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Réfer. : 0312 .
Auteur : Berthelot, Marcellin.
Titre : Les origines de l'Alchimie.
S/titre : .

Editeur : Steinheil Georges. Paris.
Date éd. : 1885 .
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LES ORIGINES
D E  L'A L C H I M I E
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TYPOGRAPHIE
EDMOND MONNOYER
pict
LE MANS (Sarthe)
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pict

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LES ORIGINES D E  L'A L C H I M I E
PAR
M. BERTHELOT
MEMBRE DE L'INSTITUT

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PARIS GEORGES STEINHEIN, EDITEUR 2, Rue Casimir Delavigne, 2 --- 1885
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pict

PREFACE
---

pict e monde est aujourd'hui sans mystère:
la conception rationnelle prétend tout éclairer et tout comprendre; elle s'efforce de donner de toutes choses une explication
positive et logique, et elle étend son déterminisme
fatal jusqu'au monde moral. Je ne sais si les déductions
impératives de la raison scientifique réaliseront
un jour cette prescience divine, qui a soulevé
autrefois tant de discussions et que l'on n'a jamais
a
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VI LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE

réussi à concilier avec le sentiment non moins impératif
de la liberté humaine. En tout cas l'univers
matériel entier est revendiqué par la science, et
personne n'ose plus résister en face à cette revendication.
La notion du miracle et du surnaturel s'est
évanouie comme un vain mirage, un préjugé suranné.
Il n'en a pas toujours été ainsi; cette conception purement rationnelle n'est apparue qu'au temps des
Grecs; elle ne s'est généralisée que chez les peuples
européens, et seulement depuis le XVIIIe siècle. Même
de nos jours, bien des esprits éclairés demeurent engagés
dans les liens du spiritisme et du magnétisme
animal.
Aux débuts de la civilisation, toute connaissance affectait une forme religieuse et mystique. Toute
action était attribuée aux dieux, identifiés avec les
astres, avec les grands phénomènes célestes et terrestres,
avec toutes les forces naturelles. Nul alors n'eut
osé accomplir une oeuvre politique, militaire, médicale,
industrielle, sans recourir à la formule sacrée,
destinée à concilier la bonne volonté des puissances
mystérieuses qui gouvernaient l'univers. Les opérations
réfléchies et rationnelles ne venaient qu'ensuite,
toujours étroitement subordonnées.
Cependant ceux qui accomplissaient l'oeuvre elle- même ne tardèrent pas à s'apercevoir que celle-ci se

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PREFACE VII
réalisait surtout par le travail efficace de la raison
et de l'activité humaines. La raison introduisit à son
tour, pour ainsi dire subrepticement, ses règles précises
dans les recettes d'exécution pratique; en attendant le
jour où elle arriverait à tout dominer. De là une période
nouvelle, demi-rationaliste et demi-mystique, qui a précédé
la naissance de la science pure. Alors fleurirent
les sciences intermédiaires, s'il est permis de parler
ainsi: l'astrologie, l'alchimie, la vieille médecine des
vertus des pierres et des talismans, sciences qui nous
semblent aujourd'hui chimériques et charlatanesques.
Leur apparition a marqué cependant un progrès immense
à un certain jour et fait époque dans l'histoire
de l'esprit humain. Elles ont été une transition
nécessaire entre l'ancien état des esprits, livrés à la
magie et aux pratiques théurgiques, et l'esprit actuel,
absolument positif, mais qui, même de nos jours,
semble trop dur pour beaucoup de nos contemporains.
L'évolution qui s'est faite à cet égard, depuis les Orientaux jusqu'aux Grecs et jusqu'à nous, n'a pas été
uniforme et parallèle dans tous les ordres. Si la
science pure s'est dégagée bien vite dans les mathématiques,
son règne a été plus retardé dans l'astronomie,
où l'astrologie a subsisté parallèlement jusqu'aux
temps modernes. Le progrès a été surtout plus lent
en chimie, où l'alchimie, science mixte, a conservé

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VIII LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
ses espérances merveilleuses jusqu'à la fin du siècle
dernier.
L'étude de ces sciences équivoques, intermédiaires entre la connaissance positive des choses et leur
interprétation mystique, offre une grande importance
pour le philosophe. Elle intéresse également les savants
désireux de comprendre l'origine et la filiation
des idées et des mots qu'ils manient continuellement.
Les artistes, qui cherchent à reproduire les oeuvres de
l'antiquité, les industriels, qui appliquent à la culture
matérielle les principes théoriques, veulent aussi savoir
quelles étaient les pratiques des anciens, par quels procédés
ont été fabriqués ces métaux, ces étoffes, ces
produits souvent admirables qu'ils nous ont laissés.
L'étroite connexion qui existe entre la puissance intellectuelle
et la puissance matérielle de l'homme se retrouve
partout dans l'histoire: c'est le sentiment secret
de cette connexion qui fait comprendre les rêves
d'autrefois sur la toute-puissance de la science. Nous
aussi nous croyons à cette toute-puissance, quoique
nous l'atteignions par d'autres méthodes.
Telles sont les vues qui m'ont amené à m'occuper des Origines de l'Alchimie, à chercher à faire revivre cette
doctrine perdue, à retracer l'histoire de ses adeptes,
de ses laboratoires et de ses idées. Je me suis cru
appelé à cette étude. En effet, les débuts de la science
que je cultive depuis tant d'années m'ont souvent préoccupé;

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PREFACE IX
mais les renseignements brefs et incomplets
donnés à cet égard dans les histoires de la chimie
étaient plutôt de nature à piquer la curiosité qu'à la
satisfaire. Ces origines ont quelque chose de bizarre.
La chimie, la plus positive peut être des sciences, celle
dont nous maîtrisons le plus directement l'objet, débute
par des imaginations extravagantes sur l'art de
faire de l'or et de transmuter les métaux; ses premiers
adeptes sont des hallucinés, des fous et des charlatans,
et cet état de choses dure jusqu'au XVIIIe siècle, moment
où la vraie doctrine remplace l'antique alchimie.
Aussi les chimistes sérieux ont-ils hâte en général de
se détourner de celle-ci; ce qui explique l'abandon
dans lequel son histoire est tombée. C'est un fait bien
connu de tous ceux qui ont enseigné, à savoir que les
spécialistes étudient surtout une science en vue de ses
applications: la plupart ne se tourmentent guère de son
passé. L'Histoire des sciences attire surtout les philosophes
et les gens curieux de la marche générale de
l'esprit humain. Mais, si les spécialistes n'aiment ni les
récits historiques ni les abstractions, par contre les
philosophes sont arrêtés en chimie par le caractère
technique du langage et le tour particulier des idées.
Ils ont besoin d'être initiés par quelque personne
compétente; nécessité plus grande s'il se peut que
partout ailleurs dans une science qui a changé de
fond en comble, il y a cent ans, le système général de

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X LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
ses idées. Or, tel est le rôle que je me propose de
remplir.
Je demande la permission d'entrer dans quelques détails sur la composition de cet ouvrage; ne fut-ce que
pour marquer au Public mon respect, en lui disant
quelles sont mes références et mes autorités.
Depuis bien des années, je réunissais des notes sur l'histoire de la chimie, lorsque le voyage que je fis en
Orient en 1869, à l'occasion de l'inauguration du canal
de Suez, la visite des ruines des villes et des temples
de l'ancienne Egypte, depuis Alexandrie jusqu'à Thèbes
et Philae, l'aspect enfin des débris de cette civilisation
qui a duré si longtemps et s'est avancée si loin dans
ses industries, reportèrent mon esprit vers les connaissances
de chimie pratique que celles-ci supposent
nécessairement.
Les alchimistes prétendaient précisément faire remonter leur science à l'Egypte. C'était la doctrine
sacrée, révélée par Hermès à ses prêtres. Mais où
retrouver les traces positives de cet ordre de connaissances?
Mariette, que j'entretins souvent à ce
sujet, ne put rien m'apprendre. Un mémoire de
Lepsius, sur les métaux Egyptiens, traduit en 1877
pour la Bibliothèque des Hautes Etudes, me fournit
cependant de premières ouvertures. En le comparant
avec ce que je savais déjà des premiers alchimistes,
par l'Encyclopédie méthodique et par les histoires de

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PREFACE XI
Kopp et de Hoefer, je commençai à comprendre la
suite des idées qui avaient guidé les premiers essais
de transmutation et je pensai à m'en expliquer par
écrit. Madame Adam, avec ce zèle aimable des choses
de l'esprit et cette vive curiosité qui la distinguent,
m'encouragea dans cette intention, et elle me pressa
d'y donner suite dans la Revue nouvelle. Je le promis
volontiers. Mais j'étais alors occupé de deux grands
ouvrages: l'Essai de Mécanique chimique et le traité
sur la Force des matières explosives. Leur publication,
terminée en 1883, me permit de revenir à mon
projet d'étude sur l'alchimie. En le rédigeant, je vis
la nécessité de prendre connaissance des Manuscrits
grecs, inédits jusqu'à présent, qui renferment les plus
anciens documents connus sur cette question. J'allai
les consulter à la Bibliothèque nationale, et M. Omont
voulut bien m'aider aux débuts de mon examen. Le
sujet prit alors une extension inattendue: ce que je
pus déchiffrer me découvrit une région nouvelle et à
peu près inexplorée de l'histoire des idées; ce fut
une véritable résurrection. En effet les premiers alchimistes
étaient associés aux cultes et aux doctrines
mystiques qui ont présidé à la fondation du christianisme;
ils participaient aux opinions et aux préjugés
de cette curieuse époque. J'entrepris de pénétrer leur
doctrine, jusqu'ici si énigmatique. La Bibliothèque
nationale de Paris voulut bien me confier ses précieux

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XII LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
manuscrits; je surmontai les difficultés du déchiffrement
et celles plus grandes encore, qui résultaient
de ma connaissance un peu lointaine de la
langue grecque, à l'étude de laquelle j'avais renoncé
depuis quarante années Elle se retrouva cependant
dans ma mémoire, plus fraîche que je n'osais l'espérer.
J'exposai mes premiers résultats dans deux articles
publiés par la Nouvelle Revue, au commencement
de l'année 1884; articles que les nombreux
lecteurs de cette Revue ont bien voulu accueillir avec
une faveur, dont j'ai conservé les sympathiques témoignages.
Mais ce n'était là qu'une entrée en matière. Depuis lors je n'ai cessé d'approfondir l'étude des manuscrits
et de rechercher tous les textes des auteurs anciens
se rapportant à la chimie, textes plus nombreux
et plus explicites qu'on ne le croit communément. J'y
ai récolté une multitude de renseignements, qui ont
donné à mon oeuvre plus de précision et de solidité.
C'est ainsi que mon premier travail s'est transformé en un livre, composé de première main et
d'après des documents en grande partie inédits.
Les Papyrus grecs que nous a légués l'ancienne Egypte, et qui sont conservés dans les Musées de
Leide, de Berlin et du Louvre, à Paris, m'ont procuré
pour cet objet les plus précieux renseignements. Ils

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PREFACE XIII
confirment pleinement les résultats fournis par l'étude
des Manuscrits des Bibliothèques, auxquels je me
suis particulièrement attaché.
Non seulement j'ai fait une analyse complète des principaux Manuscrits parisiens; mais j'ai pu, grâce à l'esprit
libéral du gouvernement italien, comparer les textes
que nous possédons avec ceux d'un Manuscrit de saint
Marc à Venise, legs de Bessarion, le plus beau et le
plus vieux de tous; car les paléographes déclarent qu'il
remonte à la fin du Xe siècle, ou au commencement
du XIe siècle de notre ère. Les ouvrages qu'il renferme
sont d'ailleurs les mêmes que les nôtres. Les
Manuscrits de Venise, aussi bien que ceux de Paris,
sont formés par des traités dont les copies existent
aussi dans les principales Bibliothèques d'Europe.
Ces traités constituent une véritable collection, d'un
caractère semblable dans les divers Manuscrits. J'ai
traduit un grand nombre de fragments de ces traités;
traduction difficile à cause de l'obscurité des textes et
des fautes mêmes des copistes: je réclame à cet
égard toute l'indulgence du lecteur. Parmi ces traductions,
j'appellerai particulièrement l'attention sur les
passages où Stéphanus expose la théorie de la matière
première et du mercure des philosophes et sur
un morceau d'Olympiodore, qui relate les doctrines
des philosophes ioniens, d'après des sources aujourd'hui
perdues et qui les compare avec celle des maîtres

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XIV LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
de l'Alchimie. Peut-être les historiens de la philosophie
grecque y trouveront-ils quelque nouvelle lumière,
sur un sujet à la fois si intéressant et si
obscur.
Je crois avoir réussi à établir par mes analyses le mode général de composition de cette collection de
traités, sorte de Corpus des Alchimistes grecs, formé
par les Byzantins, en même temps que les extraits de
Photius et de Constantin Porphyrogénète.
J'en ai mis en lumière les auteurs, j'ai relevé tous les traits qu'il m'a été possible de retrouver sur leur
individualité et j'ai montré notamment comment ils
se rattachent d'abord à une école Démocritaine, florissante
en Egypte vers les débuts de l'ère chrétienne,
puis aux Gnostiques et aux Néoplatoniciens.
J'ai retrouvé non seulement la filiation des idées qui les avaient conduits à poursuivre la transmutation
des métaux; mais aussi la théorie, la philosophie de
la nature qui leur servait de guide; théorie fondée sur
l'hypothèse de l'unité de la matière et aussi plausible au
fond que les théories modernes les plus réputées aujourd'hui.
Cette théorie, construite par les Grecs, a été
adoptée par les Arabes et par les savants du Moyen
Age, au milieu des développements d'une pratique
industrielle sans cesse perfectionnée. Mais dans ce
genre de doctrines, pas plus que dans les autres théories
physiques ou naturelles, le Moyen Age n'a été

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PREFACE XV
créateur: on sait combien cette époque est demeurée
stérile dans l'ordre scientifique.
C'est ainsi que les systèmes des Grecs sur la matière et sur la nature sont venus jusqu'aux temps
modernes. Nul n'ignore les transformations profondes
qu'ils ont alors subies, sous l'influence de l'évolution
des esprits accomplie au moment de la Renaissance.
En Chimie même le changement des idées s'est
fait plus tard: il date d'un siècle à peine. Or, circonstance
étrange! les opinions auxquelles les savants
tendent à revenir aujourd'hui sur la constitution
de la matière ne sont pas sans quelque analogie
avec les vues profondes des premiers alchimistes.
C'est ce que je chercherai à montrer, en rapprochant
les conceptions d'autrefois avec les systèmes et les
théories des chimistes modernes. Ce résumé de la
philosophie chimique de tous les temps forme ma conclusion.
Les divisions du présent ouvrage, sont les suivantes: les sources, les personnes, les faits, les théories; elles
sont trop simples pour y insister.
J'ai cru utile d'y joindre des appendices, renfermant un certain nombre de textes grecs, destinés à appuyer
mes conclusions, tels que:
La liste des titres grecs des articles du principal papyrus alchimique de Leide;
Deux pages complètes de ce même papyrus, renfermant
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XVI LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
des recettes pour la transmutation et pour la
teinture en pourpre;
Une notice sur les papyrus du Louvre et de Berlin, rapprochés des textes de nos manuscrits;
Le texte et la traduction de l'article du pseudo- Démocrite sur la teinture en pourpre;
Une vieille recette pour doubler le poids de l'argent, tirée de nos manuscrits; l'énigme sibyllin; la liste
alchimique des métaux.
J'ai donné aussi une analyse détaillée des principaux Manuscrits de Paris et de Venise, sur lesquels
je m'appuie; analyse qui rendra les vérifications
plus faciles. Elle pourra être utile aux personnes qui
voudraient comparer ces manuscrits avec ceux des
autres Bibliothèques d'Europe.
Des Index très étendus, relatifs aux lieux, aux faits, aux personnes et aux mots, rendront, je l'espère, service
aux savants qui consulteront le présent ouvrage.
Ils m'ont coûté beaucoup de temps et de peine.
Enfin, deux planches exécutées en photogravure reproduisent, l'une la Chrysopée de Cléopâtre, avec
ses formules magiques; l'autre, les symboles alchimiques
des métaux: le tout d'après le manuscrit de
saint Marc.
Un mot en terminant: mon travail achevé ne me laissait pas sans quelque inquiétude sur les conditions
de sa publication, lorsque j'ai eu la bonne fortune de

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PREFACE XVII
rencontrer un éditeur qui s'est associé avec enthousiasme
à mon oeuvre et qui n'a reculé devant aucun
sacrifice pour en faire un livre exceptionnel, par
l'exécution et par les planches qu'il a bien voulu y
joindre. Puisse le public accueillir mon essai avec
la même bienveillance et l'honorer de la même faveur!

Paris, 15 décembre 1884.
M. BERTHELOT.

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TABLE DES DIVISIONS -----
Pages.
PREFACE ............................................. V
INTRODUCTION ........................................ I

LIVRE PREMIER
LES SOURCES

CHAPITRE I. -- Division du livre .................. 7
CHAPITRE II. -- Les Origines mystiques ............. 9
CHAPITRE III. -- Sources égyptiennes, chaldéennes, juives,
gnostiques ...................... 21
CHAPITRE VI. -- Les témoignages historiques ........ 67
CHAPITRE V. -- Les Papyrus de Leide ............... 80
CHAPITRE VI. -- Les Manuscrits grecs des Bibliothèques. 95

LIVRE SECOND
LES PERSONNES

CHAPITRE I. -- Les Alchimistes oecuméniques ....... 127
CHAPITRE II. -- Les Alchimistes mythiques .......... 133
CHAPITRE III. -- Les Alchimistes pseudonymes ........ 141
CHAPITRE IV. -- Les Alchimistes grecs proprement dits. 175
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XX LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
LIVRE TROISIEME
LES FAITS
Pages.
CHAPITRE I. -- Les métaux chez les Egyptiens ...... 211
CHAPITRE II. -- La teinture des métaux ............. 238

LIVRE QUATRIEME
LES THEORIES

CHAPITRE I. -- Théories grecques .................. 247
CHAPITRE II. -- Théories des Alchimistes et théories
modernes ........................ 279
APPENDICES .......................................... 323
PLANCHES ............................................ 363
TABLE ANALYTIQUE .................................... 369
INDEX ALPHABETIQUE des noms ......................... 389
INDEX ALPHABETIQUE des mots ......................... 419

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LES ORIGINES D E L'A L C H I M I E
-----
INTRODUCTION -----
pict A Chimie est née d'hier: il y a cent ans
à peine qu'elle a pris la forme d'une science moderne. Cependant les progrès rapides qu'elle a faits depuis ont concouru, plus peut-être que ceux d'aucune autre science,
à transformer l'industrie et la civilisation matérielle,
et à donner à la race humaine sa puissance chaque
jour croissante sur la nature. C'est assez dire quel
intérêt présente l'histoire des commencements de la
Chimie. Or ceux-ci ont un caractère tout spécial: la
Chimie n'est pas une science primitive, comme la
géométrie ou l'astronomie; elle s'est constituée sur
1
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2 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
les débris d'une formation scientifique antérieure;
formation demi-chimérique et demi-positive, fondée
elle même sur le trésor lentement amassé des découvertes
pratiques de la métallurgie, de la médecine,
de l'industrie et de l'économie domestique. Il s'agit
de l'alchimie, qui prétendait à la fois enrichir ses
adeptes en leur apprenant à fabriquer l'or et l'argent,
les mettre à l'abri des maladies par la préparation
de la panacée, enfin leur procurer le bonheur parfait
en les identifiant avec l'âme du monde et l'esprit
universel.
L'histoire de l'alchimie est fort obscure. C'est une science sans racine apparente, qui se manifeste tout
à coup au moment de la chute de l'empire romain
et qui se développe pendant tout le moyen âge, au
milieu des mystères et des symboles, sans sortir de
l'état de doctrine occulte et persécutée: les savants
et les philosophes s'y mêlent et s'y confondent avec
les hallucinés, les charlatans et parfois même avec
les scélérats. Cette histoire mériterait d'être abordée
dans toute son étendue par les méthodes de la critique
moderne. Sans entreprendre une aussi vaste
recherche qui exigerait toute une vie de savant, je
voudrais essayer de percer le mystère des origines
de l'alchimie et montrer par quels liens elle se rattache
à la fois aux procédés industriels des anciens
Egyptiens, aux théories spéculatives des philosophes
grecs et aux rêveries mystiques des Alexandrins et des
gnostiques.
Dans mon étude, je m'appuierai d'une part sur les travaux modernes concernant les métaux dans l'antiquité,

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INTRODUCTION 3
principalement sur le mémoire de Lepsius
relatif aux « métaux dans les inscriptions égyptiennes »
(I); d'autre part je recourrai aux plus anciens
documents écrits sur l'alchimie.
Je ne me suis pas borné à consulter les doctes histoires de la chimie, composées par H. Kopp et par
Hoefer; j'ai relu moi-même tous les passages des auteurs
grecs et latins sur ce sujet; j'ai eu également
connaissance des papyrus égyptiens, magiques et alchimiques,
de Leide, écrits en grec vers le III° ou
IVe siècle, et qui sont analysés dans les Lettres de
Reuvens à M. Letronne. J'ai entre les mains la photographie
et la copie de deux feuillets de l'un d'entre eux,
jusqu'ici inédit. M. Leemans, le savant directeur du
musée de Leide, a bien voulu copier aussi pour moi
deux autres articles de ce papyrus. M. Révillout,
professeur d'Egyptologie au Louvre, m'a fourni le
concours précieux de son érudition, pour l'histoire de
la fin du paganisme en Egypte. Je dois aussi des
renseignements très importants à M. Maspéro, notre
grand égyptologue, qui a même eu connaissance des
débris d'un ancien laboratoire, trouvé à Dongah, près
de Siout. M. Derenbourg, si compétent pour les
études arabes, m'a signalé les ouvrages en cette
langue qui traitent de l'histoire de l'alchimie; et
il a eu l'obligeance de traduire pour moi plusieurs
pages du Kitab-al-Fihrist, recueil encyclopédique
écrit au IXe siècle et dans lequel se trouvent les noms et
les titres des livres d'alchimie connus à cette époque.


(I) Traduit par W. Berend, dans la Bibliothèque de l'Ecole des hautes études, 30e fascicule, 1877.

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4 LES ORIGINES DE L ALCHIMIE
Enfin, j'ai procédé à un examen très détaillé des manuscrits alchimiques grecs, conservés à la Bibliothèque
nationale depuis le temps de François Ier, et que
M. Omont m'a communiqués avec une obligeance
inépuisable. Je les ai étudiés pendant près d'une
année. J'ai même pu faire venir de Venise, grâce à la
libéralité du gouvernement Italien, un manuscrit grec,
écrit sur parchemin, conservé dans la Bibliothèque de
Saint-Marc, lequel remonte au XIe ou XIIe siècle de notre
ère: c'est le plus ancien manuscrit connu de cette
espèce.
Plusieurs auteurs et traités contenus dans les manuscrits remontent à la même époque que les papyrus.
Ces auteurs, ces traités, et même certains passages
qui en sont extraits ont été cités dès le VIIIe siècle
par les polygraphes byzantins et rappelés aussi par les
Arabes. Non seulement ces manuscrits m'ont procuré
des renseignements nouveaux et inédits sur les
sources de l'alchimie; mais la comparaison de quelques-uns
de leurs textes, avec ceux de Platon et des
philosophes grecs, fournit des lumières inattendues
sur les théories qui guidaient les premiers alchimistes;
elle fait comprendre pourquoi ils se déclaraient
eux-mêmes, dès le IVe siècle de notre ère, « les
nouveaux commentateurs d'Aristote et de Platon (I) ».
Le nom de philosophie chimique ne date pas de notre
temps; dès ses premiers jours, la Chimie a prétendu
être une philosophie de la nature.
Voici le plan du présent ouvrage, établi d'après l'ensemble des données que je viens d'énumérer.


(I) Ms. 2,327 de la Bibliothèque nationale, f° 195.
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INTRODUCTION 5
Je dirai d'abord quelle idée les premiers alchimistes se faisaient des origines de leur science, idée qui
porte le cachet et la date des conceptions religieuses
et mystiques de leur époque; je préciserai cette corrélation,
en comparant l'état des croyances aux IIe et
IIIe siècles de notre ère et les faits cités par les historiens,
avec les textes mêmes que les alchimistes grecs
nous ont laissés. Ces textes, contemporains des écrits
des gnostiques et de ceux des derniers néoplatoniciens,
établissent la filiation complexe, à la fois égyptienne,
babylonienne et grecque, de l'alchimie. Ils comprennent,
je le répète, des papyrus conservés dans le musée
de Leide, et des manuscrits écrits sur parchemin,
sur papier coton et sur papier ordinaire, lesquels
existent dans la plupart des grandes bibliothèques
d'Europe, notamment dans la Bibliothèque nationale
de Paris.
Tel est le sujet traité dans le Livre I du présent ouvrage, livre consacré aux sources.
Dans le Livre II, j'étudie les personnes, c'est-à-dire les alchimistes dont les noms figurent dans les papyrus
et sont inscrits en tête des traités grecs contenus
dans nos manuscrits.
Le Livre III est réservé aux faits; je veux dire qu'il précise la filiation positive de l'alchimie, en résumant
ce que nous savons des connaissances usuelles
des Egyptiens relatives aux métaux, et en les rapprochant
des recettes alchimiques relatées par les papyrus
et les manuscrits.
Ce n'est là d'ailleurs qu'une partie de la question. A côté des praticiens, il y eut de bonne heure des

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6 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
théoriciens, qui avaient la prétention de dominer et de
diriger les expérimentateurs. Les Grecs surtout, occupés
à transformer en philosophie les spéculations mystiques
et religieuses de l'Orient, construisirent des
théories métaphysiques subtiles sur la constitution des
corps et leurs métamorphoses. Ces théories se manifestent
dès l'origine de l'alchimie; elles dérivent des
doctrines de l'école Ionienne et des philosophes naturalistes
sur les éléments, et plus nettement encore
des doctrines platoniciennes sur la matière première,
qui est devenue le mercure des philosophes. Elles ont
été reprises successivement par les Arabes et par les
adeptes du moyen âge, et elles ont été soutenues
jusqu'au temps de Lavoisier.
Le Livre IV expose ces théories: j'y montre en effet dans les doctrines des écoles Ionienne, Pythagoricienne
et Platonicienne les racines des théories alchimiques,
telles que les Grecs d'Alexandrie les ont
conçues, puis transmises aux Arabes et par ceux-ci
aux auteurs Occidentaux du moyen âge; et je termine
en comparant ces doctrines avec les idées que
les chimistes se forment aujourd'hui sur la constitution
de la matière.

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L I V R E P R E M I E R LES SOURCES -----

CHAPITRE PREMIER DIVISION DU LIVRE
pict OUTE science doit être placée dans son
cadre historique si l'on veut en comprendre le véritable caractère et la portée philosophique: ce travail est surtout nécessaire pour une doctrine en partie réelle et en partie
mystique, telle que l'alchimie. C'est pourquoi nous
allons comparer d'abord les assertions et les textes des
premiers alchimistes avec les croyances religieuses et
mystiques qui régnaient en Orient dans les premiers
siècles de notre ère: ce sera l'objet du second chapitre
(sources mystiques) et du troisième chapitre
(sources orientales, c'est-à-dire sources égyptiennes,
babyloniennes, gnostiques et juives).

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8 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Dans le chapitre IV nous réunirons les témoignages historiques, c'est-à-dire les textes tirés des chroniqueurs
et des autres auteurs authentiques grecs et
latins, byzantins et arabes, susceptibles de contrôler
les assertions des écrivains alchimiques et de fixer la
date de leurs premiers travaux.
Cela fait, il conviendra d'examiner les documents que ces écrivains nous ont laissés. Ainsi le chapitre
V sera consacré aux papyrus de Leide, le monument
le plus ancien et le plus certain des recherches
des Egyptiens relatives à la transformation des métaux.
Enfin dans le chapitre VI, je parlerai des manuscrits grecs, existant dans les bibliothèques et qui sont
le fondement principal de nos connaissances sur
les commencements de l'alchimie; j'exposerai les résultats
de l'étude nouvelle et approfondie que j'en ai
faite; je ferai l'analyse de quelques-uns des plus importants
et j'en discuterai l'origine et la composition.

pict
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pict

CHAPITRE II
LES ORIGINES MYSTIQUES
pict ES saintes Ecritures rapportent qu'il y a
un certain genre de démons ayant commerce avec les femmes. Hermès en a parlé dans ses livres sur la nature. Les anciennes et saintes Ecritures disent que certains anges, épris
d'amour pour les femmes, descendirent sur la terre,
leur enseignèrent les oeuvres de la nature; et à cause
de cela ils furent chassés du ciel et condamnés à un
exil perpétuel. De ce commerce naquit la race des
géants. Le livre dans lequel ils enseignaient les arts
est appelé Chêma: de là le nom de Chêma appliqué
à l'art par excellence. » Ainsi parlait Zosime le Panopolitain,
le plus vieux des chimistes authentiques,
exposant les origines de la Chimie, dans son livre
Imouth (c'est-à-dire dédié à Imhotep, dieu égyptien),
livre adressé à sa soeur Théosébie. Ce passage est
cité par Georges le Syncelle, polygraphe grec du
VIIIe siècle (I).


(I) P. 12 et 14. Edition Goar, 1652. Scaliger a reproduit ce passage (Eusebiana, p. 834,) mais en l'attribuant à tort à Photius, au lieu de
Georges le Syncelle.

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10 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
D'autres nous disent que ces oeuvres de la nature, maudites et inutiles (I), enseignées par les anges tombés
à leurs épouses, étaient l'art des poisons, des
secrets des métaux et des incantations magiques (Tertullien).
Le nom du livre Chêma se retrouve en Egypte sous la forme Chemi, titre d'un traité cité dans un Papyrus
de la XIIe dynastie et recommandé par un scribe à son
fils (2). Il est probable que le sujet en était tout différent.
C'était un vieux titre, repris plus tard pour s'en
autoriser, comme il est arrivé souvent dans l'antiquité.
Quoiqu'il en soit, le passage de Zosime est des plus caractéristiques. Sans en conclure, avec les
adeptes du XVIIe siècle, que l'alchimie était déjà connue
avant le déluge (3), il est certain qu'il nous reporte
aux imaginations qui avaient cours en Orient dans
les premiers siècles de l'ère chrétienne. Isis, dans
son discours à son fils Horus, autre ouvrage alchimique
des plus anciens, raconte également que la révélation
lui fut faite par Amnael, le premier des anges
et des prophètes, comme récompense de son commerce
avec lui (4).
Quelques lignes étranges du chapitre V de la Genèse, probablement d'origine babylonienne, ont servi de
point d'attache à ces imaginations. « Les enfants de
Dieu, voyant que les filles des hommes étaient belles,


(1) Πονηρὰ καὶ μηδεν ὠφελου̑ντα τὴν ψυχὴν. (2) Maspéro. Histoire ancienne des peuples de l'Orient, p. 125 (1875). (3) V. Borrichius dans Manget: Bibliotheca chemica, t. I. (4) Voir le manuscrit n°2.327 de la Bibliothèque nationale, fol. 256. Ce passage a été traduit par Hoefer, Histoire de la chimie, t. I, p. 290,
2e édition.

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LES ORIGINES MYSTIQUES 11
choisirent des femmes parmi elles. » De là naquit
une race de géants, dont l'impiété fut la cause du déluge.
Leur origine est rattachée à Enoch. Enoch lui-même
est fils de Caïn et fondateur de la ville qui porte son
nom, d'après l'une des généalogies relatées dans la
Genèse (chapitre IV); il descendait au contraire de Seth
et il disparut mystérieusement du monde, d'après la
seconde généalogie (chapitre V). A ce personnage équivoque
on attribua un ouvrage apocryphe composé un
peu avant l'ère chrétienne, le livre d'Enoch, qui joue
un rôle important dans les premiers siècles du christianisme.
Georges le Syncelle nous a conservé des fragments
considérables de ce livre, retrouvé depuis dans
une version éthiopienne. Il en existe une traduction
française imprimée dans le Dictionnaire des apocryphes
de Migne, t. I, p. 395-514.
Dans ce livre, ce sont également les anges pécheurs qui révèlent aux mortelles les arts et les sciences
occultes. « Ils habitèrent avec elles et ils leur enseignèrent
la sorcellerie, les enchantements, les propriétés
des racines et des arbres..., les signes magiques..., l'art
d'observer les étoiles... Il leur apprit aussi, dit encore
le livre d'Enoch en parlant de l'un de ces anges,
l'usage des bracelets et ornements, l'usage de la peinture,
l'art de se peindre les sourcils, l'art d'employer
les pierres précieuses et toutes sortes de teintures,
de sorte que le monde fut corrompu. »
Les auteurs du IIe et du IIIe siècle de notre ère reviennent souvent sur cette légende. Clément d'Alexandrie
(I) la cite (vers 200 de notre ère) dans ses Stromates,


(I) Ἇγγελοι ἐκει̑νοι... ἐξει̑πον τὰ ἀπορρητα ται̑ς γυναιξὶν.
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12 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
1. V. Tertullien en parle longuement. « Ils trahirent
le secret des plaisirs mondains; ils livrèrent
« l'or, l'argent et leurs oeuvres; ils enseignèrent l'art
« de teindre les toisons (I). » De même: « Ils découvrirent
« les charmes mondains, ceux de l'or, des
« pierres brillantes et de leurs oeuvres (2). » Ailleurs
Tertullien dit encore: « Ils mirent à nu les secrets des
« métaux; ils firent connaître la vertu des plantes et
« la force des incantations magiques, et ils décrivirent
« ces doctrines singulières qui s'étendent jusqu'à
« la science des astres (3). » On voit combien l'auteur
est préoccupé des mystères des métaux, c'est-à-dire de
l'alchimie, et comment il l'associe avec l'art de la
teinture et avec la fabrication des pierres précieuses,
association qui forme la base même des vieux Traités
alchimiques contemporains, retrouvés dans les papyrus
et dans les manuscrits. La magie et l'astrologie,
ainsi que la connaissance des vertus des plantes, remèdes
et poisons, sont confondues par Tertullien avec
l'art des métaux dans une même malédiction, et cette
malédiction a duré pendant tout le moyen âge. Ailleurs
Tertullien assimile ces anges qui ont abandonné Dieu
par amour pour les femmes et révélé les arts interdits


(I) Angeli peccatores illecebras detexerunt, aurum, argentum et opera eorum tradiderunt... vellerumque tincturas inter caetera docuerunt.
De Idolatria, IX, D.
(2) Qui siquidem angeli qui et materias ejusmodi et auri dico et lapidum illustrium et opera eorum tradiderunt. De cultu feminarum,
X.
(3) Siquidem et metallorum operta nudaverunt et herbarum ingenia traduxerunt et incantationum vires provulgaverunt et omnem curiositatem
usque ad stellarum intervretationem designaverunt... De cultu
feminarum, I, II, B.

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LES ORIGINES MYSTIQUES 13
au monde inexpérimenté (I); il les assimile, dis-je, à
leurs disciples, les mages, les astrologues et les
mathématiciens (2), et il établit un parallèle entre
l'expulsion de ceux-ci de Rome, et celle des anges du
ciel (3).
Il m'a paru nécessaire de développer ces citations, afin de préciser l'époque à laquelle Zosime écrivait:
c'est l'époque à laquelle les imaginations relatives aux
anges pécheurs et à la révélation des sciences occultes,
astrologie, magie et alchimie, avaient cours dans le
monde On voit qu'il s'agit du IIIe siècle de notre ère.
Les papyrus de Leide présentent également les recettes
magiques associées aux recettes alchimiques.
La proscription de ceux qui cultivaient ces sciences n'est pas seulement un voeu de Tertullien, elle était
effective et cela nous explique le soin avec lequel ils se
cachaient eux-mêmes et dissimulaient leurs ouvrages
sous le couvert des noms les plus autorisés. Elle
nous reporte à des faits et à des analogies historiques
non douteuses.
La condamnation des mathématiciens, c'est-à-dire des astrologues, magiciens et autres sectateurs des
sciences occultes, était de droit commun à Rome.
Tacite nous apprend que sous le règne de Tibère on
rendit un édit pour chasser d'Italie les magiciens et


(I) Materias quasdam bene occultas et artes plerasque non bene revelatas seculo magis imperito prodiderunt.
(2) Astrologos et aruspices et augures et magos... quorum artes ab angelis desertoribus proditas. Apologeticus, XXV, C.
(3) Expelluntur mathematici, sicut angeli eorum... Urbs et Italia interdicuntur mathematicis, sicut coelum angelis eorum, eadem poena est
discipulis et magistris. De Idolatria, IX, D.

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14 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
les mathématiciens; l'un d'eux, Pituanius, fut mis à
mort et précipité du haut d'un rocher (I). Sous Claude,
sous Vitellius, nouveaux sénatus-consultes (2), atroces
et inutiles, ajoute Tacite. En effet, dit-il ailleurs, ce
genre d'hommes qui excite des espérances trompeuses
est toujours proscrit et toujours recherché (3).
L'exercice de la magie et même la connaissance de cet art étaient réputés criminels et prohibés à Rome,
ainsi que nous l'apprend formellement Paul, jurisconsulte
du temps des Antonins (4). Paul nous fait savoir
qu'il était interdit de posséder des livres magiques.
Lorsqu'on les découvrait, on les brûlait publiquement
et on en déportait le possesseur; si ce dernier était de
basse condition, on le mettait à mort. Telle était la
pratique constante du droit romain (5). Or l'association
de la magie, de l'astrologie et de l'alchimie, est évidente
dans les passages de Tertullien cités plus haut.
Cette association avait lieu particulièrement en Egypte.
Les papyrus de Leide, trouvés à Thèbes, complètent et précisent ces rapprochements entre l'alchimie, l'astrologie
et la magie; car ils nous montrent que les
alchimistes ajoutaient à leur art, suivant l'usage des


(I) Annales, Il, 32. (2) Annales. XII, 52; Hist. II, 62. (3) Genus hominum potentibus infidum, sperantibus fallax, quod in civitate nostra et vetabitur semper et retinebitur. (Hist. I, 22.)
(4) Libros magicae artis apud se neminem habere licet, et si penes quoscunque reperti sint, bonis ademptis ambustisque his publice, in
insulam deportantur; humiliores capite puniuntur. Julii Pauli, liber
V, tit. XXIII. (Ad legem Corneliam de Sicariis et Veneficiis.)
(5) Jubemus namque auctores quidem ac principes cum abominandis scripturis eorum severiori poenae subjici, ita ut flammeis ignibus exurantur.
(Lois de Dioclétien et de son époque. Codicis Gregoriani,
liber XIV, Tit. de maleficiis et manichaeis, § 6.)

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LES ORIGINES MYSTIQUES 15
peuples primitifs, des formules magiques propres à se
concilier et même à forcer la volonté des dieux (ou
des démons), êtres supérieurs que l'on supposait intervenir
perpétuellement dans le cours des choses. La
loi naturelle agissant par elle-même était une notion
trop simple et trop forte pour la plupart des hommes
d'alors: il fallait y suppléer par des recettes mystérieuses
L'alchimie, l'astrologie et la magie sont ainsi
associées et entremêlées dans les mêmes papyrus (I).
Nous observons le même mélange dans certains manuscrits
du moyen âge, tels que le manuscrit grec
2.419 de la Bibliothèque nationale.
Cependant les formules magiques et astrologiques ne se retrouvent plus en général dans la plupart des
traités alchimiques proprement dits. Il n'en est que
plus intéressant de signaler les traces qui y subsistent
encore. Tels sont le dessin mystérieux, désigné sous
le nom de Chrysopée ou Art de faire de l'or de Cléopâtre
(2) et les alphabets magiques du manuscrit
2.249, analogues à ceux d'un papyrus cité par
Reuvens (3) et dont M. Leemans a reproduit le fac simile
(4). La théorie de l'oeuf philosophique, le grand
secret de l'oeuvre, symbole de l'univers et de l'alchimie,
donnait surtout prise à ces imaginations. Les
signes bizarres (5) du Scorpion et les caractères magiques


(I) REUVENS, Ire lettre à M. Letronne, p. 10, 50, etc. (2) MS. 2.249, fol. 96; ms. de saint Marc, fol. 188, V°. (3) Lettre I, p. 49. (4) Monuments égyptiens du Musée de Leide, 4e livraison, planche XIV.
(5) Ms. de la Bibliothèque Nationale, 2,327, fol. 80; ms. 2,249, fol. 100; ms. de saint Marc, fol. 193.

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16 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
transcrits dans nos manuscrits; la sphère ou
instrument d'Hermès pour prédire l'issue des maladies
(I), dont les analogues se retrouvent à la fois dans
le manuscrit 2.419 et dans les papyrus de Leide; la
table d'Emeraude, citée pendant tout le moyen âge,
et les formules mystiques: « en haut les choses célestes,
en bas les choses terrestres » qui se lisent dans
les traités grecs, à côté des figures des appareils (2),
attestent la même association. Si elle n'est pas plus
fréquente dans les ouvrages parvenus jusqu'à nous,
c'est probablement parce que ces manuscrits ont été
épurés au moyen âge par leurs copistes chrétiens. C'est
ce que l'on voit clairement dans le manuscrit grec de la
bibliothèque de saint Marc, le plus ancien de tous, car
il paraît remonter au XIe siècle. On y trouve non seulement
la Chrysopée de Cléopâtre (fol. 188) et la formule
du Scorpion (fol. 193), mais aussi le Labyrinthe
de Salomon (fol. 102, V°), dessin cabalistique, et, sous
forme d'additions initiales (fol. 4), une sphère astrologique,
l'art d'interpréter les songes de Nicéphore,
ainsi que des pronostics pour les quatre saisons. Les
alphabets magiques s'y lisent encore; mais on a essayé
de les effacer (fol. 193), et l'on a gratté la plupart
des mots rappelant l'oeuf philosophique (3).
Il paraît s'être fait à cette époque, c'est-à-dire dès le Xe ou XIe siècle, un corps d'ouvrages, une sorte d'encyclopédie
purement chimique, séparée avec soin de
la magie, de l'astrologie et de la matière médicale.


(I) MS. 2.327, fol. 293. (2) MS. 2.327, fol. 81. (3) Voir par exemple fol. 22, V°; fol. 68, V°; fol. 78, V°; fol. 106, V°; fol. 107; fol. 119; fol. 131, V°; fol. 177, V°, etc.

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LES ORIGINES MYSTIQUES 17
Mais ces diverses sciences étaient réunies à l'origine
et cultivées par les mêmes adeptes.
On s'explique dès lors pourquoi Dioclétien fit brûler en Egypte les livres d'alchimie, ainsi que les chroniqueurs
nous l'apprennent (I).
Dès la plus haute antiquité d'ailleurs, ceux qui s'occupent de l'extraction et du travail des métaux ont
été réputés des enchanteurs et des magiciens. Sans
doute ces transformations de la matière, qui atteignent
au delà de la forme et font disparaître jusqu'à
l'existence spécifique des corps, semblaient surpasser
la mesure de la puissance humaine: c'était un empiétement
sur la puissance divine.
Voilà pourquoi l'invention des sciences occultes et même l'invention de toute science naturelle ont été
attribuées par Zosime et par Tertullien aux anges
maudits. Cette opinion n'a rien de surprenant dans
leur bouche; elle concorde avec le vieux mythe biblique
de l'arbre du savoir, placé dans le Paradis
terrestre et dont le fruit a perdu l'humanité. En effet
la loi scientifique est fatale et indifférente; la connaissance
de la nature et la puissance qui en résulte
peuvent être tournées au mal comme au bien: la
science des sucs des plantes est aussi bien celle des
poisons qui tuent et des philtres qui troublent l'esprit,
que celle des remèdes qui guérissent; la science des
métaux et de leurs alliages conduit à les falsifier,
aussi bien qu'à les imiter et à mettre en oeuvre pour
une fin industrielle. Leur possession, même légitime,


(I) D'après Jean D'Antioche, Suidas, les Actes de saint Procope: les Passages de ces auteurs seront donnés plus loin.
2
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18 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
corrompt l'homme. Aussi les esprits mystiques ont-ils
toujours eu une certaine tendance à regarder la science,
et surtout la science de la nature, comme sacrilège,
parce qu'elle induit l'homme à rivaliser avec les dieux.
La conception de la science détruit, en effet, celle du
Dieu antique, agissant sur le monde par miracle et par
volonté personnelle: « C'est ainsi que la religion, par
un juste retour, est foulée aux pieds; la victoire nous
égale aux dieux! » s'écrie Lucrèce avec une exaltation
philosophique singulière (I). « Ne crois pas cependant,
ajoute-t-il, que je veuille t'initier aux principes de l'impiété
et t'introduire dans la route du crime (2). »
Par suite de je ne sais quelles affinités secrètes entre les époques profondément troublées, notre siècle a vu
reparaître la vieille légende, oubliée depuis seize cents
ans. Nos poètes, A. de Vigny, Lamartine, Leconte
de Lisle, l'ont reprise tour à tour. Dans Eloha, A. de
Vigny ne dit qu'un mot:

Les peuples déjà vieux, les races déjà mûres Avaient vu jusqu'au fond des sciences obscures.
Mais Lamartine, dans la Chute d'un Ange, a serré de plus près le mythe. Il nous décrit la civilisation
grandiose et cruelle des dieux géants, leur corruption,
leur science, leur art des métaux:

Dès mon enfance instruit des arts mystérieux Qu'on enseigne dans l'ombre aux successeurs des dieux...

(I) Quare relligio pedibus subjecta vicissim Obteritur; nos exoequat victoria coelo. (Lucrèce, De natura rerum, 1.I.) (2) Illud in his rebus vereor ne forte rearis Impia te rationis inire elementa, viamque Endogredi sceleris...
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LES ORIGINES MYSTIQUES 19
Dans la douzième vision, au milieu des ministres de
leurs crimes, apparaissent, par une assimilation presque
spontanée, les agents des sciences maudites et les
« alchimistes ».
Leconte de Lisle a repris le mythe des enfants d'Enoch et de Caïn, à un point de vue plus profond et
plus philosophique. Après avoir parlé d'Hénokia:

La ville aux murs de fers des géants vigoureux... Abîme où, loin des cieux aventurant son aile, L'ange vit la beauté de la femme et l'aima...
le poète oppose, comme Lucrèce, au Dieu jaloux qui a
prédestiné l'homme au crime, la revanche de la
science, supérieure à l'arbitraire divin et à la conception
étroite de l'univers théologique:

J'effondrerai du ciel la voûte dérisoire... Et qui t'y cherchera ne t'y trouvera pas... Dans l'espace conquis les Choses déchaînées Ne t'écouteront plus quand tu leur parleras.
Il y avait déjà quelque chose de cette antinomie, dans la haine contre la science que laissent éclater le
livre d'Enoch et Tertullien. La science est envisagée
comme impie, aussi bien dans la formule magique
qui force les dieux à obéir à l'homme, que dans la loi
scientifique qui réalise, également malgré eux, la volonté
de l'homme, en faisant évanouir jusqu'à la possibilité
de leur pouvoir divin. Or, chose étrange,
l'alchimie, dès ses origines, reconnaît et accepte cette
filiation maudite. Elle est d'ailleurs, même aujourd'hui,
classée dans le recueil ecclésiastique de Migne parmi
les sciences occultes, à côté de la magie et de la sorcellerie.
Les livres où ces sciences sont traitées doivent

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20 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
être brûlés sous les yeux des évêques, disait déjà le
code Théodosien (I). Les auteurs étaient pareillement
brûlés. Pendant tout le moyen âge, les accusations de
magie et d'alchimie sont associées et dirigées à la fois
contre les savants que leurs ennemis veulent perdre.
Au XVe siècle même, l'archevêque de Prague fut poursuivi
pour nécromancie et alchimie, dans ce concile
de Constance qui condamna Jean Huss. Jusqu'au
XVIe siècle ces lois subsistèrent. Hermolaus Barbarus,
patriarche d'Aquilée, nous apprend, dans les notes de
son Commentaire sur Dioscoride (2), qu'à Venise,
en 1530, un décret interdisait l'art des chimistes sous
la peine capitale; afin de leur éviter toute tentation
criminelle, ajoute-t-il. Telle est, je le répète, la traduction
constante du moyen âge.
C'est ainsi que l'alchimie nous apparaît vers le IIIe siècle de notre ère, rattachant elle-même sa source
aux mythes orientaux, engendrés ou plutôt dévoilés au
milieu de l'effervescence provoquée par la dissolution
des vieilles religions.


(I) Livre IX, titre XVI, 12. (2) Corollariorum..., fol. 73.
pict
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pict

CHAPITRE III
SOURCES EGYPTIENNES, CHALDEENNES, JUIVES, GNOSTIQUES

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§ 1. -- Sources Egyptiennes.
pict ES sources égyptiennes de l'alchimie
sont moins équivoques que ses origines mystiques. Tous les alchimistes les invoquent d'un concert unanime, depuis le IIIe siècle jusqu'au XVIIIe. Les papyrus de Leide, tirés
d'un tombeau de Thèbes, les confirment par une
preuve sans réplique et lèvent les derniers doutes
que pouvait laisser une science qui débute par l'apocryphisme.
Elle se rattache en effet par une tradition
constante à Hermès Trismégiste, inventeur des arts
et des sciences chez les Egyptiens.
Faut-il admettre avec Zosime et avec Olympiodore, les premiers auteurs alchimistes authentiques, qu'il
existait en Egypte, à côté des doctrines officielles et
publiques, contenues dans l'Encyclopédie hermétique
que nous citerons tout à l'heure, un ensemble de

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22 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
connaissances tenues secrètes au fond des temples, et
qu'il était interdit de révéler? Elles seraient sorties,
en quelque sorte, d'un long mystère vers le IIIe siècle
de notre ère, mais en conservant toujours une expression
mystique et symbolique qui en trahit l'origine.
Zosime le Panopolitain, écrivain du IIIe siècle, nous fait le récit suivant, cité et reproduit par
Olympiodore, contemporain de Théodose (I): « Ici est
« confirmé le livre de Vérité: Zosime à Théosébie,
« salut. Tout le royaume d'Egypte (2) est soutenu
« par ces arts psammurgiques (3). Il n'est
« permis qu'aux prêtres de s'y livrer. On les interprète
« d'après les stèles des anciens et celui qui
« voudrait en révéler la connaissance serait puni,
« au même titre que les ouvriers qui frappent la
« monnaie royale, s'ils en fabriquaient secrètement
« pour eux-mêmes. Les ouvriers et ceux qui avaient
« la connaissance des procédés travaillaient seulement
« pour le compte des rois, dont ils augmentaient
« les trésors. Ils avaient leurs chefs particuliers
« et il s'exerçait une grande tyrannie dans la préparation
« des métaux... C'était une loi chez les Egyptiens
« de ne rien publier à ce sujet. » Il y a là
le souvenir des industries métallurgiques, dont les


(I) Manuscrit 2.327, fol. 251, verso; c'est le texte de Zosime. Au fol. 206, V°, on trouve celui d'Olympiodore, qui en diffère assez notablement.
Voir aussi ce dernier: manuscrit de saint Marc, fol. 171, V°.
J'ai résumé ces textes.
(2) Ὅλον τὸ τἦς Αἰγύπτου βασὶλειον, ὦ γύναι, ἀπὸ τω̑ν δύο τούτων τω̑ν τεχνω̑ν ἐστίν τω̑ν τἐ κυρὶακων καὶ τω̑ν ψάμμων.
(3) C'est-à-dire l'art de traiter les sables ou minerais métalliques, ψάμμοι.

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SOURCES EGYPTIENNES 23
rois s'étaient réservé le monopole, industries décrites
par Agatharchide dans son ouvrage sur la mer Rouge.
Une partie de cette dernière description est même
transcrite dans le manuscrit de saint Marc (I). Les
cruautés exercées dans l'exploitation des mines d'or
ont été racontées par Diodore de Sicile, d'après
Agatharchide (2).
Zosime nous apprend ailleurs que la connaissance de l'art sacré, c'est-à-dire de l'alchimie, ne pouvait être
communiquée qu'aux fils des rois; précisément
comme la magie, d'après ce que nous savons (3).
Clément d'Alexandrie (4) dit pareillement: « Les « prêtres ne communiquent leurs mystères à personne,
« les réservant pour l'héritier du trône, ou
« pour ceux d'entre eux qui excellent en vertu et en
« sagesse. » De même sur la statue de Ptah-mer (5),
grand prêtre de Memphis, qui est aujourd'hui au
Louvre, on lit: « Il n'était rien qui lui fût caché;
il couvrait d'un voile le sens de tout ce qu'il avait
vu. » Plutarque écrit aussi, en parlant des Egyptiens:
« Leur philosophie couvrait plusieurs mystères sous
le voile des fables (6). »


(I) Fol. 138 à 141. Le passage d'Agatharchide dont ce morceau est extrait a été conservé par Photius; il est imprimé parallèlement avec
le texte de Diodore de Sicile, qui l'a compilé, dans les Geographi
graeci minores, t. I, p. 122 à 129 (édition Didot). Un autre fragment
cité par le manuscrit de saint Marc figure aux pages 183 à 186 de la
même collection.
(2) Diodore de Sicile, III, 12 et 13. -- Agatharchide, dans les Geogr. graeci minores, t. I, p. 126.
(3) Révillout, Revue d'Egyptologie, Ire année, p. 166. (4) Stromates, V, 7. (5) Diction. d'archéologie égyptienne, par Pierret. Art: Initiations. (6) Sur Isis et Osiris, VII.
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24 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
« Cache ceci », nous dit le manuscrit 2.327, fol. 271, après l'exposé d'une courte recette -- « Cache ce
secret, dit-il encore, car il contient toute l'oeuvre, »
(fol. 274). Dans les recettes positives qui nous ont été
transmises, il y a souvent une partie réservée, tenue
occulte à dessein (I).
Les textes relatifs à l'oeuf philosophique, autrement dit la pierre d'Egypte, et au dragon se mordant la
queue, l'un et l'autre emblèmes de l'univers aussi bien
que de l'alchimie, renferment toute une nomenclature
symbolique, employée par les adeptes de l'art sacré.
« Les anciens appellent (2) l'oeuf: pierre de cuivre, pierre d'Arménie, pierre d'Egypte; d'autres, l'image
du monde. Sa coquille est le cuivre, l'alliage de cuivre,
de plomb, l'alliage de fer et de cuivre. La coquille
calcinée signifie asbestos (chaux), arsenic, sandaraque,
terre de Chio, etc. Les parties liquides de l'oeuf sont
la rouille de cuivre, l'eau de cuivre verte... Le blanc
d'oeuf s'appelle gomme, suc du figuier, suc du tithymale.
Le jaune, minerai de cuivre concret... ochre
attique, safran de Cilicie. Le mélange de la coquille
et de son contenu est la magnésie (minerai de plomb?),
le corps (métal) de la magnésie, l'alliage de plomb et
cuivre, l'argent commun... » Puis viennent les traductions
des mots: liquide blanc et liquide jaune, composition
jaune.
On voit dès lors quel est le vague et l'incertitude des recettes que nous lisons dans ces vieux auteurs. Aussi
les alchimistes grecs, le pseudo-Démocrite, Zosime, Synésius,


(I) Ms. 2.327, fol. 31. (2) Ms. 2,327, fol. 23.
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SOURCES EGYPTIENNES 25
Olympiodore s'en réfèrent-ils continuellement au
langage énigmatique de leurs maîtres, aux livres secrets
des anciens (I), au livre traditionnel des ancêtres (2). »
C'était un devoir religieux de parler par énigmes, car le philosophe dit: « Ce que les hommes écrivent,
les dieux (3) en sont jaloux. » De là un symbolisme
et des allégories continuels, devenus indéchiffrables
(à supposer qu'ils aient jamais eu un sens scientifique),
faute des explications orales par lesquelles on les complétait
(4). Quelques-unes de celles-ci semblent être
venues jusqu'à nous. Ainsi la formule du Scorpion
(voir p. 15 et 16), incompréhensible dans la plupart
des manuscrits, se trouve interprétée dans une addition
inscrite sur la première feuille de garde du manuscrit
de saint Marc.
On sait que l'usage des mystères religieux et des initiations était universel dans l'antiquité. Les alchimistes
prêtaient serment de ne pas divulguer
la science qui leur était révélée. Un serment de
ce genre, sans trace chrétienne, et tout rempli de
noms et de mythes gréco-Egyptiens: Hermès et
Anubis, le dragon Kerkoros, le rocher de l'Achéron,
les trois Nécessités, les trois Fouets (Parques et
Furies?) et l'Epée, figure dans la lettre d'Isis à
son fils Horus (5). Un tel langage rappelle tout


(I) Ms. 2.327, fol. 106. (2) Ms. 2.327, fol. 149. (3) Ms. 2.327, fol. 230. -- Δαίμονες, c'est-à-dire les dieux inférieurs, de même que dans le langage de Jamblique et de ses contemporains;
ce seront plus tard les génies des Arabes.
(4) Voir le texte cité dans l'appendice A. (5) Ms. 2.327, fol. 256, V°.
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26 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
à fait celui des magiciens néoplatoniciens du
IVe siècle.
Le nom de l'art sacré, cultivé dans le temple de Memphis, c'est-à-dire dans le temple de Phtah, voisin
du Sérapeum (I) retrouvé par Mariette, se rattache à
cet ordre d'idées. Le texte de Zosime montre en effet
qu'il existait en Egypte une tradition métallurgique
secrète, à laquelle les adeptes attribuaient la richesse
de l'Egypte d'autrefois et la puissance de ses anciens
rois nationaux.
Ces opinions ont laissé leur trace dans l'histoire générale. Elles sont appuyées par un récit des chroniqueurs
byzantins, qui semble remonter à Panodorus,
moine égyptien et chronographe du temps d'Arcadius;
récit que nous trouvons reproduit dans Jean
d'Antioche, auteur du temps d'Héraclius (vers 620),
puis dans Georges le Syncelle (VIIIe siècle), ainsi que dans
les actes de saint Procope et dans Suidas (XIe siècle).
Suivant ces auteurs, Dioclétien, après avoir réprimé
avec une extrême cruauté une insurrection des Egyptiens,
révolte célèbre dans l'histoire, fit brûler les
livres qui traitaient de l'art de faire de l'or et de l'argent,
afin d'enlever aux rebelles les richesses qui leur
donnaient la confiance de se révolter.
Les destructions opérées par Dioclétien en Egypte sont un fait historique; il est très probable qu'il fit,
conformément à ce récit, brûler systématiquement les
livres et les écrits des prêtres égyptiens. En effet, la
proscription des écrits magiques et astrologiques, en un
mot de tout ouvrage relatif aux sciences occultes,


(I) Reuvens, 3e lettre à M. Letronne, p. 81.
@

SOURCES EGYPTIENNES 27
était conforme à la politique connue des empereurs
romains. Il existe dans le droit romain une série de
lois sur ce point, lois citées plus haut (page 14). Or
l'alchimie, nous l'avons déjà dit, était une science
occulte, congénère de la magie. Ainsi le manuscrit grec
2.419 de la Bibliothèque nationale contient, à côté de
très vieux traités astrologiques de Petosiris (I), auteur
égyptien déjà connu d'Aristophane, des formules magiques
et des oeuvres alchimiques. On retrouve pareillement
dans les papyrus thébains du IIIe siècle de
notre ère, les écrits magiques, astrologiques et alchimiques
associés, comme on le voit au musée de Leide (2).
Non seulement les adeptes identifient leur science, « l'art sacré par excellence » avec les doctrines de
l'ancienne Egypte; mais le nom même de la chimie a
été rattaché par plusieurs, par Champollion notamment
(3), à celui de l'Egypte, Chemi, mot que Les Hébreux
ont traduit par terre de Cham. J'ai rapproché
plus haut (page 10) le titre de l'ouvrage fondamental
Chêma, cité par Zosime, de celui du vieux
livre Chemi, qui semble aussi rappeler le nom de
l'Egypte. Cette étymologie est restée vraisemblable,
à côté de celle qui tire le nom de chimie du grec
cheuô, foudre: d'où chymos, chyme, et les mots congénères
(4).


(I) Petosiridis Mathematici ad regem Nechepso, fol. 82. Pline associe aussi ces deux noms propres.
(2) Reuvens, 3° lettre à M. Letronne, p. 65. (3) Id., p. 69. M. Maspéro partage cette opinion, ainsi que le savant professeur Hoffmann, de Kiel.
(4) Thesaurus de Henri Estienne, édit. Didot; articles chymia et chimeia. -- On peut comparer l'article de M. Gildemeister, dans le
Journal de la société orientale allemande, 1876.

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28 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
C'était une tradition universelle parmi les alchimistes que la science avait été fondée par le dieu égyptien
Hermès: d'où la dénomination d'art hermétique,
usitée jusqu'aux temps modernes. Le nom même de
l'antique roi Chéops, autrement dit Souphis ou Sophé,
suivant les dialectes, figure en tête de deux livres de
Zosime (I).
Sans doute, on peut invoquer ici une tendance, bien connue au moyen âge, de la part des inventeurs méconnus
ou persécutés: celle de rattacher leur science à
des origines illustres et vénérables. Elle existait déjà
dans la vieille Egypte, où l'on attribuait aux anciens
souverains des ouvrages mystérieusement découverts
(2).
La même aventure est arrivée chez les Juifs au temps des rois, lorsque le grand prêtre Helcias tira de l'arche
le Deutéronome et le donna sous le nom de Moïse.
Ce système était particulièrement en vigueur chez les chrétiens aux IIe et IIIe siècles, et nous lui devons
une multitude d'évangiles et d'apocryphes, attribués
aux anciens prophètes. Les écrits alchimiques que
nous possédons, papyrus ou manuscrits des bibliothèques,
remontent à la même époque et portent l'empreinte
de la même tendance.
Mais le choix même de ces ancêtres apocryphes n'est pas arbitraire; il repose d'ordinaire sur quelque tradition
réelle, plus ou moins défigurée. Les liens qui
pouvaient rattacher les idées des alchimistes aux
croyances des anciens peuples d'Orient sont aussi


(1) MS. 2.327, fol. 251 et 260. (2) Maspéro, Histoire ancienne des peuples de l'Orient, p. 74 (1875).
@

SOURCES EGYPTIENNES 29
obscurs que ceux qui relient les théories philosophiques,
théurgiques et magiques de Jamblique, de Plotin
et des autres néoplatoniciens d'Alexandrie, aux doctrines
des prêtres de Memphis; mais ils ne paraissent
pas moins réels.
Il est certain, à un autre point de vue, qu'il existait en Egypte tout un ensemble de connaissances pratiques
fort anciennes, relatives à l'industrie des métaux, des
alliages, des verres et des émaux, ainsi qu'à la fabrication
des médicaments; connaissances qui ont servi de
support aux premiers travaux des alchimistes. Ainsi,
nos manuscrits nous exposent les procédés pour fabriquer
les émeraudes et les hyacinthes, tirés du Livre du
Sanctuaire (I). Sans attacher à ces expressions une
certitude trop absolue, il n'en est pas moins digne d'intérêt
de faire observer leur existence dans les textes.
Sur la feuille qui précède dans le même manuscrit,
on lit trois recettes pour la fabrication de l'argent,
et la troisième s'en réfère à la première, inscrite plus
haut sur la stèle (2). Cette expression, présentée en passant
dans une simple recette, est très caractéristique.
Elle rappelle les stèles dont parlent Jamblique, Manéthon
l'astrologue, Galien et Olympiodore, et sur lesquelles
était inscrite la science égyptienne. Nous possédons
même une de ces stèles, dite de Metternich,


(I) Καταβαφὴ λίθων καὶ σμαράγδων καὶ λυχνιτω̑ν καὶ ὑακίνθων ἐκ του̑ ἐξαδύτου τω̑ν ἱερω̑ν ἐκδοθέντος Βιβλίου. Ms. 2.325, fol. 160, V°; ms. 2.327,
fol. 147.
(2) Λαβὼν χοινὸν μολύβδον, κάθαρον αὐτὸν ὡ; ἐν τη̑ ἀνωτέρω στήλῂ γέγραπται. Ms. 2.325, fol. 150, V°; ms. 2.327, fol. 146. Le ms. de saint
Marc, fol. 106, porte ἀνωτέραν στήλην.

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30 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
couverte de formules magiques attribuées à Nectanebo.
Le mot est d'ailleurs, je le répète, jeté en passant
dans le manuscrit, sans prétention ni charlatanisme.
Les papyrus de Leide (I, originaires de Thèbes, offrent des recettes toutes semblables à celles de nos
alchimistes grecs, et qui semblent empruntées aux
mêmes sources; car les titres sont identiques et les
recettes roulent exactement sur le même genre de préparations,
-- les unes réelles: purification, trempe,
soudure des métaux, combinaison des alliages, dorure,
argenture, docimasie de l'or et de l'argent, écriture en
lettres d'or, teinture en pourpre, fabrication des verres,
des pierres précieuses artificielles; -- les autres chimériques:
art de doubler le poids de l'or, multiplication
de l'or, art de faire l'asemon, c'est-à-dire l'argent, ou
plutôt l'électrum alliage d'or et d'argent, dit asem en
égyptien. On reconnaît dans ces derniers titres la pierre
philosophale.
Ces préparations n'étaient pas seulement industrielles et médicales; elles s'étendaient même aux choses
religieuses. Lepsius nous signale les huit minéraux
qu'on mêlait pour préparer une substance
sacrée à Edfou: or, argent, chesteb (pierre bleue),
chenem, nesenem, mafek (pierre verte), hertes. Le
Kyphi, autre corps sacré dont parle aussi Plutarque (2),
est composé avec de nombreuses substances, parmi
lesquelles on nomme à Denderâ, l'or, l'argent, le
chesteb, le mafek.


(I) Reuvens, 3e lettre à M. Letronne, p. 66 à 69. (2) De Iside, LXXXV.
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SOURCES EGYPTIENNES 31
Montrons par quelques exemples comment les alchimistes ont emprunté aux prêtres de l'Egypte les
formes énigmatiques et symboliques, ainsi que l'usage
des signes hiéroglyphiques de leur art.
Le signe alchimique de l'eau, notamment, est identique avec son hiéroglyphe; celui du soleil l'est également.
Le signe d'Hermès est le même que le signe actuel
de la planète Mercure dans l'Annuaire des Longitudes;
il a été appliqué tour à tour à l'étain et au
métal mercure. On l'assimile d'ordinaire au caducée;
mais il offre aussi une ressemblance singulière (I) avec
l'une des représentations de Toth, représentation
ainsi définie dans le Dictionnaire d'Archéologie égyptienne
de Pierret (1875): « la tête d'ibis, qui le caractérise
ordinairement, est surmontée d'un disque et de
deux cornes en croissant ». Toutefois il faudrait des
preuves plus positives, tirées des papyrus ou des
monuments, pour pouvoir affirmer cette identification.
Le sceau d'Hermès, que les praticiens du
moyen âge apposaient sur les vases et qui est devenu
le scellement hermétique de nos laboratoires,
rappelle encore l'origine égyptienne de la science. Le
fait seul que le nom et le signe du dieu Hermès
(Mercurius) aient été attribués par les alchimistes au
métal qui constituait la matière première du grand
oeuvre, c'est-à-dire à l'étain d'abord, au mercure
plus tard, fournit un rapprochement du même
ordre.
Le mot Cnouphion, dérivé du nom du dieu Cnouphis,

(I) Voir notamment la grande figure dessinée dans le ms. 2.327, fol. 297, V°, à la suite d'une liste des mois égyptiens.

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32 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
est donné dans le lexique alchimique grec (I),
comme synonyme d'alambic.
Rappelons également que, d'après Stéphanus d'Alexandrie, médecin et alchimiste du VIIe siècle, confirmé
sur ce point par le lexique alchimique grec (2),
Osiris est synonyme du plomb et du soufre.
Olympiodore compare la chimie au tombeau d'Osiris (3), dont les membres sont cachés et dont le visage
seul est apparent: ce qui répond bien à l'aspect d'une
momie dans sa gaine. Ailleurs le tombeau d'Osiris est
assimilé au mercure, l'un des agents fondamentaux du
grand oeuvre (4). Cette intervention du tombeau
d'Osiris est d'autant plus frappante, que le même tombeau
figure dans la plupart des conjurations magiques
données par les documents démotiques, par exemple
dans un papyrus à transcriptions grecques de Leide (5).
Les noms d'Isis, d'Osiris, de Typhon, se retrouvent
fréquemment dans les écrits des alchimistes grecs; celui
même de Toth y figure, à la vérité mal compris
et associé à des imaginations gnostiques (6). Il est
aussi question dans ces écrits des temples de Memphis
et d'Alexandrie, du temple d'Isis, du temple de Sérapis
à Alexandrie, ainsi que des bibliothèques Ptolémaïques,
qui y étaient associées (7).
La phraséologie des alchimistes les plus anciens est

(I) Ms. 2.327, fol. 20. (2) Ms. 2.327, fol. 21. (3) Ms. 2.327, fol. 210; ms. de saint Marc, fol. 174, V°. (4) Ms. 2.327, fol. 95. (5) Monuments égyptiens, par Leemans, texte in-8°, 1839, Ire livraison (p. 7).
(6) Ms. 2.249, fol. 98; ms. de saint Marc, fol. 190. (7) Ms. 2.327, fol. 206; ms. de saint Marc, fol. 190, V°.
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SOURCES EGYPTIENNES 33
celle de gens résidant en Egypte et ayant sous les
yeux les obélisques et les hiérogrammes, qu'ils citent,
mais sans en comprendre la signification antique
(I).
Zosime, en particulier, semble contemporain de Porphyre et de Tertullien; il fait allusion aux mêmes
mythes et aux mêmes croyances, ainsi que je l'ai déjà
expliqué en exposant les sources mystiques de l'alchimie
(p. 9.) Il parle à plusieurs reprises du courant du
Nil (2).
Olympiodore, auteur plus instruit et contemporain de Théodose, rappelle, par ses citations des anciens
philosophes grecs, les néoplatoniciens d'Alexandrie,
de la fin du IVe siècle.
J'ai également retrouvé, à la fin d'un manuscrit grec alchimique (3), la liste des mois égyptiens, mis en regard
des mois romains. Je reproduis cette double
liste, en conservant la forme grécisée des noms latins
qui figurent au manuscrit:
Martios, phamenoth; aprilios, pharmouthi; maïos, pachon; junios, panini; julios, épiphi; augustos, mesori;
septevrios, thoth; octobrios, phaophi; noevrios,
athyr; decevrios, chiak; januarios, tybi; fevruarios,
méchir.
Cette liste (4) est la même que celle qui figure dans le Dictionnaire d'archéologie égyptienne, de Pierret.
Deux des noms qu'elle contient, mechir et mesori, sont
donnés à plusieurs reprises dans l'un des traités


(I) Ms. 2.327, fol. 202. (2) Ms. 2.327, fol. 169. (3) Ms. 2.327, fol. 280. (4) Elle est répétée sur une bande marginale. Ms. 2.327, fol. 297, V°. 3
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34 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
d'Olympiodore (I). De même, les mois méchir et pharmouthi,
dans un traité d'Agathodémon (2). Cet ensemble
d'indications répond bien à des auteurs écrivant en
Egypte et ne s'expliquerait pas autrement.
Essayons de préciser davantage, en entrant dans les doctrines elles-mêmes.
Le nombre quatre joue un rôle fondamental chez les alchimistes, aussi bien que chez les Egyptiens. Ceux-
ci distinguaient les quatre bases ou éléments, les
quatre zones, les quatre divinités funéraires, qui
étaient aussi les génies des quatre points cardinaux et
qui répondaient d'ailleurs aux quatre vents, etc. (3).
Les Egyptiens, nous dit Senèque, firent quatre éléments,
puis chacun d'eux se doubla en mâle et femelle
(4). Le nombre sacré quatre figure aussi dans le
papyrus n° 75 de Leide (5). Les fragments des Hermétiques
conservés par Stobée en font mention. Le prétendu
Nilomètre, monument souvent cité par les auteurs
du commencement de ce siècle, serait
d'après Reuvens (6) le symbole de Phtah et des quatre éléments.
Les gnostiques Valentin et Marcus font jouer
aussi un grand rôle aux tétrades dans leur système,
lequel est en partie tiré des idées égyptiennes.
Or Zosime signale de même les quatre choses fondamentales, et la tétrasomie, c'est-à-dire l'ensemble
des quatre éléments qui représente la matière des


(I) Ms. 2.327, fol. 197. (2) Ms. 2.327, fol. 263. (3) Reuvens. Lettres a M. Letronne; corrections et additions, p. 160. (4) Questions naturelles, III, 14. (5) Reuvens, Ire lettre, p. 28, 32, 34. (6) Lettre I, p. 69.
@

SOURCES EGYPTIENNES 35
corps (I) Les quatre teintures sont assimilées par lui
aux quatre points cardinaux (2): Le Nord représente
la Mélanosis (teinture en noir); le Couchant, la Leucosis
(teinture en blanc ou argent); le Midi, la Iosis
(teinture en violet); l'Orient, la Xanthosis (teinture en
jaune ou or).
Dans le manuscrit 2.327 figure la table (organon) d'Hermès Trismégiste, transcrite au fol. 293. Cette
table renferme les nombres, de 1 à 34, écrits (en grec)
suivant un ordre particulier. Un certain calcul, exécuté
depuis le lever de l'Etoile du Chien (Sirius) et le mois
Epiphi, conduit à un chiffre, lequel reporté dans la
table permet de prédire la vie, la mort ou le danger
d'un malade. Ces calculs astrologiques et médicaux,
ces noms égyptiens caractérisent l'époque et le pays.
Les traités de Petosiris, vieil astrologue égyptien,
transcrits dans le manuscrit 2.419, renferment des
tables et des cercles (sphères) tout à fait analogues
(fol. 33; fol. 156.) Dans le papyrus de Leide, on trouve
aussi une sphère de Démocrite, qui a le même caractère
et le même objet.
Je rappellerai encore deux alphabets mystérieux, donnés dans le manuscrit 2249 (fol. 100) avec leurs équivalents
grecs, et qui ont reparu, après avoir été
effacés, dans le manuscrit de saint Marc (fol. 193).
M. Révillout, à qui je les ai communiqués, y constate
l'existence d'au moins trois caractères démotiques très
nets, savoir: le dj traduit par le tau grec, de même que
dans les papyrus qui renferment une transcription


(I) Ms. 2.327, fol. 150; ms. 2,250, fol. 129. (2) Ms. 2.250, fol. 31.
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36 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
grecque; un autre caractère polyphone traduit par le
psi grec, et un troisième polyphone, aussi très net, le
hoout, traduit par le thêta.
Des alphabets magiques analogues existent dans le manuscrit astrologico-alchimique 2.419 de la Bibliothèque
nationale, et des alphabets pareils se lisent dans
les papyrus thébains de Leide (I).
Les noms mêmes des laboratoires où l'on préparait la pierre métallique, c'est-à-dire la pierre philosophale,
sont transcrits à la suite d'un traité de Jean
l'archiprêtre (2). Les voici: terre de la Thébaïde, Héracléopolis,
Lycopolis, Aphrodite, Apollinopolis, Elephantine:
ce sont là en effet toutes des villes connues
en Egypte et sièges de grands sanctuaires. Cette liste
semble reproduite du début d'un passage d'Agatharchide,
relatif aux exploitations métallurgiques de l'Egypte
(3): peut-être que les lieux où l'on extrayait l'or
de ses minerais étaient les mêmes que ceux où l'on prétendait
le fabriquer. En tous cas la liste est fort ancienne;
car ces noms n'étaient plus guère connus
après la conquête musulmane, et il n'y figure aucun
lieu étranger à l'Egypte, tels que ceux que nous retrouvons
plus tard dans les listes écrites au VIIe siècle.
Tout ceci nous ramène constamment vers l'Egypte et même vers l'Egypte gnostique et hellénisée d'Alexandrie,
telle qu'elle existait à l'époque de la domination
romaine, aux IIIe et IVe siècles de notre ère.
Cependant dans ces faits, il n'y a, en somme, la preuve

(I) N° 75; Reuvens, I, 49. (2) Ms. 2.327, fol. 249, V°. (3) Voir p. 23. Le manuscrit de saint Marc a donné tout ce passage sous le titre: Des pierres métalliques (fol. 138).

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SOURCES EGYPTIENNES 37
d'aucune filiation absolument certaine de doctrines
avec la religion égyptienne, sauf peut-être le rôle attribué
au nombre quatre. Certes, il ne saurait s'agir
ici de doctrines philosophiques au sens moderne, mais
de ces théories mystiques et religieuses que nous trouvons
en Orient. Or, jusqu'à quel point les notions
pratiques de l'industrie égyptienne étaient-elles rattachées
à des idées théoriques? La chose est probable;
toute pratique importante étant accompagnée autrefois
de rites religieux. Mais nous ignorerons peut-être
toujours leur corrélation effective, à moins qu'un papyrus
sorti des nécropoles de l'Egypte ne nous apporte à
cet égard des révélations inattendues. Mon savant ami
M. Maspéro, qui recueille en ce moment l'héritage
scientifique de Mariette et maintient sur le Nil la tradition
de la science française, nous fournira sans doute
quelque lumière sur ce point, comme sur tant d'autres
problèmes soulevés par l'histoire égyptienne.
Au XVIIe siècle, on a beaucoup parlé d'une prétendue table d'Hermès, c'est-à-dire d'un papyrus hiéroglyphique,
existant à Turin. Le jésuite Kircher (I) nous
apprend que Bernard Canisius est le premier qui ait
fait connaître cet ouvrage ancien, et qu'il contient la
théorie du grand oeuvre. En effet, Kriegmann, en 1657,
a cru y trouver l'explication du mercure des philosophes,
et Dornoeus y a vu la médecine spagyrique
universelle. Mais ce sont là de pures rêveries, malgré
l'affirmation absolue de Kircher (certissimum est). Les
auteurs du XVIIe siècle ignoraient les premiers principes
de la lecture des hiéroglyphes.


(I) Alchimia hieroglyphica, Rome, 1653.
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38 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Des opinions analogues existaient déjà dans l'antiquité. Jamblique signale les antiques stèles d'Hermès,
où toute science était transcrite. Manéthon l'astrologue,
auteur du même temps, parle aussi des livres
sacrés des sanctuaires et des stèles mystérieuses de
l'omniscient Hermès (I). Les premiers alchimistes
grecs, Olympiodore par exemple, tiennent le même
langage, en appliquant cette tradition à leur science;
ils disent que le secret de l'art sacré est inscrit
sur les obélisques en hiérogrammes. Olympiodore
donne même des indications d'une extrême précision
sur les inscriptions du temple d'Isis (sans doute celui
de Philae, qu'il avait visité d'après son propre récit)
et sur celles de la montagne Libyque (2). Etait-ce simplement,
de la part des alchimistes, le besoin de rattacher
leurs idées à ces vieilles écritures, dont ils ne
comprenaient plus le sens? ou bien existait-il réellement
dans les temples des stèles contenant les formules
de l'art sacré, comme l'affirment Zosime et
Olympiodore? La stèle de Metternich avec ses inscriptions
magiques appuierait cette dernière opinion.
Nous avons cité aussi (p. 29) une recette de transmutation
rapportée formellement à l'une de ces
stèles (3), dans un langage qui ne semble guère laisser
place au doute. Cependant jusqu'ici des stèles alchimiques
de cette nature n'ont pas été retrouvées. Nous
ne sommes donc pas autorisés à faire remonter la filiation


(I) Manéthon: Apotelesmatica, livre V, P. 93 (1832). Ἐξ ἀδύτων ἱερω̑ν βιβλων... Καὶ κρυφίμων στηλω̑ν, ἃς ηὓρατο πάνσοφος Ἐρμη̑ς. (2) Ms. 2.327, fol. 205, V°. (3) MS. 2.325, fol. 150, V° ms. de saint Marc, fol. 106.
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SOURCES EGYPTIENNES 39
authentique de l'alchimie plus haut que les papyrus
égyptiens de Leide, des IIe et III° siècles.
On peut expliquer ces prétentions par des considérations plus générales. En effet, si les alchimistes se
sont rattachés à Hermès, s'ils lui ont dédié le mercure,
matière première du grand oeuvre, c'est que Hermès,
autrement dit Toth, était réputé l'inventeur de tous les
arts et de toutes les sciences. Platon en parle déjà dans
ses dialogues, tels que le Philèbe et le Phédon. Diodore
de Sicile (I) fait remonter à Hermès l'invention du
langage, de l'écriture, du culte des dieux et celle de
la musique; de même la découverte des métaux, celle
de l'or, de l'argent, du fer en particulier (2). Hermès
paraît avoir personnifié la science du sacerdoce
égyptien. C'était le Seigneur des divines paroles, le
Seigneur des écrits sacrés. (Pierret, Dictionnaire).
Le néoplatonicien Jamblique écrivait au IIIe siècle
(De mysteriis Aegyptiacis): « Cependant nos ancêtres
lui dédiaient les découvertes de leur science, étant convenus
de tout attribuer à Hermès. » Tertullien cite
également Hermès Trismégiste, le maître de tous ceux
qui s'occupent de la nature (3). D'après Galien (Adversus
ea quae Juliano in Hippocratis aphorismos, etc.):
« En Egypte, tout ce qui était découvert dans les arts
était soumis à l'approbation générale des savants;
alors on l'inscrivait sans nom d'auteur sur des colonnes
que l'on conservait dans le sanctuaire. De là cette
multitude d'ouvrages attribués à Hermès. » M. Pierret,


(I) Livre I, 16. (2) Suidas, article Φαυ̑νος. (3) Adversus Valentinianos, XV, A.
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40 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
dans son Dictionnaire, fait également observer que les
phrases attribuées à Hermès Trismégiste semblent souvent
une simple traduction de certains hiéroglyphes.
Il y a là tout un ensemble de données positives, qui
concordent avec le langage de Zosime et d'Olympiodore
et qui en attestent la valeur historique.
La science était alors essentiellement impersonnelle, et l'on comprend comment Jamblique assigne à Hermès
20,000 livres, ou même, d'après Manéthon, 36,525.
Mais toute cette science, quels qu'en fussent l'objet et
le caractère, est aujourd'hui perdue. A l'époque
alexandrine on paraît en avoir fait des résumés, assez
analogues à nos encyclopédies, ou mieux encore à celles
de la Chine et du Japon. Dans ces résumés, la tradition
égyptienne était déjà amalgamée par les traducteurs
avec les connaissances des philosophes grecs,
ainsi que Jamblique le déclare expressément. Cette
oeuvre de l'Egypte hellénisée nous est connue surtout
par un passage de Clément d'Alexandrie. D'après cet
auteur, qui semble avoir eu le recueil sous les yeux, il
existait quarante-deux livres d'Hermès. Il les décrit,
en racontant comment on les portait en cérémonie dans
les processions. Citons tout ce passage, qui est caractéristique:
« C'est le chanteur qui ouvre la marche, portant quelqu'un des attributs de la musique. Il faut, dit-on,
qu'il sache par coeur deux des livres d'Hermès: le
premier qui contient les hymnes des dieux, le second
qui renferme les règles de la vie royale. Après le chanteur,
s'avance l'horoscope, qui tient dans sa main
l'horloge et la palme, symboles de l'astronomie. Il doit

@

SOURCES EGYPTIENNES 41
connaître et avoir sans cesse à la bouche les livres
d'Hermès qui traitent de cette science. Ces livres sont
au nombre de quatre: l'un disserte sur le système des
astres qui paraissent fixes; un autre sur la rencontre
et sur la lumière du soleil et de la lune; les deux derniers
sur leur lever. Vient en troisième lieu le scribe
sacré, ayant des plumes sur la tête et dans les mains un
livre et une règle, sur laquelle se trouvent aussi l'encre
et le roseau qui lui sert pour écrire. A son tour, il est
tenu de connaître tout ce qui concerne les hiéroglyphes,
la cosmographie, la géographie, le cours du soleil, de
la lune et des cinq planètes, la chorographie de l'Egypte
et la description du Nil; il doit pouvoir décrire les
instruments et les ornements sacrés, ainsi que les lieux
qui leur sont destinés, les mesures, et généralement
tout ce qui appartient au cérémonial. A la suite des
trois personnages dont nous venons de parler, s'avance
celui qu'on nomme l'ordonnateur (le maître des cérémonies),
qui tient une coudée, comme attribut de la
justice, et un calice pour faire des libations. Il doit être
instruit de tout ce qui regarde le culte des dieux et le
sacrifice. Or, il y a dix choses qui embrassent le culte
des dieux et toute la religion égyptienne. Ce sont: les
sacrifices, les prémices ou offrandes, les hymnes, les
prières, les pompes, les jours de fêtes, etc., etc. Enfin,
pour terminer la marche, vient le prophète, portant
l'aiguière, suivi de ceux qui portent les pains envoyés.
Car le prophète est, en outre, chargé chez les Egyptiens
de la distribution des comestibles. Le prophète,
en sa qualité de pontife suprême, doit connaître les dix
livres que l'on nomme sacerdotaux. Ces livres traitent

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42 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
des lois, des dieux et de tout ce qui a rapport
à la discipline sacerdotale; Il y a donc quarante-deux
livres d'Hermès extrêmement nécessaires. Trente-six,
qui contiennent toute la philosophie égyptienne, sont
soigneusement étudiés par ceux dont nous venons de
parler. Quant aux six derniers, qui ont trait à la médecine
et traitent de la constitution du corps, des maladies,
des instruments, des remèdes, des yeux et enfin
des femmes, ils sont l'objet de l'étude assidue de ceux
qui portent le manteau, c'est-à-dire des médecins. (I) »
Pour concevoir la scène retracée par Clément d'Alexandrie, il convient de la replacer dans son milieu
historique. Reportons-nous par la pensée à ces colossaux
sanctuaires d'Esneh, d'Edfou et de Denderâ, où
je vois encore figurer sur les murs le long déroulement
des processions sacerdotales; reportons-nous à
ces temples de Sérapis, où la culture grecque s'alliait
avec la tradition égyptienne. Tel était le temple
d'Alexandrie, qui s'élevait sur une colline et dominait
la ville, avec ses portiques et les bâtiments qui l'entouraient.
C'était en même temps le siège du Muséum
antique, de l'Ecole d'Alexandrie, avec ses cours, ses
professeurs et ses élèves. Là se trouvait la fameuse
bibliothèque Ptolémaïque, brûlée une première fois
par César, rétablie par Marc-Antoine aux dépens de
celle de Pergame, citée comme autorité par Tertullien
et par Zosime, et qui paraît avoir duré, dans son ensemble,
à travers des aventures diverses, jusqu'à la fin
du IVe siècle. Quelques débris semblent même s'en être
conservés jusqu'à la conquête musulmane. Cette association


(I) Clém. Alex., Stromates, liv. VI, 4.
@

SOURCES EGYPTIENNES 43
de la science et de la religion s'est perpétuée en
Orient; la mosquée d'El-Azhar, la grande Université
musulmane du Caire, avec ses professeurs fanatiques
et ses milliers d'étudiants, nous présente aujourd'hui
un spectacle analogue.
Le Sérapéum de Memphis n'était pas moins remarquable, au point de vue de la fusion de la culture
grecque et de la culture orientale. D'après les découvertes
de Mariette qui en a retrouvé l'emplacement, il
est précédé d'une avenue de 600 sphinx que terminait un
hémicycle, formé des statues grecques de Pindare, Lycurgue,
Solon, Euripide, Pythagore, Platon, Eschyle,
Homère, Aristote, avec leurs noms écrits en grec. Ce
dernier sanctuaire était surtout médical: la parenté
étroite qui a toujours existé entre la préparation des médicaments
et les études chimiques, nous explique pourquoi
les alchimistes le regardaient comme leur plus vieux
laboratoire. C'est dans le Sérapéum de Memphis que
l'on a peut-être le plus de chances de découvrir un jour
quelques indices des pratiques chimiques des Egyptiens,
quelques fragments de ces fourneaux que Zosime
décrit, d'après ce qu'il a vu lui même dans le temple
de Memphis (I), quelques restes des alambics et des
creusets employés pour teindre les pierres précieuses
« d'après le livre du sanctuaire », comme parle l'un
des manuscrits (2); en un mot, les débris de ces antiques
laboratoires.
Cependant, si nous nous bornons au texte de Clément d'Alexandrie, il ne semble pas que l'Encyclopédie


(I) Ms. 2.249, fol. 94, V°. (2) Ms. 2.327, fol. 147.
@

44 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
hermétique contînt sur les arts industriels, ou sur
l'étude des métaux proprement dits, rien qui justifiât
l'assertion des alchimistes faisant de leur étude l'art
hermétique par excellence: Mais sans doute il y avait,
indépendamment des traités cités par Clément d'Alexandrie,
d'autres livres occultes, dont certains fragments
nous ont été conservés par les papyrus de Leide et par
nos manuscrits.
En fait, et en dehors des opuscules alchimiques, les seuls ouvrages venus jusqu'à nous sous le nom
d'Hermès sont des écrits grecs, philosophiques et
mystiques, se rattachant à la dernière époque de la
philosophie hellénique. Le Poemander, l'Asclepios,
renferment un mélange d'idées empruntées au Timée
de Platon et d'imaginations mystiques et gnostiques.
Une traduction complète de ces écrits a été publiée, il
y a quelques années, par M. Louis Ménard (1866).
Tous ces ouvrages sont fort curieux pour l'histoire
des croyances de l'époque; ils sont cités par les
docteurs chrétiens, à côté des prétendus oracles sibyllins;
mais ils sont également apocryphes. Ils ne renferment
que des traces incertaines des dogmes religieux
de l'ancienne Égypte. Néanmoins les Egyptologues font
remarquer la concordance de quelques phrases de ces
écrits avec celles des hiéroglyphes. Il semble qu'il y ait
là quelques débris plus ou moins défigurés de la vieille
littérature égyptienne. C'était l'opinion de Champollion.
Cette remarque s'applique également aux écrits alchimiques. En effet, plusieurs formules mystiques, la
forme apocalyptique du langage, l'intervention d'Isis
s'entretenant avec son fils Horus, celle de l'Agathodémon

@

SOURCES CHALDEENNES 45
attestent une certaine parenté entre les écrits pseudo-
hermétiques et les traités de quelques-uns de nos manuscrits
alchimiques, lesquels emploient précisément les
mêmes noms et les mêmes formules. En tous cas, ils sont
du même temps. Les spéculations de Zosime et son langage
mystique et allégorique rappellent quelquefois,
presque dans les mêmes termes, celles du Poemander
sur la composition des âmes, spéculations congénères
également de celles du Timée de Platon. Le rapprochement
était si évident que les alchimistes du
moyen âge associent nominativement l'apocryphe
table d'émeraude d'Hermès aux écrits de l'auteur
du Poemander (I), et à son hymne mystique d'Hermès.
On sait que ce dernier était récité par les adeptes, au
début de leurs opérations: « Univers, sois attentif à
ma prière; terre, ouvre-toi; que la masse des eaux
s'ouvre à moi, etc. »


§ 2. -- Sources babyloniennes et chaldéennes.
Les théories alchimiques ne viennent pas seulement d'Egypte; elles peuvent réclamer aussi, pour une part,
quelque origine babylonienne. C'est par là qu'elles
achèvent de se rattacher au système des sciences occultes
sorties d'Orient: magie, astrologie, alchimie, médecine,
doctrine des métaux, des pierres précieuses et des
sucs des plantes, lesquelles ont formé un corps


(I) Basile Valentin, dans la Bibliothèque des philosophes chimiques de Salmon, t. II.

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46 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
commun dans l'antiquité et pendant tout le moyen
âge; conformément aux vieilles analogies que j'ai signalées
en parlant du livre d'Enoch.
Les Chaldéens, c'est-à-dire les maîtres des sciences occultes, jouent un rôle important à Rome, dans
l'histoire des premiers siècles de notre ère. Tacite en
parle fréquemment; toujours comme de personnages
suspects, associés aux mages, promoteurs d'espérances
coupables (I). Il nous cite même un Pammenès, réputé
dans l'art des Chaldéens et exilé pour ce motif (2). Nous
retrouverons le même nom parmi les alchimistes. Ces
Chaldéens venaient de la Syrie et de la Mésopotamie:
c'étaient les représentants des religions orientales et des
doctrines secrètes, cultivées dans les temples. En effet,
les cultes de la Syrie et de l'Asie Mineure étaient imprégnés
de mythes babyloniens: dans les grandes villes de
l'Euphrate, telles que Ctésiphon, héritière de Séleucie
et de Babylone, il s'était formé une culture gréco-persane,
culture dont nous rencontrons aussi le témoignage
dans les alchimistes. Attachons-nous spécialement à cette
filiation, au double point de vue mystique et pratique.
Démocrite est donné par les alchimistes égyptiens comme leur premier patron, patron apocryphe,
bien entendu; or, le maître en magie de ce Démocrite
était, d'après Pline, aussi bien que d'après
les alchimistes, le Mède Ostanès. Ce n'est pas tout.
Le pseudo-Démocrite compare les pratiques des


(I) Annales II, 27. -- Ad Chaldoeorum promissa, magorum sacra, somniorum etiam interpretes. -- III, 22: quoesitum per Chaldoeos -- VI,
20; XII, 22, 52; Objiceret Chaldoeos, magos, -- XIV, 9.
(2) Pammenem, ejusdem loci exsulem et Chaldoeorum arte famosum. (Ann. XVI, 14.)

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SOURCES CHALDEENNES 47
adeptes Persans à celles des Egyptiens, dans sa lettre
à Leucippe (I), ainsi que dans le commentaire de Synésius.
Zosime invoque également les livres des prophètes
Persans. Le pseudo-Zoroastre dont parle Porphyre
se retrouve dans Zosime (2). C'est aussi un
apocryphe, contemporain des alchimistes, et se couvrant
du nom du vieux prophète Iranien. Il circulait
sous son nom des traités de médecine et d'astrologie,
dont les Geoponica nous ont conservé des fragments.
Ailleurs Olympiodore cite (3) le livre des Kyranides, ou livre des prescriptions divines, lequel nous
reporte encore vers la Perse et vers la fin du IIIe siècle.
Il existe réellement un livre de ce titre (4), qui nous
est parvenu et qui a été imprimé par Fabricius (5).
Il y est question des 24 gemmes et des 24 herbes,
ainsi que de leurs vertus magiques et médicales. Tout
cet exposé est conforme aux pratiques des mages et à
des traditions qui se sont conservées jusqu'à nos jours
en Orient, sur la puissance secrète des pierres et des
herbes. Galien cite aussi ce livre des Kyranides,
comme le font les premiers alchimistes; le Syncelle en
parle pareillement. Disons enfin que les chroniqueurs
byzantins attribuent à Dioclétien la destruction des
traités persans d'alchimie, aussi bien que celle des
traités égyptiens: ce qui est conforme à la fois et à la
pratique des Romains et à l'extension que je signale
dans la culture des sciences occultes.


(I) Ms. 2.327, fol. 258. (2) Ms. 2.249, fol. 97; ms. de saint Marc, fol. 190. (3) Ms. 2.327, fol. 214. (4) Voir Salmasii Plinianae Exercitationes, p. 69 (1689). (5) Bibl. Graeca, XII, 755, Ier édition.
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48 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Au point de vue pratique, il existait en Babylonie comme en Egypte tout un ensemble de procédés industriels
très perfectionnés, relatifs à la fabrication des verres
et des métaux, à la teinture des étoffes, à la trempe
du fer (aciers de Damas et de l'Inde). L'existence de ces
procédés est rendue manifeste par l'examen des débris
de l'art assyrien; mais nous ne possédons guère de
renseignements précis sur leur fabrication. Ces connaissances
étaient communes d'ailleurs aux Phéniciens
et aux populations syriennes, intermédiaires entre
l'Egypte et la Babylonie. Elles se sont conservées par
voie traditionnelle jusqu'aux Arabes et aux Persans
modernes, dont l'art a tiré de ces sources spéciales, au
moyen âge du moins, sa principale originalité. En tous
cas, elles n'étaient pas étrangères aux alchimistes, et
elles expliquent pourquoi ils invoquent les prophètes
Persans à côté des prophètes Egyptiens.
Précisons quelques unes des théories venues de la Chaldée.
C'est probablement aux Babyloniens qu'il convient de remonter pour la parenté mystique si célèbre entre
les métaux et les planètes. Je ne sais si l'on en trouverait
une indication plus ancienne que celle de Pindare
exprimant la relation de l'or avec le soleil (I).
Cette relation, ainsi que l'influence des astres sur la
production des métaux, se trouve exposée de la façon
la plus nette dans le commentaire de Proclus sur le
Timée. On y lit en effet: « L'or naturel (2) et l'argent,


(I) Isthméennes, ode V. (2) Ce mot semble impliquer une opposition entre l'or naturel et l'or artificiel.

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SOURCES CHALDEENNES 49
et chacun des métaux, comme des autres substances,
sont engendrés dans la terre sous l'influence des divinités
célestes et de leurs effluves. Le Soleil produit
l'or; la Lune l'argent; Saturne, le plomb; et Mars,
le fer (I). »
Olympiodore, philosophe néoplatonicien du Ve siècle, lequel paraît distinct de l'alchimiste et moins ancien que
lui, donne une énumération plus étendue (2): il attribue
le plomb à Saturne; l'Electrum (alliage d'or et
d'argent) à Jupiter; le fer à Mars; l'or au Soleil; l'airain
ou cuivre à Vénus; l'étain à Hermès, l'argent à
la Lune. De même dans le manuscrit de Saint Marc,
(fol. 6) on lit à côté des signes correspondants: Soleil,
l'or; Lune, l'argent; Saturne brillant, le plomb; Jupiter
éclatant, l'électrum; Mars enflammé, le fer; Vénus
porte-lumière, le cuivre; Mercure resplendissant, l'étain.
Il y a ici quelques attributions différentes des nôtres, mais conformes à celles des vieux alchimistes. Ainsi
l'Electrum, alliage d'or et d'argent, figure aussi dans
Zosime comme associé à Jupiter (3). On le trouve
également dans l'une des listes des signes alchimiques,
comme je viens de le rappeler. C'était en effet un
métal particulier pour les Egyptiens; mais plus tard
il disparut de la liste des métaux et son nom passa


(I) Φυσικὸς ὁ χρυσὸς καὶ ἄρμυρος καὶ ἔκαστα τω̑ν μετάλλων, ὥστερ καὶ τω̑ν ἄλλων, ἀπὸ τω̑ν οὐρανίων ἐν γη̑ φύεται θεω̑ν, καὶ τη̑ς ἑκειθεν ἀπορ-
ροίας. Λέγεται γου̑ν Ηλίου μέν ὁ χρυσὸς, Σελήνης δἑ ὁ ἄργυρος, Κρόνου δἑ
μόλυβδος καὶ Ἄρεος ὁ σίδερος. Proclus, Commentaire sur le Timée,
14, B.
(2) Dans ses Météorologiques: passage cité par Fabricius, I. V, ch. VI. Bibliotheca graeca.
(3) Ms. 2.327, fol. 170, V°. 4
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50 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
même, par une transition singulière, tirée sans doute
de l'analogie des colorations, à celui d'un alliage d'étain
couleur d'or, le laiton. En même temps le signe de
Jupiter, devenu disponible, fut appliqué à l'étain.
Le signe actuel d'Hermès et de la planète correspondante figurent sur les pierres gravées et amulettes
gnostiques des collections de la Bibliothèque
Nationale de Paris. Ce signe et cette planète étaient
attribués d'abord à l'étain; lorsque ce métal changea
de signe et de planète, son symbole et sa planète
furent assignés au mercure, c'est-à-dire au corps
qui jouait le rôle fondamental dans la transmutation
des métaux. Ces changements de notation ont
eu lieu entre le Ve et le XIIe siècle. Ils rappellent ceux
que l'histoire de la chimie a si souvent présentés. Ils
se traduisent dans les listes successives qui ont formé
les lexiques alchimiques placés en tête des manuscrits,
comme je le montrerai plus loin.
Quoiqu'il en soit, les vieux auteurs s'en réfèrent perpétuellement au parallélisme mystique entre les
sept planètes et les sept métaux, auxquels Stéphanus
d'Alexandrie associe les sept couleurs et les sept transformations.
Ainsi dans le symbolisme des vieux alchimistes,
le même signe représente le métal et la planète
correspondante. Le signe astronomique du soleil,
tel qu'il figurait dans les hiéroglyphes égyptiens, et tel
qu'il se retrouve aujourd'hui dans l'Annuaire du Bureau
des longitudes, est pris pour l'or; le signe de la lune
pour l'argent; et ce double sens des signes sidéraux se
rencontre déjà dans les papyrus de Leide.
Toutes ces notions, à la fois astrologiques et chimiques,
@

SOURCES CHALDEENNES 51
sont au moins de l'époque Alexandrine; si elles
ne remontent beaucoup plus haut. Elles expliquent le
côté mystique des alchimistes.
L'oeuf philosophique joue un rôle capital dans l'alchimie et il apparaît dès son origine, comme point de départ
de ses emblèmes et de sa notation. C'était à la fois
le signe de l'oeuvre sacré et de la création de l'Univers.
(I) Toutes ses parties ont une signification emblématique,
dont l'énumération semble être la première
forme des lexiques alchimiques. Or c'est là un symbole à
la fois Egyptien et Chaldéen. D'après la mythologie égyptienne:
le démiurge Khnoum, autrement dit Cnouphis,
voulant réaliser la création, fit sortir de sa bouche un
oeuf, c'est-à-dire l'univers. Dans nos musées, nous le
voyons façonnant sur une roue à potier l'oeuf mystérieux,
d'où la légende tirait le genre humain et la
nature entière. Cette imagination de l'oeuf du monde
est aussi babylonienne.
Dans un ordre analogue d'assimilations mystiques et astrologiques, originaires aussi de Babylone, et sur
lesquelles les alchimistes reviennent souvent, l'univers
ou macrocosme a pour image l'homme ou microcosme.
Toutes ses parties fondamentales s'y retrouvent, y
compris les signes du zodiaque (2).
A ces conceptions astrologiques venaient s'en associer d'autres, empruntées à la germination et à la génération,
et qui nous rappellent quelle importance les
phénomènes agricoles avaient en Mésopotamie et en
Egypte: « l'or engendre l'or, comme le blé produit le


(1) Ms. 2.327, fol. 23, au bas. Voir p. 24. (2) Olympiodore, ms. 2.327, fol. 213, V°.
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52 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
blé, comme l'homme produit l'homme », répètent sans
cesse les adeptes. Ces idées, qui ont été en vigueur
parmi les alchimistes durant le moyen âge, existent
déjà chez nos auteurs grecs. On voit comment elles
tirent leur origine de l'Egypte et de Babylone.
Le vague des espérances illimitées qu'excitaient les études alchimiques ne s'étendait pas seulement à l'art
de faire de l'or, mais aussi à l'art de guérir les maladies.
Ce dernier art est invoqué par Ostanès le philosophe,
l'un des plus vieux pseudonymes, appelé aussi
le mage, c'est-à-dire le Chaldéen, et dont le nom est
cité par Pline. Or, dans le livre alchimique qui porte
son nom, l'eau divine guérit toutes les maladies. De là
la conception de la panacée, de l'élixir de longue vie, du
remède universel chez les Arabes, héritiers de la culture
chaldéenne et persane.
La tradition alchimique s'étend au delà de l'Egypte et de la Chaldée. De tout temps les connaissances pratiques,
dans l'ordre des sciences réelles, comme dans
l'ordre des sciences occultes, se sont propagées au
loin dans le monde avec une singulière rapidité, et
nous en reconnaissons souvent, non sans surprise, la
trace dans les monuments contemporains des diverses
civilisations. C'est ainsi que l'alchimie apparaît en
Chine, au IIIe siècle, à l'époque même où elle florissait
en Egypte et chez les Alexandrins. Voici les renseignements
que le savant M. d'Hervey de Saint Denis,
professeur au Collège de France, a bien voulu me fournir
à cet égard. On trouve dans la grande encyclopédie
Peï-ouen-yun-fou, qui jouit en Chine d'une réelle autorité,
cette mention très nette: « Le premier qui purifia

@

SOURCES JUIVES 53
le Tan (expression technique consacrée pour dire,
chercher la transmutation des métaux) fut un nommé
Ko-hong, qui vécut au temps de la dynastie des Ou, »
La dynastie des Ou a régné de l'an 222 à l'an 277 de
notre ère. C'est donc au milieu du IIIe siècle que les
Chinois auraient commencé à s'occuper d'alchimie.
L'initiative, d'après le dictionnaire yun-fou-kinn-yu,
en appartiendrait aux moines de la secte du Tao, sectateurs
du philosophe Lao-tse, lesquels pratiquèrent
aussi la magie. Les alchimistes chinois s'attachaient
également à transmuter l'étain en argent et l'argent en
or; ils plaçaient toujours dans leurs creusets, avec la
pierre de tan, une certaine quantité du métal cherché,
envisagée comme substance mère. Or ce sont là les
pratiques usitées chez les Graeco-Egyptiens; c'est aussi
la même association de la magie avec l'alchimie.


§ 3. -- Sources Juives.
Le rôle attribué aux Juifs pour la propagation des idées alchimiques, rappelle celui qu'ils ont joué à
Alexandrie, lors du contact entre la culture Grecque et
la culture Egyptienne et Chaldéenne. On sait que les
Juifs ont une importance de premier ordre dans cette fusion
des doctrines religieuses et scientifiques de l'Orient
et de la Grèce, qui a présidé à la naissance du christianisme.
Les Juifs Alexandrins ont été un moment à la
tête de la science et de la philosophie.
La Cabbale, oeuvre chaldéo-rabbinique, a été liée pendant
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54 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
le moyen âge avec l'alchimie. On rencontre dans
le manuscrit alchimique de saint Marc, qui date du
XIe siècle, un dessin cabalistique, le labyrinthe de
Salomon (I). Cette liaison entre les traditions juives et
l'alchimie remonte très haut; on la reconnaît aussi
bien dans les papyrus de Leide que dans les manuscrits
grecs alchimiques.
Ainsi dans le papyrus n° 75 de Reuvens (2) figure une recette alchimique, attribuée à Osée roi d'Israël.
Dans d'autres papyrus de la même famille, on lit
les noms d'Abraham, Isaac, Jacob, le mot Sabaoth et
plusieurs autres passages se rapportant aux Juifs.
Le papyrus n° 76 (3) renferme un ouvrage magique et astrologique, intitulé: le Saint livre, appelé la huitième
Monade de Moyse, la clef de Moyse, le livre
secret de Moyse. Les noms et les souvenirs juifs sont
donc mêlés aux sciences occultes, à l'époque des premiers
écrits alchimiques, c'est-à-dire vers le IIIe siècle
de notre ère.
Ce mélange est attesté également par les manuscrits des Bibliothèques. En effet dans le manuscrit
2.325, fol. 163, V°, et dans le manuscrit 2.327, fol. 146,
nous trouvons citée la chimie de Moyse (4). La recette
de Moyse pour doubler le poids de l'or (diplosis) par
transmutation, apparaît dans le vieux manuscrit de
Saint-Marc (5) et dans la plupart des autres.
Le livre de la Vérité de Sophé l'Egyptien, oeuvre

(I) Ms. de saint Marc, fol. 102, V°. (2) Ire lettre à M. Letronne. Appendice, p. 158. (3) Appendice, p. 151. (4) Ἐν τῃ Μουσέως οἰκεία χυμευτικη̑ τάξει (5) Ms. de saint Marc, fol. 185.
@

SOURCES JUIVES 55
attribuée à Zosime, est consacré au Seigneur des
Hébreux et des puissances Sabaoth (I).
Dans le manuscrit 2.249 (2), sur la page où sont figurés divers appareils, il y a une addition d'une autre
écriture, avec la note: de Salomon, de Juda le Juif.
Zosime s'en réfère aussi aux écrits judaïques pour la
description de certains appareils (3): quelques uns
d'entre eux remonteraient même à Noë, d'après un
autre passage. Ceci rappelle les emprunts faits au
livre juif d'Hénoch. Ailleurs il nous est dit qu'il y
a deux sciences, celle des Egyptiens et celle des
Hébreux, qui est plus solide (4).
Il y a plus: il existe un traité, ou plutôt une série d'extraits tirés d'un même traité, qui semblent répondre
précisément à cette chimie domestique de Moïse
citée plus haut. En effet ces extraits débutent par
une phrase tirée de l'Exode (5), sauf quelques variantes
(6). « Et le Seigneur dit à Moïse: J'ai choisi
Beseleel, prêtre de la tribu de Juda, pour travailler
l'or, l'argent, le cuivre, le fer et tout ce qui regarde
les pierres et les travaux du bois, et pour être le
maître de tous les arts. » Puis viennent une série
de recettes purement pratiques, placées sous le
patronage de Moïse et de Beseleel. On sait que
ce dernier est donné dans l'Exode comme l'un
des constructeurs de l'Arche et du Tabernacle. Il y


(1) Ms. 2.327, fol. 251 et fol. 260. (2) Fol. 101, V°. (3) Ms. 2.327, fol. 82. (4) Ms. 2.327, fol. 260. (5) Exode, XXXI, I à 5; XXXV, 30. (6) Ms. 2.327, fol. 268, V°.
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56 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
a dans tout ceci une attache rabbinique, et comme un
premier indice des sources et des doctrines secrètes
de la franc-maçonnerie au moyen âge.
Zosime parle également de Salomon, roi de Jérusalem, et de sa sagesse (I), ainsi que de la traduction
de la Bible, de l'hébreu en grec et en égyptien (2), traduction
qu'il attribue à un interprète unique. Ce dernier
renseignement est fort ancien; car il diffère de celui
qui avait cours au IVe siècle sur cette traduction, d'après
le pseudo Aristée, et qui s'est maintenu dans les mots
« version des Septante »; je veux dire le conte des
soixante-dix vieillards, choisis comme interprètes des
Ecritures Saintes.
L'art sacré des Egyptiens et la puissance de l'or qui en résulte, écrit encore Zosime, n'ont été révélés
qu'aux Juifs (3), par fraude, et ceux-ci l'ont fait
connaître au reste du monde.
« Ne touche pas la pierre philosophale de tes mains; tu n'es pas de notre race, tu n'es pas de la race
d'Abraham » (4), dit Marie la Juive, l'un des auteurs
fondamentaux de l'alchimie: plusieurs traités lui sont
attribués, ainsi que l'invention du bain-marie.
Nous rencontrons ici ce mélange de fables hébraïques et orientales, qui caractérise les trois premiers
siècles de notre ère. Il se manifeste plus clairement
encore dans les origines gnostiques de l'alchimie,


(I) Ms. 2.327, fol. 255. (2) Ms. 2.249, fol. 98; Ms. de saint Marc, fol. 190, V°. (3) Μόνοις δἑ Ιουδαίοις ἐξέδωσαν λάθρα ταύτα ποιει̑ν καὶ γράφειν, καὶ παραδιδόναι; Ms. 2.327, fol. 252, V°.
(4) Ms. de saint Marc, fol. 178; Ms. 2,327, fol. 214, V°.
@

SOURCES GNOSTIQUES 57
dont nous parlerons bientôt. Observons d'ailleurs
que le rôle favorable attribué aux Juifs est en
opposition avec les préjugés de certaines sectes gnostiques.
Mais par contre il s'accorde avec ce fait que le
prophète gnostique Marcus était né en Palestine. En
tout cas, un tel mélange nous reporte vers le second
siècle de notre ère, au temps où l'autorité des livres
des Juifs était invoquée et opposée à celle des auteurs
helléniques, et où les chrétiens ne méprisaient pas
encore les Juifs; comme ils ne manquèrent pas de le faire,
dès que leur religion fut devenue celle des empereurs.


§ 4. -- Sources Gnostiques.
L'étude des papyrus et des manuscrits conduit à préciser davantage l'époque et le point de contact
entre l'alchimie et les vieilles croyances de l'Egypte
et de la Chaldée. En effet, ce contact coïncide
avec le contact même de ces croyances et de
celles des chrétiens au IIe et au IIIe siècle. Les premiers
alchimistes étaient gnostiques.
D'après Reuvens (I), le papyrus n° 75 de Leide renferme un mélange de recettes magiques, alchimiques,
et d'idées gnostiques; ces dernières empruntées aux
doctrines de Marcus (2).


(I) Ire Lettre à M. Letronne, p. 8 à 10. (2) Monuments Egyptiens du musée de Leide publiés par Leemans, p. 85 (1846). Les mêmes: Livraison in-8°, publiée en 1839, p. 18
et 34.

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58 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Les auteurs de nos traités, Zosime, Synésius, Olympiodore, sont aussi tout remplis de noms et
d'idées gnostiques. « Livre de vérité de Sophé l'Egyptien:
« c'est ici l'oeuvre divine du Seigneur des
« Hébreux et des puissances Sabaoth. » Ce titre déjà
cité reparaît deux fois: une fois seul (I), une autre
fois (2) suivi des mots: « Livre mystique de Zosime
le Thébain. » On reconnaît l'analogue de l'Evangile de
la Vérité et de la Pistis Sophia de Valentin, ainsi que la
parenté de l'auteur avec les Juifs et avec les gnostiques.
En effet les mots « Seigneur des Hébreux et Sabaoth »
sont caractéristiques.
Quant au nom de Sophé l'Egyptien, c'est une forme équivalente à celui de Souphis, c'est-à-dire
du Chéops des Grecs. Le livre qui lui est ici attribué
rappelle un passage d'Africanus, auteur du IIIe
siècle de notre ère, qui a fait un abrégé de l'historien
Manéthon, abrégé compilé plus tard par Eusèbe (3).
« Le roi Souphis, dit Africanus, a écrit un livre sacré,
que j'ai acheté en Egypte, comme une chose très précieuse »
On vendait donc alors sous le nom du vieux roi
des livres apocryphes, dont les auteurs réels étaient
parfois nommés à la suite, comme dans le titre de notre
ouvrage de Zosime.
Le Serpent ou Dragon qui se mord la queue (ouroboros) est plus significatif encore: c'est le


(I) Ms. 2.327, fol. 260. (2) Fol. 251. (3) Collection Didot, p. 548. Eusèbe a altéré ce passage, en substituant aux mots: j'ai acheté, etc; ceux-ci: livre que les Egyptiens regardent
comme très précieux.

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SOURCES GNOSTIQUES 59
symbole de l'oeuvre, qui n'a ni commencement ni
fin (I). Dans les Papyrus de Leide (2), il est question
d'un anneau magique, sur lequel ce serpent est tracé.
Il est aussi figuré deux fois dans le manuscrit 2.327,
en tête d'articles sans nom d'auteur, dessiné et colorié
avec le plus grand soin, en deux et trois cercles
concentriques, de couleurs différentes, et associé aux
formules consacrées: « La nature se plaît dans la
nature, etc. (3). » Il est pourvu de trois oreilles, qui
figurent les trois vapeurs, et de quatre pieds, qui représentent
les quatre corps ou métaux fondamentaux:
Plomb, cuivre, étain, fer.
Les derniers détails rappellent singulièrement la salamandre, animal mystérieux qui vit dans le feu, lequel
apparaît déjà à Babylone (4) et en Egypte (5), et dont
Aristote (6), Pline, Sénèque et les auteurs du siècle suivant
rappellent souvent les propriétés mystérieuses. Il
en est aussi question dans les papyrus de Leide (7) et


(I) Ms. 2.250, fol. 45: Le Serpent Ouroboros dont le commencement est la fin et dont la fin est le commencement.
(2) Reuvens, Ire lettre, p. 24. (3) Ms. 2.327, fol. 196 (trois cercles: rouge, jaune et vert) et fol. 279 (deux cercles rouge et vert).
(4) Ex ipsa quae magi tradunt contra incendia, quoniam ignes sola animalium extinguat, si vera ferunt: PLINE, I. XXIX, ch. IV, section 23.
(5) D'après Gessner (de Quadrup. oviparibus) c'était en Egypte le symbole d'un homme brûlé, et il cite Horus (Horapollon) in Hieroglyphicis.
(6) Aristote, Hist. des animaux, I. V, ch. XIX. -- Αὓτη γὰρ ὣς φησὶ, διὰ του̑ πυρὸς βαδίζουσα κατασβέννυσε τὸ πυ̑ρ. -- Galien accentue davantage
le doute et rappelle des expériences positives: Ἠ σαλαμάνδρα μέχρι
μἑν τινὸς ὑπὸ πυρὸς ουδέν πάσχει. Cependant il dit qu'à la fin elle est
brûlée. -- Galien, sur les Mélanges, livre III; éd. de Kühn, I, 814, 1821.
(7) Quatrième livraison de la publication de M. Leemans, planche XII.
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60 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
parmi les pierres gravées gnostiques de la collection de
la Bibliothèque Nationale: elle jouait un certain rôle
dans les formules magiques et médicales de ce temps.
A la suite de la figure du serpent, on lit dans le manuscrit 2.327 un exposé allégorique de l'oeuvre:
« Le dragon est le gardien du temple. Sacrifie-le,
écorche-le, sépare la chair des os et tu trouveras ce
que tu cherches. » Puis, viennent successivement
l'homme d'airain, qui change de couleur et se transforme
dans l'homme d'argent; ce dernier devient à
son tour l'homme d'or (I). Zosime a reproduit tout cet
exposé avec plus de développement (2). Les mêmes
allégories se retrouvent ailleurs dans un texte anonyme
(3), sous une forme qui semble plus ancienne:
l'homme d'airain est plongé dans la source sacrée,
il change non seulement de couleur (χρωμα), mais de
corps (σωμα), c'est-à-dire de nature métallique, et il devient
l'homme d'Asemon, puis l'homme d'or. L'argent
est ici remplacé par l'asemon, c'est-à-dire par l'Electrum,
alliage d'or et d'argent, qui figurait au nombre
des vieux métaux Egyptiens (p. 49).
Remarquons encore ces allégories, où les métaux sont représentés comme des personnes, des hommes: c'est là
probablement l'origine de l'homunculus du moyen âge;
la notion de la puissance créatrice des métaux et de celle
de la vie s'étant confondues dans un même symbole.
Un autre traité de Zosime renferme une figure énigmatique, formée de trois cercles concentriques,


(I) Ms. 2.327, fol. 196; Ms. de saint Marc, fol. 94. (2) Ms. 2.327, fol. 86, V°. (3) Ms. de saint Marc, fol. 137; ms. 2.327, fol. 110, V°.
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SOURCES GNOSTIQUES 61
qui semblent les mêmes que ceux du serpent, et entre
lesquels on lit ces paroles cabalistiques: « Un est le
tout, par lui le tout, et pour lui le tout, et dans lui
le tout. Le serpent est un; il a les deux symboles (le bien
et le mal) et son poison (ou bien sa flèche), etc. » (I). Un
peu plus loin vient la figure du Scorpion et une suite de
signes magiques et astrologiques. Ces axiomes reparaissent,
mais sans la figure, écrits à l'encre rouge
au folio 88 du n° 2.327 (2): probablement la figure
existait ici dans le texte primitif; mais le copiste ne
l'aura pas reproduite.
Dans le manuscrit de saint Marc, fol. 188, V°, et dans le manuscrit 2.249, fol. 96, sous le nom de Chrysopée
de Cléopâtre, le même dessin se voit, plus compliqué
et plus expressif. En effet, non seulement
les trois cercles sont tracés, avec les mêmes axiomes
mystiques; mais le centre est rempli par les trois signes
de l'or, de l'argent et du mercure. Sur le côté droit
s'étend un prolongement en forme de queue, aboutissant
à une suite de signes magiques, qui se développent
tout autour. Le système des trois cercles
répond ici aux trois couleurs concentriques du serpent
citées plus haut. Au dessous, on voit l'image
même du serpent Ouroboros, avec l'axiome central:
« Un le tout. » Le serpent, aussi bien que le système
des cercles concentriques, est au fond l'emblème des
mêmes idées que de l'oeuf philosophique, symbole de
l'univers (3) et symbole de l'alchimie.


(I) Ms. 2.327, fol. 220 et fol. 80. (2) Voir aussi le ms. 2.325, fol. 83. (3) Ms. 2.327, fol. 23.
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62 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Ce sont là des signes et des imaginations gnostiques, ainsi que le montre l'anneau magique décrit dans le
papyrus de Leide et comme on peut le voir dans l'Histoire
des origines du Christianisme de M. Renan (I).
Le serpent qui se mord la queue se présente continuellement associé à des images d'astres et à des
formules magiques sur les pierres gravées de l'époque
gnostique. On peut s'en assurer dans le Catalogue
imprimé des camées et pierres gravées de la Bibliothèque
nationale de Paris, par Chabouillet. Les numéros
2.176, 2.177, 2.180, 2.194, 2.196, 2.201, 2.202,
2.203, 2.204, 2.205, 2.206, etc., portent la figure de
l'Ouroboros, avec toutes sortes de signes cabalistiques.
De même la salamandre, n° 2.193. Au n° 2.203 on voit
Hermès, Sérapis, les sept voyelles figurant les sept
planètes, le tout entouré par le serpent qui se mord
la queue. Au n° 2.240, le signe des planètes avec
celui de Mercure, qui est le même qu'aujourd'hui.
C'étaient là des amulettes et des talismans, que l'on
suspendait au cou des malades, d'après Sextus Empiricus
médecin du IVe siècle, et que l'on faisait servir
à toutes sortes d'usages. Ces symboles sont à la fois
congénères et contemporains de ceux des alchimistes.
Le serpent qui se mord la queue était adoré à Hiérapolis en Phrygie, par les Naasséniens, secte
gnostique à peine chrétienne. Les Ophites, branche
importante du gnosticisme, comprenaient plusieurs
sectes qui se rencontraient en un point, l'adoration


(I) T. VII, p. 183.
@

SOURCES GNOSTIQUES 63
du serpent, envisagé comme le symbole d'une
puissance supérieure (I); comme le signe de la
matière humide, sans laquelle rien ne peut exister;
comme l'âme du monde qui enveloppe tout et donne
naissance à tout ce qui est, le ciel étoilé qui entoure
les astres; le symbole de la beauté et de l'harmonie
de l'univers. Le serpent Ouroboros symbolisait donc
les mêmes choses que l'oeuf philosophique des alchimistes.
Le serpent était à la fois bon et mauvais.
Ce dernier répond au serpent égyptien Apophis,
symbole des ténèbres et de leur lutte contre le
soleil.
L'Ophiouchos, qui est à la fois un homme et une constellation, joue un rôle essentiel dans la mythologie
des Pérates, autres Ophites; il prend la défense
de l'homme contre le méchant serpent. Nous le
retrouvons dans Olympiodore (2).
Ailleurs nous rencontrons la langue spéciale des gnostiques: « la terre est vierge et sanglante, ignée
et charnelle » nous disent les mêmes auteurs (3).
Les gnostiques, ainsi que les premiers alchimistes et les néoplatoniciens d'Alexandrie, unissaient la
magie à leurs pratiques religieuses. On s'explique par
là la présence de l'étoile à huit rayons, signe du
soleil en Assyrie, parmi les symboles qui entourent
la Chrysopée de Cléopâtre, aussi bien que
dans les écrits Valentiniens. Elle semble rappeler
l'ogdoade mystique des gnostiques et les huit dieux


(I) Sur les Ophites, par Ph. Berger, p. 28, 29, 96; 1873. (2) Ms. 2.327, fol. 204. (3) Zosime, dans le ms. de saint Marc, fol. 190, V°.
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64 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
élémentaires égyptiens, assemblés par couples mâles
et femelles, dont parle Sénèque (I). J'ai montré ailleurs
(p. 34) que le nombre quatre joue un rôle fondamental
dans Zosime, aussi bien que chez les Egyptiens
et chez le gnostique Marcus.
Le rôle de l'élément mâle, assimilé au levant, et de l'élément femelle, comparé au couchant (2);
l'oeuvre accomplie (πληρούμενον) par leur union;
l'importance de l'élément hermaphrodite (la déesse
Neith des Egyptiens) cité par Zosime (3), et qui
reparaît jusque dans les écrits du moyen âge (4); l'intervention
des femmes alchimistes, Théosébie, Marie
la Juive, Cléopâtre la Savante, qui rappellent les prophétesses
gnostiques (5), sont aussi des traits communs
aux gnostiques et aux alchimistes.
Les traditions juives jouaient un rôle important chez les gnostiques Marcosiens. Ceci est encore
conforme à l'intervention des Juifs dans les écrits
alchimiques et dans les papyrus de Leide.
Zosime, et Olympiodore reproduisent les spéculations des gnostiques sur l'Adam, l'homme universel (6)
identifié avec le Toth égyptien: les quatre lettres
de son nom (7) représentent les quatre éléments.
Eve s'y trouve assimilée à Pandore. Prométhée et


(I) Questions naturelles, III, 14. (2) Ms. 2.327, fol. 206. (3) Ms. 2.327, fol. 220. (4) Theatrum Chemicum, V, 804. (5) Renan, Histoire des origines du christianisme, t. VII, p. 116. (6) Ms. 2.327, fol. 20, et ms. 2.249, fol. 98, transcrit en partie dans Hoefer, I, 534 -- ms. de saint Marc, fol. 190.
(7) L'auteur ne savait pas qu'en hébreu ce nom n'a que trois lettres.

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SOURCES GNOSTIQUES 65
Epiméthée sont cités et regardés comme exprimant en
langage allégorique l'âme et le corps.
Nous trouvons pareillement dans les Geoponica une recette attribuée à Démocrite et où figure le
nom d'Adam, destiné à écarter les serpents d'un
pigeonnier. Sous une forme plus grossière, c'est
toujours le même ordre de superstitions.
Un tel mélange des mythes grecs, juifs et chrétiens est caractéristique. Les Séthiens, secte gnostique,
associaient de même les mystères orphiques et les
notions bibliques (I). Nos auteurs alchimiques ne
manquent pas davantage de s'appuyer de l'autorité
des livres hébraïques; et cela à la façon des premiers
apologistes chrétiens, c'est-à-dire en les joignant à
Hermès, à Orphée (2), à Hésiode, à Aratus (3),
aux philosophes, aux maîtres de la sagesse antique.
Ce langage, ces signes, ces symboles nous replacent au milieu du syncrétisme compréhensif, bien
connu dans l'histoire, où les croyances et les cosmogonies
de l'Orient se confondaient à la fois entre
elles et avec l'hellénisme et le christianisme. Les
hymnes gnostiques de Synésius, qui est à la fois
un philosophe et un évêque, un savant et un alchimiste,
montrent le même assemblage.
Or, le gnosticisme a joué un grand rôle dans tout l'Orient et spécialement à Alexandrie, au IIe siècle de
notre ère (4); mais son influence générale n'a guère


(I) Renan, VII, 135. (2) Ms. 2.327, fol. 262. (3) Ms. 2.327, fol. 256 et fol. 93. (4) Renan. Histoire des origines du christianisme, t. VI, p. 139. 5
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66 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
duré au delà du IVe siècle. C'est donc vers cet intervalle
de temps que nous sommes ramenés d'une façon
de plus en plus pressante par les textes alchimiques.
Ceux-ci montrent qu'il existait dès l'origine une affinité
secrète entre la Gnose, qui enseigne le sens véritable
des théories philosophiques et religieuses, dissimulées
sous le voile des symboles et des allégories,
et la Chimie, qui poursuit la connaissance des propriétés
cachées de la nature, et qui les représente,
même de nos jours, par des signes à double et triple
sens.

pict
@

pict

CHAPITRE IV

LES TEMOIGNAGES HISTORIQUES
pict USQU'ICI nous avons exposé l'histoire des
origines de l'alchimie, telle qu'elle résulte de l'étude des plus vieux monuments de cette science, papyrus et manuscrits des bibliothèques. Nous avons montré la concordance
des renseignements tirés de ces deux sources, entre
eux et avec les doctrines et les préjugés des premiers
siècles de l'ère chrétienne. Cette concordance atteste
que les traités manuscrits ont été composés à la même
époque que les papyrus trouvés dans les tombeaux
de Thèbes: vérification d'autant plus utile que les
copies les plus anciennes que nous possédions de
ces traités manuscrits ne remontent pas au delà du
XIe siècle.
Non seulement les papyrus et les manuscrits des bibliothèques concordent; mais les noms des dieux des
hommes, des mois, des lieux, les allusions de tout
genre, les idées et les théories exposées dans les manuscrits
et dans les papyrus correspondent, avec

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68 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
une singulière précision dans les détails, à ce que
nous savons de l'Egypte grécisée des premiers siècles
de l'ère chrétienne et du mélange étrange de doctrines
philosophiques, religieuses, mystiques et
magiques, qui caractérise les néoplatoniciens et
les gnostiques. Nous établirons dans une autre
partie de cet ouvrage une comparaison pareille entre
les notions pratiques, consignées dans les papyrus et
les manuscrits, et les faits connus aujourd'hui sur
les industries égyptiennes relatives à la métallurgie,
à la fabrication des verres et à la teinture des
étoffes. Nos musées fournissent, à ces égards les
témoignages les plus divers et les plus authentiques.
Tels sont les résultats obtenus par l'étude intrinsèque des textes et des monuments anciens.
Il convient de contrôler les résultats de cette étude, en les rapprochant des faits et des indications positives
que l'on trouve dans les auteurs et les historiens
ordinaires.
Aucun de ceux-ci n'a parlé de l'alchimie avant l'ère chrétienne. La plus ancienne allusion que
l'on puisse signaler à cet égard serait une phrase singulière
de Dioscoride (I) médecin et botaniste grec:
« Quelques-uns rapportent que le mercure est une
partie constituante des métaux. » Dioscoride paraît
contemporain de l'ère chrétienne; les manuscrits de
cet auteur que nous possédons sont fort beaux, et


(I) Dioscoride, V, 110. Ἔνιοι δἑ ἱστορου̑σιν καὶ καθθ ἑαυτὴν ἐν τοι̑ς μετάλλοις εὑρίσκεσθαι τὴν ὑδράργυρον.

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LES TEMOIGNAGES HISTORIQUES 69
datés d'une façon précise: les deux principaux ont été
transcrits au milieu du Ve siècle (I).
On cite encore un passage de Pline l'Ancien (2), d'après lequel il existe un procédé pour fabriquer
l'or au moyen de l'orpiment: Caligula, dit-il, fit
calciner une quantité considérable d'orpiment pour
en tirer de l'or: il réussit; mais le rendement fut
si minime que la quantité d'or obtenue ne paya pas
les frais de l'opération.
« Invitaverat spes Caium principem avidissimum « auri, quamobrem jussit excoqui magnum auripigmenti
« pondus, et plane fecit aurum excellens, sed ita
« parvi ponderis, ut detrimentum sentiret. »
C'est évidemment la première tentative de transmutation, ou plutôt de préparation artificielle de l'or,
que l'histoire nous ait transmise. Le fait en soi, tel
que Pline le rapporte, n'a d'ailleurs rien que de vraisemblable:
car il semble qu'il se soit agi ici d'une
opération analogue à la coupellation, ayant pour but
et pour résultat d'extraire l'or contenu dans certains
sulfures métalliques, signalés par leur couleur comme
pouvant en recéler. Extraction de l'or préexistant, ou
fabrication de ce métal de toutes pièces, ce sont là
deux idées tout à fait distinctes pour nous; mais elles
se confondaient dans l'esprit des anciens opérateurs.
On rencontre, vers la même époque, un énoncé

(I) Voir l'édition de Sprengel, Leipsick, 1829; Préface, p. XVIII Dans les papyrus de Leide (n° 66 de Reuvens), on trouve, à la
suite des recettes alchimiques, divers extraits de Dioscoride; mais la
phrase ci-dessus y manque, d'après ce que M. Leemans a bien voulu
m'écrire.
(2) Livre XXXIII, ch. IV.
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70 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
plus net dans Manilius, auteur d'un poème astrologique
d'une langue excellente, et que les critiques
s'accordent à regarder comme contemporain de
Tibère. Au livre IVe, il développe en beaux vers les
effets du feu: « la recherche des métaux cachés et des
richesses enfouies, la calcination des veines de minerais,
l'art de doubler la matière par un procédé certain,
ainsi que les objets d'or et d'argent. »

Quidquid in usus. Igns agit... Scrutari caeca metalla Depositas et opes, terraeque exurere venas. Materiamque manu certa duplicarier arte, Quiquid et argento fabricetur quidquid et auro.
Scaliger a cru ce passage interpolé, mais surtout à cause de sa signification: ce qui est un cercle vicieux.
Il est conforme aux analogies historiques qu'un astrologue,
tel que Manilius, ait eu une connaissance plus
particulière de l'alchimie. D'ailleurs, l'idée de doubler
l'or et l'argent (diplosis) était courante dès le IIe et
le IIIe siècles de notre ère, comme le montrent les
papyrus de Leide (I), d'accord avec les manuscrits
des Bibliothèques.
Venons aux personnes et aux industries chimiques. Les plus vieux auteurs cités par les manuscrits alchimiques, Démocrite, Ostanès, figurent aussi
comme magiciens et astrologues dans Columelle, dans
Pline et dans les écrivains de l'antiquité. Le nom de
l'alchimiste Pamménès se retrouve dans Tacite, comme
celui d'un magicien (p. 46). L'astrologue égyptien
Pétosiris, dont les traités sont associés à des ouvrages


(I) N° 66 de Reuvens. -- Voir plus loin.
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LES TEMOIGNAGES HISTORIQUES 71
alchimiques dans le manuscrit 2.419 de la Bibliothèque
nationale, est cité par Pline, par Juvénal et
déjà par Aristophane (I).
Sénèque rappelle également les connaissances pratiques de Démocrite sur l'art de colorer les verres, art
congénère de l'art de colorer les métaux: « Il avait
trouvé le moyen d'amollir l'ivoire, de changer le sable
en émeraude par la cuisson et son procédé est encore
suivi de nos jours. »
« Excidit porro vobis eumdem Democritum invenisse « quemadmodum ebur molliretur, quemadmodum
« decoctus calculus in smaragdum converteretur,
« quâ hodie que cocturâ inventi lapides in hoc utiles
« colorantur. »
Sont-ce là des inventions authentiques du vieux philosophe? ou n'avons-nous pas affaire à des pseudonymes
Egyptiens, peut-être même à ceux dont nous
possédons les traités? Je reviendrai sur ce problème.
Pline parle pareillement des ouvrages où l'on enseignait l'art de teindre les émeraudes artificielles et
autres pierres brillantes (2). C'étaient là des arts
Egyptiens par excellence et les recettes de nos manuscrits
concordent avec cette indication (3); à
supposer, je le répète, qu'elles ne reproduisent pas
exactement les procédés auxquels Pline faisait allusion.
Nous avons donné plus haut (p. 12) les passages où Tertullien parle, au IIIe siècle, des mystères des métaux
et des pierres précieuses, révélés par les anges


(I) Voir plus loin. (2) Livre XXXVII, ch. LXXV. (3) Ms. 2.327, fol. 147.
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72 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
rebelles, des secrets de l'or et de l'argent, rapprochés
de ceux de la magie et de l'astrologie: il s'agit évidemment
ici de l'alchimie. On trouve aussi dans le néoplatonicien
Jamblique, un passage où la magie semble
associée à l'art de composer les pierres précieuses (I),
et de mélanger les produits des plantes. Les manuscrits
alchimiques attribuent même à Jamblique deux procédés
de transmutation (2).
Un texte plus explicite est celui des Chroniqueurs byzantins, d'après lesquels Dioclétien détruisit en
Egypte les livres d'alchimie. Le fait est tout à fait
conforme à la pratique du droit romain (p. 14); il est
attesté par Jean d'Antioche, auteur qui a écrit au
temps d'Héraclius (VIIe siècle) et qui semble avoir
copié sur ce point le chronographe égyptien Panodorus,
contemporain d'Arcadius. Ce texte a été
reproduit ensuite par Suidas et par plusieurs autres
auteurs. Ces auteurs disent expressément que « Dioclétien
fit brûler vers l'an 290, les anciens livres de
chimie des Egyptiens relatifs à l'or et à l'argent, afin
qu'ils ne pussent s'enrichir par cet art et en tirer la
source de richesses qui leur permissent de se révolter
contre les Romains » (3).


(I) Ἠ θεουργικὴ τέχνη... συμπλέκει πολλάκις λίθους. -- De mysteriis, section V, ch. XXIII.
(2) Ms. 2.327, fol. 266 et 267. (3) Διοκλητιανὸς τὰ περὶ Χημίας ἀργύρου καὶ χρυσου̑ τοὶς παλαιοι̑ς αὐ- τω̑ν γεγράμμενα βιβλια διερευνησάμενος ἔκαυσε, πρὸς τὸ μηκέτι πλου̑τον
Αἰγυπτίοις ἐκ τη̑ς τοιαύτης περιγίνεσθαι τέχνης, μήτε χρημάτων αὐτοὺς
θαρρου̑ντας περιουσίᾳ του̑ λοιπου̑ Πωμαίοις ἀνταίρειν. -- Jean d'Antioche,
dans les Extraits de Constantin Porphyrogénète, publiés par Valois,
p. 834. -- Suidas a reproduit textuellement ce passage.

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LES TEMOIGNAGES HISTORIQUES 73
M. A. Dumont, de l'Académie des Inscriptions, savant dont nous regrettons la perte récente, m'a
signalé un texte tout pareil quant au fond, quoique
distinct par les mots, qu'il a rencontré dans les
Actes de Saint Procope (I). La rédaction actuelle de
ces Actes semble du Xe siècle; mais ils sont déjà cités
au deuxième concile de Nicée (au commencement
du VIIIe siècle) et leur première rédaction remonterait,
d'après Baronius, au temps de l'empereur Julien.
En tout cas, le passage précédent est étranger à l'histoire du Saint lui-même; il a été tiré de vieilles
chroniques, que les amplificateurs successifs des actes
de Saint Procope n'avaient pas intérêt à modifier.
Ces textes sont tout à fait conformes au passage de Zosime déjà cité (p. 22), d'après lequel le royaume
d'Egypte était enrichi par l'alchimie. Il semble répondre
à la destruction de certains traités, où la
métallurgie positive, très cultivée dans la vieille
Egypte, était associée à des recettes chimériques de
transmutation: traités pareils à ceux qui figurent
dans les papyrus de Leide et dans nos manuscrits.
La concordance de tous ces faits, tirés de sources
diverses, est frappante.
L'Alchimie était désignée à l'origine sous le nom de science sacrée, art divin et sacré (2), désignations qui


(I) Actes de saint Procope, Bollandistes, Julii, II, 557, A. -- Καὶ τὰς βίβλους, ὅσαι περὶ χυμείας ἀργύρου τε καὶ χρυσου̑ τοι̑ς παλαιοτέροις
τω̑ν Αἰγυπτίων κατὰ σπουδὴν ἐγράφησαν, ἀνάλωμα πυρὸς ἀυτὰς ἔθηκεν,
εἵργων Αἰγυπτίους πορισμου̑ χρημάτων, ὥστε μὴ ἐκ τη̑σδε τη̑ς τέχνης
εὐκοπότατα χρηματισομένους...
(2) Ἐπιστημὴ ἱερὰ, τέχνη θεία καὶ ἱερὰ.
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74 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
lui étaient communes avec la magie. Le nom même
de l'Alchimie figure pour la première fois dans un
traité astrologique de Julius Firmicus, écrivain du
IVe siècle de notre ère, dont la conformité générale
avec Manilius est bien connue (I): « Si c'est
la maison de Mercure, elle donne l'astronomie; celle
de Vénus annonce les chants et la joie; celle de
Mars, les armes... celle de Jupiter, le culte divin
et la science des lois; celle de Saturne, la science de
l'alchimie. » L'adjonction de la préfixe al est suspecte
et due sans doute à un copiste; mais l'existence
du nom même de la chimie dans Firmicus n'a pas
été révoquée en doute. Le patronage de Saturne
rappelle à la fois le plomb, qui lui est dédié, et Osiris,
synonyme du plomb, et dont le tombeau était
l'emblème de la chimie, d'après Olympiodore (p. 32).
Julius Firmicus reproduit ailleurs l'un des axiomes
favoris du pseudo-Démocrite et de ses commentateurs
(2): « La nature est vaincue par la nature ».
Julius Firmicus nous reporte au temps de Zosime,
ou plutôt de ses premiers successeurs.
Un texte très explicite se lit dans le Théophraste d'Enée de Gaza, dialogue relatif à la résurrection des
morts, et qui constitue avec Pline et Manilius, en
dehors des papyrus et des manuscrits alchimiques
bien entendu, le plus ancien document précis, de date
certaine, où il soit question de la transmutation des
métaux. Enée de Gaza était un philosophe néoplatonicien
du Ve siècle, élève d'Hiéroclès, et qui se convertit


(I) Julius Firmicus, III, 15, in nono loco. (2) Natura aliâ à natura vincitur, livre IV, ch. XVI.
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LES TEMOIGNAGES HISTORIQUES 75
plus tard au christianisme. Après avoir exposé
que le corps humain, formé par l'assemblage des
quatre éléments (terre, eau, air, feu), les reproduit
par sa décomposition, il reprend (I) la thèse platonicienne
des idées, d'après laquelle: « La forme subsiste,
tandis que la matière éprouve les changements,
parce que celle-ci est faite pour prendre toutes les
qualités. Soit une statue d'Achille en airain; supposons-la
détruite, et ses débris réduits en petits morceaux;
si maintenant un artisan recueille cet airain,
le purifie, et, par une science singulière, le change
en or et lui donne la figure d'Achille, celui-ci sera
en or au lieu d'être en airain; mais ce sera pourtant
Achille. Ainsi se comporte la matière du corps dépérissable
et corruptible, qui par l'art du créateur devient
pure et immortelle. » Ce passage pourrait être
interprété comme une simple hypothèse philosophique;
mais Enée de Gaza le précise, en disant un
peu plus loin (2): « Le changement de la matière
en mieux n'a rien d'incroyable; c'est ainsi que les
savants en l'art de la matière prennent de l'argent et
de l'étain, en font disparaître l'apparence, colorent et
changent la matière en or excellent. Avec le sable
divisé et le natron dissoluble, on fabrique le verre,
c'est-à-dire une chose nouvelle et brillante. »
C'est toujours la même association entre les diverses pratiques de la chimie du feu, relatives


(I) Aeneae Gazoei Theophrastus. Dialogue platonico-chrétien sur la résurrection des morts. 1635, édité par Barthius) P. 71.
(2) Loco citato, p. 76. Le mot colorent est tiré de l'édition Boissonade.
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76 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
aux verres et aux métaux. Le mélange mystique
des idées de transmutation et de résurrection se
retrouve dans les traités des alchimistes grecs (I),
aussi bien que dans Enée de Gaza. « Il faut
dépouiller la matière de ses qualités pour arriver à la
perfection, dit Stéphanus; car le but de la philosophie,
c'est la dissolution des corps (matériels) et la
séparation de l'âme du corps » (2).
A la même époque, les chimistes apparaissent individuellement et sous leur dénomination véritable dans les
chroniques. Le premier qui soit appelé de ce nom est un
charlatan (3), Johannes Isthmeos, qui escroquait les orfèvres
au temps de l'empereur Anastase et qui présenta
à cet empereur un mors de cheval en or massif:
« Tu ne me tromperas pas comme les autres, » repartit
Anastase, et il le relégua, en l'an 504, dans la
forteresse de Petra, où il mourut. Tous les chroniqueurs
byzantins, Cedrenus, Jean Malala, auteurs du
Xe siècle, Théophane et d'autres encore, qui ont
raconté l'histoire de cette époque, parlent du personnage
à peu près dans les mêmes termes; sans doute
en reproduisant un même texte original. Ce récit rappelle
les proscriptions des Chaldéens sous les premiers
empereurs. Johannes Isthmeos était l'ancêtre des
alchimistes du moyen âge et de la Renaissance, qui ont
fait tant de dupes en opérant devant les crédules la
transmutation des métaux: entre les sectateurs des


(I) Ms. 2.327, fol. 219. (2) 4e Praxis, ms. 2.327, fol. 50. -- Physici et medici graeci minores de Ideler, t. II, p. 215.
(3) Cedrenus, p. 359, A.; voir aussi Jean Malala, p. 395, 8, et Theophane, p. 128, D.

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LES TEMOIGNAGES HISTORIQUES 77
sciences occultes, les charlatans et les escrocs, il a
toujours existé une étroite parenté.
L'alchimie, envisagée comme formant un corps de doctrines scientifiques, n'est pas citée dans les historiens
anciens parvenus jusqu'à nous, du moins avant
Jean d'Antioche, qui paraît avoir vécu au VIIe siècle.
Nous avons reproduit son passage relatif à la destruction
des ouvrages chimiques en Egypte par Dioclétien.
Mais ce passage est tiré certainement de chroniqueurs
plus anciens, probablement de Panodorus. On pourrait
rappeler aussi Ostanès et Démocrite, nommés dans
Pline et dans Columelle, à la vérité comme magiciens,
plutôt que comme alchimistes explicitement
désignés: les traités du dernier relatifs à la coloration
du verre appartiennent bien à notre science.
Au VIIIe siècle, le polygraphe Georges le Syncelle
connaît nos principaux auteurs et il raconte la
prétendue initiation de Démocrite par Ostanès,
Marie la Juive et Pamménès; il cite ses quatre
livres sur l'or, l'argent, les pierres et la pourpre,
à peu près dans les mêmes termes que Synésius. Ce
texte est extrait aussi de chroniqueurs antérieurs.
D'après Scaliger (I), il aurait été écrit par le chronographe
égyptien Panodorus, moine contemporain
d'Arcadius et que le Syncelle cite avec les plus
grands éloges (2); ceci nous ramène encore au temps
de Synésius.
Georges le Syncelle reproduit aussi des extraits

(I) Eusebii Chronicon Animadversiones J. Scaligeri, p. 258. Lugduni Batavorum, 1606.
(2) Georges le Syncelle, p. 34 et 35, édition de Paris.
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78 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
étendus de Zosime et de Synésius: or certains de
ces mêmes extraits se lisent textuellement dans les
manuscrits de nos bibliothèques. Le Syncelle et les
auteurs qu'il a copiés avaient donc entre les mains
les ouvrages mêmes qui sont arrivés jusqu'à nous.
Photius, compilateur du IXe siècle, cite également
Zosime, ainsi qu'Olympiodore, dont il nous raconte
la biographie. Suidas, au Xe siècle, tient le même langage.
A la même époque nous pouvons invoquer une autorité d'un ordre tout différent, celle des Arabes.
Dans le Khitab-al-Fihrist, encyclopédie écrite vers
l'an 235 de l'Hégire, c'est-à-dire vers l'an 850 de
notre ère, on trouve plusieurs pages consacrées à la liste
des auteurs alchimiques (p. 253 de l'édition de 1871).
M. Leclerc (I) a cité ce texte et M. Derenbourg a eu
l'obligeance de me le traduire verbalement. On y lit
les noms d'un grand nombre d'auteurs: les uns perdus,
les autres inscrits dans les manuscrits grecs que
nous possédons, tels que Hermès, Agathodémon,
Ostanès, Chymès, Cléopâtre, Marie, Stéphanus, Sergius,
Dioscorus, etc.
A partir de ce temps, nous trouvons chez les Byzantins, puis chez les Arabes et chez les Occidentaux,
une chaîne non interrompue de témoignages
historiques, relatifs à l'alchimie et aux gens
qui l'ont cultivée. Nous touchons d'ailleurs à la date
où ont été faites les copies des manuscrits que nous
possédons et dont les plus anciens, celui de Saint-


(I) Histoire de la médecine arabe, t, I, p. 305.
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LES TEMOIGNAGES HISTORIQUES 79
Marc à Venise, par exemple, remontent au XIe siècle;
c'est-à-dire qu'ils sont presque contemporains de Suidas.
Il résulte de cet ensemble de faits et de documents une filiation non interrompue de témoignages relatifs à
l'alchimie et aux écrivains alchimiques, au moins depuis
le IIIe siècle de notre ère; filiation qui ne le cède en
valeur et en certitude à aucune de celles sur lesquelles
repose l'autorité des ouvrages les plus authentiques de
l'antiquité.

pict
@

pict


CHAPITRE V

LES PAPYRUS DE LEIDE
pict L existe à Leide une collection de papyrus
égyptiens, qui renferme les plus anciens manuscrits alchimiques connus jusqu'à ce jour. Leur provenance, leur date et la concordance de leurs indications avec celles
des manuscrits grecs de nos bibliothèques, fournissent
à l'histoire de l'alchimie une base historique indiscutable
et donnent lieu aux rapprochements les plus intéressants
C'est pourquoi il paraît utile d'entrer dans
quelques détails sur l'origine et sur le contenu de ces
papyrus.
La collection de Leide a pour fond principal une collection d'antiquités Egyptiennes, réunies dans le
premier quart du XIXe siècle, par le chevalier d'Anastasy,
vice-consul de Suède à Alexandrie, collection
achetée en 1828, par le gouvernement des Pays-Bas.
Elle renfermait entre autres objets, plus de cent manuscrits
sur papyrus, vingt-quatre sur toile, un sur
cuir, etc. Parmi ces papyrus, il en avait vingt en grec
et trois bilingues, etc. Ces papyrus ont été l'objet

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LES PAPYRUS DE LEIDE 81
d'une description générale avec commentaire par
Reuvens, directeur du musée de Leide, sous le
titre de: lettres à M. Letronne, (au nombre de trois)
imprimées à Leide en 1830. M. Leemans, qui a succédé
à M. Reuvens dans la direction du musée, a publié
depuis quarante ans une nombreuse suite de papyrus,
tirés des collections dont il a la garde. Mais jusqu'ici
il n'a donné que peu de chose sur les papyrus grecs
dont il s'agit, et nous connaissons ceux-ci principalement
par les lettres de Reuvens. Un seul de ceux
qui nous intéressent a été donné par M. Leemans: c'est
le fac-similé d'un papyrus démotique, avec transcriptions
grecques, qui renferme quelques mots de matière
médicale et d'alchimie et dont Reuvens avait déjà
parlé (I). C'est des publications de Reuvens et de
M. Leemans que j'ai tiré la plupart des renseignements
qui vont suivre.
J'aurais désiré pouvoir étudier d'une façon approfondie les textes alchimiques qui y sont donnés.
Mais je n'ai pu obtenir l'autorisation d'en faire une
copie complète. Je donnerai seulement en appendice
(appendice A), d'après Reuvens, la liste des titres
des articles de ces textes spéciaux: liste précieuse par
sa similitude avec les titres de nombreux articles analogues,
contenus dans les manuscrits grecs de nos
bibliothèques. Une telle similitude témoigne que les
uns et les autres ont été écrits vers la même époque
et dans un but pratique tout pareil.


(I) Monuments Egyptiens du musée de Leide, p. 85, 4e livraison in-fol. planche XII (1846). Voir aussi les indications de la Ire livraison in-8°,
p, 3, 7, 18, 34 (1839).

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82 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Pour aller plus loin, il aurait fallu connaître le texte même de ces articles des papyrus. Je n'ai pu le faire
pour leur ensemble, ainsi qu'il vient d'être dit. Mais
j'ai réussi cependant à y suppléer, de façon à avoir
une connaissance assez étendue de ces textes. En effet
M. Revillout, le savant professeur d'Egyptologie de
l'Ecole du Louvre, a eu l'obligeance de me communiquer,
sans réserves, la photographie de deux des
pages du plus important de ces textes. M. Omont,
employé au département des manuscrits de la Bibliothèque
Nationale, a bien voulu, avec une rare
complaisance, faire de cette photographie une transcription
régulière. J'en ai tiré parti pour mes comparaisons
et je la reproduirai in extenso dans un autre
appendice (appendice B), à la fin du présent volume.
J'utiliserai aussi deux petits articles du même papyrus: sur l'art de donner au cuivre l'apparence de
l'or; articles que M. Leemans a eu la bonté de transcrire
et de m'envoyer, mais en me demandant de ne
pas en publier le texte. Aussi me suis-je abstenu de
les reproduire; non sans regret, à cause de l'intérêt de
la matière traitée par l'un d'eux: dorure sans mercure,
c'est-à-dire dorure dans laquelle l'usage d'un
alliage de plomb et d'or remplace l'amalgamation.
Trois de ces papyrus sont signalés comme relatifs à l'alchimie: ce sont les n° 65, 66 et 75 de Reuvens
(I): le n° 66 en particulier. Ils paraissent
remonter au IIIe siècle et à une époque antérieure à


(1) M. Leemans à changé ces numéros dans son catalogue. Le n° 65 a été publié en fac-similé par lui, comme je l'ai dit à la page précédente.

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LES PAPYRUS DE LEIDE 83
l'établissement officiel du christianisme (). Ils semblent
avoir fait partie d'une même trouvaille (2),
tirée probablement du tombeau de quelque magicien
de Thèbes. Ce sont en un mot, des manuscrits
du même ordre que les livres brûlés par Dioclétien.
La magie, l'astrologie, l'alchimie, l'étude des alliages
métalliques, celle de la teinture en pourpre et celle des
vertus des plantes y sont intimement associées, conformément
aux traditions rapportées par Tertullien
et par Zosime. Nous y trouvons les noms de Démocrite
et d'Ostanès (3), comme dans les manuscrits
de nos bibliothèques et dans Pline; le Serpent
Ouroboros y figure de même. On y lit des alphabets
magiques (4), comme dans le manuscrit 2.249 et
dans celui de saint-Marc. Les symboles astronomiques
du soleil (5) et de la lune (6) sont appliqués
aux noms des plantes, et à ceux de l'or et de l'argent;
toujours comme chez les alchimistes.
Les idées gnostiques, le mystérieux nombre quatre (7), commun aux égyptiens, aux gnostiques et
aux alchimistes, et jusqu'à l'autorité apocryphe des
juifs et de Moïse (8), y sont pareillement invoqués.


(I) Reuvens. Appendice, p. 151. (2) Reuvens. Appendice, p. 146. (3) Reuvens. Corrections et additions, p. 163 et 148. (4) Reuvens. Lettre I, p. 49. (Voir p. 15 et 35 de ce volume.) (5) Reuvens. Appendice, p. 154. -- Planche XII de la 4e livraison des Monuments Egyptiens, publiés par Leemans.
(6) Reuvens. Lettre I, p. 51. -- Planche XII ci-dessus. (7) Papyrus 75; Reuvens, lettre I, p. 28, 32, 34 et 60. (Voir p. 34 du présent ouvrage.)
(8) Reuvens. Appendice, p. 152. Ms. 2.327, fol. 149. (Voir p. 54 du présent ouvrage.)

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84 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Entrons dans quelques détails. Les papyrus n° 65 (I) et n° 75 (2) sont bilingues. Le second renferme un texte égyptien hiératique
plus ancien, avec un texte grec inscrit sur la face
intérieure. Le premier contient en outre des transcriptions
interlinéaires de mots démotiques, écrites
en grec; il provient de Thèbes. Ces deux papyrus
portent les marques d'un usage journalier et d'une
lecture usuelle: ce sont des rituels magiques que
le possesseur consultait fréquemment.
En effet le n° 75 est consacré à des cérémonies magiques, effectuées par l'entremise de l'amour mystique,
envisagé comme grande puissance thaumaturgique.
Telles sont l'évocation d'un fantôme; la confection
d'une image de l'amour; la recette d'un
philtre, composé de diverses plantes; la recette mystique
pour réussir dans ses entreprises; plusieurs
recettes pour obtenir ou envoyer un songe; la consultation
de la divinité, qui répond sous la forme
d'un Dieu à tête de serpent (théomantion); un procédé
pour porter malheur à quelqu'un; un autre
pour arrêter sa colère.
Puis viennent des procédés d'affinage de l'or; enfin une recette pour confectionner un anneau jouant le
rôle de talisman, en gravant sur un jaspe enchâssé
dans cet anneau la figure d'un serpent qui se mord
la queue, la lune avec deux astres et le soleil au-
dessus. C'est là une figure dont l'analogue se retrouve
dans les pierres gravées de la Bibliothèque nationale


(I) Planche XII de la 4e livraison des Monuments Egyptiens. (2) Reuvens. Lettre I, p. 4
@

LES PAPYRUS DE LEIDE 85
et dans nos manuscrits alchimiques (voir p. 58 et 62).
L'amour tyrannique figure pareillement dans ceux-
ci, au milieu d'une recette de transmutation, dans
une phrase incompréhensible (I), qui semble le lambeau
de quelque vieux texte mutilé. On rencontre encore
l'amour extracteur d'or dans un exposé mystique,
où il est question d'un traité de Kron-Ammon (2),
autre personnage énigmatique.
On lit ensuite dans le papyrus une table en chiffre, pour pronostiquer par des calculs la vie ou la mort
d'un malade, table attribuée à Démocrite (3), et analogue
à la table d'Hermès du manuscrit 2.327;
une formule pour amener une séparation entre époux;
une autre pour causer des insomnies jusqu'à ce que
le patient en meure; un philtre pour exciter l'amitié,
composé de plantes, de minéraux et de lettres magiques;
des explications de noms mystiques des
plantes, etc.
Toute cette thaumaturgie répond aux pratiques des sectes gnostiques et de Jamblique. Les noms mêmes
des cérémonies sont pareils chez les gnostiques et dans
les papyrus (4): ce qui fixerait la date de ces derniers
vers le IIIe siècle. La divination par les songes, qui figure
dans le papyrus précédent, se trouve aussi dans le papyrus
C, 116 et 122, publié par M. Leemans (5). Elle est


(I) Ms. 2.327, fol. 274, V°. (2) Ms. 2.327, fol. 215. 'Ο ἔρος ὁ χρυσοριχύτης πρὸς κορνάμονα περὶ τη̑ς μέρικη̑ς τέχνης.
(3) Reuvens. Appendice, p. 148. Δημοκριτου σφαιρα. -- Voir ce volume p. 35.
(4) Reuvens. Lettre I, p. 26. (5) Papyri graeci, I, 3, Ire livraison (1843).
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86 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
également associée à l'alchimie dans le manuscrit
de saint Marc (I), et dans les ouvrages authentiques
qui nous restent de l'évêque Synésius. La traduction
du texte hiératique écrit au-dessus dans le
papyrus, texte plus ancien, fera peut-être remonter
plus haut encore la date des pratiques décrites dans
ce papyrus.
Quoiqu'il en soit, le mélange des recettes alchimiques, et des pratiques magiques est très caractéristique.
L'indication de la table de Démocrite et celle
du serpent Ouroboros entourant les figures d'astres,
qui se trouvent à la fois dans le papyrus de Leide et
dans les manuscrits alchimiques, ne le sont pas
moins.
Le papyrus n° 65 est également magique: son revers porte les noms (2) de divers produits animaux,
minéraux et végétaux, parmi lesquels la salamandre,
le sel ammoniac, l'aphroselinum, la pierre magnétique
d'aimant (magnès), la magnésia, le sourcil du soleil et
le sourcil de la lune (3); celle-ci figurée par un signe
astrologique. Le tout renferme des indices non douteux
d'alchimie.
Le papyrus n° 66 (4) est surtout capital à ce point de vue: car il ne s'agit plus de simples indices, mais
d'une centaine d'articles, relatifs à la fabrication des


(I) Additions sur les feuilles de garde initiales. (2) Reuvens. Lettre I, p. 51. -- On en trouve le fac-simile dans les Monuments Egyptiens de Leide, 4e livraison, planche XII.
(3) Οφρυς ηλιου; οφρυς σελενης... αργοσεληνον... ηλιογονον σεληνογονον...
(4) Reuvens. Lettre III, p. 65. M. Leemans a donné à ce papyrus le n° 379, I.

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LES PAPYRUS DE LEIDE 87
alliages, à la teinture en pourpre et à la matière médicale.
C'est un livre sur papyrus, de format in-folio,
haut de 0 m 30 sur 0 m 18 de large, originaire de Thèbes:
il consiste en dix feuilles entières, pliées en deux
et brochées, dont huit seulement sont écrites. Cela
fait donc seize pages écrites, contenant environ sept
cent vingt lignes. Elles sont très lisibles, comme j'ai
pu m'en assurer sur la photographie de deux de
ces pages: l'écriture serait du commencement du
IIIe siècle (I).
Les articles portent chacun un titre. Ce sont des recettes pures et simples, sans théorie, toutes pareilles
par leur objet et par leur rédaction à un groupe de
formules inscrites dans les manuscrits grecs de nos
bibliothèques. Je pense que ces dernières formules ont
été probablement transcrites à l'origine d'après des
papyrus semblables à celui-ci. Le texte même des
articles du papyrus que j'ai pu me procurer in integro
n'est tout à fait identique dans aucun cas à celui
de nos manuscrits; mais la ressemblance n'en est pas
moins frappante, comme je vais l'établir.
Signalons les principaux sujets traités dans les articles du papyrus, en les rapprochant à l'occasion
des sujets pareils du manuscrit 2.327. Je les grouperai
sous les chefs suivants: Plomb, étain, cuivre, argent
et asemon, or, pourpre, minerais divers.
Plomb. -- Purification (2) et durcissement (3) du plomb. Le premier titre figure à peine modifié dans le


(I) Voir Reuvens. Appendice, p. 151 et 162. (2) Καθαρσις. (3) Σκληρωσις, σκληρασια.
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88 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
manuscrit 2.327 (I) et le second sujet y est aussi
traité (2).
Etain. -- Purification de l'étain, décapage (3) et durcissement de ce métal (4). Les manuscrits donnent
de même des procédés pour l'affinage de l'étain (5).
Purification de l'étain, projeté dans le mélange (6) qui sert à fabriquer l'asemon (c'est-à-dire pour la
transmutation de l'étain en argent).
Epreuve de la pureté de l'étain. Blanchiment de l'étain (7). Ce titre se retrouve dans le manuscrit 2.327 (8). Dans la langue des alchimistes,
le mot blanchiment s'applique d'ordinaire à la teinture
du métal transformé en argent, comme le montre l'un
des articles du manuscrit 2.327 (fol. 288 V°).
Cuivre. -- Blanchiment du cuivre. Fabrication du cuivre couleur d'or (bronze). Trois articles sont relatifs à ce sujet, qui préoccupait beaucoup
les alchimistes; car il s'agissait d'un premier
degré de modification dans le métal, consistant à le
teindre superficiellement. La même préparation se
trouve exposée à plusieurs reprises dans le manuscrit
2.327 (9). M. Leemans a eu l'obligeance
de copier pour moi deux des articles du papyrus


(I) Ms. 2.327, fol. 274. (2) Ms. 2.327, fol. 146 V°, au bas. (3) Σμηξις. (4) Voir aussi l'Appendice B. (5) Ms. 2.327, fol. 269 V° et fol. 270. (6) Κρασις του ασημου. (7) Λευκωσις. (8) Ms. 2.327, fol. 274 V° et fol. 288. (9) Ms. 2.327, fol. 288 et V°; fol. 284 et V°.
@

LES PAPYRUS DE LEIDE 89
relatifs à la même question, mais sans m'autoriser
à les reproduire in extenso. Aucun n'est identique à
ceux des manuscrits qui portent le même titre. Le
second procédé du papyrus paraît consister dans
une dorure obtenue au moyen d'un alliage d'or et
de plomb. On l'étendait à la surface du cuivre, puis
on passait la pièce au feu à plusieurs reprises, jusqu'à
ce que le plomb eut été détruit par une oxydation,
à laquelle l'or résistait; comme l'auteur prend soin
de l'indiquer. C'est donc un procédé de dorure sans
mercure.
Viennent ensuite les sujets suivants: Décapage des objets de cuivre. Ramollissement du cuivre (I)
Liniment (2) de cuivre.
Argent et Asemon. -- Un certain nombre d'articles pratiques transcrits dans le papyrus se rapportent
à l'argent proprement dit: purification de l'argent;
décapage des objets d'argent; docimasie, c'est-
à-dire essai de l'argent; dorure de l'argent; coloration
de l'argent (3) (en couleur d'or?) Le dernier sujet est
traité aussi dans le manuscrit 2.327 (4).
Les suivants concernent l'alchimie proprement dite. Fabrication (5) de l'asemon (6). Le mot asemon
était regardé au XVIIe siècle comme représentant l'argent
sans marque, c'est-à-dire plus ou moins impur,


(I) Μαλαξις. (2) Χρισις. (3) Χρωσις. (4) Ms. 2.327, fol. 284, 285. (5) Ποιησις ασημου. Voir le ms. 2.327, fol. 146.; le ms. de saint Marc, fol. 106.
(6) Voir aussi le ms. 2.327, fol. 29 V° et fol. 17.
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90 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
renfermant du plomb, du cuivre ou de l'étain; en
un mot tel qu'il se produit d'ordinaire à l'état brut
dans la fonte des minerais. Mais d'après Lepsius, on
peut rapprocher ce mot avec plus de vraisemblance
du mot égyptien asem, qui exprime l'électrum,
alliage d'or et d'argent. Quoiqu'il en soit, cet intitulé,
fabrication de l'asemon, se retrouve fréquemment
dans les manuscrits; il est courant chez les alchimistes
pour indiquer l'argent ou l'électrum produit
par transmutation. On rencontre aussi la forme
féminine ασημη.
Observons que le mot ποιησις affecté à la transmutation figure seul dans le papyrus; il semble donc
plus ancien que les impressions χρυσοποια et αργυροποια,
quoique celles-ci soient déjà employées par Synésius.
Le titre caractéristique: fabrication de l'asemon, reparaît une vingtaine de fois dans les articles du
papyrus, sauf quelques variantes: telles que fabrication
de l'asemon fondu; fabrication de l'asemon égyptien.
On voit par là quelle importance la question
avait pour les auteurs du papyrus.
La page photographiée que je possède, renferme notamment quatre de ces recettes, que l'on peut
comparer avec celles des manuscrits des Bibliothèques:
l'une prend l'étain comme point de départ; une
autre, le cuivre et peut être rapprochée d'un texte
du manuscrit 2.327 (I); une autre emploie l'orichalque
(laiton). L'étain, le mercure et le fer sont nommés
dans la dernière. Dans les deux premières, on introduit
pendant l'opération une certaine dose d'asemon,


(1) Ms. 2.327, fol. 146.
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LES PAPYRUS DE LEIDE 91
fabriqué à l'avance et destiné sans doute à jouer le
rôle de ferment. La troisième recette se rapproche à
plusieurs égards d'un procédé pour doubler l'argent
au moyen de l'étain, donné dans le manuscrit 2.327 (I),
procédé tiré, dit l'auteur de ce dernier manuscrit,
d'un livre très saint. L'alun et le sel de Cappadoce
figurent dans les deux textes, c'est-à-dire dans le
papyrus comme dans notre manuscrit.
Un titre plus significatif encore est celui-ci: art de doubler (2) l'asemon, lequel reparaît deux fois; c'est
encore le titre de plusieurs articles dans les manuscrits
(3). On peut en rapprocher les suivants: trempe
ou teinture (4) de l'asemon; on lit le même titre appliqué
à l'or dans les manuscrits (5). Puis vient dans le
papyrus la préparation du mélange; et le titre singulier:
masse de métal inépuisable (6), intercalé au
milieu des procédés de fabrication de l'asemon. Citons
enfin ceux-ci: affinage (?) de l'asemon durci (7); essai
de l'asemon; comment on atténue (8) l'asemon.
Or. -- A ce métal se rapportent divers articles, dont la signification semble relative à certaines pratiques
industrielles, telles que: coloration de l'or (9); fabrication


(1) Ms. 2.327, fol. 274, V°. (2) Διπλωσις. (3) Voir le ms. 2.327, fol. 274, V°. (4) Καταβαφη. (5) Ms. 2.327, fol. 276. (6) Ανεγλειπτος μαζα. (7) Ιωσις pour εξιωσις. (8) Αραιουται. Le mot αραιωσις appartient aussi à la langue des manuscrits. Il s'agit sans doute de pulvérisation ou de dissolution.
(9) Peut-être ce titre désigne-t-il aussi une opération de transmutation.
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92 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
de l'or; préparations pour la soudure d'or. Cette
dernière question est traitée aussi dans les manuscrits
(I).
Ecriture en lettres d'or (2). Ce sujet est un de ceux qui préoccupaient le plus l'auteur du papyrus, car il
reparaît douze fois. Il n'a pas moins d'importance
pour les auteurs des traités des manuscrits des bibliothèques
(3), qui y reviennent aussi à plusieurs reprises,
Montfaucon et Fabricius ont publié plusieurs
recettes tirées de ces derniers.
Docimasie de l'or; préparation de la liqueur d'or (4); dorure.
Les titres suivants sont relatifs à la transmutation: multiplication de l'or (5); fabrication de l'or, sujet fréquemment
abordé dans les manuscrits (6), trempe (ou
teinture) de l'or, question également traitée, dans les
manuscrits (7); art de doubler l'or (plusieurs recettes);
ce titre n'est pas rare dans les manuscrits (8).
Cet art de doubler l'or et de le multiplier, en formant des alliages à base d'or, alliages dont on pensait
réaliser ensuite la transmutation totale par des tours
de main convenables, analogues aux fermentations;
cet art, dis-je, constitue la base d'une multitude de
recettes. C'est au doublement de l'or que se rapportent


(I) Voir ms. 2.327, fol. 281, V° et fol. 284. (2) Χρυσογραφια. (3) Par exemple ms. 2.327, fol. 28; V° et fol. 287 V°. (4) Χρυσιου υγρου σκευασια. (5) Πλεονασμος. (6) Voir ms. 2.327, fol. 146, 232, 267. (7) Voir ms. 2.327, fol. 276. (8) Voir par exemple le ms. 2.327, fol. 267, V°.
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LES PAPYRUS DE LEIDE 93
les textes de Manilius (p. 70) et d'Enée de
Gaza (p. 75).
Pourpre. -- Dans le papyrus les préparations métalliques sont suivies, sans transition, par les recettes
pour teindre en pourpre; ce qui montre la
connexité qui existait entre ces deux ordres d'opérations,
connexité attestée pareillement par le contenu
du traité Physica et mystica, du pseudo-Démocrite (I).
Il ne s'agit pas ici d'une simple comparaison entre
l'éclat de la teinture en pourpre et celui de la teinture
en or, mais d'un rapprochement plus intime, à la
fois théorique et pratique. En effet la fabrication du
pourpre de Cassius, au moyen de préparations d'or
et d'étain, semble n'être pas étrangère à cette assimilation;
ainsi que la coloration du verre en pourpre
par les préparations d'or. Quoi qu'il en soit,
nous trouvons dans le papyrus une série de préparations
de pourpre, fondées sur l'emploi de l'orcanette
et du murex, comme dans le pseudo-Démocrite.
Quelques-unes de ces préparations sont reproduites
dans la partie photographiée de la page 13 de ce
papyrus, que je donne dans l'appendice B.
Minerais divers. -- Enfin le papyrus se termine par divers extraits du traité de Dioscoride, attribués nominativement
à leur auteur; extraits relatifs à l'arsenic,
à la sandaraque, à la cadmie, à la soudure d'or, au
minium de Sinope, au natron, au cinabre et au mercure:
ce qui nous montre que ce traité servait dès
lors de manuel aux opérations métallurgiques.
C'est en effet au moyen du texte de Dioscoride, des

(I) Voir ms. 2.327, fol. 24, V°.
@

94 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
ouvrages de Pline et des Commentaires de ces
ouvrages que nous pouvons retrouver aujourd'hui le
sens véritable des dénominations contenues dans
les papyrus; lesquelles sont transcrites avec les mêmes
significations techniques dans nos manuscrits alchimiques.
La concordance de ces divers textes est des
plus précieuses pour en fixer le vrai caractère historique.

pict
@

pict


CHAPITRE VI

LES MANUSCRITS GRECS DES BIBLIOTHEQUES -----
§ 1. -- Enumération des manuscrits.
pict ES manuscrits alchimiques les plus anciens
sont écrits en grec; ils forment un groupe caractéristique à la Bibliothèque nationale de Paris. Les plus vieux de ceux que nous possédons sont reliés aux armes de
Henri II; ils ont été apportés en France du temps
de François Ier (I), à l'époque où ce roi faisait faire de
grands achats de livres en Grèce et en Orient. Ceux-
ci ont été copiés au XVe siècle. D'autres datent du
XVIe et du XVIIe, et proviennent de bibliothèques
privées, telle que celle du chancelier Séguier, réunies
plus tard à la Bibliothèque nationale. Le premier
de tous, le n° 2.325, est écrit sur papier de coton
avec un soin tout particulier. Il serait du XIIIe siècle,
d'après la table manuscrite qui le précède; de la fin


(I) Bibliotheca Chemica de Manget, t. I, p. 41.
@

96 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
du XIIIe siècle (I), d'après Labbé et d'après Ameilhon;
du XIVe, d'après M. Omont. Son contenu se retrouve
entièrement, comme je l'ai vérifié, dans le
manuscrit suivant, qui est beaucoup plus étendu.
Le n° 2.327 est le plus complet. Il porte sa date: 1478, et le nom du copiste, Pelekanos de Corfou; j'en
donne une analyse développée dans l'Appendice.
Le n° 2.249 est du XVIe siècle. Il renferme divers traités, qui manquent dans le précédent; mais beaucoup
d'autres y manquent. Il offre des variantes importantes,
conformes d'ordinaire au texte du manuscrit
de saint Marc. Il est interrompu à la fin.
Les autres manuscrits, 2.326, 2.329, 2.250, 2.251, 2.252, 2.275, ne renferment rien de caractéristique,
qui n'existe déjà dans les deux types 2.327 et 2.249.
Des copies analogues existent dans la plupart des grandes Bibliothèques d'Europe (2), et il en est
fait mention dans leurs catalogues imprimés. La
Laurentienne (Florence), l'Ambroisienne (Milan), la
Bibliothèque de Gotha, celles de saint Marc, de
Vienne, du Vatican, les contenaient au siècle dernier,
à l'époque où ces catalogues furent publiés, et elles les
contiennent probablement encore. La plupart ont été
écrits, comme les nôtres, aux XVe et XVIe siècles.
Je signalerai à part le manuscrit de saint Marc, le plus beau et le plus ancien que je connaisse. Le
gouvernement italien a bien voulu me prêter ce


(I) Catalogue imprimé des manuscrits grecs de la Bibliothèque royale.
(2) Fabricius. Bibliotheca graeca, t. XII, p. 747-751. Edition de 1724. Les éditions suivantes sont plus abrégées, en ce qui concerne l'alchimie.

@

LES MANUSCRITS GRECS DES BIBLIOTHEQUES 97
manuscrit capital, que j'ai étudié et comparé avec ceux
de la Bibliothèque nationale de Paris. D'après la table
imprimée qui la précède, il remonte au XIe siècle. La
comparaison de son écriture avec les fac-similés de
paléographie confirme cette attribution; elle tendrait
même à la reculer un peu davantage. En effet l'écriture
en est toute pareille à celle d'un texte publié dans
l'Anleitung zur Griechischen Paloeographie von
Wattenbach (1877), comme type du Xe siècle (I). On
peut aussi en rapprocher, bien que la ressemblance soit
moindre, un type du XIe siècle (2). Le manuscrit de saint
Marc contient d'ailleurs les mêmes ouvrages que les
autres.
Leo Allatius, bibliothécaire du Vatican, avait annoncé au XVIIe siècle qu'il se proposait de faire une publication
régulière de ces manuscrits. Mais il n'a pas
tenu sa promesse et elle n'a été accomplie depuis par
personne dans son ensemble; quoique des portions
importantes aient été imprimées et traduites en latin à
diverses époques. L'obscurité du sujet et le caractère
équivoque de l'alchimie ont sans doute rebuté les
éditeurs et les commentateurs. Cependant l'étude
méthodique de ces manuscrits et la publication de
certains d'entre eux ne serait pas sans intérêt, au point
de vue de l'histoire de la chimie, de la technologie
du moyen âge, et même à celui de l'histoire des idées
régnant en Egypte vers les IIIe et IVe siècle de notre ère.
On en tirerait quelque lumière sur les doctrines des
derniers néoplatoniciens et des gnostiques, ainsi que


(I) Ex Codice Palatino n° 398, fol. 191, Meleagrides. (2) Cod. Palat. n° 252.
@

98 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
certains renseignements sur les vieilles écoles grecques:
renseignements d'autant plus précieux, que les
auteurs de quelques-uns de ces écrits, Olympiodore,
par exemple, paraissent avoir eu entre les mains des
ouvrages aujourd'hui perdus, tirés de la bibliothèque
d'Alexandrie, ou plutôt des débris qui en subsistaient
encore peu de temps avant la destruction de cette bibliothèque;
je parle de la destruction contemporaine
de celle du Sérapeum par Théophile, patriarche
d'Alexandrie.


§ 2. -- Date et filiation des ouvrages contenus dans les manuscrits alchimiques.
La date des divers ouvrages contenus dans les manuscrits varie; elle peut être recherchée et souvent
assignée, d'après leur contenu et d'après les
citations des auteurs byzantins.
Plusieurs écrits sont païens et dus à des contemporains de Jamblique et de Porphyre. Tels sont
les opuscules attribués à Hermès, à Agathodémon,
à Africanus, à Jamblique lui-même. La lettre d'Isis à
son fils Horus et le serment invoquant les divinités du
Tartare, portent le même caractère (page 25). Une
citation du « précepte de l'empereur Julien », personnage
si rarement invoqué plus tard, laquelle
est donnée au manuscrit 2.327 (fol. 242), se rapporte
aussi à cet ordre de traditions.
Peut-être même quelques-uns des ouvrages alchimiques
@

LES MANUSCRITS GRECS DES BlBLIOTHEQUES 99
que nous possédons sont-ils contemporains
des débuts de l'ère chrétienne. Il en serait ainsi assurément,
si l'on admettait l'identité du pseudo-Démocrite,
nommé dans nos manuscrits et dans les papyrus,
avec Bolus de Mendès, personnage signalé par
Pline et par Columelle comme ayant composé certains
traités attribués plus tard à Démocrite. Les Physica et
mystica de nos manuscrits ont pu aussi faire partie
des oeuvres magiques du pseudo-Démocrite cité par
Pline; lequel, je le répète, semble n'être autre que
Bolus de Mendès, ou quelqu'un de son temps. Les
traités relatifs aux vitrifications colorées et aux émeraudes
artificielles que nous possédons dérivent de
quelque compilation aux traités analogues dont parlent
Pline et Sénèque.
Certaines recettes anonymes d'alliages et de pierres précieuses artificielles pourraient être plus anciennes
encore, s'il est vrai qu'elles aient été copiées sur les
stèles (I) et sur les papyrus des sanctuaires.
Cependant la plupart des auteurs alchimiques sont chrétiens.
Zosime, par exemple, écrivait en Egypte vers le IIIe siècle, au temps de Clément d'Alexandrie et de
Tertullien, c'est-à-dire au temps des gnostiques,
dont il partage les croyances et les imaginations;
ce que font aussi les papyrus de Leide, qui remontent
vers la même époque.
Synésius et Olympiodore appartiennent à la fin du IVe et au commencement du Ve.
Le Philosophe Chrétien peut être regardé comme

(I) Voir pag. 29.
@

100 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
intermédiaire entre ceux-ci et Stéphanus, d'après le
contenu de ses ouvrages: tandis que l'Anonyme serait
à peu près du même temps que le dernier auteur. Certaines
parties d'ailleurs, telles que les écrits de l'Anonyme
et les Chapitres de Zosime à Théodore ne sont
pas des oeuvres complètes et originales: elles offrent
le caractère de ces extraits et sommaires, que les
polygraphes byzantins avaient coutume de faire et
qui nous ont conservé tant de débris des historiens,
des orateurs et des poètes anciens.
Stéphanus est un personnage historique, qui a laissé des ouvrages de médecine et d'astrologie, en
même temps que d'alchimie. Or il copie textuellement
Olympiodore, Synésius et il commente le
pseudo-Démocrite. Ces auteurs l'ont donc précédé.
Olympiodore lui-même reproduit, textuellement aussi,
Synésius, et Synésius commente le faux Démocrite.
Ainsi il existe une filiation non interrompue depuis le Ve siècle de l'ère chrétienne, entre les divers ouvrages
qui figurent dans nos manuscrits. Cette filiation
a été admise comme incontestable par tous les
érudits qui ont eu connaissance de ces manuscrits
depuis le XVIIe siècle et elle est confirmée, quant aux
écrits les plus anciens, par la découverte des papyrus
de Leide.
Presque tous ces écrivains sont antérieurs aux Arabes. Plusieurs d'entre eux sont cités, parfois sans
changement, par Georges le Syncelle au VIIIe siècle,
par Photius, au IXe siècle, et par les polygraphes
byzantins des Xe et XIe siècles, Suidas par exemple.
Le Kitab-al-Fihrist, ouvrage arabe écrit vers
@

LES MANUSCRITS GRECS DES BIBLIOTHEQUES 101
l'an 850, nomme également nos écrivains. Ils sont
donc antérieurs à Geber, le grand maître des Arabes
au IXe siècle. Celui-ci représente d'ailleurs dans ses
livres authentiques une science plus méthodique,
plus avancée et par conséquent postérieure à celle
des alchimistes grecs.
Après ces auteurs, appelés les philosophes oecuméniques, l'alchimie a été exposée par des moines byzantins,
tels que Cosmas, Psellus et Nicéphore Blemmydas,
d'une époque plus récente.
On peut préciser jusqu'à un certain point l'époque où ces écrits ont été rassemblés en un corps encyclopédique,
en remarquant que ce corps est antérieur
à une tradition mythique fort accréditée au moyen
âge, et dont Jean Malala et Suidas nous parlent dès
le Xe siècle: je veux dire la tradition qui identifie
la recherche fabuleuse de la toison d'or par les Argonautes
avec celle d'un prétendu livre alchimique (I),
écrit sur peau: or notre collection n'en fait aucune
mention.
L'ouvrage le plus moderne qu'elle renferme est un traité technique sur les verres et pierres précieuses
artificielles, attribué à l'arabe Salmanas (VIIIe siècle),
lequel contient de très vieilles recettes, transmises
peut-être depuis les anciens égyptiens. Ce traité
a été ajouté aux autres livres à une époque plus
rapprochée de nous; car il n'existe ni dans le
manuscrit 2.325, le plus ancien de ceux de Paris,
ni dans le manuscrit de saint Marc, écrit vers le
XIe siècle.


(I) Salmasii Plinianae Exercitationes, p. 772, b. B. (1689).
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102 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
En résumé, c'est par la réunion de ces oeuvres de dates diverses que la collection alchimique a été formée
à Constantinople, au moyen des écrits de divers auteurs,
les uns païens, les autres chrétiens, copiés, commentés
et abrégés parfois par les moines byzantins.
De là ces copies sont venues en Italie, puis dans le
reste de l'Occident.
Une lettre de Michel Psellus (vers 1050) sert en quelque sorte de préface au manuscrit 2.327. Cet
érudit byzantin, dont la science était universelle et
qui a laissé des traités sur les matières les plus
diverses, est peut-être celui qui a constitué la
collection elle-même. En tous cas, elle était déjà formée,
au XIe siècle, peut-être même au Xe; car le manuscrit
sur parchemin, de saint Marc à Venise, remonte
à cette époque (p. 97) et il renferme la plupart
des textes fondamentaux (sauf le traité de
Salmanas).
Ces écrits ont subi ensuite, comme il est arrivé fréquemment pour les manuscrits anciens, diverses
additions plus récentes, ainsi que des interpolations
et des additions évidentes, de la part des moines
byzantins. Ceux-ci en effet les copièrent, non comme
des monuments historiques, mais au double titre de
textes mystiques et de textes pratiques, qu'ils commentaient
à la façon des ouvrages théologiques. En
tant que livres industriels surtout, ils étaient exposés
à être rectifiés, complétés par chaque copiste, bref,
mis au courant des connaissances acquises; comme le
sont les ouvrages techniques de nos jours.
Aux erreurs des copistes se sont parfois ajoutées
@

LES MANUSCRITS GRECS DES BIBLIOTHEQUES 103
celles des commentateurs du XVIIIe et du XIXe siècle.
Par exemple, les manuscrits renferment un procédé
relatif à la trempe du bronze chez les Perses, au temps
de Philippe de Macédoine; bronze dont on peut voir,
un échantillon sur les portes de Sainte-Sophie.
Cette dernière indication semble sincère. Elle se
trouve dans les manuscrits 2.327 (I) et 2.325, mais
elle manque dans le manuscrit de saint Marc (2),
plus ancien: ce qui prouve qu'elle a été ajoutée après
coup par quelque copiste byzantin. Par suite d'une
confusion singulière, ce même procédé a été attribué
au siècle dernier à un moine de Sainte-Sophie,
appelé Philippe de Macédoine. D'autres ont indiqué
Philippe Sidètès, prêtre du temps de saint Jean
Chrysostome. D'autres encore ont donné ce texte à
Zosime. Mais les manuscrits cités ne disent rien de
toutes ces attributions. De même la citation des
savants ismaélites et les mots techniques arabes, reproduits
dans le traité de Salmanas, ont été rapportés à
tort par quelques modernes à Zosime, malgré les
indications formelles des manuscrits.
Ces manuscrits portent la trace de l'étude passionnée dont ils ont été l'objet autrefois: notes sur les
marges (3), mémentos, ratures de certains passages,
surcharges, additions sur les feuillets de garde et dans
les espaces vides, taches faites par les produits chimiques,


(I) Ms. 2.327 fol. 155, V°. (2) Ms. de saint Marc, fol. 118. (3) Par exemple ms. 2.327, notes marginales, fol. 35 V°, 36 V°, 140, etc.; mémento, fol. 264; additions en haut, fol. 92, 178, 254;
additions interlinéaires à l'encre rouge, fol. 262, V°; ratures,
fol. 118, 140, etc.

@

104 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
telles que les sels de cuivre (I). En raison de ces
circonstances, on pourrait croire que l'ancienneté
des figures des instruments qui y sont dessinés, figures
souvent reproduites (2), laisse quelque incertitude.
Mais il convient d'observer que ces figures sont
les mêmes dans les divers manuscrits; elles sont
plus nettes et plus belles dans le plus vieux, celui de
saint Marc, que dans aucun autre et elles répondent
souvent à des descriptions précises du texte. Les appareils
qu'elles représentent sont donc d'une date reculée.
En somme, les traités actuels sont antiques pour la plupart. Le langage, les idées philosophiques, les connaissances
techniques, les faits historiques et autres
qui y sont relatés, aussi bien que le nom authentique
de quelques-uns de leurs auteurs, nous font
remonter vers le IVe siècle de notre ère; peut-être
même pour quelques-uns, jusque vers l'ère chrétienne.


§ 3. -- Etudes et publications exécutées d'après
les manuscrits alchimiques.
Rappelons brièvement les études et les publications dont ces manuscrits ont été l'objet jusqu'à ce
jour.
Il en est question tout d'abord dans le traité d'Olaüs Borrichius, médecin danois du XVIIe siècle:


(1) Ms. 2.249, fol. 113. (2) Voir entre autres Hoefer t. I, p. 262, 263, 264, 270, 280, 285.
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LES MANUSCRITS GRECS DES BIBLIOTHEQUES 105
sur l'Origine de l'Alchimie, publié par la Bibliotheca
chemica de Manget; l'auteur est savant, mais
crédule. Morhofius en a parlé aussi, au XVIIe siècle
(I). Saumaise et Du Cange les avaient lus; le premier
en a tiré diverses citations, dans ses Plinianae
exercitationes.
Reinesius en fit alors une étude détaillée, la plus complète qui existe, laquelle a été publiée dans
le tome XII de la Bibliothèque grecque de Fabricius (2).
On y voit la liste des écrits contenus dans un
manuscrit de Gotha et la notice détaillée de plusieurs
des manuscrits de la Bibliothèque royale de Paris.
Cette notice est fort exacte, quant aux citations
spéciales. Mais, par suite de quelque méprise de l'éditeur,
on a mis bout à bout les titres des traités de
plusieurs manuscrits distincts: spécialement ceux des
2.249 et 2.327, comme s'ils étaient contenus dans un
volume unique.
Fabricius a publié in extenso le texte et la traduction latine de l'un de ces ouvrages, le commentaire
de Synésius sur Démocrite. Cette dernière
est tirée d'une publication latine faite au XVIe siècle par
Pizzimenti, sous le titre: Democriti de Arte magnâ,
Padoue (1573); laquelle renferme la traduction latine
du pseudo-Démocrite et celle des Commentaires
de Synésius, de Pélage et de Stéphanus. Ces traductions
sont peu exactes; elles ont plutôt le caractère
de paraphrases.
Les neuf leçons de Stéphanus ont été transcrites

(I) Polyhistor, t. I, p. 101. (2) P. 747, 751, Ire édition, 1724.
@

106 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
par le docteur Dietz et publiées après sa mort dans
les Physici et medici Graeci minores de Ideler (I).
On lit dans le même ouvrage (2) les poètes alchimiques,
dont quelques morceaux avaient été imprimés
au XVIIIe siècle.
Signalons encore un fragment sur la bière et des articles sur la trempe du bronze, sur celle du fer, sur
la fabrication du verre, publiés par Grüner, puis
reproduits dans les Ecloga physica de Schneider.
Le lexique des mots alchimiques, ainsi qu'une partie des signes ont été imprimés par Du Cange: les
derniers d'une façon incomplète et sans correction.
Le lexique même, sans les signes, est aussi reproduit,
cette fois avec beaucoup de soin et d'après le manuscrit
de saint Marc, à la fin de l'ouvrage de Palladius, de Febribus,
par Bernard, p. 120 à 148 (1745).
Les titres des principaux traités de nos manuscrits existent dans le catalogue imprimé des manuscrits
grecs de la Bibliothèque royale, publié au XVIIe siècle
par Labbé. L'abbé Lenglet du Fresnoy en a eu connaissance
dans son Histoire de la philosophie hermétique
(1742). L'Encyclopédie méthodique les signale à l'article
Alchimie (1792). Au commencement de ce siècle,
Ameilhon, membre de l'Académie des Inscriptions,
a donné quatre notes sur le même sujet dans les
Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque
nationale (3). Enfin Hoefer, dans le tome Ier de l'Histoire
de la Chimie, a parlé aussi de ces manuscrits


(I) T. II, p. 199 à 253. Berlin, 1842. (2) T. II, p. 328 à 353. (3) T. V, 358, 374; t. VI, p. 302, an IX; t. VII, p. 222.
@

LES MANUSCRITS GRECS DES BIBLIOTHEQUES 107
et il en a publié divers extraits et fragments inédits,
texte grec et traduction française.
Signalons brièvement les notices imprimées, relatives aux manuscrits contenus dans les autres Bibliothèques
d'Europe. Ceux de Gotha et d'Altenbourg ont été
décrits par Reinesius, dont Fabricius a reproduit
l'article dans sa Bibliothèque grecque (voir la
page 105): ils ne diffèrent pas des nôtres, comme
date et comme composition générale. Celui de Gotha
a été consulté également par le professeur Hoffman
de Kiel, pour un article sur l'origine du mot chimie,
publié récemment dans le dictionnaire de Heumann.
Un manuscrit de Vienne a été décrit et analysé par Lambecius (I), au siècle dernier: c'est une copie
datant de 1564; son contenu se retrouve d'ailleurs
dans notre n° 2.327.
Le Catalogue de la Bibliothèque Laurentienne, publié à Florence en 1770, analyse (2) un manuscrit
tout à fait analogue. Dietz a parlé d'un manuscrit
semblable, de Munich.
Le manuscrit de Leide, signalé par Reuvens (3), est du même type; certains traités y sont reproduits seulement
en abrégé.
La bibliothèque de saint Marc contient le plus ancien manuscrit alchimique qui existe. Ce manuscrit,
que j'ai entre les mains, renferme les plus importants
de nos traités et sa composition générale ne
diffère pas sensiblement de celle des précédents. Il


(I) Comment. de Bibl. Caesarea, etc. Pars II, livre VI, p. 380. (2) T. III, p. 347. (3) Troisième lettre à M. Letronne, p. 73.
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108 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
est écrit sur parchemin. Il remonterait au XIe siècle,
d'après Bernard et d'après le catalogue de 1740; sa
comparaison avec les types paléographiques donnés
dans Wettenbach le reporte en effet entre le Xe et le
XIe siècle (v. p. 97). Nous possédons trois notices sur ce
manuscrit: l'une à la fin du traité de Palladius, de
Febribus, publié par Bernard en 1745; une autre,
dans le Catalogue des manuscrits grecs de la bibliothèque
de saint Marc, publié en 1740 (p. 140 de ce
Catalogue), où il porte le n° 299; la dernière, due
à Morelli, dans son ouvrage relatif aux mêmes manuscrits,
publié en 1802 (I). J'ai fait moi-même une
étude approfondie de ce manuscrit, et j'ai établi une
collation soignée de ses articles avec ceux des manuscrits
de la Bibliothèque de Paris. D'après la lecture
des notices, il semble que le manuscrit de saint Marc
ait été reproduit dans celui de la bibliothèque Ambroisienne
de Milan, manuscrit plus moderne, analysé
par Montfaucon (2).
Les études que j'ai faites des manuscrits de Paris, de saint Marc, et des analyses imprimées des autres
tendent à faire penser que les manuscrits alchimiques
dérivent de trois types principaux.
1° Le type du manuscrit de saint Marc, du XIe ou du Xe siècle, le plus vieux de tous, et dans lequel
manquent le traité de Salmanas et divers autres;
tandis qu'on y trouve le labyrinthe de Salomon, oeuvre
cabalistique.
Le manuscrit 2.249, de la bibliothèque de Paris se

(I) T. I, p. 172. (2) Paléographie grecque, p. 374.
@

LES MANUSCRITS GRECS DES BIBLIOTHEQUE5 109
rapproche de celui de saint Marc par sa composition,
quoique avec des variantes importantes. Il contient de
même les résumés des traités de Zosime, la Chrysopée
de Cléopâtre, etc.
2° Le type du manuscrit 2.325, datant du XIIIe siècle ou du commencement du XVIe siècle, reproduit par la
plupart des autres copies postérieures; mais avec addition
de certains traités et fragments plus ou moins
étendus. C'est ainsi qu'il a passé entièrement (sauf
variantes) dans le manuscrit 2.327.
3° Le type du manuscrit 2.327, lequel renferme, en outre du précédent, de nombreux traités techniques et
des additions fort importantes. C'est le plus étendu
qui existe.
Il serait fort désirable que quelque érudit spécialiste fit une étude complète de ces manuscrits, d'après
les méthodes de la critique moderne.
Sans prétendre entrer jusqu'au fond de cette question, il m'a semblé cependant utile de reproduire en
appendice l'analyse très détaillée du manuscrit 2.327,
le plus complet de ceux de notre Bibliothèque; en en
rapprochant la composition du n° 2.325, celle du
manuscrit de saint Marc, celle du n° 2.249 de Paris,
ainsi que celle des manuscrits étrangers, en tant que
ces derniers sont connus par les catalogues imprimés.
Je vais présenter ici les résultats généraux que j'ai déduits de cette analyse: résultats intéressants, car
ils conduisent à décomposer la collection alchimique
en ses éléments essentiels, c'est-à-dire à reconnaître
quels sont les traités partiels, théoriques ou
techniques, et les groupes de recettes, dont l'assemblage

@

110 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
a servi à la constituer. Je demande quelque indulgence
pour ce travail d'analyse, fort délicat de
sa nature, mais qui semble propre à jeter un certain
jour sur l'histoire de la science.


§ 4. -- Composition de la collection manuscrite des alchimistes grecs.
Le manuscrit 2.327 est coordonné jusqu'à un certain point à la façon d'un ouvrage moderne, au moins
dans ses premières parties: c'est une sorte d'Encyclopédie
alchimique, où le copiste a rassemblé tous les
traités et morceaux congénères qu'il a pu connaître.
Le manuscrit débute par une dissertation ou lettre de
de Michel Psellus, adressée à Xiphilin, patriarche de
Constantinople au milieu du XIe siècle. Elle est placée
en tête, en guise de préface (I). Après diverses
intercalations, qui semblent faites sur des pages de
garde originellement blanches, on trouve, comme
dans un traité de chimie actuel:
I° Les indications générales relatives aux mesures et à la nomenclature;
2° L'ensemble des traités proprement dits, théoriques et pratiques, lesquels forment à la suite un tout
distinct.
Développons le détail de cette composition.

(I) Ms. 2.327. Fol. I à 7.
@

LES MANUSCRITS GRECS DES BIBLIOTHEQUES 111

§ 5. -- Indications générales.
Ces indications comprennent d'abord un traité des poids et mesures (I), attribué à Cléopâtre, traité
classique pour ceux qui s'occupent de l'antiquité; il
existe dans le manuscrit de saint Marc et dans beaucoup
d'autres. Il se trouve aussi dans les oeuvres de
Galien et dans divers manuscrits traitant d'autres
sujets. Aussi a-t-il été imprimé plusieurs fois, notamment
par Henri Estienne dans son Thesaurus Graecae
linguae, (2). Une autre note relative aux poids et
mesures se trouve dans des additions faites à la fin
du manuscrit 2.327 (3).
Les noms des mois égyptiens, comparés à ceux des mois romains (4), représentent un renseignement
pratique du même ordre.
Le traité des mesures est suivi, toujours comme dans un ouvrage moderne, par l'explication des signes
de l'art sacré (5), lesquels correspondent aux symboles
de nos éléments actuels, avec noms en regard. Ce
tableau des signes existe aussi dans le manuscrit
de saint Marc et dans le manuscrit 2.325: ce qui


(I) Ms. 2.327, fol. 15 et 16; ms. de saint Marc, fol. 108, verso. (2) Appendice de l'édition princeps, p. 218; avec traduction latine. L'édition moderne de Didot est moins complète sur ce point.
(3) Ms. 2.327, fol. 292 et 293. (4) Ms. 2.327, fol. 280 et 297. (5) Ms. 2.327, fol. 16, verso, à 18; Ms. de saint Marc, fol. 6 et 7.
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112 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
prouve qu'il remonte au moins au XIe siècle. Quelques-
uns des signes qu'il renferme, tels que ceux de l'or et
de l'argent, figurent déjà dans les papyrus de Leide.
Celui de l'eau est un hiéroglyphe, etc.
En examinant de plus près la liste des signes du manuscrit 2.327, on reconnaît qu'elle résulte de juxtaposition
de plusieurs listes, ajoutées et combinées les
unes avec les autres à diverses époques. En effet les
noms des métaux, et ceux des autres corps y reviennent
plusieurs fois, souvent avec des symboles différents,
dont les derniers sont de simples abréviations. Le mercure,
par exemple, est désigné au début par un croissant
retourné, inverse du signe de l'argent; tandis
que dans la liste finale il s'est substitué à l'étain pour
l'attribution du métal au signe astronomique de la
planète Mercure.
Les listes dont je parle sont faciles à distinguer. Citons d'abord une première liste, très courte et probablement très ancienne, renfermant seulement les
signes des sept planètes et des sept métaux, donnés en
sept lignes dans le manuscrit de saint Marc (I). Cette
liste se lit également au fol. 280 du manuscrit 2.327,
mais plus développée et avec les noms d'une suite de
substances annexes et subordonnées. J'y reviendrai.
J'ai reproduit le fac-similé de la première et de la seconde liste du manuscrit de saint Marc.
Le manuscrit de saint Marc et le manuscrit 2.327 (2) débutent par une autre liste méthodique (seconde


(I) Ms. de saint Marc, fol. 6, colonne de droite, Voir aussi ms. 2.250, fol. 243; ms. de la Laurentienne, vers la fin.
(2) Ms. 2.327, fol. 16 V°.
@

LES MANUSCRITS GRECS DES BIBLIOTHEQUES 113
liste de signes), commençant par l'or et ses dérivés,
suivis de l'argent et de ses dérivés, du cuivre et de ses
dérivés, du fer et de ses dérivés, du plomb et de ses
dérivés, de l'étain et de ses dérivés; puis vient le
mercure, seul et sans dérivés, etc. Le manuscrit 2.327
renferme, en haut de la feuille 17, certains signes du
fer et de ses dérivés, différents de ceux du manuscrit
de saint Marc.
Toutes ces listes sont absentes dans le manuscrit 2.325. Celui-ci débute par une troisième liste, qui se
trouve aussi dans le manuscrit 2.327; mais qui manque
dans le manuscrit de saint Marc. Elle commence
au mot Θαλασσα et finit au mot λευχη αιθαλη η υδραργυρος
λεγεται. Puis viennent les signes du plomb, de l'électrum,
du fer, du cuivre, de l'étain, tirés de la même
liste planétaire, qui figure tout d'abord au manuscrit
de saint Marc.
On reprend la liste de celui-ci dans les manuscrits 2.325 et 2.327, à partir du mot κλαυδιανον jusqu'à la
fin; les trois manuscrits étant conformes entre eux
pour cette quatrième partie.
Commence alors dans les manuscrits 2.325 et 2.327 une cinquième liste des métaux, en cinq lignes, depuis
χρυσος jusqu à σιδερεως (I).
Elle est suivie par une sixième liste plus courte, existant dans les deux manuscrits, et qui débute par
le mot caractéristique αλλο (autre). Le mercure, la
litharge, etc., figurent dans ces deux listes, avec des
signes distincts. Les symboles de l'ange et du démon


(I) Ms. 2.325, fol. I et 2; ms. 2.327, fol. 17 et fol. 17 V°.
@

114 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
dans la dernière semblent indiquer qu'elle a été tirée de
quelque livre magique.
Une septième liste, signalée par le mot αλλως, suit les trois précédentes dans le manuscrit 2.327: c'est surtout
une liste de matières Médicales.
Au verso du fol. 18 du manuscrit 2.327 reprend une huitième liste, comprenant les métaux. Elle
est plus moderne; car l'électrum a disparu. L'étain
s'y trouve avec le signe de la planète Jupiter, au
lieu du signe de la planète Mercure, qu'il possédait
dans la première et dans la troisième. Le métal
mercure a de même changé de signe et il affecte le
symbole de la planète Mercure, précédemment consacré
à l'étain.
En résumé, ces listes multiples semblent avoir été tirées de manuscrits distincts par l'époque et la composition,
dans lesquels elles figuraient d'abord; elles ont
été mises bout à bout, en tête de la collection du manuscrit
2.327.
Le serpent qui se mord la queue (dragon Ouroboros) doit être rapproché des signes des métaux, bien qu'il
soit dessiné et décrit à une place toute différente dans
le manuscrit (I). J'ai montré (p. 58) l'origine égyptienne
et gnostique de ce symbole, qui existe aussi dans les
papyrus de Leide et sur les pierres gravées du IIIe siècle,
conservées dans nos collections.
Après la liste des signes, vient le Lexique des mots de l'art sacré, par ordre alphabétique (2); toujours
comme dans certains traités modernes de chimie. Le


(I) Ms. 2.327, fol. 190 et 279. (2) Ms. 2.327, fol. 19 à 23.
@

LES MANUSCRITS GRECS DES BIBLIOTHEQUES 115
lexique se lit dans le manuscrit 2.325 et dans le
manuscrit de saint Marc (I). Il existait donc dès le
XIe siècle.
Bernard l'a donné in extenso, à la suite de son édition du Traité de Palladius sur les fièvres
(1745).
Le lexique a été précédé par des nomenclatures beaucoup plus anciennes et de caractères divers, dont il
représente l'assemblage. Tel est le petit ouvrage
sur l'oeuf philosophique, qui suit dans le manuscrit
2.327 (2), et qui renferme une nomenclature
symbolique des parties de l'oeuf, relatives à l'art sacré
(voir p. 24); cette même nomenclature se trouve
dans le manuscrit de saint Marc, où les mots caractéristiques
ont été grattés (3). Tels sont encore les listes
ou catalogues de substances, attribués à Démocrite
et transcrits en divers endroits (4). Je les rappelle plus
loin.
C'est maintenant le lieu de citer la liste des faiseurs d'or (ποιντες) (5). Le manuscrit de saint Marc (6) la contient
aussi, avec des variantes importantes, et elle est
le développement d'une liste plus courte, donnée par
le Philosophe Anonyme (7). Je reproduirai tout à
l'heure cette dernière.
La liste principale se termine dans le manuscrit

(I) Ms, de saint Marc, fol. 13 à 1361. (2) Ms. 2.327, fol. 23 et 24. Voir aussi fol. 229 V°: nomenclature de l'oeuf, c'est le mystère de l'oeuvre, etc.
(3) Ms. de saint Marc, fol. 106. (4) Ms. 2.327, fol. 118. (5) Ms. 2.327, fol. 195 V° et fol. 293. (6) Ms. de saint Marc, fol. 7 V°. (7) Ms. de saint Marc, fol. 79.
@

116 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
2.327 par un énoncé des lieux où l'on prépare la
pierre philosophale, en Egypte, à Constantinople, etc.
Une désignation analogue et plus ancienne, car elle
ne renferme que des noms de localités Egyptiennes,
existe au fol. 249, verso: je l'ai reproduite p. 36.
J'ai dit que ces listes paraissaient être le résumé
et l'interprétation alchimique d'un passage d'Agatharchide,
relatif aux exploitations métallurgiques de
l'Egypte.
Les indications générales qui viennent d'être signalées, telles que celles des poids et mesures, des signes
et de la nomenclature, sont suivies dans le manuscrit
2.327 par la reproduction des traités alchimiques
proprement dits. Ceux-ci peuvent être groupés sous
diverses catégories.


§ 6. -- Traités théoriques.
Un premier ensemble est formé par les ouvrages théoriques et philosophiques. Il se compose de plusieurs
collections distinctes.
La première constitue ce que l'on pourrait appeler les Traités Démocritains: je veux dire le pseudo-
Démocrite et ses commentateurs. Le pseudo-Démocrite
est représenté par un traité fondamental, intitulé Physica
et Mystica (I), base de tous les commentaires,
lequel se trouve également dans le manuscrit 2.325,


(I) Ms. 2.327, fol. 24 V° à 31.
@

LES MANUSCRITS GRECS DES BIBLIOTHEQUES 117
dans celui de saint Marc (I), etc. On doit en rapprocher
la Lettre de Démocrite à Leucippe (2); les extraits
d'un ouvrage de Démocrite adressé à Philarète, lesquels
renferment un catalogue de matières minérales,
la définition des substances (3), etc.; enfin quelques autres
citations de Démocrite, éparses dans les écrits de
l'Anonyme et ailleurs.
Le pseudo-Démocrite est commenté d'abord par Synésius (4), puis par Stéphanus, dans ses neuf leçons (5).
Ces auteurs sont transcrits dans le manuscrit 2.325,
dans le manuscrit de saint Marc, etc.
Les traités de cette collection ont été traduits en latin, ou plutôt paraphrasés, par Pizzimenti en 1573 (6). Le
texte même de Synésius a été imprimé par Fabricius,
dans sa Bibliothèque grecque, et celui de Stéphanus par
Ideler, dans ses Physici et medici graeci minores.
La collection Démocritaine comprend encore l'ouvrage d'Olympiodore, intermédiaire par sa date; car
il cite Synésius et ne nomme pas Stéphanus. II représente
une culture philosophique plus voisine que le dernier
des néoplatoniciens. Mais cet ouvrage n'accompagne
pas les précédents dans tous les manuscrits. Il existe
dans le manuscrit de saint Marc et dans le manuscrit
2.327 (7); mais il manque dans le manuscrit 2.325 et
il offre des variantes très considérables dans les manuscrits


(I) Ms de saint Marc, fol. 66 V°. (2) Ms. 2.327, fol. 258 et 259. (3) Ms. 2.327, fol. 113 V°, fol. 118, 122. (4) Ms. 2.327, fol. 31 à 37. (5) Ms. 2.327, πραξεις: fol. 37 à 74. (6) Democriti de Arte magnâ. (7) Ms. 2.327, fol. 197; ms. de saint Marc, fol, 160 à 179.
@

118 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
2.250 et 2.249. Sa publication offrirait beaucoup
d'intérêt.
Auprès de ces auteurs, on peut grouper les écrits attribués à Cléopâtre la Savante, et les écrits de Marie
la Juive, écrits composés probablement à une époque
voisine du pseudo-Démocrite, et dont nous possédons
des extraits étendus, cités entre autres par Stéphanus;
Les écrits d'Ostanès (I), le prétendu maître de Démocrite dont parle Pline;
Ceux de Comarius, le précepteur de Cléopâtre, commentés ou interpolés par un anonyme chrétien
(2);
Ceux de Jean l'Archiprêtre dans la divine Evagie et les sanctuaires qui en dépendent (3); le manuscrit
de saint Marc dit: Jean l'Archiprêtre de la Tuthie en
Evagie et des sanctuaires, etc.
Enfin les écrits de Pélage (4). Un second groupe de traités, congénères des écrits démocritains, est constitué par les LIVRES HERMETIQUES,
contemporains par le style et les idées avec le Poemander,
tels que: le discours de la Prophétesse Isis à son
fils Horus (5);
Le Commentaire d'Agathodémon sur l'oracle d'Orphée (6);


(I) Ms. 2.249, fol. 75, V°; ms. de saint Marc, fol. 66. (2) Ms. 2.327, fol. 74 à 79. (3) Ms. 2.327, fol. 140 et fol. 243 à 249; ms. de saint Marc, fol. 79. Ευαγια signifie Sainteté. Le mot originel du lieu appelé Τυθια paraît
avoir été changé par les copistes en l'adjectif θεια (divine), plus facile à
comprendre.
(4) Ms. 2.327, fol. 222 à 227; ms. de saint Marc, fol. 62 V°. (5) Ms. 2.327, fol, 256 à 258. (6) Ms. 2.327, fol. 262 à 264.
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LES MANUSCRITS GRECS DES BIBLIOTHEQUES 119
L'Enigme tirée des livres sibyllins et son commentaire par Hermès et Agathodémon (I). Le chroniqueur
Cedrenus (2) établit une certaine relation entre cette
énigme et un autre petit écrit sur les moeurs des philosophes
(3), écrit qu'il attribue d'ailleurs à Démocrite.
Le serment des initiés figure dans le discours d'Isis sous une forme païenne et il est reproduit avec des
variantes considérables qui lui donnent un caractère
chrétien, soit à l'état anonyme (4), soit sous le
nom de Pappus (5): il dérive des mêmes traditions.
Il en est peut-être de même de l'article, relatif à l'assemblée des philosophes (6), qui semble, au moins
par son titre, avoir servi de point d'attache à la
Turba philosophorum, écrit alchimique célèbre au
moyen âge.
Les interprétations sur les lumières, que l'on lit ensuite, sont probablement aussi du temps des gnostiques
et de Zosime (7).
Il en est de même de la Coction excellente de l'or; à la suite de laquelle figurent les procédés de Jamblique,
les procédés pour doubler l'or, etc. (8), lesquels
semblent contemporains de ceux des papyrus de
Leide.
Le signe d'Hermès (9) et l'instrument d'Hermès

(I) Ms. 2.327, fol. 234 à 237. (2) Edition de Paris, p. 121. (3) Ms. 2.327, fol. 109 V°; ms. de saint Marc, fol. 128. (4) Ms. 2.327, fol. 109 V°. (5) Ms. de saint Marc, fol. 184 V°. (6) Ms. 2.327, fol. 233. (7) Ms. 2.327, fol. 264 et 265. (8) Ms. 2.327, fol. 266 à 268. (9) Ms. 2.327, fol. 297.
@

120 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
trismégiste pour prévoir l'issue des maladies (I),
ainsi que la Chrysopée de Cléopâtre, formée uniquement
de noms et de signes magiques (2), rappellent
l'union originelle de l'alchimie avec la magie
et l'astrologie.
Tout ceci se rattache en définitive aux livres hermétiques et porte l'empreinte des doctrines néoplatoniciennes
et gnostiques.
Aux mêmes doctrines se rapporte une troisième groupe, comprenant LES LIVRES DE ZOSIME DE PANOPOLITAIN,
le plus vieil auteur alchimique authentique que
nous possédions. Zosime avait rédigé, d'après Suidas,
vingt-huit traités d'alchimie. Un grand nombre de
ces ouvrages, les uns mystiques, les autres techniques
(3) et relatifs à des descriptions d'instruments et
d'opérations réelles, sont venus jusqu'à nous: les
uns complets, les autres à l'état d'extraits, faits
par le Philosophe Anonyme et par divers moines (4),
d'autres à l'état de résumés seulement (5). J'en donnerai
les titres plus loin, en parlant de Zosime en
particulier.
Les mêmes traités existent à la fois dans les manuscrits 2.325 et 2.327; quelques-uns d'entre eux seulement
sont contenus dans le manuscrit de saint Marc.
Le manuscrit 2.249 nous a conservé certains sommaires.


(I) Ms. 2.327, fol. 293. (2) Ms. de saint Marc, fol. 188, V°; ms. 2.249, fol. 96 V°. (3) Ms. 2.327, fol. 80 à 89; 112 à 136; 161, V°; 220 à 222; 251 à 256; 260.
(4) Ms. 2.327, fol. 168 à 177; 159 V°. (5) Ms. 2.249, fol. 89; fol. 94 à 96.
@

LES MANUSCRITS GRECS DES BIBLIOTHEQUES 121
Les auteurs que je viens d'énumérer, ceux des traités démocritains, ceux des traités hermétiques, ainsi que Zosime,
sont dits oecuméniques dans les manuscrits. Après
eux viennent leurs COMMENTATEURS chrétiens et anonymes,
écrivains de l'époque byzantine, qui ont écrit en
Egypte et à Constantinople, avant le temps des
Arabes. Tels sont les Livres du Chrétien sur la bonne
constitution de l'or et sur l'eau divine (I); et l'écrit du
Philosophe Anonyme sur l'eau divine (2).
L'explication de la science de la Chrysopée par le saint moine Cosmas (3), appartient au même groupe.
Mais elle y a été ajoutée plus tard. En effet elle ne
figure ni dans le manuscrit de saint Marc, ni
dans le texte primitif du manuscrit 2.325. Dans
ce dernier elle se trouve à la suite, transcrite d'une
toute autre écriture, moins soignée et presque effacée.
Son auteur réel ou pseudonyme serait-il le moine
qui voyagea dans l'Inde?
Tels sont les traités philosophiques, théoriques et mystiques, qui composent le Corpus des Alchimistes
grecs.


§ 7. -- Poèmes alchimiques.
Un second ensemble, très intéressant pour l'histoire générale, mais sans importance pour celle de la


(I) Ms. 2.327, fol. 92, V°, à 109. (2) Ms. 2.327, fol. 162 à 168. (3) Ms. 2.327, fol. 159 à 161.
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122 LES ORIGINES DE L ALCHIMIE
chimie, comprend les poètes alchimiques, lesquels se
présentent sous un titre commun: traités tirés de la
Chimie mystique (I). Il renferme les poèmes d'Héliodore,
de Théophraste, d'Archelaüs, d'Hiérothée. Les
premiers de ces poèmes paraissent écrits par des auteurs
de la fin du IVe siècle, contemporains de Théodose;
mais ils ont subi des interpolations successives
dans les manuscrits, lesquelles ont fini parfois par
transformer les iambes du IVe siècle, en vers dits politiques
d'une basse époque.
Jean de Damas et d'autres ont écrit plus tard des morceaux analogues, qui se trouvent seulement dans
quelques manuscrits.
Les poèmes manquent dans le manuscrit 2.325; mais ils existent dans le manuscrit de saint Marc. Quelques-
uns avaient été imprimés à la fin du traité de Palladius,
de Febribus, en 1745. L'ensemble a paru dans le
deuxième volume des Physici et Medici graeci
minores de Ideler (1842).


§ 8. -- Traités technologiques.
Un troisième ensemble est celui des traités et des recettes technologiques. Je vais essayer de classer ces
traités et recettes, dont l'origine est très diverse:
quelques-uns semblent remonter à l'Egypte grecque
et plus haut peut-être, tandis que d'autres sont de


(I) Ms. 2.327, fol. 178 à 195.
@

LES MANUSCRITS GRECS DES BIBLIOTHEQUES 123
l'époque arabe. La plupart se trouvent seulement
dans le manuscrit 2.327.
Je signalerai d'abord « le Livre de l'alchimie métallique, sur la chrysopée, l'argyropée, la fixation du
mercure, renfermant les évaporations, les teintures, les
traitements par déflagration (?); il traite aussi des
pierres vertes, escarboucles, verres colorés, perles,
comme de la teinture en rouge des vêtements de peaux
destinés à l'empereur: tout cela est produit au moyen
des eaux par l'art métallurgique (I). » La fin de l'ouvrage
est marquée en marge. Un certain nombre de
recettes et d'articles isolés, transcrits sans nom d'auteur,
sont probablement tirés de ce recueil; mais il
n'est pas facile de le reconstituer d'une manière
précise.
Un traité, plus ancien peut-être, a pour titre: Bonne confection et heureuse issue de la chose
créée et du travail et longue durée de la vie, titre
reproduit à la dernière ligne. Il est relatif aux opérations
sur les métaux (2). Il débute par la phrase
suivante: « Et le Seigneur dit à Moïse, j'ai choisi
en nom Beseleel, le prêtre de la tribu de Juda, pour
travailler l'or, l'argent, le cuivre, le fer, tous les
objets de pierre, de bois, et pour être le maître de tous
les arts. »
Ce nom est caractéristique: c'est celui d'un des architectes de l'arche et du tabernacle dans l'Exode. Il
semble que le traité actuel soit le même qui est désigné
ailleurs sous le nom de chimie domestique de Moïse.


(I) Ms. 2.327, fol. 237 à 240; et fol. 293 V°. (2) Ms. 2.327, fol, 268 à 278.
@

124 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Je ne l'ai rencontré que dans le manuscrit 2.327.
Rappelons que le nom de Moïse, regardé comme
auteur de traités astrologiques et magiques, figure
également dans les papyrus de Leide (pages 54
et 83).
Ce traité renferme des passages étranges, qui semblent les débris de quelque papyrus, copiés à la suite,
d'une façon incohérente, sous préoccupation du sens
général des titres, ni des phrases qui précédent. C'est
ainsi que sous la rubrique: matière de l'argyropée
(I), on lit, après des formules de minéraux et
sans aucune transition, neuf lignes tirées de l'article sur
la teinture en pourpre de Démocrite: « Ces auteurs
sont estimés par nos prédécesseurs, etc. »; puis vient la
finale banale des traités démocritains « la nature triomphe
de la nature, et la nature domine la nature. » Ceci
jette un jour singulier sur le mode de composition des
manuscrits que nous étudions.
Dans un troisième traité, intitulé: Fusion de l'or très estimée et très célèbre (2), l'auteur expose des procédés de
dorure et d'argenture, d'autres procédés pour confectionner
des lettres d'or (3), pour souder l'or et l'argent,
pour fabriquer des alliages de cuivre semblables à
l'or. Plusieurs de ces procédés offrent par le détail des
traitements qu'ils décrivent une ressemblance frappante
avec ceux des papyrus de Leide (4). On dirait que ces
derniers ont été extraits de quelque traité de ce genre;


(1) Ms. 3.327, fol. 273. (2) Ms. 2.327, fol. 280 à 290. (3) Montfaucon a reproduit l'un de ces articles dans sa Paléographie grecque.
(4) Voir p. 88 et 92.
@

LES MANUSCRITS GRECS DES BIBLIOTHEQUES 125
au même titre que l'on y rencontre des articles tirés
de Dioscoride.
Un autre traité du manuscrit 2.327 pourrait être appelé le travail des quatre éléments. Il contient diverses
recettes obscures et se termine par les dénominations
de l'oeuf philosophique (I).
La Technurgie du célèbre Arabe Salmanas (2) rapporte une série de procédés sur la fabrication des perles
artificielles et sur le blanchiment des perles naturelles.
Ce traité existe aussi dans plusieurs autres manuscrits (3).
C'est une collection qui semble remonter au VIIIe siècle et
qui doit avoir été tirée d'un ouvrage plus ancien.
A la suite se trouvent dans les trois manuscrits (2.325, 2.327, 2.249), des recettes distinctes et positives
pour fabriquer l'argent, tremper le bronze, etc.,
plus vieilles que la rédaction actuelle de la technurgie.
En effet ces procédés figurent dans le manuscrit
de saint Marc, lequel ne parle ni de Salmanas,
ni des perles. Ce sont d'abord trois recettes pour
fabriquer l'argent (ασημον) avec le plomb, et avec l'étain
(4), tout à fait analogues à celles du papyrus de
Leide; puis viennent la fabrication de l'or, celle
du cinabre, la fabrication du mercure (laquelle manque
dans le manuscrit 2.325).
Ensuite on lit les recettes pour la coloration des verres, émeraudes, escarboucles, hyacinthes, d'après le
livre du sanctuaire, vieilles formules où l'on cite le


(1) Ms. 2.327, fol. 227 à 230. (2) Ms. 2.327, fol. 141 à 146. (3) Ms. 2.325, fol. 152 à 159, et ms. 2.249, fol. 29 à 32. (4) Ms. 2 327, fol. 146.
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126 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
livre de Sophé l'Egyptien (ouvrage de Zosime) et la
chimie de Moïse (I).
Une série distincte de recettes métallurgiques, qui se rencontre aussi dans le manuscrit de saint Marc et dans
le manuscrit 2.325, concerne la trempe du bronze, écrite
au temps de Philippe de Macédoine, la trempe du fer
indien, etc (2). Ces deux recettes ont été imprimées
par Grüner en 1814, et par Schneider dans les Ecloga
Physica; un procédé pour la fabrication du verre (3)
a été imprimé en même temps: il y est question du
verre bleu et de divers espèces de verres verts, telles,
que le prasinum et le venetum, mots déjà employés
par Lampride au IIIe siècle.
Telle est la composition générale des manuscrits alchimiques grecs.


(I) Ms. 2.327, fol. 147 à 155. (2) Ms. 2.327, fol. 155 V° à 159. (3) Ms. 2.327, fol. 90 à 92.
pict

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pict


LIVRE SECOND
LES PERSONNES -----

CHAPITRE PREMIER LES ALCHIMISTES OECUMENIQUES
pict ONNONS les noms des alchimistes grecs,
ceux-là surtout que les anciens manuscrits appellent oecuméniques, à cause de leur importance et de leur autorité universelle. La liste la plus vieille est celle du Philosophe
Anonyme (I): « Exposé des règles de la Chrysopée,
en commençant par les noms des artistes. Hermès
Trismégiste écrivit le premier sur le grand mystère.
Il fut suivi par Jean, l'Archiprêtre de la Tuthie en Evagie
et des sanctuaires qui s'y trouvent. Démocrite, le
célèbre philosophe d'Abdère, parla après eux, ainsi


(I) Ms. 2.327, fol. 163; ms. de saint Marc, fol. 79.
@

128 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
que les excellents prophètes qui le suivirent. On cite
alors le très savant Zosime. Ce sont là les philosophes
oecuméniques et renommés, les commentateurs des
théories de Platon et d'Aristote. Olympiodore et Stéphanus,
ayant fait des recherches et des découvertes,
ont écrit de grands mémoires sur l'art de faire de l'or.
Tels sont les livres très savants dont l'autorité va
nous guider. » Cette liste remonte au VIIe ou au
VIIIe siècle; elle peut être étendue, en y adjoignant les
noms des auteurs qui font partie des énumérations
suivantes.
En effet une liste presque aussi ancienne figure au commencement du manuscrit de saint Marc (I),
sous la rubrique: « Noms des philosophes de la
science et de l'art sacrés. Ce sont: Moïse, Démocrite,
Synésius, Pauseris, Pebichius, Xénocrate, Africanus,
Lucas, Diogène, Hippasus, Stéphanus, Chimès,
Le Chrétien, Marie, Petasius, Hermès, Théosébie,
Agathodémon, Théophile, Isidore, Thalès,
Héraclite, Zosime, Philarète, Juliana, Sergius. » A
côté des noms des vieux philosophes grecs, tels que
Xénocrate, Diogène, Hippasus, Thalès, Héraclite,
cette liste contient les noms d'auteurs alchimistes
véritables, cités pour la plupart dans les traités que
nous possédons.
Voici une autre liste, d'après les manuscrits de la Bibliothèque nationale (2):
« Connais, ô mon ami, le nom des maîtres de

(I) Fol. 7 V°. (2) Ms. 2.327, fol. 195 V°; reproduite fol. 294; la même liste, ms. 2.250, fol. 245.

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LES ALCHIMISTES OECUMENIQUES 129
l'oeuvre: Platon, Aristote, Hermès, Jean l'Archiprêtre
dans la divine Evagie, Démocrite, Zosime le grand,
Olympiodore, Stéphanus le philosophe, Sophar le
Perse, Synésius, Dioscorus le prêtre du grand Sérapis
à Alexandrie, Ostanès et Comarius, les initiés de
l'Egypte, Marie, Cléopâtre femme du roi Ptolémée,
Porphyre, Epibéchius, Pélage, Agathodémon,
l'empereur Héraclius, Théophraste, Archelaüs, Petasius,
Claudien, le Philosophe Anonyme, Ménos le philosophe,
Panseris, Sergius. Ce sont là les maîtres
partout célèbres et oecuméniques, les nouveaux commentateurs
de Platon et d'Aristote. Les pays où l'on
accomplit l'oeuvre divine sont l'Egypte, la Thrace
(Constantinople), Alexandrie, Chypre, et le temple de
Memphis. »
La dernière liste, sous sa forme actuelle, serait postérieure au temps d'Héraclius, d'après la citation du
nom de cet empereur et de celui de Stéphanus, son
contemporain. Elle fait mention du temple de Memphis,
probablement détruit en même temps que le Sérapéum
vers la fin du IVe siècle; ce qui en ferait remonter
plus haut la première rédaction.
Remarquons cependant que les noms des laboratoires alchimiques signalés ici sont de l'époque
byzantine. Or il existe une énumération beaucoup plus
vieille des endroits où l'on prépare l'or, énumération
où il est question seulement de villes égyptiennes,
dont le nom a été parfois mutilé par un copiste qui
ne les connaissait pas (I). « Il faut connaître en quels
lieux de la terre de la Thébaïde se prépare la poudre


(I) Ms. 2.327, fol. 249 V°. 9
@

130 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
mystérieuse: Cléopolis (Héracléopolis), Alycoprios
(Lycopolis), Aphrodite, Apolenos (Apollinopolis) et
Elephantine. » Ces noms eux-mêmes paraissent tirés
d'un morceau défiguré d'Agatharchide, relatif aux
sièges des exploitations métallurgiques d'Egypte, sièges
qui auraient été identifiés plus tard avec les lieux
supposés de la fabrication de l'or (I).
En somme, pour les lieux, comme pour les hommes, il semble que nous ayons affaire dans tout ceci à
des listes anciennes, complétées plus tard par les
copistes et commentateurs et étendues jusqu'au
VIIe siècle.
Comparons-les avec les auteurs alchimiques cités dans le Kitab-al-Fihrist, catalogue des sciences
de Ibn-Abi-Yacoub-An-Nadim, auteur mort en
l'an 235 de l'Hégire c'est-à-dire vers 850. Ce traité
est postérieur à nos listes et peut servir à les contrôler.
M. Derenbourg a eu l'obligeance de traduire
verbalement pour moi la page 353 du texte et les
suivantes. La magie et l'alchimie y sont confondues,
conformément aux analogies historiques.
Voici le résumé de ce texte:
« Oeuvres d'Hermès sur la magie (2): -- livres d'Hermès à son fils sur la magie -- livre de l'or qui
coule (fusion de l'or ?) (3), -- livre adressé à Toth, sur
la magie, etc.
« Ostanès d'Alexandrie. Il a écrit mille dissertations sur les secrets et les énigmes, etc.


(I) Voir p. 35. (2) Voir ms. de saint Marc, fol. 190. (3) Voir le traité intitulé: Fusion excellente de l'or; p. 124.
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LES ALCHIMISTES OECUMENIQUES 131
« Zosime a suivi la même voie-qu'Ostanès. Il a écrit les clefs de la magie, qui comprennent un grand
nombre de livres et de traités.
« Les noms des philosophes qui se sont occupés de magie comprennent Hermès, Agathodémon, Onatos (?),
philosophe pythagoricien de Crète, Platon, Zosime,
Démocrite, Ostanès, Hercule (ou Héraclius), Marie,
Stéphanus, Chymès, Alexandre, Archélaüs, le prêtre
chrétien Arès. » Suivent divers noms qu'il n'a pas
été possible de faire coïncider avec ceux des chimistes
grecs.
A la page 354, l'auteur arabe donne les titres des livres écrits par les sages, livres qu'il cite pour les
avoir vus, ou d'après un auteur autorisé. On y trouve,
parmi d'autres inconnus on non identifiés, les titres
suivants qui se rapportent tous à des ouvrages ou à
des personnages dénommés dans nos manuscrits:
ouvrage de Dioscorus sur la magie; ouvrage de
Marie la Copte; livre d'Alexandre sur la pierre; livre
de la pierre rouge; traité de Dioscorus répondant à
Petasius; livre de Stéphanus; grand livre de Marie;
livre d'Eugenius; livre de la reine Cléopâtre; livre
de Sergius adressé à Kavini, évêque d'Edesse; le
grand livre d'Arès (ou d'Horus), le petit livre d'Arès;
livre du Nazaréen... Livre de Démocrite sur les dissertations;
livre de Zosime adressé à tous les sages...
Livre du moine Sergius sur la magie... Dissertation
de Pélage; livre de Théophile, etc.
En somme, dès le IXe siècle, les auteurs alchimiques que nous possédons étaient entre les mains des
Arabes, lesquels ont pris les Grecs pour guides

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132 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
en alchimie, comme dans les autres sciences. La
concordance entre les noms contenus dans ces diverses
listes, d'origine si différente, en atteste l'authenticité:
je veux dire qu'elle prouve l'existence avant
le IXe siècle, de traités attribués à Hermès, à Démocrite,
à Zosime, à Marie, à Stéphanus, traités dont
certain nombre sont parvenus jusqu'à nous par le manuscrit
de saint Marc et par ceux de la Bibliothèque
nationale de Paris et des autres Bibliothèques européennes.
Le manuscrit 2.327, que nous suivons de préférence,
renferme en effet des traités portant les noms
de la plupart de ces auteurs; nous avons essayé de
donner plus haut la classification de leurs ouvrages.
Passons en revue les noms mêmes des auteurs, ceux du moins auxquels ont peut rattacher quelque
commentaire historique. Pour plus de clarté, nous les
décomposerons en plusieurs catégories: les auteurs
mythiques, dieux, rois, et prophètes; les auteurs
pseudonymes, et enfin les auteurs historiques, c'est-à-
dire les auteurs réels, je veux dire connus sous leur
nom véritable.

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CHAPITRE II
LES ALCHIMISTE MYTHIQUES -----

§ 1. -- Hermès.
pict E premier groupe des alchimistes renferme
des personnages mythiques et divins, tels que Hermès, Isis, Agathodémon Tous ces noms se rattachent à l'Egypte et à l'ordre de ceux qu'invoquent les gnostiques et le
Poemander. Hermès, synonyme de Toth, était, nous
l'avons déjà dit (p 39), le patron des sciences et des
arts dans la vieille Egypte. Les anciens livres, au
nombre de vingt mille d'après les uns, de trente-six
mille cinq cents, d'après les autres, portaient son
nom. J'ai décrit plus haut, d'après Clément d'Alexandrie,
la procession solennelle, dans laquelle ces livres
étaient portés en cérémonies. La tradition en vertu
de laquelle on attribuait à Hermès les ouvrages secrets
sur la magie, l'astrologie, la chimie, a longtemps persisté.

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134 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
L'étain, à l'origine, et plus tard le mercure,
agents de la transmutation, lui ont été consacrés.
La chimie même portait au moyen âge le nom
de science hermétique. Il a existé certainement des
écrits alchimiques sous le nom d'Hermès: car ils
sont continuellement cités (I) par Zosime, par Stéphanus
et par les autres auteurs de nos manuscrits
grecs.
Voici l'un des passages qui sont réputés tirés de ces écrits et qui peuvent donner une idée de leur
style: « A l'entrée orientale du temple d'Isis, vous
verrez des caractères relatifs à la substance blanche
(argent). A l'entrée occidentale, vous trouverez le minerai
jaune (or), près de l'orifice des trois sources (2). »
Cette description est-elle réelle ou symbolique?
Ailleurs on attribue à Hermès l'un des axiomes favoris des alchimistes (3) « Si vous n'enlevez pas aux corps
leur état corporel et si vous ne transformez pas en corps
les substances non corporelles, vous n'obtiendrez pas ce
que vous attendez; » ce qui veut dire: si vous n'enlevez
pas aux métaux leur état métallique (par oxydation,
dissolution, etc.), et si vous ne régénérez pas les
métaux avec des substances non métalliques, etc.
L'hymne mystique d'Hermès, invoqué dans le Poemander, était récité par les alchimistes: « Univers,
sois attentif à ma voix; terre, ouvre-toi; que la
masse des eaux s'ouvre à moi. Arbres: ne tremblez


(I) Voir entre autres ms. de saint Marc, fol. 190. (2) Ms. 2.250, fol. 81. Olympiodore reproduit le même texte avec plus de développements; il est cité dans le ms. 2.327, fol. 219; V°.
(3) Ms. de saint Marc, fol. 95 V°.
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LES ALCHIMISTES MYTHIQUES 135
pas, je veux louer le Seigneur, le Tout et l'Un. Que les
Cieux s'ouvrent et que les vents se taisent, que
toutes mes facultés célèbrent le Tout et l'Un. » -- La
formule du Tout et de l'Un reparaît continuellement
dans les écrits des alchimistes grecs. Elle formait
le fond de leur doctrine, car elle exprimait l'unité
de la matière et la possibilité de transmuter les corps
les uns dans les autres
La table d'émeraude d'Hermès, citée par les auteurs du moyen âge, débute par des mots sacramentels,
pareils à ceux que nous lisons dans les oeuvres
de Zosime: « En haut les choses célestes, en bas
les choses terrestres; par le mâle et la femelle l'oeuvre
est accomplie. »
Cependant ni l'Oeuvre du Soleil d'Hermès, ni aucun livre qui porte son nom n'est arrivé jusqu'à nous;
les traités arabes attribués à Hermès que nous possédons
sont très postérieurs. Mais on trouve dans
nos manuscrits l'attribution à Hermès d'une table
astrologique (dite instrument) et celle d'un commentaire
sur l'énigme de la Sibylle.
L'Instrument d'Hermès (I) est un tableau de chiffres, destiné à prévoir l'issue d'une maladie d'après
un nombre compté d'une certaine manière, à partir
du lever de Sirius, au mois Epiphi. Les tables de ce
genre sont fort anciennes en Egypte; les papyrus
de Leide en contiennent une, attribuée à Démocrite, et
le manuscrit 2.419 de la Bibliothèque nationale en
renferme plusieurs, dites de Pétosiris.
Sous le nom d'Hermès et d'Agathodémon figure le

(I) Ms. 2.327, fol. 293. Voir p. 35 de ce volume.
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136 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
commentaire d'une énigme (I), relative à la pierre
philosophale (2). « J'ai neuf lettres et quatre syllabes,
connais-moi. Les trois premières ont chacune deux
lettres, etc. » Cette énigme se trouve dans les livres
sibyllins (3); elle a beaucoup occupé les alchimistes; elle
est citée par le pseudo-Démocrite, par Olympiodore,
et commentée longuement par Stéphanus (dans sa
VIe praxis). La traduction serait le mot arsenicon,
d'après Cardan et d'après Leibnitz, qui ont eu connaissance
du texte de Stéphanus (4). On en donne
aussi des interprétations toutes différentes, telle que
Zoës bythos, l'abîme de la vie; Teos soter, le Dieu
Sauveur; anexphonos; phaosphoros, etc; dans les
éditions des livres sibyllins. En tous cas, la date
du Ier livre nous reporte vers le IIIe siècle; ce qui
concorde avec les autres indications des ouvrages
alchimiques.


§ 9. -- Agathodémon.
Agathodémon, ou le bon génie, est synonyme du dieu égyptien Cnouphi: il représente une divinité médicale.
Chez certains gnostiques on adorait le serpent


(I) Ms. 2.327, fol. 234. (2) Appendice E. (3) Liv, I, vers 141. (4) Miscell. Berol. I, 19, Voir Fabricius, Bibl. graeca, t. XII, p. 696, 724.

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LES ALCHIMISTES MYTHIQUES 137
comme son emblème, et on conservait même des
serpents domestiques, désignés sous le nom d'Agathodémons,
et regardés comme les protecteurs de la
maison (I). On voit la parenté de ce personnage avec le
serpent qui se mord la queue, emblème de l'alchimie.
Ses sectateurs (Agathodémonites) ont même été identifiés
avec les alchimistes
Olympiodore soupçonne déjà, malgré sa crédulité, le caractère mythique et évhémérisé d'Agathodémon
(2) « Les uns disent que c'est un ancien, l'un des
vieux philosophes de l'Egypte; les autres, un ange
mystérieux ou bon démon, protecteur de l'Egypte
Quelques-uns l'appellent le ciel, parce que son
symbole est l'image du monde. En effet les hiérogrammates
égyptiens, voulant désigner le monde sur
les obélisques, en caractères sacrés, y figurent le serpent
Ouroboros. »
Agathodémon est souvent cité comme un auteur réel par nos alchimistes. Sous le nom d'Agathodémon nous
possédons même l'énigme de la Sibylle, ainsi qu'un
commentaire adressé à Osiris et relatif au vieil oracle
d'Orphée, c'est-a-dire à un autre apocryphe du IIe siècle,
en honneur chez les gnostiques. L'auteur y parle de
l'art de blanchir et de jaunir les métaux, ce qui veut
dire les changer en argent et en or, ainsi que de diverses
recettes alchimiques (3).


(I) Renan, Histoire des origines du christianisme. -- Voir le présent volume, p. 62.
(2) Ms. 2.327, fol. 202. (3) Ms. 2.327, fol. 262.
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138 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
§ 3. -- Isis.
Isis est invoquée dans le Poemander, l'un des livres pseudo-hermétiques. Elle jouait un grand rôle
dans les cultes religieux de l'époque alexandrine et
romaine. Elle apparaît aussi chez les alchimistes
J'ai déjà parlé de la lettre d'Isis la prophétesse à son fils Horus (I), à l'occasion du commerce des anges
avec les femmes, auxquelles ils révèlent les sciences
mystérieuses. On y lit le nom de Typhon (le Set
égyptien), et celui de la ville d'Ormanouthi (Hermonthis
près de Thèbes), mêlés à toutes sortes d'imaginations
gnostiques sur les anges et sur les prophètes
du premier firmament; puis vient un serment d'initiation,
où Hermès et Anubis sont associés au rocher
de l'Achéron.
Plusieurs de ces noms et cette lettre même sont encore rappelés, dans un procédé de transmutation transcrit
plus loin (2).
Les premiers siècles de notre ère sont féconds en mélanges de ce genre et en livres supposés, surtout
dans la région de l'Egypte et de la Syrie, où ont
été établies les premières relations entre l'hellénisme
et les traditions religieuses de l'Orient. L'histoire du
gnosticisme, celle des hérésies chrétiennes, celle des


(I) Ms. 2.327, fol, 256, -- Voir p. 10 du présent ouvrage. (2) Ms. 2.327, fol. 261.
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LES ALCHIMISTES MYTHIQUES 139
philosophes mystiques d'Alexandrie, sont pleines de
fausses attributions: livre d'Enoch, testament d'Adam,
Evangiles apocryphes, etc.; attributions destinées à
rattacher des doctrines modernes à une origine vénérée:
-- soit pour en augmenter l'autorité, en les mettant
sous le nom de contemporains illustres; -- soit
pour sauvegarder leurs promoteurs contre la persécution.
La proscription des mathématiciens et des
Chaldéens à Rome, les massacres commandés par
Dioclétien en Egypte, et la destruction par lui des ouvrages
alchimiques ne justifiaient que trop de pareilles
précautions.


§ 4. -- Les rois et les empereurs.
C'est de la même manière, c'est-à-dire par la double intention de garantir l'auteur à des persécutions
et de donner de l'autorité aux ouvrages nouveaux,
que j'explique les attributions faites de certains livres
chimiques à des rois et à des empereurs.
Déjà les anciens Egyptiens mettaient les ouvrages modernes sous le nom de leurs vieux rois. Le Livre
mystique de Zosime est placé sous le patronage de
Sophé, autrement dit Chéops (voir p. 58.)
Non seulement les copistes ont assigné à certains alchimistes des titres fictifs, tels que celui de roi d'Arménie,
ajouté au nom de Petasius dans la suscription
de certains traités, ou celui de reine d'Egypte, imputé

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140 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
à Cléopâtre la savante (I): ce qui rappelle le titre de
roi de l'Inde assigné à Geber dans les traités arabes;
mais la fraude ou l'erreur ont mis certains traités
sous le nom d'Alexandre. Ceci a lieu, par exemple
dans une table ancienne placée en tête du manuscrit
de saint Marc (2), et dans le Kitab-al-Fihrist. D'autres
livres sont prétendus composés par l'empereur
Héraclius (3) et par l'empereur Justinien. Mais aucun
de ces derniers traités ne figure dans les ouvrages grecs
parvenus réellement jusqu'à nous.


(I) Ms. 2.327, fol. 74. (2) Liste ancienne du fol. 2 du ms. de saint Marc. (3) Fol. 2. Le contenu même du ms. ne répond qu'imparfaitement à cette table, qui devait être celle de quelque copie analogue et plus
ancienne.

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CHAPITRE III

LES ALCHIMISTES PSEUDONYMES -----
§ 1. -- Leur énumération.
pict côté des personnages mythiques, divins
ou royaux, donnés comme auteurs des vieux ouvrages de chimie, il existe toute une série d'autres noms de personnages humains et historiques, sous le patronage apocryphe
ou pseudonyme desquels se sont placés les premiers
alchimistes: toujours pour accroître la célébrité
de leurs ouvrages, ou pour se couvrir de la persécution.
C'est ainsi qu'au moyen âge Albert le Grand, Raymond Lulle, saint Thomas, sont supposés les
auteurs de certains traités d'alchimie.
Tels sont les philosophes grecs de l'époque classique, devenus ici pseudonymes; tels aussi les philosophes
grecs de l'époque alexandrine, contemporains
de nos auteurs et dont plusieurs sont connus

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142 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
dans l'histoire comme magiciens; peut-être ont-ils été
aussi des alchimistes. Tels sont encore Démocrite et
Ostanès, réputés les promoteurs de la magie et de l'alchimie,
d'après des traditions fort anciennes. Ostanès
se rattache d'ailleurs aux origines chaldéennes (p. 46).
Je dirai aussi quelques mots des pseudonymes juifs,
Moïse, Marie et Cléopâtre, et je terminerai par
l'énumération des égyptiens cités dans les plus
anciens textes, soit comme alchimistes, soit comme
astrologues, tels que Chymès, éponyme de la chimie,
Pétésis, Pétosiris, Pammenès et Pauseris.
Leur personnalité est douteuse; cependant plusieurs
pourraient être également rangés parmi les écrivains
historiques.


§ 2. -- Les philosophes grecs.
Un grand nombre de philosophes grecs sont nommés dans les listes alchimistes, et tout d'abord les
deux grands maîtres de la philosophie antique: Platon
et Aristote. Nous trouvons aussi dans la liste du
manuscrit de saint Marc les noms des auteurs des
écoles Ionienne et Italiote : Thalès, Héraclite, Xénocrate,
Diogène, Hippasus, Démocrite. Ces noms se
rattachent à la doctrine des quatre Eléments, continuellement
invoquée par les alchimistes. Au contraire,
les écoles Epicurienne et Stoïcienne, circonstance
étrange, semblent inconnues de nos auteurs, et l'on n'y
lit rien, en particulier, qui soit relatif aux théories de

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LES ALCHIMISTES PSEUDONYMES 143
la vieille école Atomique (I). Aucun auteur latin ne
figure non plus dans ces listes.
Au moyen âge, les philosophes grecs font également partie des alchimistes. Ainsi dans la Turba philosophorum,
ouvrage d'une basse époque, on voit les
noms de Pythagore, d'Anaxagore, de Parménide, de
Socrate, de Zénon, de Platon, associés avec Bélus,
avec Pandolfus et d'autres noms barbares. Chacun
de ces philosophes y vient débiter quelques sentences,
qui n'ont aucun rapport avec ses doctrines connues
par l'histoire. La Turba se rattache peut-être à un
petit traité de nos manuscrits, ayant pour titre l'Assemblée
des philosophes (2). Cependant la composition
de ce dernier est toute différente.
Aristote est cité formellement et à plusieurs reprises, par les auteurs alchimiques, qui semblent en
avoir eu une connaissance réelle. « Il y a quatre
causes, d'après le naturaliste Aristote, pour tout ce qui
est générique », dit le manuscrit 2.327, fol. 110.
Quoi qu'il en soit de ce point, Platon et Aristote sont mis en tête de la liste des alchimistes oecuméniques,
sans qu'aucun ouvrage leur soit assigné.
Platon, Aristote, Pythagore, ont été aussi comptés de bonne heure parmi les magiciens, toujours à cause
de leur grande autorité scientifique. Au moyen âge,
on leur attribua formellement des traités d'alchimie,
rattachés à l'Egypte par un dernier souvenir traditionnel.
De secretiori Aegyptiorum philosophia: tel
est en effet le titre de certains ouvrages d'alchimie,


(I) Sauf un mot dans Olympiodore, ms. de saint Marc, 167, V°. (2) Ms. 2.327, fol. 233.
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144 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
donnés comme de Platon et d'Aristote par les Arabes.
Mais ces traités, que l'on peut lire imprimés dans le
Theatrum chemicum, sont des oeuvres arabes, sans
racine antérieure.
Un des ouvrages latins du pseudo-Aristote, reproduit dans le Theatrum chemicum (I), offre une
physionomie singulière et plus ancienne. Il ne s'en
réfère pas aux Arabes, du moins quant au fond des
doctrines. Il cite, non seulement le nom d'Alexandre,
-- ce qui n'a rien de surprenant, -- mais celui
du roi Antiochus, et il parle sans cesse du
Serpent, dans des termes qui rappellent étrangement
l'Ouroboros et son rôle chez les gnostiques. Les
quatre roues du char qui le supporte sont assimilées aux
quatre éléments, comme les quatre pieds du dragon
des alchimistes les plus anciens (p. 59). Peut-être y a-t-il
là quelque débris d'un traité contemporain des nôtres.
Les philosophes alexandrins touchent de plus près aux alchimistes. Non seulement ils étaient contemporains;
mais ils s'occupaient de connaissances congénères,
l'astrologie et la magie. Aussi s'explique-t-on la
présence du nom de Porphyre dans la liste de la
page 129; aucun écrit n'existe sous son nom dans les
manuscrits. Au contraire, le nom de Jamblique, philosophe
alexandrin qui a été le grand maître des magiciens,
figure dans nos manuscrits comme celui de l'auteur,
peut-être authentique, de deux procédés de transmutation
(2): La parenté des diverses sciences occultes,
magie et alchimie, je le répète, se maintient donc ici.


(I) Tome V, p. 792. (2) Ms. 2.327, fol. 266 et 267.
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LES ALCHIMISTES PSEUDONYMES 145
Une indication non moins significative peut être tirée du nom de l'empereur Julien, qui figure au bas
du fol. 242 (I): « Ainsi fut accompli le précepte de
l'empereur Julien. » Le nom de l'empereur Julien est
remarquable. On sait quelles relations il entretint
avec les magiciens disciples de Jamblique et comment
il se livra lui-même aux pratiques théurgiques; on sait
d'autre part que son nom, maudit par les chrétiens,
disparut presque aussitôt de l'histoire. Son autorité
ne put guère être invoquée que par des païens contemporains,
affiliés à la même école magique et philosophique.
Une série de pseudonymes très intéressante, en raison des écrits qu'elle renferme, est celle des apocryphes
proprement dits: je veux parler des traités
écrits, figurant dans la collection et attribués à des
personnages historiques, ou crus tels, en raison de
quelque analogie d'école ou de tradition secrète. Peut-
être aussi étaient-ce des noms conventionnels, que les
initiés se donnaient les uns aux autres dans leurs
réunions secrètes. Tels sont notamment Démocrite et
Ostanès le Mède.


§ 3. -- Démocrite.
Démocrite et les traditions qui s'y rattachent jouent un rôle capital dans l'histoire des origines de l'alchimie.
En effet, parmi les livres venus jusqu'à nous


(I) Ms. 2.327. 10
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146 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
et qui contiennent des recettes et des formules pratiques,
l'ouvrage le plus ancien de tous, celui que les
auteurs ayant quelque autorité historique citent, et
qui n'en cite aucun, c'est celui de Démocrite, intitulé
Physica et Mystica. Cet ouvrage est pseudonyme, je
n'ai pas besoin de le répéter; mais il se rattache à
l'oeuvre authentique de Démocrite par des liens faciles
à entrevoir.
Assurément, les historiens de la philosophie antique ont le droit et le devoir de n'admettre que des livres
incontestables, lorsqu'il s'agit d'établir ce que Démocrite
a réellement écrit. Mais ce n'est pas là une
raison suffisante pour écarter le reste du domaine
de l'histoire et pour refuser d'en établir l'époque et la
filiation. En effet les ouvrages des imitateurs, même
pseudonymes, de Démocrite ont leur date et leur
caractère propre. Ces ouvrages sont anciens, eux aussi,
et ils répondent à un certain degré de l'évolution incessante
des croyances humaines, des doctrines philosophiques
et des connaissances positives. Les livres magiques
et naturalistes que l'on attribuait à Démocrite,
au temps de Pline et de Columelle, feraient tache dans
la vie du grand philosophe rationaliste; mais ils avaient
pourtant la prétention de relever de son inspiration.
Ils ont concouru à l'éducation mystique et pratique de
plusieurs générations d'hommes; ils se rattachent en
outre de la façon la plus directe à l'histoire des origines
de l'une des sciences fondamentales de notre temps, la
chimie.
Avant de parler de cet ordre d'ouvrages et de tâcher de retrouver les noms véritables de quelques-uns

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LES ALCHIMISTES PSEUDONYMES 147
des auteurs de ces traités pseudo démocritains, cherchons
d'abord quel lien ils peuvent offrir avec les
événements véritables de la vie du philosophe et les
oeuvres qu'il a réellement composées.
Démocrite, d'Abdère, mort vers l'an 357 avant l'ère chrétienne, est un des philosophes grecs les plus
célèbres et les moins connus, du moins par ses oeuvres
authentiques. C'était un rationaliste et un esprit puissant.
Il avait écrit avant Aristote, qui le cite fréquemment,
sur toutes les branches des connaissances humaines
et il avait composé divers ouvrages relatifs
aux sciences naturelles, comme Diogène Laerce,
son biographe, nous l'apprend. C'est le fondateur
de l'école atomistique, reprise ensuite par Epicure,
école qui a eu tant d'adeptes dans l'antiquité et qui
a fait de nouveau fortune parmi les chimistes modernes.
Démocrite avait voyagé en Egypte, en Chaldée et dans diverses régions de l'Orient et il avait été initié aux
connaissances théoriques et peut-être aussi aux arts
pratiques de ces contrées.
Ces voyages étaient de tradition parmi les premiers philosophes grecs, qui avaient coutume de compléter
ainsi leur éducation. Les voyages d'Hérodote sont certains
et racontés par lui-même. La tradition nous a
transmis le souvenir de ceux de Platon, de Pythagore et
de Démocrite. Les derniers en particulier sont attestés
par toute l'antiquité. Diogène Laerce les signale, et cela,
paraît-il, d'après Antisthènes, auteur presque contemporain
de Démocrite; lequel rapportait que Démocrite
apprit des prêtres la géométrie et visita l'Egypte,

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148 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
la Perse et la mer Rouge. Cicéron (I) et Strabon,
parlent de ces voyages. D'après Diodore, Démocrite
séjourna cinq ans en Egypte. Clément d'Alexandrie,
dans un passage dont une partie, d'après Mullach,
aurait été empruntée à Démocrite lui-même, dit également
qu'il alla en Babylone, en Perse, en Egypte
et qu'il étudia sous les mages et les prêtres. Aussi
lui attribuait-on certains ouvrages sur les Ecritures
sacrées des Chaldéens et sur celles de Méroé.
Si j'insiste sur les voyages et sur l'éducation de Démocrite, c'est que ces récits, qui semblent authentiques,
changent de physionomie dans Pline l'ancien.
Pline est le premier auteur qui ait transformé le
caractère du philosophe rationaliste, et qui lui ait
attribué cette qualité de magicien, demeurée dès lors
attachée à son nom pendant tout le moyen âge.
Ainsi Pline fait de Démocrite, le père de la magie, et il prélude aux histoires de Synésius et de
Georges le Syncelle, d'après lesquelles Démocrite
aurait été initié à l'alchimie par les prêtres égyptiens
et par Ostanès le mage.
On rencontre le même mélange de traditions, les unes authentiques, les autres apocryphes, dans l'étude
des ouvrages de Démocrite.
Les oeuvres de Démocrite et de son école formaient dans l'antiquité une sorte d'encyclopédie philosophique
et scientifique, analogue à l'ensemble des
traités qui portent le nom d'Aristote. Elle fut réunie
et classée en tétralogies par le grammairien Thrasylle,
du temps de Tibère. Malheureusement ces livres


(I) Ultimas terras peragratus.
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LES ALCHIMISTES PSEUDONYMES 149
sont aujourd'hui perdus, à l'exception de divers
fragments récoltés ça et là et réunis d'abord par
M. Franck, en 1836, puis par Mullach (I).
Mullach, avec une critique sévère, a fait la part des oeuvres authentiques dans sa collection, et il a
soigneusement écarté tout ce qui lui a paru pseudonyme
ou apocryphe. Toutefois une séparation absolue
entre les deux ordres d'écrits mis sous le nom de Démocrite
est peut-être impossible, à cause des imitations et
des interpolations successives; surtout en ce qui touche
les ouvrages d'histoire naturelle et d'agriculture, si
souvent cités par Pline et ses contemporains et dont les
Geoponica nous ont conservé des débris fort étendus.
Diogène Laerce attribue à Démocrite des traités sur le suc des plantes (cités aussi par Pétrone),
sur les pierres, les minéraux, les couleurs, les
métaux, la teinture du verre, etc. Sénèque (2)
dit encore que Démocrite avait découvert les
procédés suivis de son temps pour amollir l'ivoire,
préparer l'émeraude artificielle, colorer les matières
vitrifiées: quemadmodum decoctus calculus in smaragdum
converteretur. Quâ hodièque coctura inventi lapides
in hoc utiles colorantur. Ceci rappelle les quatre livres
sur la teinture de l'or, de l'argent, des pierres et de la
pourpre, assignés plus tard par Synésius et par
George le Syncelle à Démocrite (3). Olympiodore,
auteur alchimiste du IVe siècle, parle encore des quatre
livres de Démocrite sur les Eléments: le feu et ce qui


(I) Berlin, 1843, in-8°. (2) Epist. XC. (3) Ms. 2.327, fol. 31.
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150 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
en vient; l'air, les animaux et ce qui en vient; l'eau, les
poissons et ce qui en vient; la terre, les sels, les
métaux, les plantes et ce qui en vient, etc (I). Tout
cela semble se rapporter à des traités antiques.
Le départ rigoureux entre les oeuvres authentiques et les ouvrages des disciples et des imitateurs
de Démocrite, qui se sont succédé pendant cinq ou
six siècles, est aujourd'hui, je le répète, difficile; surtout
en l'absence d'ouvrages complets et absolument
certains. Cependant, ces ouvrages, même pseudonymes,
semblent renfermer parfois des fragments
de livres plus anciens. Leur ensemble est d'ailleurs
intéressant, comme portant le cachet du temps où
ils ont été écrits, au double point de vue des doctrines
mystiques ou philosophiques et des connaissances
positives.
J'ai retrouvé récemment dans les manuscrits alchimiques et publié un fragment sur la teinture
en pourpre par voie végétale, fragment qui
semble avoir appartenu à la collection des oeuvres
de Démocrite; je veux dire aux ouvrages cités par
Diogène Laerce, Pétrone et Senèque. Les sujets
que ceux-ci traitaient, notamment l'étude de la teinture
des verres et émaux, nous expliquent comment
les premiers alchimistes, empressés à se cacher sous
l'égide d'un précurseur autorisé, ont donné le nom
de Démocrite à leur traité fondamental, Physica et
Mystica.
Celui-ci est un assemblage incohérent de plusieurs morceaux d'origine différente. Il débute, sans préambule,


(I) Ms. 2.327, fol. 201; ms. de saint Marc, fol. 166 V°.
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LES ALCHIMISTES PSEUDONYMES 151
par un procédé technique pour teindre en
pourpre; c'est celui que j'ai traduit (I): ce fragment,
dont le caractère est purement technique, n'a
aucun lien avec le reste. Les manuscrits renferment
à la suite une évocation des enfers du maître
de Démocrite (Ostanès), puis des recettes alchimiques.
Donnons quelques détails sur ces diverses parties. Le second fragment (évocation magique) rapporte que le maître étant mort, sans avoir eu le temps
d'initier Démocrite aux mystères de la science, ce
dernier l'évoqua du sein des enfers: « Voilà donc la
récompense de ce que j'ai fait pour toi », s'écrie l'apparition.
Aux questions de Démocrite, elle répond:
« Les livres sont dans le temple. » Néanmoins, on ne
réussit pas à les trouver. Quelque temps après, pendant
un festin, on vit une des colonnes du temple
s'entr'ouvrir; on y aperçut les livres du maître, lesquels
renfermaient seulement les trois axiomes mystiques:
« La nature se plaît dans la nature; la nature
triomphe de la nature; la nature domine la nature; »
axiomes qui reparaissent ensuite comme un refrain,
à la fin de chacun des paragraphes de l'opuscule
alchimique proprement dit. Ce récit fantastique a été
reproduit plus d'une fois au moyen âge, sous des
noms différents, et attribué à divers maîtres célèbres.
L'évocation elle-même tranche par son caractère avec
la première et la dernière parties, où rien d'analogue
ne se retrouve. Cependant, elle rappelle le titre d'un


(I) Voir l'appendice F.
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152 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
ouvrage sur les Enfers, attribué à Démocrite et dont
le vrai caractère est incertain (I). Peut-être aussi faut-il
y chercher quelque ressouvenir des idées du vrai Démocrite
sur les fantômes et sur les songes (2), auxquels
il supposait une existence réelle. Nous trouvons des
idées toutes pareilles dans Epicure et dans Lucrèce,
qui attribuaient aux images sorties des corps une
certaine réalité substantielle, analogue à celle de la
mue des serpents (3). On conçoit que de telles théories
conduisaient aisément à des imaginations
pareilles à celles des spirites de nos jours.
Quoi qu'il en soit, le récit de l'évocation que je viens de rappeler nous ramène aux ouvrages magiques
apocryphes, que l'on attribuait déjà à Démocrite
du temps de Pline; je ne serais pas surpris qu'elle en
fût même tirée. Nous aurions alors ici trois ordres de
morceaux de date différente: la partie alchimique,
apocryphe et la plus récente, mais antérieure au
IVe siècle de notre ère; la partie magique, également
apocryphe, mais précédant Pline; et la partie technique,
peut-être la plus ancienne, se rattachant seule
à Démocrite, ou plutôt à son école. Cette association,
par les copistes, de fragments d'époques différentes
n'est pas rare dans les manuscrits. En tous cas, elle
a lieu dans quatre manuscrits de la Bibliothèque
Nationale, lesquels semblent provenir d'une source
commune. Elle existe aussi dans le manuscrit de saint
Marc, qui remonte au XIe siècle.


(I) Mullach, p. 16. (2) Voir la Philosophie des Grecs, par Zeller, t. II, P. 351, 353. Trad. Boutroux, 1882.
(3) De naturâ rerum, IV, 333.
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LES ALCHIMISTES PSEUDONYMES 153
Certes, il est étrange de voir ainsi un homme tel que Démocrite, doué d'une incrédulité inflexible
vis-à-vis des miracles, d'après Lucien, un philosophe
naturaliste et libre penseur par excellence, métamorphosé
en magicien et en alchimiste!
Pline raconte, en effet, que Démocrite fut instruit dans la magie par Ostanès (I); il revient à plusieurs
reprises sur ses relations avec les mages (2).
Solin (3) parle au contraire de ses discussions contre
eux. D'après Pline, Démocrite viola le tombeau
de Dardanus, pour retirer les livres magiques qui y
étaient ensevelis, et il composa lui-même des ouvrages
magiques. Cependant Pline ajoute que plusieurs
tiennent ces derniers pour apocryphes.
L'usage d'enfermer des manuscrits dans les tombeaux rappelle les papyrus que nous trouvons aujourd'hui
avec les momies et qui nous ont conservé tant
de précieux renseignements sur l'antiquité. On a fait
souvent des récits analogues de tombeaux violés pour
en tirer les Livres des Maîtres, dans les légendes du
moyen âge, et déjà dans celles de la vieille Egypte.
Elles n'étaient pas sans quelque fondement. C'est
précisément un tombeau de Thèbes, sans doute
celui d'un magicien, qui nous a restitué les papyrus
de la collection Anastasi, aujourd'hui à Leide (p. 83).
Or ces derniers papyrus montrent que la transformation de Démocrite en magicien n'est pas attestée
seulement par Pline et par les manuscrits alchimiques


(I) Histoire naturelle, t. XXX, ch. II. (2) I.. XXIV, ch. XVII; I. XXV, ch. II. (3) Chap. III, p. 13 de l'édition de Saumaise, 1689.
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154 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
de nos bibliothèques. Le nom de Démocrite
se trouve à deux reprises dans le rituel magique
des papyrus de Leide (I), papyrus qui renferment à
la fois des recettes magiques et des recettes alchimiques.
On rencontre aussi dans ces papyrus (2),
sous le titre de Sphère de Démocrite, une table en
chiffres destinée à pronostiquer la vie ou la mort
d'un malade; table toute pareille aux tables d'Hermès
et de Petosiris qui existent dans les manuscrits des
bibliothèques (p. 35). Tout cela, je le répète, montre
que les traditions attachées au nom de Démocrite en
Egypte, à l'époque des premiers siècles de l'ère chrétienne,
avaient le même caractère que dans nos manuscrits.
Ajoutons, comme dernier trait commun,
que dans le papyrus n° 66 de Leide, les procédés de
teinture en pourpre, les recettes métallurgiques, les
recettes de transmutation et les recettes magiques se
trouvent pareillement associées.
Or ces divers ordres de procédés se lisent ensemble dans l'opuscule du pseudo-Démocrite, opuscule traduit
ou plutôt paraphrasé en latin, d'après un manuscrit
analogue aux nôtres, et publié à Padoue, par
Pizzimenti, en 1573, sous le titre de Democriti Abderitae
de Arte magnâ, avec les commentaires de
Synésius, de Pélage et de Stéphanus d'Alexandrie.
Je l'ai analysé plus haut.
Mullach regarde à tort cet Opuscule comme distinct des Physica et Mystica; je me suis assuré qu'il


(I) N° 75 de Reuvens, p. 163 de l'appendice de ses lettres à M. Letronne. (2) Reuvens, p. 148.
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LES ALCHIMISTES PSEUDONYMES 155
n'existe entre eux d'autre différence que l'absence des
deux morceaux relatifs à la teinture en pourpre et à
l'évocation magique. Ceux-ci semblent avoir été ajoutés
en tête par quelque copiste, d'après la seule analogie
du nom de l'auteur, réel ou prétendu, et peut-être aussi
d'après l'analogie des sujets (Teinture en pourpre et
teinture des métaux). Le manuscrit de saint Marc
(fol. 2) distingue, en effet, les deux sujets, dans une
table des matières plus vieille que ce manuscrit.
Il existe un autre traité du pseudo-Démocrite (I), traité dédié à Leucippe, philosophe qui fut en effet le
maître et l'ami de Démocrite. « Je me servirai d'énigmes,
mais elles ne t'arrêteront pas, toi médecin
qui sais tout. » C'est le style des apocryphes.
La Lettre de Démocrite à Philarète (2), autre ouvrage du même écrivain, commence par une liste de corps.
« Voici le catalogue des espèces: le mercure tiré de
l'oeuf, la magnésie, l'antimoine, la litharge de Calcédoine
et d'Italie, le plomb, l'étain, le fer, le cuivre, la
soudure d'or, etc. » Puis vient l'art mystérieux des
teintures métalliques.
L'exposé ci-dessus concorde avec les autres auteurs. En effet, d'après Synésius, reproduit par George
le Syncelle, Démocrite avait écrit quatre livres de
teintures sur l'or, l'argent, les pierres et la pourpre (3):
ce qui rappelle à la fois la lettre précédente et le passage
de Sénèque.
Synésius dit encore que Démocrite avait dressé

(I) Ms. 2.327, fol. 258. (2) Ms. 2.327, fol. 31 V°. (3) Ms. 2.327, fol. 118.
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156 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
un catalogue du blanc et du jaune. « Il y enregistra
d'abord les solides, puis les liquides. Il appela le
catalogue de l'or, c'est-à-dire du jaune: Chrysopée,
ou l'art de faire de l'or; et le catalogue de l'argent,
c'est-à-dire celui du blanc: Argyropée, ou l'art de
faire de l'argent. »
Tous ces commentaires montrent quel intérêt on attachait aux recettes du pseudo-Démocrite et permettent
de les faire remonter en deçà de la fin du IVe siècle
de notre ère, peut-être même beaucoup plus haut.
Attachons-nous d'abord à l'autorité de Synésius: il adresse son commentaire sur Démocrite à Dioscorus,
prêtre de Sérapis à Alexandrie; dédicace
conforme à l'opinion qui identifie l'alchimiste et
l'évêque de Ptolémaïs, lequel a vécu à la fin du
IVe siècle. Son ouvrage doit avoir été écrit avant l'an 389,
date de la destruction du temple de Sérapis à Alexandrie.
En outre, il cite Zosime le Panopolitain comme
un auteur très ancien; ce qui reporterait celui-ci
au moins au temps de Constantin ou de Dioclétien;
peut-être plus loin encore. Le langage gnostique de
Zosime est en effet celui des auteurs de la fin du
IIe siècle et du commencement du IIIe. Or, le pseudo-
Démocrite est déjà une autorité pour Zosime.
Tâchons d'aller plus avant. Les auteurs anciens signalent certains écrits ou mémoires sur la nature,
fabriqués par un Egyptien, Bolus de Mendès, et
attribués à tort à Démocrite (I). Ces mémoires


(I) Columelle, I. VII, Ch. V. -- Sed Aegyptiae gentis auctor memorabilis Bolus Mendesius, cujus commenta quae appellantur graecè
ὑπομνήματα, sub nomine Democriti falso producuntur.

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LES ALCHIMISTES PSEUDONYMES 157
étaient appelés chirocmeta (I), c'est-à-dire manipulations
(?), nom qui a été aussi donné aux écrits de
Zosime. Pline, qui croit les mémoires de Démocrite
authentiques, déclare qu'ils sont remplis du récit
de choses prodigieuses (2). Peut-être Démocrite avait-
il réellement composé des traités de ce genre, auxquels
on a réuni ensuite ceux de ses imitateurs. Un autre
ouvrage sur « les sympathies et les antipathies » est
assigné tantôt à Démocrite par Columelle (3), tantôt
à Bolus par Suidas. Ce livre a été publié par Fabricius
dans sa Bibliothèque grecque (4): c'est un amas de
contes et d'enfantillages; mais Pline est rempli de
recettes et de récits analogues.
Aulu-Gelle dit formellement que des auteurs sans instruction ont mis leurs ouvrages sous le nom de
Démocrite, afin de s'autoriser de son illustration (5). Cependant
il n'est pas prouvé que Bolus ait commis sciemment


(I) Pline, I. XXIV, ch. CII. -- Vitruve, I. IX, ch. II. -- Saumaise (Plinianae Exercitationes, 775 a, C à G), a traduit ce mot par « marque
de son anneau »; s'en rapportant à une tradition citée par Vitruve,
d'après laquelle Démocrite marquait de son anneau les expériences
qu'il avait vérifiées lui-même. Mais un tel sens est bien détourné
et sans analogies.
(2) Pline, I. XXIV, Ch. XVII. -- Democriti certè chirocmeta (ou chirocineta) esse constat. In his ille, post Pythagoram magorum studiosissimus,
quanto portentosiora tradit?
On lit encore dans Vitruve (I. IX, ch. III): multas res attendens, admiror etiam Democriti de rerum naturâ volumina et ejus commentarium,
quod inscribitur χειροκμητω̑ν, in quo utebatur annulo, signans
cerâ molli quae esset expertus, (autre leçon: χειροτονητω̑ν).
(3) Columelle, I. XI, ch. III. (4) L. IV, Ch. XXIX. (5) Multa autem videntur ab hominibus istis male solertibus hujusce modi commenta in Democriti nomen data, nobilitatis auctoritatisque
ejus perfugio utentibus; I. X, ch. XII.

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158 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
cette fraude. Il semble plutôt s'être déclaré de
l'école de Démocrite, suivant un usage très répandu
autrefois. Peut-être prenait-il le nom de Démocrite
dans les cérémonies secrètes des initiés. Stéphanus de
Byzance, à l'article Apsinthios, parle en effet de Bolus
le Démocritain; de même les Scholia Nicandri ad
theriaca. Dans Suidas et dans le Violarium de l'impératrice
Eudocie (I), autre recueil byzantin, il est question
de Bolus le pythagoricien, qui avait écrit sur les
merveilles, sur les puissances naturelles, sur les sympathies
et les antipathies, sur les pierres, etc. (2).
Bolus est tout au moins contemporain de l'ère chrétienne,
sinon plus ancien. C'est à quelque ouvrage
de l'ordre des siens que semblent devoir être rapportées
les recettes agricoles, vétérinaires et autres, attribuées
à Démocrite le naturaliste (3) dans les Geoponica,
recueil byzantin de recettes et de faits relatifs à
l'agriculture. Quelques-uns de ces énoncés se ressentent
même des influences juives ou gnostiques;
par exemple celui-ci: « d'après Démocrite, aucun serpent
n'entrera dans un pigeonnier, si l'on inscrit aux
quatre angles le nom d'Adam. »
Bolus n'était pas le seul auteur de l'école démocritaine, ou pseudo-démocritaine. Nous trouvons
aussi dans les manuscrits alchimiques l'indication
des Mémoires démocritains de Pétésis, autre égyptien.
Le livre de Sophé l'Egyptien, c'est-à-dire du vieux

(I) Edit de Leipsick, p. 161. (2) Voir les Commentaires sur Columelle de Schneider, 1794. (3) Geoponica, L. XIX, ch. IX et passim.
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LES ALCHIMISTES PSEUDONYMES 159
roi Chéops, est attribué tantôt à Zosime (I), tantôt
à Démocrite (2).
Cela montre qu'il existait en Egypte, vers le commencement de l'ère chrétienne, toute une série de
traités naturalistes, groupés autour du nom et de la
tradition de Démocrite.
Cette littérature pseudo-Démocritaine, rattachée à tort ou à raison à l'autorité du grand philosophe naturaliste,
est fort importante: car c'est l'une des voies par
lesquelles les traditions, en partie réelles, en partie
chimériques, des sciences occultes et des pratiques
industrielles de la vieille Egypte et de Babylone ont
été conservées. Sur ces racines équivoques de l'astrologie
et de l'alchimie se sont élevées plus tard les
sciences positives dont nous sommes si fiers: la connaissance
de leurs origines réelles n'en offre que plus
d'intérêt pour l'histoire du développement de l'esprit
humain.
En fait, je le répète, c'est à cette tradition que se rattachent les alchimistes, aussi bien que les papyrus
de Leide. Il est possible que les oeuvres magiques dont
parle Pline continsent déjà des récits et des recettes
alchimiques, pareilles à celles des Physica et Mystica:
à supposer que ce dernier ouvrage n'en provienne pas
directement.
Le langage même prêté à Démocrite l'alchimiste, est parfois celui d'un charlatan, parfois celui d'un philosophe:
peut-être en raison du mélange des ouvrages
authentiques et apocryphes. Tantôt, en effet, il déclare:


(I) Dans son intitulé, ms. 2.327, fol. 251. (2) Ms. 2.325, fol. 168; ms. 2.327, fol. 152; ms. 2.248, fol. 36.
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160 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
« il ne faut pas croire que ce soit par quelque sympathie
naturelle que l'aimant attire le fer... mais cela
résulte des propriétés physiques des corps (I) ». Tantôt
au contraire (2), Démocrite s'adressant au roi, dit: « Il
faut, ô roi, savoir ceci: nous sommes les chefs, les
prêtres et les prophètes; celui qui n'a pas connu les
substances et ne les a pas combinées et n'a pas compris
les espèces et joint les genres aux genres, travaillera en
vain et ses peines seront inutiles; parce que les natures
se plaisent entre elles, se réjouissent entre elles, se
corrompent entre elles, se transforment entre elles
et se régénèrent entre elles. »
Il existe dans les manuscrits une page célèbre qui expose les vertus du philosophe, c'est-à-dire de
l'initié (3). Or, cette prescription est attribuée par
Cedrenus (4) à Démocrite, et il ajoute que celui qui
possède ces vertus, comprendra l'énigme de la Sibylle,
allusion directe à l'un des traités alchimiques (p. 136).
Ailleurs, Démocrite l'alchimiste fait appel, non d(s)ans quelque naïveté, à ses vieux compagnons de travail
contre le scepticisme de la jeunesse (5). « Vous donc,
ô mes co-prophètes, vous avez confiance et vous connaissez
la puissance de la matière; tandis que les
jeunes gens ne se fient pas à ce qui est écrit: ils
croient que notre langage est fabuleux et non symbolique.
» Il parle ensuite de la teinture superficielle des
métaux et de leur teinture profonde, de celle que le


(I) Ms. 2.327, fol. 166. (2) Ms. 2.327, fol. 215 et 216. (3) Ms. 2.327, fol. 109, V°. (4) Edit. de Paris, p. 121. (5) Ms. 2.327, fol. 27 V°.
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LES ALCHIMISTES PSEUDONYMES 161
feu dissipe et de celle qui y résiste, etc.: ce qui
répond en effet à des notions réelles et scientifiques.
Quant aux recettes alchimiques elles-mêmes du pseudo-Démocrite, on y entrevoit diverses expériences
véritables, associées avec des résultats chimériques.
Tel est le texte suivant:
« Prenez du mercure, fixez-le avec le corps (I) de la magnésie (2), ou avec le corps du stibium d'Italie,
ou avec le soufre qui n'a pas passé par le feu, ou avec
l'aphroselinum, ou la chaux vive, ou l'alun de
Mélos, ou l'arsenic, ou comme il vous plaira, et jetez
la poudre blanche sur le cuivre; alors vous aurez du
cuivre qui aura perdu sa couleur sombre. Versez
la poudre rouge sur l'argent, vous aurez de l'or;
si c'est sur l'or que vous la jetez, vous aurez le
corail d'or corporifié. La sandaraque produit cette
poudre jaune, de même que l'arsenic bien préparé,
ainsi que le cinabre, après qu'il a été tout à fait changé.
Le mercure seul peut enlever au cuivre sa couleur
sombre. La nature triomphe de la nature. »
Il n'est guère possible d'interpréter aujourd'hui ce texte avec précision: d'abord parce que les mots
mercure, arsenic, soufre, magnésie, ne présentaient
pour les alchimistes ni le sens positif, ni le sens précis
qu'ils ont pour nous (voir p. 24); chacun d'eux désignait
en réalité des matières diverses, ayant dans
l'opinion des auteurs du temps une essence commune.


(I) Corps signifie ici métal. (2) Le mot magnésie s'appliquait à diverses matières blanches. Ici il semble qu'il s'agisse d'un sel de plomb.

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162 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Cette notion est analogue aux idées des Egyptiens
sur la nature des métaux.
L'intérêt d'une semblable étude est d'ailleurs limité. En effet, les opérations qu'effectuaient les
alchimistes sont connues par leurs descriptions; ces
opérations ne diffèrent pas des nôtres et portent
sur les mêmes substances. Or, tous les résultats positifs
des dissolutions, distillations, calcinations, coupellations,
etc., auxquelles ils se livraient sont aujourd'hui
parfaitement éclaircis: nous savons que la
transmutation tant rêvée ne s'y produit jamais.
Il est donc inutile d'en rechercher la formule exacte
dans les recettes du pseudo-Démocrite, de Zosime
ou de leurs successeurs. Il semble d'ailleurs que
ces auteurs laissassent toujours quelque portion
obscure, destinée à être communiquée seulement
de vive voix. C'est ce qu'indique la fin du pseudo-
Démocrite. « Voilà tout ce qu'il faut pour l'or
et l'argent; rien n'est oublié, rien n'y manque,
excepté la vapeur et l'évaporation de l'eau: je
les ai omises à dessein, les ayant exposées pleinement
dans mes autres écrits (I). » Je dirai cependant
que l'on entrevoit dans les descriptions du traité
Physica et Mystica, deux poudres de projection,
propres à fabriquer l'or et l'argent. On y cite aussi
le corail d'or, autrement dit teinture d'or, qui était
réputé communiquer aux métaux la nature de l'or:
c'était pour les alchimistes le chef-d'oeuvre de leur art (2).


(I) Ms. 2.327, fol. 31. (2) Ms. 2.327, lettre de Démocrite à Leucippe, fol. 269 V°: μέγιστον θαύμα, του̑το καλούσιν χρυσοκόραλλον.

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LES ALCHIMISTES PSEUDONYMES 163
§ 4. -- Ostanès et les Chaldéens.
Ostanès est réputé le maître et l'initiateur de Démocrite; leurs noms sont associés, aussi bien dans
Pline et dans les papyrus de Leide que dans les
manuscrits de nos Bibliothèques. Il mérite de nous
arrêter.
Au nom d'Ostanès le Mède, ou le Mage, se rattachent en effet, d'étranges légendes. Hérodote (I), parle
d'un Perse de ce nom, père d'Amestris, épouse de
Xerxès, lequel accompagnait ce prince dans son expédition
en Grèce. C'est à lui que se sont reliées plus
tard les traditions des magiciens, au commencement
de l'ère chrétienne. Pline raconte (2) que cet
Ostanès, venu en Grèce avec Xerxès, était un magicien
qui enseigna la science à Démocrite. Un second
Ostanès aurait vécu au temps d'Alexandre. Le nom
d'Ostanès aurait même été employé comme une sorte
de dénomination générique parmi les mages. Ce nom
est fréquemment rappelé, comme celui d'un magicien,
par les auteurs des IIe et IIIe siècles, tant païens que
chrétiens. Origène parle du mage Ostanès; Tertullien
le cite (3); de même saint Cyprien (4), Arnobe (5),


(I) L. VII, ch. LXI. (2) L. XXX, ch. II. (3) De Animâ, ch. LVII. (4) De Idolorum vanitate. (5) Adversus gentes, I. I.
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164 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Minutius Félix, Tatien (I), saint Augustin (2), etc.
Nicomaque de Gerasa, auteur des Theologumenon
arithmetices (3) nomme aussi Ostanès le Babylonien
à côté de Zoroastre. C'était donc un auteur réputé très
autorisé. Aussi ne devons nous pas être surpris de
le trouver invoqué plusieurs fois par les papyrus de
Leide, qui le rapprochent de Démocrite: par exemple
dans le rituel magique du n° 75, décrit par Reuvens (4).
C'est précisément à ces traditions d'Ostanès le Mage et de Démocrite, les maîtres des sciences
occultes, que se réfèrent les plus anciens alchimistes
auxquels il soit permis d'attribuer un caractère tout
à fait historique, tels que Zosime le Panopolitain,
Synésius, Olympiodore. Synésius, par exemple (5),
dans un passage que le Syncelle, auteur du VIIIe siècle,
reproduit en partie (6), rapporte que le philosophe
Démocrite, pendant son voyage en Egypte, fut initié
dans le temple de Memphis par le grand Ostanès,
avec tous les prêtres de l'Egypte. Nous retrouvons
ainsi dès la fin du IVe siècle, le souvenir du voyage
de Démocrite en Egypte, associé à son initiation,
réelle ou prétendue, et à ses connaissances sur les
sciences occultes.
Synésius ajoute que Démocrite écrivit à cette occasion ses quatre livres sur la teinture de l'or.


(I) Oratio contra Graecos. (2) L. IV. Contre les Donatistes. (3) Cité par Photius, codex CLXXXVII. (4) Lettres à M. Letronne. Appendice, p. 163 et p. 148. (5) Ms. 2.327, fol. 31. (6) Scaliger regarde le passage de Syncelle comme tiré du chronographe Panodorus, moine égyptien du temps d'Arcadius.

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LES ALCHIMISTES PSEUDONYMES 165
de l'argent, des pierres et de la pourpre. Ostanès,
dit-il encore, en fut le promoteur, car il mit le premier
par écrit les axiomes: « La nature se plaît dans
la nature; la nature domine la nature; la nature
triomphe de la nature, etc. » Ostanès, toujours
d'après son disciple, n'employait pas les procédés des
Egyptiens, c'est-à-dire les injections et les évaporations;
il teignait les substances du dehors et recourait
à la voie ignée, suivant l'habitude des Perses.
Ce dernier passage indique quelque opposition entre
les méthodes suivies en Egypte dans l'art sacré et
celles qui seraient venues de Perse, c'est-à-dire de la
Chaldée et de Babylone.
Zosime cite Ostanès comme un très ancien auteur (I), et parle de son exposition sur l'aigle (2). Reproduisons-en
quelques phrases, afin de donner une
idée du langage énigmatique de ces vieux écrivains.
D'après Zosime, Ostanès dit: « Va vers le courant du
Nil, tu trouveras là une pierre, ayant un esprit; prends-
la, coupe-la en deux, mets ta main dans l'intérieur,
et tires-en le coeur, car son âme est dans son coeur (3). »
Ces allégories singulières semblent se rattacher à la
pierre philosophale et au mercure des philosophes.
Il existe un traité apocryphe attribué à Ostanès, où l'on peut noter l'indication d'une eau divine, douée
de propriétés merveilleuses: « Elle guérit toutes les
maladies; par elle les yeux des aveugles voient, les
oreilles des sourds entendent, les muets parlent.


(I) Ms. 2.327, fol. 169. (2) Ms. 2.327, fol. 173. (3) Ms. 2.327, fol. 169 V° et 170.
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166 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Voici la préparation de l'eau divine. Cette eau ressuscite
les morts et tue les vivants; elle éclaircit les
ténèbres et assombrit la lumière, etc (I). « La Panacée
universelle, qui joua un si grand rôle au moyen âge,
qui apparaît ainsi dès les origines grecques de l'alchimie.
Elle serait de source chaldéenne, c'est-à-dire
babylonienne (p. 52).
La tradition chaldéenne est attestée encore en alchimie par d'autres noms, de caractère non douteux.
Tel est celui de Sophar le Persan, le divin Sophar,
cité par Zosime à diverses reprises (2): c'était un
auteur autorisé pour lui. Le nom même de Sophar reparaît
au moyen âge, sous la forme d'un roi d'Egypte,
inventeur d'une teinture propre à changer les métaux
en or, et sous celui de Sopholat, roi païen ayant
inventé un arcane qui lui permit de vivre trois cents
ans. Mais ce sont là des contes arabes. Aucun traité
n'est attribué à Sophar dans notre recueil.
Zoroastre, qui s'y trouve aussi rappelé (3), représente pareillement un souvenir de la Perse ou de la
Chaldée. Il s'agit ici, bien entendu, non du prophète
mythique iranien, mais d'un apocryphe, qui en
avait pris le nom, lequel est cité par Porphyre et les
Alexandrins et désigné par Suidas comme ayant
composé des livres sur les pierres précieuses et sur
l'astrologie. Il avait aussi écrit sur la médecine. Les
Geoponica, collection byzantine d'extraits des auteurs
du IIe et IIIe siècle sur l'agriculture, en donnent des


(I) Ms. 2.249, fol. 75 V°. (2) Ms. 2.327, fol. 169. (3) Manuscrit de saint Marc, fol. 190.
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LES ALCHIMISTES PSEUDONYMES 167
fragments (I). On y parle encore d'un traité de
Zoroastre sur les sympathies et antipathies naturelles
(2), titre fort en honneur vers le IIIe siècle et que
nous trouvons également assigné à un traité de Bolus,
le pseudo-Démocrite, et à un traité d'Anatolius. Ces
derniers livres sont parvenus jusqu'à nous.


§ 5. -- Les alchimistes égyptiens.
Les manuscrits invoquent toute une série de vieux maîtres, se rattachant à l'Egypte par leur
nom, et qui semblent être des personnages, les uns
mythiques, les autres historiques, représentant la tradition
de la science alchimique vers les premiers temps
de l'ère chrétienne.
Tel est Chémès ou Chymès, donné comme un auteur réel dans plusieurs endroits. Si ce mot ne
doit pas se traduire par « le Chimiste » en général,
ce serait peut-être, comme celui d'Hermès, la traduction
du nom d'une divinité égyptienne (?), telle que
Khem ou Ammon générateur, symbole de la germination
et de la végétation. Il est cité à diverses
reprises. Par exemple, le manuscrit 2.327 (3) lui attribue
d'avoir énoncé, en suivant l'autorité de Parménide,
les axiomes mystiques: « Le tout est un; par


(I) I, 10, 12; II, 15; V, 46, etc. (2) XV, I. (3) Fol. 122 et 204.
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168 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
lui le tout est engendré; un est le tout et si le tout
ne contenait pas le tout, il ne pourrait l'engendrer (I). »
Ces axiomes sont inscrits autour des cercles magiques
et des images du serpent dessinés dans les manuscrits,
avec les figures des métaux (ou des planètes) au milieu;
figures qui rappellent d'une manière frappante
certains talismans gnostiques, entourés par le serpent
Ouroboros et existant dans les Collections de
pierres gravées de la Bibliothèque Nationale (voir
p. (61 et 62). Démocrite, Synésius, Olympiodore, Stéphanus,
le Kitab-al-Fihrist s'en réfèrent également aux
ouvrages de Chymès; mais aucun de ceux-ci ne nous
est parvenu.
Epibechius ou Pébéchius, très vieil écrivain (2), porte un nom égyptien mythique, celui de l'épervier
Pe-Bech, symbole d'Horus. Nous trouvons même une
analogie plus complète dans le magicien de Coptos
nommé par Pline (3) Apollo Bechès, c'est-à-dire Horus
l'Epervier.
Pétasius, cité comme auteur de Mémoires démocritains (4) et auquel s'adresse Ostanès (5), est aussi
un égyptien: Pétésis, signifie le don d'Isis, Isidore
en grec. Ces deux noms se lisent à la fois dans la
liste placée en tête du manuscrit de saint Marc (6). Il
existe deux saints Isidore d'Alexandrie, au IVe siècle.


(I) *ν γὰρ τὸ πάν, καὶ διιαὑτου̑ τὸ πὰν γέγονε. *ν τὸ πὰν καὶ εἰ μὴ πὰν ἕχη τὸ πὰν, οὐ γέγονε τὸ πὰν.
(2) Ms. 2.327, fol. 138. (3) L. XXX, ch. II. (4) Ms. 2.327, fol. 150; ms. 2.249, fol. 35 V°. (5) Ms. 2.249, fol. 35 et 75. (6) Fol. 7 V°.
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LES ALCHIMISTES PSEUDONYMES 169
Un Pétésis figure comme prêtre et magicien, dans les
papyrus de Leide (I).
Le titre de roi d'Arménie a été attribué à cet auteur dans certaines suscriptions, pour augmenter son autorité;
de même que celui du roi de l'Inde, donné
à Géber chez les Arabes.
Le nom de Pétésis rappelle un personnage congénère: Pétosiris (le don d'Osiris), astrologue et magicien
(2), cité par Aristophane, dans les Danaïdes (3).
Pline (4) et Juvénal (5) en parlent et l'associent à Necepso.
Manéthon l'astrologue, Porphyre, le Tetrabiblion
de Ptolémée, Vettius Valens et J. Firmicus, autres
astrologues du temps des Constantins, invoquent aussi
son autorité. Nous possédons même à la Bibliothèque
nationale un manuscrit grec relatif à l'astrologie, à la
magie et à l'alchimie (6), manuscrit où se trouvent entre
autres la lettre de Pétosiris au roi Necepso (7), laquelle
existait peut-être déjà du temps de Pline. On y rencontre
aussi l'Organon (instrument) ou sphère de Pétosiris,
destinée à prévoir l'issue des maladies d'après certaines
combinaisons numériques: organon qui rappelle
la table d'Hermès du ms. 2.327 et la sphère de


(I) Reuvens, 2e lettre, p. 76, 77. -- Papyri Graeci de Leemans, I, 41 (1843): Πετησιος.
(2) Voir Marsham Canon, p. 477 et suiv. (1672). (3) Pièce perdue. Athénée, I. III, 114. (4) L. VII, ch. XLIX. (5) 6e satire: ... capiendo nulla videtur Aptior hora cibo, nisi quam dederit Petosiris,.... Quique magos docuit mysteria vana Necepsos. (6) N° 2.419. (7) Fol. 32.
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170 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Démocrite des papyrus de Leide (p. 35), construites
en vue de la même destination.
Pamménès est prétendu le précepteur de Démocrite dans l'art de la Chrysopée (I). George le Syncelle,
dans un passage relatif à Démocrite, dit que
Pamménès fut blâmé pour s'être exprimé clairement,
tandis que les autres alchimistes parlaient en symboles
(2). Ce nom figure aussi dans Tacite, comme
celui d'un astrologue frappé de bannissement (p. 46).
D'après les renseignements que M. Revillout a bien voulu me fournir, Pamménès répond à un nom
égyptien bien connu, qui existe sous une forme analogue
(Pamenasis) dans des papyrus grecs et démotiques
bilingues publiés par M. Brugsch, ainsi que
dans un enregistrement existant au Louvre (Pamenas).
C'était aussi le nom d'une bourgade voisine de Thèbes.
Pauseris ou Panseris est nommé dans les listes alchimiques. C'est là encore un nom égyptien. La
forme Pauseris (3) nous reporte à la divinité Osiris,
sous l'invocation duquel ce personnage aurait été
placé. En tout cas, ce nom est égyptien, aussi bien
que les précédents.


§ 6. -- Les Alchimistes Juifs.
Une des choses les plus étranges dans cette histoire est le rôle attribué aux Juifs. J'ai rappelé déjà (p. 56)


(I) Ms. 2.327, fol. 29. (2) P. 326, édit. de Paris. (3) Ms. de saint Marc, fol. 99, V°; ms. 2.327, fol. 98.
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LES ALCHIMISTES PSEUDONYMES 171
le passage de Zosime, d'après lequel les Juifs seuls
eurent connaissance par fraude de l'art sacré, et ils le
révélèrent.
Moïse est en tête de la liste initiale du manuscrit de saint Marc. Il existait réellement sous son nom
un traité de chimie domestique (I), dont il semble
que nous possédions des fragments assez étendus (2):
je me suis étendu sur ce point (p. 55 et 123). De même
on lit dans les manuscrits la diplosis de Moïse, procédé
pour doubler le poids de l'or (3). Tout ceci se
rapporte à des ouvrages pseudonymes fort anciens,
contemporains des traités secrets, magiques et astrologiques,
attribués aussi à Moïse (p. 54 et 83) par les
papyrus de Leide (4). Le labyrinthe de Salomon, dessiné
dans le manuscrit de saint Marc et dans celui
de l'Ambroisienne, atteste la même prétention; quoiqu'il
soit peut-être moins ancien.
Au contraire, c'est aux plus vieilles traditions et au pseudo-Démocrite que se rattache Marie la Juive.
Elle est continuellement citée par Zosime et
dans nos manuscrits: nous avons même un « Discours
de la très sage Marie sur la pierre philosophale
(5). Il y a deux procédés pour jaunir (teindre
en or) et deux pour blanchir (teindre en argent), par
l'atténuation (dissolution?) et par la coction (6). Ailleurs:
« si tu ne dépouilles les corps de l'état corporel


(I) Ἐν τη̑ οἰκεία χημευτικη̑ ταξει. (2) Ms 2.327, fol. 268 V°. (3) Ms. de saint Marc, fol. 185. (4) Reuvens, appendice, p. 152 et 158. (5) Ms. 2.327, fol. 136 V° et suiv. (6) Fol. 138.
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172 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
(I), (c'est-à-dire si tu n'enlèves pas aux métaux
l'état métallique), tu n'avanceras pas. » Cet axiome
était courant parmi les alchimistes; il est donné aussi
comme dû à Hermès et à Agathodémon.
Parmi les phrases attribuées à Marie, je reproduirai encore les suivantes: « Ne le prends pas
dans tes mains, c'est le remède igné, il est mortel (2). »
Et ailleurs, ce passage déjà cité: « Ne le touche pas
de tes mains. Tu n'es pas de la race d'Abraham,
tu n'es pas de notre race (3). » L'interdiction de
toucher la pierre philosophale avec les mains est singulière;
elle rappelle celle de toucher l'or, rapportée
dans la vie du prophète égyptien Sénouti, au
VIe siècle (4).
Le Theatrum chemicum (5) renferme un traité de Marie la prophétesse, soeur d'Aaron (autre titre apocryphe),
traduit de l'arabe; il y est question de la pierre
rouge ou kybric. Le Kitab-al-Fihrist mentionne également
ce dernier titre, ainsi que le nom de Marie la
Copte. Mais nous ne possédons pas de texte grec
correspondant; quoiqu'on ait attribué à Marie un
ouvrage sur les instruments et fourneaux (6) et une
chorographie (d'Egypte). Le nom même de l'alchimiste
Marie a été conservé dans le langage vulgaire,
s'il est vrai, comme le pense Du Cange, que le bain-
marie en rappelle le souvenir.


(I) Ασωματωσις. (2) Ms. 2.527, fol. 138. (3) Ms. 2.250, fol. 163. (4) Révillout, Revue de l'histoire des Religions, 4e série, t. VIII, p. 425. (5) T. VI, p. 479. (6) Manuscrit de saint Marc, fol. 186.
@

LES ALCHIMISTES PSEUDONYMES 173
Le nom de Cléopâtre éveille pareillement des souvenirs juifs. En effet, les femmes alchimistes, Marie
et Cléopâtre sont associées chez les sectes gnostiques
(p. 64), congénères des juifs. On sait le rôle
capital de Marie, mère de Jésus, dans les Evangiles
gnostiques (I), ainsi que l'importance acquise
par Marie Cléophas, nom identique à celui de Cléopâtre
(2). Les gnostiques ont les premiers fondé la
légende de Marie, qui a tant grandi depuis dans
l'Eglise. Or, les documents valentiniens disent que
Marie, la mère de Jésus, était arrivée à la perfection
dans la gnose, laquelle comprenait alors la
magie: nous touchons donc encore ici à l'alchimie.
L'art de faire de l'or de Cléopâtre, avec ses cercles
concentriques, son serpent, ses axiomes, ses étoiles
à huit rayons et ses figures magiques (3), a été décrit
plus haut, (p. 61); il vient appuyer ces rapprochements.
On connaît sous le nom de Cléopâtre un traité des poids et mesures, reproduit non seulement en tête
des manuscrits alchimiques (4), mais aussi dans les
oeuvres de Galien; lequel traité fait autorité parmi les
archéologues (voir p. III). Il a été imprimé plusieurs
fois, notamment dans le Thesaurus d'Henri Estienne.
Il y porte un titre singulier: De munditiis, ponderibus
et mensuris. Le mot munditiis rappelle les anathèmes
de Tertullien contre la parure des femmes et semble


(I) Renan, Histoire des origines du Christianisme, tome VII, p. 145. (2) Renan, Histoire des origines du Christianisme, tome V, p. 548. (3) Ms. 2.240, fol. 96; ms. de saint Marc, fol. 188 V°. (4) Ms. 2.327, fol. 15 et 16; ms. de saint Marc, fol. 108 V°.
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174 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
s'appliquer à un ouvrage plus étendu, dont celui que
nous possédons serait le débris. Quoi qu'il en soit, il y
est question du denier de Judas, ce qui est d'accord
avec le caractère gnostique de Cléopâtre. Nous n'avons
pas d'autre traité sous son nom; mais un opuscule est
attribué à Comarius, son maître en alchimie (I).
L'auteur arabe Ibn-Wahs-Chijjah parle aussi d'un
livre sur les poisons, composé par la reine Cléopâtre
(2), lequel semble se rattacher à la même tradition.


(I) Ms. 2.237, fol. 74 à 79. -- Une partie de cet opuscule a été ajoutée par erreur à la fin de la 9e praxis de Stéphanus dans Ideler,
Physici, etc., t. II, p. 248 à 253.
(2) Chwolson. Sur les débris de la vieille littérature Nabathéenne, p. 129. Note.

pict
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pict

CHAPITRE IV

LES ALCHIMISTES GRECS PROPREMENT DITS -----
§ 1. -- Leur énumération.
pict USQU'ICI nous avons parlé des personnages
mythiques, pseudonymes ou incertains, qui se présentent à l'origine de l'alchimie, comme à celles de toutes les histoires et qui remontent probablement jusqu'au temps de
l'ère chrétienne; peut-être même plus haut. Les vieux
Egyptiens, Pamménès, Pétésis, Pétosiris, Pauseris,
semblent même avoir vécu: mais leurs écrits sont
perdus. Maintenant nous arrivons à des savants
sérieux, qui ont laissé pour la plupart des ouvrages
signés, offrant certains caractères d'authenticité.
Ils sont connus par une tradition continue depuis
le Ve siècle. Leurs noms figurent dans les polygraphes
byzantins et arabes; plusieurs d'entre eux
ont joué un rôle important dans l'histoire de leur
temps.

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176 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Tels sont: Zosime, qui avait écrit un ensemble de traités théoriques et pratiques, formant une sorte
d'encyclopédie chimique; Africanus, polygraphe
célèbre du IIIe siècle; Pélage et quelques autres.
Puis viennent les Commentateurs de Démocrite:
Synésius, Olympiodore, Stéphanus; l'un évêque,
l'autre ambassadeur, le dernier médecin, tous connus
dans l'histoire du IVe au VIIe siècle. Eugénius, cité
dans le manuscrit de saint Marc (I), est aussi du temps
de Théodose.
A la même époque, l'alchimie acquit assez de notoriété pour être célébrée par les poètes: nous en
possédons tout un recueil sous les noms que voici:
Héliodore, probablement le même que l'évêque de
Tricca, Théophraste, Hierothée, Archelaüs, etc.
Ensuite nous trouvons les scoliastes: l'Anonyme, le Philosophe Chrétien, qui ont écrit des extraits,
gloses et commentaires, concernant Zosime, Synésius,
Olympiodore et les autres. Ces scoliastes sont des moines
byzantins; ils doivent être placés entre Stéphanus
qu'ils citent, et Michel Psellus, auteur du XIe siècle,
presque contemporain du manuscrit de saint Marc.
Vers le même temps se fit la transmission de la science aux Arabes: certaines compilations pratiques
de ces derniers, par exemple celle de Salmanas sur
les verres et pierres précieuses artificielles (voir p. 125),
ont passé dans les recueils des manuscrits postérieurs
à celui de saint Marc.
Entrons dans quelques détails sur ces divers personnages.

(I) Ms. de Saint Marc. fol. 185.
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LES ALCHIMISTES GRECS PROPREMENT DITS 177
§ 2. -- Zosime.
Zosime le Panopolitain est le plus ancien des auteurs alchimiques dont nous possédions les écrits
authentiques et auxquels nous soyons autorisés à
attribuer une existence réelle. Il est cité par Georges
le Syncelle et par Photius (I), polygraphes du VIIIe et
du IXe siècle. Tous les alchimistes en parlent avec le
plus profond respect; c'est la couronne des philosophes;
son langage a la profondeur de l'abîme, etc. (2).
Suidas dit que Zosime avait composé vingt huit livres sur l'alchimie, portant le même titre (3),
chirocmeta (manipulations?) que ceux attribués à
Démocrite et à Bolus de Mendès (p. 157). Il avait
aussi écrit une vie de Platon. La plupart de ces
ouvrages sont aujourd'hui perdus. Cependant nous
en possédons encore un certain nombre, ainsi que
les sommaires de plusieurs autres. Leurs titres rappellent
parfois par leur forme vague et emphatique ceux
des ouvrages orientaux. Je vais en donner l'énumération,
principalement d'après le manuscrit 2.327.
I. -- Mémoires authentiques de Zosime le Panopolitain (fol. 80; reproduits fol. 220). Citons-en le
début, qui présente une analogie frappante avec certaines
pages du Timée et qui fournit la clef des idées


(I) Codex CLXX. (2) Ms. 2.327, fol. 203 V°. (3) Eudocie donne aussi ce titre aux oeuvres de Zosime. Le mot κειροτμήματα se trouve dans le ms. de saint Marc, fol. 171.
12
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178 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
des alchimistes sur le mercure des philosophes; j'y
reviendrai à ce point de vue.
« Sur l'eau divine. Voici le divin et grand mystère, la chose cherchée par excellence. C'est le tout. Deux
natures, une seule essence; car l'une d'elles entraîne
et dompte l'autre. C'est l'argent liquide (mercure),
l'androgyne, qui est toujours en mouvement. C'est
l'eau divine que tous ignorent. Sa nature est difficile
à comprendre: car ce n'est ni un métal, ni de
l'eau, ni un corps (métallique). On ne peut le dompter;
c'est le tout dans le tout; il a vie et souffle. Celui qui
entend ce mystère possède l'or et l'argent... La
puissance est cachée; elle réside dans l'Erotyle. »
Au-dessous sont les trois cercles concentriques, avec les axiomes mystiques. « Un est le tout, par
lui le tout et en lui le tout. Un est le serpent, il a les
deux emblèmes et le poison. » A la feuille 80 ces
axiomes sont inscrits dans le texte même, en lettres
rouges. Au-dessous sont dessinés les quatre signes
alchimiques du plomb, du mercure, de l'argent et de
l'or, surmontés par celui du monde ou de l'oeuf;
ce dessin rappelle les anneaux astrologiques et gnostiques
de la collection des pierres gravées de la Bibliothèque
nationale. J'ai déjà insisté (p. 58 à 60) sur la
parenté entre Zosime et les gnostiques.
Après ces phrases énigmatiques, viennent la description et la figure d'un alambic de verre, avec
son tuyau en terre cuite, etc. A côté, une seconde
figure, destinée à représenter l'appareil pour la
fixation du mercure (πεξις). Une formule magique,
au milieu de laquelle se trouve le Scorpion, accompagne

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LES ALCHIMISTES GRECS PROPREMENT DITS 179
les explications, lesquelles s'en réfèrent à
Agathodémon.
II. -- Sur le Tribicus (alambic à trois pointes) et sur son tube (fol. 81; reproduit fol. 221). C'est la description
d'un appareil, avec une série de figures
représentant, les unes un alambic, son chapiteau, ses
tubes, son récipient; les autres, des fioles digérant
sur un fourneau. Au bas (fol. 81, verso), les axiomes
mystiques: « En haut les choses célestes, en bas les
choses terrestres; par le mâle et la femelle l'oeuvre est
accomplie. »
III. - Sur l'évaporation de l'eau divine qui fixe le mercure (fol. 82).
Ce petit traité est suivi d'un commentaire sur la même eau divine, postérieur à Stéphanus.
IV. -- Livre de la Vertu. Sur la composition des eaux (I).
Trois leçons, avec avis complémentaire. C'est l'un des plus importants ouvrages de Zosime que nous possédions. Certains passages rappellent le
Timée, de Platon, et plus encore le Poemander. « La
matière homogène et multicolore comprend la nature
variée de toutes choses. C'est elle qui, sous l'influence
lunaire de la nature, soumet l'augmentation
et la diminution à la mesure du temps (2) »
Puis vient la description allégorique d'une vision, qui rappelle les élucubrations des gnostiques et des
mystagogues des IIe et IVe siècles. « Je vis un prêtre
debout devant un autel en forme de coupe, ayant plusieurs


(I) Ms. 2.327, fol. 44 V°, jusqu'à 89. (2) Fol. 85.
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180 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
degrés pour y monter. Le prêtre répondit:
Je suis le prêtre du sanctuaire et je suis sous
le poids de la puissance qui m'accable. Au point du
jour, il vint un employé qui me saisit, me tua
avec un glaive, me divisa en morceaux; après
avoir enlevé la peau de la tête, il mêla les os
avec les chairs et me calcina dans le feu, pour
m'apprendre que l'esprit naît avec le corps. Voilà la
puissance qui m'accable. Pendant que le prêtre parlait
ainsi, ses yeux devinrent comme du sang, et il
vomit toutes ses chairs. Je le vis se mutiler, se
déchirer lui-même avec ses dents et tomber à terre.
Saisi de terreur, je me réveillai, je me mis à réfléchir
et à me demander si c'était bien là la composition
de l'eau. Et je me félicitais moi-même d'avoir
deviné juste (I). »
Plus loin, les métaux sont personnifiés par des hommes d'or, d'argent, de cuivre, de plomb, et
par leurs aventures; allégorie qui figure déjà dans
le mythe du serpent Ouroboros (2). où l'on trouve
également celles de la peau séparée des os et des
chairs, etc. (p. 60).
« Construis, mon ami, dit encore Zosime, un temple monolithe, semblable à la céruse, à l'albâtre,
un temple qui n'ait ni commencement ni
fin, et dans l'intérieur duquel se trouve une source
de l'eau la plus pure, brillante comme le soleil.
C'est l'épée à la main qu'il faut chercher à y


(I) Je tire cette traduction de Hoefer, Histoire de la Chimie, t. I, p. 265, 2e édit., 1866.
(2) Ms. 2.327, fol. 196 V°, et fol. 279.
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LES ALCHIMISTES GRECS PROPREMENT DITS 181
pénétrer, car l'entrée est étroite. Elle est gardée par
un dragon qu'on doit tuer et écorcher. En réunissant
les chairs et les os, il faut en faire un
piédestal, sur lequel tu monteras pour arriver dans le
temple, où tu trouveras ce que tu cherches. Car le
prêtre, qui est l'homme d'airain que tu vois assis près
de la source, change de nature et se transforme en
un homme d'argent, qui lui-même, si tu le désires,
peut se transformer en un homme d'or...
« Ne révèle rien de tout cela à autrui et garde ces choses pour toi-même, car le silence enseigne la
vertu. Il est très beau de connaître la transmutation
des quatre métaux, du plomb, du cuivre, de l'étain,
de l'argent, et de savoir comment ils se changent en
or parfait. »
Ce serait perdre son temps que de chercher à entendre ce jargon symbolique, rendu obscur à dessein.
On y entrevoit l'allusion à des opérations réelles
effervescences, calcinations, dissolutions, etc...
Nous lisons des récits analogues dans les ouvrages du moyen âge, récits dont l'origine remonte peut-être
aux traditions actuelles. Telle est l'allégorie alchimique
de Merlin, renouvelée de la légende de Médée,
allégorie dans laquelle un roi boit l'eau mystérieuse,
tombe malade, est soigné par des médecins
égyptiens qui le pilent dans un mortier, le calcinent,
le font fondre et ressusciter (I).
« Reçois, dit ailleurs Zosime ou quelque auteur congénère (2) en parlant de la pierre philosophale, cette


(I) Hoefer, t. I, p. 355. (2) Ms. 2.327, fol. 139; fol. 170 et fol. 8.
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182 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
pierre qui n'est pas une pierre, cette chose précieuse
qui n'a pas de valeur, cet objet polymorphe qui n'a
point de forme, cet inconnu qui est connu de tous. »
Son genre est un, son espèce multiple (I). Tout
vient de l'Unité et tout s'y range. « Voici le mystère
mithriaque, le mystère incommunicable (2). » Un
semblable langage, antithétique et charlatanesque, n'a
jamais cessé d'être en vigueur parmi les alchimistes.
Dans un autre endroit, Zosime reproduit la tétrade mystique des gnostiques et ses antithèses: les
quatre teintures et les quatre points cardinaux, le sec
et l'humide, le chaud et le froid, le mâle et la
femelle, etc. (3); les quatre éléments, deux supérieurs,
le feu et l'air, deux inférieurs, la terre et l'eau.
Tout ceci rappelle Marcus, le disciple de Valentin
(p. 34).
Quelques-unes des allégories de Zosime peuvent être comprises plus clairement. Tel est le passage
suivant: « La lune est pure et divine, lorsque vous
voyez le soleil briller à sa surface. » Ce qui semble
vouloir dire que la purification de l'argent par la coupellation
devient complète, au moment où le métal
fondu présente le phénomène de l'éclair.
A côté de ces allégories figurent des recettes plus positives, quoique mêlées de chimères, telles que la
suivante:
« Prends du sel et arrose le soufre brillant, jeune; lie-le, pour qu'il ait de la force, et fais intervenir la


(I) Ms. 1-249, fol. 10. (2) Ms. 2.327, fol. 8; ms. de saint Marc, fol. 95 V°. (3) Ms. 2.250, fol. 72.
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LES ALCHIMISTES GRECS PROPREMENT DITS 183
fleur d'airain, et fais de cela un acide liquide, blanc.
Fais la fleur d'airain graduellement. Dans tout cela,
tu dompteras le cuivre blanc, tu le distilleras et tu
trouveras après la troisième opération un produit qui
donne l'or. »
Mais revenons à l'énumération des ouvrages de Zosime.
V. -- Ecrit authentique de Zosime le Panopolitain, sur l'art sacré et divin de la fabrication de l'or
et de l'argent (I). C'est un sommaire qui semble
extrait de traités plus étendus.
VI. -- Livre sur la vertu et l'interprétation (2). C'est encore un extrait, renfermant des citations
d'une époque postérieure.
VII. -- Livre de la vérité de Sophé l'Egyptien, livre mystique de Zosime le Thébain (3). Le même
titre reparaît un peu plus loin, sous le nom de Zosime
et avec un texte différent (4). Cet ouvrage est
cité par Olympiodore (5).
J'ai dit ailleurs (p. 58), que Sophé était une forme spéciale du nom du roi Chéops, auquel on attribuait
en Egypte, au IIIe siècle, les ouvrages nouveaux pour
en augmenter l'autorité.
VIII. -- Le premier livre de l'accomplissement (mot à mot du solde final), de Zosime le Thébain
(6); lequel confirme le livre de la Vérité.


(I) Ms. 2.327, fol. 112 à 136, reproduit en partie fol. 220 à 222. (2) Ms. 2.327, fol. 168 V°, à 177. (3) Ms. 2.327, fol. 251. (4) Ms. 2.327, fol. 260. (5) Ms. 2.327, fol. 264. (6) Ms. 2.327, fol. 251 V°, à 256.
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184 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE

C'est là que Zosime raconte que le royaume
d'Egypte était soutenu par l'art de faire de l'or (I). Il
parle de Démocrite, dont il cite les quatre catalogues (2).
Il cite aussi les stèles antiques, avec leurs caractères
symboliques, où se trouvait inscrit, en termes
obscurs, l'art sacré (3): ce qui semble le récit mythique
d'un homme frappé par la vue des hiéroglyphes
qu'il ne comprend pas.
IX. -- Traité sur les instruments et les fourneaux, ouvrage descriptif qui se trouve exposé dans le manuscrit
2.249 (4), plus complètement que dans le manuscrit
2.327. Le manuscrit de saint Marc le contient
aussi, mais avec des variantes (5). Zosime déclare qu'il
décrit les instruments qu'il a vus dans le temple de
Memphis et il s'en réfère (dans le manuscrit 2.249
aux ouvrages pneumatiques et mécaniques d'Archimède
et d'Héron d'Alexandrie.
X. -- Les chapitres de Zosime à Théodore figurent aussi dans le manuscrit 2.249 et dans le manuscrit de
saint Marc (6), sous la forme d'une simple table de
matières.
XI. -- Un autre ouvrage de Zosime, son IXe livre, était intitulé Imouth, mot qui se retrouve dans Jamblique
(7), et qui est la transcription du mot égyptien
Imhotep, fils de Ptah, assimilé à Esculape


(I) Ms. 2.327, fol. 251. Voir p. 32. (2) Ms. 2.327, fol. 253. (3) Ms. 2.327, fol. 252. Voir p. 29. (4) Ms. 2.249, fol. 94 V°, à 102. (5) Ms. de saint Marc, fol. 186. (6) Ms. 2.249, fol. 89 et 90; ms. de saint Marc, fol. 179 à 181. (7) De mysteriis, sect. VIII. ch. III.
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LES ALCHIMISTES GRECS PROPREMENT DITS 185
(Asclepios) par les Grecs. C'était là que le crédule
auteur parlait du livre Chêma, transmis par les anges
aux mortels (p. 9).
XII. -- Sur la chaux (asbestos) (I). Cet ouvrage se termine par les mots: « c'est le secret que l'on a juré
de ne pas révéler. »
XIII. -- Psellus nomme encore le Livre des Clefs ou la Petite Clef de Zosime. Le Kitab-al-Fihrist lui
attribue pareillement les Clefs de la magie (p. 131).
XIV. -- Enfin Grüner a publié en 1814, quatre petits traités attribués à Zosime: l'un sur la bière (2),
un autre sur la trempe persane du bronze (3), sur la
trempe du fer (4), enfin sur la fabrication du verre (5).
Les trois derniers articles figurent dans nos manuscrits,
mais ils n'y sont pas donnés comme de Zosime;
dans certains ils renferment des interpolations arabes.
Ils semblent plutôt avoir fait partie de ces traités de
technologie, d'origine ancienne, mais remaniés à
diverses reprises par les praticiens pendant le moyen
âge, traités dont j'ai eu occasion de signaler les titres
et les cadres dans le chapitre relatif aux manuscrits
grecs (p. 123).
Tels sont les ouvrages de Zosime parvenus jusqu'à nous, en totalité ou par extraits, et qui forment une
partie considérable des manuscrits de nos Bibliothèques.


(I) Ms. 2.327, fol. 8. (2) Ms. de saint Marc, fol. 162. (3) Reproduit par Schneider dans Egloga physica, p. 95; ms. 2.327 fol. 162; ms. de saint Marc, fol. 118.
(4) Ms. de saint Marc, fol. 104 et fol. 118 V°. (5) Ms. de saint Marc, fol. 115; V°; ms. 2,327, fol. 12 et 13.
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186 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Après Zosime, et invoqués de même par les auteurs postérieurs, on rencontre dans notre liste plusieurs
personnages, sur lesquels nous ne possédons aucun
autre renseignement. Tel est Comarius, ou Comerius,
le prétendu maître de Cléopâtre. L'opuscule qui
lui est assigné commence deux fois (I); car son
vrai début est précédé par une invocation d'un
caractère à la fois chrétien et néoplatonicien, qui
paraît ajoutée après coup par quelque moine copiste.
Il y est question d'une eau divine qui guérit les maladies.
Pélage l'Ancien, autre alchimiste (2), cite Zosime et reproduit les axiomes relatifs à la génération du
semblable par son semblable: « Qui sème le blé,
produit du blé et le récolte; qui sème l'or et l'argent,
produit de l'or et de l'argent. »
Il semble que nous touchions des personnages solides avec Dioscorus, le prêtre du grand Sérapis à
Alexandrie, auquel Synésius adresse son commentaire
sur Démocrite, et avec Jean l'archiprêtre dans la
divine Evagie et les sanctuaires qui s'y trouvent (3).
Son nom est chrétien; mais sa fonction semble se
rapporter à quelque institution égyptienne. Dans le
traité qui porte son nom (4), lequel renferme d'ailleurs
la trace d'interpolations, Jean invoque à la façon des


(I) Ms. 2.327, fol. 74 à 80. (2) Ms. 2.327, fol. 222; ms. de saint Marc, fol. 62 V°. (3) Ms. 2.327, fol. 163, V°. Au lieu de τησ θειας, la divine, on trouve dans quelques manuscrits Τυθιας, qui semble une version plus
ancienne; c'est sans doute un nom de lieu. (Voir p. 127.)
(4) Ms. 2.327, fol. 243 à 249.
@

LES ALCHIMISTES GRECS PROPREMENT DITS 187
gnostiques, les natures célestes et démiurgiques,
l'Unité et la Triade; il cite Démocrite et Zosime.


§ 3. -- Africanus.
Africanus (Sextus Julius) est un syrien du temps d'Elagabale et d'Alexandre Sévère. C'est un compilateur
encyclopédiste (I). Georges le Syncelle, dans sa
Chronographie (2), dit qu'Africanus avait écrit sur
les matières médicales, naturelles, agricoles, chimiques.
Il avait composé aussi des ouvrages géographiques,
ainsi qu'une histoire d'Arménie, tirée des
tabularia d'Edesse, et des ouvrages militaires, dont
nous possédons des fragments imprimés. Son livre
intitulé: Κεστω̑ν (allusion à la ceinture de Vénus,
allusion analogue à celle qu'exprime le mot anthologie:
bouquet de fleurs poétiques), traitait de toutes
sortes de sujets. Suidas nous apprend que les remèdes
proposés par Africanus, consistaient en caractères
écrits, incantations et paroles magiques, précisément
comme ceux des papyrus de Leide (p. 85). Les
Geoponica renferment divers fragments de cet auteur,
relatifs par exemple à des recettes agricoles la conservation
du vin. Le caractère des écrits d'Africanus
rappelle Zosime et les gnostiques.
Le nom d'Africanus figure dans la liste initiale du manuscrit de saint Marc et il est cité dans le manuscrit


(I) Geoponica, édit. Needham, p. XLII (1781). (2) P. 319, de l'édition de Paris.
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188 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
2.327 (I), à côté des auteurs les plus autorisés. C'est
toujours la même littérature.


§ 4. -- Synésius.
Les études alchimiques semblent atteindre leur plus haut degré de culture vers la fin du IVe siècle et au
commencement du Ve, pendant le règne de Théodose
Ier et de ses successeurs. En effet, à ce moment
nous entrons de plus en plus sur le terrain de l'histoire;
et les noms qui se présentent sont ceux de personnages
historiques, qui ont marqué de leur temps. Les écrits
qui leur sont attribués ont le caractère d'ouvrages
sérieux: ils renferment souvent des procédés positifs
et pratiques; ils s'en réfèrent à un grand nombre de
circonstances de temps et de lieu caractéristiques et qui
permettent d'affirmer qu'ils appartiennent à des gens
de l'époque, tels que Synésius et Olympiodore.
Synésius est un homme important dans l'histoire du IVe siècle; il est mort en 415. Il fut nommé (en 401) par
ses concitoyens évêque de Ptolemaïs en Cyrénaïque,
comme le citoyen principal de la ville et le plus capable
de la défendre contre les barbares. C'était un singulier
évêque, marié, gardant sa femme et ses enfants,
à peine chrétien; car il ne croit pas aux dogmes contraires
à la philosophie. Astronome, physicien, agriculteur,
chasseur, ambassadeur à Constantinople auprès
de l'empereur Arcadius, il fut d'abord païen et cependant


(I) Ms. 2.327, fol. 122 V°.
@

LES ALCHIMISTES GRECS PROPREMENT DITS 189
ami du patriarche Théophile, qui le consacra
évêque, malgré toutes ses réserves, en acceptant sa
déclaration qu'il faut cacher la vérité au peuple et en
lui laissant conserver sa femme; bref, Synésius était un
esprit universel. Ses oeuvres ont été publiées à Paris en
1631, avec celles de saint Cyrille. Elles contiennent
divers ouvrages philosophiques, qui se rattachent aux
doctrines néoplatoniciennes, et une correspondance
très intéressante. Ainsi on connaît de lui une lettre à
Hypatie (I), la célèbre philosophe d'Alexandrie massacrée
plus tard par les chrétiens, lettre qui renferme
la première indication connue de l'aréomètre. A la
vérité, dans ses lettres, Synésius cite continuellement
ses classiques, dont l'ouvrage alchimique ne renferme
pas trace. Mais ce genre de citations est bien clairsemé
dans l'ouvrage du même Synésius: De Providentia,
où il raconte l'histoire de l'administration oppressive
et de la chute de Gaïnas, sous le voile transparent
de récits empruntés à la mythologie des Egyptiens.
Il a encore écrit un livre sur les songes et sur leur
interprétation, lequel rappelle le traité d'Onirocritie,
transcrit au début du manuscrit de saint Marc, ainsi
que les recettes pour procurer des songes, qui figurent
dans les papyrus de Leide (2), à côté des recettes
alchimiques et de l'anneau portant un Ouroboros
(p. 84).
Ce sont la toujours les mêmes doctrines occultes. On lit en effet dans Synésius (3), une lettre où il


(I) Oeuvres de Synésius, p. 174. (2) Reuvens, lettre I, p. 8-10. (3) Epist. 142.
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190 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
s'exprime, en un langage rendu vague à dessein, sur
les mystères qui doivent rester cachés et qu'il ne
veut pas même être soupçonné d'avoir fait connaître
à son ami Héraclianus. S'agissait-il de magie ou d'alchimie?
Enfin, toujours dans le même ordre d'associations, on peut citer les hymnes gnostiques de Synésius,
congénères à certains égards des poèmes alchimiques,
et où l'idée de la matière reparaît fréquemment (I).
« Tu es la nature des natures, » s'écrie-t-il à peu
près dans le style du pseudo-Démocrite. « O natures,
démiurges des natures! (2). »
Nous avons montré à plusieurs reprises quels liens étroits rattachent entre eux les premiers alchimistes et
les gnostiques. Dès lors, il n'y a rien de surprenant à
ce que Synésius ait réellement écrit sur l'alchimie;
sauf à écarter peut-être certaines interpolations,
dues à des copistes postérieurs, dans les ouvrages
qui lui sont attribués. Lambecius, savant du siècle
dernier, qui a publié le catalogue de la Bibliothèque de
Vienne, partageait cette opinion. Dans nos manuscrits
(3), on attribue spécialement à Synésius un commentaire
sur le pseudo-Démocrite, adressé « à Dioscorus,
prêtre du grand Sérapis à Alexandrie, par la faveur
divine: Synésius le philosophe, salut. » Ce
commentaire a été traduit en latin par Pizzimenti
(1573). Je l'ai déjà cité, en parlant de Démocrite
(p. 154). La qualité de Dioscorus, prêtre de Sérapis,


(I) Oeuvres de Synésius, p. 330 et suivantes. (2) Ms. 2.327, fol. 27. (3) Ms. 2.327, fol. 31.
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LES ALCHIMISTES GRECS PROPREMENT DITS 191
auquel il est dédié, nous reporterait à l'époque
païenne et à une date antérieure à la destruction du
temple d'Alexandrie par l'ordre de Théodose, destruction
accomplie en 389. Le nom de Dioscorus
figure aussi dans les lettres authentiques de Synésius
(I), comme celui d'un évêque à la vérité. Serait-ce
un homonyme, ou bien le prêtre de Sérapis, converti
plus tard comme Synésius lui-même? Julius
Firmicus, auteur du même siècle, a laissé deux ouvrages
non moins contradictoires: un traité d'astrologie,
d'un caractère purement païen, et un ouvrage
apologétique du christianisme. Les hommes de ce
temps avaient d'étranges aventures.
Un autre ouvrage de Synésius, qui semble interpolé par places, a été traduit en français; c'est « le vieux
livre du docte Synésius, abbé grec (2) »: « Tire d'eux
ton vif argent, y est-il dit, et tu en feras la médecine ou
quintessence, puissance impérissable et permanente,
noeud et lien de tous les éléments qu'elle contient en
soi, esprit qui réunit toute chose. » C'est toujours
le style de Zosime et des alchimistes gnostiques.


§ 5. -- Olympiodore.
Olympiodore est un auteur de date non moins sûre. On connaît en effet sous ce nom un historien
grec, natif de Thèbes en Egypte, qui prit part à une
ambassade envoyée auprès d'Attila, sous Honorius,


(I) Oeuvres de Synésius, p. 211. (2) Paris, 1612.
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192 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
en 412. Il a voyagé chez les Blemmyes (I), en
Nubie, et visité les prêtres d'Isis à Philae, où les
derniers débris de l'hellénisme, protégés par un
traité, demeurèrent en honneur jusqu'en 562. Ce
temple subsiste encore. J'ai vu moi-même sur les
pylônes les grandes figures des dieux égyptiens martelées
par les moines, au-dessus des inscriptions qui
attestent le passage de l'armée de Desaix.
Ce même Olympiodore a écrit l'histoire de son temps, de 400 à 425, et l'a dédiée à Théodose II.
Photius (2) désigne Olympiodore sous le nom caractéristique de poiêtès de profession: ce qui ne veut pas
dire poète, mais alchimiste (operator), d'après l'interprétation
de Reinesius et de Du Cange. Ce mot
répond, en effet à poiêsis, qui signifie le grand oeuvre
dans la langue des adeptes.
L'incohérence des compositions historiques d'Olympiodore, signalée par Photius, se retrouve dans l'ouvrage
alchimique qui porte son nom (3). Celui-ci
a pour en-tête: Olympiodore philosophe à Pétasius,
roi d'Arménie, sur l'art divin et sacré. Fabricius (4)
et Hoefer (5) le citent d'après d'autres manuscrits, qui
ajoutent les mots: Commentaires sur le livre de l'acte
de Zosime et sur les dires d'Hermès et des philosophes.
L'auteur nomme parmi ses prédécesseurs: Agathodémon,


(I) Voir le Mémoire sur les Blemmyes de M. Révillout. Mém. de l'Acad. des Inscriptions, Ire série, t. VIII, p. 371. Ce voyage est signalé
par PHOTIUS.
(2) Codex LXXX. (3) Ms. 2.327, fol. 197. (4) Bibliotheca Graeca, t. XII, 764; Ire édition. (5) Histoire de la Chimie. T. I, p. 273.
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LES ALCHIMISTES GRECS PROPREMENT DITS 193
Chymès, Marie la Juive, Synésius. Il invoque
les Muses et la race des illustres Piérides (I), les oracles
d'Apollon (2), ceux des démons ou dieux inférieurs,
et les expositions des prophètes. Il s'en réfère à la fois
à l'autorité de la Bible, qu'il ne semble guères avoir
lue, à celle des inscriptions du temple d'Isis (3), et à
celle des ouvrages des philosophes grecs, qu'il connaît
beaucoup mieux. Ailleurs il reproduit les contes de
l'antiquité relatifs à l'origine de l'or engendré dans la
terre d'Ethiopie (4). « Là, une espèce de fourmi extrait
l'or et le met au jour et s'en réjouit (5). « J'ai cité plus
haut les passages de cet auteur relatifs au tombeau
d'Osiris, image de l'alchimie, au serpent qui se mord
la queue, et aux douze signes du zodiaque (6); au microcosme
et au macrocosme, dont l'homme est l'abrégé;
aux hiérogrammes, ainsi qu'aux spéculations gnostiques,
reproduites de Zosime. Tout cela nous représente
l'étrange mélange d'idées et de connaissances qui
existaient dans la tête d'un savant du Ve siècle.
Cependant Olympiodore ne procède pas par allégories, comme Zosime. « Les anciens, dit-il, avaient
l'habitude de cacher la vérité, de voiler et d'obscurcir
par des allégories ce qui est clair et évident pour tout
le monde. » C'est aux alchimistes sincères et de cet
ordre qu'il convient de s'attacher de préférence, si


(I) Ms. 2.250, fol. 69. (2) Ms. 2.327, fol. 210. (3) Ms. 2.327, fol. 219. (4) Voir Pline, I. XI, ch. XXXI, I. XXXII, ch. IV, sect. 21. -- Solin, ch. XXX, etc.
(5) Ms. 2.250, fol. 123. (6) MS. 3.327, fol. 203.
@

194 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
l'on veut pénétrer le sens obscur du langage de leur
temps; sans méconnaître pourtant leur crédulité.
Olympiodore parle d'abord de la macération, du
lavage, du grillage des minerais; il distingue les corps
en volatils et fixes.
Plus loin: « Les anciens admettent trois teintures (I); la première est celle qui s'enfuit promptement
(se volatilise), comme le soufre et l'arsenic (2);
la seconde est celle qui s'enfuit lentement, comme les
matières sulfureuses; la troisième, celle qui ne s'enfuit
pas du tout: tels sont les métaux, les pierres et la
terre. La première teinture, qui se fait avec l'arsenic,
teint le cuivre en blanc. L'arsenic est une espèce de
soufre qui se volatilise promptement: tout ce qui est
semblable à l'arsenic se volatilise par le feu et s'appelle
matière sulfureuse. » Il dit encore: « Le mercure
blanchit tout, tire les âmes de tout, change les couleurs
et subsiste. »
Olympiodore reproduit les récits de Zosime sur le rôle de l'alchimie près des rois, en Egypte (3). Il cite
textuellement les commentaires de Synésius sur
Démocrite (4).
Ailleurs, il signale en détail la seconde teinture, qui s'enfuit lentement et que l'on emploie dans la
fabrication de l'émeraude: « Prenez deux onces de
beau cristal et une demi-once de cuivre calciné;
préparez d'abord du cristal, produit par l'action du


(I) Ms. 2.327, fol. 199; ms. de saint Marc, fol. 165. (2) Les mots de soufre et d'arsenic ne doivent pas être pris dans leur sens littéral moderne.
(3) Ms. 2.327, fol. 206. (4) Ms. 2.327, fol. 207 et 208.
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LES ALCHIMISTES GRECS PROPREMENT DITS 195
feu, mettez-le dans l'eau pure, nettoyez-le, broyez ces
substances (I) dans un mortier et faites-les fondre
ensemble à une température égale. »
L'écrit d'Olympiodore fournit des données historiques, de nature à en fixer la date et le lieu. En
effet, dès les premières lignes, il nomme les mois
égyptiens, mechir et mesori, mois égyptiens réels,
qui se rapportent, comme on sait, aux tétraménies
d'été et d'hiver. Il cite (2) les bibliothèques Ptolémaïques,
c'est-à-dire d'Alexandrie, du ton d'un homme qui
les aurait lues lui-même, -- à moins qu'il n'en ait parlé
simplement dans le désir d'en tirer quelque autorité
pour ses assertions; comme le faisait déjà Tertullien.
Ce qui est plus concluant, Olympiodore reproduit les opinions des philosophes grecs de l'école
ionienne, Thalès, Anaximandre, Anaximène, et celles
des Eléates, Parménide et Xénophane, sur les
principes des choses. Il en parle à peu près dans les
mêmes termes et probablement d'après les mêmes
documents, aujourd'hui perdus, que Simplicius et les
néoplatoniciens. A la vérité, il y amalgame les idées des
auteurs alchimiques, Hermès et Agathodémon; je reproduirai
plus loin ce passage, qui est fort important.
Tout cela, joint au langage fortement imbu de gnosticisme, tend à préciser l'époque où l'ouvrage que
nous citons a été écrit: à savoir un peu avant la ruine
de l'école d'Alexandrie. Or, cette dernière est datée
dans l'histoire: elle répond à la catastrophe du Sérapéum
et de la bibliothèque Ptolémaïque.


(I) Il a ajouté un troisième corps, le Séricon. (2) Ms. 2.327, fol. 206.
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196 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
§ 6. -- La fin de la culture hellénique en Egypte
et la destruction des Laboratoires.
Le temple de Sérapis, en effet, était le centre de la civilisation grecque à Alexandrie. C'était un des
grands foyers de la culture païenne et probablement
aussi des études médicales et alchimiques. Aussi sa
destruction fut-elle poursuivie avec acharnement par
les chrétiens triomphants. On peut lire dans Gibbon
(Histoire de la décadence et de la chute de l'empire
romain, t. V, p. 356, trad. Guizot) le récit de cette
ruine, accomplie à la suite de luttes violentes entre
les défenseurs de l'hellénisme et les moines soulevés
par l'archevêque Théophile. Les premiers ne
cédèrent que sur un ordre direct de l'empereur Théodose,
ordre contemporain de l'édit qui ordonna la
destruction générale des temples dans l'empire romain.
Nul acte ne fut plus funeste que cet édit à l'art et à la
science, et le souvenir de l'empereur qui le signa doit
en rester à jamais flétri.
La bibliothèque, ou plutôt ses débris, semblent avoir subsisté quelque temps encore. Les cours faits au
Muséum d'Alexandrie se poursuivirent jusqu'au massacre
de la savante Hypatie, crime infâme accompli
avec des particularités atroces par les moines ameutés
à la voix du patriarche saint Cyrille, neveu et héritier
de Théophile.
Ainsi disparurent l'Ecole d'Alexandrie et sa bibliothèque, anéanties par le fanatisme chrétien. L'historien
P. Orose nous dit, quelque temps après,

@

LES ALCHIMISTES GRECS PROPREMENT DITS 197
non sans une expression de regret, avoir vu les cases
vides et la place des livres disparus. Quelques essais
de reconstitution de la bibliothèque semblent avoir eu
lieu, jusque vers le temps des Arabes. Mais l'Ecole
même ne fut jamais rétablie. Les philosophes persécutés
se transportèrent à Athènes, autre centre d'études,
où Proclus enseigna; et ce centre subsista près d'un
siècle, jusqu'au jour où un nouvel édit de Justinien,
en 529, accomplit la suppression officielle de la science
et de la philosophie antiques.
Le Sérapéum de Memphis et le temple de Ptah, où se trouvaient probablement les laboratoires médicaux
et techniques des alchimistes, périrent vers la même
époque que les sanctuaires d'Alexandrie.
Des scènes épouvantables signalèrent dans toute l'Egypte la fin de la civilisation hellénique et le
triomphe du christianisme. On peut lire dans les publications
de M. Révillout (I) le récit de la vie de ces
moines prophètes, tels que Sénouti, soulevant partout
les pauvres contre les riches, maltraitant les magistrats
envoyés pour rétablir l'ordre, coupant les digues
du Nil afin d'engloutir les terres de leurs ennemis,
massacrant et brûlant les prêtres, les philosophes,
les principaux citoyens des villes, au milieu des ruines
de leurs maisons et de leurs temples incendiés
« Les dents des « pêcheurs, tu les as brisées... Le
« Seigneur vous a détruits parce que vous l'avez
« irrité, » s'écrie le fanatique après son triomphe.
Voilà comment finit la culture grecque à Panopolis,

(I) Revue de l'histoire des religions. 4e série, t. VIII, p. 146, 431, 434, etc.

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198 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
l'un de ses milieux les plus importants. Le principal
chef des Hellènes, le poète Nonnus d'après M. Révillout,
fut brûlé vif avec ses richesses (I). Après le
pillage, les chrétiens occupèrent les maisons de ceux
qui s'étaient enfuis.
Aucune calomnie n'était épargnée aux victimes. Suivant une fable toujours renouvelée et que nous
avons vu invoquer de nos jours contre les Juifs de
Hongrie, aussi bien que contre les catholiques de
Notre-Dame des Victoires, à Paris, pendant la Commune,
on accusait les prêtres d'immoler des enfants
et des victimes humaines, et l'on en montrait aux
populations fanatisées les restes au milieu des temples,
au Sérapéum d'Alexandrie, par exemple.
C'est au milieu de ces tragiques événements que se poursuivit la culture de l'art sacré; surtout sous forme
théorique, car il semble que les expérimentateurs
proprement dits aient disparu en Egypte avec leurs
laboratoires. Les auteurs qui viennent ensuite, tels
que Stéphanus, l'Anonyme, le Philosophe Chrétien,
sont plutôt des scoliastes et des commentateurs que
des écrivains originaux.
La persécution à la fois politique et religieuse qui atteignit les adeptes peut faire comprendre pourquoi ils
se cachaient avec tant de soin, sous le voile redoublé
des pseudonymes et des apocryphes. Leurs précautions
furent telles, que nous avons peine aujourd'hui
à retrouver les indices et les caractères positifs de ce
qu'ils ont été.
Cependant il ne faudrait exagérer, ni l'absence de

(I) Même recueil, p 439.
@

LES ALCHIMISTES GRECS PROPREMENT DITS 199
mentions des faits positifs de leur temps, ni la signification
qu'il convient d'en tirer. D'une part, ces mentions
ne font pas absolument défaut, ainsi qu'il résulte
des nombreuses citations que j'ai faites en parlant des
origines égyptiennes et gnostiques de l'alchimie. D'autre
part, on ne doit pas oublier que les auteurs préoccupés
d'un objet spécial, technique ou scientifique, ne
racontent guère les choses étrangères à leur sujet.
Celui qui voudrait dans quelques siècles reconstruire
l'histoire de notre temps à l'aide des Mémoires
contenus dans les Annales de Physique et de Chimie, ou
bien à l'aide des indications d'un traité d'analyse chimique
ou de technologie, serait fort embarrassé. Nous
ne rencontrons certainement pas plus d'allusions contemporaines
dans les ouvrages du philosophe Porphyre
que dans ceux des alchimistes Zosime et Olympiodore.


§ 7. -- Stéphanus.
L'art sacré ne fut pas entièrement anéanti par la ruine de la culture païenne. Deux causes devaient le
maintenir: d'une part, l'utilité de ses pratiques pour
les travaux des métaux, des verres, des poteries, des
teintures, travaux très en honneur à Constantinople;
et, d'autre part, les espérances illimitées excitées par
ses théories. Aussi existe-t-il toute une suite d'auteurs
qui ont écrit des livres d'Alchimie, même après Synésius
et Olympiodore.
Le plus remarquable, celui qui continue le plus nettement la tradition, est un personnage historique bien

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200 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
caractérisé et ayant joué un rôle de son temps, je veux
dire Stéphanus d'Alexandrie, qui vivait à l'époque
d'Héraclius (vers 620). Il est identifié par Fabricius (I)
avec Stéphanus d'Athènes, qui a laissé des ouvrages
médicaux. C'est, dit-on, l'un des sept compilateurs qui
ont rassemblé les oeuvres de Galien et les ont distribuées
en seize livres, arrêtant ainsi la forme sous
laquelle ces oeuvres nous sont parvenues (2).
On lui attribue aussi un traité d'astrologie (Apotelesmatica). Stéphanus est cité dans le Kitab-al-Fihrist.
Son nom se retrouve au moyen âge dans les Allegoriae
sapientum (Bibliotheca chemica, t. I, p. 472 et 478),
opuscule où Heraclès (Héraclius ?) s'adresse à Stéphanus
d'Alexandrie.
Nous possédons de ce dernier neuf leçons (praxeis) sur la chimie, dédiées précisément à Héraclius. Cette
oeuvre existe dans nos principaux manuscrits, tels que
celui de saint Marc, les numéros 2.325 et 2.327 de la
Bibliothèque de Paris, etc. Pizzimenti en a donné une
paraphrase latine en 1573, à la suite du traité de Démocrite
Democriti de Arte magnâ). Ideler a publié le
texte grec dans les Physici et medici graeci minores (3).
Stéphanus ferme le cycle des commentateurs démocritains. Il cite Hermès, Orphée, Chymès, Démocrite,
Ostanès, Cléopâtre, Comarius, etc. C'est un chrétien
mystique et en même temps un philosophe très au
courant des doctrines pythagoriciennes et platoniciennes.


(I) Fabricius. Bibl. graeca, I. VI, ch. VII; t. XII, p. 694 de la Ire édit. (2) Leclerc. Hist. de la médecine arabe, t. I, p. 55. (3) T. II. p. 199 à 253 (1842).
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LES ALCHIMISTES GRECS PROPREMENT DITS 201
Il éclate en expressions enthousiastes et figurées (I): « O métal de la magnésie, par toi s'exécute l'oeuvre
mystérieuse. O nature vraiment supérieure à la nature,
tu triomphes des natures; tu es la nature une, qui comprend
le tout... O fleur charmante des philosophes
praticiens; ô splendeur contemplée par les hommes
vertueux... O lune empruntant ta lumière à celle du
soleil!... O nature une, qui demeure la même et qui
ne change pas. Objet de jouissance et jouissant toi-
même, triomphante et dominée, etc. » Un style semblable
est celui d'un commentateur fasciné par son sujet,
plutôt que d'un véritable expérimentateur.
Je donnerai plus loin des citations considérables des doctrines philosophiques de Stéphanus, citations précieuses
pour l'histoire des théories alchimiques.


§ 8. -- Les Poètes alchimiques.
L'enthousiasme qui a inspiré les écrits de Stéphanus s'est traduit sous une forme plus frappante encore
dans les poètes. Toute une littérature de poètes
alchimiques se succède en effet, depuis l'énigme
tirée des livres sibyllins (p. 136), jusqu'à Jean de
Damas et jusqu'au temps des Croisades. Elle constitue
dans nos manuscrits un groupe caractéristique d'ouvrages,
copiés à la suite les uns des autres (2). Les


(I) Ms. 2.327, fol. 38 V°. -- Ideler, Physici et medici graeci minores. t. II, p. 200.
(2) Ms. 2.327, fol. 178 à 195.
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202 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
litanies de l'or y figurent (I) et attestent le mysticisme
de leurs auteurs.
Ces poèmes, objet d'une admiration et d'une lecture continuelle dans les couvents de Constantinople,
ont été remaniés pendant plusieurs siècles
par les copistes, avec des additions, interpolations,
et changements, qui ont été parfois jusqu'à transformer
en vers politiques, dans certains manuscrits,
les iambes assez corrects, contenus dans d'autres
et rappelant les morceaux de l'anthologie. Plusieurs
fragments ont été imprimés à la suite du traité de
Palladius, de Febribus, par Bernard en 1745. L'ensemble
a été publié par Ideler (2).
Le plus ancien poète alchimique paraît être Héliodore, que l'on a identifié parfois avec l'évêque de Tricca,
auteur du roman des Ethiopiques, élève de Proclus et
contemporain de Théodose et d'Arcadius. Le poème
alchimique qui porte son nom est en effet dédié à
Théodose Ier.
Archélaüs, autre poète, est aussi fort ancien, quoique de date incertaine. Nommons encore les poèmes de
Théophraste et d'Hiérothée. Mais il y a peu de
documents positifs à tirer d'une semblable littérature.


§ 9. -- Les Commentateurs.
Les noms que j'ai cités jusqu'ici comprennent tous les auteurs sur lesquels on possède quelque renseignement


(I) Ms. 2.249, fol. 62. (2) Physici et medici graeci minores, t, II, p. 328 à 352 (1842).
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LES ALCHIMISTES GRECS PROPREMENT DITS 203
historique, avant le temps d'Héraclius. Ce
ne sont pas cependant les derniers alchimistes. En
effet, l'alchimie continua d'être cultivée à Constantinople
et dans les pays grecs, pendant tout le moyen âge
et jusqu'à notre temps.
Parmi les auteurs qui s'en sont occupé, plusieurs figurent dans nos collections: ce sont en général des
commentateurs. Quelques-uns sont peut-être antérieurs
à Stéphanus.
Tel est le Philosophe Chrétien, dont nous possédons plusieurs traités (I) et qui est aussi nommé dans le
Kitab-al-Fihrist. Son langage est analogue à celui
d'Olympiodore: il mélange de même la culture grecque
et la culture chrétienne, l'alchimie et la théologie. Il
semble que ce soit un moine byzantin, très instruit et
imprégné de gnosticisme.
C'est ainsi qu'il parle de la source intarissable qui verse son eau au milieu du Paradis. « L'oracle
« divin dit: formons l'homme.... et faisons le mâle et
« femelle (2). » Plus loin il fait mention de l'ombre du
cône de la terre, qui s'étend jusqu'à la sphère de
Mercure (3). Il cite d'un côté Aratus et Hésiode, de
l'autre la Bible et en même temps Hermès, d'après son
écrit à Pauséris (4), ainsi qu'Agathodémon, Zosime,
Pétésis, Démocrite. Il expose, en langage philosophique,
les diversités de la fabrication de l'or, suivant le genre et


(I) Ms. 2.327, fol 92 et suivants; ms. 2.249, fol. 6; ms. de saint Marc, fol. 101, 110, etc.
(2) Ms. 2.327, fol. 100. (3) Ms. 2.327, fol. 95. (4) Ms. 2.327, fol. 98.
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204 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
l'espèce (I). Plus loin il reproduit les images géométriques
des éléments, empruntées aux Pythagoriciens et
aux Platoniciens: pyramide, tétraèdre, octaèdre (2), etc.
Bref, ses opuscules représentent une série d'extraits et
de scolies, tirés des anciens alchimistes, les uns mystiques,
les autres pratiques. A la fin on retrouve, en
abrégé, le passage de Zosime sur le rôle de l'alchimie,
envisagée en Egypte comme source de richesses pour
les rois (3). « Telle est, dit-il en finissant, l'image du
monde, célèbre dans les anciens écrits, la science mystique
des hiérogrammes égyptiens. » Puis viennent les
natures substantielles, le consubstantiel Orphique et la
lyre Hermaïque. Un style pareil rappelle à la fois les
gnostiques et les théologiens qui ont suivi le concile de
Nicée.
Le Philosophe Anonyme est un scoliaste du même ordre (4), mais plus récent. Dans son traité sur l'art de
faire de l'or et sur l'eau divine du blanchiment, il
associe Olympiodore (5) et Stéphanus à Hermès, à
Démocrite, à Zosime, à Jean l'archiprêtre. Il cite, à côté
d'eux, l'Ecriture Sainte et les trois personnes de la Trinité.
C'est lui qui a donné la première liste des philosophes
oecuméniques.
C'est ainsi que l'on arrive jusque vers le VIIIe siècle, époque où l'alchimie s'est transmise aux Arabes. Cette
transmission paraît avoir eu lieu en même temps
que celle des autres sciences naturelles et médicales.


(I) Ms. 2.327, fol. 103 V°. (2) Ms. 2.327, fol. 105. (3) Ms. 2.327, fol. 111 V°. (4) Ms. 2.327, fol. 162 et suiv.; ms. de Saint Marc, fol. 78. (5) Ms. 2.327, fol. 168.
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LES ALCHIMISTES GRECS PROPREMENT DITS 205
A cet égard, le nom de Sergius, qui se trouve dans la liste alchimique, et auquel le philosophe chrétien
a dédié (I) son traité sur l'eau divine, est fort important;
car il semble qu'il s'agisse de Sergius Resainensis,
lequel, au temps de Justinien (VIe siècle), traduisit en
syriaque les médecins et les philosophes grecs, ainsi
que nous l'apprend M. Renan dans sa thèse sur la
philosophie péripatéticienne parmi les Syriens (1852).
Nous sommes amenés par là vers la Mésopotamie, du
côté d'Edesse, ville où il existait alors une académie
célèbre, c'est-à-dire un centre scientifique, et du côté
de Harran, où s'était développée une école qui
demeura païenne jusqu'au XIe siècle.
L'alchimie pratique et théorique continuait cependant à être cultivée à Constantinople, comme l'attestent
l'invention du feu grégeois (2) et les écrits des moines
Cosmas, Psellus, et Blemmydas, ajoutés après coup
dans quelques-uns de nos manuscrits. Mais, pendant ce
temps, la science prenait un développement nouveau
et capital chez les Arabes.


§ 10. -- Transmission de l'alchimie aux Arabes et
aux Occidentaux.
L'origine grecque de la chimie arabe n'est pas douteuse; les noms mêmes d'alchimie (3) et d'alambic ne


(I) Ms. de saint Marc, fol. 101. (2) Voir mon ouvrage: Sur la force des matières explosives, t. II, p. 352, appendice (1883).
(3) Zur Chemie der Araber, E. Wiedemann, p. 575. Morgenlandischen Gesellschaft, t. XXXII, 1878. -- Alchymia, par Gildemeister, même
recueil, t. XXX, p. 534, 1876.

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206 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
sont autre chose que des mots grecs, avec addition de
l'article arabe. Les vieux maîtres, Démocrite, Zosime
et les autres, sont mentionnés dans les livres arabes;
je l'ai établi plus haut (p. 130), en donnant des
extraits du Kitab-al-Fihrist. Les doctrines et les
pratiques des Arabes demeurent d'ailleurs les mêmes,
surtout au début; ainsi qu'il est facile de le reconnaître
en lisant Geber, le maître des alchimistes arabes.
Geber (Al-Djaber) vivait à la fin du VIIIe siècle. On lui a attribué plus de cinq cents ouvrages; mais ils
appartiennent pour la plupart à des époques postérieures.
Le principal et celui qui semble le plus authentique
est la Summa perfectionis magisterii in suâ
naturâ (I). C'est un ouvrage composé avec méthode,
postérieur par là même aux travaux confus des alchimistes
grecs qu'il coordonne. La naïveté de certains
passages montre d'ailleurs un homme sincère et
convaincu de la vérité de son art.
Il débute par l'exposé des obstacles qui empêchent l'art de réussir: obstacles qui viennent du corps et
de l'esprit. Ceci rappelle la page du pseudo-Démocrite
sur les vertus de l'initié (p. 160). Puis vient la réfutation
en forme et par arguments logiques des ignorants
et sophistes qui nient la vérité de l'art.
Ce doute ne se rencontre guère formulé dans les alchimistes grecs: il accuse une époque postérieure et
une réflexion plus approfondie. Geber le réfute longuement.
Cependant il n'est pas d'une crédulité
absolue, car il nie l'influence de la position des astres


(I) En latin, dans la Bibliotheca chemica de MANGET, t. I; en français, dans la Bibliothèque des Philosophes chimiques de Salmon.

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LES ALCHIMISTES GRECS PROPREMENT DITS 207
sur la production des métaux; contrairement aux
opinions régnantes du temps de Zosime et de Proclus.
La matière de l'art réside, d'après Geber, dans l'étude des substances, telles que le soufre, l'argent, la
tutie, la magnésie, la marcassite, le sel ammoniac, etc.;
énumération qui rappelle les catalogues du pseudo-
Démocrite. Le rôle des esprits volatils nous reporte
aux eaux divines et aux appareils distillatoires de
Zosime.
En effet, la description des opérations est faite à part par Geber. Ce sont: la sublimation; la volatilisation
per descensum; la distillation par évaporation, ou par
simple filtration; la calcination; la solution; la coagulation,
qui comprend la cristallisation, et la fixation
des métaux; la coupellation (examen cineritii); l'amollissement
(incération) des corps durs, etc. Tout ceci
existe déjà dans les écrits des alchimistes grecs; mais
Geber l'expose avec une clarté et une méthode qui
leur manquaient, et qui rendent l'intelligence des vieux
auteurs plus facile.
Puis vient une description scientifique des métaux, analogue à celle des traités modernes. Mais il s'y
joint l'indication des méthodes propres à les fabriquer
de toutes pièces. Geber en effet regarde les métaux
comme formés de soufre, de mercure et d'arsenic;
théorie qui vient des alchimistes grecs et qui s'est
perpétuée au moyen âge. L'or, en particulier, est
formé par le mercure purifié, associé à une petite
quantité de soufre pur. Le soufre, le mercure, l'arsenic
purs de Geber sont des matières quintessenciées,

@

208 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
plus subtiles que les substances vulgaires qui
portent le même nom. Celui qui parviendra à les
isoler, pourra fabriquer et transformer à volonté les
métaux. Le mercure qui donne la perfection aux métaux
n'est pas le vif argent naturel, mais quelque
chose tirée de lui: il faut lui ôter le grossier élément
terrestre et l'élément liquide superflu, pour ne garder
que la moyenne substance. De même pour le soufre et
l'arsenic, qu'il faut dépouiller de l'impur élément terrestre
et de l'élément igné, c'est-à-dire inflammable.
En fait, c'est en soumettant les métaux à des oxydations et calcinations prolongées, puis en les réduisant
à l'état de corps métalliques, et en répétant ces opérations,
que Geber cherche à les dépouiller de leurs propriétés:
par exemple, on ôte ainsi à l'étain son cri, sa
fusibilité, sa mollesse, qui le distinguent de l'argent;
on l'endurcit et on le rend plus fixe par des régénérations
successives (ce qui est erroné). De même pour
le plomb, que Geber déclare susceptible d'être changé
facilement en argent: toutefois il reconnaît avec
sincérité que ce métal deux fois calciné par lui et
deux fois régénéré (remis en corps) ne s'est pas endurci.
Toutes ces pratiques et ces théories concordent avec celles des papyrus et des manuscrits (p. 87); elles
font suite, pour ainsi dire, aux théories de Stéphanus.
Le langage de ce dernier diffère à peine de celui de
Geber, qui l'a suivi à un siècle d'intervalle.
Ces études furent continuées avec ardeur par les Arabes de Mésopotamie et d'Espagne, qui les enrichirent
d'un grand nombre de découvertes, telles que

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LES ALCHIMISTES GRECS PROPREMENT DITS 209
la fabrication de l'alcool, de l'eau-forte, de l'huile
de vitriol, du sublimé corrosif, du nitrate d'argent. Ils
marquent donc un nouveau progrès dans l'ordre des
études chimiques; je dis dans l'ordre pratique, car
dans l'ordre philosophique, ils ne sortent guères
des cadres des théories grecques. Toutefois, je n'irai
pas plus loin. Quel que soit l'intérêt de cette histoire,
un Orientaliste seul peut en entreprendre l'exposé,
pour laquelle l'examen approfondi des manuscrits
arabes et hébreux de nos bibliothèques, pour la plupart
inédits, serait indispensable.
C'est par les Arabes que les études alchimiques revinrent en Occident, au temps des croisades,
c'est-à-dire vers le XIIIe siècle. Il est facile de
s'en convaincre, en lisant le Theatrum chemicum,
collection informe des traités alchimiques du moyen
âge. Elle ne renferme aucune oeuvre des alchimistes
grecs, mais seulement les traductions latines des
Arabes et les traités de leurs imitateurs, du XIIIe au
XVIIe siècle. Les recherches chimiques se poursuivirent
dès lors en Occident, jusqu'à la fondation de
la science moderne.
En résumé, les pratiques métallurgiques et les premières idées de transmutation viennent de l'Egypte et
de la Chaldée et elles se perdent dans une antiquité probablement
fort reculée. Les Grecs d'Egypte ont transformé
ces pratiques en une théorie demi-scientifique,
et demi-mystique, à peu près comme ils ont fait pour
l'astrologie. Leur science, transportée à Constantinople,
s'est transmise à son tour aux Arabes, vers les
VIIe et VIIIe siècles, ainsi que l'attestent formellement

14
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210 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
les passages du Kitab-al-Fihrist; enfin, ce sont les
Arabes de Syrie et d'Espagne qui l'ont enseignée à
l'Occident. Telle est, je le répète, la filiation historique
de l'alchimie.

pict

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pict

LIVRE TROISIEME
LES FAITS -----
CHAPITRE PREMIER
LES METAUX CHEZ LES EGYPTIENS -----
§ 1. -- Introduction.
pict ALCHIMIE s'appuyait sur un certain ensemble
de faits pratiques connus dans l'antiquité, et qui touchaient la préparation des métaux, de leurs alliages et celle des pierres précieuses artificielles: il y avait là un côté
expérimental qui n'a cessé de progresser pendant tout
le moyen âge, jusqu'à ce que la chimie moderne et
positive en soit sortie. Cette histoire n'est autre que

@

212 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
celle de l'industrie métallurgique. Certes je ne saurais
prétendre l'embrasser toute entière dans le cadre restreint
de la présente étude; mais il est nécessaire de
l'exposer en partie, pour montrer l'origine positive
des idées et des illusions des alchimistes.
Cette origine doit être cherchée en Egypte, là où l'alchimie eut d'abord ses maîtres, ses laboratoires et ses
traditions. C'est pourquoi, après avoir établi dans les
livres précédents le caractère historique de traditions,
je vais maintenant résumer les connaissances des
anciens Egyptiens sur les métaux et sur les substances
congénères. Je le ferai principalement d'après le
mémoire capital de M. Lepsius sur cette question, et
je montrerai par quelle suite de raisonnements et
d'analogies ils ont été conduits à tenter la transmutation
et à poursuivre les expériences dont nous
avons constaté l'exécution à Memphis et à Alexandrie.
Sur les monuments de l'ancienne Egypte on voit figurer les métaux, soit comme butin de guerre, soit
comme tribut des peuples vaincus; on en reconnaît
l'image dans les tombeaux, dans les chambres du
trésor des temples, dans les offrandes faites aux dieux.
D'après Lepsius (I), les Egyptiens distinguent dans leurs inscriptions huit produits minéraux particulièrement
précieux, qu'ils rangent dans l'ordre suivant:
L'or, ou nub; L'asem, ou electrum, alliage d'or et d'argent; L'argent, ou hat; Le chesteb, ou minéral bleu, tel que le lapis-lazuli;

(I) Traduit dans le 30e fascicule de la Bibliothèque des Hautes études, p. 17 (1877).

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LES METAUX CHEZ LES EGYPTIENS 213
Le mafek, ou minéral vert, tel que l'émeraude; Le chomt, airain, bronze, ou cuivre; Le men, ou fer (d'après Lepsius); Enfin le taht, autrement dit plomb. Cet ordre est constant; on le constate sur les monuments des dynasties thébaines, et jusqu'au temps des
Ptolémées et des Romains. Dans les Annales des compagnons
de Thoutmosis III, à Carnak, on rencontre
souvent, parmi les tributs, des listes et des tableaux
figurés de ces substances précieuses, rangées d'après
leur poids et leur nombre.
Les diverses matières que je viens d'énumérer comprennent à la fois des métaux véritables et des
pierres précieuses, naturelles ou artificielles. Passons
les en revue: nous reconnaîtrons dans leurs propriétés
le point de départ de certaines idées théoriques des
alchimistes sur les métaux. Il faut en effet se replacer
dans le milieu des faits et des notions connus des
anciens, pour comprendre leurs conceptions.


§ 2. -- L'or.
L'or, réputé le plus précieux des métaux, est représenté en monceaux, en bourses contenant de la poudre
d'or et des pépites naturelles, en objets travaillés,
tels que plaques, barres, briques, anneaux. On distingue
d'abord le bon or, puis l'or de roche, c'est-à-
dire brut, non affiné, enfin certains alliages, l'électros
ou électrum en particulier.

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214 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
§ 3. -- L'argent.
L'argent est figuré sur les monuments égyptiens sous les mêmes formes que l'or, mais avec une couleur
différente. Son nom précède même celui de l'or dans
quelques inscriptions, par exemple sur les stèles du
Barkal à Boulaq: comme si le rapport entre les deux
métaux eut été interverti à certains moments, par
suite de l'abondance de l'or. On sait que leur valeur
relative, sans changer à un tel point, a été cependant
fort différente chez certains peuples; chez les Japonais
de notre époque, par exemple, elle s'est écartée
beaucoup des rapports admis en Europe
L'argent se préparait avec des degrés de pureté très inégaux. Il était allié non seulement à l'or, dans l'électrum,
mais au plomb, dans le produit du traitement
de certains minerais argentifères. Ces degrés inégaux
de pureté avaient été remarqués de bonne heure et
ils avaient donné lieu chez les anciens à la distinction
entre l'argent sans marque, sans titre, asemon, et
l'argent pur, monétaire, dont le titre était garanti
par la marque ou effigie imprimée à sa surface. Le
mot grec asemon s'est confondu d'ailleurs avec l'asem,
nom égyptien de l'électrum, l'asem étant aussi une
variété d'argent impur (Voir p. 90.)
Dans l'extraction de l'argent de ses minerais, c'était d'abord l'argent sans titre que l'on obtenait. Son
impureté favorisait l'opinion que l'on pouvait réussir

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LES METAUX CHEZ LES EGYPTIENS 215
à doubler le poids de l'argent, par des mélanges et des
tours de main convenables (I). C'était en effet l'argent
sans titre que les alchimistes prétendaient fabriquer
par leurs procédés, sauf à le purifier ensuite. Dans
les papyrus de Leide, et dans nos manuscrits grecs,
les mots: « fabrication de l'asemon (2) », sont synonymes
de transmutation; celle-ci était opérée à partir
du plomb, du cuivre et surtout de l'étain. C'était aussi
en colorant l'asemon que l'on pensait obtenir l'or (3):
ce qui nous ramène à la variété d'argent brut qui
contenait de l'or, c'est-a-dire à l'électrum.


§ 4. -- L'électrum ou asem.
L'electros, ou électrum, en égyptien asem, alliage d'or et d'argent, se voit à côté de l'or sur les monuments;
il a été confondu à tort par quelques-uns avec ce que
nous appelons le vermeil, c'est-à-dire l'argent doré,
lequel est seulement teint à la surface.
Parfois le nom de l'électrum figure seul sur les monuments, à la place de l'argent. De même chez
les alchimistes (4), le nom mystique d'hommes d'argent
est remplacé en certains endroits par celui
d'hommes d'électrum (voir p 60).


(I) Ms. 2.327, fol. 274 V°. Voir p. 91 et 92 de ce volume.) (2) Ms. 2.327, fol. 29 V°. Et passim. (Voir p. 89 et 90 de ce volume.) (3) Ms. 2.327, fol. 254 V°. (Voir p. 91 de ce volume.) (4) Ms. 2.327, fol. 110 V°; ms. de saint Marc, fol 137.
@

216 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Plus dur et plus léger que l'or pur, cet alliage se prêtait mieux à la fabrication des objets travaillés. Il
était regardé autrefois comme un métal du même
ordre que l'or et l'argent. La planète Jupiter
lui était consacrée à l'origine (I), attribution qui
est encore attestée par les auteurs du Ve siècle de
notre ère (p. 49, 113, 114). Plus tard, l'électrum ayant
disparu de la liste des métaux, cette planète fut assignée
à l'étain.
L'alliage d'or et d'argent se produit aisément dans le traitement des minerais qui renferment les deux
métaux simples. C'était donc la substance originelle,
celle dont on tirait les deux autres par des opérations
convenables, et il n'est pas surprenant que les anciens
en aient fait un métal particulier; surtout aux époques
les plus reculées, où les procédés de séparation étaient
à peine ébauchés. Néron semble le premier souverain
qui ait exigé de l'or fin (2).
« Tout or, dit Pline, contient de l'argent en proportions diverses; lors que l'argent entre pour un
cinquième, le métal prend le nom d'électrum. On
fabrique aussi l'électrum en ajoutant de l'argent à
l'or. » Les proportions signalées par Pline n'avaient
d'ailleurs rien de constant. L'électrum, ayant une
composition moins bien définie que les métaux purs,
a paru former le passage entre les deux.
On savait, en effet, les en extraire tous deux; l'or était, je le répète, le produit principal et l'argent en
représentait la scorie, comme dit Pline. De là l'identification


(I) Ms. 2.327, fol. 170 V°. (2) Nero exigit aurum ad obrussam, (Suétone).
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LES METAUX CHEZ LES EGYPTIENS 217
du nom égyptien de l'électrum, asem, avec
celui de l'argent impur, asemon, et l'idée que l'or et
l'argent, corps congénères, pouvaient être fabriqués
par une même méthode de transmutation.
Avec le progrès de la purification des métaux, l'électrum tomba en désuétude. Cependant son nom
est encore inscrit dans la liste des signes alchimiques,
parmi les substances métalliques (I).
Le mot d'électrum avait chez les grecs et les romains un double sens: celui de métal et celui d'ambre
jaune. Son éclat a été comparé à celui de l'eau jaillissante
par Callimaque, et plus tard par Virgile (2);
comparaison qui nous reporte à l'identification faite
par le Timée de Platon entre les eaux chimiques et
les métaux. On conçoit dès lors comment, dans le
scholiaste d'Aristophane (3), l'électrum est assimilé au
verre. Suidas le définit à son tour: une forme
de l'or mêlé de verre et de pierres précieuses. Plus
tard, le sens du mot changea et fût appliqué,
peut-être à cause de l'analogie de la couleur, à divers
alliages jaunes et brillants, tels que certains bronzes
(similor) et le laiton lui-même. D'après Du Cange, les
auteurs du moyen âge désignent sous le nom d'électrum
un mélange de cuivre et d'étain. Dans un passage de
cette dernière époque, il est regardé comme synonyme
de laiton: « Il se donnait la discipline avec
des chaînes d'électrum ou de laiton. » Nous voyons
ici quels changements progressifs les noms des alliages


(I) Ms. 2.327, fol. 17. (2) Géorgiques, III, 522. (3) Ad Nubes, 768.
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218 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
métalliques ont éprouvés dans le cours des
temps.
Les trois métaux précédents présentent le fait caractéristique d'un alliage compris par les Egyptiens
dans la liste des métaux purs; association que l'airain et
le laiton ont reproduite également chez les anciens.
En outre cet alliage peut être obtenu du premier jet, au moyen des minerais naturels; et il peut être reproduit
par la fusion des deux métaux composants, pris en
proportion convenable. C'est donc à la fois un métal
naturel et un métal factice: rapprochement indiquant
les idées qui ont conduit les alchimistes à tâcher
de fabriquer artificiellement l'or et l'argent. En effet
l'assimilation de l'électrum à l'or et à l'argent explique
comment ces derniers corps ont pu être envisagés
comme des alliages, susceptibles d'être reproduits par
des associations de matières et par des tours de main;
comment surtout, en partant de l'or véritable, on pouvait
espérer en augmenter le poids (diplosis) par
certains mélanges, et par certaines additions d'ingrédients,
qui en laissaient subsister la nature fondamentale
(p. 92).
Le chesbet et le mafek vont nous révéler des assimilations plus étendues.


§ 5. -- Le saphir ou chesbet.
Le chesbet et le mafek sont deux substances précieuses, qui accompagnent l'or et l'argent dans les inscriptions

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LES METAUX CHEZ LES EGYPTIENS 219
et qui sont étroitement liées entre elles. Ainsi,
les quatre prophètes à Denderâ portent chacun un
encensoir: le premier en or et en argent, le second en
chesbet (bleu), le troisième en mafek (vert), le quatrième
en tehen (jaune). Or, le chesbet et le mafek ne désignent
pas des métaux au sens moderne, mais des minéraux
colorés, dont le nom a été souvent traduit par les mots de
saphir et d'émeraude. En réalité, le nom de chesbet ou
chesteb s'applique à tout minéral bleu, naturel ou artificiel,
tel que le lapis-lazuli, les émaux bleus et leur poudre,
à base de cobalt ou de cuivre, les cendres bleues,
le sulfate de cuivre, etc.
Le chesbet est figuré comme objet précieux sur les monuments, dans les corbeilles et dans les bourses qui
y sont dessinées: on l'aperçoit parfois en longs blocs
quadrangulaires et en masses de plusieurs livres. Il a
servi à fabriquer des parures, des colliers, des amulettes,
des incrustations, qui existent dans nos musées.
Il personnifie la déesse multicolore, représentée tantôt
en bleu, tantôt en vert, parfois en jaune, c'est-à-dire la
déesse Hathor, et plus tard, par assimilation, Aphrodite,
la déesse grecque, et aussi Cypris, la divinité phénicienne
de Chypre, qui a donné son nom au cuivre.
Les Annales de Thoutmosis III distinguent le vrai chesbet (naturel) et le chesbet artificiel. L'analyse des
verres bleus qui constituent ce dernier, aussi bien que
celle des peintures enlevées aux monuments, ont établi
que la plupart étaient colorés par un sel de cuivre.
Quelques-uns le sont par du cobalt, comme l'indique
l'Histoire de la chimie de Hoefer (I), et comme le


(I) T. I, p, 64, 2e éd.; 1866.
@

220 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
montre l'analyse des perles égyptiennes faite par
M. Clemmer. Ce résultat est conforme aux faits
reconnus par Davy pour les verres grecs et romains.
Théophraste semble même parler explicitement du
bleu de cobalt, sous le nom de bleu mâle, opposé au
bleu femelle. Théophraste distingue également le
cyanos autophyès, ou bleu naturel, venu de Scythie
(lapis-lazuli) et le cyanos sceuastos, ou imitation,
fabriquée depuis l'époque d'un ancien roi d'Egypte,
et obtenue en colorant une masse de verre avec
un minerai de cuivre pris en petite quantité. Le bleu
imité devait pouvoir résister au feu; tandis que le
bleu non chauffé (apyros), c'est-à-dire le sulfate de
cuivre naturel, ou plutôt l'azurite, n'était pas durable.
Vitruve donne encore le procédé de fabrication
du bleu d'Alexandrie, au moyen du sable,
du natron et de la limaille de cuivre, mis en pâte,
puis vitrifiés au feu: recette qui se trouve dans les
alchimistes grecs, ainsi que le montrent nos citations
d'Olympiodore (p. 194).
On rencontre ici plusieurs notions capitales au point de vue qui nous occupe.
D'abord l'assimilation d'une matière colorée, pierre précieuse, émail, couleur vitrifiée, avec les métaux; les
uns et les autres se trouvant compris sous une même
désignation générale. Cette assimilation, qui nous
paraît étrange, s'explique à la fois par l'éclat et la
rareté qui caractérise les deux ordres de substances, et
aussi par ce fait que leur préparation était également
effectuée au moyen du feu, à l'aide d'opérations de voie
sèche, accomplies sans doute par les mêmes ouvriers.

@

LES METAUX CHEZ LES EGYPTIENS 221
Remarquons également l'imitation d'un minéral naturel par l'art, qui met en regard le produit naturel
et le produit artificiel: cette imitation offre des degrés
inégaux dans les qualités et la perfection du
produit.
Enfin nous y apercevons une nouvelle notion, celle de la teinture; car l'imitation du saphir naturel repose
sur la coloration d'une grande masse, incolore
par elle-même, mais constituant le fond vitrifiable, que
l'on teint à l'aide d'une petite quantité de substance
colorée. Avec les émaux et les verres colorés ainsi préparés,
on reproduisait les pierres précieuses naturelles;
on recouvrait des figures, des objets en terre ou en
pierre; on incrustait les objets métalliques. Nous
reviendrons sur toutes ces circonstances, qui se retrouvent
parallèlement dans l'histoire du mafek.


§ 6. -- L'émeraude ou mafek.
Le mafek, ou minéral vert, désigne l'émeraude, le jaspe vert, l'émail vert, les cendres vertes, le verre de
couleur verte, etc. Il est figuré dans les tombeaux de
Thèbes, en monceaux précieux, mis en tas avec l'or,
l'argent, le chesbet; par exemple, dans le trésor de
Ramsès III.
Les égyptologues ont agité la question de savoir si ce nom ne désignait pas le cuivre; comme Champollion
l'avait pensé d'abord, opinion que Lepsius rejette. Je
la cite, non pour intervenir dans la question, mais

@

222 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
comme une nouvelle preuve de la parenté étroite du
mafek avec les métaux. La confusion est d'autant plus
aisée, que le cuivre est, nous le savons, le générateur
d'un grand nombre de matières bleues et vertes.
De même que pour le chesbet, il y a un mafek vrai, qui est l'émeraude ou la malachite, et un mafek artificiel,
qui représente les émaux et les verres colorés.
La couleur verte des tombeaux et des sarcophages est
formée par la poussière d'une matière vitrifiée à base
de cuivre.
Le vert de cuivre, malachite ou fausse émeraude naturelle, était appelé en grec chrysocolle, c'est-à-dire
soudure d'or; en raison de son application à cet usage
(après réduction et production d'un alliage renfermant
un peu d'or et un cinquième d'argent, d'après Pline)
C'était la base des couleurs vertes chez les anciens.
Elle se trouvait, toujours suivant Pline, dans les mines
d'or et d'argent; la meilleure espèce existait dans les
mines de cuivre. On la fabriquait artificiellement, en
faisant couler de l'eau dans les puits de mine jusqu'au
mois de juin et en laissant sécher pendant les mois de
juin et juillet. La théorie chimique actuelle explique
aisément cette préparation, laquelle repose sur l'oxydation
lente des sulfures métalliques.
Le nom d'émeraude était appliqué par les Grecs, dans un sens aussi compréhensif que celui de mafek, à
toute substance verte. Il comprend non seulement le
vrai béryl, qui se trouve souvent dans la nature en
grandes masses sans éclat; mais aussi le granit vert,
employé en obélisques et sarcophages sous la vingt-
sixième dynastie; peut-être aussi le jaspe vert. Ces minéraux

@

LES METAUX CHEZ LES EGYPTIENS 223
ont pu servir à tailler les grandes émeraudes
de quarante coudées de long, qui se trouvaient
dans le temple d'Ammon.
C'est au contraire à une substance vitrifiée que se rapportent les célèbres plats d'émeraudes, regardés comme
d'un prix infini, dont il est question au moment de la
chute de l'empire romain et au moyen âge. Ainsi, dans le
trésor des rois goths, en Espagne, les Arabes trouvèrent
une table d'émeraude, entourée de trois rangs de perles
et soutenue par 360 pieds d'or: ceci rappelle les descriptions
des Mille et une Nuits. On a cité souvent le
grand plat d'émeraude, le Sacro Catino, pillé par les
croisés à la prise de Césarée, en Palestine, en 1101,
et que l'on montre encore aux touristes dans la sacristie
de la cathédrale de Gênes. Il a toute une légende.
On prétendait qu'il avait été apporté à Salomon par la
reine de Saba. Jésus-Christ aurait mangé dans ce plat
l'agneau pascal avec ses disciples. On crut longtemps
que c'était une véritable émeraude; mais des doutes
s'élevèrent au XVIIIe siècle. La Condamine avait déjà
essayé de s'en assurer par artifice, au grand scandale
des prêtres qui montraient ce monument vénérable. Il
fut transporté, en 1809, à Paris, où l'on a constaté que
c'était simplement un verre coloré, et il retourna,
en 1815, à Gênes, où il est encore.
La valeur attribuée à de tels objets et leur rareté s'expliquent, si l'on observe que la fabrication du
verre coloré en vert, opération difficile et coûteuse,
paraît avoir été abandonnée sous les Grecs et les Romains.
Pline ne parle pas de ce genre de vitrification,
qui était certainement en usage dans l'ancienne Egypte,

@

224 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
d'après l'examen microscopique des couleurs employées
sur les monuments.
Cependant nous trouvons parmi les recettes des manuscrits alchimiques un petit traité sur la fabrication
des verres, où il est question, à côté du verre bleu,
du verre venetum, c'est-à-dire vert pale (I).
La confusion entre une série fort diverse de substances de couleur verte explique aussi la particularité
signalée par Théophraste, d'après lequel l'émeraude
communiquerait sa couleur à l'eau, tantôt plus, tantôt
moins, et serait utile pour les maladies des yeux. Il
s'agit évidemment de sels basiques de cuivre, en partie
solubles et pouvant jouer le rôle de collyre.
Les détails qui précèdent montrent de nouveau une même dénomination appliquée à un grand nombre de
substances différentes, assimilées d'ailleurs aux métaux:
les unes naturelles, ou susceptibles parfois d'être produites
dans les mines, en y provoquant certaines
transformations lentes, telle est la malachite; d'autres
sont purement artificielles. On conçoit dès lors le vague
et la confusion des idées des anciens, ainsi que l'espérance
que l'on pouvait avoir de procéder à une imitation
de plus en plus parfaite des substances minérales
et des métaux, par l'art aidé du concours du
temps et des actions naturelles.


(I) Ms. 2.327, fol. 90 V°. Le mot venetum apparaît déjà dans Lampride avec le sens de couleur verte, au IIIe siècle: Ut hodie prasinum
colorem, alia die venetum deinceps exhiberet. (Salmasii Plinianae
exercitationes, p. 170, a, A.) Les Byzantins l'ont souvent employé
dans ce sens.

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LES METAUX CHEZ LES EGYPTIENS 225
§ 7. -- L'airain et le cuivre.
Après le chesbet et le mafek, la liste des métaux égyptiens se poursuit par un vrai métal, le chomt,
nom traduit, d'après Lepsius, par cuivre, bronze,
airain, et qui se reconnaît à sa couleur rouge sur les
monuments. Champollion traduisait le même mot par
fer. Cette confusion entre l'airain et le fer est ancienne.
Déjà le mot latin aes, airain, répond au sanscrit ayas,
qui signifie le fer.
Ici encore les Egyptiens comprenaient sous une même domination un métal pur, le cuivre, et ses
alliages, obtenus plus facilement que lui par les traitements
métallurgiques des minerais. Le cuivre pur,
en effet, s'est rencontré rarement autrefois, bien qu'il
existe à l'état natif: par exemple, dans les dépôts du lac
Supérieur en Amérique; et bien qu'il puisse être réduit
de certains minerais à l'état pur. Mais il se prête mal à
la fonte. Dans la plupart des cas, la réduction s'opère
plus aisément sur des mélanges renfermant à la fois le
cuivre et l'étain (bronzes), parfois aussi le plomb
(molybdochalque des anciens), et le zinc (orichalque,
laitons), en diverses proportions relatives. De là
résultent des alliages plus fusibles et doués de propriétés
particulières, qui constituent spécialement
l'airain des anciens, le bronze des modernes.
Le chomt est représenté sur les monuments égyptiens en grosses plaques, en parallélipipèdes fondus
(briques) et en fragments bruts, non purifiés par la

15
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226 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
fusion. Les musées renferment des miroirs de bronze
(alliage de cuivre et d'étain), des serrures, clefs,
cuillers, clous, poignards, haches, couteaux, coupes
et objets de toute nature en bronze. Vauquelin en a
publié des analyses, où il signale un septième d'étain.
J'ai eu occasion d'exécuter moi-même, pour Mariette,
quelques analyses de miroirs se rapprochant
encore davantage de la composition du bronze le plus
parfait (un dixième d'étain).
Ici vient se ranger l'orichalque (I), mot qui semble avoir représenté chez les Grecs tous les alliages métalliques
jaunes rappelant l'or par leur brillant. Il a
d'abord été employé par Hésiode et par Platon. Ce
dernier parle dans son Atlantide d'un métal précieux,
devenu mythique plus tard pour Aristote, et que,
d'après Pline, on ne rencontrait plus de son temps dans
la nature. Cependant le mot se retrouve, à l'époque de
l'empire romain et dans les traités des alchimistes
grecs, pour exprimer le laiton, l'alliage des cymbales
et divers autres. Il est venu jusqu'à nous dans la dénomination
défigurée de fil d'archal.
Telle est la variabilité indéfinie de propriétés des matières désignées autrefois sous un seul et même
nom. Ce sont, je le répète, des circonstances qu'il
importe de ne pas oublier, si l'on veut comprendre les
idées des anciens, en se plaçant dans le même ensemble
d'habitudes et de faits pratiques. Les nombreux
alliages que l'on sait fabriquer avec le cuivre, la facilité
avec laquelle on en fait varier à volonté la dureté,


(I) Voir l'ouvrage intitulé: Du métal que les anciens appellent orichalque, par Rossignol.

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LES METAUX CHEZ LES EGYPTIENS 227
la ténacité, la couleur, étaient particulièrement propres
à faire naître l'espérance de transformer le cuivre en
or. De là, ces recettes pour obtenir un bronze couleur
d'or, inscrites dans les papyrus de Leide et dans
nos manuscrits (I).
On raconte aussi que l'on trouva dans le trésor des rois de Perse un alliage semblable à l'or, qu'aucun procédé
d'analyse, sauf l'odeur, ne permettait d'en
distinguer. L'odeur propre de ces alliages, pareille
à celle des métaux primitifs, avait frappé les opérateurs.
Nous trouvons aussi dans une vieille recette de
diplosis, où il est question d'un métal artificiel (2),
ces mots: « la teinture le rend brillant et inodore. »
Ainsi il semblait aux métallurgistes du temps qu'il n'y eut qu'un pas à faire, un tour de main
à réaliser, une ou deux propriétés à modifier pour obtenir
la transmutation complète et la fabrication artificielle
de l'or et de l'argent.


§ 8. -- Le fer.
Après le chomt, vient le men, plus tard tehset, que M. Lepsius traduit par fer. Il y a quelque incertitude
sur cette interprétation, le nom du fer ne paraissant
pas sur les monuments vis-à-vis des figures des objets
qui semblent formés par ce métal. Il semble que ce
soit là une preuve d'un caractère récent. Le fer, en
effet, est rare et relativement moderne dans les


(I) Ms. 2.327, fol. 288 et V°; voir p. 88. (2) Ms. 2.327, fol. 274 V°. au bas.
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228 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
tombeaux égyptiens. Les peintures de l'ancien empire
ne fournissent pas d'exemple d'armes peintes en bleu
(fer), mais toujours en rouge ou brun clair (airain). A
l'origine, on se bornait à recouvrir les casques et les
cuirasses de cuir avec des lames et des bagues de fer;
ce qui montre la rareté originelle du fer.
Tout ceci n'a rien de surprenant. On sait que la préparation du fer, sa fusion, son travail sont beaucoup
plus difficiles que ceux des autres métaux. Aussi
est-il venu le dernier dans le monde, où il a été connu
d'abord sous la forme de fer météorique. L'age de fer
succède aux autres, dans les récits des poètes. L'usage
du fer fut découvert après celui des autres métaux,
dit Isidore de Séville. On connut l'airain avant le fer,
d'après Lucrèce (I). Les Massagètes ne connaissaient
pas le fer, suivant Hérodote; les Mexicains et les
Péruviens non plus, avant l'arrivée des Espagnols.
Les opinions que je viens d'exposer sur l'origine récente du fer en Egypte sont les plus accréditées.
Cependant je dois dire que M. Maspéro ne les partage
pas. Il pense qu'il existe des indices peu douteux
de l'emploi des outils de fer dans la construction
des pyramides et il a même trouvé du fer métallique
dans la maçonnerie de ces édifices.


§ 9. -- Le plomb.
Le taht ou plomb, le plus vulgaire de tous, termine la liste des métaux figurés par les Egyptiens. On doit


(I) Et prior aeris erat quam ferri cognitus usus. Lucrèce. De rerum naturâ, V.
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LES METAUX CHEZ LES EGYPTIENS 229
entendre sous ce nom, non seulement le plomb pur,
mais aussi certains de ses alliages.
D'après les alchimistes grecs, tels que le pseudo- Démocrite, le plomb était le générateur des autres métaux;
c'était lui qui servait à produire, par l'intermédiaire
de l'un de ses dérivés, appelé magnésie par les
auteurs, les trois autres corps métalliques congénères,
a savoir le cuivre, l'étain et le fer (I).
Avec le plomb, on fabriquait aussi l'argent (2). Cette idée devait paraître toute naturelle aux métallurgistes
d'autrefois, qui retiraient l'argent du plomb argentifère
par coupellation.


§ 10. -- L'Etain.
L'étain, circonstance singulière, ne figure pas dans la liste de Lepsius, bien qu'il entre dans la composition
du bronze des vieux Egyptiens. Peut-être ne
savaient-ils pas le préparer à l'état isolé. Il n'a été
connu à l'état de pureté que plus tard, à l'époque des
Grecs et des Romains. Mais il était d'usage courant au
temps des alchimistes, comme en témoignent les
recettes des papyrus de Leide (p. 88). C'était l'une des
matières fondamentales employées pour la prétendue
fabrication ou transmutation de l'argent, dans ces
papyrus (p. 90), comme dans nos manuscrits (3). C'est
pourquoi il convient de parler ici du cassiteros antique,


(I) Ms. 2.327, fol. 122. (2) Ms. 2.327, fol. 146. Voir Geber, p. 208 de ce volume. (3) Ms. 2.327, fol. 146, par exemple.
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230 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
mot dont le sens a changé, comme celui de
l'airain, avec le cours des temps.
A l'origine, dans Homère par exemple, il semble que le cassiteros fut un alliage d'argent et de plomb,
alliage qui se produit aisément pendant le traitement
des minerais de plomb. Plus tard, le même nom fut
appliqué à l'étain, ainsi qu'à ses alliages plombifères.
De même, en hébreu, bédil signifie tantôt l'étain, tantôt
le plomb, ou plutôt certains de ses alliages.
L'étain lui-même a été regardé d'abord comme une sorte de doublet du plomb; c'était le plomb
blanc ou argentin, opposé au plomb noir ou plomb
proprement dit ( Pline). Son éclat, sa résistance
à l'eau et à l'air, ses propriétés, intermédiaires en
quelque sorte entre celles du plomb et celles de l'argent,
toutes ces circonstances nous expliquent comment
les alchimistes ont pris si souvent l'étain
comme point de départ de leurs procédés de transmutation.
Une de ses propriétés les plus spéciales,
le cri ou bruissement qu'il fait entendre lorsqu'on le
plie, semblait la première propriété spécifique qu'on
dut s'attacher à faire disparaître. Geber y insiste et les
alchimistes grecs en parlent déjà.
Les alliages d'étain, tels que le bronze, l'orichalque (alliages de cuivre), et le claudianon (alliage de plomb),
jouaient aussi un grand rôle autrefois. On remarquera
que les alliages ont dans l'antiquité des noms
spécifiques, comme les métaux eux-mêmes.
Rappelons encore que l'astre associé à l'étain à l'origine n'était pas la planète Jupiter, comme il
est arrivé plus tard, mais la planète Mercure. Les

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LES METAUX CHEZ LES EGYPTIENS 231
lexiques alchimiques (I) portent la trace de cette
première attribution. Le signe de Jupiter était assigné
originairement à l'électrum. Cette planète d'ailleurs,
ou plutôt son signe, paraît avoir possédé à un
certain moment une signification générique; car ce
dernier est adjoint comme signe auxiliaire à celui du
mercure, dans un lexique alchimique très ancien (2).


§ 11. -- Le Mercure.
Le mercure, qui joue un si grand rôle chez les alchimistes, est ignoré dans l'ancienne Egypte. Mais
il fut connu des Grecs et des Romains. On distinguait
même le mercure natif et le mercure préparé par
l'art, fabriqué en vertu d'une distillation véritable,
que Dioscoride décrit (3). Sa liquidité, que le froid ne
modifie pas, sa mobilité extrême, qui le faisait regarder
comme vivant, son action sur les métaux, ses propriétés
corrosives et vénéneuses sont résumées par
Pline en deux mots: liquor aeternus, venenum rerum
omnium; liqueur éternelle, poison de toutes choses.
Son nom primitif est vif argent, eau argent, c'est-à-
dire argent liquide. Le métal n'a pris le nom et le
signe de Mercure, c'est-à-dire ceux du corps hermétique
par excellence, que pendant le moyen âge.
Dans les papyrus grecs de Leide, recueillis à Thèbes en Egypte, le nom du mercure se trouve associé à


(I) Ms. 2.327, fol. 17. (2) Ms. 2.325, fol. I, ligne 3; ms. 2.327, fol. 17. (3) Dioscoride, V, 110.
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232 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
diverses recettes alchimiques; précisément comme
dans nos manuscrits.


§ 12. -- Autres substances congénères des métaux.

Les minéraux bleus et verts sont les seuls qui soient inscrits en Egypte dans la liste des métaux. Cependant
il convient de faire aussi mention d'autres pierres
précieuses égyptiennes, telles que le chenem, rubis,
pierre rouge, émail ou verre rouge;
Le nesem, substance blanc clair; Le tehen, topaze, jaspe jaune, émail ou verre jaune; soufre en copte;
Le hertès, couleur blanche, quartz laiteux; peut-être aussi stuc, émail blanc et autres corps équivalents au
titanos, mot qui veut dire chaux en grec.
Ces substances, que nous rangerions aujourd'hui à côté du mafek et du chesbet, n'y figuraient cependant
pas en Egypte: ce qui manifeste encore la diversité
des conceptions des anciens, comparées aux nôtres.


13. -- Liste alchimique des métaux et de leurs dérivés.
Pour compléter ce sujet et montrer l'étendue des rapprochements faits par les premiers alchimistes, il

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LES METAUX CHEZ LES EGYPTIENS 233
convient de citer une liste des corps associés à chaque
métal (ek tôn metallicôn), la liste de ses dérivés, dirions-
nous; tous corps compris sous le signe fondamental
du métal, comme on le ferait aujourd'hui dans un
traité (I) de chimie. Cette liste paraît fort ancienne,
car elle précède immédiatement celle des mois égyptiens
dans le ms. 2.327 (fol. 280); elle comprend les
sept signes des métaux, assimilés aux sept planètes;
elle constate des rapprochements étranges.
A la vérité, le mot plomb est suivi par celui de la litharge et du claudianon (alliage de plomb et d'étain),
qui s'y rattachent directement, et le mot fer par
ceux de l'aimant et des pyrites.
Mais, d'autre part, le signe de l'étain (cassiteros) comprend en même temps le corail, toute pierre
blanche, ce qui rappelle les émaux; puis la sandaraque,
le soufre et les analogues.
Sous le signe de l'or figurent, avec ce métal, l'escarboucle, l'hyacinthe, le diamant (?), le saphir
et les corps analogues; c'est-à-dire les pierres précieuses
les plus brillantes et les plus chères.
Après le signe du cuivre (chalkos), on lit la perle, l'onyx, l'améthyste, le naphte, la poix, le sucre, l'asphalte,
le miel, la gomme ammoniaque, l'encens.
Le signe de l'émeraude comprend le jaspe, la chrysolithe, le mercure, l'ambre, l'oliban, le mastic. La place
assignée au mercure est significative. En effet, ce métal
n'apparaît pas comme chef de file dans la vieille liste
des métaux; mais il est rattaché à une rubrique antérieure,
celle de l'émeraude (chesbet), dont il semble


(I) Appendice G.
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234 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
avoir pris plus tard la place dans la notation symbolique.
Enfin le signe de l'argent embrasse le verre, la terre blanche et les choses pareilles.
Cette liste établit, je le répète, des rapprochements curieux et dont la raison avec nos idées actuelles est
difficile à expliquer. Il semble qu'il y ait là l'indice de
quelque tableau général des substances, rangées sous
un certain nombre de rubriques tirées des noms des
métaux; quelque chose comme les catalogues du blanc
et du jaune attribués à Démocrite.
Les analogies qui ont présidé à la construction de semblables classifications sont difficiles à retrouver
aujourd'hui. Cependant, rappelons-nous que l'emploi
de signes et de mots compréhensifs a toujours existé
en chimie. Ceux qui liront, dans quelques siècles,
le mot générique éther, appliqué à des corps aussi
dissemblables que l'éther ordinaire, le blanc de baleine,
les huiles, la nitroglycérine, la poudre-coton, le sucre
de cannes, sans connaître les théories destinées à grouper
tous ces corps, unis sous la définition d'une
fonction commune, n'éprouveront-ils pas aussi quelque
embarras?
Quoi qu'il en soit, on remarquera que les pierres précieuses sont jointes aux métaux dans la vieille liste
alchimique, aussi bien que dans la liste fondamentale
des anciens Egyptiens. Les noms des métaux y comprennent
en effet le plomb, l'étain, le fer, l'or, le
cuivre, l'émeraude, l'argent: c'est la même association
que celle des métaux égyptiens, d'après Lepsius

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LES METAUX CHEZ LES EGYPTIENS 235
§ 14. -- Les Laboratoires.
En quels lieux et par quels procédés préparait-on en Egypte les métaux et les substances brillantes, pierres
précieuses artificielles et vitrifications, qui étaient
assimilées aux métaux? C'est ce que nous ne savons
pas d'une manière précise. Agatharchide nous apprend,
à la vérité, quels étaient les centres d'exploitation
métallurgique (I). Mais il s'agit plutôt, dans son
récit, de l'extraction des minerais métalliques et de
leur traitement sur place, que des industries chimiques
proprement dites. Celles-ci paraissent avoir été exercées
en général au voisinage des sanctuaires de Ptah
et de Sérapis.
Les opérateurs qui s'occupaient de transmutation étaient les mêmes que ceux qui préparaient les médicaments.
L'association de ces diverses connaissances
a toujours relevé d'un même système général de théories.
Aujourd'hui encore, les mêmes savants cultivaient
à la fois la chimie minérale, science des métaux
et des verres, et la chimie organique, science des
remèdes et des teintures. En Egypte d'ailleurs, les procédés
chimiques de tout genre étaient exécutés, aussi
bien que les traitements médicaux, avec accompagnement
de formules religieuses, de prières et d'incantations,
réputées essentielles au succès des opérations
comme à la guérison des maladies. Les prêtres seuls


(I) Voir pages 23 et 36.
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236 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
pouvaient accomplir à la fois les deux ordres de cérémonies,
pratiques et magiques.
Cependant, jusqu'à présent, on n'a pas retrouvé la trace des vieux Laboratoires qui devaient être consacrés
à la fabrication des métaux, des verres et des
pierres précieuses. Le seul indice que l'on en connaisse
est dû à une observation de M. Maspéro, dont
il a bien voulu me confier le détail.
La découverte a été faite par des indigènes, à Drongah, à une demi-heure de marche au S.-S.-O. de
Siout, au pied de la montagne, dans un cimetière
musulman, établi au milieu de l'un des quartiers de
l'ancienne nécropole.
Dans une fouille faite pour chercher de l'or, et poursuivie jusqu'au sein de la roche même, on tomba
sur une sorte de puits d'éboulement; on rencontra au
fond, à une profondeur de 12 à 13 mètres, une
chambre funéraire, appartenant à une sépulture profonde
et déjà violée. Là on pénétra dans une chambre
ayant servi de Laboratoire, et dont les parois étaient
enfumées. On y trouva les objets suivants: un fourneau
en bronze; une porte en bronze, de O m 35 de
hauteur, provenant d'un four plus grand; environ cinquante
vases de bronze munis d'un bec en rigole non
fermée, chacun dans une sorte de cône tronqué, aussi
en bronze, et dont l'orifice supérieur était plus large.
Ce cône rappelle nos bains de sable; mais l'usage des
vases eux mêmes est inconnu.
Il y avait aussi plusieurs cuvettes d'albâtre; un vase arrondi, provenant de l'ancien empire, en diorite ou
jaspe vert; des cuillers en albâtre; des objets en or

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LES METAUX CHEZ LES EGYPTIENS 237
à bas titre, pesant 96 dirhems, composés de morceaux
ayant l'apparence de rubans en larges feuilles enroulées;
ainsi qu'un masque de momie, faussé et plié.
Ces objets d'or offraient l'aspect d'objets pillés et
préparés pour la fonte.
Le tout semble constituer un atelier du VIe au VIIe siècle de notre ère, ayant appartenu à un faux-
monnayeur ou à un alchimiste: c'était alors à peu
près la même chose.
Dans un coin de la chambre, on aperçut une terre grasse et noirâtre que les assistants s'empressèrent
d'emporter, disant qu'ils allaient s'en servir pour blanchir
le cuivre: en d'autres termes, ils la regardaient
comme de la poudre de projection, susceptible de
changer le cuivre en argent. On voit par ce préjugé
que la tradition secrète de l'alchimie n'est pas encore
perdue dans l'Egypte moderne.

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pict

CHAPITRE II
LA TEINTURE DES METAUX

pict INSI les Egyptiens réunissaient dans une
même liste et dans un même groupe les métaux vrais, leurs alliages et certains minéraux colorés ou brillants, les uns naturels, les autres artificiels. Les mêmes ouvriers
traitaient les uns et les autres par les procédés de
la cuisson, c'est-à-dire de la voie sèche. Les industries
du verre, des émaux, des alliages étaient très
développées en Egypte et en Assyrie, comme le montrent
les récits des anciens et l'examen des débris de
leurs monuments.
Cette assimilation entre les métaux et les pierres précieuses reposait à la fois sur les pratiques industrielles
et sur les propriétés mêmes des corps. Elle
paraît tirer son origine de l'éclat de la couleur, de
l'inaltérabilité, communes à ces diverses substances.
Les noms mêmes de certains métaux en grec et en
latin, tels que l'électros, c'est-à-dire le brillant; l'argent
appelé argyrion, c'est-à-dire le blanc, en hébreu
le pâle; le nom de l'or, qui est aussi dit le brillant en
hébreu, rappellent l'aspect sous lequel les métaux

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LA TEINTURE DES METAUX 239
rares apparaissent d'abord aux hommes et excitent
leur avidité. Dans la fusion accidentelle des minerais:
produite au moment de l'incendie des forêts:
« Ils les voyaient se solidifier à terre avec une couleur
brillante et les emportaient, séduits par leur éclat (I). »
On les trouvait aussi dans le lit des rivières, associés
aux pierres précieuses (2).
Les Egyptiens n'avaient, pas plus que les anciens en général, cette notion d'espèces définies, de corps
doués de propriétés invariables, qui caractérise la
science actuelle; une telle notion ne remonte pas au
delà du siècle présent en chimie. De là la signification
multiple et variable des noms de substances employés
dans le monde antique. Ceci étant admis, ainsi que
la possibilité d'imiter plus ou moins parfaitement
certains corps, d'après les expériences courantes sur
les matières vitreuses et les alliages, on étendait cette
possibilité à toutes, par une induction légitime en apparence.
Les extractions de la plupart des métaux et les
reproductions effectives des verres et des alliages ayant
lieu en général par l'action du feu, à la suite de pulvérisations,
fusions, calcinations, coctions plus ou


(I) Quiquid id est, quâcumque è causâ flammeus ardor Horribili sonitu silvas exederat altas Ab radicibus in terram percoxerat ignis, Manabat venis ferventibus in loca terrae Concava conveniens argenti rivus, et auri, Aeris item et plumbi; quae cum concreta videbant Posterius claro in terris splendore colore, Tollebant nitido capti..... Lucrèce. De naturâ rerum, I. V. (2) Et perlucentes cupiens prensare capillos Vorticibus mediis oculos immittet avaros. Manilius.
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240 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
moins prolongées (I) on conçoit qu'on ait essayé
d'opérer de même pour reproduire tous les métaux.
Ce n'est pas tout: l'imitation des pierres précieuses par les émaux et les verres présente des degrés fort
divers. De même, les alliages varient dans leurs propriétés
et sont plus ou moins ressemblants aux vrais
métaux. Nous avons vu qu'il en était ainsi pour l'airain,
qui a fini par devenir notre cuivre, mais qui signifiait
aussi le bronze; pour le cassiteros, qui a fini
par devenir notre étain, mais qui signifiait aussi le
laiton et les alliages plombifères.
On conçoit dès lors l'origine de cette notion des métaux imparfaits et artificiels, possédant la couleur,
la dureté, un certain nombre des propriétés des
métaux naturels parfaits, sans y atteindre complètement.
Ainsi la fabrication du bronze couleur d'or figure
dans les papyrus de Leide, aussi bien que dans nos
manuscrits. Il s'agissait de compléter ces imitations
pour faire du vrai or, du vrai argent, possédant toutes
leurs propriétés spécifiques, de l'or naturel, comme dit
Proclus (p. 48). La prétention de doubler la proportion
de l'or (ou celle de l'argent), en l'associant à un autre
métal (diplosis), par des procédés dont il est question
à la fois dans les papyrus de Leide, dans Manilius, et
dans nos manuscrits; cette prétention, dis-je, implique
l'idée que l'or et l'argent étaient des alliages, alliages
qu'il était possible de reproduire et de multiplier, en


(I) Pline:, I. XXXVII, 75. Quin immo etiam exstant commentarii auctorum, quos non equidem demonstrarim, quibus modis ex
crystallo tingantur smaragdi aliaeque translucentes, etc
Voir aussi ce que j'ai dit plus haut de Démocrite, p. 149.
@

LA TEINTURE DES METAUX 241
développant dans les mélanges une métamorphose analogue
à la fermentation et à la génération.
On croyait pouvoir en même temps, par des tours de main convenables, modifier à volonté les propriétés
de ces alliages. De telles modifications sont en effet
susceptibles de se produire dans la pratique métallurgique,
à l'aide de la trempe et par l'addition de certains
ingrédients en petites quantités, comme le montre
la fabrication des bronzes et des aciers.
Cette recherche était encouragée par des théories philosophiques plus profondes. C'est ici le lieu de
rappeler les paroles de Bacon:
« En observant toutes les qualités de l'or, on trouve qu'il est de couleur jaune, fort pesant et d'une telle
pesanteur spécifique, malléable et ductile à tel
degré, etc..., et celui qui connaîtra les formules et les
procédés nécessaires pour produire à volonté la couleur
jaune, la grande pesanteur spécifique, la ductilité,
etc.; celui qui connaîtra ensuite les moyens de
produire ces qualités à différents degrés, verra les
moyens et pourra prendre les mesures nécessaires
pour réunir ces qualités dans tel ou tel corps: d'où
résultera sa transmutation en or. »
Les Egyptiens opposent continuellement la substance naturelle et la substance produite par l'art: précisément
comme il arrive dans les synthèses de la chimie organique
de nos jours, où l'identité des deux ordres de matières
exige constamment une démonstration spéciale (I).
L'idée principale des alchimistes grecs, dans les

(I) Voir ma Chimie organique fondée sur la Synthèse, t. II, p. 778 (1860).
10
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242 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
livres qu'ils nous ont laissés, c'est de modifier les
propriétés des métaux par des traitements convenables,
pour les teindre en or et en argent; et cela, non
superficiellement à la façon des peintres, mais d'une
façon intime et complète. Ils étaient guidés dans cette
recherche par les pratiques de leur temps. Les pratiques
pour teindre les étoffes et les verres en pourpre,
pour colorer le bronze en or et pour opérer la transmutation,
sont en effet rapprochées dans les papyrus
de Leide, aussi bien que dans le pseudo-Démocrite.
Suivant les alchimistes grecs, la science sacrée comprend deux opérations fondamentales: la xanthosis,
ou art de teindre en jaune, et la leucosis ou art
de teindre en blanc; les auteurs de nos manuscrits
reviennent sans cesse sur ce sujet. Quelques-uns y
joignent même la mélanosis, ou art de teindre en noir,
et l'iosis ou art de teindre en violet. « L'art tinctorial,
dit Pélage, n'a-t-il pas été inventé pour faire une teinture
qui est le but de tout l'art (I)? »
D'après le même Pélage, les deux teintures ne diffèrent en rien, si ce n'est par la couleur; la
préparation en est la même, c'est-à-dire qu'il n'existe
qu'une pierre philosophale. « C'est l'eau à deux
couleurs, pour le blanc et pour le jaune. » Stéphanus dit
pareillement: il y a plusieurs teintures, l'une pour le
cuivre, l'autre pour l'argent, l'autre pour l'or, selon
la diversité des métaux; mais elles ne forment qu'une
espèce (2). Nous possédons sous le nom de Démocrite


(I) Ms. 2.327, fol. 223. (2) 7e Praxis, 2.327, fol. 64. -- Physici et medici graeci minores, t. II, p. 234.

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LA TEINTURE DES METAUX 243
(I), le double catalogue des espèces agissant sur
l'or et l'argent et susceptibles d'être blanchies, c'est-à-
dire teintes en argent; ou bien jaunies, c'est-à-dire
teintes en or; puis de jouer le rôle de matières tinctoriales
vis à vis des métaux.
Dans la Bibliothèque des philosophes chimiques de Salmon, ouvrage publié à la fin du XVIIe siècle et qui
représente la science des alchimistes après quinze
siècles de culture, la pierre philosophale est définie:
« la médecine universelle pour tous les métaux imparfaits,
qui fixe ce qu'ils ont de volatil, purifie ce qu'ils
ont d'impur, et leur donne une teinture et un éclat plus
brillants que dans la nature ».
Cette idée d'une teinture, d'un principe colorant, d'une poudre de projection (xerion) douée d'un pouvoir
tinctorial considérable, était conforme en effet
aux analogies tirées de la teinture des étoffes, de celle
des émaux et matières vitreuses.
« La pourpre royale est extraite de l'orcanette (anchusa) et de l'orseille (phycos). On teint en jaune,
après avoir teint en blanc, dans la teinture de l'or, de
la soie, des peaux. Avant de teindre en pourpre, il faut
blanchir d'abord (2). » On voit comment les alchimistes
étaient à la fois guidés et égarés par les comparaisons
empruntées aux fabrications industrielles.
De même une trace de cuivre, c'est-à-dire une seule et même matière colorante, peut teindre le verre
en bleu ou en vert, suivant la nature des compositions et
d'après des recettes déjà connues des anciens.


(I) Ms. 2.327, fol. 118. (2) Ms. 2.249, fol. 15.
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244 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Ils trouvaient une confirmation de ces idées dans certaines observations des alchimistes, relatives à la
teinture des métaux (I); car il est, disent-ils, des agents
qui blanchissent Vénus (tel le mercure qui blanchit le
cuivre); mais c'est là une teinture imparfaite et qui ne
résiste pas au feu. D'autres agents (le soufre, l'arsenic
et leurs composés) jaunissent la Lune, c'est-à-dire l'argent;
mais c'est encore là une imitation imparfaite.
On distinguait donc pour les métaux, comme pour les étoffes et les verres, les procédés propres à les
teindre à fond et les procédés propres à les teindre
superficiellement. Ainsi pour dorer le cuivre ou l'argent
(2), c'est-à-dire pour teindre ces métaux à la
surface, on employait la dorure par amalgamation, déjà
connue de Vitruve; ou bien on opérait au moyen d'un
alliage d'or et de plomb. Au contraire, les procédés
pour teindre les métaux à fond, dans leur masse et leur
essence intime en quelque sorte (3), procédés congénères
de la formation des alliages, tels que le bronze
et le laiton, étaient réputés plus mystérieux.
Le nom même d'orpiment (auri pigmentum), qui désigne aujourd'hui le sulfure d'arsenic, mais qui avait
une signification plus confuse pour les anciens, rappelle
la teinture de l'or.
Ces analogies expliquent également pourquoi Démocrite, auteur d'ouvrages sur la teinture des verres et
sur la teinture en pourpre, a été regardé plus tard
comme l'inventeur de la teinture des métaux. Parmi


(I) Démocrite, Physica et Mystica, ms. 2.327, fol. 28. (2) Ms. 2.327, fol. 282 à 285. (3) Voir le Pseudo-Démocrite, ms. 2.327, fol. 28.
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LA TEINTURE DES METAUX 245
les ouvrages que nous possédons, les mêmes traités
s'occupent à la fois de la teinture des métaux, de celle
des verres et de celle des étoffes (p. 12, 93, 123).
On voit comment l'idée de la fabrication même des métaux et celle de la transmutation ont découlé des
industries et des idées égyptiennes, relatives à la préparation
des métaux, des alliages, des émaux, des verres
et des étoffes colorées.
C'est même là ce qu'il y ait de plus clair dans les descriptions techniques des manuscrits. Ce n'en est pas
moins une chose étrange et difficile à comprendre
aujourd'hui qu'un tel mélange de recettes réelles et positives,
pour la préparation des alliages et des vitrifications,
et de procédés chimériques, pour la transmutation
des métaux. Les uns et les autres sont exposés
au même titre et souvent avec la même naïveté,
dépouillée de tout attirail charlatanesque, dans les
papyrus de Leide et dans certaines parties de nos
manuscrits. Si les fourbes et les imposteurs ont souvent
exploité ces croyances, il n'en est pas moins certain
qu'elles étaient sincères chez la plupart des adeptes.
Ici s'élève une question singulière. Comment cette expérience qui prétendait à un résultat positif et tangible et qui échouait toujours, en définitive,
a-t-elle pu rencontrer une foi si persistante et si
prolongée? C'est ce que l'on s'expliquerait difficilement,
si l'on ne savait avec quelle promptitude l'esprit
humain embrasse tout préjugé qui flatte ses espérances
de puissance ou de richesse, et avec quelle ardeur
crédule il y demeure obstinément attaché. Les prestiges
de la magie, les prédictions de l'astrologie, associées de

@

246 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
tout temps à l'alchimie, ne sont pas moins chimériques.
Cependant ce n'est que de nos jours et en Occident
seulement qu'elles ont perdu leur autorité aux
yeux des esprits cultivés. Encore les spirites et les
magnétiseurs sont-ils nombreux, même en Europe.
Les succès de l'alchimie et sa persistance se rattachent aussi à des causes plus philosophiques. En
effet l'alchimie ne consistait pas seulement dans un
certain ensemble de recettes destinées à enrichir les
hommes; mais les savants qui l'avaient cultivée, au
temps des Alexandrins, avaient essayé d'en faire une
science véritable et de la rattacher au système général
des connaissances de leur temps. Il convient donc
maintenant de s'élever plus haut et d'examiner les
théories par lesquelles les alchimistes justifiaient leurs
procédés et dirigeaient leurs expériences. Ces théories
sont d'ordre métaphysique: elles sont liées de la façon
la plus intime avec les idées des anciens sur la nature et
sur la matière.


pict
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LIVRE QUATRIEME
LES THEORIES -----
CHAPITRE PREMIER

THEORIES GRECQUES
§ 1. -- Introduction.
pict 'ALCHIMIE n'est pas sortie uniquement et
sans mélange du monde égyptien. C'est après la fusion de la civilisation grecque et de la civilisation égyptienne, à Alexandrie, et au moment de leur dissolution finale, que nous
voyons apparaître les premiers écrits alchimiques. On
y trouve un étrange amalgame de notions d'origine
diverse. A côté de descriptions et de préceptes purement

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248 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
empiriques, empruntés à la pratique des industries
chimiques dans l'antiquité, à côté des imaginations
mystiques, d'origine orientale et gnostique, que
nous avons rapportées, on y rencontre tout un corps de
doctrines philosophiques, issues des philosophes grecs,
et qui constituent à proprement parler la théorie de la
nouvelle science. Le double aspect à la fois positif et
mystique de la chimie, la signification profonde des
transformations dont elle étudie les lois, se montrent ici
tout d'abord. Ces rapprochements philosophiques ne
sont pas arbitraires; on y est conduit par le texte même
des alchimistes grecs. Non seulement ils se rattachent
à Démocrite, en vertu d'une tradition suspecte;
mais Zosime est un gnostique, imprégné des idées de
Platon dont il avait écrit la vie. Les premiers auteurs
dont les noms se retrouvent dans l'histoire de leur
temps, tels que Synésius, Olympiodore, Stéphanus,
sont des philosophes proprement dits, appartenant
à l'école néoplatonicienne. Olympiodore et Stéphanus
citent les pythagoriciens, l'école ionienne et l'école
éléate, écoles qu'ils connaissaient fort bien. Leurs
scoliastes, le Philosophe Chrétien et l'Anonyme
commentent les mêmes sources. Les idées de ces
premiers alchimistes ont passé depuis aux Arabes,
puis aux Occidentaux; or, je le répète, elles se rattachent
par des liens incontestables à celles de l'école
ionienne et surtout aux idées de Platon; je donnerai
tout à l'heure sur ces deux points des preuves démonstratives.
Citons dès à présent la lettre écrite au XIe siècle par Michel Psellus au patriarche Xiphilin, laquelle

@

THEORIES GRECQUES 249
sert en quelque sorte de préface au recueil des alchimistes
grecs (I): « Tu veux que je te fasse connaître
cet art qui réside dans le feu et les fourneaux et qui
expose la destruction des matières et la transmutation
des natures. Quelques-uns croient que c'est là une
connaissance d'initié, tenue secrète, qu'ils n'ont pas
tenté de ramener à une forme rationnelle; ce que je
regarde comme une énormité. Pour moi, j'ai cherché
d'abord à connaître les causes et à en tirer une explication
rationnelle des faits. Je l'ai cherchée dans la
nature des quatre éléments, dont tout vient par combinaison
et en qui tout retourne par dissolution...
J'ai vu dans ma jeunesse la racine d'un chêne changée
en pierre, en conservant ses fibres et toute sa
structure, participant ainsi des deux natures », c'est-à-
dire du bois et de la pierre. Ce que Psellus
attribue à l'effet de la foudre. Puis il cite, d'après
Strabon, les propriétés d'une fontaine incrustante
qui reproduisait les formes des objets immergés.
« Ainsi les changements de nature peuvent se faire
naturellement, non en vertu d'une incantation ou d'un
miracle, ou d'une formule secrète. Il y a un art de la
transmutation. J'ai voulu t'en exposer tous les préceptes
et toutes les opérations. La condensation et la
raréfaction des matières, leur coloration et leur altération:
ce qui liquéfie le verre, comment l'on fabrique
le rubis, l'émeraude; quel procédé naturel amollit
toutes les pierres: comment la perle se dissout et s'en
va en eau; comment elle se coagule et se forme en
sphère; quel est le procédé pour la blanchir; j'ai voulu


(I) Ms. 2.327.
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250 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
réduire tout cela aux préceptes de l'art. Mais comme
tu ne permets pas que nous nous arrêtions à des choses
superflues, tu veux que je me borne à expliquer
par quelles matières et à l'aide de quelle science on
peut faire de l'or. Tu en veux connaître le secret, non
pour avoir de grands trésors, mais pour pénétrer dans
les secrets de la nature; pareil aux anciens philosophes,
dont le prince est Platon. Il a voyagé en
Egypte, en Sicile, dans les diverses parties de la Libye,
pour voir le feu de l'Etna et les bouches du Nil et la
pyramide sans ombre et les cavernes souterraines,
dont la raison fut enseignée aux initiés... Nous te
révélerons toute la sagesse de Démocrite d'Abdère,
nous ne laisserons rien dans le sanctuaire. »
Ce que les théologiens, (c'est-à-dire les philosophes purs), entendent des choses divines, les physiciens
c'est-à-dire les philosophes naturalistes), l'entendent
de la matière, dit l'un de nos auteurs alchimiques
(I). C'est l'éternelle lutte des métaphysiciens
contre les philosophes de la nature: ils parlent souvent
le même langage en apparence et emploient les
mêmes symboles, mais avec une signification bien différente
(2). Ainsi l'alchimie était pour ses adeptes une
science positive et une philosophie; elle s'appuyait
sur les doctrines des sages de la Grèce.
Précisons cette filiation.

(I) Ms. 2.327. fol. 204. (2) Voir Plotin, Ennéade 2e; I. IX.
@

THEORIES GRECQUES 251
§ 2. -- Les premiers philosophes naturalistes.
Thalès de Milet (vers 600 avant J.-C.) et l'Ecole ionienne à sa suite dégagèrent les premiers la conception
scientifique de la nature, du langage mythique,
sous lequel elle était enveloppée par le symbolisme religieux
de l'Orient. D'après Thalès, qui semble avoir tiré
ses opinions des mythes babyloniens, l'eau est la matière
première dont tout est sorti.
Anaximène (VIe siècle avant l'ère chrétienne), guidé par une première vue des phénomènes généraux
de la nature, soutient de son côté que l'air est le
principe des choses: raréfié, il devient du feu; condensé,
il forme successivement les nuages, l'eau, la
terre, les pierres (I).
A ces notions un peu vagues, tirées d'une première vue de la nature, succèdent des aperçus plus profonds.
Parménide et les Eléates, cités par Zosime et suivis par
Chymès (2), admettent la permanence de la substance
primordiale. Tout se réduit à une essence unique, éternelle,
immobile. Les alchimistes disent de même: le
tout vient du tout, voilà toute la composition (3). C'est
ce qu'expriment plus fortement encore les axiomes mystiques
inscrits dans les cercles concentriques du serpent:


(I) Zeller. La Philosophie des Grecs, L. I. Trad. Boutroux, 1877. Aristote, Métaphysique, I, 3, et De Coelo, III.
(2) Ms 2.327, fol. 204 (3) Τὸ πὰν ἐκ του̑ παντὸς τὸ ὄλον σύνθεμα, ms. 2.327, fol. 64 V°.
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252 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
« Un est le tout, par lui le tout est; si le tout ne
contient pas le tout, il n'est pas le tout » (p. 59 et 61).
Héraclite (vers l'an 500) est frappé, au contraire, par l'aspect du changement nécessaire des choses. Le feu
se change en eau par condensation; et l'eau en terre;
la terre de son côté redevient liquide, et celle-ci évaporée
reproduit le feu, etc. Ainsi jamais rien ne subsiste
en sa forme. Rien ne demeure, tout devient et se
transforme, tout est créé continuellement par les forces
agissantes dans l'écoulement des phénomènes. L'apparence
de la persistance tient à ce que les parties qui
s'écoulent d'un côté sont remplacées de l'autre par l'afflux
d'autres parties dans la même proportion. Ce qui
vit et se meut dans la nature, c'est le feu, l'âme ou
souffle, principe mobile et perpétuellement changeant,
substance première des choses.
Ces idées ressemblent étrangement à celles qui servent aujourd'hui de fondement à nos théories physiques
sur l'échange incessant des éléments dans leurs
composés, sur la transformation des forces et sur
la théorie mécanique de la chaleur.
Empédocle (au milieu du Ve siècle avant J.-C.) précise davantage et cherche à concilier la permanence des
substances avec le changement perpétuel des apparences.
Ce qui nous apparaît comme le commencement ou
la fin d'un être n'est qu'une illusion; en réalité, il n'y a
rien que mélange, réunion, combinaison, opposés à la
séparation, à la décomposition. Les éléments dont
toutes choses sont composées consistent dans quatre
substances différentes, incréées et impérissables: la
terre, l'eau, l'air et le feu. Empédocle est le fondateur

@

THEORIES GRECQUES 253
de la doctrine des quatre éléments, déjà entrevue par
ses prédécesseurs, mais à laquelle il a donné sa formule
définitive. Cette doctrine a présidé à toute la
chimie jusqu'à la fin du siècle dernier.
Les quatre éléments répondent en effet aux apparences et aux états généraux de la matière. La terre est le
symbole et le support de l'état solide et de la sécheresse.
L'eau, obtenue soit par fusion ignée, soit par
dissolution, est le symbole et le support de la liquidité
et même du froid. L'air est le symbole et le support de
la volatilité et de l'état gazeux. Le feu, plus subtil
encore, répond à la fois à la notion substantielle du
fluide éthéré, support symbolique de la lumière, de la
chaleur, de l'électricité, et à la notion phénoménale
du mouvement des dernières particules des corps.
C'étaient donc là, pour Empédocle et ses successeurs,
les éléments de toutes choses. Ainsi Aristote nous
dit: « La chair, le bois renferment de la terre et du
feu en puissance, que l'on peut en séparer (I) ».
Les alchimistes désignaient les quatre éléments par un seul mot: la tetrasomia, laquelle représentait la matière
des corps (2). Ils rangeaient ces derniers en plusieurs
classes ou catégories, selon qu'ils participent plus ou
moins de l'un des éléments. Au feu se rattachent les
métaux et ce qui résulte de l'art de la coction (voie
ignée); à l'air, les animaux qui y vivent; à l'eau, les
poissons; à la terre, les plantes, etc. (3). L'établissement
des catalogues de ces quatre classes était attribué à


(I) De Coelo, I. III, ch. XXXVII. (2) Ms. 2.327, fol. 250. (3) Ms. 2.250, fol. 37.
@

254 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Démocrite, affirmation qui n'a rien d'invraisemblable.
Ces idées rappellent celles de Stahl et de ses contemporains
sur le phlogistique et sur les corps qui
s'y rattachent, tels que les métaux et les combustibles.
Pour préciser davantage, il m'a paru utile de traduire in extenso le passage dans lequel Olympiodore
s'en réfère formellement aux conceptions des premières
écoles grecques et les met en parallèle avec les théories
des alchimistes.
« Le feu est le premier agent (I), celui de l'art tout entier. C'est le premier des quatre éléments. En effet le
langage énigmatique des anciens sur les quatre éléments
se rapporte à l'art. Que ta vertu examine avec
soin les quatre livres de Démocrite sur les quatre éléments;
il s'agit de physique.
« Il parle tantôt du feu doux, tantôt du feu violent et du charbon et de tout ce qui a besoin de feu;
« Puis de l'air, de tout ce qui dérive de l'air, des animaux qui vivent dans l'air;
« Pareillement des eaux, de la bile des poissons, de tout ce qui se prépare avec les poissons et l'eau;
« De même il parle de la terre et de ce qui s'y rattache, les sels, les métaux, les plantes.
« Il sépare et classe chacun de ces objets, d'après la couleur, les caractères spécifiques et sexuels, mâle ou
femelle.
« Sachant cela, tous les anciens voilèrent l'art sous la multiplicité des paroles. L'art en effet a complètement
besoin de ces données; en dehors d'elles rien de


(I) Ms. de saint Marc, fol. 166 V° et suivants.
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THEORIES GRECQUES 255
sûr. Démocrite le dit, on ne pourra rien constituer de
solide sans elles. Sache donc que selon ma force j'ai
écrit, étant faible non seulement par le discours, mais
aussi par l'esprit; et je demande que par vos prières
vous empêchiez que la justice divine ne s'irrite contre
moi pour avoir eu l'audace d'écrire cet ouvrage, et
qu'elle me soit propice de toute manière.
« Les écrits des Egyptiens, leurs poésies, leurs doctrines, les oracles des Démons, les expositions des
prophètes traitent du même sujet.....
« Eprouve maintenant ta sagacité. On a employé plusieurs noms pour l'eau divine. Cette eau divine
désigne ce que l'on cherche et l'on a caché l'objet de la
recherche sous le nom d'eau divine. Je vais te montrer
un petit raisonnement, écoute, (toi qui es) en possession
de toute vertu; car je connais le flambeau de ta
pensée et le bien tutélaire; je veux placer devant tes
yeux l'esprit des anciens. Philosophes, ils en tiennent
le langage et ils sont venus à l'art par la sagesse, sans
voiler en rien la philosophie; ils ont tous écrit clairement.
En quoi ils ont manqué à leur serment, car leurs
écrits traitent de la doctrine et non des oeuvres pratiques.
« Quelques-uns des philosophes naturalistes rapportent aux principes le raisonnement sur les éléments,
attendu que les principes sont quelque chose de plus
général que les éléments. En effet au principe premier
se ramène tout l'ensemble de l'art. Ainsi Agathodémon,
ayant placé le principe dans la fin et la fin
dans le principe, veut que ce soit le serpent Ouroboros...
Cela est évident, ô initié...
« Agathodémon, quel est-il? les uns croient que
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256 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
c'est un ancien, un des plus vieux personnages qui se
sont occupés de philosophie en Egypte; d'autres disent
que c'est un ange mystérieux, bon génie de l'Egypte;
d'autres l'ont appelé le ciel, et peut-être dit-on ceci
parce que le serpent est l'image du monde. En effet
certains hiérogrammates égyptiens, voulant retracer le
monde sur les obélisques, ou l'exprimer en caractères
sacrés, dessinent le serpent Ouroboros; son corps est
constellé d'astres. C'est, m'a-t-on dit, parce qu'il est le
principe. Telle est l'opinion exposée dans le livre de
la chimie, où l'on en retrace la figure (I).
« Je cherche maintenant comment il se fait que le principe soit chose plus universelle que les éléments.
Disons ce qui est pour nous un élément et en même
temps ce qu'est le principe.
« Les quatre éléments sont le principe des corps, mais tout principe n'est pas pour cela un élément.
En effet le divin (2), l'oeuf (3), l'intermédiaire, les
atomes sont pour certains (philosophes) les principes
des choses; mais ce ne sont pas des éléments.
« Cherchons donc, d'après certains signes, quel est le principe des choses, s'il est un ou multiple. S'il est
unique, est-il immobile, infini, ou déterminé? S'il y a
plusieurs principes, les mêmes questions se posent:
sont-ils immobiles, déterminés, infinis?
« Les anciens ont admis un principe de tous les êtres unique, immobile et infini. Thalès de Milet parle


(I) On voit de même l'image du serpent dans le manuscrit 2.327, fol. 196 et fol. 279. C'est là une vieille tradition. Voir p. 59 à 63.
(2) Il y a là une équivoque volontaire, le même mot signifiant le soufre. De même l'eau divine veut dire aussi l'eau dérivée du soufre.
(3) L'oeuf philosophique, emblème du monde et de l'alchimie.
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THEORIES GRECQUES 257
de l'oeuf (I) -- il s'agit de l'eau divine et de l'or; -- c'est
un principe un, beau, immobile; il est exempt de tout
mouvement apparent; il est de plus infini, doué de
puissance infinie et nul ne peut dénombrer ses puissances.
« Parménide prend aussi pour principe le divin, principe unique, immobile, à puissance déterminée;
il est, dit-il, un, immobile, et l'énergie qui en dérive
est déterminée.
« On remarque que Thalès de Milet, considérant l'existence du Dieu, le dit infini et doué de puissance
infinie. Dieu est doué en effet d'une puissance infinie.
Parménide dit que pour ses productions le Dieu n'a
qu'une puissance déterminée; partout en effet il est
évident que ce que Dieu produit répond à une puissance
limitée. Les (choses) périssables répondent à une
puissance limitée, à l'exception des choses intellectuelles.
« Ces deux hommes, je veux dire Thalès de Milet et Parménide, Aristote semble les rejeter du choeur des
physiciens (2). En effet ce sont des théologiens, s'occupant
de questions étrangères à la physique et s'attachant
à l'immobile; tandis que toutes les choses physiques
se meuvent. La nature est le principe du mouvement
et du repos.
« Thalès a admis l'eau comme principe unique, déterminé des choses, parce qu'elle est féconde et
plastique. Elle est féconde, puisqu'elle donne naissance


(I) Il y a ici une confusion, peut-être voulue, entre l'oeuf philosophique (ὠὸν) et l'être (ὅν); le manuscrit 2.350 donne d'ailleurs ὅν.
(2) C'est-à-dire des philosophes naturalistes. 17
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258 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
aux poissons; et plastique, puisqu'on peut lui communiquer
la forme qu'on veut: dans quelque vase qu'on
la mette, elle en prend la forme, que le vase soit poli,
en terre cuite, triangulaire ou quadrangulaire, ou ce
que tu voudras. Ce principe (unique) est mobile; l'eau
se meut en effet, elle est déterminée et non pas éternelle.
« Diogène soutint que le principe est l'air, parce qu'il est riche et fécond; car il engendre les oiseaux.
L'air, lui aussi, se montre plastique; on lui donne la
forme qu'on veut. Mais il est un, mobile et non éternel.
« Héraclite et Hippasus ont soutenu que le feu est le principe de tous les êtres, parce qu'il est l'élément
actif de toutes choses. Un principe doit en effet être
la source de l'activité des choses issues de lui.
Comme quelques-uns le disent, le feu est aussi fécond;
car les animaux naissent dans l'échauffement.
« Quant à la terre, nul n'en a fait le principe, sinon Xénophane de Colophon. Comme elle n'est pas féconde,
nul n'en a fait un élément. Et que celui qui est
en possession de toute vertu (I) remarque que la terre
n'est pas signalée comme un élément par les philosophes,
parce qu'elle n'est pas féconde. Ceci se rapporte
à notre recherche. En effet, Hermès associe
l'idée de la terre à celle de la vierge non fécondée.
« Anaximène professe que le principe des choses, infini et mobile, est l'air. Il parle ainsi: l'air est voisin
de l'incorporel et nous jouissons de son effluve; il faut
qu'il soit infini pour produire, sans jamais rien perdre.
« Anaximandre dit que le principe est l'intermédiaire;

(I) C'est-à-dire son interlocuteur.
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THEORIES GRECQUES 259
ce qui désigne les vapeurs humides (I) et les
fumées (2). La vapeur humide est intermédiaire entre
le feu et la terre; c'est, en un mot, l'intermédiaire
entre le chaud et l'humide. La fumée est intermédiaire
entre le chaud et le sec.
« Venons à l'opinion de chacun des anciens et voyons comment chacun veut diriger à son point de vue son
enseignement. Çà et là quelque omission a eu lieu, par
suite de la complication des discours.
« Récapitulons par parties et montrons comment nos philosophes (alchimiques), empruntant à ceux-là (3)
le point de départ, ont construit notre art de la nature.
« Zosime, la couronne des philosophes, dont le langage a l'abondance de l'Océan, le nouveau devin, suivant
en général Mélissus sur l'art, dit que l'art est un,
comme Dieu. C'est ce qu'il expose à Théosèbie en
d'innombrables endroits et son langage est véridique.
Voulant nous affranchir des faux raisonnements et
de toute la matière, il nous exhorte à chercher notre
refuge dans le Dieu un. Il parle ainsi à cette femme philosophe:
Assieds-toi là, reconnaissant que Dieu est
unique et l'art unique, et ne va pas errer en cherchant
un autre dieu; car Dieu viendra près de toi, lui qui est
partout, et non confiné dans le lieu le plus bas, comme
le démon. Repose ton corps et calme tes passions; tu
appelleras alors à toi le divin, et l'essence divine partout
répandue viendra à toi. Quand tu te connaîtras
toi-même, tu connaîtras aussi l'essence du Dieu unique.


(I) Ατμος. (2) Καπνος. (3) Les Ioniens et les autres Grecs.
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260 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Agissant ainsi, tu atteindras la vérité et la nature, méprisant la matière.
« De même Chymès suit Parménide, et dit « un est le tout; par lequel le tout est; car s'il ne contenait pas
le tout, le tout ne serait rien. »
« Les théologiens (I) parlent sur les questions divines, comme les physiciens (2) sur la matière.
« Agathodémon, tourné vers Anaximène, voit l'absolu dans l'air. Anaximandre a dit que cet absolu était
l'intermédiaire, c'est-à-dire la vapeur humide et la fumée.
Pour Agathodémon c'est tout-à-fait la vapeur sublimée
(3). Zosime et la plupart des autres ont suivi cette
opinion, lorsqu'ils ont fait la philosophie de notre art.
« Hermès aussi parle de la fumée, à propos de la magnésie. Sépare-les dit-il, en face du fourneau.....
La fumée des « Kobathia » étant blanche, blanchit les
corps (métaux). La fumée (καπνος est intermédiaire
entre le chaud et le sec, et ici se place la vapeur sublimée
(αιθαλη) et tout ce qui en résulte. La vapeur
humide (ατμος) est intermédiaire entre le chaud et l'humide;
elle désigne les vapeurs sublimées humides,
celles que distillent les alambics et les analogues. »
Telles étaient les idées des alchimistes sur la constitution de la matière. Mais leurs opinions variaient,
aussi bien que celles des philosophes grecs, sur le
rôle naturel et les transformations réciproques des
éléments (4).


(I) Les philosophes qui s'occupent de Dieu. (2) Les philosophes qui s'occupent de la nature. (3) Αιθαλη; Ce mot s'applique particulièrement au mercure à l'état de volatilisation.
(4) Aristote, Métaphysique, 1. I.
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THEORIES GRECQUES 261
Empédocle, nous l'avons dit, regardait les éléments comme subsistant par eux-mêmes. Leurs mélanges et
leurs séparations donnent lieu à tous les corps naturels;
mais eux-mêmes ne deviennent pas, c'est-à-dire
qu'ils ne sont pas susceptibles d'être formés.
Au contraire, d'autres philosophes imaginent, conformément aux idées des Ioniens, que les éléments se
changent les uns dans les autres: « Joignant l'air au
feu, la terre à l'eau, ils admettent d'abord que le feu se
change en air, celui-ci en eau, l'eau en terre; et tous
les éléments, par une marche inverse, résultent à
leur tour de la terre ».

Et primum faciunt ignem se vertere in auras Aeris, hinc imbrem gigni, terramque creari Ex imbri, retroque à terrâ cuncta reverti. Lucrèce: I, 783.
Ces notions générales prennent dans les Pythagoriciens une forme en apparence plus précise. En effet,
à ces aperçus un peu vagues, ils opposent des conceptions
mathématiques et géométriques.
Ils dérivent tout de l'unité, envisagée comme génératrice des nombres, c'est-à-dire des êtres. Zosime et
les alchimistes (I) expriment par les mêmes formules
la parfaite fabrication de la poudre de projection.
Les combinaisons numériques étaient complétées, de même que dans nos sciences modernes, par la géométrie.


(I) Πάντα γάρ ἐκ μόναδος προέρχεται, καὶ εἰς μόναδα καταλήγειν, τὴν γενικὴν πρω̑τον εἰπὼν μοναδα εἰς τὸ κατάριθμον ἐληξεν τὴν τελείωσιν
του̑ ξημίου σημάνας.

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262 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
En effet, d'après Philolaüs (vers 450 avant
J.-C.), la terre est constituée par le cube, le feu par le
tétraèdre, l'air par l'octaèdre, l'eau par l'icosaèdre,
et le cinquième élément, qui comprend les autres et
qui en est le lien, par la dodécaèdre. Le cinquième
élément semble reparaître dans Aristote, quoique d'une
façon plus contestable. Stéphanus en parle aussi, et
il est devenu au moyen âge l'origine de la quintessence
des alchimistes.
Platon reproduit toutes ces idées des Pythagoriciens, et nous les trouvons exposées en détail dans
Stéphanus d'Alexandrie. Elles rappellent nos conceptions
actuelles sur la structure des corps: structure
cristalline, qui est un fait positif; structure atomique,
qui est une fiction représentative.
L'esprit humain a besoin de créer à ses conceptions une base immuable et sensible (I), cette base fut-elle
purement fictive. Les éléments mobiles et transformables
d'Héraclite, étaient déjà devenus les éléments
fixes d'Empédocle, et ceux-ci avaient pris une forme
figurée et visible, aux yeux des Pythagoriciens.
Voici comment l'esprit grec fut conduit aux doctrines des atomistes, Leucippe et Démocrite (fin du Ve et
commencement du IVe siècle avant notre ère). D'après
ceux-ci, l'être consiste dans un nombre infini de petits
corpuscules ou atomes, indestructibles et insécables,
qui se meuvent dans le vide. Ils constituent la matière
en soi, la substance multiple qui remplit l'espace. Les


(I) Immutabile enim quiddam superare necesse est Ne res ad nilum redigantur funditus omnes. Lucrèce, 1, 790.
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THEORIES GRECQUES 263
atomes se distinguent entre eux par leur forme, par leur
grandeur, leur ordre, leur situation. Les combinaisons
des atomes et leur séparation sont la cause de la production
et de la destruction. « Les mêmes éléments
constituent le ciel, la mer, les terres, les fleuves, le
soleil; les mêmes atomes constituent aussi les fruits
de la terre, les arbres, les animaux; mais ils se meuvent
et se mélangent entre eux de diverses manières
(I). « Leurs arrangements divers, leurs mouvements,
leurs permutations constituent toutes choses.
Ce sont les atomes qui sont les principes des éléments:
le feu est formé d'atomes ronds et petits; tandis que
que les autres éléments sont un mélange d'atomes de
diverses espèces et de différentes grandeurs. La
théorie atomique, adoptée plus tard par les Epicuriens,
est venue jusqu'à nous, et elle est encore professée
aujourd'hui par la plupart des chimistes. Il semble donc
que ce soit par une sorte d'affinité naturelle que les
alchimistes aient rapporté leurs origines à Démocrite.
Cependant, en fait, c'est l'expérimentateur et le magicien, plutôt que le philosophe théoricien, qui est visé
par eux. En effet, dans les écrits des alchimistes grecs,
comme dans ceux du moyen âge, il n'est pas question
de la théorie atomique, contrairement à ce que l'on
aurait pu croire. Le nom même d'atome n'est pour
ainsi dire jamais prononcé par eux (2), et en tout cas,


(I) Lucrèce, De natura rerum, I, 820. (2) Je ne le trouve qu'en deux endroits, l'un d'Olympiodore: manuscrit saint Marc, fol. 167 V°; mais il y a doute, car dans le ms. 2.327,
fol. 202, au lieu de τὰ ἄτομα, on lit τὸ ἅμα, qui fait peut-être mieux
pendant à τὸ μεταξὺ qui précède; l'autre passage est de Stéphanus,
manuscrit 2.327, fol. 56 et Ideler, t. II, p. 222.

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264 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
jamais commenté. On sait d'ailleurs que les doctrines
épicuriennes et stoïciennes, qui ont joué un si grand
rôle à Rome, sont presque ignorées à Alexandrie. C'est
à l'Ecole Ionienne, aux Pythagoriciens et surtout à
Platon, que les alchimistes se rattachent, par une tradition
constante et par des théories expresses; théories qui
sont venues jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.


§ 3. -- Les Platoniciens. -- Le Timée.
Les théories des alchimistes ont un caractère étrange; elles s'écartent tellement de nos idées actuelles,
qu'elles ne peuvent guère être comprises, à moins de
remonter à leurs origines et aux conceptions de leurs
contemporains. Or, ceux-ci ne sont autres que les
Alexandrins et les néoplatoniciens, vers le temps de
Dioclétien et de Théodose, c'est-à-dire vers les IIIe et
IVe siècles, ainsi que je l'ai établi plus haut. C'est donc
aux idées que les philosophes se faisaient de la matière
à cette époque, idées dérivées de celles de Platon,
qu'il convient de nous reporter.
Les opinions des alchimistes grecs ont une affinité singulièrement frappante avec celles que Platon
exprime dans le Timée; il est facile de le vérifier,
en comparant les théories de Platon avec celles de
Zosime, de Synésius, et surtout de Stéphanus d'Alexandrie.
D'après Platon (I), il convient de distinguer d'abord

(I) Timée, traduction de H. Martin, t. I.

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THEORIES GRECQUES 265
la matière première. « La chose qui reçoit tous les
corps ne sort jamais de sa propre matière; elle est le
fonds commun de toutes les matières différentes, étant
dépourvue de toutes les formes qu'elle doit recevoir
d'ailleurs. » Il l'a comparée aux liquides inodores,
destinés à servir de véhicule aux parfums divers. Elle
n'est par elle-même ni terre, ni air, ni feu, ni eau, ni
corps né de ces éléments. Cette matière première reçoit
ainsi les formes des quatre éléments, avec lesquels
Dieu compose le monde (I). Il la compose avec le feu,
sans lequel rien de visible ne peut jamais exister; avec
la terre, sans laquelle il ne peut y avoir rien de solide
et de tangible; entre deux et pour les lier, il a placé
l'eau et l'air. Ces éléments ont eux-mêmes une forme
géométrique, qui ne leur permet de s'assembler entre
eux que suivant certains rapports. Platon reproduit ici
les énoncés de Philolaüs, d'après lequel la terre est le
cube, l'eau l'icosaèdre, l'air l'octaèdre. Les corpuscules
du feu sont les plus petits, les plus aigus, les plus mobiles,
les plus légers. Ceux de l'air le sont moins; ceux
de l'eau, moins encore.
Nous verrons tout à l'heure Stéphanus, au VIIe siècle de notre ère, revenir sur ces idées; on en retrouve
encore le reflet dans les imaginations des chimistes du
XVIIe siècle sur les causes de la combinaison des acides
avec les alcalis. Les théories de l'école atomiste, même
de nos jours, invoquent des représentations géométriques
analogues.
Les éléments de Platon semblent pouvoir être changés les uns dans les autres. En effet, dit encore Platon


(I) Loco citato, p. 91. Voir aussi Aristote, De Coelo, I. III, ch. VII.
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266 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
(I), « nous croyons voir que l'eau se condensant
devient pierre et terre; en se fondant et se divisant,
elle devient vent et air; l'air enflammé devient du feu;
le feu condensé et éteint reprend la forme d'air; l'air
épaissi se change en brouillard, puis s'écoule en eau;
de l'eau se forment la terre et les pierres. »
Les quatre éléments s'engendrent d'ailleurs périodiquement (2). Ceci vient sans doute de ce qu'il faut
voir là seulement les manifestations diverses de la
matière première. Platon ne le dit pas expressément;
mais Proclus, dans son commentaire sur le Timée,
explique que « les choses ne pouvant jamais conserver
une nature propre, qui oserait affirmer que
l'une d'elles est telle plutôt que telle autre? »
C'est en conformité avec ces idées que Geber, le maître des alchimistes arabes au VIIIe siècle, expose
que l'on ne saurait opérer la transmutation des métaux,
à moins de les réduire à leur matière première.
Les éléments ou corps primitifs de Platon sont répandus dans les corps naturels, sans qu'aucun de
ceux-ci réponde exactement à tel ou tel élément.
« Nous donnerons le nom de feu à l'apparence du feu
répandue dans toutes sortes d'objets; de même le nom
l'eau, etc. Quand nous voyons quelque chose qui passe
sans cesse d'un état à l'autre, le feu par exemple, nous
ne devons pas dire que cela est du feu, mais qu'une
telle apparence est celle du feu; ni que cela est de l'eau,
mais qu'une telle apparence est celle de l'eau... Si
quelqu'un formait en or toutes les figures imaginables,


(I) Timée, p. 133, trad. de H. Martin. (2) Timée, trad. de H. Martin, P. 132.
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THEORIES GRECQUES 267
ne cessait de changer chacune d'elles dans toutes les
autres et, en montrant une de ces formes, demandait
ce que c'est, la réponse la plus sure serait que c'est de
l'or. Il en est de même de la chose qui reçoit tous les
corps. Elle reçoit tous les objets, sans changer sa propre
nature; elle est le fond commun de toutes les matières
différentes, sans avoir d'autres formes ou mouvements
que ceux des objets qui sont en elle. »
Une conception pareille, avec le même vague et le même caractère compréhensif, présidait à la définition
du phlogistique de Stahl au XVIIIe siècle. Ce phlogistique
représente par excellence la matière du feu, envisagée
en elle-même et isolément, et il représente
cette même matière existant dans les corps combustibles,
tels que l'hydrogène, le charbon, le soufre, les
métaux. Les idées platoniciennes ont donc eu cours,
sur ce point, jusqu'au moment de la fondation de la
chimie moderne.
Au XIXe siècle même, c`est-à-dire de nos jours, le mot feu a présenté quatre sens, savoir:
Le calorique, c'est-à-dire l'élément igné, le prétendu fluide impondérable, réputé constituer la matière du
feu, distincte de celle des corps;
La matière du corps en combustion: « Ne touchez pas au feu; le feu central »;
L'état actuel, c'est-à-dire statique, du corps en combustion: « La maison parut toute en feu »;
Enfin l'acte même de l'inflammation, de la combustion, envisagée en soi et dans son évolution dynamique:
« propagation du feu, mise de feu, etc., éteindre
le feu. » Ces deux derniers sens se touchent.

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268 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
De même, dans les écrits alchimiques, le mot eau présente quatre significations:
L'élément supposé, dont l'union avec les corps leur communiquerait l'état liquide, c'est-à-dire l'élément
liquide, la matière de la liquidité en général.
La matière particulière actuellement liquide ou liquéfiable, telle que l'eau, les métaux fusibles;
L'état actuel et statique de la substance en fusion; Enfin l'acte dynamique de la liquéfaction en général, c'est-à-dire la fusion même s'accomplissant, envisagée
dans son évolution dynamique; idée congénère de la
précédente.
Ces notions peuvent paraître subtiles; mais si l'on ne s'y reporte, on ne peut comprendre ni Platon, ni
les anciens alchimistes.
Pénétrons plus avant dans les doctrines du Timée sur la composition des corps. Il s'agit ici, comme
Platon a soin de l'expliquer, de conceptions qui lui
sont personnelles et qu'il expose pour ainsi dire en
se jouant. Cependant elles semblent avoir des racines
plus anciennes et plus générales. Le langage et les
idées des alchimistes s'y rattachent d'ailleurs de la
façon la plus directe. Il s'agit des diverses manifestations
des quatre éléments.
Commençons par le feu. D'après le Timée (I): « Il s'est formé plusieurs espèces de feu, la flamme, ce qui
en sort et qui donne sans brûler de la lumière aux
yeux, et ce qui reste dans les corps enflammés après
que la flamme est éteinte.
« De même dans l'air, il y a la partie la plus

(I) Traduction citée, p. 153.
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THEORIES GRECQUES 269
pure qu'on nomme éther, la plus trouble qu'on
nomme brouillard et nuages, et d'autres espèces sans
nom.
« L'eau se divise d'abord en deux espèces, celle qui est liquide et celle qui est fusible. L'espèce liquide,
composée de parties d'eau petites et inégales, peut
être facilement mue par elle-même et par d'autres
corps. L'espèce fusible, composée de parties grandes
et pareilles, est plus stable, pesante, compacte; le feu
la pénètre et la dissout et elle coule; mais s'il se
retire, la masse se resserre, se rétablit dans son
identité avec elle-même et elle se congèle. De tous ces
corps que nous avons nommés eaux fusibles, celui qui
se forme des parties les plus petites et qui a le plus
de densité, ce genre dont il n'y a point plusieurs
espèces, dont la couleur est un jaune éclatant, le
plus précieux des trésors, l'or, s'est condensé, en
se filtrant à travers la pierre. L'espèce d'eau fusible
qui s'est formée par la réunion de parties presque
aussi petites que celles de l'or, mais qui a plusieurs
espèces, qui surpasse l'or en densité (I), qui renferme
une petite partie de terre très ténue et qui est pour cette
raison plus dure que l'or, mais qui est plus légère à
cause des grands intervalles qui se trouvent dans sa
masse, c'est un genre d'eau brillante et condensée que
l'on nomme airain. Mais lorsque, avec le temps, la
partie de terre qu'il contient se sépare de lui, devenue
fusible par elle-même, elle prend le nom de
rouille. »
On reconnaît ici les eaux de Zosime le Panopolitain

(I) Ou plutôt en cohésion.
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270 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
et des premiers alchimistes, ainsi que la signification
cachée sous ces étranges paroles que nous avons reproduites
plus haut (p. 178 et 179).
Platon dit encore, dans un langage facile à entendre: « L'eau mêlée de feu, celle qui, déliée et fluide,
reçoit, à cause de ce mouvement, le nom de liquide...
cette eau, lorsqu'elle est séparée du feu et de l'air et
isolée, devient plus uniforme, se trouve comprimée
par la sortie de ces deux corps et se condense... elle
constitue, suivant les circonstances, la grêle, la glace,
la neige ou le frimas. Les nombreuses espèces d'eau,
mêlées les unes aux autres et distillées à travers les
plantes que la terre produit, reçoivent en général le
nom de sucs, etc. »
Il distingue alors quatre espèces d'eau principales et qui contiennent du feu: le suc qui réchauffe l'âme
et le corps, c'est-à-dire le vin; l'espèce alimentaire et
agréable, c'est-à-dire le miel (espèce sucrée); enfin
le genre de suc qui dissout les chairs et qui, par la
chaleur, devient écumeux. Cette dernière espèce, traduite
à tort par Cousin et par Henri Martin par le
mot opium, est obscure; mais les trois autres ne le
sont pas.
Quant aux espèces de terre, Platon les distingue de même, suivant la proportion d'eau qu'elles renferment
et selon l'égalité et l'uniformité de leurs parties, en
pierre, basalte, tuile, sel enfin. Je reproduis seulement
ce qui concerne le dernier genre. « Lorsque cette
terre est privée d'une grande partie de l'eau qui s'y
trouvait mêlée, mais qu'elle est composée des parties
ténues et qu'elle est salée, il se forme aussi un corps

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THEORIES GRECQUES 271
à demi-solide et susceptible de se dissoudre de nouveau
dans l'eau: ainsi se produit, d'une part, le natron
(I), qui sert à laver les taches d'huile et de terre;
de l'autre, ce corps qu'il est si utile de mêler avec les
substances réunies pour flatter le palais, le sel, ce
corps aimé des dieux.
« ... Quand la terre n'est pas condensée avec force, il n'y a que l'eau qui puisse la dissoudre; mais, quand
elle est compacte, il n'y a que le feu, car il est le seul
corps qui puisse y pénétrer.
« Les corps qui contiennent moins d'eau que la terre sont toutes les espèces de verre, et toutes les
espèces de pierre qu'on nomme fusibles; d'autres, au
contraire, contiennent plus d'eau dans leur composition:
ce sont les corps semblables à la cire et aromatiques.
»
J'ai cru utile de donner in extenso ces passages du Timée de Platon, parce qu'ils me paraissent renfermer
les véritables origines des théories alchimiques.


§ 3. -- Les Alchimistes grecs.
Il est facile, en effet, d'apercevoir la parenté des idées du Timée avec celles qui sont présentées dans
nos citations des premiers alchimistes, contemporains
et élèves des néo-platoniciens. Cette filiation est
accusée d'une façon expresse par les écrits de Synésius


(I) Carbonate de soude: traduit à tort par nitre par les auteurs étrangers à la chimie.

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272 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
et de Stéphanus d'Alexandrie. Nous lisons, par
exemple, dans le commentaire de Synésius sur Démocrite.
« Les corps sont composés de quatre choses, ainsi que les choses qui y sont attachées; et quelles sont
ces choses? Leurs matières premières sont leurs
âmes. De même que l'artisan façonne le bois pour en
faire un siège, ou un char ou autre chose, et ne fait
que modifier la matière, sans lui donner autre chose
que la forme; de même l'airain est façonné en statue,
en vase arrondi. Ainsi opère notre art; de même le
mercure, travaillé par nous, prend toute espèce de
formes; fixé sur un corps formé des quatre éléments,
il demeure ferme: il possède une affinité puissante
(I). »
La faculté d'amalgamation, d'action universelle du mercure préoccupe sans cesse notre auteur. Un
peu avant il dit (2):
« Le mercure prend toutes les formes, de même que la cire attire toute couleur; ainsi le mercure blanchit
tout, attire l'âme de toutes choses... il change
toutes les couleurs et subsiste lui-même, tandis qu'elles
ne subsistent pas; et même s'il ne subsiste pas en
apparence, il demeure contenu dans les corps. »
On voit ici reparaître la notion de la qualité fondamentale, prise pour un élément, une substance proprement


(I) Οὕτως οὖν καὶ ἡ ὑδράργυρος φιλοτεχνουμένη ὑφφἡμω̑ν, πὰν εἴδος αὐτὴ ἀναδέχεται καὶ πεδηθείσα, ὣς εἵρηται, ἐν τῳ τετραστοιχῳ σώματι ἰσχυρὰ
καὶ ἀδιώκτος μένει. Διὰ τούτο καἱ Επιβήχιος πολλη̑ν ἀγγελιὰν ἔχειν ἔλεγεν. (Ms. 2.327, fol. 34.)
(2) Ms. 2.327, fol. 34.
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THEORIES GRECQUES 273
dite; et celle de la matière première, constituant,
à proprement parler, l'âme des corps. La
comparaison même de celle-ci, faite par Platon, avec
l'or qui sert aux travaux de l'artisan, se retrouve appliquée
au bois. Seulement la notion métaphysique
de la matière première universelle de Platon est
transformée et concrétée en quelque sorte, par un
artifice de métaphysique matérialiste que nous retrouvons
dans la philosophie chimique de tous les temps:
elle est identifiée avec le mercure des philosophes.
C'est là une notion toute nouvelle et très originale,
notion plus ancienne d'ailleurs que Synésius, s'il est
vrai que Dioscoride ait déclaré déjà, vers le temps de
l'ère chrétienne, que « certains regardent le mercure
comme contenu dans tous les métaux ».
L'origine de cette opinion est facile à apercevoir, en rappelant que Platon désigne sous le
nom d'eaux tous les corps liquides et tous les corps
fusibles, l'or et le cuivre notamment. Les métaux
fondus offrent en effet un aspect et des propriétés remarquables,
semblables à celles du mercure ordinaire.
Il n'est pas surprenant que ces caractères communs
aient été attribués à une substance spéciale, en qui
résidait par excellence, disait-on, la liquidité métallique:
c'était l'un des attributs momentanés du mercure
des philosophes. Le mercure, joint au soufre et
à l'arsenic des philosophes, symboles d'autres qualités
fondamentales, constituent à proprement parler les
éléments chimiques, comme Geber le déclare formellement
au VIIIe siècle (p. 207).
Stéphanus d'Alexandrie (vers 630) se rapproche 18
@

274 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
encore davantage que Synésius des idées et du langage
du Timée et des Pythagoriciens. C'est un auteur
enthousiaste et mystique, comme les alchimistes
gnostiques Zosime et Synésius. Il croit fermement au
pouvoir illimité de la science. « La science peut tout,
dit-il; elle voit clairement les choses que l'on ne peut
apercevoir et elle peut accomplir les choses impossibles
(I). » C'est aussi un néoplatonicien chrétien, qui
débute par invoquer la sainte Trinité.
« La multitude des nombres (2), dit encore Stéphanus d'après les Pythagoriciens, est composée d'une seule
unité, indivisible et naturelle, qui la produit à l'infini,
la domine et l'embrasse, parce que cette multitude découle
de l'unité. Elle est immuable, immobile; les nombres
résultent de son développement circulaire et
sphérique. » De même Zosime écrivait déjà: « Tout
vient de l'unité; tout s'y classe; elle engendre tout. »
Stéphanus expose plus loin (3): « Que Dieu a fait l'univers avec quatre éléments... Ces quatre éléments
(l'air, le feu, la terre et l'eau), étant contraires
entre eux, ne peuvent se réunir, si ce n'est par l'interposition
d'un corps qui possède les qualités des
deux extrêmes: ainsi le feu du vif-argent se joint à
l'eau par l'intermède de la terre, c'est-à-dire de la
scorie... L'eau est jointe avec le feu du vif-argent par
l'air du cuivre etc. Le feu, étant chaud et sec, engendre
la chaleur de l'air et la sécheresse de la terre. L'eau

(I) Ms. 2.327, fol. 63. (2) Ms. 2.327, 2e Praxis, fol. 40. -- Ideler, Physici, etc., t. II, p.202. -- Le texte publié par Ideler paraît être celui de saint Marc; il diffère
souvent beaucoup de celui du manuscrit 2.327.
(3) Ve Praxis, -- Ideler, t. II, p. 220.
@

THEORIES GRECQUES 275
humide et froide engendre l'humidité de l'air et le
froid de la terre; la terre froide et sèche engendre le
froid de l'eau et la sécheresse du feu, etc. Réciproquement,
l'air chaud et humide engendre la chaleur
du feu et l'humidité de l'eau, etc. » Des théories médicales
connexes, sur le froid et le chaud, le sec et
l'humide, le sang et la bile, sont ici entremêlées et
manifestent la profession de Stéphanus (I).
Les paroles précédentes rappellent encore celles de Platon (2): « C'est donc de feu et de terre que Dieu dut
former l'univers; mais il est impossible de bien unir
deux corps sans un troisième, car il faut qu'entre eux
se trouve un lien qui les rapproche tous deux. » Nous
retrouvons encore l'application, matérialisée suivant
un sens chimique, d'une notion de la métaphysique
platonicienne; notion qui a reparu au siècle dernier
sous le nom du médiateur plastique, interposé
entre l'âme et le corps.
Stéphanus précise davantage, toujours dans un langage pythagoricien; il montre les relations numériques
qui établissent une parenté mystique entre
l'alchimie et l'astronomie, autre ordre de conceptions
non moins intéressantes dans l'histoire de la science.
Après avoir établi que chacun des quatre éléments,
ayant deux qualités, résulte de l'association de trois
éléments, dont deux associés à lui-même et qu'il
conserve; il ajoute: « Cela fait douze combinaisons,
résultant de quatre éléments pris trois à trois


(I) Voir aussi ses Théories sur la Nutrition, ms. 2.327, fol. 61. -- Ideler, t. II, p. 229.
(2) Platon, Timée, I, p. 91, trad. de H. Martin.
@

276 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
c'est pourquoi notre art est représenté par le dodécaèdre,
qui répond aux douze signes du zodiaque (I). »
Les quatre saisons répondent aux quatre éléments,
aux quatre régions du corps humain, etc. De même
les sept transformations, les sept couleurs, les sept
planètes (2). Les relations établies par le Démiurge,
autre conception platonicienne, entre les métaux et
les planètes sont développées plus loin (3).
Mais achevons d'exposer ce qui est relatif à la transformation de la matière, d'après Stéphanus. « Il faut
dépouiller la matière (de ses qualités), en tirer l'âme, la
séparer du corps, pour arriver à la perfection (4)...
Le cuivre, est comme l'homme: il a une âme et un
corps... Quelle est son âme et quel est son corps?
L'âme est la partie la plus subtile..., c'est-à-dire l'esprit
tinctorial. Le corps est la chose pesante, matérielle,
terrestre et douée d'une ombre... Après une suite de
traitements convenables, le cuivre devient sans ombre
et meilleur que l'or... Il faut expulser l'ombre de la
matière pour obtenir la nature pure et immaculée...
Il faut donc dépouiller la matière, et comment la dépouiller?
Si ce n'est par le remède igné (mercure). Et
qu'est-ce que dépouiller? si ce n'est appauvrir, corrompre,
dissoudre, mettre à mort et enlever à celui-
ci toute sa nature propre et sa grande mobilité; afin
que l'esprit, subsistant et manifestant le principe tinctorial,


(I) Ms. 2.327, fol. 55. -- Ideler, t. II, p. 221. (2) Ms. 2.327, fol. 55. -- Ideler, t, II, P, 221. (3) Ms. 2.327, fol. 73, 9e Praxis. -- Ce morceau est plus abrégé dans Ideler, p. 247.
(4) Ms. 2.327, fol. 46, 50 et 59. -- Voir aussi Ideler, t. II, p. 210, 215 et p. 241.

@

THEORIES GRECQUES 277
soit rendu susceptible de se combiner pour
accomplir l'opération cherchée (c'est-à-dire la teinture
des métaux ou transmutation)... La nature de la
matière est à la fois simple et composée... Elle
reçoit mille noms, et son essence est une (I), etc.
Les éléments deviennent et se transmutent (2), parce
que les qualités sont contraires et non les substances. »
Ailleurs: « Il faut d'abord diviser la matière, la
noircir, puis la blanchir; alors la coloration jaune
sera stable. » Et encore: « Entends par le feu (3) le
mercure et le remède igné: ce mercure brûle, corrompt
et épuise les corps, etc. » Nous retrouvons la
phrase de Marie la Juive (p. 172) et le mot de Pline:
« Le mercure, poison de toutes choses. »
Ces explications demi-métaphysiques sont entremêlées dans l'auteur par le récit d'opérations réelles,
dont la signification s'aperçoit parfois très clairement.
Ainsi, Stéphanus raconte en langage mystique le
combat du cuivre et du mercure (4)... Le cuivre est
blanchi et corrompu par le mercure. Celui-ci est fixé
par son union avec le cuivre, etc... Le cuivre ne teint
pas, mais il reçoit la teinture, et après qu'il l'a reçue,
il teint (les autres corps) (5). Ce qui paraît se rapporter
à la fois et à la formation des alliages métalliques de
diverses nuances et à la coloration des verres et émaux


(I) Ms. 2.327, fol. 43. -- Ideler, t, II, p. 214. (2) Ms. 2.327, fol. 70, 71. -- Ideler, t. II, p 245. (3) Ms. 2.327, fol. 67. -- Ideler, t. II, p. 238. (4) Ms. 2.327, fol. 15. -- Ideler, t. II, p. 217. Ce dernier texte substitue à tort l'argent (lune) au mercure dans la fixation par le cuivre,
contrairement à ce qu'on lit dans le manuscrit de saint Marc
fol. 19 V°.
(5) Ideler, t. II, p. 239.
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278 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
par les sels de cuivre, résultant de la dissolution
préalable du métal.
L'auteur (I) s'en réfère aussi aux préparations des Egyptiens et ajoute: « Un seul genre de pierre peut être
fabriqué avec beaucoup de pierres de diverses espèces;
c'est ainsi qu'on fabrique les statues, les animaux,
les verres, les couleurs (émaux ou verres colorés). »
Nous touchons ici du doigt les faits positifs et les pratiques industrielles qui ont servi de base aux théories
des alchimistes. Nous voyons comment ils en ont déduit
la notion de la matière première, une et polymorphe,
telle que nous la trouvons dans Platon, dans Enée de
Gaza, dans Zosime, dans Pélage, dans Stéphanus. Ils
précisent leur idée, tantôt par des comparaisons tirées
de l'art des artisans, qui donnent une apparence diverse
à une matière unique; tantôt, par des assimilations
plus profondes, empruntées aux industries chimiques
de la teinture et de la fabrication du verre et des
émaux. Nous sommes donc ramenés par ces théories
philosophiques sur le terrain même où nous avait
conduit l'étude pratique des métaux égyptiens, de
leurs alliages et des pierres brillantes, naturelles et
artificielles, rangées à côté des métaux dans une même
famille de substances.


(I) 3e Praxis, Ms. 2.327. fol. 47, -- Ideler, t. II, P, 212.
pict
@

pict

CHAPITRE II
THEORIES DES ALCHIMISTES ET THEORIES MODERNES -----
§ 1. -- Le Mercure des philosophes.
pict 'ALCHIMIE était une philosophie, c'est-à-
dire une explication rationaliste des métamorphoses de la matière. Nulle part, dans les procédés des premiers théoriciens grecs qui sont venus jusqu'à nous, le miracle n'apparaît;
bien que les formules magiques semblent avoir été
mêlées aux pratiques, lors des débuts de la science,
au temps de Zosime par exemple. Mais elles semblent
avoir disparu, en même temps que la théorie proprement
dite s'est développée. Michel Psellus déclare
formellement que les destructions et transformations
de matière se font par des causes naturelles,
et non en vertu d'une incantation et d'une formule
secrète.
A travers les explications mystiques et les symboles dont s'enveloppent les alchimistes, nous pouvons

@

280 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
entrevoir les théories essentielles de leur philosophie;
lesquelles se réduisent en somme à un
petit nombre d'idées claires, plausibles, et dont certaines
offrent une analogie étrange avec les conceptions
de notre temps.
Tous les corps de la nature, d'après les adeptes grecs, sont formés par une même matière fondamentale.
Pour obtenir un corps déterminé, l'or par
exemple, le plus parfait des métaux, le plus précieux
des biens, il faut prendre des corps analogues, qui en
diffèrent seulement par quelque qualité, et éliminer
ce qui les particularise; de façon à les réduire à leur
matière première, qui est le mercure des philosophes.
Celui-ci peut être tiré du mercure ordinaire, en lui
enlevant d'abord la liquidité, c'est-à-dire une eau, un
élément fluide et mobile, qui l'empêche d'atteindre la
perfection. Il faut aussi le fixer, lui ôter sa volatilité,
c'est-à-dire un air, un élément aérien qu'il renferme;
enfin d'aucuns professent, comme le fera plus tard
Geber, qu'il faut séparer encore du mercure une terre,
un élément terrestre, une scorie grossière, qui s'oppose
à sa parfaite atténuation. On opérait de même
avec le plomb, avec l'étain; bref, on cherchait à dépouiller
chaque métal de ses propriétés individuelles.
Il fallait ôter au plomb sa fusibilité, à l'étain son
cri particulier, sur lequel Geber insiste beaucoup; le
mercure enlève en effet à l'étain son cri, dit aussi Stéphanus.
La matière première de tous les métaux étant ainsi préparée, je veux dire le mercure des philosophes, il ne
restait plus qu'à la teindre par le soufre et l'arsenic;

@

THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 281
mots sous lesquels on confondait à la fois les sulfures
métalliques, divers corps inflammables congénères,
et les matières quintessenciées que les philosophes
prétendaient en tirer. C'est dans ce sens que les métaux
ont été regardés au temps des Arabes, comme
composés de soufre et de mercure. Les teintures d'or
et d'argent étaient réputées avoir au fond une même
composition. Elles constituaient la pierre philosophale,
ou poudre de projection (xerion).
Telle est, je crois, la théorie que l'on peut entrevoir à travers ces symboles et ces obscurités; théorie en
partie tirée d'expériences pratiques, en partie déduite
de notions philosophiques.
En effet, la matière et ses qualités sont conçues comme distinctes, et celles-ci sont envisagées comme
des êtres particuliers, que l'on peut ajouter ou faire
disparaître. Dans les exposés des adeptes, il règne une
triple confusion entre la matière substantielle, telle
que nous la concevons aujourd'hui; ses états, solidité,
liquidité, volatilité, envisagées comme des substances
spéciales, surajoutées, et qui seraient même, d'après
les Ioniens, les vrais éléments des choses; enfin, les
phénomènes ou actes manifestés par la matière, sous
leur double forme statique et dynamique, tels que la
liquéfaction, la volatilisation, la combustion, actes
assimilés eux-mêmes aux éléments.
Il y a donc au fond de tout ceci certaines idées métaphysiques, auxquelles la chimie n'a jamais été
étrangère. Au siècle dernier, un pas capital a été
fait dans notre conception de la matière, par suite de
la séparation apportée entre la notion substantielle

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282 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
de l'existence des corps pondérables et la notion phénoménale
de leurs qualités, envisagées jusque-là par
les alchimistes comme des substances réelles. Mais
pour comprendre le passé il convient de nous reporter à
des opinions antérieures et qui paraissaient claires aux
esprits cultivés, il y a un siècle à peine. Les doctrines
des alchimistes et des platoniciens à cet égard diffèrent
tellement des nôtres, qu'il faut un certain effort d'esprit
pour nous replacer dans le milieu intellectuel
qu'elles étaient destinées à reproduire. Cependant, il
est incontestable qu'elles constituent un ensemble
logique, et qui a longtemps présidé aux théories
scientifiques. Ces doctrines, que nous apercevons déjà
dans le pseudo-Démocrite, dans Zosime, et plus nettement
encore dans leurs commentateurs, Synésius,
Olympiodore et Stéphanus, se retrouvent exposées
dans les mêmes termes par Geber, le maître des
Arabes (voir p. 208), et après lui, par tous les philosophes
hermétiques.
Non seulement les matériaux employés par ceux-ci dans la transmutation: le soufre, l'argent, la tutie,
la magnésie, la marcassite, etc., rappellent tout à fait
ceux du pseudo-Démocrite et de ses successeurs
grecs; mais Geber dit formellement que l'on ne saurait
réussir dans la transmutation, si l'on ne ramène
les métaux à leur matière première.
L'esprit humain s'est attaché avec obstination à ces théories, qui ont servi de support à bien des expériences
réelles. Ce fut aussi la doctrine de tout le moyen
âge. Dans les écrits attribués à Basile Valentin, écrits
qui remontent au XVe siècle, l'auteur affirme de même

@

THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 283
que l'esprit de mercure est l'origine de tous les métaux,
et nous retrouvons cette doctrine dans la Bibliothèque
des philosophes chimiques de Salmon, à la fin
du XVIe siècle. De là cet espoir décevant de la transmutation,
espoir entretenu par le vague des anciennes
connaissances; il reposait sur l'apparence incontestable
d'un cycle indéfini de transformations, se reproduisant
sans commencement ni terme, dans les opérations
chimiques.
Ceci demande à être développé, si l'on veut comprendre l'origine et la portée des idées des anciens
chimistes.


§ 2. -- Origine et portée des idées alchimiques
Je prends un minerai de fer, soit l'un de ses oxydes si répandus dans la nature; je le chauffe avec du
charbon et du calcaire et j'obtiens le fer métallique.
Mais celui-ci à son tour, par l'action brusque du feu
au contact de l'air, ou par l'action lente des agents
atmosphériques, repasse à l'état d'un oxyde, identique
ou analogue avec le générateur primitif. Où est ici
l'élément primordial, à en juger par les apparences?
Est-ce le fer, qui disparaît si aisément? Est-ce
l'oxyde, qui existait au début et se retrouve à la fin?
L'idée du corps élémentaire semblerait a priori convenir
plutôt au dernier produit, en tant que corrélative
de la stabilité, de la résistance aux agents de toute
nature. Voilà comment l'or a paru tout d'abord le

@

284 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
terme accompli des métamorphoses, le corps parfait
par excellence: non seulement à cause de son éclat,
mais surtout parce qu'il résiste mieux que tout autre
métal aux agents chimiques.
Les corps simples, qui sont aujourd'hui l'origine certaine et la base des opérations chimiques, ne se
distinguent cependant pas à première vue des corps
composés. Entre un métal et un alliage, entre un élément
combustible, tel que le soufre ou l'arsenic, et les
résines et autres corps inflammables combustibles
composés, apparences ne sauraient établir une distinction
fondamentale. Les corps simples dans la
nature ne portent pas une étiquette, s'il est permis
de s'exprimer ainsi, et les mutations chimiques ne
cessent pas de s'accomplir, à partir du moment où
elles ont mis ces corps en évidence. Soumis à l'action
du feu ou des réactifs qui les ont fait apparaître, ils
disparaissent à leur tour; en donnant naissance à de
nouvelles substances, pareilles à celles qui les ont précédées.
Nous retrouvons ainsi dans les phénomènes chimiques cette rotation indéfinie dans les transformations,
loi fondamentale de la plupart des évolutions
naturelles; tant dans l'ordre de la nature minérale que
dans l'ordre de la nature vivante, tant dans la physiologie
que dans l'histoire. Nous comprenons pourquoi,
aux yeux des alchimistes, l'oeuvre mystérieuse n'avait
ni commencement ni fin, et pourquoi ils la symbolisaient
par le serpent annulaire, qui se mord la queue:
emblème de la nature toujours une, sous le fond mobile
des apparences.

@

THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 285
Cependant cette image de la chimie a cessé d'être vraie pour nous. Par une rare exception dans les
sciences naturelles, notre analyse est parvenue en chimie
à mettre à nu l'origine précise, indiscutable des
métamorphoses: origine à partir de laquelle la synthèse
sait aujourd'hui reproduire à volonté les phénomènes
et les êtres, dont elle a saisi la loi génératrice (I).
Un progrès immense et inattendu a donc été accompli en chimie: car il est peu de sciences qui puissent
ainsi ressaisir leurs origines. Mais ce progrès
n'a pas été réalisé sans un long effort des générations
humaines.
C'est par des raisonnements subtils, fondés sur la comparaison d'un nombre immense de phénomènes,
que l'on est parvenu à établir une semblable
ligne de démarcation, aujourd'hui si tranchée pour
nous, entre les corps simples et les corps composés.
Mais ni les alchimistes, ni même Stahl ne faisaient
une telle différence. Il n'y avait donc rien de chimérique,
a priori du moins, dans leurs espérances.
Le rêve des alchimistes a duré jusqu'à la fin du siècle dernier, et je ne sais s'il ne persiste pas encore
dans certains esprits. Certes il n'a jamais eu pour
fondement aucune expérience positive. Les opérations
réelles que faisaient les alchimistes, nous les connaissons
toutes et nous les répétons chaque jour dans
nos laboratoires; car ils sont à cet égard nos ancêtres
et nos précurseurs pratiques. Nous opérons les
mêmes fusions, les mêmes dissolutions, les mêmes
associations de minerais, et nous exécutons en outre


(I) Voir ma Chimie organique fondée sur la synthèse, t. II, p. 811 (1860).
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286 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
une multitude d'autres manipulations et de métamorphoses
qu'ils ignoraient. Mais aussi nous savons de
toute certitude que la transmutation des métaux ne
s'accomplit dans le cours d'aucune de ces opérations.
Jamais un opérateur moderne n'a vu l'étain, le cuivre, le plomb se changer sous ses yeux en argent ou
en or par l'action du feu, exercée par les mélanges
les plus divers; comme Zosime et Geber s'imaginaient
le réaliser. La transmutation n'a pas lieu, même sous
l'influence des forces dont nous disposons aujourd'hui,
forces autrement puissantes et subtiles que les
agents connus des anciens.
Les découvertes modernes relatives aux matières explosives (I) et à l'électricité mettent à notre disposition
des agents à la fois plus énergiques et plus profonds,
qui vont bien au delà de tout ce que les alchimistes
avaient connu. Ces agents atteignent des températures
ignorées avant nous; ils communiquent à la
matière en mouvement une activité et une force vive
incomparablement plus grande que les opérations des
anciens. Ils donnent à ces mouvements une direction,
une polarisation, qui permettent d'accroître à coup
sûr et dans un sens déterminé à l'avance l'intensité
des forces présidant aux métamorphoses.
Par là même, nous avons obtenu à la fois cette puissance sur la nature et cette richesse industrielle
que les alchimistes avaient si longtemps rêvées, sans
jamais pouvoir y atteindre. La Chimie et la Mécanique
ont transformé le monde moderne. Nous métamorphosons


(I) Voir mon traité: Sur la force des matières explosives, t. II, p. 350 (1883).

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THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 287
la matière tous les jours et de toutes manières.
Mais nous avons précisé en même temps les
limites auxquelles s'arrêtent ces métamorphoses:
elles n'ont jamais dépassé jusqu'à présent nos corps
simples ou éléments chimiques.
Cette limite n'est pas imposée par quelque théorie philosophique; c'est une barrière de fait, que notre
puissance expérimentale n'a pas réussi à renverser.


§ 3. -- Les corps simples actuels.
Lavoisier a montré, il y a cent ans, que l'origine de tous les phénomènes chimiques connus peut être
assignée avec netteté et qu'elle ne dépasse pas ce
qu'il appelait, et ce que nous appelons avec lui, les
corps simples et indécomposables, les métaux en
particulier, dont la nature et le poids se maintiennent
invariables.
C'est cette invariabilité de poids des éléments actuels qui est le noeud du problème. Le jour où elle a
été partout constatée et démontrée avec précision, le
rêve antique de la transmutation s'est évanoui.
Dans le cycle des transformations, si la genèse réciproque de nos éléments n'est pas réputée impossible
à priori, du moins il est établi aujourd'hui que ce
serait là une opération d'un tout autre ordre que
celles que nous connaissons et que nous avons le
pouvoir actuel d'exécuter. Car, en fait, dans aucune de
nos opérations, le poids des éléments et leur nature
n'éprouvent de variation. Nos expériences sur ce

@

288 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
point datent d'un siècle. Elles ont été répétées et diversifiées
de mille façons, par des milliers d'expérimentateurs,
sans avoir été jamais trouvées en défaut.
L'existence constatée d'une différence aussi radicale entre la transmutation des métaux, si longtemps
espérée en vain, et la fabrication des corps composés,
désormais réalisable par des méthodes certaines, jeta
un jour soudain. C'était à cause de l'ignorance où
l'on était resté à cet égard jusqu'à la fin du XVIIIe siècle
que la chimie n'avait pas réussi à se constituer comme
science positive. La nouvelle notion démontra l'inanité
des rêves des anciens opérateurs, inanité que
leur impuissance à établir aucun fait réel de transmutation
avait déjà fait soupçonner depuis longtemps.
Chez les alchimistes grecs, les plus anciens de tous,
le doute n'apparaît pas encore; mais le scepticisme
existe déjà du temps de Geber, qui consacre plusieurs
chapitres à le réfuter en forme. Depuis, ce scepticisme
avait toujours grandi, et les bons esprits en étaient
arrivés, même avant Lavoisier, à nier la transmutation;
non en vertu de principes abstraits, mais en tant
que fait d'expérience effective et réalisable.


§ 4. -- L'Unité de la matière. -- Les multiples de
l'hydrogène et les éléments polymères.
Assurément, cette notion de l'existence définitive et immuable de soixante-six éléments distincts, tels que
nous les admettons aujourd'hui, ne serait jamais venue

@

THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 289
à l'idée d'un philosophe ancien; ou bien il l'eut rejetée
aussitôt comme ridicule: il a fallu qu'elle s'imposât
à nous, par la force inéluctable de la méthode expérimentale.
Est-ce à dire cependant que telle soit la
limite définitive de nos conceptions et de nos espérances?
Non, sans doute: en réalité, cette limite n'a
jamais été acceptée par les chimistes que comme un
fait actuel, qu'ils ont toujours conservé l'espoir de
dépasser.
De longs travaux ont été entrepris à cet égard, soit pour ramener tous les équivalents des corps simples
à une même série de valeurs numériques, dont ils
seraient les multiples; soit pour les grouper en familles
naturelles; soit pour les distribuer dans celles-
ci, suivant des progressions arithmétiques.
Aujourd'hui même, les uns, s'attachant à la conception atomique, regardent nos corps prétendus
simples comme formés par l'association d'un certain
nombre d'éléments analogues; peut-être comme engendrés
par la condensation d'un seul d'entre eux, l'hydrogène
par exemple, celui dont le poids atomique est le
plus petit de tous.
On sait en effet que les corps simples sont caractérisés chacun par un nombre fondamental, que l'on appelle
son équivalent ou son poids atomique. Ce nombre représente
la masse chimique de l'élément, le poids invariable
sous lequel il entre en combinaison et s'associe
aux autres éléments, parfois d'après des proportions
multiples. C'est ce poids constant qui passe de composé
en composé, dans les substitutions, décompositions
et réactions diverses, sans éprouver jamais la plus
19
@

290 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
petite variation. La combinaison ne s'opère donc pas
suivant une progression continue, mais suivant des
rapports entiers, multiples les uns des autres, et qui
varient par sauts brusques. De là, pour chaque élément,
l'idée d'une molécule déterminée, caractérisée par son
poids, et peut-être aussi par sa forme géométrique. Cette
molécule demeurant indestructible, au moins dans
toutes les expériences accomplies jusqu'ici, elle a pu
être regardée comme identique avec l'atome de Démocrite
et d'Epicure. Telle est la base de la théorie atomique
de notre temps.
Ainsi chaque corps simple serait constitué par un atome spécial, par une certaine particule matérielle insécable.
Les forces physiques, aussi bien que les forces
chimiques, ne sauraient faire éprouver à cet atome que
des mouvements d'ensemble, sans possibilité de vibrations
internes; celles-ci ne pouvant exister que dans un
système formé de plusieurs parties. Il en résulte encore
qu'il ne peut y avoir dans l'intérieur d'un atome indivisible
aucune réserve d'énergie immanente.
Telles sont les conséquences rigoureuses de la théorie atomique. Je me borne à les exposer et je n'ai pas à
discuter ici si ces conséquences ne dépassent pas les
prémisses, les faits positifs qui leur servent de base;
c'est-à-dire si les faits autorisent à conclure non seulement
à l'existence de certaines masses moléculaires
déterminées, caractéristiques des corps simples, et que
tous les chimistes admettent; mais aussi à attribuer à
ces molécules le nom et les propriétés des atomes
absolus, comme le font un certain nombre de savants.
Ces réserves sont d'autant plus opportunes que les

@

THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 291
partisans modernes de la théorie atomique l'ont presque
aussitôt répudiée dans les interprétations qu'ils
ont données de la constitution des corps simples:
interprétations aussi hypothétiques d'ailleurs que
l'existence même des atomes absolus, mais qui attestent
l'effort continu de l'esprit humain pour aller au delà de
toute explication démontrée des phénomènes, aussitôt
qu'une semblable explication a été atteinte, et pour
s'élancer plus loin vers des imaginations nouvelles.
Retraçons cette histoire: s'il ne s'agit plus d'une doctrine positive, cependant l'exposé que nous allons
faire offre l'intérêt qui s'attache aux conceptions
par lesquelles l'intelligence essaie de représenter le
système général de la nature. Nous retrouvons ici
des vues analogues à celles des Pythagoriciens, alors
qu'ils prétendaient enchaîner dans un même système
les propriétés réelles des êtres et les propriétés mystérieuses
des nombres.
Le premier et principal effort qui ait été tenté dans cette voie, consiste à ramener les équivalents ou poids
atomiques de tous les éléments à une même unité fondamentale.
C'est là une conception a priori, qui a donné
lieu à une multitude d'expériences, destinées à la
vérifier. Si le fruit théorique à ce point de vue en a été
minime, sinon même négatif; en pratique, du moins,
ces travaux ont eu un résultat scientifique très utile:
ils ont fixé avec une extrême précision les équivalents
réels de nos éléments; c'est-à-dire, je le répète, les
poids exacts suivant lesquels les éléments entrent en
combinaison et se substituent les uns aux autres.
Prout, chimiste anglais, avait proposé tout d'abord
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292 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
de prendre le poids même de l'un de nos éléments,
celui de l'hydrogène, comme unité; dans la supposition
que les poids atomiques de tous les autres
corps simples en étaient des multiples. Cette hypothèse,
embrassée et soutenue pendant quelque temps
par M. Dumas, réduit toute la théorie à une extrême
simplicité. En effet, tous les corps simples seraient
dès lors constitués par les arrangements divers de
l'atome du plus léger d'entre eux. Malheureusement,
elle n'a pas résisté au contrôle expérimental, c'est-à-
dire à la détermination exacte, par analyse et par synthèse,
des poids atomiques vrais de nos corps simples.
Cette détermination a fourni, à côté de quelques poids
atomiques à peu près identiques avec les multiples de
l'hydrogène, une multitude d'autres nombres intermédiaires.
Mais dans les conceptions théoriques, pas plus que dans la vie pratique, l'homme ne renonce pas facilement
à ses espérances. Pour soutenir la supposition de
Prout, ses partisans ont essayé d'abord de réduire à
moitié, puis au quart, l'unité fondamentale.
Or, à ce terme, une objection se présente: c'est que les vérifications concluantes deviennent impossibles.
En effet, nos expériences n'ont pas, quoi que nous
fassions, une précision absolue; et il est clair que toute
conjecture numérique serait acceptable, si l'on plaçait
l'unité commune des poids atomiques au delà de la
limite des erreurs que nous ne pouvons éviter.
Ce n'est pas tout d`ailleurs; le fond même du système est atteint par cette supposition. La réduction
du nombre fondamental, au-dessous d'une unité

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THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 293
égale au poids atomique de l'hydrogène, enlève à
la théorie ce caractère précis et séduisant, en vertu
duquel tous les éléments étaient regardés comme
formés en définitive par de l'hydrogène plus ou moins
condensé. Il faudrait reculer dans l'inconnu jusqu'à un
élément nouveau, quatre fois plus léger, élément inconnu
qui formerait par sa condensation l'hydrogène
lui-même.
Encore cela ne suffit-il pas pour représenter rigoureusement les expériences. En effet, M. Stas, par des
études d'une exactitude incomparable, a montré que
le système réduit à ces termes, c'est-à-dire réduit à
prendre comme unité un sous-multiple peu élevé du
poids de l'hydrogène, le système, dis-je, ne peut être
défendu. Les observations extrêmement précises qu'il
a exécutées ont prouvé sans réplique que les poids
atomiques des éléments ne sont pas exprimés par des
nombres simples, c'est-à-dire liés entre eux par des
rapports entiers rigoureusement définis. La théorie des
multiples de l'hydrogène n'est donc pas soutenable,
dans son sens strict et rigoureux.
Gardons-nous cependant d'une négation trop absolue. Si l'hypothèse qui admet les équivalents des
éléments multiples les uns des autres ne peut pas
être affirmée d'une façon absolue, cependant cette
hypothèse a pour elle des observations singulières et
qui réclament, en tout état de cause, une interprétation.
A cet égard les faits que je vais citer donnent à réfléchir.

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294 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
§ 4. -- Les éléments isomères et polymères.
Il existe en réalité certains éléments, comparables entre eux, et qui possèdent en même temps des poids
atomiques identiques. Tels sont le cobalt et le nickel,
par exemple. Ces deux métaux sont semblables par
la plupart de leurs propriétés et ils produisent deux
séries de composés parallèles, en s'unissant avec
les autres éléments. Or ici interviennent de nouvelles
et plus puissantes analogies. En effet un tel parallélisme
dans les réactions de deux corps et dans celles
de leurs composés, joint à l'identité de leurs poids
atomiques, n'est pas sans exemple dans la science:
en particulier, il n'est pas rare de le rencontrer
dans l'étude des principes organiques, tels que les
carbures d'hydrogène, les essences de térébenthine et
de citron, par exemple; ou bien encore les acides tartrique
et paratartrique. Ces deux essences, ces deux
acides sont formés des mêmes éléments, unis dans les
mêmes proportions et avec la même condensation,
mais pourtant avec un arrangement différent. En outre,
les deux carbures, les deux acides sont susceptibles d'engendrer
des combinaisons parallèles: c'est là ce que
nous appelons des corps isomères. Or le nickel et le
cobalt se comportent précisément de la même manière.
Il est certainement étrange de trouver un semblable
rapprochement entre des principes composés, tels que
des carbures ou les acides, et ces deux métaux, ces

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THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 295
deux corps réputés simples: comme si les deux prétendus
corps simples étaient formés, eux aussi, par les
arrangements différents de certaines matières élémentaires,
plus simples qu'eux mêmes.
L'or, le platine et l'iridium, autres métaux qui constituent un même groupe, offrent un rapprochement
numérique pareil, quoique moins étroit dans leurs dérivés,
que celui du cobalt et du nickel.
Dans les cas de ce genre, il semble, je le répète, que l'on ait affaire à de certaines matières fondamentales,
identiques quant à leur nature, mais diversifiées quant
au détail de leurs arrangements intérieurs et de leurs
manifestations.
Néanmoins, pour être fidèle aux règles de la saine méthode scientifique, il importe d'ajouter aussitôt que
jusqu'ici les chimistes n'ont jamais pu changer, par
aucun procédé, ni le cobalt en nickel, ni l'or en platine
ou en iridium.
Poursuivons ces rapprochements: ils s'étendent plus loin. En effet, à côté des éléments isomères viennent
se ranger d'autres éléments, dont les poids atomiques
ne sont pas identiques, mais liés dans un même
groupe par des relations numériques simples, et multiples
les uns des autres. L'oxygène, par exemple, peut
être comparé au soufre, dans les combinaisons de ces
deux éléments avec l'hydrogène et avec les métaux.
L'eau et l'hydrogène sulfuré, les oxydes et les sulfures
constituent deux séries de composés parallèles. Le
soufre peut même être rapproché plus strictement encore
du sélénium et du tellure: ce sont là des éléments
comparables, formant, je le répète, des combinaisons

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296 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
parallèles avec l'hydrogène, avec les métaux
et même avec l'oxygène et la plupart des autres éléments.
Or, l'analogie chimique de ces éléments se retrouve
dans la comparaison numérique de leurs poids
atomiques: le poids atomique du soufre est sensiblement
double de l'oxygène; celui du sélénium en est
presque quintuple, et celui du tellure est huit fois
aussi considérable que celui de l'oxygène, c'est-à-dire
quadruple de celui du soufre.
Ici encore nous retrouvons des analogies remarquables dans l'étude des combinaisons des carbures
d'hydrogène. Ces poids atomiques d'éléments multiples
les uns des autres rappellent les corps polymères, c'est-
à-dire les composés condensés de la chimie organique.
On connaît en effet des carbures d'hydrogène, formés des
mêmes éléments unis dans la même proportion relative,
mais tels que leurs poids moléculaires et leurs densités
gazeuses soient multiples les uns des autres. La
benzine et l'acétylène, par exemple, sont des carbures
d'hydrogène de cet ordre: ils sont formés tous deux par
l'association d'une partie en poids d'hydrogène avec six
parties de carbone. Mais la vapeur de la benzine, sous le
même volume, est trois fois aussi lourde que celle de
l'acétylène. Ce n'est pas tout: la benzine dérive de
l'acétylène, par une condensation directe: elle en est le
polymère. Réciproquement, nous savons transformer
par expérience ces composés polymères dans un sens
inverse, revenir du carbure condensé à son générateur;
nous savons transformer notamment la benzine
en acétylène, par la chaleur et par l'électricité.
Cette ressemblance entre les carbures polymères et

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THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 297
les corps simples à poids atomiques multiples suggère
aussitôt l'espérance de transformations du même
ordre. Si nous modifions les carbures d'hydrogène,
pourquoi ne pourrions-nous pas modifier aussi les
corps simples qui offrent des relations numériques
analogues? Pourquoi ne pourrions-nous pas former le
soufre avec l'oxygène, former le sélénium et le tellure
avec le soufre, par des procédés de condensation convenables?
Pourquoi le tellure, le sélénium ne pourraient-ils
pas être changés inversement en soufre, et
celui-ci à son tour métamorphosé en oxygène?
Rien, en effet, ne s'y oppose a priori: toutefois, et la chose est essentielle, l'épreuve expérimentale,
souvent essayée, a échoué jusqu'à présent. Ce
critérium est empirique, dira-t-on; il ne repose sur aucune
démonstration nécessaire et dès lors son caractère
est purement provisoire. Sans doute; mais il en est
ainsi de la plupart de nos lois, sinon même de toutes.
L'expérience réalisée est le seul critérium certain de
la science moderne: c'est la seule barrière qui nous
garantisse contre le retour des rêveries mystiques d'autrefois.
On peut cependant pousser plus loin la démonstration: car il existe une différence positive et fondamentale
entre la constitution physique des carbures polymères,
ou radicaux composés de la chimie organique, et celle
des éléments proprement dits, ou radicaux véritables
de la chimie minérale: cette différence est fondée sur
les observations des physiciens relatives aux chaleurs
spécifiques. D'après leurs mesures, la quantité de chaleur
nécessaire pour produire un même effet, une

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298 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
même variation de température, sur les carbures d'hydrogène,
croit proportionnellement à leur poids moléculaire.
Pour la benzine gazeuse, par exemple, il faut
trois fois autant de chaleur que pour l'acétylène, pris
sous le même volume. Or, le contraire arrive pour les
corps simples multiples les uns des autres: lorsqu'on les
prend sous le même volume gazeux, ou plus généralement
sous leurs poids moléculaires respectifs, la quantité
de chaleur qui produit une même variation de température
dans les corps simples véritables demeure exactement
la même. Par exemple, un litre d'hydrogène et
un litre d'azote absorbent la même quantité de chaleur:
identité d'autant plus frappante que le poids du second
gaz est quatorze fois aussi considérable que celui du
premier. Le travail de la chaleur est donc bien différent
dans les deux cas, suivant qu'il s'agit des corps
simples et des corps composés, et il établit une diversité
essentielle entre les vrais éléments chimiques, tels
que nous les connaissons aujourd'hui, et les polymères
effectifs, c'est-à-dire les corps obtenus par la condensation
expérimentale d'un même radical composé. Assurément
il y a là quelque chose d'un ordre tout particulier;
il existe une propriété fondamentale, tenant à la
constitution mécanique des dernières particules des
corps, qui différencie nos éléments présents des corps
composés proprement dits: c'est là une distinction
dont nous n'avons pas encore sondé toute la profondeur.

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THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 299
§ 6. -- Les familles naturelles des éléments.
Cependant il existe une autre notion, connexe avec la précédente et non moins remarquable, qui concourt
à entretenir nos espérances sur la génération
synthétique des éléments: c'est leur classification en
familles naturelles, classification tentée d'abord par
Ampère, précisée par Dumas, et qui a pris une importance
croissante dans ces dernières années.
Citons d'abord un exemple très caractéristique, je veux parler de la famille des Chloroïdes: elle comprend
trois termes indubitables: le chlore, le brome,
l'iode. Ces trois éléments, par leurs combinaisons avec
les métaux et les autres corps, forment trois séries de
composés parallèles, symétriques dans leurs formules
et qui offrent souvent le même volume moléculaire et
la même forme cristalline. Au point de vue chimique,
rien n'est plus semblable à l'acide chlorhydrique, que
les acides bromhydrique et iodhydrique: ce sont
trois acides puissants, engendrés pareillement par
l'union à volumes égaux des gaz simples qui les composent.
Le chlorure, le bromure, l'iodure de potassium,
sont aussi extrêmement analogues, cristallisés
dans le même système, etc. Les propriétés physiques
de ces trois éléments sont tantôt les mêmes, et tantôt
elles varient d'une façon régulière. Pour n'en citer
qu'une seule et des plus apparentes, je rappellerai que
le chlore est jaune et gazeux, le brome rouge et liquide,
l'iode violet et solide.

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300 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Or, les poids moléculaires, c'est-à-dire les condensations de matière sous la forme gazeuse, vont en
croissant de l'un à l'autre de ces trois éléments. En
effet leurs équivalents ou poids atomiques respectifs,
poids proportionnels aux condensations gazeuses, sont
égaux à 35, 5 pour le chlore, à 80 pour le brome, à 127
pour l'iode. Non seulement les poids croissent ainsi
par degrés; mais ces degrés offrent une certaine régularité:
l'équivalent ou poids atomique du brome étant
à peu près la moyenne entre ceux du chlore et
de l'iode. Le groupe entier constitue ce que l'on a appelé
une triade.
Des remarques analogues ont été faites pour d'autres groupes d'éléments: par exemple, pour la famille
des sulfuroïdes, constituée par l'oxygène, le soufre, le
sélénium et le tellure, éléments dont les équivalents ou
poids atomiques sont à peu près multiples d'une
même unité. Ces éléments s'unissent avec l'hydrogène,
en formant des composés gazeux, composés acides pour
les trois derniers, et, dans tous les cas, renfermant
leur propre volume d'hydrogène. Ces éléments se combinent
pareillement aux métaux.
Le groupe formé par l'azote, le phosphore, l'arsenic et l'antimoine constitue une troisième famille, non
moins caractérisée, celle des azotoïdes, dont les composés
hydrogénés sont aussi des gaz, mais contiennent
une fois et demie leur volume d'hydrogène. Les poids
atomiques croissent aussi suivant une progression
régulière.
C'est ainsi que l'on a été conduit à une véritable classification, assemblant les corps simples suivant des

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THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 301
principes de similitude pareils à ceux que les naturalistes
invoquent dans l'étude des trois règnes de la nature.
Cette classification semble même plus étroite en
chimie, parce que les analogies générales, toujours un
peu élastiques en histoire naturelle, sont corroborées
ici par la comparaison des nombres absolus qui représentent
les poids moléculaires: comme si chaque famille
d'éléments était engendrée en vertu d'une loi
génératrice commune.
Avant d'aller plus loin, je dois dire que je développe ces rapprochements numériques et cette notion de la
génération des éléments, en prenant soin de leur conserver
toute leur force et sans les affaiblir en rien. Cependant,
ce serait tromper le lecteur que de ne pas l'avertir
que le doute s'élève, lorsqu'on précise tout à fait. En
réalité, les rapprochements sur lesquels reposent de
telles espérances ne sont pas d'une rigueur absolue,
mais seulement approximatifs. Ce sont donc là des à
peu près, plutôt que des démonstrations; ce sont des
lueurs singulières, peut-être réelles et de nature à
nous éclairer sur la constitution véritable de nos corps
simples; mais peut-être aussi sont-elles trompeuses,
peut-être résultent-elles uniquement du jeu équivoque
des combinaisons numériques.
En somme, je pense qu'il est permis d'y voir, sans sortir d'une sage réserve, l'indice de quelque loi de
la nature, masquée par des perturbations secondaires
qui sont restées jusqu'ici inexpliquées: à mon avis,
ce genre de rapprochements ne doit pas être écarté.
Mais, je le répète, il serait périlleux de s'y attacher
trop fortement et de les regarder comme définitivement

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302 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
acquis. L'histoire des sciences prouve que l'esprit
humain, une fois qu'il accepte l'à peu près comme
une démonstration, dans les théories positives des phénomènes
naturels et surtout dans les combinaisons
numériques, dérive bien vite vers les fantaisies arbitraires
de l'imagination.


§ 7. -- Les séries périodiques.
Un pas de plus a été franchi dans cette voie; une tentative hardie, touchant peut-être à la chimère, a été
faite pour construire des séries numériques, qui comprennent
tous les corps simples actuels dans leur
réseau et qui prétendent même embrasser tous les
corps simples susceptibles d'être découverts dans
l'avenir. Je veux parler des séries périodiques parallèles,
ou pour employer un langage plus franc et plus
précis, des progressions arithmétiques, suivant lesquelles
M. Chancourtois d'abord, puis MM. Newlands,
Lothar Meyer et Mendeleef ont cherché de nos jours
à grouper tous les nombres qui expriment les poids
atomiques de nos éléments, ou des corps prétendus
tels.
C'est encore par l'étude des séries de la chimie organique que l'on a été conduit à de telles progressions
arithmétiques. La chimie organique, en effet,
est coordonnée autour d'un certain nombre de grandes
séries de corps, liés les uns aux autres dans chaque
série par des lois précises; je dis liés non seulement

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THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 303
par leur formule et leurs propriétés, mais aussi par
leur génération effective. Les corps compris dans chacune
de ces séries peuvent être formés au moyen d'un
seul carbure d'hydrogène fondamental; les autres
termes en dérivent méthodiquement, par des additions
ou des substitutions successives d'éléments. Le
système des dérivés d'un carbure rappelle, et même
avec plus de richesse, le système des dérivés d'un
métal simple en chimie minérale.
Il y a plus: ici intervient une nouvelle donnée. Les carbures fondamentaux ne sont pas des êtres
isolés et indépendants les uns des autres. En fait,
ils peuvent être rangés à leur tour par groupes
réguliers, ou séries dites homologues, séries dont les
termes semblables diffèrent deux à deux par des éléments
constants en nature, en nombre, et par conséquent
en poids: la différence numérique invariable de
ces poids égale généralement 14.
Ces relations générales sont certaines en chimie organique. Elles coordonnent, non seulement les formules,
mais aussi les propriétés physiques et chimiques
des carbures d'hydrogène et de leurs dérivés.
Dès lors c'était une idée toute naturelle, et qui a du
se présenter à plus d'un esprit, que celle de distribuer
l'ensemble des éléments minéraux suivant un principe
de classification analogue, et fondé de même
sur un système de différences constantes.
Telle est, en effet, la base des séries dites périodiques. On dresse aujourd'hui en chimie minérale
des tableaux semblables à ceux de la chimie organique;
on y assemble les éléments, métaux et métalloïdes,

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304 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
comme les carbures d'hydrogène. Il y a pourtant
cette différence, que les groupes des carbures
d'hydrogène sont construits a posteriori et d'après
les expériences synthétiques et positives de la chimie
organique; tandis que les nouveaux groupes d'éléments
minéraux sont formés a priori et par voie purement
hypothétique.
Quoiqu'il en soit, une sorte de table à deux entrées a été construite: elle comprend tous nos éléments connus,
classés selon certaines progressions arithmétiques.
Les familles naturelles des éléments, telles
qu'elles ont été définies plus haut, font la base de
cette classification.
Rappelons d'abord la famille des chloroïdes: elle comprend le chlore, le brome, l'iode, auxquels on
a adjoint le fluor, premier terme un peu divergent.
En fait, les différences numériques entre les poids
atomiques de ces quatre éléments sont représentées
par les chiffres suivants: 16, 5; 44, 5 et 47. Ces
trois différences constituent à peu près une progression,
dont la raison serait le nombre 16, ou bien le
nombre 15.
De même la famille des sulfuroïdes, laquelle comprend l'oxygène, le soufre, le sélénium et le tellure,
offre les trois différences que voici entre les poids
atomiques de ses termes successifs : 16; 47. 6;
47, 8; nombres à très peu près multiples de 16:
c'est la même raison que tout à l'heure.
Le lithium, représenté par 7, le sodium par 23, le potassium par 39,1, forment un troisième groupe
d'éléments, tous éléments métalliques cette fois: on

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THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 305
y retrouve la même différence ou raison approximative,
égale et 16.
Venons à la famille des azotoïdes, tels que l'azote représenté par 14, le phosphore par 31, l'arsenic
par 75, l'antimoine par 120. La raison de la progression
serait ici comprise entre 15 et 17, c'est-à-dire
à peu près la même, quoique toujours avec des écarts
notables dans sa valeur absolue.
Je dis à peu près, et c'est cet à peu près perpétuel qui jette une ombre sur tout le système. Mais poursuivons-en
le résumé, en nous plaçant à un nouveau
point de vue.
La première famille, celle des chloroïdes, comprend des éléments caractérisés par une propriété chimique
commune, qui domine toutes leurs combinaisons: ce
sont des corps monovalents, capables de se combiner de
préférence à volumes gazeux égaux, c'est-à-dire à poids
atomiques égaux, avec l'hydrogène et avec les métaux.
Au contraire la seconde famille, celle des sulfuroïdes, oxygène, soufre et analogues, contient surtout
des corps bivalents, se combinant dans l'état
gazeux avec un volume d'hydrogène double du leur,
et, d'une manière plus générale, suivant des rapports
de poids atomiques doubles.
A son tour, la famille qui renferme l'azote, le phosphore et les éléments analogues est trivalente;
chacun de ces éléments, pris sous son poids atomique
respectif, se combine avec trois atomes d`hydrogène
ou des autres éléments.
Enfin, l'on distingue une autre série quadrivalente, formée par le carbone, le silicium, l'étain, etc.
20
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306 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Ces quatre séries, caractérisées par les rapports de leurs combinaisons, embrassent une multitude de
composés connus Elles rappellent certains groupes
généraux de carbures d'hydrogène. En effet, les uns de
ceux-ci, tels que l'éthylène, pris sous la forme gazeuse,
sont susceptibles de se combiner avec un volume
égal d'hydrogène, de chlore et des autres éléments.
D'autres carbures, tels que l'acétylène, sont aptes à se
combiner de préférence avec un volume gazeux d'hydrogène,
de chlore, etc., double du leur. D'autres carbures
s'unissent avec un volume triple, ou quadruple
des gaz élémentaires et spécialement d'hydrogène, etc.
Or, si l'on compare entre eux les carbures d'hydrogène
monovalents, bivalents, trivalents, on reconnaît
qu'on peut les grouper d'une façon très simple, en les
rangeant par classes telles, que dans une classe de carbures
renfermant le même nombre d'atomes de carbone,
les carbures consécutifs diffèrent les uns des
autres par deux équivalents d'hydrogène et, par conséquent,
par des poids atomiques croissant de 2 en
2 unités. Cette différence constante entre les termes
primordiaux des diverses séries se retrouve nécessairement
entre les termes suivants, c'est-à-dire entre les
termes des séries homologues comparés entre eux.
Les carbures les plus légers par leur poids atomique,
dans chaque classe renfermant un nombre donné
d'atomes de carbone, sont en même temps les moins
saturés, ceux dont la valence est la plus considérable;
car la valence croît proportionnellement au nombre
d'atomes d'hydrogène unis avec une même quantité de
carbone. Ces rapprochements numériques, cette classification

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THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 307
dominent toute la chimie organique et ils
reposent sur l'expérience.
Or, chose étrange! si l'on compare les termes primordiaux de chacune des familles minérales, caractérisées
par des valences distinctes; si l'on compare entre
eux, par exemple, les quatre éléments suivants: le carbone
quadrivalent et représenté par un poids atomique
égal à 12; l'azote trivalent et représenté par le poids
atomique 14; l'oxygène bivalent et représenté par 16;
enfin le fluor monovalent et représenté par 19; on remarque
aussitôt que ces nombres diffèrent entre eux
par des valeurs numériques progressivement croissantes,
telles que 2, 2 et 3: soit en moyenne 2, différence
qui est aussi celle des carbures d'hydrogène
de valence inégale. Cette différence constante des
termes primordiaux se retrouve donc entre les termes
corrélatifs des diverses familles d'éléments, en chimie
minérale, aussi bien qu'entre les carbures correspondant
des familles homologues, en chimie organique.
Ce n'est pas tout. La famille du lithium, qui part du nombre 7, et quelques autres, un peu artificielles
peut-être, telles que celle du glucinium, qui part du
nombre 9, et celle du bore, qui part du nombre 11,
fournissent autant de chefs de file complémentaires,
dont les poids atomiques croissent par 2 unités, et
achèvent de combler les vides subsistant entre les
multiples successifs du nombre 16, raison commune
de toutes les progressions dans l'intérieur de chaque
famille d'éléments.
Nous avons ainsi deux progressions fondamentales: d'une part, la grande progression, dont les termes

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308 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
croissent comme les multiples de 16, et qui est applicable
aux corps particuliers compris dans chacune des
familles; et, d'autre part, la petite progression, croissant
suivant les multiples de 2, et qui est applicable
aux familles elles-mêmes, comparées entre elles dans
leurs termes correspondants. En combinant ces deux
progressions, on construit un tableau théorique, qui
renferme l'ensemble des poids atomiques des corps
simples, répartis sur la série des nombres entiers, jusqu'à
la limite des poids atomiques les plus élevés.
Tel est le système: je l'ai présenté dans son ensemble, avec les artifices ingénieux de ses arrangements.
Cependant, en réalité, les poids atomiques
des éléments des quatre familles fondamentales, comprenant
environ quinze éléments, sont les seuls qui
se trouvent coordonnés suivant des relations tout
a fait vraisemblables. On peut disposer encore de
même certaines séries de métaux, telles que le groupe
formé par le lithium, le sodium, le potassium. Cela
fait, il restait plus de la moitié des éléments connus,
qui demeuraient en dehors de tout rapprochement
précis. Les auteurs du système n'ont pas hésité à les
grouper aussi, de façon à les ranger, chacun à sa place,
dans leur tableau. Mais il est facile pour tout esprit
non prévenu de reconnaître que ce dernier groupement
repose sur des comparaisons purement numériques, et
qui sont loin d'avoir la même solidité que les précédentes,
si même elles ne sont tout à fait arbitraires.
Quoi qu'il en soit, les rapprochements que le système des séries périodiques opère ne se bornent pas là. On
sait en effet qu'il existe entre les poids atomiques des

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THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 309
corps, leurs volumes atomiques et leurs différentes
propriétés physiques et chimiques, certaines relations
générales. Ces relations ont été établies depuis
longtemps en chimie et antérieurement à toute disposition
des éléments en séries parallèles: elles
n'en dépendent en rien, car elles résultent de la
valeur absolue des poids atomiques, et non de leurs
différences périodiques. Cependant, comme ces relations
sont la conséquence immédiate des poids atomiques,
les rapprochements établis entre ceux-ci se
retrouvent, par un contre-coup nécessaire, entre leurs
volumes atomiques et entre toutes les autres propriétés
corrélatives de la masse chimique des éléments. De
telle sorte que le tableau des séries parallèles, une fois
établi, comprend en même temps les propriétés physiques
fondamentales des éléments: comme le ferait
d'ailleurs tout groupement, quel qu'il fût, des mêmes
éléments. Cette circonstance augmente la commodité
du nouveau tableau; quoiqu'elle n'apporte aucune démonstration
nouvelle à l'existence des séries périodiques:
il faut se garder à cet égard de toute illusion.
Mais passons outre et examinons les prévisions déduites de la nouvelle classification. C'est ici surtout
que le système devient intéressant. On remarquera
que dans les progressions arithmétiques qui comprennent
chaque famille d'éléments, il manque certains
termes. Entre le soufre, 32, et le sélénium, 79
(c'est-à-dire à peu près 80), il devrait exister deux
termes intermédiaires, tels que 48 et 64. De même
entre le sélénium, 79, et le tellure, 128, il manque

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310 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
2 termes: 96 et 112. Il est clair que ce doivent être
là des éléments inconnus et qu'il convient de rechercher.
Mais comme le nombre en eut été trop grand, les
auteurs du système, empressés à combler les vides de
chaque famille, y ont d'abord intercalé des éléments
déjà connus, quoique manifestement étrangers à la
famille, tels que le molybdène, 96, inséré entre le sélénium
et le tellure; le tungstène et l'uranium, ajoutés
pareillement à la suite. A la série du lithium, 7, ils ont
également ajouté en tête l'hydrogène, I, et à la fin le
cuivre, 63, puis l'argent, 108, et l'or, 197 (I). Tout ceci
touche à la fantaisie.
De même, entre le chlore et le brome, entre le brome et l'iode, il manque certains termes des progressions
arithmétiques fondamentales: ce sont encore là des
éléments hypothétiques et à découvrir. Observons ici
que leurs propriétés ne sont pas indéterminées. En
effet, les propriétés physiques ou chimiques d'un élément
inconnu, ou du moins certaines d'entre elles
peuvent être prévues et même calculées à priori, dès
que l'on donne le poids atomique, et mieux encore
la famille, c'est-à-dire les analogies. Mais cette prévision,
comme il a été dit plus haut, n'est pas une conséquence
de la théorie des séries périodiques; elle résulte
purement et simplement des lois et des analogies
anciennement connues, lesquelles sont indépendantes
du nouveau système.
Quoi qu'il en soit, le tableau hypothétique que je viens de décrire, tableau qui comprend tous les corps
simples connus et tous les corps simples possibles, a


(I) Carnelley, Philosophical Magazine, Septembre 1884, p. 191.
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THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 311
quelque chose de séduisant et qui entraîne beaucoup
d'esprits.
Nous l'avons exposé dans toute sa netteté: mais le moment est venu de présenter certaines réserves. En
effet, il est impossible de ne pas signaler à l'attention
du critique et du philosophe l'artifice commode,
à l'aide duquel les auteurs du système sont parvenus
à y comprendre non seulement tous les corps
connus, mais même tous les corps possibles. Cet
artifice consiste à former leur tableau avec des termes
qui ne diffèrent pas en définitive de plus de deux
unités, termes assez resserrés pour que nul corps
nouveau, quel qu'il soit, ne puisse tomber en dehors
des mailles du filet. La chose est d'autant plus assurée
que les différences périodiques, ou raisons de la progression,
comportent souvent dans leurs applications
aux poids atomiques connus des variations de 1 à
2 unités. On voit qu'il ne s'agit même plus ici de ces
fractions d'unité, qui séparaient les uns des autres les
multiples de l'hydrogène, et qui ont été objectées à
l'hypothèse de Prout et de Dumas; mais nous rencontrons
des écarts bien plus grands, dont aucune explication
théorique n'a été donnée, écarts dont l'existence
ôte aux nouveaux rapprochements une grande partie
de leur valeur philosophique. En tolérant de tels
écarts, et en multipliant suffisamment les termes réels
ou supposés des comparaisons, il sera toujours facile
aux partisans d'un système, quel qu'il soit, de se déclarer
satisfaits.
Sans exclure absolument de pareilles conceptions, on doit éviter d'attacher une valeur scientifique trop

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312 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
grande à des cadres si élastiques; on doit surtout se
garder de leur attribuer les découvertes passées ou
futures, auxquelles ils ne conduisent point en réalité
d'une manière précise et nécessaire.
En fait et pour être sincères, nous devons dire qu'en dehors des anciennes familles naturelles d'éléments
reconnues depuis longtemps, ce ne sont guère là que
des assemblages artificiels. Le système des séries
périodiques, pas plus que le système des multiples de
l'hydrogène, n'a fourni jusqu'ici aucune règle certaine
et définie pour découvrir soit les corps simples trouvés
dans ces dernières années, soit ceux que nous ne connaissons
pas encore. Aucun de ces systèmes n'a fourni
davantage une méthode positive, qui permette d'entrevoir,
même de très loin, la formation synthétique
de nos éléments; ou qui mette sur la voie des expériences
par lesquelles on pourrait essayer d'y atteindre.
De grandes illusions se sont élevées à cet égard.
Ce n'est pas que de tels systèmes ne soient utiles dans la science; ils servent à exciter et à soutenir
l'imagination des chercheurs. Ceux-ci se résignent
difficilement à rester sur le pur terrain expérimental
et ils sont poussés dans la région des constructions
et des théories, par ce besoin d'unité et de
causalité, inhérent à l'esprit humain. Aussi serait-il
trop dur, et inutile d'ailleurs, de vouloir proscrire
toute tentative de ce genre. Mais, quelle que soit la
séduction exercée par ces rêves, il faudrait se garder
d'y voir les lois fondamentales de notre science et la
base de sa certitude, sous peine de retomber dans un
enthousiasme mystique pareil à celui des alchimistes.

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THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 313
De telles conceptions sont d'ailleurs trop étroites et il convient de s'élever plus haut. Au fond, ceux qui invoquent
les multiples de l'hydrogène et les séries périodiques
rattachent tout à la conception de certains
atomes, plus petits à la vérité que ceux des corps réputés
simples. Or, s'il venait à être démontré que les
équivalents des corps simples actuels sont rigoureusement
multiples les uns des autres, ou plus généralement,
multiples de certains nombres formant la raison
de progressions arithmétiques déterminées; il en
résulterait cette conclusion probable que les corps
simples actuels représentent les états inégaux de condensation
d'une même matière fondamentale. Cette
façon de concevoir les choses n'a rien qui puisse répugner
à un chimiste, versé dans l'étude de sa science.
On pourrait même invoquer à cet égard des faits connus de tous, et qui ne sont pas sans quelque
analogie. Tels sont les états multiples du carbone,
élément qui se manifeste à l'état libre sous les
formes les plus diverses et qui engendre plusieurs
séries de composés, correspondant dans une certaine
mesure à chacun de ses états fondamentaux; au
même titre que les composés d'un élément ordinaire
correspondent à cet élément même. Le carbone représente
en quelque sorte le générateur commun de
toute une famille d'éléments, différents par leur condensation:
c'est d'ailleurs à la même conclusion que nous
avait déjà conduit l'étude des carbures d'hydrogène.
On pourrait objecter que les diversités de propriétés
du carbone ne vont pas aussi loin que les diversités
des éléments compris dans une même famille, celle des

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314 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
chloroïdes ou celle des sulfuroïdes, par exemple. En
effet, le soufre, le sélénium ne reproduisent jamais les
mêmes composés, en s'unissant avec l'oxygène,
l'hydrogène ou l'azote; et ils ne peuvent être régénérés
par les condensations du plus simple d'entre eux.
Tandis que toutes les formes du carbone, quelle
qu'en soit la variété, représentent réellement les
états inégalement condensés d'un même élément (I):
toutes ces formes dérivent du carbone gazeux, état
primordial, le moins condensé de tous, et dont l'analyse
spectrale révèle l'existence momentanée à une très
haute température (2). Cependant, peut-être est-ce là
une simple différence de degré dans la facilité des métamorphoses.
En somme, le carbone, envisagé sous ses
états et ses degrés de condensation, équivaut à lui
seul à une classe entière de corps simples. L'oxygène,
le soufre, le sélénium, le tellure pourraient représenter
au même titre, les états divers d'un élément commun.
Il y a plus: l'ozone, corps doué de propriétés spécifiques
très singulières et comparables à celles d'un
véritable élément, a été réellement formé au moyen de
l'oxygène: son existence autorise jusqu'à un certain
point les conjectures précédentes.
Peut être en est-il aussi de même de certains groupes de métaux: chacun d'eux répondant par lui-même et
par la série particulière de ses combinaisons à quelqu'un
de ces états du carbone, qui engendrent des séries
correspondantes de dérivés. Il y a cette différence toute


(I) Annales de Chimie et de Physique, 4e série, t. IX, p. 476 et suiv. (2) Voir mes Mémoires sur les états du carbone: Annales de Chimie et de Physique, 4e série, t. XIX, p. 397 et 398, 413, 427.

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THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 315
fois, je le répète, que les états divers du carbone peuvent
être tous ramenés à certains composés identiques, tels
que l'acide carbonique, l'acétylène ou le formène; tandis
que le soufre, le sélénium, les métaux, sont demeurés
irréductibles dans leurs combinaisons.


§ 8. -- La Matière première une et multiforme.
Jusqu'ici nous avons raisonné comme si les éléments actuels étaient nécessairement formés par la
condensation d'un élément plus simple, tel que l'hydrogène
ou tout autre élément réellement existant et
isolable, dont les propriétés individuelles seraient la
source de celles de ses combinaisons. Mais ce n'est pas
là la seule manière de comprendre la constitution de
nos corps simples: il importe d'étendre à cet égard
nos idées, et d'exposer une conception philosophique
plus générale.
L'identité fondamentale de la matière contenue dans nos éléments actuels et la possibilité de transmuter
les uns dans les autres les corps réputés
simples, pourraient être admises comme des hypothèses
vraisemblables, sans qu'il en résultât la nécessité
d'une matière unique réellement isolable,
c'est-à-dire existant d'une façon propre. L'une des
hypothèses n'entraîne pas l'autre comme conséquence
forcée, contrairement à ce que l'on a pensé jusqu'ici.
Ceci mérite une attention toute particulière.
En effet, en admettant l'unité de la matière comme établie, on conçoit que cette matière une soit susceptible

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316 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
d'un certain nombre d'états d'équilibre stable,
en dehors desquels elle ne saurait se manifester.
L'ensemble de ces états stables renfermerait les corps
simples aujourd'hui connus, les corps simples que l'on
pourra découvrir un jour, et même former synthétiquement;
en supposant que l'on arrive jamais à en
découvrir la loi génératrice. Mais on a toujours raisonné
en assimilant ces états multiples d'équilibre de
la matière à nos corps composés actuels, formés par
l'addition d'éléments plus simples
Or, on peut concevoir les choses tout autrement Il est possible que les états divers d'équilibre, sous
lesquels se manifeste la matière fondamentale, ne
soient ni des édifices composés par l'addition d'éléments
différents, ni des édifices composés par l'addition
d'éléments identiques, mais inégalement condensés.
Il ne paraît pas nécessaire, en un mot, que
tous ces édifices moléculaires représentent les multiples
entiers d'un petit nombre d'unités pondérales
élémentaires. On peut tout aussi bien imaginer
que de tels édifices offrent, les uns par rapport aux
autres, des relations génératrices d'un autre ordre:
telles, par exemple, que les relations existant entre les
symboles géométriques des diverses racines d'une
équation; ou plus généralement, entre les valeurs
multiples d'une même fonction, définie par l'analyse
mathématique. La matière fondamentale représenterait
alors la fonction génératrice, et les corps simples
en seraient les valeurs déterminées.
Dans cette hypothèse, plus compréhensive que celles que l'on formule d'ordinaire sur la constitution de la

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THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 317
matière; dans cet ordre d'idées, dis-je, un corps réputé
simple pourrait être détruit, mais non décomposé
suivant le sens ordinaire du mot. Au moment de sa
destruction, le corps simple se transformerait subitement
en un ou plusieurs autres corps simples, identiques
ou analogues aux éléments actuels. Mais les
poids atomiques des nouveaux éléments pourraient
n'offrir aucune relation commensurable avec le poids
atomique du corps primitif, qui les aurait produits par
sa métamorphose. Il y a plus: en opérant dans des
conditions diverses, on pourrait voir apparaître tantôt
un système, tantôt un autre système de corps simples,
développés par la transformation du même élément.
Seul, le poids absolu demeurerait invariable, dans la
suite des transmutations.
D'après cette manière de voir, les corps qui résulteraient de la métamorphose de l'un quelconque de
nos éléments actuels ne devraient pas être envisagés
comme des corps simples par rapport à lui; je dis à un
titre supérieur à l'élément qui les aurait engendrés.
Car ils pourraient, eux aussi, être détruits et transformés
en un ou plusieurs autres corps, toujours de l'ordre
de nos éléments présents. Au nombre de ces éléments
de nouvelle formation, on pourrait même voir reparaître
le corps primitif, qui aurait donné lieu à la première
métamorphose. Il ne s'agirait donc plus ici de
compositions et de décompositions, comparables à
celles que nous réalisons continuellement dans nos
opérations.
La notion d'une matière au fond identique, quoique multiforme dans ses apparences, et telle qu'aucune

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318 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
de ses manifestations ne puisse être regardée comme
le point de départ nécessaire de toutes les autres,
rappelle à quelques égards les idées des anciens alchimistes.
Elle offrirait cet avantage d'établir une ligne
de démarcation tranchée entre la constitution de nos
éléments présents et celle de leurs combinaisons
connues. Elle tendrait compte de la différence qui
existe entre la chaleur spécifique des éléments actuels
et celle des corps composés et carbures polymères
(voir p. 297). Elle se concilierait d'ailleurs parfaitement
avec les hypothèses dynamiques que l'on énonce
aujourd'hui sur la constitution de la matière.
Les divers corps simples, en effet, pourraient être constitués tous par une même matière, distinguée
seulement par la nature des mouvements qui les animent.
La transmutation d'un élément ne serait alors
autre chose que la transformation des mouvements
qui répondent à l'existence de cet élément et qui lui
communiquent ses propriétés particulières, dans les
mouvements spécifiques correspondants à l'existence
d'un autre élément. Or, si nous acceptons cette
manière de voir, nous n'apercevons plus aucune relation
nécessaire de multiplicité équivalente entre les
nombres qui caractérisent le mouvement primitif et
ceux qui caractérisent le mouvement transformé.
Cette conception, que j'ai développée devant la Société Chimique de Paris en 1863, ne recourt, en
définitive, pour expliquer l'existence des éléments
chimiques, qu'à celle de nos corps simples actuels et
des corps du même ordre, ramenés en quelque sorte
à la notion de matière première

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THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 319
§ 9. -- La Matière pondérable et le fluide éthéré.

D'autres veulent préciser davantage. Par une imagination fort plausible, mais dont le caractère
contradictoire avec la théorie atomique véritable a été
parfois méconnu, ils envisagent les particules prétendues
atomiques de nos éléments comme les agrégats
complexes d'une matière plus subtile, le fluide éthéré;
agrégats constitués par des tourbillons de ce fluide,
sorte de toupies en rotation, douées d'un mouvement
permanent et indestructible.
On voit que l'atome des chimistes, la base en apparence la plus solide et la plus démontrée de notre
science, s'évanouit complètement. Si nous ajoutons
que chacun de ces tourbillons se fait et se défait sans
cesse, c'est-a-dire que la matière même contenue dans
chacun des tourbillons demeure fixe par sa quantité,
mais non par sa substance, nous retournons tout à
fait aux idées d'Héraclite. C'est ainsi que, dans la
philosophie scientifique de nos jours, la permanence
apparente de la matière tend à être remplacée par la
permanence de la masse et de l'énergie.
Un seul être ferme subsisterait alors, comme support ultime des choses, c'est le fluide éthéré. Le
fluide éthéré joue ici le rôle du mercure des philosophes;
mais il est difficile de ne pas s'apercevoir que
son existence réelle n'est pas mieux établie et qu'elle
n'est guères moins éloignée des faits visibles et démontrables,

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320 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
sur lesquels roulent nos observations. C'est
là aussi un symbole, une fiction destinée à satisfaire
l'imagination. Les fluides électrique, magnétique,
calorifique, lumineux, que l'on admettait au commencement
de ce siècle comme supports de l'électricité,
du magnétisme, de la chaleur et de la lumière, n'ont
certes pas, aux yeux des physiciens de nos jours,
plus de réalité que les quatre éléments, eau et terre, air
et feu, inventés autrefois, au temps des Ioniens et au
temps de Platon, pour correspondre à la liquidité et à
la solidité, à la volatilité et à la combustion. Ces fluides
supposés ont même eu dans l'histoire de la science une
existence plus brève que les quatre éléments: ils ont
disparu en moins d'un siècle et ils se sont réduits à un
un seul, l'éther, auquel on attribue des propriétés
imaginaires et parfois contradictoires. Mais déjà
l'atome des chimistes, l'éther des physiciens semblent
disparaître à leur tour, par suite des conceptions nouvelles
qui tentent de tout expliquer par les seuls
phénomènes du mouvement.
Toutes ces théories d'atomes, d'éléments, de fluides naissent d'une inclination invincible de l'esprit humain
vers le dogmatisme. La plupart des hommes ne
supportent pas de demeurer suspendus dans le doute
et l'ignorance; ils ont besoin de se forger des croyances,
des systèmes absolus, en science comme en morale.
Dans les matières où elle n'a pas réussi à établir des
lois, c'est-à-dire des relations certaines et invariables
entre les phénomènes, l'intelligence procède par analogies,
et elle tourne dans un cercle d'imaginations
abstraites qui ne varient guère. Assurément, je le répète,

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THEORIES ALCHIMIQUES ET THEORIES MODERNES 321
nul ne peut affirmer que la fabrication des
corps réputés simples soit impossible a priori. Mais
c'est là une question de fait et d'expérience. Si jamais
on parvient à former des corps simples, au sens actuel,
cette découverte conduira à des lois nouvelles, relations
nécessaires que l'on expliquera aussitôt par de nouvelles
hypothèses. Alors nos théories présentes sur
les atomes et sur la matière éthérée paraîtront probablement
aussi chimériques aux hommes de l'avenir,
que l'est, aux yeux des savants d'aujourd'hui, la théorie
du mercure des vieux philosophes.


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APPENDICES -----
APPENDICE A
ANALYSE DU PAPYRUS N° 66 (REUVENS) OU 1,379 (LEEMANS), DU MUSEE NEERLANDAIS D'ANTIQUITES
A LEIDE.

En raison de l'importance de ce papyrus, il m'a paru utile de reproduire, d'après Reuvens, les titres des
articles alchimiques qu'il renferme; toutefois, sans y
faire aucune correction, ni accentuation. J'en ai donné
(pages 87 à 93) la traduction, en la rangeant suivant
un ordre différent, c'est-à-dire d'après la nature des
métaux et des sujets.

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324 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
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APPENDICE A 325
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326 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
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APPENDICE B
PAGES II ET 13 DU PAPYRUS PRECEDENT, IMPRIMEES D'APRES UNE PHOTOGRAPHIE

Ce texte est inédit; je l'ai reproduit sans aucune correction (voir page 82.)


PAGE II. -- Procédés de transmutation.
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328 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
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APPENDICE B 329
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330 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
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APPENDICE B bis
LES PAPYRUS DU LOUVRE ET DE BERLIN

Il m'a paru utile de compléter mes résultats par la comparaison des Papyrus du Louvre, publiés d'après Letronne, dans
le tome XVIII des Notices et Extraits de notre Académie des
Inscriptions (1866), et des Papyrus de Berlin, publiés par Parthey,
sous le patronage de l'Académie de Berlin. Ni les uns
ni les autres ne renferment d'alchimie proprement dite; mais
ce sont des textes congénères de ceux de Leide, parfois même
contemporains.
Soit d'abord les noms des métaux et ceux des personnages. Les noms de l'or, de l'argent, du fer, du cuivre y figurent seulement avec leur sens ordinaire.
Le nom de l'asemon ne s'y rencontre pas; non plus que celui de l'étain.
Pour le plomb, on trouve une seule fois: μολυβδινα ποτηρια (Papyrus du Louvre, p. 294).
En fait d'alliages, on lit seulement le nom de l'orichalque, ou plutôt des ouvriers qui le fabriquent (p. 240).
Le nom de Démocrite apparaît à titre d'astronome (I), associé à celui d'Eudoxe à quatre reprises, dans un traité écrit du
temps des Antonins. (Pap. du Louvre, p. 74-75).
Le nom de Pétésios (2) s'y trouve aussi (p. 345).

(I) Voir les Fragmenta astronomica de Démocrite dans Mullach, p. 231.
(2) Voir ce volume p. 168.
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332 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Dans un thème généthliaque (p. 236), on rencontre les Chaldéens, Pétosiris, Hermès, Imouth, personnages fréquemment
nommés dans les premiers siècles de notre ère et dans
nos manuscrits (I). Le sujet même de ce thème, c'est-à-dire
l'astrologie, est congénère de l'alchimie (2).
Dans les papyrus de Berlin, il s'agit surtout de la magie et de la science des songes, comme dans certains de ceux de
Leide (3). Leur style rappelle les gnostiques. Ils sont dès lors
très voisins des écrits alchimistes, surtout de ceux de Synésius
et d'Olympiodore. -- Précisons ces rapprochements.
Le Soleil et la Lune y sont désignés par leurs symboles (p. 114), comme dans ceux de Leide (4). On n'y trouve rien sur
les traitements des métaux, quoiqu'on y lise une certaine préparation
magique où figurent des plantes (p. 151; Pap. II, 35).
Le nom du grand oeuvre (μεγα εργον) s'y trouve, mais appliqué à
la magie (Pap I, 247 a).
Le serpent Ouroboros y est nommé, ainsi que Chnouphi (5) l'Agathodémon (Pap. I, 27, 236). Le courant du Nil y est cité
(Pap. I, 30), dans les mêmes termes, (τα του Νειλου ρευματα) que
par Zosime. La mention mystérieuse des sept sources (Pap. I, 235)
rappelle celle des trois sources du temple d'Isis (6).
Les sept voyelles sont employées comme formule magique, de même que sur les amulettes gnostiques et pierres gravées de
la Bibliothèque nationale de Paris (7). On y trouve, de même
que chez les alchimistes (8), une formule de serment (Pap. I, 305).
L'opposition entre le chaud et le froid (Pap. I, 235) rappelle
aussi les alchimistes; comme on peut le voir dans Stéphanus,
(p. 275 de ce volume), et surtout dans une intercalation en petit
texte, qui se lit dans le manuscrit 2.327, fol. 240 V°.


(I) Voir ce volume p. 9, 132, 169 184. (2) Ce volume, p. 12 et suivantes; p. 48, 83, etc. (3) Ce volume, p. 84. (4) Ce volume, p. 83. (5) Ce volume, p. 136. (6) Ce volume, p. 134. (7) Ce volume, p. 62. (8) Ce volume, p. 25.
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APPENDICE B bis 333
La formule de la terre vierge (παρτενου γης, Pap. II, 57) est très caractéristique; car elle rappelle une phrase énigmatique
attribuée à Hermès par les alchimistes (πάρθενος ἡ γὴ εὐρίσκεται
ἑν τη̑ οὐρᾳ τη̑ς παρθένου. -- Manuscrit de saint Marc, fol. 168 V°)
et les mots de Zosime (I) « la terre est vierge et sanglante,
ignée et charnelle » (ms de saint Marc, fol. 190 V°).
Les noms cités ne sont pas moins caractéristiques. On trouve, en effet, dans les Papyrus de Berlin: d'une part, Apollon et les
Muses (Pap. de Berlin, p. 152, 155), invoqués dans un style qui
semble une réminiscence du Ier livre de l'Iliade et qui rappelle
aussi Olympiodore (2).
On y lit pareillement les noms des trois Parques (Papyrus de Berlin, p. 153. -- Ce volume, p. 25), et celui de Jupiter.
A côté de ces divinités païennes, figurent Adonaï, l'archange saint Michel (Pap. de Berlin, p. 128), saint Georges, Moïse
(Pap. II, 115), Abraham: amalgame étrange d'éléments grecs
classiques, d'éléments judaïques et d'éléments chrétiens, qui
rappelle les derniers gnostiques (3), les Hymnes Orphiques, les
auteurs du IVe siècle de notre ère. Il rappelle en particulier les
hymnes et les écrits de Synésius (4) et l'ouvrage d'Olympiodore
(5). Tout cela appartient à une même époque et à une même
littérature.


(I) Ce volume, p. 63. (2) Ce volume, p. 193. (3) Ce volume, p. 65. (4) Ce volume, p. 190. (5) Ce volume, p. 193.
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APPENDICE C DIPLOSIS (DOUBLEMENT) DE L'ARGENT MANUSCRIT 2.327, FOLIO 274 V°. (VOIR PAGES 91 et 92)


On reproduit ici le texte du manuscrit sans corrections.
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APPENDICE D

Je vais exposer les résultats de mon examen des divers manuscrits dont j'ai eu connaissance: en commençant
par le manuscrit 2,327, et par le manuscrit
de saint Marc, que j'ai surtout dépouillés, (Voir
page 95 et suivantes.) C'est en quelque sorte la table
des matières de ces manuscrits: table qui peut servir
à en définir les caractères généraux et spécifiques, ainsi
que le mode de composition. Elle permettra en outre
de comparer entre eux ceux que j'ai étudiés et ceux que
je n'ai pas eu occasion de parcourir.
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I. -- MS. 2.327 DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE PARIS
MS. IN-8°, RELIE AUX ARMES DE HENRI II: 300 FOLIOS -----

Je traduirai les titres en français, non sans dissimuler que quelques-uns des mots techniques laissent un peu d'incertitude.
Je donne en note l'indication des textes reproduits dans
d'autres manuscrits, autant que j'ai pu l'établir d'après les
catalogues imprimés, ou d'après mes propres collations. L'examen
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336 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
direct de tous les manuscrits serait nécessaire pour
compléter cette comparaison. Le manuscrit de saint Marc fera
d'ailleurs plus loin l'objet d'une notice spéciale.

Livre sur l'art de faire de l'or, renfermant les écrits de plusieurs
des philosophes qui se sont occupé de l'art sacré: Démocrite, Dioscorus, Synésius, Stéphanus, Olympiodore, Zosime et autres.
Puis vient une table latine moderne, laquelle renferme quelques inexactitudes.

I. Lettre du bienheureux et omniscient Psellus au très saint Patriarche Xiphilin sur l'art de faire de l'or. (I). Fol. I à 7 Entre cette lettre et le traité des poids et mesures qui se lit au folio 15, on trouve une suite d'intercalations et de surcharges, d'écritures diverses, faites par des copistes qui ont voulu utiliser des pages blanches et compléter l'exemplaire. Par exemple: recettes pour faire une espèce de colle; une espèce de savon; Zosime dit sur l'asbestos (2) -- Notes diverses, dont une formule à réciter contre le mal de dents, d'écriture moderne. -- Puis vient un commentaire sur la pierre philosophale, d'après Démocrite, Ostanès, etc., composé de vieux fragments qui se retrouvent répétés plus loin et plus correctement. Fol. 8 à 12 Fabrication des verres. -- Cet article est répété deux fois, d'une écriture différente, et suivi d'une énigme en six vers et de divers articles relatifs aux vapeurs sublimées, (αἰθάλαι), au blanchiment des métaux, etc. Fol. 12 à 14 II. Extrait du traité de Cléopâtre sur les poids et mesures (3). Fol. 15 et 16

(I) Reproduite dans le ms. d'Altenbourg.
(2) Laurentine, XL. Saint Marc.
(3) Ce traité existe aussi dans les ms. suivants: Leide. | Laur. I |
Vienne, XI Saint Marc | ms. 2.275 | ms. 2.329.
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APPENDICE D 337
III. Explication des signes de l'art sacré et du livre sur la matière de l'or (I). Ce tableau parait formé par l'addition successive de sept ou huit tableaux analogues, mais plus anciens (voir p. 112). Fol. 16 V° à 18 IV. Lexique des mots de l'art sacré (2), par ordre alphabétique Fol. 19 à 23 V. Ce que les anciens disent sur l'oeuf (philosophique): C'est une nomenclature symbolique très ancienne, relative à l'art sacré (3). Fol. 23 et 24 VI. Physica et mystica, c'est-à-dire Ecrits naturels et mystérieux de Démocrite (4), renfermant plus loin, en sous-titre, la fabrication de l'asemon. Fol. 24 V° à 31 VII. Synésius le philosophe à Dioscorus sur le livre de Démocrite, etc. (5). Fol. 31 à 37 VIII. Stéphanus d'Alexandrie: sur l'art sacré et divin de faire de l'or (6), neuf leçons (praxeis). Fol.37 V° à 74 IX. Comarius, grand prêtre, maître de Cléopâtre, etc. (7). Fol. 74 à 79 V° Sur l'art sacré, etc. Fol. 79 V° et 80

(I) Ms. 2.325, fol. I et 2. La Ire page de 2.327 manque. La liste commence au mot θολασσα du fol. 17 et finit à ρινισμα du fol. 17 V°. -
ms. 2.250 à la fin. - Laur., II - saint Marc.
(2) Ms. 2.325, fol. 2 V° à 8. La première demi-page de 2.327 manque. Débute par αφαιρημα - Leide - Laur., III. -- Vienne, XXI - saint Marc -
ms. 2.275.
(3) Manque dans 2.325. - Saint Marc. (4) Ms. 2.325, fol. 8 V° à 20. - Alt. - Leide - Laur., IV. - Saint Marc. Vienne, IV. - Ambr. -
(5) Ms. 2.325, fol. 20 à 31, - Laur., V. - Vienne, V. - Saint Marc - Ambr. - ms. 2.275.
(6) Ms. 2.325, fol. 32 à 81. - Alt. - Leide. - Ms. 2.275. - Laur., VI. - Vienne, I. - Saint Marc. - Ambr. - Ms. 2.329. -
(7) Ms. 2.250. Commentaire sur Comarius par un anonyme. - Laur., VII et VIII. - Saint Marc (fin de la 9e leçon de Stéphanus).
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338 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
X. Mémoires authentiques de Zosime le Panopoli- tain (I). Les formules sur le tout, y sont inscrites en lettres rouges, sans la figure des cercles concentriques, mais avec les signes des quatre métaux: Plomb, Mercure, Argent, Or. -- Au verso, on voit à l'encre rouge des signes magiques, tels que celui du Scorpion (2). -- En marge, des figures d'appareils (3). Fol. 80 et 81 Sur le tribicos et le solen (alambic avec condensateur à trois pointes et son tube), avec figures (4). Au-dessous les mots: en haut les choses célestes, en bas les choses terrestres; par le mâle et la femelle l'oeuvre est accomplie. -- Formule reproduite au verso du fol 89. Fol. 81 Evaporation de l'Eau divine qui fixe le mercure.-- Sur la même eau (5). Fol. 82 à 84 Livre de la Vertu de Zosime, sur la composition des eaux (6), trois leçons. Fol 84 V° à 88 Avis complémentaire pour ceux qui travaillent l'art (7). Fol. 89 XI. Sur la fabrication du verre (8). C'est la troisième copie du même mémoire et la plus régulière. --

(I) Laur., IX. - Ms. 2.275.
(2) Ms. 2.325, fol. 83 à 84. On y voit les trois cercles avec 5 signes
au centre, ainsi que le scorpion et les figures.
(3) Ms. 2.249, fol. 99 V°.
(4) Ms. 2.249, fol. 101. - Ms. 2.325, fol. 83 V° et 84. - Saint Marc.
(5) Ms. 2.249, fol. 96. - Ms. 2.325, fol. 84 V° et fol. 86. - Saint
Marc.
(6) Saint Marc - Ambr. - Ms. 2.249. Début. - Ms. 2.325, fol. 88.
La description du songe manque. - Laur., X. - Vienne, VII.
(7) Ms. 2.249, fol. 3 V°. La formule « en haut les choses célestes »
manque. - Laur., XI.
(8) Ms. 2.249, fol. 4. - Laur., XII, XIII. - Ambrois. - Ms. 2.325.
Sur les lumières, fol. 88. La fabrication du verre manque, mais le
texte renferme les articles sur la vapeur et le blanchiment, jusqu'au
folio 91.

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APPENDICE D 339
Trois autres articles à la suite reproduisent également ceux des feuilles 13 et 14 sur le blanchiment (I). Fol. 90 à 92 XII. Livre du Chrétien (2) sur la bonne constitution de l'or (εὐστάθεια. Fol. 92 V°. (Le nom de Jacob (3), l'Inspiré de Dieu, est écrit au dessus.) -- Une série d'articles du même auteur suivent jusqu'au folio 99. Livre du Chrétien sur l'eau divine (4). Suite de commentaires sur les ouvrages secrets et autres des anciens, jusqu'au folio 109. XIII. Recettes (5) pour teindre les laines, pour préparer la couleur noire, etc. Fol. 109 Quelles doivent être les moeurs de celui qui poursuit la science (6). Fol. 109 V°. Serment au nom de la Trinité (7). Fol. 109 V°. Sur le xerion (poudre de projection solide); -- sur l'ios, sur la cadmie (8). Fol. 110 XIV. Sur le jaunissement. -- Cet article est tiré en partie de Zosime et reproduit les phrases relatives à l'importance de l'art en Egypte, ainsi que diverses indications gnostiques (9). Fol. 110-112 Ecrit authentique de Zosime le Panopolitain (10)

(I) Ms. 2.325, fol. 90 V°. - Laur., XIV. - (2) Ms. 2.249, fol. 6. - Ms. 2.325, fol. 91 à 116. - Laur., XV. - Vienne, XVI, VI, VII, XIX. - Saint Marc. - Ambr.
(3) Stéphanus cite aussi un personnage de ce nom, Jacob Cabidarius: Ideler, t. II, p. 208.
(4) Ms. 2.249, jusqu'au fol. 15. - Laur., XVI et XVII (14 chap.). - Vienne, X. - Saint Marc.
(5) Ms. 2.249, fol. 15 et 16. (6) Saint Marc. (7) Ms. 2.249, fol. 16, avec additions. - Ms. 2.325, fol. 116. - Laur., XVII. - Saint Marc.
(8) Vienne, XXII. - Saint Marc. - (9) Ms. 2.249, jusqu'au fol. 17. (10) Voir les art. X, XIX (barré), XX, XXV, XXXVI, XXXIX.
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340 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
sur l'art sacré. -- Sommaire des chapitres (I). Fol. 112 à 136 On y trouve un extrait d'après Démocrite (113 V°) -- un autre tiré d'un livre du même, adressé à Philarète (118), et reproduisant un catalogue de substances, qui semble le point de départ des lexiques alchimiques. -- Un autre extrait indique ce que Démocrite appelle les substances (οὐσίας. Fol. 122). -- Pourquoi l'art parle d'une seule teinture (122 V°). -- Sur les eaux divines (125). -- Sur les mesures (126 V°). -- Articles sur la magnésie, etc., etc. (2). Sur la pierre philosophale (3). Fol. 136 à 140 Jean l'archiprêtre en la sainte Evagie. -- Article barré et reproduit plus loin. XV. Méthode pour arrondir les perles, tirée de la Technurgie du célèbre arabe Sabmanas (4); procédés pour nettoyer, rendre brillantes, blanchir les perles jaunes. -- Nettoyage de la perle de Bretagne. -- Procédé du moine des Plombiers. Fol. 141 à 146 XVI. Fabrication de l'argent (5). -- 3 recettes, deux avec le plomb, une avec l'étain, -- fabrication de l'or -- sur le cinabre. Fabrication du mercure. Fol. 146 XVII. Coloration (par fusion) des pierres, émeraudes, lychnites, hyacinthes, d'après le livre du Sanctuaire

(I) Ms. 2.249, fol. 18 à 28, écourté. Il y manque à cette place les articles qui suivent le fol. 131 du ms. 2.327. - Ms. 2.325, fol. 118
à 152. - Laur., XVIII (19 chapitres).
(2) Ms. 2.249, fol. 108 et suite. (3) Ms. 2.249, fol. 110, V°. - Manque dans 2.325. (4) Ms. 2.249, fol. 29 à 32. - Ms. 2.325, fol. 152 à 159. - Laur., XLIV (17 chap ). - Ms. 2 275.
(5) Ms. 2.325, fol. 159 V°. - Ms. 2.249, fol.32 V°. - La fabrication du mercure manque dans 2.325. - Saint Marc renferme le tout, à la suite
des procédés de trempe.

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APPENDICE D 341
(I). Suite de procédés sur la fabrication des verres colorés, citant de vieux auteurs Egyptiens, le livre Sophé d'Egypte (152), la chimie de Moïse (149). -- La fin de l'ouvrage est indiquée en marge. Fol. 147 à 155 XVIII. Recettes métallurgiques (2). Trempe du bronze, découverte chez les Perses, écrite sous le règne de Philippe, roi de Macédoine, tel qu'il se voit sur les portes de Sainte-Sophie. -- Trempe du fer indien, écrite à la même époque. -- Deux procédés de trempe. -- Autre article relatif au plomb et à la feuille d'or. Fol. 155 v° à 159 XIX. Explication de la science de la Chrysopée par le saint moine Cosmas (3). -- Ceci est tiré d'un certain vieux Zosime; l'autre article, du grand art des anciens. Fol. 159 V° à 161 Zosime le Panopolitain, mémoires sincères. -- Page barrée Fol. 161 V°. XX. Traités du philosophe anonyme sur l'eau divine du blanchiment (4). Fol. 162 à 168 Zosime le divin sur la vertu et l'interprétation -- continue à la dernière ligne du précédent, -- la suite n'est pas de Zosime, car elle parle des philosophes oecuméniques, etc. (5). Fol. 168 à 177 XXI. Traités tirés de la chimie mystique: poésies d'Héliodore

(I) Ms. 2.249 jusqu'au fol. 38. - Ms. 2.325, fol. 160 V° à 173. - Ms. 2.275.
(2) Ms. 2.249, fol. 39 à 41. - Ms. 2.325, fol. 173 V° à 178. - Saint Marc. - Ms. 2.275, - Vienne, XVII. - Trempe du fer, dans saint Marc, avec
des titres différents. - Ambr.
(3) Ms. 2.249, fol. 41 V° à 52. - Laur., XLVI (9 chap.). - Ms. 2.325, fol. 181. En addition, d'une autre écriture à demi-effacée. - Laurentienne,
XLV.
(4) Ms. 2.250, fol. 169 à 183 et à 216. - Ms. 2.249, fol. 42. - Alt. - Leide. - Saint Marc. - Ambr. - Vienne, XVIII. - Laur., XXII et XXIII. -
Leide. - Laur., XXIV.
(5) Ms. 2.249, fol. 47 V°. - Ms. 2.249 fol. 104.
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342 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
à Théodose -- de Théophraste -- d'Archelaus (I) Fol. 178 à 195 XXII. Listes des noms des faiseurs d'or (2). Fol. 195 V° XXIII. Le serpent qui se mord la queue (ouroboros) -- avec figure coloriée (trois anneaux concentriques, quatre pieds, trois oreilles). Fol. 196 XXIV. Olympiodore le philosophe à Petasius, roi d'Arménie: sur l'art divin et sacré de la pierre philosophale (3). Fol. 197 à 216 Sur la pierre philosophale (4). Semble l'appendice du traité précédent par un commentateur. 217 à 219 XXV. Zosime le Panopolitain. Mémoires sincères sur l'eau divine. Reproduction du fol. 80. -- Trois cercles concentriques avec les formules (5): Un est le tout -- figures d'appareils -- signe du Scorpion, etc. -- Le tribicos et le solenos (6) (reproduits du fol. 81). -- Sur l'art sacré et divin de la confection de l'or et de l'argent (7) -- chapitres d'après le sommaire (reproduit du fol. 112). Fol. 220 à 222 Pelage sur l'art sacré (8). Fol. 222 V° à 227 XXVI. Nouvelle série d'explications et de dénominations chimiques relatives au travail des quatre éléments. -- Principe du travail de l'eau et du vinaigre de

(I) Ms. 2.329, ms. 2.249. (L'en-tête manque): fol. 54 à 72, avec des variantes. Hiérothée nommé en plus; mais sa pièce existe au fol. 186
du ms. 2.327. - Laur., article ajouté à la fin. - Ms. 2.250, fol. 241-248.
Une partie seulement. - Alt. - Leide. - Vienne, XXIX à XXXII. -
Saint Marc. - Ambr.
(2) Ms. 2.250. - Saint Marc, après les signes. (3) Ms. 2.250, 1 à 168. - Ms. 2.249, fol. 76 à 89. - Laur., XIX. - Vienne, XXIII. - Saint Marc.
(4) Ms. 2.250. Reproduction de plusieurs pages, fol. 160 V°. - Laur., XX -
(5) Ms. 2.325, fol. 82. (6) Ms. 2.325, fol. 84. (7) Laur., XXV. (8) Ms. 2.249, fol. 72 V°. - Leide. - Laur., XXVL - Vienne, II. - Saint Marc. - Ambr. - Ms. 2.252.

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APPENDICE D 343
plomb -- les noms de l'eau et du vinaigre divins. -- Principe du travail de l'air; ses noms. -- Principe du travail du feu. -- Principe du travail de la terre et de l'asbestos (chaux ?) tout-puissant; ses noms. L'union des quatre éléments. -- Dénominations de l'oeuf philosophique (I) (analogues à celle de l'article du fol. 23, mais non identiques). Fol. 227 à 230 XXVII. Sur l'art sacré, etc. -- Vieux traité, sans nom, d'auteurs cités (2). Fol. 230 à 231 XXVIII. Fabrication de l'or. -- Préparation du cinabre. 232 XXIX. Sur l'assemblée des philosophes (3), d'une autre écriture et d'une encre plus pâle. Fol. 233 XXX. Enigme de la pierre philosophale, d'Hermès et d'Agathodémon, en vers (4). Fol. 234 à 237 XXXI. Sur la Pierre étésienne (5). Se termine par ces mots qui semblent le titre d'un volume: le livre actuel s'appelle livre de la chimie métallique, etc. (voir p. 123). Fol. 237 à 240 XXXII. Suit une intercalation plus moderne de quelques lignes en caractères très fins sur le plomb, le mercure, les métaux, les signes du zodiaque et leurs relations avec le sec et l'humide, etc. -- Puis un traité sans titre. Fol. 240 V° à 243 XXXIII. Jean, le grand prêtre en Evagie, sur l'art sa- cré (6). Fol. 243 à 246 XXXIV. Sur la pierre métallique: en quels lieux on la prépare. Fol. 249 V° XXXV. Recette sur le cuivre calciné. Fol. 249 V° à 251 XXXVI. Liste de la vérité de Sophé l'égyptien. -- Livre mystérieux de Zosime le Thébain (7). Fol. 251

(I) Vienne, XXIV (non identique). (2) Laur., XXVII. (3) Laur., XLIII. (4) Laur., XXVIII. (5) Laur., XXIX. - Vienne XII. (6) Voir l'article XIV, fin. - Laur., XXXI. - Ms. 2.250. (7) Laur., XXXII. -
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344 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Le premier livre de l'accomplissement de Zosime le Thébain (I). Fol. 251 V° à 256 XXXVII. Isis la prophétesse à son fils Horus (2). Fol. 256 à 258 XXXVIII. Livre de Démocrite adressé à Leucippe (3). F. 258-259
XXXIX. Livre de la vérité de Sophé l'égyptien (4), etc., avec commencement juif et texte différent. Fol. 260 XL. Fabrication de l'or (5). Fol. 260 V° à 262 XLI. Agathodémon sur l'oracle d'Orphée (6). Fol. 262 à 264 XLII. Simple interprétation sur toutes choses et sur les lumières. Fol. 264 Puis viennent deux demi-pages blanches et un traité sans titre. -- Interprétation sur les lumières (7). Fol. 265 XLIII. Coction excellente de l'or, pour fabriquer l'or. -- Autre trempe ou teinture de Jamblique. -- Procédé de Jamblique (8). -- Fabrication de l'or. -- Doublement de l'or. Fol. 266 à 268 XLIV. Bonne confection et heureuse issue de la chose créée et du travail et longue durée de la vie. -- Débute par une phrase sur Moïse et Béseleel, prêtre de la tribu de Juda, maître de tous les arts. Fol.268-269 Affinage du cuivre. -- Suite de recettes métallurgiques et alchimiques. -- Jaunissement du mercure; économie de l'arsenic; blanchiment de l'arsenic. -- Procédé pour obtenir de l'or éprouvé. -- Economie de la sandaraque; de la pyrite; du soufre, etc. -- Sur l'argyropée. -- Matière de la chrysopée. -- Matière des liqueurs.

(I) Laur., XXXIII. (2) Ms. 2.250, fol. 217-236. - Laur., XXXIV. (3) Laur., XXXV. (4) Laur, XXXVI. (5) Laur., XXXVII. (6) Alt. - Laur., XXXVIII. - Vienne, VIII. (7) Laur., XXXIX (4 chap.). (8) Le texte dit αμβλιχου. Sans doute, le copiste ne connaissait pas le nom propre qu'il transcrivait.

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APPENDICE D 345
-- Matière de l'argyropée. -- Economie de la pyrite; de la pyrite d'argent. -- Fabrication de l'eau jaune. -- Blanchiment de la magnésie. -- Economie de la magnésie très divine (ou raffinée). -- Fabrication du plomb pur. -- Blanchiment du cuivre. -- Doublement de l'argent. -- Noircissement de l'argent... Liqueurs pour l'argyropée. -- Amollissement de l'or pour y imprimer un sceau -- Trempe ou teinture de l'or, etc., etc. -- Le titre est reproduit à la fin... Ceci va jusqu'au folio 278. XLV. Le serpent Ouroboros (autre figure avec deux anneaux seulement). -- Le commencement est différent; mais la recette mystique est la même. Fol. 279 XLVI. Sur le soufre non brûlé. -- Blanchiment de l'eau qui sert à blanchir l'objet traité; l'arsenic et la sandaraque. -- Blanchiment de l'arsenic, etc. F. 279 V° XLVII. Listes des métaux (rangés sous la rubrique des sept planètes) (I). Fol. 280 XLVIII. Liste des mois romains (et égyptiens). Fol. 280 XLIX. Fusion de l'or très estimée et très célèbre. -- Sur la fusion (?) (περὶ του̑ λαγαρη̑σαι) de l'or. Fol. 280 Sur la fusion (?) de l'argent. -- Explication de la dorure. -- Autre -- Explication de l'émeraude -- du savon. -- Explication de la soudure royale (de l'or) -- de l'argent. -- Soudure d'argent. -- Autre très rapide. -- Explication pour faire la couleur du chrysaphion -- la couleur qui sert à dorer l'argent. -- Pour faire briller l'argent. -- Procédé mystique. -- Autre procédé pour faire des lettres d'or. -- Pour faire des lettres capitales en or dans les livres (2). --Pour dorer les animaux, etc. -- Sur la soudure d'or. -- Pour dorer le cuivre, etc. -- Sur l'art de faire

(I) Ms. 2.250, fol. 243. - Laur., vers la fin. (2) Reproduit dans la Paléographie grecque de Montfaucon.
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346 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
briller les perles. -- Ingrédients de l'art de la fusion d'or. -- Autre procédé mystique. -- Autre eau divine, etc. -- Suite de procédés analogues. -- Pour faire les lettres d'or. -- Pour rendre l'orichalque pareil à l'or. -- Sur le savon -- le verre. -- Pour blanchir l'étain. -- Pour rendre le cuivre pareil à l'or. -- Eau du traitement assuré. Fol. 290 L. Dire de Rinaldi Telanobebila (Arnaud de Villeneuve) sur l'art chimique (7). -- C'est une addition finale de quelque copiste. Fol. 291 LI. Ce livre a été terminé par moi Théodore Pélécanos, venu de Corfou, île des Phéaciens, dans le pays de Crète..., au mois de juin 1478, etc. Fol. 291 V° Puis viennent des additions et surcharges de tout genre. LII. Sur les poids et mesures. -- Sur les mesures de matières humides, de vin, de miel, etc. Fol. 292-293 LIII. Instrument d'Hermès Trismégiste pour prévoir l'issue des maladies, avec table numérique. Fol. 293 LIV. Notes diverses. -- Reproduction du titre: Livre de la chimie métallique, etc. (fol. 240). -- Reproduction de la liste des noms des alchimistes (fol. 195 V°). -- Procédés. -- Art de dorer le fer. -- Fixation du mercure. -- Procédés pour faire de l'or. Fol. 295 V° à 296 LV. Vers de Jean Damascène, à l'encre rouge (2). LVI. Inscriptions marginales recollées sur des pages blanches, portant le signe d'Hermès (deux fois répété), avec commentaire. -- Les mois égyptiens. Fol. 297 LVII. Trois lignes d'une écriture beaucoup plus ancienne. -- Puis en addition le serment des philosophes (reproduit du fol. 109 V°). -- Procédés divers. --

(I) Laur., XLVIII. (2) Laur., XLVII.
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APPENDICE D 347
Les trois teintures (I) (reproduites d'Olympiodore). Fol. 298-299 LVIII. La dernière page est couverte d'imprécations contre l'alchimie, cette oeuvre du diable, etc. Fol. 299 V° -----

II. -- MANUSCRIT DE SAINT MARC

Manuscrit grec de la Bibliothèque de saint Marc (fin du Xe siècle ou commencement du XIe siècle) sur parchemin.

Il contient 196 feuillets, de 29 lignes à la page. Ces lignes sont tracées au poinçon ainsi que les marges.
Il est relié aux armes de Venise, avec la légende connue: P E T M M c'est-à-dire Pax tibi, Marce, Evangelista meus.
C'est un très bel exemplaire, écrit probablement pour quelque prince et qui paraît avoir appartenu à Bessarion, dont la bibliothèque
de saint Marc possède les manuscrits. Un certain
nombre d'additions faites, soit en marge, soit entre les lignes,
seraient même de la main de Bessarion lui-même (2), d'après
le savant M. Ruelle, à qui j'ai soumis ce manuscrit.
Le texte proprement dit commence à la page 8, par les écrits de Stéphanus, avec un titre en lettres d'or majuscules,
encadré d'ornements bleu et or. Dans le mot χρυσοποιας,
les syllabes χρυσο ont été effacées, probablement pour dissimuler
à une certaine époque le sujet de l'ouvrage.


(1) Ms. 2.250, fol. 86. (2) Par exemple aux fol. 13, 19 V°, 70, etc. Au fol. 99, le nom d'Hermès se trouve de la même main, au-dessus du signe de ce
personnage; signe affecté ailleurs à la planète Mercure et à l'étain.

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348 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Les feuilles de garde, en partie intercalaires, sont couvertes par des additions d'une écriture serrée du XIVe siècle, laquelle
s'étend aussi sur les marges de la liste des signes. Le premier
paragraphe de ces additions, au fol. I, se termine en citant
l'onction de Justinien, suivie de mots bizarres et cabalistiques;
puis vient la traduction (I) de la ligne de signes comprenant le
Scorpion. (Ms. 2.327, fol. 80 V°. -- Ce volume, p. 15, 61.)
Les premières feuilles sont palimpsestes (2). Sur les pages suivantes on lit l'Interprétation des songes de Nicéphore, un cercle astrologique du XVIe siècle, avec les noms
des planètes et les douze signes du zodiaque.
Au fol. 2: « voici la table du livre des Sages », en caractères dorés. Cette table appartient au texte original. Elle ne répond
pas exactement au contenu présent et elle s'appliquait probablement
à quelque collection plus étendue que celle du manuscrit
actuel, collection que le copiste semble avoir abrégée.
Au verso du folio 5 se trouve une sorte de dédicace en vers, appartenant au texte primitif, laquelle fait l'éloge de l'art de
faire de l'or, oeuvre de la gnose divine. « Celui qui la comprend
« et qui connaît les résultats cachés sous ses énigmes, c'est l'intelligence
« digne de tout honneur, l'esprit distingué de Théodore
« (3), le fidèle défenseur des princes, qui forma cette
« étrange collection, ce volume de conceptions savantes. Protège-le,


(I) Les mots suivants, autant que j'ai pu les lire, sont écrits chacun au-dessus d'un signe correspondant.
Επαι (?) -- το παν -- χαλκου ιος -- μολυβοχαλκον -- αγρυροχαλκον κεκαυμενον (c'est le scorpion) -- και πεπηγμενον --
εμεριτος. -- δαγμα -- ιὀ -- τιτανοχαλκον το παν οστρακον -- το παν οστρακον -- τιτανος -- χαλκου.
Puis viennent les mots: ο νοησας μακαριος. « Celui qui comprend sera heureux » et quelques lignes s'en référant finalement à Zosime.
On voit qu'il s'agit d'une formule où figurent des alliages métalliques
et l'oeuf philosophique.
(2) Au verso du fol. 3, l'écriture du XVIe siècle, superposée au palimpseste, a été grattée à son tour avec la pierre ponce sur la moitié
de la page.
(3) Est-ce le Théodore, auquel écrit Stéphanus: Ideler, t. II, p. 208?
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APPENDICE D 349
« Christ, souverain maître, et tiens-le en ta garde. »
Telle est la seule mention positive qui puisse nous indiquer
l'origine du manuscrit.
Au folio 6, une bande dorée, encadrée d'un filet rouge, précède le titre suivant en lettres dorées: « Signes de la science
des philosophes, tirés des textes techniques et surtout de la
philosophie mystérieuse (de l'or), exposée par eux. », Le mot
« de l'or » a été gratté. -- Cette liste est analogue à celle du
manuscrit 2.327. (Voir p. 112.)
Au fol. 7 V°, sont les noms des philosophes. (V. p. 128.) Les leçons de Stéphanus vont du fol. 8 au fol. 44. -- Elles s'accordent en général avec le texte du n° 2.327, jusqu'au folio
44, 5e ligne en remontant. -- Mais à ce moment il manque ici
trois pages du manuscrit 2.327 (73, 74 et 75), pages qui renferment
la fin de Stéphanus et celles qui poursuivent et sont formées
presque entièrement par le débris d'un autre petit traité, attribué
à Comarius. -- Le ms. de saint Marc poursuit, sans solution
de continuité apparente, comme ce dernier traité, par les mots:
ὅταν τὴν τέχνην ταύτην τὴν περικαλη̑ βούλεσθε, etc. (saint Marc,
fol. 40, 1. 4 en remontant) c'est-à-dire ὅτε τὴν τέχνην ταύτην
περικαλη̑ς βούλεσθαι (ms. 2.327, fol. 75, l. 2 en remontant), pendant
7 pages, jusqu'à la fin du traité: ἐντα̑υθα γὰρ τη̑ς φιλοσοφίασ
ἡ τέχνη πεπλήρωται (saint Marc, 43 V°; ms., 2.327, fol. 79 V°).
Ainsi deux traités distincts semblent avoir été confondus par
une erreur du copiste dans le ms. de saint Marc. Il en est de
même dans Ideler, qui a reproduit ce ms., et dans la traduction
de Pizzimenti, faite sur quelque copie qui en dérivait.
Le ms. 2.327 parait donc le meilleur sur ce point; remarque
qui s'applique à plusieurs autres textes de ce manuscrit.
Le ms. de saint Marc renferme ensuite les poèmes. (Fol. 43 V°)
à 62 V°.)
-- Fol. 62 V° à fol. 66. Pelage. (Ms. 2.327, fol. 222 V°.)
-- Fol. 66. Ostanès.
-- Fol. 66 V° à 72 V° Démocrite, Physica et Mystica.
(Ms. 2.327, fol. 24 V°.) -- Fol. 72 à 78. Synésius. (Ms. 2.327, fol. 31.)

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350 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
-- Fol. 78. L'Anonyme: sur l'eau divine du blanchiment
(Ms. 2.327, fol. 162. -- La première ligne manque dans
le ms. de saint Marc.)
-- Fol. 79 à 92. Autres traités du même. (Ms. 2.327, fol. 163
et suiv.)
-- Fol. 92 V°. Zosime, sur la Vertu. (Ms. 2.327, fol. 85.)
-- Fol. 95 V°. Agathodémon et Hermès.
-- Fol. 96. L'espèce est complexe et non simple. (Ms. 2.327,
fol. 94.)
-- Fol. 97. Fabrication du tout. (Ms. 2.327, fol. 95 V°.)
-- Fol. 98 V°. Autre économie. (Ms. 2.327, fol. 96 V°.) -- Ce
qu'est la chaux des anciens. (Ms. 2.327, fol. 97.)
-- Fol. 99 V°. Autre économie de la chaux. -- Suite de petits
articles. (Ms. 2.327, fol. 96 V° et suiv.)
-- Fol. 101. Traité du Chrétien sur l'eau divine. (Ms. 2.327, f° 99.)
-- Fol. 102. Le labyrinthe de Salomon, avec 24 vers, d'une
écriture postérieure au reste du manuscrit.
-- Fol. 103. Le texte primitif recommence.
Ici le relieur a interposé par erreur les feuillets 104 à 118,
tirés d'autres traités, savoir:
-- Fol. 104. Trempe du fer. (Ms. 2.327, fol. 157.) Le texte
de saint Marc est beaucoup plus développé que celui
du ms. 2.327.
-- Fol. 105. Fabrication de l'asemon. Trois procédés très
anciens, dont l'un fait mention de la stèle supérieure.
(Ms. 2.327, fol. 146.) (Voir le présent volume, p. 29.)
-- Fol. 106 V°. Sur le cinabre. -- Sur l'oeuf philosophique
(beaucoup de mots grattés).
-- Fol. 107. Fabrication du mercure.
-- Fol. 108 V°. Traité des poids et mesures de Cléopâtre.
(Ms. 2.327, fol. 15 et 16.)
-- Fol. 110. Le Chrétien: sur la bonne constitution de l'or.
(Ms. 2.327, fol. 92 V°.)
-- Fol. 112 à 115. Sur l'eau divine.
-- Fol. 115. Sur les lumières. (En partie, ms. 2.327, fol. 264.)
-- Fol. 115 V°. Fabrication des verres. (Ms. 2.327, fol. 13.)

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APPENDICE D 351
-- Fol. 116 V°. Les vapeurs. (Ms. 2.327, fol. 14.)
-- Fol. 118. Sur le blanchiment. (Ms. 2.327, fol. 14 V°.)
-- Fol. 118. Trempe du bronze du temps du règne de Philippe.
-- La mention des portes de Sainte-Sophie n'y est pas. (Ms. 2.327, fol. 156.) -- Fol. 119. Le texte fait ici suite au folio 103. (Ms. 2.327,
fol. 101 V°.) -- Objection que l'eau divine est une par l'espèce, et sa solution.
(Ms. 2.327, fol. 101 V°.) -- Articles divers, jusqu'au fol. 128: serment. (Ms. 2.327,
jusqu'à 109 V°.) Il y a ici des articles spéciaux au ms saint Marc (φουρμας και τολους, etc.). -- Fol. 130. Le plomb et la feuille d'or. (Ms. 2.327, fol.157 V°.)
-- Fol. 131 à 136. Lexique. (Ms. 2.327, fol. 19.)
-- Fol. 136 V°. La poudre solide et autres articles, etc. (Ms. 2.327.
fol. 110.) -- Fol. 138 à 141. Deux articles d'Agatharchide. (Voir ce volume,
p. 23.) (Défigurés dans 2.327, fol. 249 V°.) -- Fol. 141 V°. Les quatre corps d'après Démocrite. -- Articles
divers jusqu'au fol. 159. (Ms. 2.327, fol. 113 V° jusqu'au fol. 133 V°.) -- Fol. 161 V°. Περί ἀγορμω̑ν συνθέσεως. Sur la composition des
agents actifs. -- Fol. 162. Fabrication de la bière; de l'huile aromatique.
-- Fol. 163 à 179. Olympiodore. (Ms. 2.327, fol. 197 à 216.)
-- Fol. 179. Chapitres de Zosime à Théodore.
-- Fol. 181. L'Anonyme: sur l'oeuf.
-- Fol. 184 V°. Serment de Pappus.
-- Fol. 185. Diplosis de Moïse, etc.
-- Fol. 186. Zosime: instruments et fourneaux.
-- Fol. 188. L'eau divine, c'est le divin et grand mystère.
(Ms. 2.327, fol. 220.) -- Fol. 188 v°. La Chrysopée de Cléopâtre, dessin.
-- Fol. 189. Zosime. Mémoires sur les instruments et fourneaux,
avec figures.
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352 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
-- Fol. 193. Au bas les alphabets magiques presque effacés.
Le premier est surmonté du mot « hellénique »; -- le second précédé par le mot « hiéroglyphique ». Les lettres grecques régulières sont au-dessus des lettres conventionnelles, lesquelles dérivent de l'alphabet grec ordinaire, plus moins défiguré. -- Fol. 194. Le tribicos et le solen. (Ms. 2.327, fol. 220.)
Figures. -- Fol. 195. Autres fourneaux. Figures.
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III. -- MANUSCRIT 2.325
Ce manuscrit, écrit sur papier de coton, est le plus ancien de ceux de Paris (fin du XIIIe siècle).
Le ms. 2.325 se retrouve à peu près intégralement dans le ms. 2.327.
Les références entre ce manuscrit et le ms. 2.327 ont été données dans les notes relatives à ce dernier, dont il ne forme
d'ailleurs qu'une fraction.
Après le texte proprement dit viennent des pages presque effacées, d'une autre écriture, postérieure et très mauvaise:
suite du Lexique; vers de l'énigme sibyllin, etc. -- Traité du
moine Cosmas. (Conforme à l'article XIX, fol. 159 V° du
ms. 2.327.) Fol. 181 à 185 -----

IV. -- MANUSCRIT 2.249
Le ms. 2.249 semble dériver du manuscrit de saint Marc, surtout à la fin. Les figures en sont copiées, ainsi que les deux
alphabets magiques. Il a été écrit probablement au XVIe siècle.
J'ai donné dans les notes du ms. 2.327 les résultats de sa collation pour les parties communes.
Il renferme en plus, par rapport à 2.327:
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APPENDICE D 353
Ostanès le Philosophe (I). Fol. 75 V°. Les titres des chapitres de Zosime à Théodore (2). Fol. 89 Le Philosophe Anonyme. Fol. 90 et suiv. Pappus le Philosophe (3). Fol. 93 Diplosis de Moïse (4). Fol. 93 V°. Procédés d'Eugénius. -- De Hiérothée (5). Fol. 93 V°. Zosime: sur les instruments et les fourneaux (6). Fol. 94 V° à 96 Autres articles avec figures. Fol. 91 à 162 Chrysopée de Cléopâtre (7). Fol. 96 V° Mémoires sincères de Zosime. Fol. 97 V° Une partie se retrouve avec de fortes variantes dans le traité d'Olympiodore: ms. 2.327 et ms. 2.250, fol. 86. -- C'est le
morceau gnostique, où il est question de Toth, d'Adam et des
bibliothèques Ptolémaïques.
Un deuxième cahier commence à la feuille 108; il reproduit divers articles du ms. 2.327.
Après vient « ce qui est d'après l'art substance et non substance. » Fol. 116 V° Puis le livre est interrompu. -----

Ms. 2.250 de Paris. In-folio. -- Rien de nouveau par rapport à 2.327, sauf des variantes.
Ms. 2,251; 2.252; 2.275, non plus. -- Rentrent dans 2.327. -----

Alt. - Leide. - Vienne, III. - Saint Marc. - Ambr. - (2) - Vienne, XII. - Saint Marc. - (3) - Alt. - Vienne, XXV. - Saint Marc. Le serment de Pappus. - Ambr. -
(4) Vienne, XXVI. - Saint Marc. (5) - Leide. - Vienne, XXVII et XXVIII. - Saint Marc. - Ambr. (6) Vienne XIII et XV. - Saint Marc. - (7) - Leide. - Vienne, XIV. - Saint Marc. - 23
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354 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
V. -- MANUSCRITS DES AUTRES BIBLIOTHEQUES d'après les notices imprimées.
Ms. Altenburgensis, décrit par Reinesius dans Morhofius p. 101, désigné ici par Alt. -- Composition analogue, avec distribution
différente. On a donné les références avec le ms. 2.327.
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Ms. Gotha cité par Fabricius. On y trouve l'art de faire la bière avec l'orge. -- Et la description des mines d'Ethiopie,
tirée d'Agatharchide.
-----
Ms. Leide, cité par Reuvens, troisième lettre p. 73: semble un abrégé.
-----
Ms de la Laurentienne à Florence, désigné par Laur. -- Voir Catalogus Bibl. Laurentianae, tome III, p. 347. Florence, 1770.
Il ressemble beaucoup au ms. 2.327 et il est rangé dans le même ordre jusqu'à l'article XXXIV, chapitre sur les lumières.
Les références ont été données plus haut.
Le Traité de Salmanas n'est pas à la même place. (XXXIX). Il contient en plus: Discours du philosophe Démocrite. Nous avons trouvé évidemment la théorie, comme
l'a dévoilée Démocrite disant... L'article finit par ces mots:
en grande admiration, s'écriant: O natures démiurges des
natures.
Le cahier des poètes est ajouté à la fin. -- La chimie de Moïse, le serpent, l'oeuf, y existent. -- Ce manuscrit a été copié en 1492
-----
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APPENDICE D 355
Ms. Vienne. Voir Lambecii Comment. de Bibl. Vindob. Cesereâ, Pars II, Livre VI, p. 168, p. 380. Les références avec le
ms. 2.327 ont été données plus haut.
Le Lexique est au milieu. -- Ce manuscrit a été copié par Cornelius de Nauplie en 1564.
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Le manuscrit de l'Ambroisienne de Milan a été décrit par Montfaucon, Paléographie grecque, p 374; il est conforme à
celui de saint Marc. L'ordre est le même; mais il n'en renferme
que le commencement.
Il contient aussi le Labyrinthe de Salomon. -----
Le principal manuscrit du Vatican (n° 1.174), a été examiné pour moi par mon fils André Berthelot, membre de l'Ecole française
de Rome, qui en publiera une étude détaillée. Je me
bornerai à dire ici qu'il est écrit sur papier, et qu'il renferme
des morceaux de date très inégale, complétés jusqu'à une
époque moderne, mais rangés suivant un ordre différent de
ceux des nôtres. On y trouve pareillement le traité de Démocrite,
(coupé en deux, la teinture en pourpre formant un morceau
séparé), les traités de l'Anonyme, dédiés à l'Empereur Théodose,
ceux de Zosime, de Stéphanus, d'Héliodore, d'Olympiodore, de
Synésius, de Stéphanus, les poids et mesures, les mois, l'opuscule
de Blemmydas, etc. Le contenu général est en somme le même.

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APPENDICE E

ENIGME SIBYLLIN (VOIR P. 136)

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APPENDICE F
TEINTURE EN POURPRE D'APRES LE PSEUDO-DEMOCRITE (VOIR PAGE 180)

Le fragment sur la teinture en pourpre attribué à Démocrite n'a rien de chimérique: c'est une description technique, positive
et dont le sujet rappelle les assertions de Diogène Laerce et de
Pétrone. En tous cas, ce fragment est ancien; il nous donne des
renseignements nouveaux sur les procédés employés par les anciens
pour teindre en pourpre. On sait quelle lumière ont jetée
sur cette question les travaux et les expériences de M. de Lacaze-Duthiers
(I); mais il s'est occupé surtout de la pourpre
animale tirée des Mollusques, tandis qu'il s'agit, dans notre
fragment, de la pourpre d'origine végétale.
Les anciens, en effet, ont connu la pourpre végétale. Pline, Dioscoride et Pausanias parlent de la cochenille produite par
un Ilex et font même mention de l'insecte qui la sécrète. Vitruve
cite aussi la racine de garance. Les divers passages des
auteurs anciens où la question est traitée ont été réunis et
discutés avec détail par le grand érudit Saumaise (2). Il a eu


(I) Mémoire sur la pourpre, p. I à 84. (Annales des Sc. natur.,. 4e série, Zoologie, t. XII.)
(2) Plinianae Exercitationes, p. 805 à 817, et à la suite, dans: de Homonymis Hyles Iatricae, de cocco tinctorio, p. 93, in-folio, 1689.

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358 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
connaissance du fragment actuel, et il en a même cité quelques
lignes, peut-être d'après un manuscrit différent des nôtres.
Je me suis aidé de ses commentaires pour retoucher la dernière
partie de la traduction qui suit. Ce fragment a été connu aussi
de plusieurs autres érudits du XVIIe siècle. Boulanger, de Imperatore
et Imperio Romano, p. 618 et 619 (Lyon, 1618), l'a
même imprimé, mais en deux morceaux séparés, disposés
différemment et sous une forme qui laisse subsister plus d'une
obscurité. (Voir A. Schmidt, Forschungen auf den Gebiete des
Alterthum, p. 169; Berlin, 1842.) La publication complète de
notre texte et la collation des divers manuscrits que je vais
donner lèvera ces doutes. La traduction française m'a paru
d'ailleurs utile pour compléter nos connaissances sur la teinture
en pourpre des anciens.
Après avoir reconnu l'existence de ce texte et son intérêt, désirant donner plus d'autorité à ma publication, j'ai prié
M. Omont, employé au département des manuscrits à la
Bibliothèque nationale, de vouloir bien faire copier le texte
original; il a eu l'extrême obligeance de s'en charger lui-même,
ainsi que de la collation des textes des divers manuscrits. J'ai
aussi comparé moi-même le texte du manuscrit de saint Marc.
M. Omont ayant bien voulu faire un essai de traduction, je me
suis borné à réviser cette dernière sur quelques points, et je
réclame l'indulgence pour une oeuvre étrangère à mes travaux
habituels. Elle présente encore diverses obscurités, que les
chimistes experts en teinture pourront éclaircir ou rectifier.
Voici le texte et la traduction littérale (I):


(I) Democriti Physica et Mystica. Mes. de Paris. A. = ms. grec 2.327, XVe siècle, fol. 24 V°- 25. B. = » 2.325, XIVe ou XIIIe » » 8 V°- 9 V°. C. = » 2.275, XVe » » 7 V°- 8 V°. D. = » 2 326, XVe » » I et verso. Le ms. A présente le texte le meilleur.
Mss. de Venise. M. = Saint Marc. Xe ou XIe siècle, fol. 66 V° et 67 V°.

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APPENDICE F 359

ΔΗΜΟΚΡΙΤΟΨ ΦΨΣΙΚΑ ΚΑΙ ΜΨΣΤΙΚΑ
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360 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
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« Mettant dans une livre de pourpre... posez sur le feu jusqu'à ébullition, puis, enlevant du feu la décoction, mettez le
tout dans un vase, et retirant la pourpre, versez la décoction
sur la pourpre et laissez tremper une nuit et un jour. Puis,
prenant 4 livres de lichen marin (I), versez de l'eau de façon
qu'il y ait au-dessus du lichen quatre doigts d'eau, et qu'il puisse
devenir épais; filtrez alors, faites chauffer et versez sur la laine.
Mettez avec ce qui est le moins compact de façon à atteindre
le jus au fond et laissez deux nuits et deux jours. Prenez
ensuite et faites sécher à l'ombre, versez le jus, puis prenez le
jus lui-même et dans deux livres de ce jus mettez de l'eau, de
façon à reproduire la première quantité. Faites de même
jusqu'à ce qu'il devienne épais, puis l'ayant filtré mettez la
laine comme tout d'abord, et laissez une nuit et un jour.
Prenez ensuite et rincez dans l'urine, puis séchez à l'ombre;
prenez de l'orcanète (2), mettez 4 livres d'oseille et faites
bouillir avec de l'urine jusqu'à ce que l'oseille soit réduite, et
ayant clarifié l'eau mettez l'orcanète, faites cuire jusqu'à ce
qu'elle soit épaissie et, ayant filtré à nouveau l'orcanète,


(I) Orseille. (2) Laccha. -- Le mot orcanète est indiqué comme traduction. commune pour les deux mots laccha et anchusa, par les dictionnaires
(Voir Saumaise.)

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APPENDICE F 361
mettez la laine, puis lavez de nouveau avec l'urine et après
cela avec de l'eau. Faites sécher de même à l'ombre, exposez
aux vapeurs des algues marines trempées dans l'urine.....
« Voici ce qui entre dans la préparation de la pourpre: l'algue qu'on appelle fausse pourpre, le coccus (I), la couleur
marine (2), le crismos (Graminée?), l'orcanète (3), la garance
d'Italie, le phyllanthion des plongeurs (4), le ver de pourpre
(5), le rose d'Italie; ces couleurs sont estimées par nos
prédécesseurs. Il y en a qu'il faut éviter et qui sont de nulle
valeur: la cochenille de Galatie, la couleur d'Achaïe, qu'on
appelle laccha, celle de Syrie qu'on appelle rhizion (6) et le
coquillage de Lybie, et la coquille d'Egypte de la région maritime,
qu'on appelle pinna (7), et l'isatis (8) de la région supérieure,
et la couleur de Syrie que l'on appelle murex. Ces couleurs
(ne) sont (pas) solides, ni estimées parmi nous, excepté
celle de l'isatis. »


(I) Sorte de cochenille. (2) Orseille. (3) Anchusa. (4) Probablement une sorte de fucus. (5) Autre variété de cochenille. Les anciens en avaient fort bien observé l'insecte. (Voir Saumaise.)
(6) Racine d'une sorte de garance? (7) Voir le Mémoire de M. de Lacaze-Duthiers. (8) Pastel.
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APPENDICE G

MS. 2.327, FOL. 980 - LISTE DES METAUX (V. P. 232)

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PLANCHE I
LA CHRYSOPEE DE CLEOPATRE (VOIR PAGE 61)
Photogravure d'après le manuscrit de saint Marc, fol. 188 V°.


En haut: Κλεοπατρης χρυσοποια. Les trois cercles concentriques renferment les axiomes mystiques. -- Dans le premier anneau:
Εν το παν και διιαυτου το παν και εις αυτο το παν και ει μη εχοι το παν ουδεν εστιν το παν.
« Un est le tout, et par lui le tout, et en lui le tout, et s'il ne « contient pas le tout, le tout n'est rien. »
Dans l'anneau intérieur: Εις εστιν ο οφις ο εχων τον ιον μετα δυο συνθεματα. « Le serpent est un, celui qui a le venin avec les deux em« blèmes. »
Au centre les signes du mercure, de l'argent et de l'or. Au bas à gauche, le serpent ouroboros avec l'axiome central: Εν το παν. « Un le tout. » A droite un alambic à deux pointes, sur son fourneau portant φωτα « flammes ».

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364 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Le récipient inférieur, notre chaudière, s'appelle λωπας: « matras ».
Le chapiteau: φιαλη « fiole ». Le tube gauche: αντιχειρος σολην « tube du pouce ».
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PLANCHE II
SIGNES ALCHIMIQUES DES METAUX
Photogravure d'après le manuscrit de saint Marc, fol. 6.

Σημει̑α τη̑ς ἐπιστήμης τω̑ν ἐγκειμένων ἐν τοι̑ς τεχνικοι̑ς συγγράμμασι τω̑ν φιλοσόφων, καὶ μάλιστα τη̑ς μυστικη̑ς παρραὐτοι̑ς λεγομένης
φιλοσοφίας.

« Signes de la science, qui se trouvent dans les écrits « techniques des philosophes: ce sont surtout les signes de
« ce qu'on appelle la philosophie mystique. »

PREMIERE COLONNE A GAUCHE.
Χρυσος................ Or.
Χρυσου ρινημα......... Limaille d'or.
Χρυσου πεταλα......... Feuilles d'or (avec 2° signe à droite,
d'une écriture plus récente).
Χρυσος κεκαυμενος .... Or calciné (fondu).
Χρυσηλεκτρον.......... Electrum (avec 2e signe plus récent).
Χρυσοκολλα............ Soudure d'or.
Μαλαγμα χρυσου........ Mélange d'or.
Αργυρος............... Argent.
Αργυρου γη............ Terre d'argent (minerai).
Αργυρου ρινημα........ Limaille d'argent.
Αργυρου πεταλα........ Feuilles d'argent.
Αργυροχρυσοκολλα...... Soudure d'or et d'argent (avec 2e signe
récent).
Αργυρος κεκαυμενος.... Argent calciné (fondu).
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366 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE

Χαλκος κυπριος........ Cuivre de Chypre (avec le signe d'une
ancienne écriture).
Χαλκου γη............. Terre de cuivre (minerai).
Χαλκου ρινημα......... Limaille de cuivre.
Χαλκου πεταλα......... Feuilles de cuivre.
Χαλκος κεκαυμενος..... Cuivre calciné (fondu).
Ιος χαλκου............ Rouille de cuivre.
Οριχαλκος............. Orichalque.
Σιδηρος............... Fer.-- Αλλως, autre signe.
Σιδηρου γη............ Terre de fer (minerai).
Σιδηρου ρινημα........ Limaille de fer.
Σιδηρου πεταλον....... Feuilles de fer.
Σιδηρου ιος........... Rouille de fer.
Μολιβος............... Plomb.

DEUXIEME COLONNE A DROITE.

Ηλιοσ χρυσος............ Soleil, or.
Σεληνη αργυρος.......... Lune, argent.
Κρονος φαινων μολιβος... Saturne brillant, plomb.
Ζευς φαεθων ηλεκτρος.... Jupiter resplendissant, électrum.
Αρες πυροεις σιδηρος.... Mars enflammé, fer.
Αφροδιτη φωσφορος χαλκος Vénus lumineuse, cuivre.
Ερμης στιλβων κασσιτερος Mercure étincelant, étain.

La suite, qui forme le commencement du verso, a eté ajoutée
sur la planche, après les noms des planètes à droite.

Μολιβδου γη............. Terre de plomb (minerai).
Μολιβδοχαλκος........... Molibdochalque.
Μολιβδου ρινημα......... Limaille de plomb.
Μολιβδος κεκαυμενος..... Plomb calciné (fondu).
Κασσιτηρος.............. Etain. -- Αλλο, autre signe.
Κασσιτηρου γη........... Terre d'étain (minerai).
Κασσιτηρου ρινημα....... Limaille d'étain.
Κασσιτηρου πεταλα....... Feuilles d'étain.
Κασσιτηρος κακαυμενος... Etain calciné (fondu).
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PLANCHE II 367
Ψδραργυρος.............. Mercure.
Νεφελη.................. Brouillard (vapeur condensée).
Λευκεν παγεισαν......... Concrétion (coagulum) blanche.
Ξανθην παγεισαν......... Concrétion jaune.
Λιθαργυρος.............. Litharge.
Θειον απυρον............ Soufre apyre, n'ayant pas subi l'action
du feu.
Θειον θεια.............. Soufre. -- Matières sulfureuses.
Θειον αθικτον........... Soufre natif.
Αργοσεληνον............. Sélénite.
Suivent deux autres pages de signes de matières chimiques, minérales et médicales.

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TABLE ANALYTIQUE -----
Pages,
PREFACE................................................... V
TABLE DES DIVISIONS....................................... XIX
INTRODUCTION. -- La chimie née d'hier, -- elle s'est constituée
sur une formation antérieure, l'alchimie, -- prétentions de
celle-ci............................................. 1
Mystère des origines de l'alchimie..................... 2
Autorités sur lesquelles je m'appuie: Lepsius; histoires de la
chimie de Kopp et Hoefer; auteurs anciens; papyrus de Leide;
Kitab-al-Fihrist; savants contemporains.............. 3
Manuscrits grecs de la Bibliothèque nationale de Paris. --
Manuscrit de Venise.................................. 4
La philosophie des alchimistes......................... 4
Plan de l'ouvrage. -- Les sources. -- Idées que les alchimistes
se faisaient des origines de leur science. Croyances des IIe et
IIIe siècles de notre ère. Etude des faits historiques et des
textes............................................... 5
Les personnes; -- les faits pratiques.................. 5
Les théories des Grecs sur les éléments, la matière première 6
Le mercure des philosophes. -- Idées des chimistes actuels
sur la constitution de la matière.................... 6

LIVRE PREMIER. -- LES SOURCES.

CHAPITRE PREMIER. -- Division du livre. -- Toute science doit
être placée dans son cadre historique. -- Croyances religieuses
et mystiques de l'Orient dans les premiers siècles de
notre ère............................................ 7
24
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370 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Pages,
Témoignages historiques relatifs à l'alchimie. -- Documents
des alchimistes, papyrus et manuscrits............... 8
CHAPITRE II. -- Les Origines mystiques. -- Les anges ayant eu
commerce avec les femmes, d'après les Ecritures, leur révèlent
les arts. -- Le livre Chema, d'après Zosime.......... 9
La science des poisons et les secrets des métaux. -- Le livre
Chemi. -- L'alchimie avant le déluge. -- Révélation faite à
Isis................................................. 10
Les enfants de Dieu et les filles des hommes, d'après la
Genèse............................................... 10
Enoch, ses deux généalogies, son livre: les anges pécheurs
révèlent aux femmes les arts et les sciences occultes 11
Clément d'Alexandrie et Tertullien citent cette légende. --
Mystères des métaux, associés à l'art de la teinture et des
pierres précieuses, à la connaissance des poisons et des vertus
des plantes, ainsi qu'à la magie et à l'astrologie... 12
Proscription des anges maudits et de leurs disciples, mages et
astrologues.......................................... 13
Zosime écrivait au IIIe siècle. -- Papyrus de Leide contem-
porains.............................................. 13
La condamnation des mathématiciens, astrologues, magiciens,
était de droit commun à Rome......................... 13
Edits de Tibère, de Claude. -- Interdiction d'exercer la magie
et de posséder des livres magiques, d'après le jurisconsulte
Paul................................................. 14
Magie, astrologie, alchimie associées dans les papyrus de Leide
et dans certains manuscrits.......................... 15
Traces de ce mélange dans les traités alchimiques: Chrysopée
de Cléopâtre, alphabets magiques, oeuf philosophique, signe
du Scorpion, sphère d'Hermès) table d'Emeraude, labyrinthe
de Salomon, etc...................................... 15
Les manuscrits ont été épurés, -- passages grattés dans celui de
saint Marc........................................... 16
Formation d'un corps d'ouvrages purement chimiques..... 16
Les métallurgistes réputés des enchanteurs. -- Pourquoi --
L'invention des sciences naturelles attribuées aux anges
maudits. -- Le mythe de l'arbre du Paradis........... 17
La science de la nature donne la puissance du mal comme du
bien; remèdes et poisons; mise en oeuvre des métaux et
falsification........................................ 17
La science est sacrilège parce qu'elle détruit la notion du
miracle.............................................. 18
@

TABLE ANALYTIQUE 371
Pages,
La légende des anges maudits chez les poètes: A. de Vigny,
Lamartine, Leconte de Lisle.......................... 18
L'alchimie classée parmi les sciences occultes par l'Eglise.
-- Persécutions...................................... 19
CHAPITRE III. -- Sources égyptiennes, chaldéennes, juives,
gnostiques........................................... 20
§ Ier. -- Sources égyptiennes. -- Invoquées par tous les
alchimistes et confirmées par les papyrus de Leide. --
Hermès Trismégiste...................................... 21
Connaissances tenues secrètes au fond des temples, dévoilées
vers le IIIe siècle. -- Récits de Zosime sur la puissance
métallurgique des anciens rois. -- Les mines d'or d'après
Agatharchide............................................ 22
L'art sacré n'était communiqué qu'aux fils de rois. -- Passage
de Clément d'Alexandrie. -- Inscription de la statue de
Ptah-mer............................................. 23
Langage énigmatique et symbolique. -- Nomenclature de l'oeuf
philosophique........................................ 24
Explications orales. -- Formule du Scorpion. -- Mystères
religieux; initiations; serment d'Isis, -- Art sacré. 25
Dioclétien fait brûler les livres d'alchimie en Egypte. -- Lois
romaines sur la magie................................ 26
Le nom de la chimie est celui de l'Egypte. -- Autre étymologie
purement grecque..................................... 27
La science fondée par Hermès. -- Art hermétique. -- Dieux et
rois égyptiens cités................................. 28
Tendance des inventeurs à rattacher leur science à des origines
illustres. -- Ouvrages attribués aux vieux rois d'Egypte. --
Le Deutéronome d'Helcias chez les Juifs. -- Evangiles apocryphes.
-- Le choix de ces origines repose d'ordinaire sur
quelque tradition réelle............................. 28
Connaissances pratiques des Egyptiens. -- Fabrication des
pierres précieuses et des alliages. -- Le livre du Sanctuaire --
recettes inscrites sur les stèles.................... 29
Recettes du papyrus de Leide, semblables à celles des manuscrits
................................................ 30
Les unes sont réelles, les autres chimériques. -- Composition
des substances sacrées. -- Le Kyphi.................. 30
Comparaison entre les signes et symboles des alchimistes et
ceux des égyptiens .................................. 31
Signes de l'Eau, du Soleil, d'Hermès; sceau d'Hermès; Cnouphion
synonyme d'alambic; Osiris, synonyme de plomb et
@

372 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Pages,
de soufre; tombeau d'Osiris comparé à la chimie; assimilé
au mercure. -- Noms d'Isis, Osiris, Typhon, Toth; -- temples
d'Isis, de Sérapis, -- les bibliothèques Ptolémaïques, citées
par les alchimistes.................................. 32
Leur phraséologie est celle de gens résidant en Egypte; --
obélisques, hiérogrammes; le Nil; -- ils sont contemporains
des néoplatoniciens.................................. 33
Liste des mois égyptiens comparés aux mois romains chez les
alchimistes.......................................... 33
Doctrines communes aux alchimistes et aux Egyptiens. -- Le
nombre quatre........................................ 34
Eléments, zones, divinités funéraires, etc.; tétrades gnostiques.
Tétrasomia des alchimistes -- les quatre teintures assimilées
aux quatre points cardinaux.......................... 35
Tables astrologico-médicales d'Hermès, de Pétosiris, de
Démocrite............................................ 35
Alphabets magiques et leurs caractères démotiques...... 35
Noms des laboratoires situés dans des villes d'Egypte.. 36
Corrélation probable entre les pratiques de l'industrie
égyptienne et les théories mystiques et religieuses. -- Prétendue
table d'Hermès à Turin........................ 37
Stèles antiques d'Hermès et livres sacrés des sanctuaires, d'après
Jamblique et Manéthon. -- Traditions analogues des alchimistes.
-- Inscriptions du temple d'Isis............. 38
Pourquoi les alchimistes se rattachent à Hermès. -- C'est
l'inventeur des arts et des sciences en Egypte; il personnifie
la science du sacerdoce.............................. 39
La science était impersonnelle. -- Résumés encyclopédiques faits
à l'époque Alexandrine............................... 40
Les 42 livres d'Hermès, portés en procession. -- Description
de Clément d'Alexandrie.............................. 40
Les temples égyptiens. -- Temple de Sérapis à Alexandrie, siège
du Muséum et de la Bibliothèque. -- Association de la science
et de la religion en Orient. -- Mosquée d'El-Azhar, université
du Caire........................................ 42
Sérapéum de Memphis. -- Découvertes de Mariette. -- Statues
grecques de l'hémicycle. -- Caractère médical de ce sanc-
tuaire, -- lieux où les restes des appareils alchimiques
peuvent être recherchés............................... 43
Clément d'Alexandrie ne mentionne pas d'ouvrages alchimiques.
-- Livres occultes........................... 44
Livres philosophiques et mystiques prétendus d'Hermès, par
@

TABLE ANALYTIQUE 373
Pages,
venus jusqu'à nous. -- Poemander, Asclepias, congénères
avec certains écrits alchimiques. -- Spéculations de Zosime
et du Timée. -- Hymne mystique d'Hermès.............. 45
§ 2. -- Sources babyloniennes et chaldéennes. -- Système des
sciences occultes d'Orient:........................... 45
Les Chaldéens à Rome. -- Pamménès. -- Les mythes chaldéens
dans les cultes de Syrie et d'Asie mineure. -- Les villes de
l'Euphrate........................................... 46
Le Mède Ostanès, patron des alchimistes. -- Les prophètes
persans et le pseudo-Zoroastre. -- Le livre des Kyranides:
les 24 gemmes et les 24 herbes et leurs vertus. -- Traités persans
d'Alchimie détruits par Dioclétien.............. 47
Industries de la Babylonie et de la Syrie, transmises aux Arabes
et aux Persans modernes.............................. 48
Parenté mystique des métaux et des planètes. -- Pindare. --
Texte de Proclus sur les métaux engendrés dans la terre
par l'influence des effluves des divinités célestes. --
Enumération d'Olympiodore........................... 49
L'Electrum, métal particulier et la planète Jupiter.... 49
Signe d'Hermès et sa planète sur les pierres et amulettes
gnostiques. -- Il a été attribué d'abord à l'étain, puis
au métal mercure...................................... 50
Les sept planètes, les sept métaux, les sept couleurs, etc 51
Le même signe représente le métal et sa planète........ 51
L'oeuf philosophique, signe de l'oeuvre sacré et de l'Univers,
symbole égyptien et babylonien....................... 51
Le macrocosme et le microcosme; le zodiaque; conceptions
tirées de la germination et de la génération......... 51
Art de guérir les maladies. -- La panacée et l'eau divine 52
L'alchimie en Chine au IIIe siècle: le Tan............. 52
§ 3. -- Sources Juives. -- Rôle des Juifs à Alexandrie. 53
La Cabbale. -- Le Labyrinthe de Salomon. -- Recette du roi
Osée. -- Le livre secret de Moïse dans les papyrus de Leide. 54
La chimie de Moïse. -- Sa diplosis..................... 54
Livre dédié au Seigneur des Hébreux. -- Instrument de Noé. --
Beseleel constructeur de l'Arche et patron des alchimistes 55
Salomon, -- traducteur unique de la Bible, -- les Septante 56
L'art a été révélé aux Juifs par fraude. -- Les paroles de
Marie la Juive....................................... 56
Rapprochements entre les traditions juives et gnostiques 57
§4. -- Sources gnostiques. -- Les premiers alchimistes étaient
gnostiques........................................... 57
@

374 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Pages,
Le livre de Vérité de Sophé l'égyptien. -- Analogies gnostiques.
Sophé est synonyme de Chéops. -- Ouvrages attribués à ce
vieux roi du temps d'Africanus....................... 58
Le Serpent qui se mord la queue ou dragon Ouroboros, symbole
de l'oeuvre. -- On le trouve dans les papyrus de Leide. -- Ses
figures dans le manuscrit 2.327; ses cercles, ses pieds, ses
oreilles............................................. 59
On en rapproche la Salamandre et ses propriétés mystérieuses. 59
Exposé allégorique de l'oeuvre. Sacrifice du serpent, l'homme
d'airain, l'homme d'argent ou d'asemon, l'homme d'or. --
L'homunculus......................................... 60
La figure des trois cercles concentriques, avec ses axiomes sur
l'un et le tout...................................... 61
La Chrysopée de Cléopâtre et ses signes magiques....... 61
Anneau magique des papyrus de Leide. -- Pierres gravées
gnostiques, amulettes et talismans de la collection de la
Bibliothèque nationale............................... 62
Adoration du serpent qui se mord la queue, à Hiérapolis, par
les Ophites. -- Serpent, emblème d'une puissance supérieure,
etc., rapproché de l'oeuf philosophique. -- Le serpent
égyptien Apophis. -- L'Ophiouchos.................... 63
La terre vierge et sanglante. -- La magie associée aux pratiques
religieuses. -- L'étoile à huit rayons. -- L'ogdoade
mystique et les huit dieux élémentaires.............. 63
Les éléments mâle et femelle; l'élément hermaphrodite; les
femmes alchimistes: Marie et Cléopâtre; traits communs aux
gnostiques et aux alchimistes........................ 64
Traditions juives chez les Marcosiens. -- Adam et Toth
l'homme universel; Eve et Pandore, etc., chez les alchimistes;
Recette avec le nom d'Adam........................... 64
Les livres hébraïques invoqués, en même temps que les maîtres
de la sagesse antique. -- Hymnes gnostiques de Synésius. --
Syncrétisme oriental. -- Rôle du gnosticisme du IIe au IVe siècle.
-- Affinité entre la Gnose et la Chimie.............. 65
CHAPITRE. IV. - Les Témoignages historiques............... 66
Concordance entre les papyrus et les manuscrits des biblio-
thèques.............................................. 66
Les noms de dieux, d'hommes, de lieux, les allusions, les
idées, les théories qui y sont exposés répondent à l'état
de l'Egypte grécisée des premiers siècles de l'ère chrétienne. 56
Il en est de même des notions pratiques................ 68
Aucun auteur n'a parlé de l'alchimie avant l'ère chrétienne 86
@

TABLE ANALYTIQUE 375
Pages,
Phrase de Dioscoride sur le mercure, partie constituante des
métaux. -- Date de ses manuscrits.................... 68
Pline: essai de fabrication de l'or par Caligula....... 69
L'art de doubler les métaux, d'après Manilius.......... 70
Les noms des vieux alchimistes figurent comme magiciens et
astrologues dans Columelle, Pline et Tacite. -- Pétosiris 70
Sénèque cite les traités de Démocrite sur la coloration du verre.
Procédés signalés par Pline. -- Les mystères des métaux et
des pierres précieuses, d'après Tertullien et Jamblique 71
Destruction des livres d'alchimie en Egypte par Dioclétien. --
Textes de Jean d'Antioche et des Actes de saint Procope 72
Art sacré, nom commun à l'alchimie et à la magie. -- Le nom de
l'alchimie cité par J. Firmicus. -- Autres rapprochements
dans cet auteur...................................... 73
Transmutation décrite par Enée de Gaza................. 74
Elle est aussi assimilée à la résurrection par Stéphanus 76
Le premier alchimiste cité par les chroniqueurs.: Johannès
Isthmeos............................................. 76
L'alchimie comme corps de doctrines. -- Jean d'Antioche.
-- Allusions de Pline et de Columelle. -- Georges le Syncelle
connaît nos principaux auteurs; il écrit d'après Panodorus,
contemporain d'Arcadius et de Synésius............... 77
Citations de Photius et de Suidas...................... 78
Auteurs alchimiques cités dans le Kitab-al-Fihrist, recueil arabe,
antérieur à l'an 850................................. 79
Date de nos manuscrits. -- Manuscrit de saint Marc au XIe siècle.
Filiation non interrompue des témoignages............ 79
CHAPITRE V. -- Les Papyrus de Leide....................... 80
Origine de cette collection. -- Papyrus Anastasi. -- Lettres
de Reuvens à M. Letronne. -- Publications de M. Leemans 81
Photographie de deux pages alchimiques de ces papyrus.. 82
Contenu alchimique de trois papyrus. -- Similitude avec les
textes des manuscrits. -- Magie, astrologie, gnosticisme 83
Papyrus bilingues. -- Rituels magiques, l'amour mystique;
formules, philtres, talismans, etc................... 84
Table de Démocrite pour le pronostic des maladies...... 85
Divination par les songes. -- Recettes alchimiques. -- Serpent
Ouroboros. -- Matière médicale....................... 86
Papyrus renfermant 16 pages d'alchimie. -- Articles relatifs
au plomb, à l'étain, au cuivre, à l'argent, à l'asemon, à l'or,
à la pourpre, aux minerais........................... 87
@

376 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Pages,
Comparaison avec ceux des manuscrits. -- Procédés de trans-
mutation............................................. 88
Dorure sans mercure. -- L'asemon et l'asem égyptien.... 86
Doublement de l'or et de l'argent. -- Ecriture en lettres d'or.
-- Teinture en pourpre végétale...................... 91
Extraits de Dioscoride, -- où le sens des noms de minéraux peut
être cherché......................................... 93
CHAPITRE VI. -- Les manuscrits grecs des Bibliothèques.... 94
§ I. -- Enumération des manuscrits. -- Bibliothèque nationale
de Paris. -- Achats de François Ier. -- Les autres bibliothèques,
-- Manuscrit de saint Marc........................... 95
Utilité de la publication de ces manuscrits, pour la technologie
et l'histoire générale............................... 97
§ 2. -- Date et filiation des ouvrages contenus dans les manus-
crits alchimiques.................................... 98
Ecrits païens, contemporains de Porphyre et peut-être des
débuts de l'ère chrétienne........................... 98
Le pseudo-Démocrite et Bolus de Mendès. -- Recettes des
stèles et des papyrus................................ 99
Zosime, gnostique du IIIe siècle. -- Synésius et Olympiodore
sont du IVe.......................................... 99
Le philosophe Chrétien, -- l'Anonyme, -- Stéphanus, -- filiation
de ces auteurs.................................. 100
Citations de Georges le Syncelle, de Photius, du Kitab-al-
Fihrist. -- Geber est postérieur..................... 100
Moines: Cosmas, Psellus, etc. -- Tradition mythique de la
toison d'or.......................................... 101
Traité technique sur les verres par l'arabe Salmanas, ajouté
plus tard............................................ 101
Formation de la collection à Constantinople. -- Préface de
Psellus. -- La collection antérieure au XIe siècle. -- Additions,
interpolations, mise au courant. -- Erreurs des commentateurs. 102
Etude passionnée d'autrefois......................... 103
Figures d'instruments. -- Résumé....................... 104
§ 3. -- Etudes et publications exécutées d'après les manuscrits
alchimiques.......................................... 104
Auteurs du XVIIe siècle. -- Etude de Reinesius et de Fabricius
-- Traduction latine de Pizzimenti. -- Publication de
Stéphanus par ldeler -- lexique, etc................. 105
Notices diverses et catalogues des bibliothèques. -- Saint
Marc................................................. 106
Trois types principaux. -- Analyse de ces manuscrits... 108
@

TABLE ANALYTIQUE 377
Pages,
§ 4, -- Composition de la collection manuscrite des alchi-
mistes grecs......................................... 110
§ 5. -- Indications générales (d'après le manuscrit 2.327 111
Traité des poids et mesures de Cléopâtre. -- Mois égyptiens. --
Liste des signes de l'art sacré...................... 111
Cette liste résulte de la superposition de plusieurs autres. --
Analyse.............................................. 112
Lexique des mots de l'art sacré. -- Nomenclature de l'oeuf
philosophique........................................ 114
Listes des faiseurs d'or. -- Lieux où l'on prépare la pierre
philosophale......................................... 115
§ 6. -- Traités théoriques. -- Traités Démocritains. -- Physica
et Mystica........................................... 116
Commentaires de Synésius et de Stéphanus. -- Olympiodore. 117
Cléopâtre la Savante; Marie la Juive; Ostanès; Comarius;
Jean l'Archiprêtre; Pélage........................... 118
Livres hermétiques, -- Isis. -- Agathodémon. -- Enigme sibyllin.
Serment des initiés. -- Assemblée des philosophes -- les lumières;
coction de l'or; Jamblique; Hermès; magie, etc 119
Livres de Zosime le Panopolitain....................... 120
Commentateurs chrétiens et anonymes. -- Cosmas......... 121
§ 7. -- Poèmes alchimiques. -- Héliodore, Théophraste, Archélaüs,
Hiérothée...................................... 121
Auteurs contemporains de Théodose. -- Interpolations. -- Jean
de Damas............................................. 122
§ 8. -- Traités technologiques......................... 122
Livre de l'alchimie métallique. -- Bonne confection de la chose
créée. -- Traité de Moïse............................ 123
Fusion de l'or. -- Procédés analogues à ceux des papyrus 124
Travail des quatre éléments. -- Technurgie de Salmanas. 125
Recettes de métallurgie et de transmutation. -- Coloration des
verres............................................... 125


LIVRE SECOND. -- LES PERSONNES.

CHAPITRE PREMIER. -- Les alchimistes oecuméniques......... 127
Liste de l'Anonyme. -- Liste du manuscrit de saint Marc --
liste des manuscrits de la Bibliothèque nationale. -- Sa date. 128
Liste des laboratoires alchimiques..................... 129
Auteurs cités dans le Kitab-al-Fihrist. -- Concordance. 130
CHAPITRE II. -- Les alchimistes mythiques................. 133
@

378 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Pages,
§ I. -- Hermès. -- Ses ouvrages. -- Science hermétique. --
Citations; axiomes; hymne; table d'émeraude; instruments
.................................................. 134
Enigme de la Sibylle. -- Son interprétation............ 136
§ 2. -- Agathodémon. -- Sa parenté avec le serpent. C'est un
dieu évhémérisé...................................... 136
§ 3. -- Isis. -- Lettre à son fils Horus. -- Livres supposés aux
premiers siècles de notre ère........................ 138
§ 4. -- Les rois et les empereurs. -- Pourquoi ces dési-
gnations................................................ 139
CHAPITRE III. -- Les alchimistes pseudonymes.............. 141
§ I. -- Leur énumération. -- Origine de ces attributions 141
§ 2. -- Les philosophes grecs. -- Ecoles Ionienne, Italiote 142
Turba philosophorum. -- Aristote et Platon............. 143
Les Alexandrins -- Porphyre et Jamblique. -- L'empereur
Julien............................................... 144
§ 3. -- Démocrite. -- Intérêt des ouvrages pseudonymes. 146
Le Démocrite de l'histoire. -- Ses voyages en Orient et son
éducation............................................ 147
Ses oeuvres: tétralogies de Thrasylle; fragments réunis
par Franck et par Mullach............................ 148
Distinction entre ses oeuvres authentiques et supposées 149
Traités relatifs aux sucs des plantes, à la teinture, aux
vitrifications....................................... 149
Fragment sur la teinture en pourpre.................... 150
Analyse du traité Physica et Mystica. -- Evocation magique.
-- Axiomes mystiques................................. 150
Idées de Démocrite sur les fantômes. -- Pline en fait un
magicien............................................ 152
Manuscrits tirés des tombeaux. -- Démocrite dans les papyrus
de Leide............................................. 153
Association de sujets analogues dans ceux-ci. -- Traité dédié à
Leucippe. -- Lettre à Philarète. -- Récits de Synésius et du
Syncelle............................................. 155
Filiation remontant de Synésius à Zosime et au pseudo-
Démocrite............................................ 156
Ouvrages de Bolus de Mendès. -- Livres attribués à Démocrite
dans l'antiquité..................................... 157
Recettes des Geoponica. -- Mémoires de Pétesis. -- Livre de
Sophé................................................ 158
Littérature pseudo-Démocritaine en Egypte; son importance 159
@

TABLE ANALYTIQUE 379
Pages,
Double langage prêté à Démocrite; citations. - Recettes de
transmutation........................................ 160
Sens multiple des noms des minéraux anciens. -- Les opérations
des alchimistes ne différaient pas des nôtres. -- Partie
laissée obscure à dessein............................ 161
§ 4. -- Ostanès et les Chaldéens. -- Légendes et traditions 163
Il est réputé l'initiateur de Démocrite................ 164
Pratiques des Persans opposées à celles des Egyptiens. --
Citations.-- L'eau divine et la panacée.............. 165
Sophar. -- Zoroastre apocryphe; ses oeuvres............ 166
§ 4. -- Les alchimistes égyptiens. -- Chymès; ses axiomes. --
Pébéchius. -- Pétésis................................ 167
Pétosiris l'Astrologue. -- Pamménès. -- Pauséris....... 169
§ 6. -- Les alchimistes juifs. -- Moïse; sa diplosis. -- Marie la
Juive; bain-marie. -- Cléopâtre. -- Marie et Cléophas dans
les évangiles gnostiques. -- Ouvres de Cléopâtre..... 173
CHAPITRE IV. -- Les alchimistes grecs proprement dits..... 175
§ I. -- Leur énumération. -- Caractères sérieux et historique
de ces auteurs. -- Les poètes, les scoliastes. -- Compilations
pratiques............................................ 175
§ 2. -- Zosime, cité par le Syncelle, Photius, Suidas.
-- Enumération de ses ouvrages...................... 177
Mémoires authentiques, etc. -- L'eau divine, les axiomes, les
cercles, les appareils............................... 178
Tribicus. -- Livre de la Vertu: analogies avec le Poemander. --
Vision allégorique................................... 179
Les hommes d'or et d'argent; le dragon. -- Allégorie de
Merlin. -- La pierre philosophale.................... 180
La tétrade mystique. -- Recettes positives............. 182
Ecrit authentique; livre sur la Vertu et l'Interprétation; livre
de Sophé; livre de l'Accomplissement................. 183
Les instruments et les fourneaux. -- Chapitres à Théodore. --
Imouth. -- La chaux. -- Le livre des clefs. -- Petits
traités.............................................. 184
Ouvrages de Comarius. -- Pélage l'Ancien. -- Dioscorus. -- Jean
l'Archiprêtre........................................ 186
§ 3. -- Africanus. -- Ses ouvrages..................... 187
§ 4. -- Synésius. -- Epoque de Théodose. -- Le Synésius de
l'histoire. -- Sa correspondance. -- Traité sur les songes. --
Doctrines occultes. -- Hymnes gnostiques............. 188
Commentaire sur Démocrite adressé à Dioscorus. -- Evêque
de ce nom. -- Double caractère des hommes de ce temps 190
@

380 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Pages,
§ 5. -- Olympiodore. -- Historien grec; ses voyages; il est cité
par Photius.......................................... 191
Son ouvrage alchimique. -- Caractère de ce livre. --
Incohérence et sincérité............................. 192
Il ne procède pas par allégories. -- Les trois teintures.
-- Fabrication de l'émeraude......................... 194
Citations historiques, il reproduit les opinions des philo-
sophes ioniens et éléates. -- Date de cet ouvrage.... 195
§ 6. -- La fin de la culture hellénique en Egypte et la
destruction des laboratoires....................... 196
Le temple de Sérapis à Alexandrie. -- Sa destruction: édit
de Théodose.......................................... 196
Fin de la Bibliothèque et de l'école d'Alexandrie. -- Ecole
d'Athènes supprimée à son tour. -- Ruine des temples de
Memphis et des laboratoires.......................... 197
Scènes de massacre et de pillage qui marquèrent la fin de la
culture hellénique en Egypte. -- Pourquoi les adeptes de
l'art sacré se cachaient. -- Rareté des mentions historiques
dans les ouvrages scientifiques...................... 199
§ 7. -- Stéphanus. -- L'art sacré survit, à cause de
l'utilité de ses pratiques et des espérances excitées par
ses théories......................................... 199
Stéphanus d'Alexandrie ou d'Athènes, médecin, astrologue,
chimiste............................................. 200
Son enthousiasme mystique.............................. 201
§ 8. -- Les poètes alchimiques. -- Litanies de l'or.
-- Remaniements. -- Héliodore........................ 201
§ 9. -- Les Commentateurs. -- Le philosophe Chrétien,
gnostique et philosophe.............................. 202
Le philosophe Anonyme, plus récent..................... 204
Sergius -- culture hellénique à Edesse, à Harran. -- L'alchimie
à Constantinople, feu grégeois, etc.................. 205
§ 10. -- Transmission de l'alchimie aux Arabes et aux Occiden-
taux................................................. 206
Les mots alchimie et alambic. -- Citations du Kitab-al-Fihrist. 206
Geber. -- Ses ouvrages. -- Summa perfectionis, etc. -- Les
obstacles de l'art; réfutation des doutes sur sa réalité 206
Etude des substances. -- Les opérations. -- Les métaux. --
Méthodes pour les fabriquer; ils sont composés de soufre, de
mercure et d'arsenic................................. 207
Le mercure des philosophes. -- Tentatives pour dépouiller les
métaux de leurs propriétés spécifiques. -- Analogies avec
Stéphanus............................................ 208
@

TABLE ANALYTIQUE 381
Pages,
Arabes de Mésopotamie et d'Espagne. -- Découvertes prati-
ques............................................... 209
Nécessité d'étudier les manuscrits arabes et hébreux. -- Retour
de la science en Occident, au temps des croisades.
-- Theatrum chemicum. -- Résumé.................. 209


LIVRE TROISIEME. -- LES FAITS.

CHAPITRE PREMIER. -- Les métaux chez les Egyptiens....... 211
§ Ier. -- Introduction. -- Côté pratique de l'alchimie. -- Ses origines
en Egypte. -- Connaissances des Egyptiens sur les métaux. --
Les huit métaux ou corps analogues, mentionnés sur les
monuments............................................ 212
§ 2. -- L'or. -- Ses figures. -- Or pur et or de roche. 213
§ 3. -- L'argent. -- Ses figures. -- Argent pur et argent sans
titre. -- Origine des idées de transmutation......... 214
§ 4. -- L'électrum ou l'asem. -- Alliage d'or et d'argent -- son
nom substitué parfois à l'argent. -- Réputé métal particulier.
-- Sa planète. -- Sa production dans les traitements métal-
lurgiques............................................ 215
On en retirait l'or et l'argent. -- Il tomba en désuétude 216
Changement de sens de ce mot. -- Laiton................ 217
Alliage assimilé à un métal naturel et factice. -- L'or et
l'argent envisagés de même........................... 218
§ 5. -- Le saphir ou chesbet. -- Ses figures. -- Corps
naturel et Verres bleus à base de cobalt, de cuivre. -- Bleu
d'Alexandrie. -- Assimilation aux métaux.............. 220
Masse incolore teinte par une petite quantité de colorant 221
§ 6. -- L'émeraude ou mafek. -- Parenté avec les métaux. --
Corps naturel et artificiel.......................... 221
Malachite ou chrysocolle (soudure d'or). -- Sa fabrication. --
Minéraux verts naturels.............................. 222
Plats d'émeraude. -- Verre venetum. -- Sels basiques de cuivre.
-- Vague des idées des anciens....................... 224
§ 8. -- L'airain et le cuivre. -- Les alliages de cuivre sont obtenus
plus facilement que le métal pur. -- Bronzes. -- Molybdochalque,
orichalque ou laiton........................ 225
Figures. -- Objets des musées. -- Orichalque des anciens. --
Variabilité de couleur et de propriétés.............. 226
Odeur des alliages..................................... 227
@

382 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Pages,
§ 8. -- Le fer. -- Métal rare et réputé moderne. -- Préparation
difficile. -- Sa présence dans les pyramides......... 228
§ 9. -- Le plomb. -- Générateur des autres métaux. -- Magnésie
des anciens. -- Plomb coupellé....................... 228
§ 10. -- L'étain pur a été connu seulement des Grecs et des
Romains. -- Matière de transmutation................. 229
Le cassiteros. -- Sens successifs. -- Etain, doublet du plomb. --
Son cri. -- Ses alliages............................. 302
Sa planète; elle a changé.............................. 231
§ 11. -- Le mercure. -- Natif et artificiel. -- Ses propriétés, ses
noms, son signe...................................... 231
§ 12. -- Autres substances congénères des métaux. -- Pierres
rouge, blanche, jaune, émail......................... 232
§ 13. -- Liste alchimique des métaux et de leurs dérivés. --
Emeraude associée aux métaux et au mercure........... 232
Signes et mots compréhensifs de la chimie.............. 234
§ 14. -- Les laboratoires. -- Association des prépara-
tions métalliques et médicales....................... 235
Découverte faite à Drongah............................. 236
CHAPITRE II. La teinture des métaux.................... 338
Association des métaux, des alliages et des minéraux colorés,
naturels et artificiels.............................. 238
Analogies tirées de l'éclat de ces divers corps. -- La notion
d'espèces définies n'existait pas.................... 239
Imitation des pierres précieuses par l'action du feu. -- Ses
degrés. -- Variation des propriétés des alliages. -- Notion des
métaux imparfaits.................................... 240
La diplosis, d'après l'idée que l'or et l'argent sont
des alliages. -- Tours de main....................... 240
Opinion que les propriétés des corps peuvent être modifiées
une à une. -- Substances naturelles et artificielles. 241
Les métaux regardés comme susceptibles de teinture. --
Analogie tirée des étoffes et des verres............. 242
La science sacrée comprend deux opérations: la teinture en
jaune et la teinture en blanc........................ 242
Les deux teintures sont au fond de même espèce. -- Principe
colorant ou poudre de projection..................... 243
Agents qui blanchissent le cuivre; qui jaunissent l'argent. --
Teinture profonde et superficielle................... 244
Orpiment. -- L'idée de la transmutation découle des pratiques
égyptiennes.......................................... 245
@

TABLE ANALYTIQUE 383
Pages,
Mélange de recettes réelles et chimériques. -- Crédulité
persistante. -- Son origine théorique................ 245


LIVRE QUATRIEME. -- LES THEORIES.

CHAPITRE PREMIER. -- Théories grecques.................... 247
§ I. -- Introduction. -- Notions multiples amalgamées dans
l'alchimie. -- Corps de doctrines philosophiques. -- Leur
lien avec celles des Ioniens et de Platon............ 247
Lettre de Psellus à Xiphilin. -- La chimie est une science
rationnelle.......................................... 249
Les philosophes de la nature et les métaphysiciens..... 250
§ 2. -- Les premiers philosophes naturalistes. -- Thalès. --
Anaximène. -- L'eau et l'air principes des choses...... 251
Parménide: la substance une et éternelle. -- Axiomes des
alchimistes.......................................... 251
Héraclite: le feu, principe mobile des choses. -- Idées
modernes............................................. 252
Empédocle: tout est mélange et séparation. -- Les quatre
éléments; états généraux de la matière............... 252
Le Tétrasomia des alchimistes. -- Catalogues de Démocrite 253
Texte d'Olympiodore. -- Les quatre éléments; l'eau divine;
les principes et les éléments........................ 254
Caractères du principe des choses. -- Opinions de Thalès et
de Parménide......................................... 256
L'eau, L'air, le feu, principes; non la terre.......... 257
Les vapeurs humides et les fumées d'Anaximandre........ 258
Zosime s'attache à l'unité. -- Opinions de Chymès, d'Aga-
thodémon, d'Hermès. -- La vapeur sublimée............ 259
Les éléments changés les uns dans les autres........... 261
Les pythagoriciens dérivent tout de l'unité et de la géométrie.
-- Les solides réguliers et les éléments............. 261
Les hommes veulent une base fixe à leurs conceptions... 262
Les atomes............................................. 263
Les alchimistes grecs ne parlent pas de la théorie
atomique............................................. 263
§ 2. -- Les platoniciens; le Timée. -- Les opinions des
alchimistes s'y rapportent........................... 264
La matière première de Platon; elle constitue les quatre
éléments, dont la forme est géométrique.............. 265
Ceux-ci s'engendrent périodiquement; ils sont répandus dans
@

VI LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Pages,
tous les corps naturels, sans qu'aucun de ceux-ci réponde
exactement à un élément.............................. 266
Le phlogistique de Stahl. -- Les sens multiples du mot
feu; du mot eau................................ 267
Les espèces de feu du Timée; les espèces d'air; les espèces
d'eau; les eaux des alchimistes...................... 268
Les différentes espèces de l'eau. -- Les espèces de terre,
etc... 269
§ 4. -- Les alchimistes grecs. -- Théorie de Synésius. -- Le
mercure, matière première des corps et des métaux.... 271
Origine de cette opinion. -- Le mercure support de la liquidité
métallique........................................... 273
Théories de Stéphanus. -- L'unité engendre les nombres. --
Les éléments et leur union par l'interposition d'un inter-
médiaire............................................. 274
Les douze combinaisons, le dodécaèdre et le zodiaque. -- Les
nombres quatre et sept............................... 275
Il faut dépouiller la matière de ses qualités. -- Les
qualités sont contraires et non les substances. -- Le
mercure.............................................. 275
Opérations réelles et pratiques industrielles.......... 277
CHAPITRE II. -- Théories des alchimistes et théories modernes.
§ I. -- Le mercure des philosophes. -- L'alchimie était une
philosophie. -- Ses théories......................... 279
Matière première des corps. -- Il faut y réduire les métaux,
en leur ôtant ce qui les particularise............... 280
Il faut ôter au mercure, matière première des métaux, son
eau (liquidité), son air (volatilité), sa terre, puis le teindre
avec le soufre....................................... 280
La substance tinctoriale est la pierre philosophale ou poudre
de projection........................................ 281
Notions métaphysiques. -- La matière et ses qualités sont des
êtres distincts, séparables et ajoutables............ 281
Changements survenus dans nos idées. -- Théories des alchi-
mistes grecs et arabes. Doctrine du moyen âge........ 282
§ 2. -- Origine et portée des idées alchimiques. -- Préparation
du fer avec son oxyde et régénération de celui-ci. -- Origine
des transformations. -- Les corps simples sont semblables aux
corps composés dans leurs métamorphoses. -- Rotation
indéfinie............................................ 283
Rêve des alchimistes. -- Il ne repose sur aucune expérience
positive............................................. 285
Nous faisons les mêmes opérations et nous avons des agents
plus puissants....................................... 286
@

TABLE ANALYTIQUE 385
Pages,
La puissance sur la nature rêvée autrefois est atteinte 286
§ 3. -- Les corps simples actuels. -- Lavoisier: invariabilité
du poids de nos éléments............................. 287
La transmutation serait une opération d'un autre ordre que les
nôtres. Sa différence avec la fabrication des corps composés.
-- Le scepticisme existait déjà au temps de Geber.... 287
§ 4. -- L'unité de la matière. -- Les multiples de l'hydrogène.
Nos 66 éléments. -- Sont-ils la limite de nos espérances? 288
Les équivalents ou poids atomiques des éléments........ 289
La Molécule indestructible de nos éléments assimilée à un
atome................................................ 290
Tentative pour ramener tous les poids atomiques à une même
unité fondamentale. -- Hypothèse de Prout et de Dumas:
multiples de l'hydrogène............................. 291
L'expérience abaisse cette unité au quart. -- Limite des erreurs. 292
Analyses de Stas. -- Les rapports ne sont pas simples.. 293
§ 5. -- Les éléments isomères et polymères. -- Corps à poids
atomiques identiques. -- Isomères. -- Cobalt et nickel. --
Or, platine, iridium................................. 394
Corps à poids atomiques multiples. -- Oxygène, soufre, etc 395
Polymères. -- Carbures d'hydrogène: Acétylène et benzine.
-- Synthèse et analyse......................... 296
Différence entre la constitution physique des composés
polymères et celle des éléments, tirée des chaleurs spé-
cifiques............................................... 297
§ 6. -- Les familles naturelles des éléments. -- Classi-
fication de Dumas...................................... 297
Le chlore et sa famille: Chloroïdes. -- Triades....... 299
Le soufre et sa famille: Sulfuroïdes -- Azotoïdes. -- Familles
monoatomique, biatomique, triatomique................ 300
Réserves. -- Peut être loi naturelle masquée par des per-
turbations........................................... 301
§ 7. -- Les séries périodiques. -- Progressions arith-
métiques............................................. 302
Séries de la chimie organique -- Carbures générateurs --
Homologues. -- Différences constantes entre les corps d'une
même série........................................... 303
Tentative pour appliquer la même classification aux élé-
ments................................................ 304
Différences à peu près constantes entre les corps d'une même
famille -- Chloroïdes, sulfuroïdes, azotoïdes; Métaux
alcalins............................................. 304
Corps monovalents, bivalents, trivalents, quadrivalents 305
25
@

386 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Pages,
Carbures d'hydrogène de valence inégale et dont les poids
atomiques croissent par 2 unités,.................... 306
Différences analogues entre les éléments de valence crois-
sante................................................ 307
Les deux progressions arithmétiques. -- Tableau réparti sur
l'ensemble des nombres entiers....................... 307
Eléments auxquels cette coordination s'applique avec vrai-
semblance -- groupements arbitraires................. 308
Relations entre les poids atomiques et les autres propriétés
physiques et chimiques. -- Elles ne dépendent pas de la loi
périodique; mais elles sont comprises dans les mêmes tableaux. 308
Les termes manquant dans les progressions sont réputés des
éléments inconnus.................................... 309
Artifices et illusions................................. 310
Il n'y a là ni règle pour découvrir des corps simples nouveaux,
ni méthode pour faire la synthèse des éléments. -- Utilité de
ces systèmes......................................... 312
Conception d'atomes plus petits que ceux des corps réputés
simples.............................................. 312
Etats inégaux de condensation d'une même matière. -- Le
carbone, ses états et ses séries de dérivés.......... 313
Assimilation avec les familles d'éléments.............. 314
§ 8. -- La matière première une et multiforme. -- Conception
d'une matière commune identique, non isolable, susceptible
d'un certain nombre d'états d'équilibre stable, constituée
autrement que les corps simples actuels. -- Fonction à
valeurs multiples.................................... 315
Le poids absolu seul invariable. -- Aucun élément ne serait
serait plus simple que les autres. -- Un corps simple pourrait
être détruit et transformé, mais non décomposé....... 317
Tous seraient de même valeur, mais distincts par la nature
de leurs mouvements. -- Nouvelle idée de la transmu-
tation............................................... 318
§ 9. -- La matière pondérable et le fluide éthéré.
-- Les molécules regardées comme des tourbillons de fluide
éthéré............................................... 319
L'atome s'évanouit. -- La matière fixe par sa quantité, non par
sa substance.........................................
Le fluide éthéré et les atomes sont des symboles, comme les
quatre éléments et le mercure des philosophes........ 320


APPENDICES

APPENDICE A. -- Analyse du papyrus alchimique de Leide.... 322
@

TABLE ANALYTIQUE 387
Pages,
APPENDICE B. -- Deux pages de ce papyrus d'après une photographie.
-- Procédés de transmutation et de teinture en
pourpre.............................................. 327
APPENDICE B bis. -- Les papyrus du Louvre et de Berlin. -- Leur
contenu comparé avec les écrits alchimiques.......... 331
APPENDICE C. -- Diplosis de l'argent...................... 334
APPENDICE D. -- Analyse des principaux manuscrits grecs... 335
§ I. -- Manuscrit 2.327.............................. 325 à 347
§ II. -- Manuscrit de saint Marc..................... 347 à 351
§ III. -- Manuscrit 2.325.............................. 352
§ IV. -- Manuscrit 2.249............................... 352
§ V. -- Manuscrits divers. -- Altenbourg; Gotha; Leide; Laurentienne;
Vienne; Ambroisienne; Vatican............. 353
APPENDICE E. -- Enigme sibyllin........................... 355
APPENDICE F. -- Teinture en pourpre d'après le pseudo-Démocrite.
-- Texte et traduction...................... 356 à 361
APPENDICE G. -- Liste des métaux.......................... 362
DESCRIPTION DE LA PLANCHE I. -- La Chrysopée de Cléopâtre. 363
DESCRIPTION DE LA PLANCHE II. -- Signes alchimiques des métaux. 365 |
TABLE ANALYTIQUE.......................................... 366
INDEX ALPHABETIQUE des noms............................... 389
INDEX ALPHABETIQUE des mots............................... 419
pict
@
@

pict

INDEX -----
INDEX DES NOMS
Les chiffres romains indiquent la préface. -- Les chiffres entre
parenthèses, l'article principal,

Adam, 64, 65, 158, 353.
A Adam (Madame), XI.
Adam (Testament), 139.
Aaron, 172. Adonaï, 333.
Abdère, 127, 147, 250. Aegyptiorum secretior philosophia,
Abraham, 54, 56, 172, 333. 143.
Académie, 205. Aes, 225.
-- de Berlin, 331. Africanus, 58, 98, 128, 176,
Académie des Inscriptions, 106, 192, (187).
331. Agatharchide, 23, 36, 116, 130,
Accomplissement (Livre de l'), 183, 235, 351, 354.
344. Agathodémon, 34, 44, 78, 98, 118,
Acétylène, 296, 798, 306, 315. 119, 128, 129, 131, 133, 135,
Achaïe (Couleur d'), 361. (136), 172, 179, 192, 195, 203,
Achéron, 25, 138. 255, (256), 260, 332, 343, 344,
Achille, 75. 350.
Acide, 183, 265, 299, 300. Agathodémons (Serpents), 137.
Acier, 48, 241. Agathodémonites, 137.
Acte (Livre de l'), 192. Aimant, 86, 160, 233.
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390 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Air, 182, 230, 265, 266, 270, 274, Alchimiques (poètes), (106), (121),
275, 280, 283, 320. 341, 349, 354.
Air (dérivés), 254. Alchimiques (théories), 254, (278) et
Air élément, 75, 150, 251, 252, 253, passim.
254. -- titres, 106.
-- enflammé, 266. Alchimistes (femmes), 64, 173.
-- épaissi, 266. Alchimiste de profession, 192.
-- ses espèces, 269. Alcool, 209.
-- octaèdre, 262, 265. Alexandre, 131, 140, 144, 163.
Air principe, 251, 258, 260, 261. Alexandre Sévère, 187.
Air (travail), 343. Alexandrie, X, 29, 32, 33, 36, 40,
Airain, 49, 75, 213, 218, (225), 228, 42, 43, 44, 50, 53, 63, 65, 80,
240, 272. 99, 129, 130, 133, 139, 148, 154,
Airain (constitution), 269. 156, 168, 184, 186, 189, 190,
Airain (fleur), 183. 191, 195, 196, 197, 198, 200,
Airain (homme), 60, 181. 212, 247, 262, 264, 272, 273,
Al préfixe, 74, 206. -- Bibliothèque, 42, 195, 196. --
Alambic, 32, 43, 178, 179, 205, 260, (V. Bibliothèque.)
338, 363. -- bleu, 220.
Albâtre, 180, 236. -- Ecole, 42, 195, 196.
Albert le Grand, 141. Alexandrie (temple de Sérapis), 42,
Alcalis, 265. 191, (196), 198.
Alchimie et Chimie, VII, et passim. Alexandrins, 2, 6, 141, 144, 166,
Alchimie (Chine), 52. 246, 264.
-- emblème, image, 24, 61, 193. Alexandrine (époque), 51, 52.
-- livres, 72, 78, 80, 139, etc. Algues, 361.
Alchimie métallique, 123. Allatius (Leo), 97.
-- nom. 74 Alliages, 17, 29, 30, 83, 87, 99,
-- séparée de la magie, 16. 211, 212, 217, 238, 239, (240),
Alchimique (atelier), 237. 241, 244, 245, 277, 278, 284,
-- lexiques et signes, (106), 337, 331, 348.
351. -- couleur d'or, 50.
Alchimiques (manuscrits, leurs ty- -- de cuivre, (225).
pes), (108). -- de cuivre et de fer, 24.
Alchimiques (opérations), 162. -- de cuivre et de plomb, ou d'étain,
Alchimiques (ouvrages), Date (98). 24, 225.
-- -- leur composition, (110). -- noms spécifiques, 225, 230, 348.
-- -- corps encyclopédique, col- -- odeur, 227.
lection, etc., (101), 102,109, 110. Alliages d'or, 92, 213, 244.
-- -- filiation, (100). -- d'or et d'argent, 49, 212, 222. --
-- -- publications, 104 et suiv. (V. Electrum.)
Alchimiques (papyrus), (80) à 87. Alliage de plomb et d'or, 82, 89,
(323), (327). 244.
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INDEX ALPHABETIQUE DES NOMS 391
Alliage regardé comme métal sim- Aphroselinum, 86, 161.
ple, 218. Apocalyptique (langage), 44.
-- semblable à l'or, 227. Apolenos ou Apollinopolis, 130.
Altenbourg, 107, 354. Apollinopolis, 36.
Alun, 91, 161. Apollo Bechés, 168.
Alycoprios, 130. Apollon, 193, 333.
Amalgamation, 82, 244, 272. Apophis, 63.
Ambre, 217, 233. Apotelesmatica, 38, 200.
Ambroisienne, 96, 108, 355. Apsinthios, 158.
Ameilhon, 96, 106. Apyros (Bleu), 220.
Amérique, 225, 228. Aquilée, 20.
Amestris, 163. Arabes, XIV, 3, 4, 6, 8, 25, 48, 52,
Améthyste, 233. 65, 78, 100, 101, 103, 121, 123,
Ammon, 167, 223. 125, 131, 135, 140, 144, 166,
Ammoniac (sel), 86, 207. -- (V. Sel). 169, 172, 175, 176, 185, 197,
Amnaël, 10. 201, 204, (205) à 210, 223, 248,
Amulettes, 62, 219, 332. 266, 280, 282, 340.
Ampère, 299. Aratus, 65, 205.
Anastase (empereur), 76. Arcadius, 26, 72, 77, 164, 202.
Anastasi (chevalier d'), 80, 153. Archal (fil d') 226.
Anatolius, 167. Arche, 123.
Anaxagore, 143. Archélaüs, 122, 129, 131, 176, 202,
Anaximandre, 195, 258, 260. 342.
Anaximène, 195, 251, 258, 260. Archimède, 184.
Anchusa, 243, 360, 361. Aréomètre, 189.
Androgyne, 178. Arès (ou Horus), 131.
Anglais, 291. Argent, 2, 12, 24, 25, 26, 30, 35,
Annales de Physique, 199, 314. 39, 48, 50, 53, 55, 61, 70, 72,
Annales de Thoutmosis, 213, 219. 75, 77, 87, (89), 123, 134, 137,
Annuaire des Longitudes, 31, 50. 161, 162, 178, 180, 181, 186,
Anonyme chrétien, 99, 118, (203), 207, 208, 209, 212, (214), 215,
339, 350. -- (V. Chrétien). 216, 218, 219, 221, 222, 230,
Anonyme Philosophe, 115, 117, 234, 277, 282, 286, 310, 331,
120, 121, 127, 129, 198, (204), 338, 363, 364.
248, 341, 350, 351, 353, 355. -- alliages, 214, 216, 222, 230,
Anthologie, 187, 202. -- (V. Electrum).
Antimoine, 155, 300, 305. -- assimilé à un alliage, 218, 240.
Antioche (Jean), 72. -- V. Jean). -- brut, 90.
Antiochus, 144. Argent calciné ou fondu, 364.
Antisthènes, 147. -- catalogue, 156.
Antonins, 14, 331. -- couleur, 214.
Anubis, 25, 138. -- dérivés, 113, (234).
Aphrodite, 36, 130, 219. -- doré, 215, 244, 345.
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392 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Argent doublé, XV, 91, 215, 20, Arsenic quintessencié, 208.
334, 345. Arsenicon, 136.
-- extraction, 211. Asbestos, 24, 185, 336, 343.
-- fabrication, 29, 125, 183, 227, Asclepios, 44, 185.
229, 237, 340, 342. Asem, 30, 90, 212, 214, (215), 217.
-- feuille, limaille, terre (minerai), Asémè, 90.
364. Asemon, 30, 87, 88, (89), 125, 214.
-- homme, 60, 180, 181, 215. 327, 331. -- (V. Electrum.)
-- liquide, 178, 231. -- (V. Mer- -- affinage, 90, 91.
cure.) -- atténué. 91.
-- et lune, 49, 244, 364. Asemon doublé, 91.
-- noirci, 345. -- durci, 91.
-- pureté inégale, 214. -- essai, 91.
-- purification, 182. -- fabrication, 89, 190, 215, 337,
-- pyrite, 345. 350.
-- sans marque, 89, 214. -- (V. Ase- -- ferment, 91.
mon). Asemon (homme), 60.
-- scorie de l'or, 216. -- trempe ou teinture, 91.
-- signe, 49, 83, 86, 112. Asphalte, 233.
-- soudure, 124, 345, 364. Assemblée des philosophes, 119,
-- teinture, 35, 149, 155, 165, 171, 143, 343.
242, 243, 244, 281. Assyrie, 63, 238.
-- traitements divers, 89. Assyrien (Art.), 48.
-- valeur relative, 214. Astres, VI, 03, 84, 86, 256.
-- vrai, 240. -- fixes, 41.
Argentifères (minerais), 214. Astres (images), 62.
Argenture, 30, 124. -- influence sur les métaux, 48,
Argonautes, 101. 49.
Argyrion, 238. -- relations avec métaux, 49, 50,
Argyropée, 90, 123, 124, 156, 344, 206.
345. Astres (science), 12, 41.
Aristée (pseudo), 56. -- Signes, 49, 50.
Aristophane, 27, 71, 169, 217. Astrologie, VII, 12, 14, 15, 16, 27,
Aristote, 4, 43, 59, 128, 129, 142, 36, 45, 47, 48, 50, 51, 54, 61,
(143), 144, 147, 148, 226, 251, 62, 72, 74, 83, 86, 100, 120, 124,
253, 257, 260, 262, 265. 133, 135, 144, 166, 171, 178,
Arménie, 139, 169, 187, 192, 241, 191, 200, 209, 245, 332.
342. Astrologique (calcul), 35.
Arnaud de Villeneuve, 346. Astrologique (cercle), 248.
Arnobe, 163. Astrologues, 13, 70, 169, 170.
Ars magna, 105, 117, 154, 200. astronomie, astronome, VII, 1, 40,
Arsenic, 24, 93, 161, 194, 207, 244, 74, 83, 112, 188, 275, 3331.
273, 280, 282, 300, 304, 344, 345. Athénée, 169.
@

INDEX ALPHABETIQUE DES NOMS 393
Athènes, 197, 200. Berger (Ph.), 63.
Athyr, novembre, 33. Berlin, XII, XVI, 106, 149, 331,
Atlantide, 226. 358.
Atomes, 256, (262), 263, 290, 291, Bernard, 106, 108, 115, 202.
292, 312, 320, 321. Berthelot (André), 355.
-- dissolution (des), 319. Béryl, 222.
Atomique (école), 143, 147, 265. Beseleel, 55, 123, 344.
Atomiques (poids), (289), 291, 292, Bessarion, XII, 347.
293, 295, 296, 299, 300, 302, Bible, 65, 193, 203.
305, 307, 308, 309, 310, 317. Bible (traductions), 56.
Atomique (structure), 262. Bibliotheca Chemica, 10, 95, 105,
Atomique (théorie), 289, (290), 291. 206.
-- théorie contredite, 319. Biblique (mythe), 17.
Atomique (volume), 308. Bière (106), 185, 351, 354.
Atomiste, 262. Bile, 254, 275.
Attila, 191. Bivalens, 305, 306, 307.
Augustin (saint), 164. Blemmydas, 101, 205, 355.
Aulu-Gelle, 157. Blemmyes, 192.
Auri pigmentum, 244. Boissonade, 75.
Autophyes cyanos, 220. Bollandistes, 73.
Ayas, 225. Bolus, 99, (156), 157, 158, 167,
Azote, 298, 300, 304, 305, 307, 314. 177.
Azotoïdes, 299, 304, 305. Bore, 307.
Azurite, 220. Borrichius, 10, 104.
Bouches du Nil, 250.
B Boulanger, 358.
Boulaq, 214.
Babylone, 51, 52, 59, 148, 159, Boutroux, 152, 251.
164, 165, 166. Bretagne (perles), 340.
Babylonien, 5, 7, 10, 45, 46, 48, Brome, 299, 304, 310.
51, 251. Bromhydrique (acide), 299.
Bacon, 241. Bromure de potassium, 299.
Bain-marie, 56, 172. Bronze, 88, 103, 106, 125, 126, 185,
Bain de sable, 236. 213, 217, (225), 226, 229, 230,
Baleine (blanc), 234. 244.
Barkal, 214. -- Couleur d'or, 227, 240, 244.
Baronius, 73. -- Objets, 236, 240, 241.
Barthius, 75. -- Trempe, 341, 351.
Basalte, 270. Brugsch, 170.
Bedil, 230. Byzantins, XIV, 4, 8, 26, 47, 72, 76,
Belus, 143. 78, 100, 101, 102, 121, 129,
Benzine, 296, 298. 158, 166, 175, 176, 205, 224.
Berend, 3.
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394 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Champollion, 27, 44, 221, 225.
C Chancourtois, 302.
Charbon, 254, 267, 283.
Cabidarius, 339. Chaux, 24, 161, 185, 232, 283, 343,
Cadmie, 93,339. 350.
Caducée, 31. Chema (livre), 9, 10, 27, 185.
Caïn, II, 19. Chemes. -- (V. Chymès).
Caire, 43. Chemi (livre), 10, 27.
Caïus (empereur), 69. Cham, 27.
Calédonie, 155. Chêne, 249.
Caligula, 69. Chenem, 30, 232.
Callimaque, 217. Chéops, 28, 58, 139, 159, 183.
Calorifique (fluide), 320. Chesbet, Chesteb, pierre bleue, 30,
Calorique, 267. 212, (218) à 221, 225, 232.
Canisius (Bernard), 37. -- naturel et artificiel, 219.
Carbonate de soude, 271. Cheuô, 27.
Carbone, 296, 305, 306, 307. Chiak, Décembre, 33.
-- équivaut seul à une classe en- Chien (étoile), 35.
tière de corps simples, 314. Chimeia, 27.
Carbone (ses états), (313), 314. Chimès, 128. - (V. Chymès),
-- gazeux, 313, 314. Chine, 40, 52, 53.
-- ses séries, 313. Chio (terre de) 24.
Carbonique (acide), 315. Chirocmeta, (157), 177.
Carbures d'hydrogène, 294, 296, Chlore, 299, 300, 304, 306, 310.
297, 302, 313, 318. Chlorhydrique (acide), 299.
-- leurs séries et leurs groupes, Chloroïdes, 299, 304, 305, 314.
303, 305, 306, 307. Chlorure de potassium, 299.
Cardan, 136. Chnouphi, 332. -- (V. Cnouphis).
Carnak, 213. Chomt, 213, 225, 227.
Carnelley, 310. Chrétien (le), 99, 118, 121, 128,
Cassitéros, (229), 230, 233, 240. 176, 198, (203), 205, 248, 339,
Cassius (pourpre), 93. 350.
Cedrenus, 76, 119, 160. Christ, 348.
Cendres bleues, 219. -- (V. Bleu et Chrysaphion, 345.
Vert.) Chrysocolle, 222.
Céruse, 180. Chrysolithe, 233.
César, 42. Chrysopée, XV, 90, 109, 120, 121,
Césarée, 223. 123, 127, 156, 170, 341, 344,
Chabouillet, 62. 351, 353, 363.
Chaldée, 147, 165, 166, 209. Chrysopée de Cléopâtre, 15, 16, 61,
Chaldéen, 46, 48, 51, 52, 53, 57, 63, (363). -- (V. Cléopâtre.)
76, 139, 142, 148, (163), 166, 332. Chrysostome (Jean), 103.
Chalkos, 233. Chwolson, 174.
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INDEX ALPHABETIQUE DES NOMS 395
Chymés, 78, 131, 142, (167) 168, Comarius ou Comerius, 118, 129,
193, 200, 251, 260. 174, 186, 200, 337, 349.
Chymos, 27. Commune (la), 198.
Chymia, 27. Confection (bonne) de la chose
Chypre, 129, 365. créée, 123.
Cicéron, 148. Constance, 20.
Cilicie (safran), 24. Constantin, 156, 169.
Cinabre, 93, 125, 161, 340, 343, Constantin Porphyrogénète, XIV, 72.
350. Constantinople, 102, 110, 116, 121,
Cineritii, 207. 129, 188, 199, 202, 205, 209.
Cire, 271, 272. Copte, 131, 172, 232.
Citron (essence), 294. Coptos, 168.
Claude, 14. Corail, 233.
Claudianon, 113, 230, 233. Corail d'or, 161, 162.
Claudien, 129. Corfou, 96, 346.
Clefs (livre des), 185. Cornelius de Nauplie, 354.
Clefs de la magie, 131. Corpus des Alchimistes grecs, XIV,
Clef de Moyse, 54. 121. -- (V. Alchimiques.)
Clément d'Alexandrie, II, 23, 40 à Cosmas, 101, 121, 205, 341, 352.
42, 43, 99, 133, 148. Coton (papier), 352.
Clemmer, 220. Coupellation, 69, 162, 182, 207,
Cléopâtre, XV, 64, 78, 109, 111, 118, 229.
120, 129, 131, 140, 142, 172, Cousin, 270.
173, 174, 186, 200, 336, 337, Crète, 131, 346.
350, 351, 353. Crismos, 361.
Cléopâtre (Chrysopée), 15, 16, 61, Cristal, 194.
63, etc., (363). Croisades, 201, 209.
Cléophas, 173. Croisés, 223.
Cléopolis, 130. Ctésiphon, 46.
Cnouphion, 31. Cube, 262, 265.
Cnouphis, dieu, 31, 51, 136. Cuivre, 55, 59, 87, 89, 90, 123,
Coagulum blanc et jaune, 365. 155, 161, 181, 213, 219, 222,
Cobalt, 219, 220, 293, 294, 295. (225), 229, 234, 240, 273, 274,
Cocco tinctorio (de), 357. 286, 310, 331.
Coccus, 361. Cuivre (affinage), 344.
Cochenille, 357, 361. -- alliages, 24, 217, (225), 364.
Coelo (de), 251, 253, 265. Cuivre (âme et corps), 276.
Caesarea (Bibliotheca), 107. Cuivre (apparence de l'or), 82, 88,
Colle (recette), 336. 346.
Collège de France, 52. -- blanc, 183.
Colophon, 258. -- blanchiment, 88, 237, 244, 345.
Columelle, 70, 77, 99, 146, 156, -- calciné ou fondu, 194, 343, 364.
157, 158. Cuivre de Chypre, 364.
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396 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Cuivre colorant, 219, 220, 221, 243. Démocrite, XV, 24, 46, 65, 70, 71,
Cuivre (combat avec le mercure), 74, 77, 83, 85, 86, 93, 99, 100,
277. 105, 115, 116, 117, 118, 119,
-- décapage, liniment, ramollisse- 124, 127, 128, 129, 131, 132,
ment, 89. 135, 136, (142) à 145, 163, 164,
-- dérivés, 113, (233). 167, 168, 170, 174, 176, 177,
-- dorure, 89, 244, 345. 184, 186, 187, 190, 194, 200,
-- eau, 24. 203, 204, 206, 207, 228, 234,
-- feuille, limaille, terre (minerai), 240, 242, 244, 248, 250, 254,
364. 255, 262, 263, 272, 282, 390,
-- homme (de), 100. 331, 336, 337, 340, 344, 349,
-- minerai, 24. 351, 354, 355, 357, 358, 359.
-- natif, 225. Démocrite (sphère), 35, 154, --
-- nom, 221. (V. Sphère.)
-- sans ombre, 276. Démotique, 32, 81, 170.
-- oxyde, 364. -- caractères, 35.
Cuivre (pierre de), 24. Denderâ, 30, 42, 219.
-- pur, 225. Derenbourg, 3, 78, 130.
-- rouille, 24. Desaix, 192.
-- sels, 278. Descensum (per), 207.
-- sels basiques, 224. Deutéronome, 28.
-- signe, 49. Diamant, 233.
-- sulfate, 219, 220. Didot, 23, 27, 58, 111.
Cuivre (taches par les sels), 104. Dietz, 106, 107.
-- teinture, 88, 194, 242. Dioclétien, 17, 26, 47, (72), 77, 83,
-- transmuté, 215, 227. 139, 156, 264.
-- et Vénus, 49, 364. Diodore de Sicile, 23, 39, 148.
Cymbales (alliage), 226. Diogène, 128, 142, 258.
Cyprien (saint), 163. Diogène Laërce, 147, 149, 150,
Cypris, 219. 357.
Cyrénaïque, 188. Diorite, 236.
Cyrille (saint), 189, 196. Dioscoride, 20, 68, 69, (93), 125,
231, 273, 357.
D Dioscorus, 78, 129, 131, 156, 186,
190, 191, 336, 337.
Damas, 48, 201. Diplosis, 54, 70, 91, 171, 218, 227,
Damascène (Jean), 346. 240, (334), 351, 353.
Danaïdes, 169. Dirhems, 237.
Dardanus, 153. Docimasie de l'argent, 30, 89.
Davy, 220. -- de l'or, 30, 92.
Démiurge, 51, 187. 190, 276, 354. Dodécaèdre, 262, 276.
Démocritains, XIII, 116, 118, 121, Donatistes, 164.
124, 147, 158, (159), 168, 200. Dornoeus, 37.
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INDEX ALPHABETIQUE DES NOMS 397
Dorure, 30, 82 89, 92, 124, Egypte, IX, X, XII, XIII, 3, 5, 10, 14,
244. 17, 22, 26, 27, 28, 31, 33, 35,
Drongah, 3, 236. 36, 37, 41, 45, 48, 51, 52, 57,
Du Cange, 105, 108, 172, 192, 58, 59, 68, 72, 73, 77, 97, 99,
217. 129, 130, 133, 135, 137, 138,
Du Fresnoy (Lenglet), 106. 139, 147, 148, 153, 159, 164,
Dumas, 292, 299, 311. 165, 167, 172, 181, 183, 184,
Dumont (A.), 73. 191, 194, 198, 196, 199, 204,
209, 212, 220, 223, 228, 231,
E 232, 235, 237, 238, 250, 256,
339.
Eau, 150, 162, 178, 182, 230, 265, Egypte (coquille d'), 361.
266, 268, (269), 270, 271, 274, 275, -- nom, 27.
280, 295, 320. -- pierre, 24.
-- apparence, 266. -- symbole, 50, 51.
-- argent, 231. -- (V. Mercure). Egyptiens, 2, 3, 5, 7, 8, 21, 22, 23,
-- composition, 180. 26, 30, 33, 34, 41, 46, 47, 48,
-- condensée, 266, 270, 271. 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56,
Eau (dérivés), 254. 58, 63, 64, 68, 70, 71, 72, 77,
Eau à deux couleurs, 242. 80, 83, 84, 90, 101, 114, 126,
Eau divine, 52, 121, 165, 178, 179, 129, 136, 137, 138, 139, 142,
181, 186, 204, 205, 207, 253, 143, 156, 162, 165, 167, 168,
256, 338, 339, 340, 341, 342, 170, 172, 175, 181, 183, 184,
343, 346, 349, 350, 351. 189, 192, 195, 199, 204, 212,
Eau divisée, 266. 214, 215, 218, 225, 227, 228,
Eau élément, 75, 253, 254. 229, 234, 238, 239, 241, 245,
-- ses espèces, 269, 270, 273. 246, 255, 277, 341.
Eau-forte, 208. -- dieux, 64.
Eau icosaèdre, 262, 265. -- leurs éléments, 34.
Eau jaillissante, 217. -- industrie, 37, 43.
Eau, matière première, 251. -- métaux, X, 49, 60.
-- mêlée de feu, 270. -- leurs minéraux, 212.
Eau principe, 257, 261. Egyptiens (mois), 33, 111, 345, 346.
Eau, sens divers de ce mot, 268. -- monuments, 15, 81.
Eau (signe), 31, 112. -- religion, 37, 41, 44, 64.
-- transformations, 252. -- science, 29, 39, 40, 42, 47.
Eau (travail), 341. -- sources, (21).
Eaux, 134, 179. Egyptologie, 3, 23, 44, 82, 221,
Eaux chimiques, 123, 217. El-Azhar, mosquée, 43.
Eaux (masse des), 45. Elagabale, 187.
Eclogae physicae, 106, 126, 185. Eléates, 195, 248, 251.
Edesse, 131, 187, 205. Electricité, 253, 286, 296, 320.
Edfou, 30, 42. Electrique (fluide), 320.
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398 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Electros, 213, 215, 238. -- (V. Elec- Eléments (nature invariable), 287.
trum.) -- ne deviennent pas, 261.
Electrum, 30, 90, 113, 114, 212, 213, -- leur nombre, 288.
214, (215) à 218, 364. - (V. Ase- -- leur opposition et réunion, 274.
mon.) Elément primordial, 283.
-- artificiel, 216. -- et principes, 255, 256.
-- changements de sens; devient -- quatre, 34, 64, 75, 142, 144,
laiton, 50. 182, 249, (252), 253, 254, 265,
-- deux sens, 217. 268, 272, 274, 275, 277, 320.
-- homme, 215. Eléments (quatre), union, 343.
-- et Jupiter, 49. 216, 231, 364, -- répandus dans les corps, 266.
-- métal particulier, 49, 60. -- transformations, 317.
-- signe, 49. Eléments (travail des quatre), 125,
-- tombe en désuétude, 217. 342.
Eléments, 6, 111, 149, 191, 258, Eléphantine, 36, 130.
260, 261, 281, 287, 288, 290, Elixir de longue vie, 52.
291, 293, 294, 295, 297, 298, Email blanc, 232.
299, 301, 302, 308, 309, 313, Email jeune, 232.
317. Email rouge, 232.
-- agrégats d'éther, 319. Emaux, 29, 150, 222, 230, 233,
-- caractérisés par leurs mouve- 238, 240, 243, 245, 277, 278.
ments propres, 318. Emaux bleus, 219.
-- leurs changements, 261, 266, Emeraude (table d'), 16, 45, 135.
275. Emeraudes, 29, 71, 99, 125, 149,
-- chimiques, 273. 194, 213, 219, 221, 222, 223,
-- leur composition réciproque, 275. 234, 249, 340, 345.
-- cinquième, 262. -- grandes, 223.
-- classés, 303. -- plats, 223.
-- communs, 314. -- signe et dérivés, (233).
Eléments et composés, 252, 256. -- solubles, 224.
-- confondus avec les qualités des -- table, 223.
corps, 272. Empédocle, 252, 253, 261, 262.
-- de nos corps simples, 289. Encens, 233.
-- distingués de leurs combinai- Encyclopédie Méthodique, X.
sons, 318. Enée de Gaza, (74), 75, 76, 93,
-- formation, 312. 278.
-- leur forme, 206. Ennéade, 250.
-- formés par atomes, 263. Enoch, 11, 19, 46, 139. -- (V. He-
-- idées sur leur constitution, 315. noch.)
-- igné, 267, 268. Epée (l'), 25.
-- inconnus, 309, 310. Epervier, 168.
-- liquide, 268. Epibéchius, 129, 168. -- (V. Pébé-
-- mobiles, fixes, figurés, 262. chius.)
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INDEX ALPHABETIQUE DES NOMS 399
Epicure, 147, 152, 290. Ethylène, 306.
Epicuriens, 142, 263, 264. Etna, 250.
Epiméthée, 65. Eudocie, 158, 177.
Epiphi, juillet, 33, 35, 135. Eudoxe, 331.
Erotyle, 178. Eugenius, 131, 176, 353.
Escarboucle, 123, 125, 233. Euphrate, 46.
Eschyle, 43. Euripide, 43.
Esculape, 184. Europe, XI, XII, 5, 214, 246.
Esneh, 42. Européens, VI.
Espagne, 208, 210, 223. Eusèbe, 58.
Espagnols, 228. Eusebiana, 91.
Esprit volatil, 207. Eusebii Chronicon, 77.
Estienne (Henri), 173. Evagie (118), 127, 129, 186, 340,
Etain, 31, 53, 59, 75, 87, (88), 89, 343.
90, 112, 125, 134, 155, 181, 208, Evangile de la vérité. 58.
216, 217, 225, 226, (229), 230, Eve, 64.
234, 240, 280, 286, 305, 331, Evhémérisé, 137.
340, 347, 365. Exode, 55, 123.
-- alliages, 225, 230, 233.
-- alliage couleur d'or, 50. F
-- blanchiment, teinture, 88.
Etain changé en argent, 91, 215. Fabricius, 47, 49, 92, 96, 105, 107,
-- cri, 230, 280. 117, 136, 157, 192, 200, 354.
Etain et dérivés, 113, 114. Febribus (de), 106, 108, 122, 202.
-- feuille, limaille, terre (minerai), Fer, 39, 55, 59, 90, 106, 123, 155,
365. 160, 213, 225, (227), 229, 233,
-- fondu ou calciné, 365. 234, 283, 331, 365.
-- et Hermès ou Mercure, 49, 230, Fer (alliage) 24.
365. -- armes, 228.
-- et Jupiter, 50, 216, 230. -- caractère récent, 228.
-- préparation, 93. -- dans les pyramides, 228.
-- projection, 88. -- dérivés, 113, 233.
-- signe, 50. Fer doré, 346.
-- traitement, 88. Fer, feuille, limaille, terre (mine-
-- transmutation, 88. rai), oxyde, 365.
Etésienne (pierre), 343. -- et Mars, 49, 314.
Ether, 269, 320, 321. Fer (minerai) 283.
-- ordinaire, 234. -- nom, 225, 227.
Ethers, 234. -- outils, 228.
Ethéré (fluide), 253, 319. -- rareté originelle, 227.
Ethiopie, 193, 354. -- signe, 49, 113.
Ethiopienne (version), II. -- travail, 228.
Ethiopiques, 202. -- trempe, 48, 126, 185, 341, 350.
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400 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Fer (usage), 228. Galatie, 361.
Feu, 149, 161, 182, 194, 195, 220, Galien, 29, 39, 47, 59, 111, 173,
239, 250, 251, 252, 253, 265, 200.
266, 267, (268), 270, 271, 274, Garance, 357, 361.
275, 277, 283, 284, 286, 320. Gaza (Enée de). -- (V. Enée.)
-- action sur les eaux, 269. Géants, 9, 11, 18, 19.
-- apparence, 266. Geber, 101, 140, 169, (206) à 210,
Feu (art du), 249. 229, 230, 266, 273, 280, 228,
-- ses atomes, 263. 288, 286.
-- dérivés, 254. Gemmes (les 24), 47.
-- divers sens de ce mot, 267. Gênes, 223.
-- doux et violent, 254. Genèse, 10, 11.
Feu (ses effets), 70. Généthliaque (thème), 332.
Feu élément, 75. Génie (bon), 256. -- (V. Agathodé-
-- ses espèces, 268. mon.)
-- éteint, 266. Geographi graeci minores, 23.
Feu grégeois, 205. Geoponica, XIV, 47, 65, 149, 158,
Feu, sa matière, 267. 166, 187.
Feu (pratiques), 75. Georges (saint), 333.
Feu, premier agent, 254. Georgiques, 217.
Feu principe, 258, 261. Gérasa (Nicomaque de), 164.
Feu (résiste au), 220. Gessner, 59.
Feu (ne résiste pas au), 244. Gibbon, 196.
-- tétraèdre, 262. Gildemeister, 27, 205.
Feu (travail), 343. Glace, 270.
Feu (vit dans le), 59. Glucinium, 307.
Figuier (suc), 24. Gnose, 66, 173, 348.
Firmicus (J.), 74, 169, 191. Gnostique, XI, XIII, 2, 5, 7, 32, 34,
Florence, 96, 107, 354. 36, 44, 45, 56, (57), 58, 60, 62,
Fluor, 304, 307. 63, 64, 65, 68, 83, 85, 97, 99,
Fonte, 237. 114, 119, 120, 133, 136, 137,
Formène, 315. 138, 144, 156, 158, 168, 173,
Fouets (les trois), 25. 174, 178, 179, 182, 187, 190,
France, 95. 191, 193, 195, 199, 203, 204,
Franck, 149. 248, 274, 332, 333, 339, 353.
Franc-maçonnerie, 56. -- magie, 63.
François Ier, 4, 95. -- pierres et amulettes, 50, (62).
Fucus, 361. -- prophètes, 57.
Furies, 25. -- prophétesses, 64.
-- sectes, 62, 63.
G -- signes, 61, 62.
-- symboles, 62, 63.
Gaînas, 189. -- (traditions juives des), 64.
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INDEX ALPHABETIQUE DES NOMS 401
Goar, 9. Henokia, 19.
Gomme, 24. Henri II, 95, 335.
Gomme ammoniaque, 233. Henri Estienne (Thesaurus), 27,
Gotha, 354. III. -- (V. Estienne.)
Gotha (manuscrit), 96, 105, 107. Héracléopolis, 36, 130.
Goths, 223. Héraclès, 200.
Granite vert, 222. Héraclianus, 190.
Grecs, VI, VII, XI, XIV, XV, 3, 4, 6, 8, Heraclite, 128, 142, 252, 258, 262,
42, 52, 53, 56, 58, 65, 68, 80, 319.
84, 94, 98, 121, 127, 131, 185, Héraclius, 26, 72, 129, 131, 140,
196, 197, 205, 217, 219, 222, 200, 205.
223, 226, 229, 231, 232, 238, Herbes (les 24), 47.
247, 254, 259, 262, 271, 280, -- puissance secrète, 47.
282, 333. Hercule, 131.
Grecs (philosophes), XIII, 141, (142), Hermaïque (lyre), 204.
152, 193, 195, 205, (248) et sui- Hermaphrodite (Elément), 64.
vantes, 251. Hermès, 9, 16, 21, 25, 28, 31, 35,
Grèce, 95, 163, 250. 37, 38, 39, 40, 41, 42, 44, 45,
Grecques (transcriptions), 32, 33, 62, 65, 78, 85, 98, 115, 127, 128,
35. 129, 130, 131, 132, (133), 134,
Gréco-Egyptiens, 25, 53, 122, 209. 135, 138, 167, 169, 172, 192,
Gréco-persane (culture), 46. 195, 200, 203, 204, 258, 260,
Grêle, 270. 332, 333, 343, 346, 345, 350.
Grüner, 106, 126, 185. -- art, 28, 44.
Guizot, 196. -- Encyclopédie, 21, 34, (40), 44.
-- hymne, 45, 134.
H -- instrument, sphère, 16, 35, 119,
135.
Harran, 205. -- livres, 34, 40 à 45, 118, 120,
Hat, 212. 121, 135, 138.
Hathor, 219. -- ouvrages, 39, 40, 44.
Hautes études (Bibliothèque), X, -- planète, 49. -- (V. Mercure.)
212. -- sceau, 31.
Hébraïque, 56, 65. -- signe, 31, 49, 50, 119, 346.
Hébreux, 55, 58, 64, 209, 230, 238. -- stèles, 38, 39.
Hegire, 78, 130. -- table, 35, 37, 45, 135, 154, 346.
Helcias, 28. Hermétique corps, philosophie,
Héliodore, 122, 176, 202, 341, 355. 106, 134, 282.
Hellènes (chef des), 198. -- science, 231.
Hellénisme, 36, 40, 57, 65, 138, Hermolaus Barbarus, 20.
192, 196. Hermonthis, 138.
Hémicycle du Sérapeum, 43. Hérodote, 147, 163, 228.
Hénoch, 55. -- (V. Enoch.) Héron d'Alexandrie, 184.
26
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402 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Hertès, 30, 232. Ibn-Abi-Yacoub-An-Nadim, 130.
Hervey (d') de St-Denis, 52. Ibn-Wahs-Chijjah, 174.
Hésiode, 65, 205, 226. Icosaèdre, 262, 265.
Heumann, 107. Ideler, 76, 106, 117, 122, 174, 200,
Hiératique (texte), 84, 86. 201, 202, 242, 263, 276, 277,
Hiérapolis, 62. 339, 349.
Hiéroclès, 74. Ilex, 357.
Hiéroglyphes, 31, 37, 41, 44, 50, Iliade, 333.
59, 112, 184. Imhotep, 9, 184.
Hiérogrammates, 137. Imouth, 9, 184, 332.
Hiérogrammes, 32, 38, 193, 204, Imperatore (de) romano, 358.
256. Incération, 207.
Hiérothée, 122, 176, 202, 342, Inde, 48, 121, 140, 169.
353. Indien (fer), 126, 341.
Hippasus, 128, 142, 258. Interprétation (sur l'), 183.
Hippocrate, 39. Iode, 299, 300, 304, 310.
Hoefer, X, 3, 10, 104, 106, 180, 181, Iodhydrique (acide), 299.
192, 219. Iodure de potassium, 299.
Hoffmann (de Kiel), 27, 107. Ionienne (Ecole), XIII, 6, 142, 195,
Homère, 43, 230, 333. 248, (250), 259, 261, 264, 281,
Homologues, 303. 306. 320.
Homonymis (de), 359. Ios, 339.
Homunculus, 60. Iosis, 35, 242.
Hongrie, 198. Iranien, 47, 166.
Honorius, 191. Iridium, 294, 295.
Horapollon, 59. Isaac, 54.
Horus, 10, 25, 44, 59, 98, 118, 131, Isatis, 361.
138, 168, 344. Isidore, 128, 168.
Huiles, 234, 271. Isidore de Séville, 228.
Huile aromatique, 351. Isis, 10, 23, 25, 30, 32, 38, 44, 98,
Huile de vitriol, 208. 118, 119, 133, 134, (138), 168,
Huss (Jean), 20. 192, 193, 332, 344.
Hyacinthes, 29, 125, 233, 340. Ismaélites, 103.
Hydrogène 267, 289, 292, 293, 295, Isomères, 294 et suivantes, 314.
296, 298, 300, 305, 306, 310, Israël, 54.
311, 312, 314, 315. Isthméennes, 148.
Hypatie, 189, 196. Isthmeos, 76.
Italie, 13, 102, 161, 155, 361.
I Italien (gouvernement), XIII, 4,
96.
Iambes, 122, 202. Italiote (Ecole), 142.
Iatricae (hyles), 357. Ivoire, 149.
Ibis, 31. Ivoire amolli, 71.
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INDEX ALPHABETIQUE DES NOMS 403
Kerkoros, 25.
J Kestôn, 187.
Khem, 167.
Jacob, 54. Khnoum, 51.
Jacob l'Inspiré, 339. Kitab-al-Fihrist, 3, 78, 100, 130,
Jamblique, 25, 29, 38, 39, 40, 72, 140, 168, 172, 185, 200, 205,
85, 98, 119, 144, 145, 184, 344. 206, 210.
Japon, 40. Kircher, 37.
Japonais, 214. Kobathia, 260.
Jaspe, 233. Kopp, X, 3.
Jaspe enchâssé, 84. Kriegmann, 37.
-- jaune, 232. Kron-Ammon, 85.
-- vert, 221, 222, 236. Kühn, 59.
Jean d Antioche, 17, 26, 72, 77. Kybric, 172.
Jean l'Archiprêtre, 118, 127, 129, Kyphi, 30
186, 204, 340, 343. Kyranides (livre), 47.
Jean de Damas, 122, 201, 346.
Jérusalem, 56. L
Jésus-Christ, 173, 223.
Johanes Isthmeos, 76. Labbé, 96, 106.
Juda, 55, 123, 174, 344. Labyrinthe de Salomon, 16, 54,
Judaïques, 333. 108, 171, 350, 354.
Juifs, 7, 28, (53), 54, 55, 56, 57, Lacaze Duthiers, 357, 361.
58, 64, 65, 83, 158, 173, 193, Laccha, 360, 361.
198, 344. La Condamine, 223.
Juifs (Alchimistes), (170), 171. Laine, 339, 360, 361.
Juin, 22. Laiton, 90, 217, 218, 225, 226,
Juillet, 222. 240, 244.
Juliana, 128. Laiton, devient Electrum, 50, 217.
Julien (empereur), 73, 98, 145. Lamartine, 18.
Julius Firmicus, 74. V. Firmicus. Lambecius, 107, 190, 354.
Jupiter, 333. Lampride, 126, 224.
Jupiter et Electrum, 49, 231, 364. Lao-tse, 53.
-- planète, 74, 114, 216, 230. Lapis lazuli, 212, 219, 220.
-- signe, 49, 50, 230. 231. Latin, 225, 238.
-- -- sens générique, 231. Latins, 3, 8.
-- -- changements, 50. Laurentine, 96, 107, 112.
Justinien, 140, 197, 205, 348. Lavoisier, 6, 287, 288.
Juvénal, 71, 169. Leclerc, 78, 200.
Leconte de Lisle, 19.
K Leemans, 3, 15, 32, 57, 59, 69, 81,
82, 83, 86, 88, 169, 323.
Kavini, 131. Leibnitz, 136.
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404 LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE
Leide, XII, XV, etc. -- (V. Papyrus.) Mafek, pierre verte, 30, 213, 218,
Leipsick, 69, 158. 219, (221) à 224, 225, 232.
Lenglet du Fresnoy, 106. -- vrai et artificiel, 222.
Lepsius, X, 3, 30, 90, 212, 213, 221, Magisterii, 206.
225, 227, 229, 234. Magnès, 86.
Letronne, 331. -- (V. Reuvens Magnétique (fluide), 320.
(lettre à). -- -- (pierre), 86.
Leucippe, 47, 119, 155, 162, 263, Magnésie, 24, 86, 155, 161, 201,
344. 207, 229, 260, 282, 340, 345.
Leucosis, 35, 88, 242. Magnétiseurs, 246.
Libye, 250, 361. Magnétique (fluide), 320.
Libyque (montagne), 38. Magnétisme, 320.
Lichen marin, 360. Magnétisme animal, VI.
Litharge, 113, 155, 323, 361. Malachite, 224, 232.
Lithium, 304, 307, 308, 310. Malala (Jean), 76, 101.
Lothar Meyer, 302. Manéthon (astrologue), 29, 39, 169.
Louvre, XII, XV, 3, 23, 82, 170, 331. Manéthon (historien), 40, 58.
Lucas, 128. Manget, 10, 95, 105, 206.
Lucien, 153. Manilius, 70, 74, 93, 239, 240.
Lucrèce, 18, 19, 152, 228, 239, 261, Manuscrits (composition), 124.
262, 263. Manuscrits divers, 353, 358.
Lumineux (fluide), 320. Manuscrits (étude passionnée), 103.
Lunaire (influence), 179. Manuscrits grecs, X, XI, XII, XIII, XV,
Lune, 50, 83, 84, 182, 201, 244, 4, 5, 8, 12, 57, 67, 68, 71, 73. 74,
277, 322. <