purifiés qu'ils sont, peuvent être faits
baumes très excellents pour guérir parfaitement
la goutte; d'autant que le
Soufre naturel tempère par sa graisse
l'acrimonie de toute sorte de sel, où consiste
la cessation de douleur telle qu'elle
soit; car elle vient toujours de l'acrimonie
nie
@

des secrets Chimiques. 257
du sel. Or de cette préparation, le La douleur
soufre commun a fort peu de vertu; vient du
d'autant qu'il n'apparaît point, mais sel âcre.
est caché dans ce corps compacte &
terrestre, qui ne peut rien communiquer
de ses vertus qu'il ne soit fait, ou
igné, ou aéré, ce qui se fait par la dissolution
en ses principes & non autrement.
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production du Vitriol.

Chapitre XIII.

pict L y a grand nombre de Plusieurs
Vitriols qui ne diffèrent Vitriols.
point en substance, mais
seulement en accidents,
les couleurs les distinguent
les uns des autres,
& leur font porter nom différent, qu'ils
prennent des Provinces où ils croissent,
mais pour tout cela ils ne sont que Vitriol, Qu'est-ce
qui est un sel minéral, empreint & que Vitriols?
gros des esprits métalliques du fer ou du
cuivre: Car la Nature produit plus de sel
R
@

258 Livre troisième.
dans la terre que dans la mer, & celui
qui est dans la mer, n'est que celui qui
est dans la terre; mais il est dans la mer
résout*, & dans la terre il est congelé,
comme c'est le propre du sel de se congeler
& fixer; car le principe de corporification
en toutes choses, qui est le sel central
& radical de toutes choses, est ici dominant
& en son haut degré, mais non
pas en sa splendeur & être; il y a d'autres
sujets dans la Nature où il est beaucoup
plus gradué & en plus grand lustre,
comme dans l'or. Mais ici dans le sel il
est à un grade plus apparent & visible
qu'en tout autre sujet; dans le Vitriol
aussi qui est une espèce de sel, cette vertu
coagulative & fixante est très apparente
& visible.
Comment Le sel donc étant plus abondant &
se fait le copieux dans la terre, que dans tous autres
Vitriol. éléments, s'il vient à recevoir quelques
esprits métalliques de fer ou de cuivre,
ou d'argent, il se mêle avec eux & les
incorpore avec sa substance, & se convertit
en Vitriol par le seul moyen de
ces esprits métalliques. L'art imitant la
Nature en fait le même: car par le
moyen des esprits du sel, il corrode &
dissout la substance de ses métaux, &
@

des secrets Chimiques. 259
par la vertu coagulative qui est très forte
dans les métaux, ces esprits du sel se
réduisent derechef en sel, & prennent
leur premier corps; & ayant les esprits
métalliques avec eux, se font Vitriol; &
voilà comme le plus souvent la Nature
produit le Vitriol, & aucunes fois d'un
premier coup, lorsqu'en la coction de
l'humide radical du monde, lorsqu'il est
coagulé en terre métallique de quelque
métal imparfait; savoir de fer ou de cuivre,
cette terre avant qu'elle soit entièrement
fixée en métal, vient à être dissoute
par une grande abondance d'eau
élémentaire, qui par les pores de la mine
vient à pénétrer dans la mine, & dissout
cette terre imparfaite, & emporte tout
ce qu'elle a de sel métallique; & venant
à être cuite, le plus subtil vient à s'évaporer,
& le reste à se congeler en vitriol
dans les mines d'où on le tire; tellement
que de quel côté qu'on le considère, ce n'est
qu'un sel métallique de fer, de cuivre ou
d'argent, tiré & extrait de leurs terres
pendant qu'elles sont encore à se coaguler
& congeler en terre métallique; car
lorsqu'elles sont parfaitement congelées,
& fixées, elles ne peuvent pour lors communiquer
leur sel à une simple eau élémentaire;
R ij
@

260 Livre troisième.
d'autant qu'il est entièrement
changé en métal, ou il faut qu'il se convertisse
en rouillure, & que cette rouillure
infusée dans l'eau élémentaire, y
communique son sel: Ce qui arrive
aucune fois dans les mines des métaux imparfaits,
& principalement dans celles
du fer & du cuivre, où la Nature tendant
à dépurer ces métaux, tend toujours à
leur résolution, par le moyen des vapeurs
de leur propre mercure; & ainsi ces métaux
se trouvant à demi résolus en leurs
principes, l'eau élémentaire venant à
laver cette résolution, emporte tout ce
qui est de sel, qui vient petit à petit à se
congeler & manifester en vitriol, le plus
aqueux de la dissolution se venant à s'évaporer
Vitriol du & s'exhaler. Ainsi paraissent les
fer, du cui- diverses espèces de vitriol; celui qui est
vre & de vert vient du fer & celui qui est blanc
l'argent. vient du cuivre, & celui qui est un bleu
fort haut & céleste, vient de l'argent.
Tous ont de grandissimes vertus & propriétés,
celui-là de l'argent en a plus
que tout autre, comme venant d'un métal
plus parfait & accompli que les autres.
Plusieurs toutefois des Philosophes
anciens & modernes lui ont attribué des
vertus qui ne lui peuvent convenir, ni
@

des secrets Chimiques. 261
lui être attribuées, comme d'être le Vitriol
principe & l'origine des métaux, d'être n'est point
le sujet de la pierre des Philosophes, de principe des
contenir en son ventre le vrai soufre métaux.
de Nature dessus le principe des métaux,
& ne peut; car la semence métallique,
comme de tous les autres genres, ne peuvent
être faits par l'artifice, c'est la seule
Nature qui les doit, & qui les peut
faire tant seulement: Or nous voyons
que nous faisons du vitriol par l'artifice,
& partant il n'est (pas) possible qu'il soit semence
ou principe des métaux.
En outre nous voyons comme la Nature
le compose & le tire des principes
& semences métalliques; & partant il ne
peut être semence lui-même, & ne
pouvant être tel, il ne peut aussi avoir
dans son ventre ce soufre que nous
avons nommé ci-dessus soufre de Nature,
ni par conséquent il ne peut être le
sujet de la pierre des Philosophes; mais si
les Philosophes anciens l'ont écrit, ils ont
entendu quelque autre chose qu'ils ont
voulu nommer vitriol, comme j'ai fait
dans mon Palladium, où sous le nom de
vitriol j'ai caché le vrai nom de la matière
de la pierre, & sous la préparation du
même vitriol j'ai caché notre préparation,
R iij
@

262 Livre troisième.
bien que pour lors je n'en eusse
pas tant de connaissance comme à présent;
tellement que si l'on y remarque des
erreurs elles sont excusables, lesquelles
j'avoue maintenant, mais cette oeuvre
les relève toutes & les corrige, & donne
une lumière assez grande pour entendre
toutes mes autres oeuvres auxquelles
j'ai dit des grandes merveilles du vitriol;
mais par ce vitriol j'entends le sujet de la
pierre, & la pierre même, qu'en cet oeuvre
je nomme esprit général du monde,
& Médecine générale & universelle:
Car le vitriol commun & ordinaire, duquel
je parle en ce Chapitre, n'est point
ce vitriol-là, qui a tant de vertus, ni ne
peut par aucune préparation parvenir en
un si haut degré de perfection, qu'il puisse
Vertus obtenir toutes ces insignes vertus. Il
du vitriol se contente d'en avoir quelques-unes
commun. qui lui sont propres & particulières,
comme de guérir les suffocations de matrice,
& toutes fièvres intermittentes, &
son esprit acide guérit toutes inflammations
internes, & désopile parfaitement
bien; l'on peut multiplier un peu ses vertus
& corriger sa vertu vomitive par la
calcination fréquente, & solution dans
l'eau douce, jusqu'à ce qu'il ait perdu
@

des secrets Chimiques. 263
tous ses esprits acides, pour lors il devient
un sel rouge, qui a de grandes vertus
pour les suffocations, & pour faire accoucher
les femmes enceintes fort
promptement, & leur faire rendre les
arrières-faits & foetus morts, & sans
aucun danger ni péril. Pour le faire
monter plus haut l'on ne peut, ni en
pouvoir tirer le soufre de Nature qui
est dans les métaux, parce qu'il n'est pas
métal, & que ce n'est qu'un sel métallique,
tellement éloigné de la Nature
métallique, que sans métal il est impossible
de le rendre métal; mais avec du
fer ou quelque autre Métal il reprend
facilement ce qui lui manque, & devient
encore métal comme il a été auparavant,
avant qu'il fût vitriol.

R iiij
@

264 Livre troisième. ---------------------------------------- D E L A G E N E R A T I O N
& production du Salpêtre.
Chapitre XIV.

pict E salpêtre & le sel nitre
ne diffèrent point l'un de
l'autre, c'est une même
chose, les Marchands
font seulement différence
de l'un & de l'autre
par la pureté de leur substance, celui qui
est pur & net de toute chose étrange, ils
l'appellent nitre, & celui qui est encore
mêlé avec quantité de sel commun, ils
l'appellent salpêtre, d'où l'on voit que
ce n'est point une différence essentielle,
Qu'est-ce mais tant seulement accidentelle, facile
que salpê- à ôter; car dépurant le salpêtre il deviendra
tre. sel nitre, qui n'est autre chose
qu'une eau congelée, pleine de graisse
terrestre, & de soufre que la Nature
fait, & compose de l'esprit général du
monde en le cuisant & congelant dans
les pores de la terre, par son feu Naturel
en salpêtre ou nitre, dans lequel elle ramasse
tout ce qui est d'igné & de sulfureux,
@

des secrets Chimiques. 265
& l'enferme dans un corps limpide
& clair, où l'on voit clairement une
eau congelée, froide & sèche, à cause de
sa congélation, & chaude dans son intérieur,
à cause du feu qu'elle contient:
Elle est fondante comme cire au feu assez
lent, qui témoigne sa graisse & son
soufre, enfermé dans cette composition
& mixtion.
Le plus gras & le plus résineux de l'esprit Comment
du monde, lorsque par sa coction il le salpêtre
s'est fixé en terre limoneuse, pleine d'esprit se fait.
éthéré & igné, cet esprit s'élève
comme eau-de-vie, & s'unit & s'incorpore
avec le plus subtil de la terre, résineuse
ou graisseuse, & s'unissent ensemble,
& se subliment l'un l'autre à travers les pores
de la terre, & paraissent en fleur de
sel, là où la Nature ne produit rien; car
où elle produit, les mixtes engendrés
& produits l'attirent à soi pour leur
aliment, à cause de l'abondance de l'esprit
général du monde qu'elle a en soi,
qui est le vrai & unique aliment de toutes
choses.
Il paraît donc en fleur de sel dans les Où se fait
concavités de la terre aux vieilles parois le salpêtre.
& murs de terre, d'où on le tire par
simple lotion de cette terre, où se fait
@

266 Livre troisième.
cette fleur de sel; laquelle terre se lave
par la simple eau élémentaire, & puis
cette eau qui a avec soi cette fleur de sel
est exhalée jusqu'à ce qu'elle produise une
pellicule par-dessus; pour lors elle est
jetée dans de grands vaisseaux de bois,
ou cette décoction venant à se refroidir,
se congèle en gros glaçons qu'on appelle
salpêtre, la faisant plutôt passer
avant de la faire exhaler par-dessus de la
cendre commune, afin de la dégraisser
& priver de son plus gras limon, & terrestre
soufre.
Acidité du Il est plein d'une humeur acide, qui
salpêtre. est le flegme de l'humeur ignée & éthérée
qui y réside; car l'humide aqueux
quand il est mêlé parmi l'humide éthéré
par coction se rend acide; le chaud
agissant sur le simple humide l'en aigrit:
car le sel qui réside s'épaissit & se rend
plus abondant, & rend acide la substance
de l'humide aqueux. Cet acide est pénétrant
& dissolvant, & partant quand
il est séparé des autres substances qui
sont parmi le salpêtre, il fait une liqueur
très acide, dont l'usage d'icelle parmi
l'eau du chardon à cent têtes, fait un
remède merveilleux pour rompre la
pierre dans la vessie & dans les reins, &
@

des secrets Chimiques. 267
avec l'usage de l'eau de mandragore, empêche Secret pour
la production du calcul, & est un la pierre.
remède très assuré pour ceux qui sont
sujets au calcul: Il ôte aussi & tempère
les violentes ardeurs des reins & du foie,
& désopile la rate.
Voilà toutes les vertus que j'ai pu Le salpêtre
encore trouver dans le salpêtre: plusieurs n'est point
ont voulu nous assurer que c'était le sujet de
le sujet de notre pierre, & de l'Elixir la pierre des
Arabique, mais ils sont trompés, & trompent Sages.
ceux qui les croient; car dans tout
l'intérieur du salpêtre n'y a substance
qui puisse donner aucune partie de notre
Elixir ou Médecine générale; les
Philosophes qui ont écrit ces choses ont
écrit allégoriquement, & ont entendu
une chose pour autre: Ils appellent le sel
qui se trouve dans la matière de l'esprit
général du monde, salpêtre; d'autant
qu'à la vérité c'est le sel de la pierre des
Philosophes: Toute la plus grande vertu
que j'aie trouvée qu'a le salpêtre, c'est
qu'il corrige tous les venins, & la violence Vertu du
de tous les médicaments purgatifs salpêtre.
quels qu'ils soient, soient-ils animaux,
végétaux ou minéraux, pourvu qu'on
le fonde avec eux; car par son feu intérieur
il brûle & consume toutes sortes de
@

268 Livre troisième.
venins & calcine leur substance, dans laquelle après ne réside que la partie bézoartique, qui gît dans la chaux, qui résiste parfaitement au venin, qui de soi est cru & incuit, & partant volatil, ne pouvant endurer l'action du feu naturel qui réside dans le salpêtre, qui brûle toutes ces parties-là. Il s'incorpore parfaitement bien, & se mêle parmi le sublimé doux, avec un peu d'acide, de vitriol ou de sel, & constituent tous trois ensemble une graisse talqueuse, fondante comme cire, laquelle a des grandes vertus, & purge fort doucement sans vomissement quelconque, ni violence, ni tranchée, guérit parfaitement les fièvres intermittentes; parce qu'outre qu'il purge & évacue les humeurs peccantes, il réfrigère & désopile, qui est une action fort contraire; mais il a avec soi diverses substances, au moyen desquelles il opère diversement.
@

des secrets Chimiques. 269 ----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production du Sel commun.
Chapitre XV.
pict Out le monde croit &
pense savoir comme le sel commun s'engendre & se produit, parce qu'ils le voient produire & croître; ils voient bien croître les arbres & les plantes, &
toutefois il y en a fort peu qui sachent
comme ils se font & se produisent, il en
est de même du sel, il se fait devant nos
yeux, & pourtant nous ne savons comme
la Nature le compose: Je n'entends
pas parler ici du sel comme principe de
toutes choses, mais du sel comme mixte
& composé naturel, qui est si abondant
& copieux par toute la Nature qu'il
égale quasi le sablon de la mer: C'est
ici comme tous les mixtes naturels ont
persisté dans l'être, leur temps, & leur
durée, ils se corrompent & se détruisent
eux-mêmes, par les principes mêmes
intérieurs de leur être, & se corrompant

@

270 Livre troisième.
Comment & détruisant ils se résolvent en leurs principes;
se fait le dont le sel étant celui qui se trouve
sel commun. en la dernière résolution de chaque
mixte, l'eau élémentaire qui se trouve parmi
toutes les concavités de la terre & sur
toute la superficie d'icelle, vient à laver
cette résolution, & ces fientes de tant &
tant de mixtes qui se corrompent dans la terre
& sur la superficie d'icelle, emportent
par ce moyen ce qui est de la nature de sel,
& se filtrant à travers les pores de la terre
se clarifie de ses immondices: Puis toutes
ces lessives & ces eaux imprégnées du sel
de la résolution des mixtes s'en vont rendre
dans la mer, réceptacle naturel des
eaux, où par la chaleur naturelle du monde
& du Soleil, le plus aqueux s'exhalant
& s'évaporant le plus terrestre se congèle
en sel, dans les salines & lieux proches
de la mer, où l'on a accoutumé de faire
cuire par le Soleil l'eau de la mer, ès pays
fort chauds en temps d'Eté; Aucune fois
ces eaux du monde toutes remplies du
sel sont cuites dans les concavités de la
terre, & sont poussées hors de la terre comme
sources de sel perpétuelles, & converties
en montagnes de sel; comme ès
montagnes de Querdonne, où le sel
croît en telle abondance qu'il est impossible
@

des secrets Chimiques. 271
d'épuiser sa source & minière. Les Le sel de
vapeurs de l'esprit général du monde en Querdonne
ce lieu particulier se convertissent en sel comment
commun & usuel, par la force & vertu du se fait-il.
sel qui est déjà en ce lieu congelé & condensé,
sa vertu se congelant étant si forte
& si puissante que tout ce qui arrive là se
convertit en sel.
En quel lieu que le sel se fasse & se
congèle, il est toujours fait & composé
de l'esprit général du monde, qui ayant
avec soi les quatre éléments, le chaud
agissant sur l'humide, le cuit & le digère
en terre, en laquelle le sel paraît & prédomine
incontinent; même avant
qu'en la coction du mercure du monde
signe de l'esprit général, le sec prédomine
sur l'humide; l'humide se rend salé &
plein de fiel, lequel toujours tend à coagulation
& fixation, & enfin boit tout
son humide, & se fait sel; ainsi l'humide
élémentaire cuit, se congèle & coagule
en sel, qui a toujours les plus grandes
vertus & propriétés; car l'esprit & semence
céleste est enfermée & enclose
dans cette coagulation, & la pure semence
de l'air pareillement y est enfermée,
& en ces deux gît l'action & vertu
des choses; car ces éléments sont les plus
@

272 Livre troisième.
actifs de tous, & sont appelés mâles
éléments, & les autres femelles, à raison
qu'ils pâtissent plutôt qu'ils n'agissent,
& qu'ils se laissent gouverner aux autres:
Qu'est-ce Ainsi le sel est la graisse & salpêtre de
que sel? tous les autres éléments, & la vertu d'iceux
& l'entéléchie est en icelui, & qui
sait avoir liquide & doux son intérieur,
possède un grand secret, & un grand aliment
pour servir la Nature affaiblie: son
Or potable acide, à force de circulation, vient doux
avec le sel & dulcifie sa substance âcre & mordicante,
commun & la dissout & tient liquide comme
dulcifié. sirop, avec lequel vous pouvez faire
un or potable d'importance; non toutefois
semblable & égal en vertu à celui
qui est fait avec l'esprit acide & ardent
qui se tire de l'esprit du monde, qui est
le vrai & seul or potable des anciens; car
celui-ci n'est qu'une branche: Il est
Or potable vrai qu'en dissolvant le sel dans l'esprit
des anciens. ardent & acide de l'esprit du monde,
vous convertissez le sel en leur substance,
& le dulcifiez parfaitement, avec lequel
vous pouvez faire un or potable d'égale
vertu & puissance à celui des anciens.
Il y en a peu qui puissent parvenir à ce
secret, & partant il est réputé impossible
de ceux qui ne chérissent que ce que la
Nature
@

des secrets Chimiques. 273
Nature opère ordinairement, & qui ne
cherchent point ce qu'elle peut faire,
aidée par l'artifice. Ils se contentent du
seul sel comme la Nature le produit &
l'engendre, & encore ne se mettent pas
en peine de savoir desquelles parties la
Nature le compose, & desquelles vertus
dans son intérieur elle le dote & le qualifie:
Ils sont contents de le voir âcre & Les vertus
mordicant, abstersif* & préservé de corruption, du sel intérieures
& être incorruptible lui-même, sont
tuer la vermine & résister puissamment très grandes.
aux venins; ils n'ont que faire de
lui multiplier ses vertus, & voir à quel
degré elles peuvent monter, ses vertus
apparentes témoignent bien que
celles qui sont cachées dans son intérieur
sont bien plus grandes & magnifiques:

S
@

274 Livre troisième. ---------------------------------------- D E L A G E N E R A T I O N
& production du Corail.
Chapitre XVI.

Le corail pict E Corail devrait être un
montre exemple & preuve assez
que les suffisante à tous les
pierres Philosophes péripatéticiens,
croissent pour leur faire croire
& végé- que les pierres & tous les
tent. minéraux croissent & multiplient de la
même & pareille façon que les végétaux;
car ils voient visiblement devant
leurs yeux que le corail qui est vraiment
pierre, croît & végète à la façon des autres
végétaux, & non par addition extérieure
d'une substance sur autre, mais
par vrai aliment intérieurement pris, &
digéré & changé en sa substance de pareille
façon que les végétaux sucent &
attirent leur aliment de la terre, & cuisent
& digèrent, & le distribuent par
leurs visibles veines à toutes les parties
de leurs corps. Ainsi le corail commence
à germer & croître dans la mer de sa semence
@

des secrets Chimiques. 275
qui se tire du grand ventre de la
terre, où l'esprit général du monde reçoit
quelque disposition particulière par Le corail
les esprits coralliens qui disposent cette comment
semence à leur particulière dévotion, & s'engendre-
dans la profondeur de la mer; cette matière t-il.
visqueuse se pousse en arbre de pierre,
& selon les soufres blancs, rouges ou
noirs qui se trouvent abondant en cette
semence ou matière visqueuse, les coraux se
forment & se poussent en petits arbres
rouges, si le soufre est rouge, blancs si Le soufre
le soufre est blanc, & noirs si le soufre donne
est noir; car du soufre le corail la couleur
reçoit sa couleur, comme toutes les autres à toutes
choses qui sont au monde. Le corail choses.
donc né & formé de cette matière visqueuse,
glutineuse & humide qui se trouve
particulièrement dans la mer, pleine
de ces esprits, croît & vit de même &
de pareille matière qu'il est fait & engendré,
en telle grandeur & hauteur qu'il
égale la hauteur des petits arbrisseaux,
& fait cent & cent petites branches qui
sortent de son tronc & tige, & grossissent
toujours, tant que leur tige croît, &
s'en font de nouvelles tous les ans, de
même façon qu'aux autres arbres &
plantes qui végètent sur terre: ce qui devrait
S ij
@

276 Livre troisième.
convaincre d'erreur tous les Péripatéticiens
qui ne veulent accorder la
végétation aux pierres & minéraux: car
le corail est de vrai une pierre, & la Nature
la fait croître & végéter en même
Le corail façon que les plantes, visiblement à nos
est une yeux, pour nous apprendre comme toutes
pierre qui les autres pierres croissent & végètent
végète. aussi bien que le corail.
Anciennement tout le monde, & encor
dans les Indes on fait grand cas du corail.
Les vierges & les femmes en faisaient
leur principal ornement, à présent l'on
Vertu du ne fait état que de l'or, & l'ornement
corail. plus beau & rare que la femme puisse
avoir, c'est l'or: mais le passé de fin corail;
à cause des grandes vertus qu'on dirait
qu'il possédait, tant pour purifier le sang,
donner du bonheur, que pour chasser
les spectres, & empêcher les charmes &
préserver de l'épilepsie: c'est pourquoi
les petits enfants en portaient de grandes
pièces au col, les plus belles & les plus
vives qu'on sût trouver; à présent l'on
n'y remarque pas tant de vertus, l'on y
remarque tant seulement une vertu
astringente & cardiaque; Et moi j'y
ai remarqué une vertu incisive & propre
pour atténuer le calcul dans la vessie
@

des secrets Chimiques. 277
& encore se multiplier par la calcination
du même corail; car par la calcination
il s'atténue & se rend plus pénétrant &
incisif: L'on le peut dissoudre dans le
vinaigre distillé, en faire du sel qui conserve
ses vertus; mais si l'on le dissout Vertus du
dans le vinaigre physique & eau ardente corail préparé
qui se trouve dans l'esprit général du par le
monde vous en ferez un sel, qui par vinaigre
continuelle coction se dulcifie & se convertit physique.
en une liqueur très douce & très
précieuse, de grandissime vertu & efficace
pour purifier le sang, capable vraiment
de guérir la ladrerie, en l'usage
continuel d'icelle.

S ij
@

278 Livre troisième. ---------------------------------------- D E L A G E N E R A T I O N
& production des Perles.
Chapitre XVII.

Autre pict I les coraux nous ont fourni
preuve que de preuve comme les
les pierres pierres & métaux, végètent
végètent & vivent à leur mode
par les per- les perles nous fourniront
les. d'exemple & de preuve,
comme dans les animaux mêmes
elles croissent & se multiplient & végètent
dans leurs corps de la même substance
dont leurs mères sont nourries &
conservées pour preuve évidente qu'il
n'y a qu'une chose dans la Nature dont
toutes choses sont faites & composées,
tant animaux végétaux que minéraux.
Opinion Tous les bons Auteurs nous laissent par
des anciens écrit que les perles se font & se composent
sur la gé- de la rosée; les mères perles dans
nération leurs coquilles qui sont les mines, où ces
des perles. pierres précieuses se forgent & s'engendrent
prennent à la pointe du jour la
rosée, lorsque cette divine liqueur tombe
@

des secrets Chimiques. 279
du Ciel & montent à la superficie de
l'eau, & là ouvrent leurs coquilles, afin
de donner entrée à cette rosée qui les
remplie & les engrosse de sa pure substance,
après elles se ferment & vont dans
leur gîte ordinaire au fond de la mer, où
par leur chaleur naturelle cette rosée est
cuite & digérée, & par leur industrie naturelle
formée & faite perle, qui s'attache
aux côtés de leur coquille.
Voilà ce qu'en écrivent tous les anciens
& les modernes Philosophes, de la composition
de la perle, sans considérer que
leurs mères qui sont leurs vraies mines,
& desquelles les perles font parties, ne
sont pas faites & engendrées de la rosée
tant seulement qu'il y faut une semence
particulière pour engendrer les mères
perles, qui de la digestion de leur aliment
intérieur, comme excrémenteuse,
se forgent & composent une coquille
qui leur sert de maison, comme aux limaçons,
& dans icelle font les perles. Je La rosée
veux bien croire que la mère perle se nourrit les
nourrit de la rosée immédiatement; car mères perles.
il y a dans la rosée assez d'aliment pour
elle, mais que du même aliment sans
passer plutôt & changer en elle les perles
s'en fassent, c'est ce qu'il me semble
S iiij
@

280 Livre troisième.
qui est contre l'ordre naturel: car les parties
sont toujours faites de la même matière
que le tout. Or les mères perles ne
sont pas faites immédiatement de la rosée,
mais elles en sont nourries; & cet
aliment est changé en semence, de laquelle
immédiatement, après les mères
perles, sont faites: Ainsi l'opinion des
anciens Philosophes sur la génération
des perles, n'est pas bien déclarée & faite
Comment manifeste; car il est bien vrai que la rosée
la rosée donne l'être aux perles, mais elle est
donne l'être plutôt digérée en aliment des mères
aux perles. perles, & puis de cet aliment en la dernière
digestion des mères perles, la croûte
est pierreuse, comme ayant plus d'esprit de
sel, & est renvoyée comme excrément aux
croûtes de la coquille de la mère perle,
où il s'attache & se forme en perle, tant par
sa chaleur intérieure, que par la chaleur
extérieure de la mère perle, qui est la
matrice qui cuit & digère cet excrément
Comme que la mère perle y envoie. Les perles
se font les donc se font & composent de la façon selon
perles. mon opinion; les mères perles s'élèvent
du fond de la mer à la superficie de
l'eau, pour prendre leur pain quotidien,
& leur pâture ordinaire: là elles s'ouvrent
& prennent la rosée, de laquelle
@

des secrets Chimiques. 281
elles se nourrissent & s'alimentent, elles
digèrent & cuisent cet aliment, dont le
plus crasse & terrestre est envoyé, comme
excrément inutile aux extrémités de
leurs corps, d'où se forge leur coquille,
l'intérieur de laquelle est très beau & ressemble
à la perle; parce que le plus pur
de cet excrément y est employé, & le
plus crasse & terrestre est renvoyé au dehors
en grosses & vilaines écailles endurcies
l'une sur l'autre en pierre coquille.
La coquille étant faite & vieille,
pour lors les mères perles attirent & se
remplissent de rosée, de laquelle elles
vivent, & l'excrément de leur aliment
étant rejeté aux lieux ordinaires ne
trouvant lieu ni occasion pour se faire
coquille du plus pur d'icelui, la perle se
forme, & le plus crasse est rejeté dehors
à travers les pores.
Voilà ce que j'ai pu comprendre de la génération & production des perles
par les promenades que j'ai faites sur les
côtes de la mer de Bretagne, où il se
trouve des coquilles qui portent les perles,
mais je n'ai jamais pu comprendre
par l'inspection des mères perles que j'ai
souvent contemplées que la rosée fût
la cause immédiate de la production

@

282 Livre troisième.
d'icelle, mais que telle production venait
de l'intérieur des perles; aussi voit-
on sortir les perles à travers les pores de
la coquille: Car la mère étant attachée
à sa coquille envoie ses excréments des
digestions qu'elle a faites de son aliment
à travers les pores de la coquille, d'où les
perles sortent comme graine de ladrerie;
& à la vérité cet animal & poisson est
plus ladre que les autres, & manifeste sa
ladrerie par sa perle, qui est un excrément
mélancolique & terrestre, plein
La perle de sel, vrais signes de ladrerie. Voilà d'où
est la la- est venu le faste humain de faire cas &
drerie de la estime de la ladrerie des poissons, parce
mère perle. qu'elle est belle aux yeux & agréable:
car pour des rares & insignes vertus il n'y
en a point; bien que le commun & vulgaire
Vertus des y en attribue beaucoup, les estimant
perles. fort cardiaques pour conforter les
esprits, arrêter le flux de sang, & toute
sorte de flux de ventre, conforter la vue,
retenir les mois, blanchir les dents, purifier
le sang, & plusieurs autres semblables:
Toutes lesquelles vertus, si elles
sont, elles sont occultes dans leurs principes
car comme elles sont, elles ne manifestent
aucune de ces vertus, que la
vertu astringente. Quiconque donc
@

des secrets Chimiques. 283
voudra voir toutes ces vertus dans les
perles, qu'il tâche de les dissoudre en
leurs principes, comme l'on a fait les métaux,
& il trouvera un sel, une liqueur,
& un soufre de grandissime vertu, à
qui l'on pourra justement attribuer toutes
les vertus susdites très apparentes &
manifestes: car de ce divin aliment,
d'où les mères perles sont nourries, la
Nature en fait tout ce qui est de précieux
dans le monde; tellement que l'art La rosée
aussi y trouve toutes les raretés qu'on se est miracle
peut imaginer, mais il le faut savoir en la Nature.
traiter, & cuire, & fixer ce qui est en lui
d'homogène.
@

284 Livre troisième. ---------------------------------------- D E L A G E N E R A T I O N
& production des Diamants.
Chapitre XVIII.

Comment pict Es diamants & toutes les autres
se font les pierres précieuses se produisent
diamants. & se font de la pareille
façon & manière que les
métaux & autres choses terrestres; car la
vapeur des éléments, qui perpétuellement
découle d'eux comme leur vraie
semence, descend au centre de la terre,
& par la chaleur naturelle, tant d'icelle
vapeur, que de la terre même, cette vapeur
vient à se sublimer en haut à travers
les pores de la terre, & par ce moyen
monte & descend; & par cette montée
& descente se cuit & digère, & se purifie
toujours de plus en plus, en telle façon
qu'elle parvient à un suprême degré de
pureté, & netteté; tellement qu'en cette
pureté & limpidité elle se congèle
par les principes qu'elle a de congélation
en elle-même, qui sont la chaleur & sécheresse
qui président en cette vapeur;
@

des secrets Chimiques. 285
qui par les pores de la terre se change en
eau limpide & cristalline; laquelle séparée
à force de distillations & sublimations
toute de graisse élémentaire, l'humeur
aqueuse prédominant se congèle, comme
nous avons dit ès lieux froids, en petits
cristaux, qui se congèlent & s'endurcissent
en telle façon par la sécheresse
qui est en leur substance, qu'ils se forment
enfin en vrais diamants, tellement
forts & puissants qu'ils résistent aux
coups de marteaux; toutefois les unes
plus que les autres, à cause des lieux où ils
se forgent & se composent & selon la pureté
de leur substance, & force d'icelle en
vertu coagulative & congelante, qui dépend
& descend de la vertu du sel, qui
est en la matière séminale des diamants.
Il s'en trouve grand nombre ès Indes, en Les diamants
Arabie, & autres lieux parmi la mine se
d'or; d'autant que où l'or a accoutumé trouvent ès
de se produire, cette vapeur élémentaire mines d'or
semence de toutes choses a accoutumé & pourquoi.
aussi en ces lieux de se purifier au dernier
degré, & ce qui est de plus gras &
sulfureux de cette purification se forme
en or à cause du soufre plus copieux
qui y demeure, & le reste qui est
plus subtil & aérien se change & se cuit
@

286 Livre troisième.
en diamant; & voilà la raison pourquoi
les diamants se trouvent toujours parmi
la mine d'or, & où les diamants se trouvent
l'or n'est guère loin.
Différence S'il y a différence entre les diamants,
entre les elle provient de la pureté de leur matière,
diamants. qui selon la diversité des lieux se purifie
aux unes plus qu'aux autres, à cause que
le lieu est plus net & plus pur l'un que
l'autre, & cette pureté dépend encore de
la continuelle sublimation de cette vapeur
élémentaire qui en s'élevant &
montant & descendant purifie toujours
les lieux où elle passe, emportant avec
elle le plus limoneux & bourbeux, & le
D'où se fixant & congelant en gros cailloux &
font les grosses pierres, & le passant toujours en
cailloux. haut à travers les gros pores de la terre;
dont les montagnes se font & les rochers,
dans lesquels après cette vapeur élémentaire
continuant à se sublimer, en fait en
fin, rejetant toujours le plus impur &
grossier au dehors des vases de pureté, où
cette vapeur venant à se congeler pure &
nette de tout excrément élémentaire, si
elle est pleine de soufre & de graisse,
elle fait & compose l'or; & si elle est privée
de cette graisse, & qu'au lieu d'icelle
domine la partie aqueuse, & celle du
@

des secrets Chimiques. 287
sel, elle en fait les diamants, comme nous
avons dit; lesquels ne sont différents des
cristaux qu'en la partie fixante, qui est
beaucoup plus puissante aux diamants
qu'aux cristaux, & que le mercure qui
est ès diamants est encore plus pur & sublimé
que non pas ès cristaux, qui sont
tous remplis d'eau élémentaire, congelée,
tant par la force du froid, que par la
vertu congelante du sel qui est parmi
leur mercure: Aux diamants il n'y a que Différence
mercure, & toute leur liqueur de laquelle des cristaux
ils sont composés est mercurielle, &
& de la vapeur pure des éléments; ès cristaux diamants.
au contraire il y a quantité d'eau
élémentaire & peu de vapeur ou de mercure,
ce qui est la cause pourquoi les cristaux
sont plus mous, & ne sont pas si luisants
& pleins de lumière; car l'eau élémentaire
congelée par la vertu du sel ne
peut être jamais si éclatante & lumineuse,
que le mercure, pur congelé, & fixé
par la vertu de son sel & soufre blanc,
qui lui augmente son lustre & son éclat.
Ce soufre blanc & la pureté du mercure
avec la ferme & constante fixation
du sel qui se trouvent ès diamants, font
toute leur différence. Les Indiens &
ceux qui se trouvent ès mines d'Arabie
@

288 Livre troisième.
Pourquoi & d'Ethiopie, sont estimés les meilleurs
les dia- & plus fins; d'autant qu'en ces provinces
mant In- les mines d'or sont très pures, & que la
diens sont matière séminale des diamants en ces
plus fins lieux-là, & plus pure & sublimée qu'en
que tous autres lieux de la terre, & le Ciel & le Soleil
autres. plus vigoureux & fort qu'en tout autre
lieu, qui cuit avec plus de puissance cette
matière, & la conduit à parfaite congélation
& fixation; car bien que le
froid extérieur serve grandement à cette
congélation, si est-ce toutefois que la
chaleur naturelle y aide encore davantage;
car rien ne vient à parfaite fixation
sans préalable maturité & coction de la
matière qui se doit fixer & congeler.
Vertus des Les diamants ont plusieurs vertus,
diamants. mais à cause de leur ferme fixation &
congélation, je ne crois pas qu'ils en
puissent communiquer aucune: L'on
tient qu'ils résistent à toutes sortes de venins,
& qu'ils sont venins eux-mêmes; ce
qui est toutefois à l'expérience très faux.
Je crois bien toutefois qu'ils ont de grandes
vertus, mais qu'elles sont comme en
l'or, ensevelies dans leurs fermes & fortes
murailles, & qu'il faut rompre icelles
pour en jouir. La matière qui les compose
peut seule les rompre & amollir, &
@

des secrets Chimiques. 289
les convertir en liqueur qui sera de
grande vertu, car la matière dont ils sont
composés par la Nature est de grand prix,
& de même étoffe que celle-là de l'or;
tellement que s'il y a des vertus rares
dans l'or, il y en aura dans les diamants,
& qui seront indomptables, comme les
diamants en portent le nom.
----------------------------------------
D E L A P R O D U C T I O N
& génération des Escarboucles
& Rubis.

Chapitre XIX.

pict Es escarboucles & rubis ne
sont point différents les uns des Différence
autres, qu'en qualité, les escarboucles des rubis
sont plus éclatantes & & escarboucles.
lumineuses que les rubis; les rubis à
cause que leur matière n'est pas si pure &
si nette que celle des escarboucles, le feu
qui est enfermé & congelé là-dedans ne
peut pas éclater & illuminer; tant que
dans les escarboucles, où il est à un suprême
degré de sa pureté, avec tous les
autres principes qui composent l'esprit
T
@

290 Livre troisième.
général du monde, & l'humide radical
Comment universel duquel les escarboucles
se font les & les rubis sont faits & composés
rubis & en cette façon, cet humide radical universel
escarbou- distillant perpétuellement des
cles. éléments, & s'insinuant dedans la terre
montant & descendant; & se circulant
ainsi perpétuellement pour se dépurer &
pour se porter où il est nécessaire, pour
entretenir la diversité des générations &
productions naturelles, parvient enfin
en quelque lieu, pur & net, rempli des
esprits coagulatifs du sel où il s'enferme,
& se congèle avec eux en pierre très
dure & éclatante, qu'on nomme escarboucle;
car cette liqueur très limpide
& très claire se venant à congeler & se
fixer par le moyen des esprits du sel, ayant
avec lui un soufre très rouge & très
éclatant, qui se congèle parmi cette
limpidité; & congelé qu'il est, est la
cause de son éclat & de son lustre, & de
son feu radieux. Les différences que les
provinces où ils croissent leur donnent,
n'est autre chose, sinon que leur eau &
leur feu n'est pas également pur & net,
en toutes provinces de la terre, mais aux
unes plus, aux autres moins; d'où selon
les degrés de pureté & netteté ils recevaient
@

des secrets Chimiques. 291
le nom de leur différence, & le
prix de leur valeur & estime; & d'autant
qu'en diverses provinces & climats de la
terre, cette pureté est plus grande aux
unes qu'aux autres, l'on leur donne le
prix de valeur selon les provinces où ils
croissent; car ceux des Indes sont les
plus estimés; ceux d'Ethiopie viennent Escarboucles
après. Les mâles sont les plus beaux, & Indiens
sont ceux qui jettent plus de feu; les femelles très
sont ceux qui reluisent moins: Et fins &
toute cette différence n'est que de la limpidité pourquoi.
& clarté de son mercure, & du feu
& de l'éclat de leur soufre.
Les rubis sont des escarboucles, mais
ils ne sont pas si luisants & éclatants;
d'autant que leur eau & mercure qui
leur a donné leur être, est plus trouble,
& n'est pas si sublimé & dépuré que celui
des escarboucles, ni leur feu & soufre
n'est pas si vif ni dépuré; tellement
qu'ils ne peuvent pas composer une pierre
si radiante & éclatante que s'ils
étaient en leur suprême degré de pureté;
qui est la cause pourquoi toutes choses
qui l'ont éclatent & reluisent. Nous
le voyons dans le bois de chêne, qui
tendant qu'il est en son naturel, il ne
donne aucun éclat ni lumière, & dès
T ij
@

292 Livre troisième.
Le bois aussitôt qu'il commence à se pourrir en
pourri du terre, sa substance se dissolvant & se séparant
chêne de ses impuretés, son sel se purifiant
pourquoi il reçoit une clarté lumineuse, &
reluit-il. belle qu'en pleine nuit il jette des
rayons de lumière, plus beaux que ceux
de l'émeraude: Quiconque pourrait
trouver le moyen de séparer cette humeur
lumineuse & la congeler & fixer
en pierre, il en ferait des pierres très
précieuses.
Grenats Les grenats sont encore de bas rubis,
d'où sont- & sont de même étoffe & matière les
ils faits. uns que les autres; mais l'humeur & le
mercure qui les compose est beaucoup
plus trouble & obscur que celui qui
compose les rubis, & leur soufre aussi
n'est pas égal en pureté; & voilà pourquoi
les grenats sont beaucoup plus obscurs
que les rubis, & ne jettent pas de
feu, aussi ne sont-ils pas si précieux &
tant en estime que les rubis.
Vertus des Je ne doute pas qu'il n'y ait des grandissimes
escarbou- vertus, & dans les escarboucles
cles, rubis & dans les rubis & grenats; mais elles
& grenats. sont si enveloppées & si étroitement
liées & enfermées dans leurs fortes murailles
qu'il est impossible qu'elles se puissent
communiquer & démontrer en
@

des secrets Chimiques. 293
évidence, sans rompre plutôt ces fortes
& dures murailles, qui ne craignent Le feu seul
aucun feu que celui qui est enclos dans qui est enclos
l'humide, qui leur a donné leur être; dans l'humide
avec lequel seul, & non avec autre, vous radical du
pourrez dissoudre en leur première matière monde peut
ces pierres si dures, & jouir par ce dissoudre
seul moyen de toutes les vertus que la les pierres.
Nature y a enfermées & encloses, comme
jalouse de nous communiquer ses
plus riches trésors.
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D E L A G E N E R A T I O N
& production des Emeraudes
& Hyacinthes.

Chapitre XX.

pict Es Emeraudes sont produites L'Emeraude
& composées de la d'où
plus pure partie de l'esprit est-elle faite?
général du monde,
en laquelle un soufre
pur, non toutefois cuit &
mûr consiste, qui lui cause & lui donne
sa verdeur. Cet esprit général du monde
rempli d'une vigueur & force céleste &
T iij
@

294 Livre troisième.
astrale, jointe à une subtile vapeur élémentaire
se convertit en eau très claire
& limpide, qui a en soi tout ce que la
Nature peut souhaiter pour la composition
de toutes choses: cette eau s'enfermant
dans les concavités d'une roche
très fine & très pure se cuit, tant par sa
propre chaleur & son soufre naturel
qui perpétuellement tend à sa coction,
que par la chaleur extrême qui est enclose
naturellement dans le centre de la terre,
qui échauffe toute la terre; cette matière
se cuit petit à petit, & se congèle
dans ses lieux souterrains en pierre luisante
& limpide, & le soufre qui est
là-dedans interne lui donne cette couleur
verte que nous y voyons; car étant
celui-là seul comme principe de mouvement
& de chaleur, qui mêle les éléments
& leurs qualités & vertus en l'émeraude,
particulièrement il introduit
la verdeur de la crudité du mercure qu'il
La couleur y congèle & fixe en pierre; que s'il le cuisait
verte se davantage cette verte couleur se
change en changerait en jaune, comme nous
jaune, & voyons par l'expérience en toutes choses
le jaune en vertes, qui par plus forte coction changent
rouge. leur couleur verte en jaune, & le
jaune se change après par plus forte coction
@

des secrets Chimiques. 295
en rouge, lequel vient clair, limpide
& luisant, par la limpidité & pureté
du mercure où il est enfermé & congelé
avec lui, par lui-même.
Les hyacinthes pareillement se forment Les hyacinthes
& se composent de la même liqueur de
vitale du monde qui s'enferme quoi sont-
dans les rochers purs & nets de toute elles faites?
sorte de terre limoneuse & fangeuse, &
se congèle, comme dit est en pierre luisante
& limpide par la vertu de sa chaleur
naturelle, & la vertu du sel coagulatif
& fixant qui est en cette liqueur vitale,
qui travaille toujours à le congeler
& fixer. Le soufre aussi qui est pareillement
dans la même liqueur se mûrissant
toujours, colore & teint cette liqueur
& lui donne cette teinture d'or éclatante
qui paraît & reluit dans les hyacinthes:
Ainsi les hyacinthes se parfont & Semence
composent dans les entrailles de la terre; des hyacinthes.
mais leur semence vient de l'eau qui jet-
te son sperme rempli de semence dans la
terre comme la matrice des semences de La terre
l'eau, où elles sont digérées, cuites & est la matrice
parfaites en métaux, minéraux où pierres, des
sels ou aluns, ou telles autres choses semences
semblables, selon les lieux où cette semence de l'eau.
tombe avec les esprits individus
T iiij
@

296 Livre troisième.
de chaque espèce pour spécifier & individuer
cette semence générale, selon
leur voeu & intention en l'espèce particulière
en laquelle ils tendent & visent.
Vertus des Les hyacinthes & les émeraudes, ainsi
hyacinthes faites & composées par la Nature, ont de
& éme- grandes & efficaces vertus, les émeraudes
raudes. pour le haut-mal & autres maladies
de la tête, & les hyacinthes pour la peste
& fièvres pestilentes & malignes: Mais
leur corps étant si compact & si fixe
qu'il est, il est impossible que ces vertus
puissent être communiquées, car elles
ne communiquent rien à cause qu'elles
ne le peuvent, parce que leur substance
n'a aucuns esprits volatils pour porter
leur vertu. Que faut-il donc faire pour
obtenir d'elles ces grandes vertus, il les
faut ramollir & réincruder leur substance,
Hyacin- cuite & fixe par la liqueur & l'humeur
thes dis- céleste & élémentaire qui leur a
soutes en donné leur être, & en faire par ce moyen
leurs prin- des émeraudes & des hyacinthes liquides
cipes. & molles, & par ce seul moyen vous
aurez des remèdes très assurés pour
guérir l'épilepsie, & préserver & guérir
de la peste & de toutes fièvres pestilentes.
@

des secrets Chimiques. 297 ----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production du Talc.
Chapitre XXI.
pict Lusieurs se mettent
en peine pour savoir réduire
le talc en huile &
eau, pour les rares & riches
trésors qu'ils pensent,
qui consistent en
cette huile & eau de talc; s'ils savaient
que c'est, ils le laisseraient là, comme
une chose inutile. Ce n'est pas le talc duquel Qu'est-ce
l'huile est si précieuse, & si merveilleuse, que talc.
mais c'est un minéral que la Nature
compose d'eau très claire avec un
peu de soufre blanc mêlés ensemble
& de sel, cuits & fixés à perfection dans
les rochers & minières du plâtre, où il se
trouve ordinairement congelé en feuilles
& tables l'une sur l'autre entassées,
luisantes comme cristal, d'où vient que
quelques-uns l'appellent étoile de terre
à cause de son éclat & de son lustre, les
autres l'appellent verre de terre; d'autant
@

298 Livre troisième.
qu'il est transparent & luisant comme
verre: tant y a que ce n'est qu'une
terre luisante, claire & diaphane, où la
limpidité du soufre blanc & du sel,
prédomine en sa composition, tellement
fixe & compacte qu'il est inviolable aux
Le talc en- forces & violences du plus fort Vulcan
fin se cal- qu'on puisse excogiter, toutefois à la fin
cine au feu est contraint d'y céder: mais l'on est impatient,
violent. & l'on ne peut avoir la patience
de le tenir dans le feu l'espace de trente
ou quarante jours, dans lesquels il se calcine,
dans un feu fort violent, tel qu'est
celui des verreries. Il ne faut pas avoir
peur qu'il s'y fonde, ni qu'il s'y convertisse
en verre, d'autant que sa matière n'y
est pas disposée, pour le peu d'humeur
mercurielle qui s'y trouve, qui est la seule
cause de fusion en toutes choses, si elle
est absente, la siccité du sel prenant en
telle façon que tous les mixtes où elle se
trouve prédominante, sont infusibles
comme les pierres.
Talc privé Or pour le talc il est tel par l'expérience
naturelle- qu'en font tous les jours tous les Alchimistes,
ment de qui se peinent après lui pour
l'humide en avoir son humide onctueux que la
onctueux. Nature ne lui a pas donné, ils veulent
en dépit de la Nature qu'il en ait, &
@

des secrets Chimiques. 299
encore par des moyens contraires à leurs
intentions; car ils le mettent dans un
grand feu le plus violent qu'ils peuvent
faire, & par ce moyen disent-ils pouvoir
parvenir à l'extraction de l'humide
onctueux qui réside en lui. Qu'ils contemplent
un peu je les prie sa composition
qui est de beaucoup de soufre &
de sel & peu d'humide, s'ils peuvent tirer
d'une chose ce qu'elle n'a point, & encore
par le moyen d'une calcination violente
qui dessèche plutôt qu'elle n'humecte;
si c'est pour ouvrir ses pores &
donner après sa calcination plus d'ingrès
à leur dissolvant, je prendrais patience;
mais ils pensent après cette violente calcination
par la seule exposition à leur
froid & humide parvenir à sa dissolution:
l'humide qui réside en l'air qui est
aqueux & flegmatique n'a pas le pouvoir
de le dissoudre, mais il s'y congèle bien
en eau & s'y condense, y étant appelé par
la sécheresse violente qui réside dans
ce talc calciné, & se change en humide
aqueux, qu'ils estiment huile de talc;
mais s'ils sont gens de bien, ils voient
bien que c'est seulement l'humide de l'air
que le talc calciné a appelé, & qu'il
n'a aucune vertu de celles que les anciens

@

300 Livre troisième.
Philosophes Chimiques lui ont
attribué.
Huile de S'ils désirent tant avoir son humide
talc. onctueux, encore qu'il soit petit en quantité,
il s'y faut comporter d'autre façon
qu'on ne fait: Il faut plutôt avoir cet
humide radical onctueux, qui réside copieusement
en l'air, & le priver par coction
continuelle de son humide
aqueux. Avec cet humide radical aérien
vous dissoudrez parfaitement notre talc
sans aucune précédente calcination, &
tirerez d'icelui cette huile tant précieuse,
que les Anciens ont tant chantée &
déclarée par leurs écrits, qui est l'amour
& les délices des Dames pour embellir
Qu'est-ce leur visage & leur teint. Ce n'est pas
que le toutefois tant l'humide onctueux du talc
vrai talc que l'humide onctueux de l'air, lequel
des Sages. fixe & coagulé en soufre blanc est le
vrai talc des Philosophes anciens, & le
vrai fard des Dames.
C'est celui-ci qui a les vertus & propriétés
incroyables de la vraie huile de
talc, que les Philosophes anciens ont
tant loué, & que les modernes cherchent
avec passion, mais non aux mines où il
se trouve: Ils pensent le trouver dans la
terre, & tous vont là vers cet élément à
@

des secrets Chimiques. 301
bride abattue: Et cependant c'est dans Graisse &
l'eau qu'il le faut chercher, l'huile & la huile de
graisse de laquelle est le trésor des l'eau trésor
trésors de ce monde, & le vrai baume de la
naturel pour entretenir toutes choses en terre.
leur embonpoint; duquel les anciens
n'ont parlé que par énigme & emblème,
de peur de découvrir aux indignes des
secrets qu'ils ne méritent point, & desquels
ils ne voudraient user à la gloire de
Dieu, & au bien & utilité de leur prochain;
mais tant seulement pour leurs
plaisirs & voluptés, ce qui redonderait*
plutôt à leur dommage qu'à leur
profit devant le Créateur de toutes
choses.
@

302 Livre troisième. ---------------------------------------- C O N C L U S I O N D U troisième livre des secrets Chimiques.
Chapitre XXII.

pict E pourrais poursuivre
encore le discours de la
génération & production
particulière des pierres
précieuses, mais il me
semble que ce que j'en
ai écrit suffit pour entendre toutes les
autres générations & productions particulières
de toutes les autres pierres particulières
qui restent à décrire, la différence
desquelles dépend tant seulement
de leur diverse & différente coction, de
la quantité de leurs principes, prédominants
ou étant moindres les uns que
D'où vient- les autres en leur composition. Car de la
nent les diverse quantité du soufre & de sa diverse
couleurs & coction proviennent toutes les différentes
dureté ès couleurs qui peuvent être dans
pierres & les pierres précieuses, & de l'abondance
leur éclat. du sel & de sa ferme & constante fixation
@

des secrets Chimiques. 303
provient la dureté & fermeté des pierres
& de la limpidité & clarté de leur mercure
dépend leur lumière & rayons & leurs
feux; car encore qu'elles aient beaucoup
de soufre, si leur eau n'est claire & limpide,
ce feu qui est leur soufre est
enclos & emprisonné dans leur noire prison;
où il ne jette aucun éclat: Ainsi si le
sel n'est copieux & abondant & fixé &
permanent en leur composition, il ne
peut endurcir & affermir la mollesse de
leur mercure, & si leur mercure n'est entièrement
dépuré de tout limon élémentaire,
jamais les pierres ne peuvent
être luisantes ni éclatantes comme
l'on voit dans les turquoises auxquelles le Turquoises
soufre est copieux, & le mercure plein pourquoi
de limon terrestre; vous y voyez aussi une n'éclatent-
très belle couleur bleue, qui dépend de elles pas.
l'abondance de son soufre, mais elle est
sans éclat ni lumière quelconque. Les
jaspes & marbres de toutes couleurs sont
pareils en composition, & abondant en
soufre, mais leur mercure est tout limoneux,
& ce limon n'ayant point été
séparé de son mercure, mais fixé & coagulé
avec lui obscurcit le marbre, mais
il ne reste d'avoir de très belles couleurs
selon la diversité de son soufre qui prédomine
@

304 Livre troisième.
en sa composition, qui selon
diverse coction fait naître & paraître
les diverses couleurs qui sont ès marbres
& jaspes.
Tableaux J'y ai vu des peintures des plus excellentes
naturels es & exquises qu'on en pourrait
marbres & trouver chez les plus fameux peintres de
jaspes. Rome & d'Anvers; c'est que la Nature
est douée en son intérieur de toute sorte
d'arts, & son Créateur l'a pourvue de
toute sorte de dons & sciences, aux
moyens desquels elle se forme & se figure
toutes les formes qu'elle veut: Et si
ces dons & sciences n'étaient plutôt
dans l'intérieur de la Nature, l'art n'eût
jamais su inventer de lui-même ces
formes & figures, & n'eût jamais su
peindre un arbre, une fleur, si la Nature
ne l'eût jamais faite: Et nous admirons
& sommes ravis en extase quand nous
voyons dans des marbres & dans des
jaspes des hommes, des Anges, des
bêtes, des bâtiments, des vignes, des
prés émaillés de toute sorte de fleurs,
& ne considérons pas que la même Nature,
qui les fait réellement & de fait en
leur genre & en leur espèce; c'est cela
même qui les fait & les peint sur le marbre,
& hors de leur étoffe ordinaire: Si
elle
@

des secrets Chimiques. 305
elle les animait là, comme dans leur propre
matière, il y aurait de quoi se ravir &
s'étonner, mais de n'y voir que la figure,
les Sages n'ont de quoi s'émerveiller;
car la Nature le peut bien, puisque son
disciple qui est l'art le peut, mais non
pas si parfaitement qu'elle. Aussi voyons-
nous ces tableaux naturels dans les marbres
& dans les jaspes être plus exquis &
plus parfaits de beaucoup, que ceux que
l'art nous propose; les couleurs de l'artifice
n'étant jamais si parfaites & si vives
& éclatantes que celles que la Nature
emploie en ces tableaux naturels.
Et si elle est merveilleuse en peinture,
elle n'est moins rare & excellente en
sculpture & imagerie; car j'ai vu dans
des grottes & cavernes de la terre, au
pays de Languedoc près de Soreze, dans
une caverne appelée en langage vulgaire
le tranc del Caleil, des traits de sculpture
& d'imagerie les plus parfaits qu'on
saurait souhaiter; les plus curieux les
peuvent aller voir, ils les verront insérées
& attachées dans les rochers de mille
sorte de figures, qui ravissent la vue des
spectateurs. Jamais sculpteur n'est entré là-
dedans pour y tailler ni ciseler image,
& cependant vous y en trouvez de très
V
@

306 Livre troisième.
Nature est parfaites; Ce qui nous doit induire à
douée de croire que la Nature est douée des dons
toute sorte & sciences merveilleuses que son Créateur
de science lui a donnés, pour savoir travailler
& arts. diversement, comme elle fait en toute
sorte de matières; car ces esprits mécaniques
desquels toute la suite &
équipage est composée, ce sont des maîtres
très excellents & experts, en fait de
former & composer figures de toute sorte
d'espèce & de genre: Et ces esprits ne
sont point des démons ni des Anges,
comme quelques-uns ont voulu croire,
que les démons souterrains s'occupaient
quelquefois à tailler & ciseler les marbres
en très parfaites images, ce qui est
ridicule à croire; mais se font des substances
subtiles, célestes, ignées, &
aériennes qui résident dans l'esprit général
du monde, qui ont la vertu & le pouvoir
de le disposer en toutes sortes de figures
& formes que la matière peut souhaiter;
aucune fois hors du genre & de
l'espèce où la figure se trouve ordinairement,
comme la figure d'un boeuf, ou de
telle autre figure animale qu'on pourrait
s'imaginer, dans des marbres, pierres, &
bois: ces figures dépendent de la vertu
naturelle des esprits Architectoniques
@

des secrets Chimiques. 307
qui sont dans la Nature, comme l'on voit
par expérience dans la racine de la fougère, La racine
laquelle coupée en biais & en pied- de fougère
de-biche représente parfaitement la figure a figure
de l'Aigle Romaine; cette figure n'est d'Aigle Romaine.
inférée là-dedans que par les esprits de la
fougère, qui ont quelque rapport inséparable
avec l'Aigle: & voilà pourquoi
cette figure se trouve toujours inséparablement
peinte & figurée dans la racine
de la fougère, qui doit servir aux aigles de
quelque grand secret pour leur santé, ce
qu'on pourrait découvrir si l'on y prenait
garde, blessant où rendant malades
ses petits pendant qu'ils sont dans le
nid, & que les pères les nourrissent: Car Mystère de
cette figure d'aigle n'est pas naturellement l'Aigle Romain
peinte dans toutes les racines de la peinte
fougère sans quelque mystère, qui appartient en la racine
aux aigles. L'Empire Romain de la
y trouve aussi son particulier mystère, fougère.
pour le Domaine général & universel
qu'il doit avoir sur toutes les provinces
de la terre; car la fougère croît par tous
les coins du monde; & ainsi les armes de
l'Empire Romain se trouvent naturelles
par toute la terre.
V ij
@

308 Livre troisième.
pict

D E S E L E M E N T S
ET PRINCIPES DES
Secrets Chimiques,
où la Nature des végétaux est
découverte.

L I V R E Q U A T R I E M E.
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production des végétaux
en général.

Chapitre Premier.

Création pict Ous les végétaux en
des végé- général furent produits,
taux. ou plutôt créés, pendant
que la Nature
était en son berceau, &
qu'elle suçait encore le
lait récent des mamelles que son
@

des secrets Chimiques. 309
Créateur lui avait données pour se nourrir
& conserver: ils furent, dis-je, créés
par la Toute-puissance Divine, qui
tout à coup par sa parole orna la terre
universelle de tous les végétaux principaux
qui lui plût, leur donnant une
vertu & puissance végétative, par le
moyen de laquelle ils ont pouvoir de se
multiplier & croître en leur espèce, sans
jamais manquer ni finir: Car cette vertu
végétative produit une semence, dans
laquelle gît une puissance & vertu multiplicative
de ses semblables qui ne manque
jamais. Ainsi les végétaux se sont
entretenus & maintenus par le moyen
de cette semence manifeste qui se produit
& s'engendre en eux, & se maintiennent
& se maintiendront jusques à la fin
du monde. Cette semence donc est à
présent la cause immédiate de leur production
& de leur génération; quiconque
veut rechercher la cause immédiate
de leur production, il faut qu'il recherche
les principes de cette semence: Et De quoi est
pour ne point manquer, il faut qu'il faite la semence
contemple de quoi se nourrissent les végétaux; des
car s'il connaît parfaitement l'aliment végétaux.
des végétaux, il connaîtra pareillement
de quoi est faite leur semence,
V iij
@

310 Livre quatrième.
puisque la semence est de même
étoffe que le corps qui la contient, &
puisque le corps est fait & composé de la
même chose, de laquelle il est nourri
& conservé en son être. Si nous venons
à comprendre la matière de l'aliment,
j'entends de l'aliment dernier, & duquel
immédiatement les végétaux sont nourris,
nous viendrons facilement à comprendre
la matière de la semence de tous
végétaux; & de là nous obtiendrons la
connaissance entière & parfaite de la
Nature, de tous avec leurs vertus &
propriétés, tant en général qu'en particulier.
Ils sont tous fichés en terre pour y
prendre leur aliment; il faut voir à présent
qu'est-ce que la terre leur donne
pour pain quotidien & viande ordinaire,
pour les nourrir tous indifféremment.
Nourritu- Elle se trouve n'avoir que de l'eau pour
re & der- leur pâture; quand cette eau manque,
nier ali- les végétaux privés de leur pâture ordinaire
ment des meurent & manquent. L'aliment
végétaux. donc ordinaire & général de tous les végétaux
est l'eau: Il faut voir à présent si
cette eau, est eau simple & élémentaire,
ou bien si c'est quelque liqueur ou nectar
divin & céleste qui sous la forme de l'eau
@

des secrets Chimiques. 311
ait en soi enclos toutes les vertus naturelles
de ce grand Univers.
Il est très vrai que la Nature comme Aliment
sage & très chère mère de toutes choses, des végétaux.
voulant & souhaitant tout entretenir &
nourrir le plus délicatement qu'elle
peut, elle fait un restaurant & une gelée
très délicate de la quintessence de tous
les éléments, & du plus pur des influences
célestes qu'elle mêle ensemble, &
en fait une liqueur propre & convenable
à nourrir toutes choses; laquelle liqueur
elle épand tous les jours sur la superficie
de toute la terre, qui pénètre toute la
terre & tous les éléments, pour y nourrir
& conserver par son seul aliment tous les
habitants & citoyens qui s'y trouvent logés;
& les végétaux étant du nombre,
ils en sont aussi nourris & alimentés très
parfaitement. Ils sucent par leurs racines
cette liqueur, & la distribuent par
tous leurs membres; lesquels par leur
chaleur naturelle la cuisent & digèrent,
& la convertissent en leur propre substance;
& de la plus pure partie de cette
humeur digérée & cuite dans leurs propres
membres, ils en forment un corps,
dans lequel particulièrement gît & consiste
leur semence; car tout ce corps
V iiij
@

312 Livre quatrième.
n'est pas semence, mais quelque particulière
portion qu'on y voit, séparée &
La semen- distincte du corps où elle est; Lequel
ce des vé- corps quand il vient à être jeté en terre
gétaux se pour y germer & produire son semblable,
dissout en vient à se dissoudre dans l'humeur
terre pour qui réside dans la terre, de laquelle tous les
multiplier. végétaux se nourrissent, & duquel nous
avons dit que cette semence est faite &
formée.
Semence Tellement que nous voyons très clairement
des végé- que la semence des végétaux est
taux de faite & composée de la quintessence des
quoi com- quatre éléments, & de l'esprit céleste
posée. de tous les Astres, qui descend en terre
par le moyen de leur influence, pour se
marier en terre avec les éléments; en cette
façon les éléments donnent une vapeur
qui tend vers le Ciel, & le Ciel donne
des rayons qui se mêlent avec cette
vapeur & constituent cette liqueur restaurative
de toutes choses, laquelle fixée
& congelée est plus précieuse que toute
la terre ensemble.
Nous pouvons donc d'ici philosopher
que la production & génération de tous
les végétaux, en général, dépend de
cette liqueur élémentaire, qui enferme
en soi les vertus & propriétés de toute la
@

des secrets Chimiques. 313
Nature, laquelle s'individue & se spécifie
dans les végétaux particuliers qu'elle
alimente: Car étant attirée par les racines
de la rose, elle se fait rose, & a toutes les
vertus de la rose, & étant attirée par un
pommier, figuier, ou poirier, elle se fait
pommier, figuier, & poirier, & a toutes
les vertus & propriétés, & ainsi conséquemment
de tous les autres, chacun a
le pouvoir d'attirer cet aliment: Cette
vertu attractive vient de la partie fixe &
permanente qui est en eux, qui étant
semblable à cette liqueur divine a le pouvoir
par sa ressemblance de l'attirer à soi
pour s'en nourrir & maintenir. Or elle Moyen
est semblable, car elle en a été faite d'attirer
comme vous avez vu par le discours les vertus
précédent; D'ici sortent mille secrets des végétaux.
pour attirer les vertus & propriétés des
végétaux; car si vous savez rendre cette
liqueur alimenteuse des végétaux, toute Secret très
aérienne & toute de feu; c'est-à-dire que grand pour
l'air & le feu qui sont occultes en icelle & avoir les
cachés dans son centre, soient manifestes vertus des
& apparents, vous posséderez un médion végétaux.
& une ventouse pour attirer & soi
toutes les vertus des végétaux, & les rendre
beaucoup plus fortes qu'elles n'étaient
dans les végétaux; car cette liqueur
@

314 Livre quatrième.
étant copieuse & abondante, attirera
à soi toute l'autre humeur radicale,
qui contient en soi toutes les vertus végétales,
qui lui communiquant à l'instant
ses propriétés & vertus, & les débarrassera
de la crasse élémentaire;
& par ainsi les rendra beaucoup plus agiles
& plus efficaces qu'elles n'étaient
auparavant, pendant le temps qu'elles
étaient dans leurs corps crasses & élémentaires;
car cette liqueur qui les a tirés &
séparés de leurs corps a la propriété &
vertu de leur augmenter, & croître toutes
leurs vertus; car elle est la source &
la fontaine des vertus naturelles de chaque
végétal, & de tous les individus qui
sont dans la Nature, comme nous verrons
dans les Chapitres particuliers des
végétaux.
@

des secrets Chimiques. 315 ----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production de la vigne.
Chapitre II.
pict Out le monde connaît la
vigne & son fruit, sauf quelques Septentrionaux qui n'en ont jamais vu qu'en peinture, mais tant ceux-là que ceux-ci, ignorent entièrement de
quelle étoffe la Nature l'a faite & construite,
& par quel moyen de la même
matière qu'elle est construite elle engendre
& produit les raisins, du suc desquels
se fait le vin, boisson très agréable.
Tous les Philosophes sont d'accord que toutes choses sont faites & composées
de la mixtion des quatre éléments,
sans traiter plus avant ce mystère de la
mixtion des quatre éléments, & comment
de cette mixtion, la forme particulière
de chaque chose s'engendre & se
produit, & se met en lumière: Car les
éléments se mêlant ne constituent pas
immédiatement les individus, mais ils se

@

316 Livre quatrième.
Les élé- mêlent plutôt, & de cette mixtion que
ments ne nous avons appelée ci-devant semence
sont point universelle du monde & sperme général,
immédia- mercure de vie, soufre vital, & de plusieurs
tement autres noms, se font & composent
mixtes. après les individus particuliers de chaque
chose, comme il se verra clairement
en ce Chapitre particulier de la vigne,
laquelle se produit & s'engendre en cette
façon du mercure de vie, & de cette
semence universelle.
Comment Toutes choses sont faites & composées
s'engendre de la même étoffe, de laquelle elles
la vigne. sont nourries. Nous voyons que la vigne
attire par ses racines qu'elle a fichées en
terre cette semence universelle, qui est
épandue par toute la terre & par tous les
éléments, pour nourrir leurs habitants:
Elle, dis-je, attire à soi cette semence universelle,
qui est une eau visqueuse &
gluante, grasse & remplie de la quintessence
de tous les éléments, & de la quintessence
de tous les Astres; & l'ayant attirée
à soi, la cuit & digère par sa chaleur
naturelle, séparant le pur de l'impur, convertit
le pur en ses plus pures parties, &
l'impur en ses grosses écorces: Ainsi puisqu'elle
s'en nourrit, elle aussi en devait
être faite & composée au commencement
@

des secrets Chimiques. 317
de son être: Car Dieu au commencement La semence
de l'être des choses, créant générale
la Nature & cette semence universelle, a en soi
il y mit la puissance universelle de toutes toutes formes.
choses que la Nature pouvait faire &
engendrer; or cette puissance & vertu séminale
qui est naturelle dans la semence
générale pour toutes choses, c'est la vertu
& puissance de produire les formes
particulières qu'elle a intention de produire,
en spécifiant & individuant cette
semence universelle: Comme quand
elle fit & composa la vigne au commencement,
& qu'elle encore l'a pu produire
en des lieux où il n'y a aucune semence
propre & individuelle de la vigne, elle
digéra & cuit cette semence universelle,
& tira de son centre même la forme particulière
qu'il faut à la vigne, avec toutes
ses vertus & propriétés, & fit la
vigne portant fruit selon son espèce.
Ainsi toutes choses se firent, & encore
se font de même tous les jours: Nous
voyons que le suc des raisins tout fraîchement
trié & extrait d'eux n'est pas
encore vin, mais nous voyons comme la
Nature qui est dans ce suc opère, cuit &
digère par sa chaleur naturelle ce suc, le
fait bouillir & petit à petit le conduit à la
@

318 Livre quatrième.
perfection du vin, tirant de son centre même la forme particulière & individuelle du vin, avec toutes ces vertus & propriétés, qui étaient toutefois occultes & cachées dans le suc des raisins, & encore plus cachées dans l'aliment de sa souche & de la vigne, qui a produit de cet aliment le raisin d'où est venu le vin: Et voilà comme la Nature met en lumière & pousse dehors de son chaos toutes choses qu'elle y contient cachées, attendant le temps, & choisissant les lieux propres & commodes pour ce faire; car en tout temps & en tous lieux elle ne produit pas toutes choses, mais en un temps particulier & en un lieu certain, elle produit telle & telle chose, qu'en un autre temps & en un autre lieu elle pourrait produire; d'autant que le temps & les lieux particuliers lui servent d'organes; & lui sont comme des instruments propres & convenables pour préparer sa matière & la disposer à la génération & production des choses particulières. Car le Ciel qui roule continuellement autour des éléments, par ce mouvement continuel met & infuse des dispositions particulières dans les lieux, qui sont les matrices des productions des
@

des secrets Chimiques. 319
choses, en un temps plutôt qu'en un
autre; car les saisons sont diverses, & icelles
ont diverses influences & divers
Astres qui dominent & qui président en
icelles; ce qui fait que l'Hiver n'est pas
semblable au Printemps, ni le Printemps
à l'Eté, ni l'Eté à l'Automne, ni l'Automne
à l'Hiver; & partant aussi les productions
& générations qui se font en
ces saisons sont aussi différentes, bien
qu'elles aient toutes une même & pareille
matière, mais elle est diversement
disposée par les divers & différents agents
qui se trouvent en ces diverses saisons,
dans les divers lieux & climats de la terre.
Ainsi par tous les lieux Méridionaux, &
Orientaux & Occidentaux, la vigne se Lieux &
peut produire & engendrer par le moyen climats de
de l'esprit général du monde, qui est cette la terre où
quintessence élémentaire & Astrale, la vigne peut
qui digérée & disposée dans ces lieux croître.
propres & commodes à sa nourriture &
aliment, vient par cette disposition à tirer
de son centre même la forme particulière
& spécifique de la vigne, douée
de toutes ses vertus & propriétés; qui
après contient en elle-même cette vertu
séminale, qui a le pouvoir de se multiplier
à l'infini, & se provignant soi-même,
@

320 Livre quatrième.
d'où est venu ce bel ordre des vignes
qu'on voit en toutes les campagnes des
régions, où la vigne se plaît, qui sont
chaudes, ou tempérées pour le moins; car
où le froid domine, cette plante ne croît
point, car elle abonde en esprit de vie,
qui ne se peut élaborer & digérer à sa
perfection dans les climats froids; Partant
quiconque plantera vigne, qu'il ait
soin de la planter toujours du côté du
Midi, Orient ou Occident, & jamais
vers le Septentrion, s'il ne veut avoir
& recueillir du verjus, & du vin verdelet.
Vertus & Par le moyen de la semence universelle
propriétés & mercure du monde, duquel la vigne
de la vigne. est composée, vous avez moyen d'extraire
de la vigne toutes ses vertus & propriétés,
tant de son bois, de sa feuille, de
son fruit, que du vin, & de son tartre,
de toutes lesquelles choses vous pouvez
tirer quantité de médicaments de différentes
vertus, entre autres des feuilles de
vigne, lorsqu'elles sont rouges & qu'elles
tombent d'elles-mêmes, se tire un extrait
si astringent, qu'il n'y a remède
plus excellent en la Nature, pour la cure
des dysenteries & flux de ventre, voire
même cette poudre des feuilles de vigne
gne
@

des secrets Chimiques. 321
séchées à lente chaleur dans un four Cure des
est miraculeuse pour cet effet, mêlée dysenteries.
parmi du cotignac en quantité d'une
dragme; & avec l'eau-de-vie & vinaigre
qui se tire du même mercure du
monde, comme vous avez vu dans le
second livre de la présente oeuvre, vous
pouvez tirer un sel fixe & volatil du tartre
du vin, qui cuit & fixe à perfection, est
la médecine parfaite pour guérir le vin Médecine
de tous ces vices & impuretés, en mettant pour guérir
certaine quantité de cette Médecine le vin de
dans les tonneaux & vaisseaux où le ses vices.
vin gâté & corrompu est contenu. Les Lampes$
lampes ardentes de l'antiquité qui brûlaient ardentes
perpétuellement sans s'éteindre, d'où sont-
se faisaient & composaient par le moyen elles faites?
de cette eau ardente fixée avec son sel, &
unie avec lui inséparablement par le
moyen du feu. Des baumes plus excellents
se peuvent extraire du vin, par ce
même moyen: Si je n'enseigne la méthode
particulière pour ce faire, c'est assez
de la coter & de le dire; car ceux qui
sont maîtres en cet art le sauront assez
faire & conduire à perfection, par le
moyen de la seule coction perpétuelle &
longue de neuf à dix mois, jusques à parfaite
coagulation & fixation de ces divines
@

322 Livre quatrième.
liqueurs, dans les vaisseaux propres
& aptes à ce faire, par un feu lent & bénin,
qui cuit & digère incessamment
cette matière & la conduit à son terme
destiné.
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production des Pommiers,
Poiriers, Pruniers &
Figuiers.

Chapitre III.

La Natu- pict Ue la Nature est merveilleuse
re compose en ses oeuvres?
tout d'une d'une seule matière elle
même compose toutes choses,
chose. qui sont entièrement différentes,
pour faire des
pommiers, poiriers, pruniers & figuiers;
elle commence en une seule matière, laquelle
elle prépare & dispose en telle façon,
que petit à petit elle la rend propre
& convenable à produire tant seulement
ce qu'elle a intention de produire
individuellement & non toutes choses:
Elle est si savante & industrieuse qu'elle
@

des secrets Chimiques. 323
y sait introduire la forme qu'elle
veut, & l'y ayant introduite elle fait encore
que cette forme y grave tellement
ses marques & ses qualités, que tant que
l'individu persiste en son être, il a puis
après toujours le pouvoir de produire
son semblable, & de se multiplier en son
espèce; & c'est toujours par le pouvoir
& l'industrie de cette savante ouvrière,
qui réside perpétuellement en lui; car
sans elle il n'aurait aucun de ces pouvoirs:
Or elle est tellement interne à
cette matière unique qu'elle a pour produire
toujours d'elle seule, & par elle
seule toutes choses, qu'elle & cette matière
ne sont qu'une même chose sans
distinction ni différence; tellement que
quiconque connaît parfaitement cette
matière, il connaît aussi parfaitement la
Nature, & tout ce qui dépend d'elle:
Nous disons tous que la Nature fait tout; Nature &
& peu oseraient dire, cette matière fait la vertu
tout; car il y a peu de gens qui la connaissent, nutritive
& partant ils ne lui peuvent donner des choses
cette puissance; mais à la Nature ils est la même
n'en font pas difficulté: jusques au plus chose.
chétif Paysan & ignorant du monde, il
ne fera difficulté aucune d'attribuer toutes
les merveilles du monde à la Nature,
X ij
@

324 Livre quatrième.
& interrogé qu'est-ce qu'il entend par
Nature; il répondra que tout ce qu'on
voit est Nature, qu'elle est si grande qu'-
elle comprend tout le monde; mais de
lui faire croire qu'elle est enfermée dans
une seule matière, qui spirituellement
diffuse, se trouve partout, & occupe la
grandeur, & tout l'espace de tous les
éléments, afin qu'elle puisse produire en
tous lieux les choses qu'elle doit produire:
Il faut le rendre grand Philosophe
La lumière pour lui faire croire ces mystères: Car de
des Astres croire que la lumière du Soleil & de tous
s'incorpore les Astres s'incorpore & se mêle avec les
avec les éléments, & que de ce mélange se fait
éléments, une vapeur, & que cette vapeur monte
& font la & descend, recevant toujours l'influence
matière des Astres, se fait tous les jours liqueur,
qu'on ap- qui est la vie & l'aliment universel
pelle Na- de toutes choses. Cette liqueur tombe
ture. en terre, comme en son lieu destiné,
qui est l'universel garde-manger de toutes
choses: c'est pourquoi toutes choses
cherchent leur vie dans la terre. Vous
voyez tous les animaux demander à la
terre leur pain quotidien; tous les végétaux
avoir leurs racines fichées en terre,
pour en sucer continuellement cet
aliment qui de soi-même s'y verse tous
@

des secrets Chimiques. 325
les jours; leur faire voir à l'oeil tout ceci,
& le leur faire toucher, c'est les rendre
des grands Philosophes; ils verront &
connaîtront par là, que la même chose
qui donne l'être au pommier la donne
aussi au poirier, prunier & figuier, il n'y
a seulement autre différence, qu'en disposant
cette matière pour le pommier; la
chaleur naturelle de cette matière que
nous appelons soufre, y met & introduit
particulièrement quelques dispositions
qu'elle ne met pas au poirier; & au
poirier elle y met quelque disposition
particulière qu'elle ne met pas au prunier
ni au figuier; & ainsi cette seule &
pareille matière recevant diverses & différentes
dispositions, produit & engendre
différents & divers individus, & cette
disposition différente demeure tellement
empreinte en cet individu, qu'après
à jamais en se nourrissant & s'entretenant
de même matière, cette disposition
particulière a le pouvoir de disposer Comment
cette matière entièrement universelle s'engendrent
& indifférente à toute espèce, pour sa les pommiers,
nourriture particulière & son entretien; poiriers, pruniers
& ainsi se produisent les pommiers, poiriers, & figuiers.
pruniers & figuiers. La Nature
baille & fournit cette matière universelle
X iij
@

326 Livre quatrième.
que nous avons dit ci-devant en
force lieux être composée de la quintessence
& pureté des quatre éléments, &
de la quintessence de tous les Astres
qui se mêlent ensemble pour faire cette
matière universelle, qui a une infinité
de noms, & dont le premier & principal
c'est la vie naturelle de toutes choses,
& la base & fondement de l'être des
choses naturelles, qui en la génération
& production des pommiers, figuiers,
pruniers & poiriers ne fait que recevoir
la disposition particulière pour ces arbres
L'esprit gé- de son centre même: Car cette matière
néral est un possède en elle-même une chaleur vitale,
Maître li- qui est l'Architecte de toute forme,
boron. & le Maître liboron de tous métiers, il
sait faire tout & n'ignore rien, sans lui
la Nature est morte & n'a aucune vertu:
Et c'est cette vertu que Dieu infusa dans
les éléments, au commencement de la
Création du monde, pour produire toutes
choses, lorsqu'il commanda à la terre
de produire & germer l'herbe verdoyante,
& aux arbres de produire leur
fruit chacun selon son espèce, & aux
animaux de croître & de multiplier chacun
en son espèce, pour lors cette matière
fut ornée & qualifiée de la vertu de
@

des secrets Chimiques. 327
produire toutes choses, car elle reçut
aussi le pouvoir de les nourrir & alimenter.
Partant très sages sont les Médecins
qui contemplent ces mystères, méditent
tous les jours à connaître cette matière,
au nom de laquelle ils ont le pouvoir de
connaître les vertus de toutes choses, &
de les tirer & extraire, & encore multiplier
de beaucoup, pour survenir aux nécessités
de leurs malades: Ils auront par Secret merveilleux
ce moyen les vertus entières, & encore pour
beaucoup plus grandes & efficaces des faire porter
pommiers, poiriers, pruniers & figuiers fruit plusieurs
& de leurs fruits, & feront avec icelle fois en l'année
des merveilles en ces individus, les remettant aux arbres.
en leur vigueur & force, & leur
faisant même porter fruit, plusieurs
fois dans une même année, pourvu
que cet aliment soit entièrement dépuré
de toutes ses ordures, & cuit parfaitement
jusqu'à ce que le feu y ait introduit
sa teinture; car auparavant vous ne Teinture
pourrez voir les merveilles & miracles, de feu merveilleuses.
de cette matière; d'autant qu'elle est ensevelie
dans tant de crudités superflues,
que ses vertus & puissances sont quasi
dans le tombeau & toutes mortes, si par
le moyen du feu tempéré & modéré,
X iiij
@

328 Livre quatrième.
elles ne sont ressuscitées & exhalées en
quintessence de feu, qui est une matière
belle, claire & luisante, & éclatante
comme rubis, qui contient avec
grande éminence toutes les vertus naturelles.
----------------------------------------
D E L A P R O D U C T I O N
& génération des Amandiers,
Noyers & Noisetiers.

Chapitre IV.

Nature pict Est une merveille à la
d'une mê- vérité que de voir travailler
me chose la Nature sur une
fait tout. même chose, dans un
même sujet, & en faire
tant de diverses choses.
Les amandiers, noyers & noisetiers avec
tout le reste des arbres portant fruits,
en peuvent rendre un suffisant témoignage;
car de la même liqueur qu'ils
sont nourris & entretenus ils produisent
leur bois, leurs feuilles, leur écorce,
leurs fleurs & leurs fruits, qui ont en eux
cinq ou six parties différentes l'une de
@

des secrets Chimiques. 329
l'autre. Premièrement l'amande ou le
noyau qui est au-dedans de sa coque, est
fait & composé de trois parties; du
noyau, du germe qui est au bout du
noyau, & d'une peau qui couvre le tout,
& la coque d'autre trois parties, de la
première & seconde table, qui est divisée
l'une de l'autre par des petits filaments
qui peuvent faire la quatrième
partie, avec la dernière peau ou écorce
verte qui couvre le tout, qui est nourri
d'une seule liqueur, homogène & semblable
en toutes ses parties, qui s'épandant
par la seule coction différente qu'elle
reçoit en ses diverses parties, elle se
rend différente; & même qui par sa seule
coction intérieure de son seul soufre
ou feu vital dont elle est pleine, fait &
compose toutes ces différentes parties,
par la science & don spécifique qu'elle a
reçu de son Créateur Tout-puissant, Comme
qui a voulu que comme il est seul, & que d'un seul Dieu
de lui seul toutes choses ont été faites tout procède,
& créées, que d'une seule chose aussi toutes tout aussi est
choses fussent faites & entretenues, nourri & fait
depuis qu'elles ont été tirées par sa toute à une chose.
puissance de l'abîme du chaos, &
du centre du pur néant; Car de chercher
des raisons pourquoi cette unique &
@

330 Livre quatrième.
seule matière a le pouvoir de faire &
composer toutes choses, c'est chercher
le pourquoi au tout-puissant pouvoir
de Dieu; & vouloir savoir pourquoi
Dieu est Tout-puissant; à quoi nous ne
pouvons répondre sinon qu'il faut de nécessité
que Dieu soit Tout-puissant pour
être Dieu, & qu'autrement il ne pourrait
Pourquoi être tel. Ainsi pouvons-nous dire de
la matière notre matière universelle, elle a le pouvoir
première a de faire & composer toutes choses;
le pouvoir d'autant qu'il faut de nécessité que pour
de produi- être matière universelle elle ait le pouvoir
re toutes universel de composer & faire tout;
choses. Et cette puissance ne lui étant point
venue d'elle-même; car si cela était il
n'y aurait entr'elle & Dieu nulle différence:
Il faut de nécessité que ce pouvoir
lui ait été donné de celui qui a essentiellement
de soi-même, & non
d'autre, cette puissance infinie, & beaucoup
plus infiniment infinie que ne peut
avoir cette matière universelle; que bien
que nous disions qu'elle a un pouvoir
universel, ce n'est pas pourtant que nous
accordions qu'elle a un pouvoir infini,
mais un pouvoir qui ressemble à l'infini,
pour la génération du nombre des individus
naturels: Car qui est celui qui
@

des secrets Chimiques. 331
peut comprendre le nombre des choses Pouvoir de
que la Nature a faites depuis la Création, la matière
& le nombre des choses qu'elle doit première
encore faire & composer avant qu'elle limité &
finisse & cesse de faire & composer. Ce terminé.
pouvoir ressemble infini, mais à la vérité
il est terminé, & a ses limites dans l'infinie
puissance de son Créateur.
Assurons donc que notre matière
universelle, dont toutes choses sont faites
& composées, est douée & ornée par
le tout-puissant pouvoir de son Créateur;
de la science & de l'artifice de composer
toutes choses, & qu'en la naissance
& composition des noyers, elle ne travaille
que sur une seule chose qui est De quoi
elle-même: Elle le montre par expérience fait la Nature
& les met devant les yeux d'un les noyers,
chacun; car elle ne travaille après avoir amandiers &
fait & composé un noyer, amandier, ou noisetiers.
noisetier tout parfait, qu'à faire de la même
étoffe qu'elle fait ces arbres; elle ne
travaille, dis-je, après qu'à faire leur
fruit, dans lequel elle produit un germe
particulier, qui est distinct & différent du
fruit, dans lequel germe tout son pouvoir
est raccourci; car ce germe a le pouvoir
de produire & faire un noyer, un
@

332 Livre quatrième.
amandier & noisetier, selon qu'est le
germe.
Tellement que nous voyons clairement
que le germe est une substance unique,
homogène & semblable en toutes
ses parties, où est enfermé le pouvoir de
produire & engendrer un arbre différent
en toutes ses parties. Ce qui nous témoigne
clairement que toutes choses
sont produites d'une matière universelle,
& que les amandiers, noyers & noisetiers
pareillement n'ont qu'une même matière,
pour les produire & engendrer sur
terre, & que la coction d'icelle fait toute
la différence, & que cette coction dépend
de son feu intérieur, & de son soufre
Le soufre vital, qui est l'artifice si subtil & ingénieux,
vital fait pour faire & manifester ces
la diversi- merveilles en la Nature: Et ceux qui
té ès choses veulent encore faire des merveilles sur
par sa co- les fruits & sur les arbres sus-nommés,
ction. faut de nécessité qu'ils aient ce feu &
matière de laquelle ils sont faits & composés;
car autrement ils ne peuvent
Fruit voir rien qui vaille; mais avec ses ingénieurs
trois ou ils leur feront porter fruit trois ou
quatre fois quatre fois l'année, & si beaux qu'ils voudront,
l'année & en si grande quantité qu'il faudra
rapporté. les étançonner pour empêcher
@

des secrets Chimiques. 333
qu'ils ne rompent, & leur vertu nutritive
sera encore plus grande.
----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production des Fleurs.
Chapitre V.
pict Est ici où l'homme a raison Les fleurs
de se ravir en admiration, sont aussi
& demeurer suspendu précieuses en
en extase, contemplant & la Nature que
méditant la production & les pierres
génération des fleurs, qui sont au genre précieuses.
des végétaux, aussi ravissantes que les
pierres précieuses entre les minéraux;
tant des roses, tant des oeillets, tant des
tulipes, tant des violettes, des lys, des narcisses,
d'anémones, des hyacinthes, des
soucis & des amarantes, sont autant de
petits Soleils emmusqués*, & des Etoiles
odoriférantes remplies de baume, d'ambre,
de musc & de civette, où la Nature
n'a point épargné son émail, ses plus vives
couleurs, son or & argent qu'elle a
si bien départi avec son pinceau, que
vous ne pouvez discerner avec vos yeux,
@

334 Livre quatrième.
ni avec vos mains, si c'est du satin ou du
velours, où mille veines incarnates courent
çà & là pour les passementer, où les
rebordements sont de fin argent ou d'or
Bigarrure sur une couleur colombine: A d'autres
des fleurs. vous voyez un satin vert, sur-émaillé de
gouttelettes d'or, avec mille filaments
purpurins qui les détranchent & découpent
en mille & mille façons & gaîtés
admirables: A d'autres vous voyez un
satin blanc, plus blanc que neige, parsemé
de mille filets & petits points
ensanglantés, comme si la Nature leur
mère les avait fouettés jusques au sang,
de ce qu'elles se bigarrent en tant de façons
pour plaire à des hommes ingrats &
félons: Celles-là sont émaillées & picotées
de mille pointes de diverses
couleurs; celles-ci sont étincelantes
d'une écarlate rayonnante; celles-là
d'une couleur au dehors purpurine, &
le dedans bigarré de trois autres couleurs
toutes différentes. Comment est-
il possible qu'une feuille si mince, nourrie
de même air, & de même liqueur,
issue de même racine & oignon soit d'or
au fond, d'écarlate au-dehors, violette
safranée & purpurine au-dedans, rebordée
de fin or, & le bout & la pointe,
@

des secrets Chimiques. 335
vert comme une émeraude. Il faut confesser
que Dieu, qui est la source de toutes
ces raretés, est plus qu'admirable en
ses ouvrages, puisque d'un peu d'eau &
de terre, il a commandé à la Nature de produire
ces fleurs, qui rendent fous la plus
grande part des hommes à cause de leur
beauté, que feraient-ils s'ils pouvaient
recouvrer de ces fleurs célestes, qui sont
dans les parterres de Dieu, qui ne fanent
jamais & dont celles ici n'en sont
que les ombres & les idées.
Voyons donc à présent comme celle De quoi la
qui les fait & compose s'y comporte, & Nature
avec quelle industrie elle tire d'une même compose les
matière tant de diverses étoffes, parsemées fleurs.
de tant de couleurs, & bordées
de tant de clinquants, pour habiller ses
beaux enfants. Premièrement elle n'a que
de l'eau en apparence & au touchement,
mais cette eau à la vérité a tous les quatre
éléments, & la lumière de tous les
Astres: Là vous avez toute sorte de soufre
blanc & rouge, avec tous les mercures
& tous les sels, du mélange desquels
toutes ces belles couleurs & ces
diverses étoffes, avec leurs clinquants,
paraissent étalées dans ces beaux parterres.
Le soufre rouge pur & net de
@

336 Livre quatrième.
l'incarnat, toute immondicité, avec le mélange &
le pourpre union du pur mercure cause & produit ce
& le jaune rouge incarnadin, cette écarlate, ce
d'où vient- pourpre, cet or & cette orpheurie* végétale,
il ès fleurs, qui dore, clinquante & émaille
& toutes ces belles fleurs. Ce soufre blanc pur
les autres & net avec son semblable mercure joints
couleurs. & unis par son sel, qui leur donne la solidité
nécessaire, est celui qui cause ce
beau satin blanc & cet argent lustré. Les
autres soufres qui se composent de
ceux-ci par leur mélange des uns & des
autres, avec pareil mélange de leurs
mercures & sels qui reçoivent par leur
diverse coction diverse altération en leur
essence, causent toutes ces diverses couleurs,
& le bon génie de ces fleurs, qui
est leur forme, les agence & les met &
colloque chacune en sa place, coupe &
déchiquette cette étoffe en mille & mille
gaîtés qui nous ravissent en extase &
Les sen- admiration. Les senteurs, les odeurs &
teurs & les baumes, musc & ambre qui est employé
odeurs ès pour parfumer ces velours & ces
fleurs, d'où satins, de cette ample boutique végétale,
viennent- ce ne sont que les soufres purs &
elles. nets avec leur pure coction, qui causent
ces diverses odeurs & ces parfums si
agréables qui vivent, qui croissent, qui
végètent
@

des secrets Chimiques. 337
végètent à mesure que leurs sujets où ils
sont croissent & végètent.
Voilà comme la Nature produit &
engendre les fleurs dans le genre végétal,
qui ravissent en admiration la plupart
des hommes & aussi bien que les pierres
précieuses dans le genre minéral, qui
toutes sont d'une même étoffe, mais les
fleurs ont leur matière plus molle, plus
subtile, aérienne & aqueuse, le sel qui Matière
est aux fleurs n'est pas si ferme & solide, des fleurs
& n'a pas tant endurci le mercure & le plus molle
soufre, qui se trouve en elles, comme que celle
il a endurci & fixé le mercure & le des pierres.
soufre qui se trouve aux pierres précieuses;
voilà ce qui cause leur différence,
& ce qui cause l'éclat plus rayonnant
& étincelant aux pierres précieuses
qu'aux fleurs; c'est la solidité & fixation
du sel, qui par sa pureté & netteté
condense & congèle avec éclat & rayon
la substance des pierres, & ne peut ainsi
faire la substance des fleurs, bien qu'il
leur donne un éclat fort étincelant,
comme à ces fleurs jaunes perpétuelles
qui ne fanent jamais, leur éclat est
fort lustré & étincelant, mais non pas
avec lumière comme aux pierres précieuses:
Toutefois j'avoue que la Nature
Y
@

338 Livre quatrième.
La natu- en quelque climat de la terre peut
re peut fai- faire des fleurs rayonnantes & éclatantes
re des fleurs comme des pierres précieuses; car
éclatan- puisque la Nature fait des animaux
tes. étincelants & lumineux, comme sont
ces vers luisants de nuit, pourquoi ne
pourra-t-elle pas faire des fleurs étincelantes
& lumineuses, puisque pour ce
faire il ne faut que fixer & congeler davantage
leur substance, augmentant &
multipliant leur sel? Ce qui me semble
pouvoir être obtenu par le moyen de
l'artifice, qui par une docte main peut
recouvrer ce sel central, principe de toutes
choses, de la source où il se trouve ordinairement,
& après l'avoir conduit à
perfection, les plus belles fleurs en peuvent
être arrosées, & les bulbes & oignons
d'icelles peuvent être trempés
& amollis dans ce sel, dissout dans l'eau
propre de la plante, & puis ce bulbe
peut être remis en être pour y germer
& produire son fruit & sa fleur, qui à
mon avis sortira de sa tige avec tant de
force, qu'elle en sera beaucoup plus belle,
& sa substance en sera si ferme & solide,
à cause du sel plus abondant & copieux
qu'elle aura sucé, qu'elle en deviendra
rayonnante & éclatante en
@

des secrets Chimiques. 339
toutes ces couleurs, ce qui ferait une Secret pour
merveille, & un étonnement bien grand faire les
avec un surcroît d'amour & de passion à fleurs rayonnantes
ceux qui les chérissent: Toutefois je ne &
crois pas qu'ils fussent fort loin de leur lumineuses.
attente, s'ils pouvaient obtenir ce sel
physique & central du monde, qui se trouve
dans l'aliment universel de toutes choses,
avec lequel ils verraient encore des
choses plus rares & merveilleuses que
celles ici, lesquelles méritent d'être ensevelies
dans le silence; pour n'être sifflé
de ceux qui ne sont initiés dans ces mystères;
il est bien vrai que leur risée &
moquerie tomberait sur eux-mêmes,
se confessant par ce moyen ignorants; qui
s'étonnent de ce qu'ils ne savent pas, &
ne peuvent croire que ce que leur faible
sens peut voir & toucher.

Y ij
@

340 Livre quatrième. ---------------------------------------- C O N C L U S I O N D U quatrième livre des secrets Chimiques.
Chapitre VI.

pict Es six Chapitres suffiront pour
comprendre la production &
génération des végétaux; car
qui en sait & comprend la génération
d'un seul végétal, peut d'icelui
savoir la génération & production de
tous les autres, puisque la matière est
unique & semblable en tous, la seule
Différence différence qu'on remarque à tous les individus
des végé- de ce genre, dépend de la forme
taux d'où particulière qui est en eux, qui fait &
dépend- cause en tous toutes ces particulières &
elle. individuelles différences: mais cette forme
procède & est tirée du centre, & du
profond de cette matière, qui a la propriété
& vertu en elle, même de produire
ces formes, & ces formes ne sont point
quelque chose de différent de la matière,
puisqu'elles en sortent & en procèdent;
sinon que c'est une matière active,
@

des secrets Chimiques. 341
pleine de vertu & d'énergie, & la matière
qu'on appelle de ce nom, regarde cette
partie de la matière sur laquelle cette
partie active agit. Qu'il suffise donc aux
curieux de cette science, ce que j'ai dit
& écrit de la production & génération Les végétaux
des végétaux, ils proviennent tous de procèdent
l'esprit général du monde, qui en eux tous de
produit & engendre un sel particulier, de l'esprit
un mercure & un soufre, & tous trois général du
ensemble, une semence immédiate monde.
& végétale, de laquelle tous les
végétaux croissent & multiplient sur
terre, & les formes qui de là en sortent
spécifient & individuent particulièrement
ce genre végétal, duquel il ne
faut jamais croire ni penser qu'on puisse
extraire quelque mercure, sel, où soufre, Des végétaux
qui puisse servir pour tirer & extraire ne se peut tirer
le soufre, sel, & mercure métallique, aucun sel, ni
il faut que chacun attire son mercure, ni
semblable. Il est bien vrai que pour soufre métalliques.
attirer les soufres, sels & mercures
végétaux, & les rendre en leur perfection,
c'est des végétaux qu'il les faut
tirer, & c'est où tend & vise tout ce que
j'ai écrit en ce petit traité des végétaux.
Voyons donc maintenant ce qui
Y iij
@

342 Livre quatrième.
sera dans le genre des animaux, & de quoi la Nature les compose & les forme.
pict
@

343
pict

D E S E L E M E N T S
ET PRINCIPES DES
SECRETS CHIMIQUES, ou l'essence des animaux est découverte.
L I V R E C I N Q U I E M E. ----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production des animaux en général.
Chapitre Premier.
pict 'Est ici que le Ciel & la
terre, avec tout le reste des éléments, & toute la nature est assemblée pour produire & engendrer les animaux, qui tous, quels qu'ils soient, sont de petits mondes, & un
Y iiij
@

344 Livre cinquième.
Rareté des abrégé de toute la Nature, tant céleste
animaux. qu'élémentaire: Le moindre petit moucheron,
arrêtera le plus grand Philosophe
du monde, & le plus docte & savant
Alchimiste, en la recherche de la
composition; c'est bien autre chose que
la composition d'un métal, d'une pierre
précieuse, d'un végétal, d'un arbre,
d'une fleur: Nous avons ici à rechercher
la source & l'origine d'un mouvement
quasi perpétuel, si l'on en pouvait
bannir la mort.
Il est ici besoin de rechercher la
source d'une âme qui faute, qui danse,
qui se meut à sa volonté de toutes sortes
de façons, & se repose quand elle veut,
qui cependant tire son origine & sa source
d'une matière bien différente d'elle,
à laquelle nous ne pouvons nous imaginer
être tant de merveilles, & de raretés
que nous voyons après être mises en lumière,
& étalées en plein jour, dans
la boutique & magasin des animaux,
De quoi ceux qui ont un être parfait.
sont com- Ils sont tous engendrés & composés
posés les d'une petite humeur glaireuse, qui est
animaux. leur sperme & semence, qui se forme &
compose en eux-mêmes, de la coction
du dernier aliment qui se fait en toutes
@

des secrets Chimiques. 345
les parties de leur corps, & est attiré dans
les testicules & autres vases spermatiques,
à travers les pores du corps, par la
vertus attrayante & communicative de ses
parties qui sont douées de cette vertu naturelle
à cette fin: mais cette semence
venant des aliments, & les aliments prenant
leur être de la semence universelle
des quatre éléments, d'où toutes choses
sont faites & composées, qui peuvent servir La semence
d'aliment aux animaux; il s'ensuit de des animaux
là que puisque la semence des animaux de quoi est-
est faite des aliments, & les aliments de elle faite?
la semence générale du monde: Il s'ensuit,
dis-je, que cette semence animale
est faite & composée de la semence générale
du monde, laquelle n'a fait que
passer par diverses coctions & digestions,
& enfin reçu la digestion qu'il lui fallait
dans les vaisseaux spermatiques des
animaux, pour être enfin faite semence
animale, & recevoir là ses dernières dispositions. Chaque
C'est une merveille que chaque mixte a la
mixte en ce grand monde ait le vertu de
pouvoir & la vertu péculière* & naturelle, changer
de changer en soi cette semence générale l'aliment
indifférente à toutes, & la rendre en soi.
propre & péculière* pour lui seul, avec
une telle individuité qui la rend différente
@

346 Livre cinquième.
entièrement de tout, & propre
tant seulement à lui seul.
Car le mixte quel qu'il soit, si nous le
considérons de près, n'est autre chose en
soi matériellement que cette semence
universelle, qui s'est individuée & spécifiée
en ce mixte particulier: La forme
même qui est en lui, qui individue &
spécifie cette semence générale, est elle-
même tirée & sortie du centre de cette
La partie semence: Car la partie lumineuse, astrale
astrale du & ignée qui était dans cette semence
mercure du générale s'est faite forme, & a pris le titre
monde est & le grade de gouvernante, & de
faite forme maîtresse dans cette matière, & a soumis
ès mixtes. à son joug tout le reste. La merveille
des merveilles est que cette partie lumineuse
& Astrale que nous admettons
dans la semence générale, prenne plutôt
la forme d'un rat & d'une souris que
d'une grenouille, ou d'un serpent; d'où
vient ce choix & élection qu'elle fait,
pendant son indifférence, il faut que les
agents extérieurs aient quelque pouvoir
à la disposer particulièrement, plutôt à
cette forme qu'en une autre: Et ces
agents extérieurs aucune fois sont pleins
& remplis des esprits particuliers, & individus
de quelques mixtes qui se sont
@

des secrets Chimiques. 347
corrompus & dissous dans leurs premières
semences: Or ces esprits comme
éthérés & ignés pleins de vertu astrale,
difficiles à corrompre, voltigeant par
l'air; & les autres éléments où les résolutions
des mixtes qui tendent à leur fin, se
font tous les jours, se mêlent le plus souvent
parmi ces matières séminales, qui
sont proches à s'individuer en quelque
espèce, & les disposent pour eux seuls:
D'où vient le plus souvent le choix & l'élection
que la semence générale fait des
formes particulières plutôt des unes
que des autres: Mais aussi le fait-elle sans
cette particulière disposition des agents
extérieurs, remplis des esprits qui se séparent
des mixtes particuliers pendant
leurs résolutions; car elle le plus souvent
y résiste, & ne fait pas ce que veulent ces
esprits, mais tire une forme particulière,
toute contraire & différente à la disposition
ou intention de ses esprits, ayant le
pouvoir de ce faire, car elle a toute puissance
pour cet effet; cette puissance lui
a été donnée de son Créateur en l'instant
de sa Création, afin qu'il ne fût
contraint jamais plus de créer, & Dieu
ne lui donna pas cette vertu productive
des formes pour quelque temps; mais

@

348 Livre cinquième.
pour tout le temps que les générations &
Comme la productions dureront en ce bas monde.
matière Cette matière donc qui est incorruptible
première se dans le centre de toutes choses, &
dispose dans le centre du monde est le fondement
d'elle-mê- des productions & générations de
me à la gé- toutes choses, elle se dispose elle-même
nération. à toutes les générations, tire de soi-même
les esprits & les agents qui la disposent
à ce dont elle-même leur donne le
pouvoir & la vertu de la disposer ainsi,
& en tirer les formes qu'elle veut, &
qui sont nécessaires pour l'ornement du
monde, où les animaux tiennent le premier
rang de la production particulière,
desquels nous traiterons en ce traité, &
commencerons par le plus noble qui est
l'homme.
@

des secrets Chimiques. 349 ----------------------------------------
D E L A G E N E R A T I O N
& production de l'homme.
Chapitre II.
pict A plus grand part des
Philosophes anciens &
modernes, nous ont voulu
enseigner que ce que
nous voyons d'apparent
& manifeste en l'homme,
n'est pas l'homme; que c'est quelque L'homme
chose de plus rare, quelque chose de en son extérieur
plus relevé; ce que nous voyons n'est que n'est
poussière, que pourriture, que boue, que misère.
qu'excrément, le but & la quintaine de
la fortune, où elle joue tous les jours à
son plaisir & volonté, le centre & l'abîme
des mystères & calamités de ce monde,
le théâtre des malheurs, où ils se
montrent en leur haut appareil; bref,
c'est un rien, un néant rempli de misères
& de malheurs. L'homme
Mais ce que nous ne voyons pas, l'homme en son intérieur
interne c'est une étincelle de la divinité qu'est-
pour laquelle toute la Nature visible ce.
@

350 Livre cinquième.
a été faite, & tirée du centre du néant
pour y être maîtresse & super-intendante
générale, pour laquelle, perdue &
éteinte, remettre en son premier lustre;
le Créateur de toutes choses n'a pas donné
un autre monde, mais lui-même a
voulu être le prix & le rachat: Que pouvons-nous
donc dire du prix & du poids
de l'homme intérieur, si Dieu même qui
sait le vrai prix de toutes choses a plus
estimé l'homme que soi-même, puisqu'il
s'est donné lui-même pour son rachat.
Si c'est un excès de son amour envers
l'homme, n'importe, c'est toujours un
témoignage évident du poids & du prix
que Dieu fait de l'homme; car Dieu
n'aime pas sans raison, ni sans sujet:
Il est vrai que l'homme n'a d'autre
prix, ni d'autre poids dans les choses
créées, que celui que la pure miséricorde
divine, & non la justice lui a donné:
L'homme Par Justice, il ne fut été jamais racheté,
racheté la seule miséricorde lui a donné ce bien,
par misé- & procuré ce bonheur: c'est pourquoi
ricorde. il se doit estimer un rien, un néant, qui
n'a d'autre subsistance & fondement de
son être, que la seule miséricorde divine
qui le fait subsister, tant en son intérieur
qu'en son extérieur. Il ne faut donc pas
@

des secrets Chimiques. 351
plus estimer l'un que l'autre; puisque
tout subsiste par la seule miséricorde divine:
l'un tire son origine de la même
étoffe & de la même matière que les
autres choses corporelles de cet Univers,
qui a été tirée de l'abîme du néant, par
la toute Toute-puissance divine. L'autre
se tire tous les jours du même néant, à
même instant que cette matière corporelle
commence à être disposée & organisée
pour recevoir cette forme divine,
qui n'est nullement matérielle, puisqu'elle
vient d'ailleurs, & de la puissance
divine.
C'est ici un second témoignage d'amour Amour
signalé de Dieu envers nous, que signalé de
tous les jours pour l'amour de nous, sur le Dieu envers
point que la semence humaine vient à l'homme en sa
être disposée par sa chaleur intérieure naissance.
qui la dispose à cet effet; aussitôt Dieu
infuse cette âme divine qu'il crée par sa
toute-puissance du centre du néant pour
l'amour de l'homme, & en le créant l'infuse,
& l'infusant la crée, pour la mettre
dans ce corps glaireux de semence, qui ne
fait que de sortir de recevoir sa dernière
disposition, qu'elle doit avoir pour recevoir
cette âme, comme la forme la plus
parfaite qu'elle puisse avoir. Or cette
@

352 Livre cinquième.
subsistance glaireuse est toute pleine des esprits, j'appelle esprits de substance, ignés, éthérés & célestes, desquels cette substance est toute pleine, qui sont tous portés à la forme humaine; & partant ils figurent & forment cette substance en corps humain, lequel aussitôt qu'il a reçu la dernière disposition par ces esprits naturels, aussi cette divine forme y vient, laquelle ils reçoivent avec contentement & liesse, & lui administrent après pendant tout le temps qu'elle y demeure, & font tout ce qui est nécessaire & qui tend à la perfection de tout l'individu: Ils achèvent de perfectionner ce corps, ils étendent les nerfs, les durcissent & clarifient, ils cavent & pertuisent les veines, & les artères, & durcissent leurs tuniques, coagulent les tendons & les cartilages, fixent & affermissent les os, les remplissent de moelles, les pertuisent, les rendent spongieux & pleins de pores, afin qu'ils y puissent entrer & sortir à leur plaisir & volonté, pour y apporter la vie nécessaire, les faire croître & affermir, pour être les colonnes & les bases, & fondement de tout ce bâtiment. Cependant l'âme pareillement montre & manifeste ses plus rares dons
@

des secrets Chimiques. 353
dons & qualités, fait parade de sa divinité,
déclare sa prudence & sagesse à
mesure que ces esprits travaillent, & sont
occupés nuit & jour à lui parfaire &
orner sa maison & son Palais, pour lequel Le corps
parfaire ils ne cessent jamais; aussi humain a
ont-ils à travailler incessamment: car besoin d'une
leur bâtiment est la bile, & à mesure perpétuelle
qu'ils dressent & parachèvent quelque réparation.
pièce d'un côté, de l'autre il croule &
tombe quelque autre: c'est un bâtiment
qui a besoin d'une perpétuelle réparation,
& avec tout cela ils ne peuvent
empêcher qu'enfin il ne croule entièrement,
& que l'âme ne soit contrainte
de déloger, attendant que son Créateur
lui rebâtisse son Palais & sa maison,
d'une autre matière plus ferme & constante,
où elle puisse demeurer à jamais
pour le glorifier, & lui chanter des
louanges infinies. C'est ici que ceux qui Matière en
ont des yeux de Lynx peuvent voir les l'homme qui
secrets, & raretés merveilleuses qui sont est le fondement
en la Nature; car puisque Dieu en la rénovation de l'incorruptibilité.
du monde, sera le corps de
l'homme immortel & incorruptible, il
faut bien qu'il y ait quelque matière en
l'homme, qui soit le fondement de son
incorruptibilité, qui parmi tant d'altérations
Z
@

354 Livre cinquième.
& corruptions visibles demeure
incorruptible: car il ne se perd pas entièrement,
& ne s'anéantit point; mais demeure
toujours parmi tant d'altérations
quelque chose d'incorruptible, qui
doit être le sujet de sa résurrection, autrement
la résurrection serait plutôt
une création ou génération, pour le
moins plutôt que résurrection, qui n'est
autre chose que la réunion des mêmes
parties, qui avaient été séparées par le
moyen du désaccord, unissant icelles: Or
Dieu en la résurrection des hommes fera
la paix entière, & mettra l'accord général
entre ces moyens unissant, qui sont
les quatre éléments, & les accordera si
bien que jamais plus ils ne seront en discorde,
ni en querelle, mais s'uniront
d'une paix perpétuelle; tellement que
ces parties désunies par la discorde de
ces quatre éléments, unis après par la
concorde & paix d'iceux, seront unies
Preuve de éternellement. Que si le corps humain
l'immorta- a un fondement incorruptible par lequel
lité de il subsiste perpétuellement parmi
l'homme. tant d'altérations & corruptions, il faut
bien pareillement que l'âme demeure
incorruptible, pour être unie incorruptiblement
à ce corps qui attend son entière
@

des secrets Chimiques. 355
perfection, par l'union de son âme.
Il y a encore des merveilles très grandes
sur l'union de cette âme divine avec son
corps, qu'il faut déclarer par des Chapitres
particuliers.
----------------------------------------
Q U E S T-C E Q U I F A I T
l'union de l'âme humaine avec son corps? & d'où vient sa longue & courte vie?
Chapitre III.
pict Ntre le corps humain Qu'est-ce
& son âme immortelle, il qui fait
y a une différence si grande, l'union de
que qui la pèse & l'âme humaine
considère de près, est ravi avec
en admiration, par quel le corps?
moyen elle se peut unir à ce corps, si différent
& si loin de sa perfection & de
son essence: Elle étant toute divine, immortelle,
homogène & semblable en
toutes ses parties, très simple, indivisible,
une en son tout, qui n'a rien en elle d'élémentaire,
ni d'astral & céleste: mais
elle est une autre Nature toute supérieure
Z ij
@

356 Livre cinquième.
à celle-ci. Le corps au contraire tout matériel, corruptible, divisible en une infinité de parties dissemblables & hétérogènes, tout élémentaire & céleste, pêle-mêle ensemble en un chaos d'altération & corruption: comment est-il possible que ces parties tant différentes se puissent voir ensemble pour demeurer unies l'espace de quatre-vingt ou cent ans, & aux premiers siècles que la Nature n'était pas si corruptible, pouvaient- elles demeurer ensemble unies l'espace de mille ans: cherchons dans la Nature le noeud & lien qui lie & attache ces parties si différentes un si long temps. Il est vrai que cet assemblage & union des parties si différentes est super-naturel, & que la puissance de Dieu est le principal lien de cet assemblage; il y en a encore un autre qui dépend de la Nature, sous les lois duquel Dieu a soumis cet assemblage, lequel persistant en son bon ordre & en son bon point donne la persistance & la durée à cette union; lui manquant, tout va en déroute, & en destruction mortelle. C'est enfin une substance éthérée, toute pleine de lumière & d'influence céleste, qui ne participe que de la quintessence
@

des secrets Chimiques. 357
pure & nette des quatre éléments La quintessence
& de la plus pure influence céleste, qui de
& une pure lumière solaire incorporée l'esprit du
& mêlée avec cette quintessence élémentaire: monde est le
Cette quintessence élémentaire lien de l'âme
le fait participer avec le corps, & cette & du corps.
pure lumière claire le fait participer
avec l'âme humaine; car comme elle est
une étincelle de la lumière incréée, celle-
ci est une étincelle de la lumière créée,
symbole de l'incréée. Quelques Philosophes,
entre autres Raymond Lulle, ont
voulu soutenir que cette lumière créée,
est de la même étoffe que les Anges, &
l'âme raisonnable, sauf que l'acte intelligible
n'y est point, qui fait la différence
de ces lumières créées. Si cela était vrai,
comme selon son avis, il n'implique
point, & n'y a point d'absurdité que cela
ne puisse être; cette lumière créée qui se
trouve en l'homme en ces esprits naturels,
vitaux & animaux, participerait de
beaucoup avec la substance de l'âme raisonnable,
& le noeud & lien du mariage
de l'âme humaine avec son corps, ne serait
pas fort difficile à trouver, & à soutenir:
car cet esprit & lumière étant
unie avec la quintessence des quatre éléments,
serait fort bien le moyen de cette
Z iij
@

358 Livre cinquième.
union, comme il l'est à la vérité, & il n'y
en a point d'autre en toute la Nature que
celle-ci: Car nous voyons par expérience
que tant que ces esprits sont vigoureux,
forts & puissants dans le corps humain,
nous voyons aussi que cette union
est forte & puissante en toutes ses
actions, & à mesure que la force & vigueur
de ces esprits manquent, nous
voyons aussi manquer & faillir les actions
Qu'est-ce de cette union, & la désunion de ses
qui fait la deux parties, se faire en telle façon, qu'il
courte & ne faille en nulle façon douter, que cette
longue vie substance qui constitue les esprits naturels,
ès homme. vitaux & animaux ès hommes, ne
soit le moyen unissant de l'âme & du
corps: Et que la même substance spirituelle
ne soit la cause efficiente & matérielle
de la longue & courte vie ès hommes;
longue quand cette quintessence
élémentaire est fort dépurée de ces excréments
& séparée de son limon, car à
mesure qu'elle est ainsi préparée, la lumière
& cette influence solaire se mêle
plus parfaitement avec cette quintessence
élémentaire, & est d'une plus forte union
que non pas quand elle n'est pas bien
dépurée & séparée des limons & fèces
élémentaires: lesquels limons font la
@

des secrets Chimiques. 359
courte vie en l'homme; d'autant qu'ils
empêchent l'union parfaite de l'influence
céleste, avec la quintessence élémentaire,
& par même moyen empêchent
aussi l'union parfaite, avec force & vigueur
de l'âme & du corps; car tant plus
cette substance est pure, tant plus elle
s'approche de la perfection de la forme
humaine, & tant plus par ce moyen l'unit-
elle & la marie avec le corps: D'où nous Afin que le
pouvons préméditer qu'afin que le corps corps s'unisse
humain s'unisse éternellement avec son à perpétuité
âme, il faut nécessairement qu'il se dépouille avec l'âme,
de tous ses excréments élémentaires, il faut qu'il
& l'âme aussi de tous ses péchés; meure.
& que par ainsi il faut nécessairement
qu'ils se séparent, l'un d'avec l'autre, que
le corps pourrisse, & qu'en cette putréfaction
il faut qu'il délaisse tout ce qui est
de corruption & de pourriture, & qu'il
sorte d'icelle pur & net de toute ordure,
& que l'âme pareillement se purifie aussi
de tout ce qui la peut contaminer &
souiller; & ainsi purifiée soit jointe à son
corps pur & net, & que de l'union de ces
deux purs & nets, résulte un composé
éternel & incorruptible pour jamais.
Pour lors ce moyen unissant cette quintessence
élémentaire & céleste, sera tellement
Z iiij
@

360 Livre cinquième.
pure qu'elle s'approchera de la
perfection de l'âme; & à cause de sa pureté
unira si parfaitement le corps avec
son âme, qu'il en fera un composé éternel
Secret & incorruptible. Ces méditations
merveil- sont tirées de l'action des Philosophes
leux pour sur leur grande oeuvre, car ici pour rendre
rendre les ce composé incorruptible, ils séparent
choses in- en premier lieu par la solution & putréfaction,
corrupti- cet esprit unissant & cette
bles. quintessence céleste & élémentaire,
la rendent toute feu dans le ventre
de l'eau, tout air dans le ventre de la
terre; & ainsi ils unissent tellement les
éléments, & les convertissent les uns
avec les autres, que ce qui était auparavant
froid & humide, devient chaud &
sec, ce qui était eau devient terre, &
cette terre devient air, & cet air pur feu;
l'occulte se fait manifeste, & le manifeste
se fait occulte, sans toutefois rien perdre
de la substance des quatre éléments;
mais seulement les dépurer & séquestrer
de toute ordure, & cacher les actions des
uns & des autres dans leur ventre car
lorsque le feu est apparent & manifeste,
il a ses actions apparentes & manifestes,
& tient cachées les actions des autres éléments
dans son ventre. En cette façon ils
@

des secrets Chimiques. 361
dépurent tellement cette quintessence &
moyen unissant des formes & des corps,
qu'ils la rendent entièrement incorruptible,
& permanente à l'encontre de tous
agents: En après ils viennent à dépurer le
corps par l'action du feu, en telle façon
qu'ils le rendent égal en pureté à son esprit,
ils unissent après ce corps avec cet
esprit; & de cette union en résulte une
forme qui ne quitte jamais plus son
corps, tellement que c'est un composé
incorruptible: Et de là nous pouvons
méditer par-dessus les révélations que les
Chrétiens en ont, qu'il faut assurément
croire que Dieu l'Alchimiste des Alchimistes
fera ainsi du corps humain & de
l'âme humaine, pour les unir éternellement
ensemble. Voyons à présent quelle
différence il y a entre cet esprit unissant
& le corps humain, & de quelles
parties naturelles ils sont composés, afin
que nous puissions avoir par l'Alchimie
une connaissance plus parfaite de nous-
mêmes, que par la Philosophie commune
& scolastique.

@

362 Livre cinquième. ---------------------------------------- D E L A D I F F E R E N C E
du corps humain d'avec son esprit, qui unit l'âme humaine avec le corps.
Chapitre IV.

pict L y a dans l'homme tant
de ressorts, tant de parties
différentes, que je
n'entends point parler ni
écrire d'icelles en ce
chapitre, laissant cet affaire
particulière aux Anatomistes, je me
contente de pouvoir écrire la différence
du corps humain avec son esprit, qui unit
l'âme humaine avec ledit corps, & de
décrire leurs parties intégrantes, naturelles,
qui les composent & qui font &
constituent leur différence.
Pour bien & dûment faire comprendre
la différence de cet esprit avec
le corps humain, il est nécessaire que
nous démontrions les parties de la semence
humaine, de laquelle cet esprit &
@

des secrets Chimiques. 363
ce corps sont formés & produits. Il est De quoi est
très certain que la semence & sperme composé la
humaine est composée de la quintessence semence
des quatre éléments, & de la quintessence humaine.
de la lumière & influence des
Astres, coulée dans la semence humaine
par le moyen des aliments que l'homme
use pour se nourrir & maintenir en son
être; laquelle quintessence est dans lesdits
aliments par le moyen de la terre qui
les produit & engendre & nourrit tous;
où cette quintessence que nous avons appelée La semence
semence universelle, est jetée dans générale est
le centre de la terre, comme dans les jetée dans le
reins du monde pour y être digérée & centre de la
cuite à perfection, pour de là être distribuée terre comme dans
à tous les genres des mixtes pour les reins pour
leur nourriture & entretien. être digérée.
L'homme donc prend cette quintessence
& semence universelle du monde,
qui est spécifiée & individuée dans les
mixtes naturels qui lui servent d'aliments,
& la cuit & digère dans ses vaisseaux
propre & destinés à ce faire, & la fait
sienne & particulière: Or comme dans
la semence universelle vous avez la lumière
& influence des Astres, qui est la
plus subtile partie, & la plus agissante; &
la quintessence des éléments qui est la
@

364 Livre cinquième.
partie la plus crase, & plus épaisse; bien
que toutes deux ensemble soient si bien
mêlées & unies en ce corps de semence,
qu'il est impossible de les séparer, en telle
façon qu'il se trouve une partie où il
n'y ait que la semence astrale, & en l'autre
partie, qu'il n'y ait que la semence
élémentaire; tout est mêlé ensemble:
Toutefois peut-on diviser ces deux parties
De quoi par le moyen de l'entendement, quand
sont com- en une partie il y aura plus de semence
posés les astrale qu'en l'autre, & celle-ci sera appelée
esprits du proprement semence, & l'autre partie
corps hu- sperme: Car à la vérité le sperme est
main. le corps de la semence, & la semence est
De quoi est quasi l'âme & l'esprit du sperme. De
composé le la semence donc ou de la partie lumineuse
corps hu- & astrale qui est au sperme humain
les esprits vitaux, animaux, & naturels
sont faits & composés, & de l'autre
partie plus crasse & terrestre, qui est le
sperme, toutes les autres parties du corps
humain qui le constituent & parfont,
sont faites & produites; ainsi le corps humain
est fait & produit de la partie plus
crasse & élémentaire qui est au sperme
humain, & son esprit est fait & engendré
de la partie plus subtile & astrale qui
s'y trouve: Tellement qu'ils ne diffèrent
@

des secrets Chimiques. 365
point qu'en pureté & subtilité de substance,
tous deux sont faits & composés
d'une même chose; mais l'un qui est l'esprit
est fait de la partie lumineuse &
quintessence céleste, avec la pure partie
de la quintessence élémentaire, qui se
trouve dans le sperme humain, & l'autre
qui est le corps est fait du reste. D'où
vient que l'esprit est tout plein de mouvement,
& de lumière & de feu, & de
vie, comme fait de telles substances,
d'où sort comme de sa vraie source la vie
& le mouvement: Et le corps est pesant
& massif, comme provenant des substances
crasses & terrestres, tardives & pesantes.
Ceux qui divisent la semence humaine, ou corps spermatique en sel, soufre
& mercure, & assurent que de la partie
plus pure du soufre & du mercure,
& de la partie plus volatile du sel, l'esprit
humain se fait & compose, c'est dire
la même chose que nous disons: car
nous savons très bien que la semence
générale & particulière de toutes choses
est composée de ces trois principes, lesquels
principes ne sont autre chose que
la quintessence des Astres, & des Eléments:
Car comme ils ont donné l'être

@

366 Livre cinquième.
aux Eléments & aux Astres, les Eléments
ni les Astres ne peuvent rien produire,
où ces trois principes ne soient infus, comme
la première matière de toutes choses,
& la vertu même productive des Astres,
Qu'est-ce & des Eléments. Car quand nous disons
à dire quand que les trois principes viennent des Eléments
on dit que & des Astres, ce n'est pas à dire
les trois que les trois principes soient faits & produits
principes de nouveau par les Astres & Eléments;
procèdent mais seulement les Astres & les
des Astres Eléments poussent & mettent au dehors
& des Elé- ce qui est en eux de vertu productive &
ments. générative, qui leur a été implantée
par la vertu des trois principes, qui demeurent
en eux incorruptible & permanente.
Aussitôt donc que la semence humaine
a été jetée dans sa matrice, &
dans son lieu propre & apte pour produire
& engendrer ce qui est de son intention,
& de son voeu, & qu'elle est suscitée
par la chaleur naturelle de sa matrice.
Cette partie Astrale & Céleste qui est en
elle, commence à travailler, disposer, &
agencer l'autre partie plus crasse & terrestre
en corps humain, l'organise, & fait
triage de ce qu'il faut, pour les os, pour
les nerfs, pour les tendons, pour les veines,
@

des secrets Chimiques. 367
pour les artères, pour les viscères, En combien
& pour tout le reste, & ce avec une telle de temps
vitesse & promptitude, qu'il est difficile le corps humain
à le croire: car j'ai vu, & une infinité est
d'autres avec moi; un Embryon parfaitement organisé.
organisé, où l'on pouvait distinguer
parfaitement toutes les principales
parties, comme la teste, les yeux, le nez,
les bras, les mains, les pieds, les cuisses, &
le tronc du corps; & cependant tout ce
corps n'était encore que semence glaireuse
& limpide, qui n'avait aucune forme
& idée de chair, mais tout était limpide
& cristallin; & l'on voyait cependant
dans ce cristal un corps humain parfaitement
organisé, & distingué en toutes
ses principales parties. Ce qui me Dans le
fait croire que l'âme humaine ne demeure quantième
pas si longtemps à être infusée & jour l'âme
créée dans son corps, comme l'on dit, & est infusée
je crois qu'elle est infusée & créée dans le dans le
sixième jour; parce que dans ce temps corps.
le corps humain est parfaitement organisé
par un esprit: Car comme Dieu Créateur
de toutes choses parfit ce grand
univers en toutes ses parties, dans six
jours, & le septième se reposa. Il veut
de même que l'homme qui est l'abrégé
de ce grand Univers soit parfait & complet
@

368 Livre cinquième.
dans le sixième jour, il est vrai que
le mouvement réel & manifeste & sensible
ne peut paraître en ce temps-là. Et
Explica- c'est l'occasion pourquoi Hippocrate au
tion d'Hip- livre de Octimestri parta, a très bien remarqué
pocrate sur que le quarantième jour était
l'infusion celui qui achevait entièrement de perfectionner
de l'âme le corps humain: mais il ne
humaine. dit pas qu'en ce temps-là seulement
l'âme humaine fût infusée, & non plutôt;
mais seulement il dit qu'en ce
temps-là le corps est achevé de parfaire,
il entend que chaque partie a son entière
perfection, & que l'âme avec son esprit
qui est son instrument & son génie, a
achevé de consolider & estimer toutes
les parties de la semence, qu'à son entrée
n'était que distinctes & séparées, & non
entièrement cuites & parfaites, selon le
but & intention de la Nature, & que
dans le quatrième elles ont eu leur entière
coction chacune selon son espèce
bien qu'elles n'aient encore leur dernière
perfection, qui ne s'achève qu'en l'âge
viril de l'homme: cette perfection n'est
pas nécessaire pour l'introduction de
l'âme; mais seulement la distinction des
parties; que la semence soit divisée en
toutes les parties qui doivent continuer
& former
@

des secrets Chimiques. 369
& former un corps parfait, & c'est comme
je veux & ose croire, que c'est dans
le sixième jour, pendant lequel cette
partie spirituelle de la semence, la sépare
& distingue en toutes ses parties, &
l'âme venant là-dessus informe tout, &
parachève avec le même esprit à cuire &
condenser, & affermir toutes lesdites
parties, que ledit esprit n'avait que distinguées
& séparés seulement pour la
constitution & formation du corps humain.
L'âme en ce temps-là, trouve le
corps tout disposé à la recevoir sans aucune
résistance, toutes les parties étant
molles, & ressentant encore la substance
de la semence: L'âme comme un rayon de L'âme de
lumière divine, s'insinue dans icelles, & l'homme est
pénétrant toutes lesdites parties, s'unit un rayon de
parfaitement avec elles & les informe, & la lumière
donne l'être parfait à cet individu, qui divine.
petit à petit après par la nourriture qu'il
reçoit de sa mère, reçoit la dernière perfection
qu'il doit recevoir dans sa matrice,
pour de là sortir & en recevoir une autre
plus ferme & constante par le moyen
des aliments qu'il doit prendre hors du
lieu de sa génération & production.
Aa
@

370 Livre cinquième. ---------------------------------------- D'O U V I E N T L A D I F- férence & la diversité des hommes.
Chapitre V.

pict E nombre des hommes
est si grand que l'arithmétique
ne le peut soumettre
sous ses nombres,
& cependant il ne
s'en trouve pas un semblable
à l'autre de point en point. Ceux
qui ont voulu rechercher la cause de cette
diversité se tiennent aux divers tempéraments
des uns & des autres, & que de
D'où vient la différence de ce tempérament, la semence
la diversi- qui est la cause immédiate de la
té des hom- production des hommes, reçoit les traits
mes. premiers de cette variété, car il est impossible
que le tempérament ne donne
ce qu'il a, à la semence, & qu'il n'introduise
cette harmonie des quatre qualités
en icelle, laquelle harmonie comme elle
ne demeure jamais en même état, mais
toujours plus ou moins, est dissemblable
à soi-même, ne demeurant jamais sur
@

des secrets Chimiques. 371
le même poids & égalité, tantôt penchant
d'un côté, tantôt de l'autre; tantôt l'humide
prédomine, & tantôt le chaud, selon
les diversités de l'âge de l'homme,
les maladies & la santé, qui tous ont un
grandissime pouvoir de changer cette
température & harmonie des quatre qualités,
en telle façon qu'il est impossible
qu'elle demeure égale: Partant aussi
la semence venant à changer de température
comme le corps change, où elle
est enfermée, il faut de nécessité que les
esprits Architectoniques; autrement appelés
productifs & formatifs de la semence,
tendent à diverses formes & diverses
figures, parce que la matière de
laquelle ils forment & composent leurs
corps, est entièrement différente en la
production des généraux, la semence
desquels est une & semblable en toutes
ses parties & de pareil tempérament, cependant
pour s'être seulement divisée
dans la matrice, & l'une s'être retirée du
côté droit, & l'autre du côté gauche,
cette seule division de la semence lui
cause une telle différence, & y introduit
des qualités diverses, que ce qui en vient
à naître est entièrement différend, non
seulement en forme & en figure, mais en
Aa ij
@

372 Livre cinquième.
D'où vient sexe, l'un sera mâle, & l'autre femelle.
la diversi- Et c'est que la partie de la semence qui
té du sexe se sera retirée du côté droit, comme
ès gé- étant la partie du corps la plus chaude &
meaux. vigoureuse, aura entretenu la force & la
vigueur & chaleur de la semence, d'où
sera sorti un mâle; & l'autre partie pour
s'être retirée du côté gauche, qui est la
partie plus froide du corps humain, aura
là reçu des qualités froides, qui auront
de beaucoup diminué & amoindri la vigueur
de la semence, & de là sera sortie la
femelle, qui cependant en sa première
Le tempé- source était toute mâle; & voilà comme
rament est la température seule est la cause de
la cause la diversité des productions & générations
de la diffé- humaines: car est-il possible que les
rence des esprits formatifs & productifs qui sont
hommes. en sa semence, fassent & produisent choses
du tout semblables, si la matière y répugne,
& est dissemblable: De la diversité
des tempéraments provient la diversité
des soufres blancs & rouges; car
ce n'est que digestion & coction différente,
qui fait le soufre blanc & rouge:
Outre qu'il y a dans l'homme des soufres
corrompus, & contre-nature, du
mélange desquels avec les naturels &
balsaniques*, se font un million de diverses
@

des secrets Chimiques. 373
couleurs, par lesquelles le sel & le
mercure sont teints & colorés: Davantage,
par ce divers tempérament, le sel &
mercure naturels, sans comprendre ceux
qui sont contre-nature, prennent différente
coagulation en leur substance; tellement
que de là vient la petitesse ou La petitesse
grandeur & extension des corps humains. & grandeur
ès corps humain
Cela ajouté avec un million de couleurs d'où
différentes qui proviennent des soufres, vient-elle?
est-il possible qu'il se puisse rencontrer
deux hommes en tout semblables
& pareils? les saisons différentes, la diversité
des aliments, l'influence différente des
Astres, les climats de la terre distincts &
séparés; d'où vient que les Français ne D'où vient
ressemblent jamais aux Espagnols, ni les la différence
Normands aux Picards, ni ceux de Languedoc des Français
aux Gascons & Provençaux, & & Espagnols.
ainsi des autres Provinces & Royaumes,
qui étant différents en climats, ont toujours
quelque différence remarquable
en leurs personnes. En telle façon que
nous pouvons facilement comprendre
que tous les hommes sont différents &
dissemblables les uns des autres, tant par
les causes externes qui agissent continuellement
contre eux, que par les causes
Aa iij
@

374 Livre cinquième.
internes, différentes entre celles qui sont
& composent toutes les parties corporelles
de l'homme.
----------------------------------------
D'O U V I E N T L A G E N E-
ration & production des mâles
& femelles.

Chapitre VI.

Les fem- pict Es femelles ne sont point
mes ne sont des monstres, ni des créatures
point des faites par cas fortuit
monstres. comme quelques-uns des
Philosophes anciens nous
ont voulu faire accroire:
elles sont aussi parfaites & accomplies en
leur espèce que les mâles, il n'y a d'autre
différence & distinction, sinon que
leur semence dont elles sont procréées
D'où sont & engendrées est beaucoup plus froide
faites les & humide que celles-là des mâles, où
femmes. l'élément du feu & de l'air prédomine
sur les autres éléments. Et en celle des
femelles l'élément de l'eau & de la terre
est supérieur: Hippocrate au premier livre
de sa Diète & méthode de vivre,
@

des secrets Chimiques. 375
nous assure le même par ces termes: Si Moyen pour
igitur foemellam parere velis diaeta ad aquam produire des
vergente utendum. Si vero masculum victu mâles &
ad ignem tendente vtendum: Car puisque des femelles.
pour engendrer & produire des femelles,
il faut user d'une manière de vivre
froide & humide, c'est pour produire une
semence telle, de laquelle les femelles se
produisent; & pour engendrer des mâles,
il faut user d'une manière de vivre
tendant au feu, chaude & sèche, c'est
afin de produire & faire une semblable
semence de laquelle les mâles se font.
La semence donc des femmes n'est
point différente de celles des hommes Les femmes
& mâles, qu'en qualité, la substance est ont toutes
toute pareille, aussi ont les femelles toutes les parties
les parties que les hommes ont, & ce des hommes.
que les hommes ont dehors, qui a été
poussé au-dehors par la vigueur de leur
forte chaleur, les femmes l'ont au-dedans
que le froid & humide ont retenu au-dedans:
Vous voyez aussi toutes les femmes
à cause de ce tempérament froid &
humide, moins fortes que les hommes,
plus timides & moins courageuses, à
cause que la force, le courage & l'action
viennent du feu & de l'air, qui sont les éléments
actifs; & partant les appelle-t-on
Aa iiij
@

376 Livre cinquième.
La forme mâles; & les autres éléments, l'eau & la
& le courage terre, éléments passifs & femelles: Tellement
d'où vient-il que les hommes sont des femmes
Les fem- occultes, car ils ont les éléments femelles
mes sont cachés au-dedans, & les éléments
des hommes mâles apparents au-dehors; & les femmes
occultes, & au contraire sont des hommes occultes,
les hommes parce qu'elles ont les éléments
sont des mâles cachés au-dedans, & les éléments
femmes femelles apparents & manifestes
occultes. au-dehors.
Les fem- Ce qui nous pourrait en quelque façon
mes se peu- faire accroire les propositions que
vent chan- quelques Historiens mettent en avant,
ger en qu'ils ont vu des femelles changées en
hommes. mâles; car il n'est pas impossible que par
un bon aliment, tendant à un tempérament
chaud & sec, la chaleur faible des
femelles ne puisse devenir forte à tel degré,
qu'elle ait moyen de pousser au-dehors
les parties que sa faiblesse avait retenues
au-dedans dans la matrice de sa
production.
Les fem- De tout ce discours, nous pouvons
mes sont aisément comprendre que les femelles
faites d'u- sont engendrées & produites d'une semence
ne semence froide & humide, & les mâles
froide & d'une semence chaude, pleine de feu, en
humide. laquelle la vigueur des Astres & leur influence
@

des secrets Chimiques. 377
prédomine de beaucoup sur la
quintessence élémentaire: Tellement
que ceux qui souhaiteront produire des
enfants mâles, tâcheront de se nourrir
de tous bons aliments chauds & ignés,
& feront un fort & violent exercice, afin
de pouvoir produire une semblable &
pareille semence de laquelle les mâles
se font. Et ceux qui souhaiteront avoir
des filles, tâcheront de se nourrir des
aliments contraires, tendant à un tempérament
froid & humide, pour engendrer
une semence pareille, de laquelle
les femelles se font & s'engendrent.

@

378 Livre cinquième. ---------------------------------------- D E Q U E L L E P A R T I E
de la semence les os sont faits & composés.
Chapitre VII.
pict Omment est-il possible que dans la semence & matière spermatique des animaux, qui est une substance molle, aqueuse & aérienne se trouve en icelle quelque partie qui puisse par la seule coction légère & très débile, devenir ferme & solide en consistance d'os, qui égale en dureté la solidité des pierres: Il ne faut être par trop étonné de cette oeuvre de Nature, puisqu'elle a de coutume d'en faire tout autant & davantage dans la semence des métaux & pierres précieuses; la semence de tous lesquels, au commencement de leur être est aussi molle & liquide que peut être celle de l'homme, & de tous les autres animaux. Cependant dans cette mollesse il y a un certain feu invisible, qui par son action imperceptible, nuit &
@

des secrets Chimiques. 379
jour agissant, cuit cette partie molle, &
par le moyen de son sel imperceptible &
insensible, coagule & affermit en telle
façon les parties les plus crasses & terrestres
de cette semence, qu'enfin elle en
fait de l'or & des diamants, beaucoup
plus durs & solides que ne sont pas les os
des hommes: Tellement qu'il nous est
très facile à juger de la génération des
métaux & pierres, tant précieuses qu'autres,
comment & en quelle façon, les os Les os d'où
ès hommes & animaux s'endurcissent, se sont-ils
font & composent de la partie plus crasse faits.
& terrestre de la semence humaine,
qu'en Alchimie on peut nommer sel; car
c'est la partie de la semence qui congèle
& affermit toutes les parties du corps,
leur donnant la solidité nécessaire
compétente qui leur est due à chacune,
les esprits formatifs & Architectoniques
travaillant nuit & jour dans la semence
humaine à la diviser & départir en toutes
les parties du corps: Des parties mercurielles La chair
de la semence, ils font les chairs d'où est-elle
toutes les parties qui en dépendent; faite & les
de la partie du soufre les esprits & parties esprits cartilages
ignées & éthérées, & de la partie du &
sel, les os, cartilages & tendons, & la fermeté tendons.
entière & solidité de tout le corps.
@

380 Livre cinquième.
Après que la semence & été ainsi départie
& divisée par ces esprits, & le corps
formé & organisé entièrement & parfaitement,
l'âme étant infuse, & l'informant,
il est après nourri de la même &
pareille matière dont il est composé, &
chaque partie attire à soi par une vertu
communicative & attrayante, qui est, &
réside en chacune d'icelles, son pareil aliment: