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Réfer. : 1300A .
Auteur : Lavoisier Antoine.
Titre : Traité élémentaire de Chimie.
S/titre : .
Editeur : Cuchet. Paris.
Date éd. : 1789 .
@
D I S C O U R S
PRÉLIMINAIRE.
J E n'avais pour objet lorsque j'ai entrepris
cet ouvrage, que de donner plus de
développement au Mémoire que j'ai lu
à la séance publique de l'Académie des
Sciences du mois d'Avril 1787, sur la
nécessité de réformer & de perfectionner
la Nomenclature de la Chimie.
C'est en m'occupant de ce travail, que
j'ai mieux senti que je ne l'avais encore
fait jusqu'alors, l'évidence, des principes
qui ont été posés par l'Abbé de Condillac
dans sa logique, & dans quelques autres
de ses ouvrages. Il y établit
que nous ne
pensons qu'avec le secours des mots ; que
les langues sont de véritables méthodes analytiques;
que l'algèbre la plus simple, la
plus exacte & la mieux adaptée à son
objet de toutes les manières de s'énoncer,
est à la fois une langue & une méthode
a iij
@
vj D i s c o u r s
analytique ; enfin que
l'art de raisonner
se réduit à une langue bien faite. Et en
effet tandis que je croyais ne m'occuper
que de Nomenclature, tandis que je n'avais
pour objet que de perfectionner le
langage de la Chimie, mon ouvrage
s'est transformé insensiblement entre mes
mains, sans qu'il m'ait été possible de
m'en défendre, en un Traité élémentaire
de Chimie.
L'impossibilité d'isoler la Nomenclature
de la science & la science de la
Nomenclature, tient à ce que toute
science physique est nécessairement formée
de trois choses : la série des faits qui
constituent la science; les idées qui les rappellent ;
les mots qui les expriment. Le
mot doit faire naître l'idée ; l'idée doit
peindre le fait : ce sont trois empreintes
d'un même cachet ; & comme ce sont
les mots qui conservent les idées & qui
les transmettent, il en résulte qu'on ne
peut perfectionner le langage sans perfectionner
la science, ni la science sans le
langage, & que quelque certains que fussent
@
P R E'L I M I N A I R E. vij
les faits, quelque justes que fussent les
idées qu'ils auraient fait naître, ils ne
transmettraient encore que des impressions
fausses, si nous n'avions pas des
expressions exactes pour les rendre.
La première partie de ce Traité fournira
à ceux qui voudront bien le méditer,
des preuves fréquentes de ces vérités ;
mais comme je me suis vu forcé d'y suivre
un ordre qui diffère essentiellement
de celui qui a été adopté jusqu'à présent
dans tous les ouvrages de Chimie, je dois
compte des motifs qui m'y ont déterminé.
C'est un principe bien constant, & dont
la généralité est bien reconnue dans les
mathématiques, comme dans tous les
genres de connaissances, que nous ne
pouvons procéder pour nous instruire
que du connu à l'inconnu. Dans notre
première enfance nos idées viennent de
nos besoins ; la sensation de nos besoins
fait naître l'idée des objets propres à les
satisfaire, & insensiblement par une suite
de sensations, d'observations & d'analyses,
il se forme une génération successive
a iv
@
viii D i s c o u r s
d'idées toutes liées les unes aux
autres, dont un observateur attentif peut
même jusqu'à un certain point, retrouver
le fil & l'enchaînement, & qui constituent
l'ensemble de ce que nous savons.
Lorsque nous nous livrons pour la
première fois à l'étude d'une science
nous sommes par rapport à cette science,
dans un état très analogue à celui dans
lequel sont les enfants, & la marche que
nous avons à suivre est précisément celle
que suit la nature dans la formation de
leurs idées. De même que dans l'enfant
l'idée est un effet de la sensation, que
c'est la sensation qui fait naître l'idée ; de
même aussi pour celui qui commence à
se livrer à l'étude des sciences physiques,
les idées ne doivent être qu'une conséquence,
une suite immédiate d'une expérience
ou d'une observation.
Qu'il me soit permis d'ajouter que celui
qui entre dans la carrière des sciences,
est dans une situation moins avantageuse
que l'enfant même qui acquiert ses premières
idées ; si l'enfant s'est trompé sur
@
P R E'L I M I N A I R E. ix
les effets salutaires ou nuisibles des objets
qui l'environnent, la nature lui donne des
moyens multipliés de se rectifier. A chaque
instant le jugement qu'il a porté se trouve
redressé par l'expérience. La privation
ou la douleur viennent à la suite d'un
jugement faux ; la jouissance & le plaisir
à la suite d'un jugement juste. On ne
tarde pas avec de tels maîtres à devenir
conséquent, & on raisonne bientôt juste
quand on ne peut raisonner autrement
sous peine de privation ou de souffrance.
Il n'en est pas de même dans l'étude
& dans la pratique des sciences ; les faux
jugements que nous portons, n'intéressent
ni notre existence, ni notre bien-être ;
aucun intérêt physique ne nous oblige
de nous rectifier : l'imagination au contraire
qui tend à nous porter continuellement
au-delà du vrai ; l'amour-propre
& la confiance en nous-mêmes, qu'il sait
si bien nous inspirer, nous sollicitent à
tirer des conséquences qui ne dérivent
pas immédiatement des faits : en sorte que
nous sommes en quelque façon intéressés
@
x D i s c o u r s
à nous séduire nous-mêmes. Il n'est
donc pas étonnant que dans les sciences
physiques en général, on ait souvent
supposé au lieu de conclure ; que les
suppositions transmises d'âge en âge, soient
devenues de plus en plus imposantes par
le poids des autorités qu'elles ont acquises,
& qu'elles aient enfin été adoptées &
regardées comme des vérités fondamentales,
même par de très bons esprits.
Le seul moyen de prévenir ces écarts,
consiste à supprimer ou au moins à simplifier
autant qu'il est possible le raisonnement
qui est de nous & qui seul peut
nous égarer ; à le mettre continuellement
à l'épreuve de l'expérience ; à ne conserver
que les faits qui ne font que des données
de la nature, & qui ne peuvent nous
tromper ; à ne chercher la vérité que dans
l'enchaînement naturel des expériences &
des observations, de la même manière
que les Mathématiciens parviennent à la
solution d'un problème par le simple arrangement
des données, & en réduisant
le raisonnement à des opérations si simples,
@
P R E'L I M I N A I R E. xj
à des jugements si courts, qu'ils ne
perdent jamais de vue l'évidence qui leur
sert de guide.
Convaincu de ces vérités, je me suis
imposé la loi de ne procéder jamais que
du connu à l'inconnu, de ne déduire
aucune conséquence qui ne dérive immédiatement
des expériences & des observations,
& d'enchaîner les faits & les vérités
chimiques dans l'ordre le plus propre
à en faciliter l'intelligence aux commençants ;
Il était impossible qu'en m'assujettissant
à ce plan, je ne m'écartasse pas
des routes ordinaires. C'est en effet un
défaut commun à tous les cours & à tous
les traités de Chimie, de supposer dès
les premiers pas des connaissances que
l'élève ou le Lecteur ne doivent acquérir
que dans les leçons subséquentes. On
commence dans presque tous par traiter
des principes des corps ; par expliquer la
table des affinités, sans s'apercevoir qu'on
est obligé de passer en revue dès le premier
jour les principaux phénomènes de
la Chimie, de se servir d'expressions qui
@
xij D i s c o u r s
n'ont point été définies, & de supposer
la science acquise par ceux auxquels on
se propose de l'enseigner. Aussi est-il
reconnu qu'on n'apprend que peu de chose
dans un premier cours de Chimie ; qu'une
année suffit à peine pour familiariser l'oreille
avec le langage, les yeux avec les
appareils, & qu'il est presque impossible de
former un Chimiste en moins de trois ou
quatre ans.
Ces inconvénients tiennent moins à
la nature des choses qu'à la forme de
l'enseignement, & c'est ce qui m'a déterminé
à donner à la Chimie une marche
qui me paraît plus conforme à celle
de la nature. Je ne me suis pas dissimulé
qu'en voulant éviter un genre de difficultés
je me jetais dans un autre, & qu'il
me serait impossible de les surmonter toutes ;
mais je crois que celles qui restent
n'appartiennent point à l'ordre que je me
suis prescrit ; qu'elles sont plutôt une suite
de l'état d'imperfection où est encore la
Chimie. Cette science présente des lacunes
nombreuses qui interrompent la série
@
P R E'L I M I N A I R E. xiij
des faits, & qui exigent des raccordements
embarrassants & difficiles. Elle n'a pas,
comme la Géométrie élémentaire, l'avantage
d'être une science complète &
dont toutes les parties sont étroitement
liées entre elles ; mais en même temps sa
marche actuelle est si rapide ; les faits
s'arrangent d'une manière si heureuse, dans
la doctrine moderne, que nous pouvons
espérer même de nos jours, de la voir
s'approcher beaucoup du degré de perfection
qu'elle est susceptible d'atteindre.
Cette loi rigoureuse, dont je n'ai pas
dû m'écarter, de ne rien conclure au-
delà de ce que les expériences présentent,
& de ne jamais suppléer au silence des
faits, ne m'a pas permis de comprendre
dans cet Ouvrage la partie de la Chimie
la plus susceptible, peut-être, de devenir
un jour une science exacte : c'est celle qui
traite des affinités chimiques ou attractions
électives. M. Geoffroy, M. Gellert,
M. Bergman, M. Scheele, M. de Morveau,
M. Kirwan & beaucoup d'autres
ont déjà rassemblé une multitude de faits
@
xiv D i s c o u r s
particuliers, qui n'attendent plus que la
place qui doit leur être assignée ; mais
les données principales manquent, ou du
moins celles que nous avons ne sont encore
ni assez précises ni assez certaines,
pour devenir la base fondamentale sur
laquelle doit reposer une partie aussi importante
de la Chimie. La science des
affinités est d'ailleurs à la Chimie ordinaire
ce que la Géométrie transcendante
est à la Géométrie élémentaire, & je n'ai
pas cru devoir compliquer par d'aussi
grandes difficultés des Eléments simples
& faciles qui seront, à ce que j'espère
à la portée d'un très grand nombre de
Lecteurs.
Peut-être un sentiment d'amour-propre
a-t-il, sans que je m'en rendisse compte
à moi-même, donné du poids à ces réflexions.
M. de Morveau est au moment
de publier l'article AFFINITÉ de l'Encyclopédie
méthodique, & j'avais bien des
motifs pour redouter de travailler en concurrence
avec lui.
On ne manquera pas d'être surpris de
@
P R E'L I M I N A I R E. xv
ne point trouver dans un Traité élémentaire
de Chimie, un Chapitre sur les
parties constituantes & élémentaires des
corps : mais je ferai remarquer ici que
cette tendance que nous avons à vouloir
que tous les corps de la nature ne soient
composés que de trois ou quatre éléments,
tient à un préjugé qui nous vient originairement
des philosophes grecs. L'admission
de quatre éléments qui, par la variété de
leurs proportions, composent tous les
corps que nous connaissons, est une pure
hypothèse imaginée long temps avant qu'on
eût les premières notions de la Physique
expérimentale & de la Chimie. On n'avait
point encore de faits, & l'on formait
des systèmes ; & aujourd'hui que nous
avons rassemblé des faits, il semble que
nous nous efforcions de les repousser,
quand ils ne cadrent pas avec nos
préjugés ; tant il est vrai que le poids
de l'autorité de ces pères de la philosophie
humaine se fait encore sentir,
& qu'elle pèsera sans doute encore sur les
générations à venir.
@
xvi D i s c o u r s
Une chose très remarquable, c'est que
tout en enseignant la doctrine des quatre
éléments, il n'est aucun Chimiste qui par
la force des faits n'ait été conduit à en
admettre un plus grand nombre. Les premiers
Chimistes qui ont écrit depuis le
renouvellement des Lettres, regardaient
le soufre & le sel comme des substances
élémentaires qui entraient dans la combinaison
d'un grand nombre de corps :
ils reconnaissaient donc l'existence de six
éléments, au lieu de quatre. Beccher admettait
trois terres, & c'était de leur
combinaison & de la différence des proportions
que résultait, suivant lui, la
différence qui existe entre les substances
métalliques. Stahl a modifié ce système :
tous les Chimistes qui lui ont succédé se
sont permis, d'y faire des changements,
même d'en imaginer d'autres, mais tous
se sont laissé entraîner à l'esprit de leur
siècle, qui se contentait d'assertions sans
preuves, ou du moins qui regardait souvent
comme telles de très légères probabilités.
Tout
@
P R E'L I M I N A I R E. xvij
Tout ce qu'on peut dire sur le nombre
& sur la nature des éléments se borne
suivant moi à des discussions purement
métaphysiques : ce sont des problèmes
indéterminés qu'on se propose de résoudre,
qui sont susceptibles d'une infinité
de solutions, mais dont il est très
probable qu'aucune en particulier n'est
d'accord avec la nature: Je me contenterai
donc de dire que si par le nom d'éléments,
nous entendons désigner les molécules
simples & indivisibles qui composent les
corps, il est probable que nous ne les
connaissons pas : que si au contraire nous
attachons au nom d'éléments ou de principes
des corps l'idée du dernier terme
auquel parvient l'analyse, toutes les substances
que nous n'avons encore pu décomposer
par aucun moyen, sont pour
nous des éléments ; non pas que nous
puissions assurer que ces corps que nous
regardons comme simples, ne soient pas
eux-mêmes composés de deux ou même
d'un plus grand nombre de principes,
mais puisque ces principes ne se séparent
b
@
xviij D i s c o u r s
jamais, ou plutôt puisque nous n'avons
aucun moyen de les séparer, ils agissent
à notre égard à la manière des corps simples,
& nous ne devons les supposer
composés qu'au moment où l'expérience
& l'observation nous en auront fourni la
preuve.
Ces réflexions sur la marche des idées,
s'appliquent naturellement au choix des
mots qui doivent les exprimer. Guidé
par le travail que nous avons fait en
commun en 1787, M. de Morveau,
M. Berthollet, M. de Fourcroy & moi
sur la Nomenclature de la Chimie ; j'ai
désigné autant que je l'ai pu les substances
simples par des mots simples, & ce sont
elles que j'ai été obligé de nommer les premières.
On peut se rappeler que nous
nous sommes efforcés de conserver à
toutes ces substances les noms qu'elles
portent dans la société : nous ne nous
sommes permis de les changer que dans
deux cas ; le premier à l'égard des substances
nouvellement découvertes & qui
n'avaient point encore été nommées, ou
@
P R E'L I M I N A I R E. xix
du moins pour celles qui ne l'avaient été
que depuis peu de temps, & dont les noms
encore nouveaux n'avaient point été sanctionnés
par une adoption générale : le
second lorsque les noms adoptés soit
par les anciens, soit par les modernes,
nous ont paru entraîner des idées évidemment
fausses ; lorsqu'ils pouvaient faire
confondre la substance qu'ils désignaient
avec d'autres, qui sont douées de propriétés
différentes ou opposées. Nous
n'avons fait alors aucune difficulté de
leur en substituer d'autres que nous avons
empruntés principalement du Grec : nous
avons fait en sorte qu'ils exprimassent la
propriété la plus générale, la plus caractéristique
de la substance ; & nous y avons
trouvé l'avantage de soulager la mémoire
des commençants qui retiennent difficilement
un mot nouveau lorsqu'il est absolument
vide de sens, & de les accoutumer
de bonne heure à n'admettre aucun
mot sans y attacher une idée.
A l'égard des corps qui sont formés
de la réunion de plusieurs substances simples,
b ij
@
xx D i s c o u r s
nous les avons désignés par des
noms composés comme le sont les substances
elles-mêmes ; mais comme le nombre
des combinaisons binaires est déjà
très considérable, nous ferions tombés
dans le désordre & dans la confusion, si
nous ne nous fussions pas attachés à former
des classes. Le nom de classes & de genres
est dans l'ordre naturel des idées, celui
qui rappelle la propriété commune à un
grand nombre d'individus : celui d'espèces
au contraire, est celui qui ramène l'idée
aux propriétés particulières à quelques
individus.
Ces distinctions ne sont pas faites comme
on pourrait le penser, seulement par la
métaphysique ; elles le sont par la nature.
Un enfant, dit l'Abbé de Condillac,
appelle du nom d'
arbre le premier arbre
que nous lui montrons. Un second arbre
qu'il voit ensuite lui rappelle la même
idée ; il lui donne le même nom ; de
même à un troisième, à un quatrième,
& voilà le mot d'
arbre donné d'abord à
un individu, qui devient pour lui un nom
@
P R E'L I M I N A I R E. xxj
de classe ou de genre, une idée abstraite
qui comprend tous tes arbres en général.
Mais lorsque nous lui aurons fait remarquer
que tous les arbres ne servent pas
aux mêmes usages, que tous ne portent
pas les mêmes fruits, il apprendra bientôt
à les distinguer par des noms spécifiques
& particuliers. Cette logique est celle de
toutes les sciences ; elle s'applique naturellement
à la Chimie.
Les acides, par exemple, sont composés
de deux substances de l'ordre de celles
que nous regardons comme simples, l'une
qui constitue l'acidité & qui est commune
à tous ; c'est de cette substance que doit
être emprunté le nom de classe ou de
genre : l'autre qui est propre à chaque
acide, qui les différencie les uns des
autres, & c'est de cette substance que doit
être emprunté le nom spécifique.
Mais dans la plupart des acides, les deux
principes constituants, le principe acidifiant
& le principe acidifié, peuvent exister
dans des proportions différentes, qui constituent
toutes des points d'équilibre ou de
b iij
@
xxij D i s c o u r s
saturation ; c'est ce qu'on observe dans
l'acide sulfurique & dans l'acide sulfureux ;
nous avons exprimé ces deux états
du même acide en faisant varier la terminaison
du nom spécifique.
Les substances métalliques qui ont été
exposées à l'action réunie de l'air & du
feu, perdent leur éclat métallique, augmentent
de poids & prennent une apparence
terreuse ; elles sont dans cet état
composées, comme les acides, d'un principe
qui est commun à toutes, & d'un
principe particulier, propre à chacune :
nous avons dû également les classer sous
un nom générique dérivé du principe
commun, & le nom que nous avons
adopté est celui d'
oxyde ; nous les avons
ensuite différenciées les unes des autres par
le nom particulier du métal auquel elles
appartiennent.
Les substances combustibles qui, dans
les acides & dans les oxydes métalliques,
sont un principe spécifique & particulier,
sont susceptibles de devenir à leur tour
un principe commun à un grand nombre
@
P R E'L I M I N A I R E. xxiij
de substances. Les combinaisons sulfureuses
ont été longtemps les seules connues
en ce genre : on fait aujourd'hui,
d'après les expériences de MM. Vandermonde,
Monge & Berthollet, que le
charbon se combine avec le fer, & peut-
être avec plusieurs autres métaux ; qu'il
en résulte, suivant les proportions, de
l'acier, de la plombagine, &c. On sait
également, d'après les expériences de
M. Pelletier, que le phosphore se combine
avec un grand nombre de substances
métalliques. Nous avons encore rassemblé
ces différentes combinaisons sous des
noms génériques dérivés de celui de la
substance commune, avec une terminaison
qui rappelle cette analogie, & nous
les avons spécifiées par un autre nom
dérivé de leur substance propre.
La nomenclature des êtres composés
de trois substances simples, présentait un
peu plus de difficultés en raison de leur
nombre, & surtout parce qu'on ne peut
exprimer la nature de leurs principes constituants,
sans employer des noms plus composés.
b iv
@
xxiv D i s c o u r s
Nous avons eu à considérer dans
les corps qui forment cette classe, tels
que les sels neutres par exemple, I° le
principe acidifiant qui est commun à tous ;
2° le principe acidifiable qui constitue
leur acide propre ; 3° la base saline, terreuse,
ou métallique qui détermine l'espèce
particulière de sel. Nous avons emprunté
le nom de chaque classe de sels de
celui du principe acidifiable, commun à
tous les individus de la classe ; nous avons
ensuite distingué chaque espèce par le
nom de la base saline terreuse, ou métallique,
qui lui est particulière.
Un sel, quoique composé des trois
mêmes principes, peut être cependant
dans des états très différents, par la seule
différence de leur proportion. La nomenclature
que nous avons adoptée aurait
été défectueuse si elle n'eût pas exprimé
ces différents états, & nous y sommes
principalement parvenus par des changements
de terminaison que nous avons rendu
uniformes pour un même état des différents
sels.
@
P R E'L I M I N A I R E. xxv
Enfin nous sommes arrivés au point
que par le mot seul, on reconnaît sur le
champ quelle est la substance combustible
qui entre dans la combinaison dont il est
question ; si cette substance combustible
est combinée avec le principe acidifiant,
& dans quelle proportion; dans quel état
est cet acide ; à quelle base il est uni ; s'il
y a saturation exacte ; si c'est l'acide, ou
bien la base qui est en excès.
On conçoit qu'il n'a pas été possible
de remplir ces différentes vues sans blesser
quelquefois des usages reçus,
sans adopter des dénominations qui ont
paru dures & barbares dans le premier
moment ; mais nous avons observé, que
l'oreille s'accoutumait promptement aux
mots nouveaux, surtout lorsqu'ils se trouvaient
liés à un système général & raisonné.
Les noms, au surplus, qui s'employaient
avant nous, tels que ceux de
poudre d'algaroth, de
sel alembroth, de
pompholix, d'
eau phagédénique, de
turbith
minéral, de
colcothar, & beaucoup d'autres,
ne sont ni moins durs, ni moins extraordinaires;
@
xxvj D i s c o u r s
il faut une grande habitude
& beaucoup de mémoire pour se rappeler
les substances qu'ils expriment, & surtout
pour reconnaître à quel genre de
combinaison ils appartiennent. Les noms
d'
huile de tartre par défaillance, d'
huile de
vitriol, de
beurre d'arsenic & d'
antimoine,
de
fleurs de zinc, &c. sont plus impropres
encore, parce qu'ils font naître des
idées fausses ; parce qu'il n'existe, à proprement
parler, dans le règne minéral
& surtout dans le règne métallique, ni
beurres, ni huiles, ni fleurs ; enfin parce
que les substances qu'on désigne sous ces
noms trompeurs, sont de violents poisons.
On nous a reproché lorsque nous avons
publié notre Essai de Nomenclature chimique,
d'avoir changé la langue que nos
maîtres ont parlée, qu'ils ont illustrée &
qu'ils nous ont transmise ; mais on a oublié
que c'étaient Bergman & Macquer
qui avaient eux-mêmes sollicité cette réforme.
Le savant Professeur, d'Upsal,
M. Bergman, écrivait à M. de Morveau,
dans les derniers temps de sa vie :
ne faites
@
P R E'L I M I N A I R E. xxvij
grâce à aucune dénomination impropre :
ceux qui savent déjà entendront toujours ;
ceux qui ne savent pas encore, entendront
plus tôt.
Peut-être serait-on plus fondé à me
reprocher de n'avoir donné dans l'Ouvrage
que je présente au Public, aucun
historique de l'opinion de ceux qui m'ont
précédé; de n'avoir présenté que la mienne
sans discuter celle des autres. Il en est
résulté que je n'ai pas toujours rendu à
mes confrères, encore moins aux Chimistes
étrangers la justice qu'il était dans
mon intention de leur rendre : mais je
prie le Lecteur de considérer que si l'on
accumulait les citations dans un ouvrage
élémentaire, si l'on s'y livrait à de longues
discussions sur l'historique de la
science & sur les travaux de ceux qui
l'ont professée, on perdrait de vue le véritable
objet qu'on s'est proposé, &
formerait un ouvrage d'une lecture tout
à fait fastidieuse pour les commençants.
Ce n'est ni l'histoire de la science, ni celle
de l'esprit humain qu'on doit faire dans
@
xxviij D i s c o u r s
un traité élémentaire : on ne doit y chercher
que la facilité, la clarté ; on en doit
soigneusement écarter tout ce qui pourrait
tendre à détourner l'attention. C'est
un chemin qu'il faut continuellement applanir,
dans lequel il ne faut laisser subsister
aucun obstacle qui puisse apporter
le moindre retard. Les sciences présentent
déjà par elles-mêmes assez de difficultés,
sans en appeler encore qui leur sont
étrangères. Les Chimistes s'apercevront
facilement d'ailleurs que je n'ai presque fait
usage dans la première partie que des expériences
qui me sont propres. Si quelquefois
il a pu m'échapper d'adopter, sans
les citer, les expériences ou les opinions
de M. Berthollet, de M. de Fourcroy,
de M. de la Place, de M. Monge, & de
ceux en général qui ont adopté les mêmes
principes que moi, c'est que l'habitude
de vivre ensemble, de nous communiquer
nos idées, nos observations, notre
manière de voir, a établi entre nous une
sorte de communauté d'opinions dans laquelle
il nous est souvent difficile à nous-
@
P R E'L I M I N A I R E. xxix
mêmes de distinguer ce qui nous appartient
plus particulièrement.
Tout ce que je viens d'exposer sur l'ordre
que je me suis efforcé de suivre dans
la marche des preuves & des idées, n'est
applicable qu'à la première partie de cet
ouvrage : c'est elle seule qui contient l'ensemble
de la doctrine que j'ai adoptée ;
c'est à elle seule que j'ai cherché à donner
la forme véritablement élémentaire.
La seconde partie est principalement
formée des tableaux de la nomenclature
des sels neutres. J'y ai joint seulement
des explications très sommaires, dont
l'objet est de faire connaître les procédés
les plus simples pour obtenir les différentes
espèces d'acides connus : cette seconde
partie ne contient rien qui me soit propre ;
elle ne présente qu'un abrégé très
concis de résultats extraits de différents
ouvrages.
Enfin j'ai donné dans la troisième partie
une description détaillée de toutes les
opérations relatives à la Chimie moderne.
Un ouvrage de ce genre paraissait désiré
@
xxx D i s c o u r s
depuis longtemps, & je crois qu'il sera
de quelque utilité. En général la pratique
des expériences, & sur tout des expériences
modernes, n'est point assez répandue ;
& peut-être si, dans les différents
Mémoires que j'ai donnés à l'Académie, je
me fusse étendu davantage sur le détail des
manipulations, me serais-je fait plus facilement
entendre, & la science aurait-
elle fait des progrès plus rapides: L'ordre
des matières dans cette troisième partie
m'a paru à peu près arbitraire, & je me
suis seulement attaché à classer dans chacun
des huit chapitres qui la composent,
les opérations qui ont ensemble le plus
d'analogie. On s'apercevra aisément que
cette troisième partie n'a pu être extraite
d'aucun ouvrage, & que dans les articles
principaux, je n'ai pu être aidé que de
ma propre expérience.
Je terminerai ce Discours préliminaire
en transcrivant littéralement quelques passages
de M. l'Abbé de Condillac, qui me
paraissent peindre avec beaucoup de vérité
l'état où était la Chimie dans des
@
P R E'L I M I N A I R E. xxxj
temps très rapprochés du nôtre (1). Ces
passages qui n'ont point été faits exprès
n'en acquerront que plus de force, si
l'application en paraît juste.
« Au lieu d'observer les choses que
» nous voulions connaître, nous avons
» voulu les imaginer. De supposition
» fausse en supposition fausse, nous nous
» sommes égarés parmi une multitude
» d'erreurs ; & ces erreurs étant devenues
» des préjugés, nous les avons prises
» par cette raison pour des principes
» nous nous sommes donc égarés de plus
» en plus. Alors nous n'avons su raisonner
» que d'après les mauvaises habitudes que
» nous avions contractées. L'art d'abuser
» des mots sans les bien entendre a été pour
» nous l'art de raisonner.......... Quand
» les choses sont parvenues à ce point,
» quand les erreurs se sont ainsi accumulées,
» il n'y a qu'un moyen de remettre
» l'ordre dans la faculté de penser ; c'est
» d'oublier tout ce que nous avons appris,
-------------------------------------------
(I) Partie 2, Chapitre I.
@
xxxij D i s c o u r s, &c.
» de reprendre nos idées à leur origine,
» d'en suivre la génération, & de
» refaire, comme dit Bacon, l'entendement
» humain.
» Ce moyen est d'autant plus difficile,
» qu'on se croit plus instruit. Aussi des
» Ouvrages où les sciences seraient traitées
» avec une grande netteté une
» grande précision, un grand ordre, ne
» seraient-ils pas à la portée de tout le
» monde. Ceux qui n'auraient rien étudié
» les entendraient mieux que ceux
» qui ont fait de grandes études, & surtout
» que ceux qui ont écrit beaucoup
» sur les sciences ».
M. l'Abbé de Condillac ajoute à la fin
du chapitre V « Mais enfin les sciences
» ont fait des progrès, parce que les
» Philosophes ont mieux observé, & qu'ils
» ont mis dans leur langage la précision
» & l'exactitude qu'ils avaient mises dans
» leurs observations ; ils ont corrigé la
» langue, & l'on a mieux raisonné ».
TABLE
@
xxxiij
T A B L E
D E S C H A P I T R E S
DU TOME PREMIER,
Discours Préliminaire, page | v
|
-------------------------------------------
P R E M I E R E P A R T I E
De la formation des fluides aériformes
& de leur décomposition ; de la combustion
des corps simples & de la formation
des acides.
CHAP. I.
Des combinaisons du calorique & de
la formation des fluides élastiques aériformes,
I
CHAP. II.
Vues générales sur la formation & la
constitution de l'atmosphère de la terre, | 28
|
CHAP. III.
Analyse de l'air de l'atmosphère
sa résolution en deux fluides élastiques, l'un
respirable, l'autre non respirable, | 33
|
@
xxxiv T a b l e
CHAP. IV.
Nomenclature des différentes parties
constitutives de l'air de l'atmosphère, | 51
|
CHAP. V.
De la décomposition du gaz oxygène
par le soufre, le phosphore & le charbon,
& de la formation des acides en général, | 57
|
CHAP. VI.
De la nomenclature des Acides en
général, & particulièrement de ceux tirés du
salpêtre & du sel marin, | 70
|
CHAP. VII.
De la décomposition du Gaz oxygène
par les métaux, & de la formation des
CHAP. VIII.
Du principe radical de l'Eau, &
de sa décomposition par le charbon & par
CHAP. IX.
De la quantité de calorique qui se
dégage des différentes espèces de combustion,
| 103
|
Combustion du Charbon, | 108
|
Combustion du Gaz hydrogène, | 109
|
Formation de l'Acide nitrique, | Ibid.
|
Combustion de la Bougie, | 112
|
Combustion de l'Huile d'olive, | 113
|
CHAP. X.
De la combinaison des Substances
combustibles les unes avec les autres, | 116
|
@
des Chapitres. xxxv
CHAP. XI.
Considérations sur les Oxydes & les
Acides à plusieurs bases, & sur la composition
des matières végétales & animales, | 123
|
CHAP. XII.
De la décomposition des matières
végétales & animales par l'action du feu, | 132
|
CHAP. XIII.
De la décomposition des Oxydes
végétaux par la fermentation vineuse, | 139
|
CHAP. XIV. De la fermentation putride, | 153
|
CHAP. XV. De la fermentation acéteuse, | 159
|
CHAP. XVI.
De la formation des Sels neutres,
& des différentes bases qui entrent dans leur
composition, | 162
|
De la Potasse, | 164
|
De la Soude, | 169
|
De l'Ammoniaque, | 170
|
{{De la Chaux, de la Magnésie, de la Baryte & de}
l'Alumine, | 172
|
Des Substances métalliques, | 173
|
CHAP. XVII.
Suite des réflexions sur les bases
salifiables, & sur la formation des Sels neutres,
cij
@
xxxvj T a b l e
S E C O N D E P A R T I E.
De la combinaison des Acides avec le
bases salifiables, & de la Formation
des Sels neutres.
-------------------------------------------
Avertissement, | 189
|
|
|
T ableau des Substances simples, | 192
|
Observations, | 193
|
Tableau des Radicaux ou bases oxydables &
acidifiables, composés, qui entrent dans les
combinaisons à la manière des substances simples,
{{Observations sur les combinaisons de la lumière & du}
calorique avec différentes substances, | 200
|
Tableau des combinaisons binaires de l'oxygène
avec les substances métalliques & non métalliques
oxydables & acidifiables, | 203
|
Observations, | ibid.
|
Tableau des combinaisons de l'Oxygène avec les
radicaux composés, | 208
|
Observation, | 209
|
@
des Chapitres. xxxij
Tableau des combinaisons binaires de l'Azote,
avec les substances simples, | 212
|
Observations, | 213
|
Tableau des combinaisons binaires de l'Hydrogène
avec les substances simples, | 216
|
Observations, | 211
|
Tableau des combinaisons binaires, du Soufre non
oxygéné avec les substances simples, | 220
|
Observations, | 221
|
Tableau des combinaisons binaires du Phosphore
non oxygéné avec les substances simples, | 222
|
Observations, | 223
|
Tableau des combinaisons binaires du Charbon
non oxygéné avec les substances simples, | 226
|
Observations, | 227
|
{{Observations sur les radicaux muriatique, fluorhydrique}
& borique, & sur leurs combinaisons, | 229
|
{{Observations sur la combinaison des métaux les uns}
Tableau des combinaisons de l'Azote ou Radical
nitrique, porté à l'état d'acide nitreux par la
combinaison d'une suffisante quantité d'oxygène,
avec les bases salifiables, dans l'ordre
de leur affinité avec cet acide, | 233
|
{{a iij}
@
xxxviij T a b l e
Tableau des combinaisons de l'Azote complètement
saturé d'oxygène, & porté à l'état d'acide
nitrique, avec les bases salifiables, dans
l'ordre de leur affinité avec cet acide, | 232
|
Observations, | 233
|
Tableau des combinaisons de l'Acide sulfurique
ou Soufre oxygéné avec les bases salifiables
dans l'ordre de leur affinité avec cet acide,
par la voie humide, | 238
|
Observations, | 240
|
Tableau des combinaisons de l'Acide sulfureux
avec les bases salifiables dans l'ordre de leur
affinité avec cet acide, | 243
|
Observations, | 244
|
Tableau des combinaisons du Phosphore qui a reçu
un premier degré d'oxygénation, & qui a été
porté à l'état d'Acide phosphoreux, avec les
bases salifiables dans l'ordre de leur affinité avec
Tableau des combinaisons du Phosphore saturé
d'oxygène, ou Acide phosphorique avec les
substances salifiables dans l'ordre de leur
affinité avec cet acide, | 247
|
Observations, | 248
|
@
des Chapitres. xxxix
Tableau des combinaisons du Radical carbonique
oxygéné, ou Acide carbonique avec les
bases salifiables dans l'ordre de leur affinité
avec cet acide, | 250
|
Observations, | 251
|
Tableau des combinaisons du Radical muriatique
oxygéné, ou Acide muriatique avec les bases
salifiables, dans l'ordre de leur affinité avec
Tableau des combinaisons de l'Acide muriatique
oxygéné avec les différentes bases salifiables
avec lesquelles il est susceptible de s'unir, | 254
|
Observations, | 255
|
Tableau des combinaisons de l'Acide nitro-
muriatique avec les bases salifiables, rangées
par ordre alphabétique, attendu que les affinités
de cet acide ne qont point assez connues,
Tableau des combinaisons du Radical fluorhydrique
oxygéné, ou Acide fluorhydrique avec les bases
salifiables, dans l'ordre de leur affinité avec
cet acide, | 261
|
Observations, | 262
|
@
xl T a b l e
Tableau des combinaisons du Radical borique
oxygéné, avec les différentes bases salifiables
auxquelles il est susceptible de s'unir dans
l'ordre de leur affinité avec cet acide, | 264
|
Observations, | 265
|
Tableau des combinaisons de l'Arsenic oxygéné,
ou Acide arsénique avec les bases salifiables
dans l'ordre de leur affinité avec cet acide, | 268
|
Observations, | 269
|
Tableau des combinaisons du Molybdène oxygéné,
ou Acide molybdique avec les bases
salifiables par ordre alphabétique, | 272
|
Observations, | 273
|
Tableau des combinaisons du Tungstène oxygéné,
ou Acide tungstique avec les bases salifiables,
Tableau des combinaisons du Radical tartreux
oxygéné, ou Acide tartreux avec les bases
salifiables, dans l'ordre de leur affinité avec
cet acide, | 277
|
Observations, | 278
|
Tableau des combinaisons du Radical malique
oxygéné, ou Acide malique avec les bases
salifiables par ordre alphabétique, | 281
|
Observations, | 282
|
@
des Chapitres. xlj
Tableau des combinaisons du Radical citrique
oxygéné, ou Acide citrique avec les bases
salifiables, dans l'ordre de leur affinité avec
cet acide, | 284
|
Observations, | 285
|
Tableau des combinaisons du Radical pyro-
ligneux oxygéné, ou Acide pyro-ligneux
avec les bases salifiables dans l'ordre de leur
affinité avec cet acide, | 286
|
Observations, | 287
|
Tableau des combinaisons du Radical pyro-
tartreux oxygéné, ou Acide pyro-tartreux
avec les différentes bases salifiables dans l'ordre
de leur affinité avec cet acide, | 288
|
Observations, | 289
|
Tableau des combinaisons du Radical pyro-muqueux
oxygéné, ou Acide pyro-muqueux avec
les bases salifiables, dans l'ordre de leur affinité
avec cet acide, | 292
|
Observations, | 293
|
Tableau des combinaisons du Radical oxalique
oxygéné, ou Acide oxalique avec les bases
salifiables, dans l'ordre de leur affinité avec
cet acide, | 292
|
Observations, | 293
|
@
xlij T a b l e
Tableau des combinaisons du Radical acéteux
oxygéné, par un premier degré d'oxygénation
avec les bases salifiables, suivant l'ordre
de leur affinité avec cet acide, | 295
|
Observations, | 295
|
Tableau des combinaisons du Radical acéteux
oxygéné par un second degré d'oxygénation,
ou Acide acétique avec les bases salifiables,
dans l'ordre de leur affinité avec cet acide, | 298
|
Observations, | 299
|
Tableau des combinaisons du Radical succinique
oxygéné, ou Acide succinique, avec les
bases salifiables, dans l'ordre de leur affinité
avec cet acide, | 300
|
Observations, | 302
|
Tableau des combinaisons du Radical benzoïque
oxygéné, ou Acide benzoïque, avec les différentes
bases salifiables, rangées par ordre alphabétique,
Tableau des combinaisons du Radical camphorique
oxygéné, ou Acide camphorique, avec
les bases salifiables, par ordre alphabétique, | 304
|
Observations, | 305
|
@
des Chapitres. xliij
Tableau des combinaisons du Radical gallique
oxygéné, ou Acide gallique, avec
les bases salifiables rangées par ordre alphabétique,
Tableau des combinaisons du Radical lactique
oxygéné, ou Acide lactique, avec les bases
salifiables, par ordre alphabétique, | 308
|
Observations, | 309
|
Tableau des combinaisons du Radical saccholactique
oxygéné, ou Acide saccharique
avec les bases salifiables, dans l'ordre de leur
affinité avec cet acide, | 310
|
Observations, | 311
|
Tableau des combinaisons du Radical formique
oxygéné, ou acide formique, avec les bases
salifiables, dans l'ordre de leur affinité avec
cet acide, | 312
|
Observations, | 313
|
Tableau des combinaisons du Radical bombique
oxygéné, ou Acide bombique, avec les
substances salifiables, par ordre alphabétique,
@
xliv T a b l e
Tableau des combinaisons du Radical sébacique
oxygéné, ou Acide sébacique, avec les
bases salifiables, dans l'ordre de leur affinité
avec cet acide, | 316
|
Observations, | 317
|
Tableau des combinaisons du Radical lithique
oxygéné, ou Acide lithique, avec les bases
salifiables, rangées par ordre alphabétique,
Tableau des combinaisons du Radical prussique
oxygéné, ou Acide prussique, avec les bases
salifiables, dans l'ordre de leur affinité avec
cet acide, | 320
|
Observations, | 322
|
TRAITÉ
@
T R A I T É
É L É M E N T A I R E
D E C H I M I E.
P R E M I E R E P A R T I E.
De la formation des fluides aériformes
& de leur décomposition ; de la combustion
des corps simples & de la formation
des acides.
C H A P I T R E P R E M I E R.
Des combinaisons du calorique & de la formation
des fluides élastiques aériformes.
C 'est un phénomène constant dans la nature
& dont la généralité a été bien établie par
Boerhaave, que lorsqu'on échauffe un corps
A
@
2 EFFETS GÉNÉRAUX DE LA CHALEUR.
quelconque, solide ou fluide, il augmente de
dimension dans tous les sens. Les faits sur lesquels
on s'est fondé pour restreindre la généralité
de ce principe, ne présentent que des
résultats illusoires, ou du moins dans lesquels
se compliquent des circonstances étrangères
qui en imposent : mais lorsqu'on est parvenu à
séparer les effets, & à les rapporter chacun à
la cause à laquelle ils appartiennent, on s'aperçoit
que l'écartement des molécules par
la chaleur, est une loi générale & constante de
la Nature.
Si après avoir échauffé jusqu'à un certain
point un corps solide, & en avoir ainsi écarté
de plus en plus toutes les molécules, on la
laisse refroidir, ces mêmes molécules se rapprochent
les unes des autres dans la même
proportion, suivant laquelle elles avaient été
écartées ; le corps repasse par les mêmes degrés
d'extension qu'il avait parcourus ; & si on
le ramène à la même température qu'il avait
en commençant l'expérience, il reprend sensiblement
le volume qu'il avait d'abord. Mais
comme nous sommes bien éloignés de pouvoir
obtenir un degré de froid absolu, comme nous
ne connaissons aucun degré de refroidissement
que nous ne puissions supposer susceptible
d'être augmenté, il en résulte que nous n'avons
@
ATTRACTION ET RÉPULSION. 3
pas encore pu parvenir à rapprocher le plus
qu'il est possible, les molécules d'aucun corps,
& que par conséquent les molécules d'aucun
corps ne se touchent dans la Nature ; conclusion
très singulière & à laquelle cependant il est
impossible de se refuser.
On conçoit que les molécules des corps
étant ainsi continuellement sollicitées par la chaleur
à s'écarter les unes des autres, elles n'auraient
aucune liaison entre elles & qu'il n'y
aurait aucun corps solide, si elles n'étaient retenues
par une autre force qui tendit à les réunir,
& pour ainsi dire à les enchaîner ; & cette
force, quelle qu'en soit la cause, a été nommée
attraction
Ainsi les molécules des corps peuvent être
considérées comme obéissant à deux forces,
l'une répulsive, l'autre attractive, entre lesquelles
elles sont en équilibre. Tant que la
dernière de ces forces, l'attraction, est victorieuse,
le corps demeure dans l'état solide ; si
au contraire l'attraction est la plus faible, si la
chaleur a tellement écarté les unes des autres
les molécules du corps, qu'elles soient hors
de la sphère d'activité de leur attraction, elles
perdent l'adhérence qu'elles avaient entre elles
& le corps cette d'être un solide.
L'eau nous présente continuellement un
A ij
@
4 TROIS ÉTATS NATURELS DES CORPS.
exemple de ces phénomènes : au-dessous de
zéro du thermomètre français, elle est dans
l'état solide, & elle porte le nom de glace ; au-
dessus de ce même terme, ses molécules cessent
d'être retenues par leur attraction réciproque,
& elle devient ce qu'on appelle un liquide:
enfin ; au-dessus de 80 degrés, ses molécules
obéissent à la répulsion occasionnée par la chaleur ;
l'eau prend l'état de vapeur ou de gaz,
& elle se transforme en un fluide aériforme.
On en peut dire autant de tous les corps
de la Nature ; ils sont ou solides, ou liquides,
ou dans l'état élastique & aériforme, suivant le
rapport qui existe entre la force attractive de
leurs molécules & la force répulsive de la chaleur,
ou, ce qui revient au même, suivant le
degré de chaleur auquel ils sont exposés.
Il est difficile de concevoir ces phénomènes
sans admettre qu'ils sont l'effet d'une substance
réelle & matérielle, d'un fluide très subtil qui
s'insinue à travers les molécules de tous les
corps & qui les écarte : & en supposant même
que l'existence de ce fluide fût une hypothèse,
on verra dans la suite qu'elle explique d'une
manière très heureuse les phénomènes de la
Nature.
Cette substance, qu'elle quelle soit, étant
la cause de la chaleur ; ou en d'autres termes
@
DU CALORIQUE. 5
le sensation que nous appelons chaleur, étant
l'effet de l'accumulation de cette substance, on
ne peut pas, dans un langage rigoureux, la
désigner par le nom de chaleur ; parce que la
même dénomination ne peut pas exprimer la
cause & l'effet. C'est ce qui m'avait déterminé,
dans le Mémoire que j'ai publié en 1777,
(Recueil de l'Académie, page 420,) à la désigner
sous le nom de fluide igné & de matière
de la chaleur. Depuis, dans le travail que nous
avons fait en commun M. de Morveau, M.
Berthollet, M. de Fourcroy & moi, sur la
réforme du langage chimique, nous avons cru,
devoir bannir ces périphrases qui allongent le
discours, qui le rendent plus traînant, moins,
précis, moins clair, & qui souvent même ne
comportent pas des idées suffisamment justes,
Nous avons en conséquence désigné la cause de
la chaleur, le fluide éminemment élastique qui
la produit, par le nom de calorique. Indépendamment
de ce que cette expression remplit
notre objet dans le système que nous avons
adopté, elle a encore un autre avantage, c'est
de pouvoir s'adapter à toutes sortes d'opinions;
puisque rigoureusement parlant, nous ne sommes
pas même obligés de supposer que le calorique
soit une matière réelle: il suffit, comme.
on le sentira mieux par la lecture de ce qui
A iij
@
6 DU CALORIQUE ET DE LA LUMIÈRE.
va suivre, que ce soit une cause répulsive quelconque
qui écarte les molécules de la matière,
& on peut ainsi en envisager les effets d'une
manière abstraite & mathématique.
La lumière est-elle une modification du calorique,
ou bien le calorique est-il une modification
de la lumière ? C'est sur quoi il est impossible
de prononcer dans l'état actuel de nos
connaissances. Ce qu'il y a de certain, c'est que
dans un système où l'on s'est fait une loi de
n'admettre que des faits, & où l'on évite autant
qu'il est possible de rien supposer au-delà
de ce qu'ils présentent, on doit provisoirement
désigner par des noms différents, ce qui produit
des effets différents. Nous distinguerons
donc la lumière du calorique ; mais nous n'en
conviendrons pas moins que la lumière & le
calorique ont des qualités qui leur sont communes,
& que dans quelques circonstances ils
se combinent à peu près de la même manière,
& produisent une partie des mêmes effets.
Ce que je viens de dire suffirait déjà pour
bien déterminer l'idée qu'on doit attacher au
mot de calorique. Mais il me reste une tâche
plus difficile à remplir, c'est de donner des
idées justes de la manière dont le calorique
agit sur les corps. Puisque cette matière subtile
pénètre à travers les pores de toutes les
@
EFFET DU POIDS DE L'ATMOSPHÈRE. 7
substances que nous connaissons, puisqu'il
n'existe pas de vases à travers lesquels elle ne
s'échappe, & qu'il n'en est par conséquent aucun
qui puisse la contenir sans perte ; on ne peut en
connaître les propriétés que par des effets qui,
la plupart, sont fugitifs & difficiles à saisir.
C'est sur les choses qu'on ne peut ni voir, ni
palper, qu'il est surtout important de se tenir
en garde contre les écarts de l'imagination, qui
tend toujours à s'élancer au-delà du vrai, & qui
a bien de la peine à se renfermer dans le cercle
étroit que les faits lui circonscrivent.
Nous venons de voir que le même corps
devenait solide ou liquide, ou fluide aériforme
suivant la quantité de calorique dont il était
pénétré, ou, pour parler d'une manière plus
rigoureuse, suivant que la force répulsive du
calorique était égale à l'attraction de ses molécules,
ou qu'elle était plus forte, ou plus faible
qu'elle.
Mais s'il n'existait que ces deux forces, les
corps ne seraient liquides qu'à un degré indivisible
du thermomètre, & ils passeraient brusquement
de l'état de solide à celui de fluide
élastique aériforme. Ainsi l'eau, par exemple
l'instant même où elle cesse d'être glace, commencerait
à bouillir ; elle se transformerait en
un fluide aériforme, & ses molécules s'écarteraient
A iv
@
8 EFFET DU POIDS DE L'ATMOSPHÈRE.
indéfiniment dans l'espace : s'il n'en est
pas ainsi, c'est qu'une troisième force, la pression
de l'atmosphère, met obstacle à cet écartement,
& c'est par cette raison que l'eau demeure
dans l'état fluide depuis zéro jusqu'à 80
degrés du thermomètre François ; la quantité
de calorique qu'elle reçoit dans cet intervalle est
insuffisante pour vaincre l'effort occasionné par
la pression de l'atmosphère.
On voit donc que, sans la pression de l'atmosphère,
nous n'aurions pas de liquide constant ;
nous ne verrions les corps dans cet état
qu'au moment précis où ils se fondent : la
moindre augmentation de chaleur qu'ils recevraient
ensuite, en écarterait sur le champ les
parties & les disperserait. Il y a plus, sans
la pression de l'atmosphère, nous n'aurions pas
à proprement parler, de fluides aériformes. En
effet, au moment où la force de l'attraction
serait vaincue par la force répulsive du calorique,
les molécules s'éloigneraient indéfiniment,
sans que rien limitât leur écartement, si ce
n'est leur propre pesanteur qui les rassemblerait
pour former une atmosphère.
De simples réflexions sur les expériences les
plus connues, suffisent pour faire apercevoir
la vérité de ce que je viens d'énoncer. Elle se
trouve d'ailleurs confirmée d'une manière évidente
@
SUPPRESSION DU POIDS DE L'ATMOSPHÈRE. 9
par l'expérience qui suit, dont j'ai déjà
donné le détail à l'Académie en 1777. (
Voyez
Mém. page 426.)
On remplit d'éther sulfurique (1) un petit
vase de verre étroit, A,
planche VII, fig. 17,
monté sur son pied P. Ce vase ne doit pas
avoir plus de douze à quinze lignes de diamètre
& environ deux pouces de hauteur. On couvre
ce vase avec une vessie humectée, qu'on assujettit
autour du col du vase par un grand nombre
de tours de gros fil bien serrés : pour plus grande
sûreté, on remet une seconde vessie par-dessus
la première, & on l'assujettit de la même manière.
Ce vase doit être tellement rempli d'éther
qu'il ne reste aucune portion d'air entre
la liqueur & la vessie ; on le place ensuite sous
le récipient B C D, d'une machine pneumatique
dont le haut B doit être garni d'une
boëte à cuir, traversée par une tige E F, dont
l'extrémité F se termine en une pointe ou lame
très aigüe : à ce même récipient doit être adapté
un baromètre G H.
-------------------------------------------
(I) Je donnerai ailleurs la définition de la liqueur qu'on
nomme éther, & j'en développerai les propriétés. Je me
contenterai de dire dans ce moment, qu'on désigne par
ce nom une liqueur inflammable très volatile, d'une
pesanteur spécifique beaucoup moindre que l'eau, &
même que l'esprit-de-vin.
@
10 VAPORISATION DE L'ÉTHER.
Lorsque tout est ainsi disposé, on fait le
vide sous le récipient ; puis en faisant descendre
la tige pointue E F, on crève la vessie.
Aussitôt l'éther commence à bouillir avec une
étonnante rapidité, il se vaporise & se transforme
en un fluide élastique aériforme, qui
occupe tout le récipient. Si la quantité d'éther
est assez considérable pour que, la vaporisation
finie, il en reste encore quelques gouttes dans
la fiole, le fluide élastique qui s'est produit est
susceptible de soutenir le baromètre adapté à
la machine pneumatique à huit ou dix pouces
environ pendant l'hiver, & à vingt & vingt-
cinq pendant les chaleurs de l'été. On peut,
pour rendre cette expérience plus complète
introduire un petit thermomètre dans le vase
A qui contient l'éther, & on s'aperçoit qu'il
descend considérablement pendant tout le temps
que dure la vaporisation.
On ne fait autre chose, dans cette expérience,
que de supprimer le poids de l'atmosphère,
qui, dans l'état ordinaire, pèse sur la
surface de l'éther, & les effets qui en résultent
prouvent évidemment deux chofes: la première,
qu'au degré de température dans lequel nous
vivons, l'éther serait constamment dans l'état
d'un fluide aériforme, si la pression de l'atmosphère
n'y mettait obstacle. La seconde, que
@
VAPORISATION DE L'ÉTHER. 11
ce passage de l'état liquide à l'état aériforme,
est accompagné d'un refroidissement considérable,
par la raison que pendant la vaporisation,
une partie du calorique, qui était dans
un état de liberté, ou au moins d'équilibre
dans les corps environnants, se combine avec
l'éther pour le porter à l'état de fluide aériforme.
La même expérience réussit avec tous les
fluides évaporables, tels que l'esprit-de-vin ou
alcool, l'eau & le mercure même ; avec cette
différence cependant que l'atmosphère d'alcool
qui se forme sous le récipient, ne peut
soutenir le baromètre adapté à la machine
pneumatique, en hiver, qu'à un pouce au dessus
de son niveau, & à quatre ou cinq en été;
que l'eau ne le soutient qu'à quelques lignes,
& le mercure à quelques fractions de ligne. Il
y a donc moins de fluide vaporisé lorsqu'on
opère avec l'alcool, que lorsqu'on opère avec
l'éther ; moins encore avec l'eau, & surtout
avec le mercure ; par conséquent moins
de calorique employé & moins de refroidissement ;
ce qui cadre parfaitement avec le résultat
des expériences.
Un autre genre d'expérience prouve encore
d'une manière aussi évidente que l'état aériforme
est une modification des corps & qu'elle
@
12 VAPORISATION DE L'ÉTHER.
dépend du degré de température & de pression
qu'ils éprouvent.
Nous avons fait voir, M. de la Place &
moi, dans un Mémoire que nous avons lu à
l'Académie en 1777, mais qui n'a pas été imprimé,
que lorsque l'éther était fournis à une
pression de 28 pouces de mercure, c'est-à-dire,
à une pression égale à celle de l'atmosphère,
il entrait en ébullition à 32 ou 33 degrés du
thermomètre de mercure. M. de Luc, qui a
fait des recherches analogues sur l'esprit-de-vin,
a reconnu qu'il entrait en ébullition à 67 degrés.
Enfin, tout le monde sait que l'eau
commence à bouillir à 80 degrés. L'ébullition
n'étant autre chose que la vaporisation
d'un fluide, ou le moment de son passage de
l'état liquide à celui d'un fluide élastique aériforme,
il était évident qu'en tenant constamment
de l'éther à une température supérieure
à 33 degrés & au degré habituel de pression de
l'atmosphère, on devait l'obtenir dans l'état d'un
fluide aériforme ; que la même chose devait
arriver à l'esprit-de-vin au-dessus de 67 degrés,
& à l'eau au-dessus de 80, c'est ce qui s'est
trouvé parfaitement confirmé par les expériences
suivantes (*)
--------------------------------------------
(*) Mém. Académ. 1780, page 335.
@
VAPORISATION DE L'ÉTHER. 13
J'ai rempli avec de l'eau à 35 ou 36 degrés
du thermomètre un grand vase ABCD,
planche
VII, figure 15 ; je le suppose transparent
pour mieux faire sentir ce qui se passe dans
son intérieur; on peut encore tenir les mains
assez longtemps dans de l'eau à ce degré sans
s'incommoder. J'y ai plongé des bouteilles à
goulot renversé F, G, qui s'y sont emplies,
après quoi je les ai retournées de manière
qu'elles eussent leur goulot en en bas, &
appliqué contre le fond du vase.
Les choses étant ainsi disposées, j'ai introduit
de l'éther sulfurique dans un très petit
matras, dont le col
a b c était doublement recourbé ;
j'ai plongé ce matras dans l'eau du
vase ABCD, & j'ai engagé, comme on le
voit représenté dans la
figure 15, l'extrémité
de son col
a b c, dans le goulot d'une des
bouteilles F : dès que l'éther a commencé à
ressentir l'impression de la chaleur, il est entré
en ébullition ; & le calorique qui s'est combiné
avec lui, l'a transformé en un fluide élastique
aériforme, dont j'ai rempli successivement plusieurs
bouteilles F, G.
Ce n'est point ici le lieu d'examiner la nature
& les propriétés de ce fluide aériforme
qui est très inflammable; mais sans anticiper
sur des connaissances que je ne dois pas supposer
@
14 VAPORISATION DE L'ALKOOL.
au lecteur, j'observerai, en me fixant sur
l'objet qui nous occupe dans ce moment, que
l'éther, d'après cette expérience, est tout prêt
de ne pouvoir exister dans la planète que nous
habitons que dans l'état aériforme ; que si la
pesanteur de notre atmosphère n'équivalait qu'à
une colonne de 20 ou 24 pouces de mercure au
lieu de 28, nous ne pourrions obtenir l'éther dans
l'état liquide, au moins pendant l'été ; que la formation
de l'éther serait par conséquent impossible
sur les montagnes un peu élevées, & qu'il
se convertirait en gaz à mesure qu'il serait
formé, à moins qu'on n'employât des ballons
très forts pour le condenser & qu'on ne joignit
le refroidissement à la pression. Enfin, que le
degré de la chaleur du sang étant à peu près
celui où l'éther passe de l'état liquide à l'état
aériforme, il doit se vaporiser dans les premières
voies, & qu'il est très vraisemblable que les
propriétés de ce médicament tiennent à cet
effet, pour ainsi dire, mécanique.
Ces expériences réussissent encore mieux avec
l'éther nitreux parce qu'il se vaporise à un degré
de chaleur moindre que l'éther sulfurique.
A l'égard de l'alcool ou esprit-de-vin, l'expérience
pour l'obtenir dans l'état aériforme,
présente un peu plus de difficulté, parce que ce
fluide n'étant susceptible de se vaporiser qu'à
@
VAPORISATION DE L'EAU. 15
67 degrés du thermomètre de Réaumur, il faut
que l'eau du bain soit entretenue presque bouillante,
& qu'à ce degré il n'est plus possible d'y
plonger les mains.
Il était évident que la même chose devait
arriver à l'eau ; que ce fluide devait également
se transformer en gaz en l'exposant à
un degré de chaleur supérieur à celui qui le
fait bouillir ; mais quoique convaincus de
cette vérité, nous avons cru cependant, M. de
la Place & moi, devoir la confirmer par une
expérience directe, & en voici le résultat. Nous
avons rempli de mercure une jarre de verre
A,
planche VII, figure 5, dont l'ouverture
était retournée en en bas, & nous avons passé
dessous une soucoupe B, également remplie
de mercure. Nous avons introduit dans cette
jarre environ deux gros d'eau, qui ont gagné
le haut C D de la jarre, & qui se sont rangés
au-dessus de la surface du mercure ; puis
nous avons plongé le tout dans une grande
chaudière de fer E F G H, placée sur un fourneau
G H I K : cette chaudière était remplie
d'eau salée en ébullition, dont la température
excédait 85 degrés du thermomètre ;
on sait, en effet, que l'eau chargée de
sels est susceptible de prendre un degré de
chaleur supérieur de plusieurs degrés à celui
@
16 VAPORISATION DE L'EAU.
de l'eau bouillante. Dès que les 2 gros d'eau,
placés dans la partie supérieure C D de la jarre
ou tube, ont eu atteint la température de 80
degrés ou environ, ils sont entrés en ébullition,
& au lieu d'occuper, comme ils le faisaient,
le petit espace A C D, ils se sont convertis en
un fluide aériforme, qui l'a remplie toute entière :
le mercure est même descendu un peu
au-dessous de son niveau ; & la jarre aurait
été renversée si elle n'avait été très épaisse,
par conséquent fort pesante & si elle n'avait
d'ailleurs été assujettie à la soucoupe par du fil
de fer. Sitôt qu'on retirait la jarre du bain
d'eau salée, l'eau se condensait & le mercure
remontait ; mais elle reprenait l'état aériforme
quelques instants après que l'appareil avait été
replongé.
Voilà donc un certain nombre de substances
qui se transforment en fluides aériformes à des
degrés de chaleur très voisins de ceux dans
lesquels nous vivons. Nous verrons bientôt qu'il
en est d'autres, tels que l'acide marin ou muriatique,
l'alcali volatil ou ammoniaque, l'acide
carbonique ou air fixe, l'acide sulfureux, &c.
qui demeurent constamment dans l'état aériforme,
au degré habituel de chaleur & de
pression de l'atmosphère.
Tous ces faits particuliers, dont il me serait
facile
@
SENS DONNÉ AU MOT GAZ. 17
facile de multiplier les exemples, m'autorisent
à faire un principe général de ce que j'ai déjà
annoncé plus haut, que presque tous les
corps de la Nature sont susceptibles d'exister
dans trois états différents ; dans l'état de
solidité, dans l'état de liquidité, & dans l'état
aériforme; & que ces trois états d'un même
corps dépendent de la quantité de calorique
qui lui est combinée. Je désignerai dorénavant
ces fluides aériformes sous le nom générique
de gaz ; & je dirai en conséquence que, dans
toute espèce de gaz, on doit distinguer le calorique,
qui fait en quelque façon l'office de
dissolvant & la substance qui est combinée
avec lui & qui forme sa base.
C'est à ces bases des différents gaz qui sont
encore peu connues, que nous avons été obligés
de donner des noms. Je les indiquerai dans
le Chapitre IV de cet Ouvrage, après que
j'aurai rendu compte de quelques phénomènes
qui accompagnent l'échauffement & le refroidissement
des corps, & que j'aurai donné des
idées plus précises sur la constitution de notre
atmosphère.
Nous avons vu que les molécules de tous
les corps de la Nature étaient dans un état
d'équilibre entre l'attraction, qui tend à les rapprocher
& à les réunir, & les efforts du calorique
@
18 ARRANG. DES MOLECULES DES CORPS.
qui tend à les écarter. Ainsi non seulement
le calorique environne de toutes parts
les corps, mais encore il remplit les intervalles
que leurs molécules laissent entre elles. On se
formera une idée de ces dispositions, si on se
figure un vase rempli de petites balles de
Plomb & dans lequel on verse une substance
en poudre très fine, telle que du sablon : on
conçoit que cette substance se répandra uniformément
dans les intervalles que les balles
laissent entre elles & les remplira. Les balles,
dans cet exemple, sont au sablon ce que les
molécules des corps sont au calorique ; avec
cette différence que, dans l'exemple cité, les
balles se touchent, au lieu que les molécules
des corps ne se touchent pas, & qu'elles sont
toujours maintenues à une petite distance les
unes des autres par l'effort du calorique.
Si à des balles dont la figure est ronde, on
substituait des hexaèdres, des octaèdres, ou
des corps d'une figure régulière quelconque &
d'une égale solidité, la capacité des vides qu'ils
laisseraient entre eux ne serait plus la même & l'on
ne pourrait plus y loger une aussi grande quantité
de sablon. La même chose arrive à l'égard
de tous les corps de la Nature ; les intervalles
que leurs molécules laissent entre elles ne sont
pas tous d'une égale capacité : cette capacité
@
LEUR CAPACITÉ POUR LE CALORIQUE. 19
dépend de la figure de ces molécules, de leur
grosseur, & de la distance les unes des autres
à laquelle elles sont maintenues, suivant le rapport
qui existe entre leur force d'attraction, &
la force répulsive qu'exerce le calorique.
C'est dans ce sens qu'on doit entendre cette
expression :
capacité des corps pour contenir la
matière de la chaleur ; expression fort juste,
introduite par les Physiciens Anglais, qui ont
eu les premiers des notions exactes à cet égard.
Un exemple de ce qui se passe dans l'eau &
quelques réflexions sur la manière dont ce
fluide mouille & pénètre les corps, rendra ceci
plus intelligible : on ne saurait trop s'aider dans
les choses abstraites de comparaisons sensibles.
Si l'on plonge dans l'eau des morceaux de
différents bois, égaux en volume, d'un pied
cube, par exemple ; ce fluide s'introduira peu
à peu dans leurs pores ; ils se gonfleront &
augmenteront de poids : mais chaque espèce
de bois admettra dans ses pores une quantité
d'eau différente ; les plus légers & les plus poreux
en logeront davantage ; ceux qui seront
compactes & serrés n'en laisseront pénétrer
qu'une très petite quantité enfin, la proportion
d'eau qu'ils recevront dépendra encore de
la nature des molécules constituantes du bois,
de l'affinité plus ou moins grande qu'elles auront
B ij
@
20 EXEMPLE TIRÉ DE L'EAU.
avec l'eau, & les bois très résineux, par
exemple, quoique très poreux, en admettront
très peu. On pourra donc dire que les différentes
espèces de bois ont une capacité différente
pour recevoir de l'eau ; on pourra même
connaître, par l'augmentation de poids, la
quantité qu'ils en auront absorbée ; mais comme
on ignorera la quantité d'eau qu'ils contenaient
avant leur immersion, il ne sera pas possible
de connaître la quantité absolue qu'ils en contiendront
en en sortant.
Les mêmes circonstances ont lieu à l'égard
des corps qui sont plongés dans le calorique ;
en observant cependant que l'eau est un fluide
incompressible, tandis que le calorique est
doué d'une grande élasticité, ce qui signifie en
d'autres termes que les molécules du calorique
ont une grande tendance à s'écarter les unes
des autres, quand une force quelconque les a
obligées de se rapprocher, & l'on conçoit que
cette circonstance doit apporter des changements
très notables dans les résultats.
Les choses amenées à ce point de clarté &
de simplicité, il me fera aisé de faire entendre
quelles sont les idées qu'on doit attacher à
ces expressions ;
calorique libre, & calorique
combiné, quantité spécifique de calorique contenue
dans les différents corps,
capacité pour
@
SENS DIVERS DU MOT CALORIQUE. 21
contenir le calorique, chaleur latente, chaleur
sensible, toutes expressions qui ne sont point
synonymes ; mais qui, d'après ce que je viens
d'exposer, ont un sens strict & déterminé. C'est
ce sens que je vais chercher encore à fixer par
quelques définitions.
Le calorique libre est celui qui n'est engagé
dans aucune combinaison. Comme nous vivons
au milieu d'un système de corps avec lesquels
le calorique a de l'adhérence, il en résulte que
nous n'obtenons jamais ce principe dans l'état
de liberté absolue.
Le calorique combiné est celui qui est enchaîné
dans les corps par la force d'affinité ou d'attraction,
& qui constitue une partie de leur
substance, même de leur solidité.
On entend par cette expression calorique
spécifique des corps, la quantité de calorique
respectivement nécessaire pour élever d'un même
nombre de degrés la température de plusieurs
corps égaux en poids. Cette quantité de calorique
dépend de la distance des molécules des corps,
de leur adhérence plus ou moins grande; & c'est
cette distance, ou plutôt l'espace qui en résulte,
qu'on a nommé, comme je l'ai déjà observé,
capacité pour contenir le calorique.
La chaleur, considérée comme sensation,
ou en d'autres termes, la
chaleurs sensible,
B iij
@
22 ACCEPTION DU MOT CHALEUR.
n'est que l'effet produit sur nos organes par
le passage du calorique qui se dégage des corps
environnants. En général nous n'éprouvons de
sensation que par un mouvement quelconque,
& l'on pourrait poser comme un axiome,
point
de mouvement, point de sensation. Ce principe
général s'applique naturellement au sentiment
du froid & du chaud : lorsque nous touchons
un corps froid, le calorique qui tend à se
mettre en équilibre dans tous les corps, passe
de notre main dans le corps que nous touchons,
& nous éprouvons la sensation du froid.
L'effet contraire arrive lorsque nous touchons
un corps chaud ; le calorique passe du corps à
notre main, & nous avons la sensation de la
chaleur. Si le corps & la main sont du même
degré de température, ou à peu près, nous
n'éprouvons aucune sensation, ni de froid, ni
de chaud, parce qu'alors il n'y a point de
mouvement, point de transport de calorique, &
qu'encore une fois il n'y a pas de sensation sans
un mouvement qui l'occasionne.
Lorsque le thermomètre monte, c'est une
preuve qu'il y a du calorique libre qui se répand
dans les corps environnants : le thermomètre,
qui est au nombre de ces corps, en
reçoit sa part, en raison de sa masse & de
la capacité qu'il a lui-même pour contenir le
@
MANIÈRE DE MESURER LE CALORIQUE. 23
calorique. Le changement qui arrive dans le
thermomètre, n'annonce donc qu'un déplacement
de calorique, qu'un changement arrivé à
un système de corps dont il fait partie; il n'indique
tout au plus que la portion de calorique
qu'il a reçue, mais il ne mesure pas la quantité
totale qui a été dégagée, déplacée ou absorbée.
Le moyen le plus simple & le plus
(ex)act pour remplir ce dernier objet est celui
imaginé par M. de la Place, & qui est décrit
dans les Mémoires de l'Académie, année 1780,
page 364. On en trouve aussi une explication
sommaire à la fin de cet Ouvrage. Il consiste
à placer le corps, ou la combinaison d'où se
dégage le calorique, an milieu d'une sphère
creuse de glace : la quantité de glace fondue
est une expression exacte de la quantité de calorique
qui s'est dégagée. On peut, à l'aide
de l'appareil que nous avons fait construire
d'après cette idée, connaître, non pas comme
on l'a prétendu, la capacité qu'ont les
corps pour contenir le calorique, mais le
rapport des augmentations ou diminutions que
reçoivent ces capacités, par des nombres déterminés
de degrés du thermomètre. Il est facile,
avec le même appareil, & par diverses combinaisons
d'expériences, de connaître la quantité
de calorique nécessaire pour convertir les
B iv
@
24 DE L'ÉLASTICITÉ DRS CORPS.
corps solides en liquides & ceux-ci en fluides
aériformes, & réciproquement, ce que les fluides
élastiques abandonnent de calorique quand ils
redeviennent liquides, & ceux-ci quand ils
redeviennent solides. On pourra donc parvenir
un jour, lorsque les expériences auront été
assez multipliées, à déterminer le rapport de
calorique qui constitue chaque espèce de gaz.
Je rendrai compte, dans un Chapitre particulier,
des principaux résultats que nous avons
obtenus en ce genre.
Il me reste, en finissant cet article, à dire
un mot sur la cause de l'élasticité des gaz & des
fluides en vapeurs. Il n'est pas difficile d'apercevoir
que cette élasticité tient à celle du calorique,
qui paraît être le corps éminemment
élastique de la nature. Rien de plus simple que
de concevoir qu'un corps devient élastique en
se combinant avec un autre qui est lui-même
doué de cette propriété. Mais il faut convenir
que c'est expliquer l'élasticité par l'élasticité ;
qu'on ne fait par là que reculer la difficulté
& qu'il reste toujours à expliquer ce que c'est
que l'élasticité & pourquoi le calorique est
élastique. En considérant l'élasticité dans un sens
abstrait, elle n'est autre chose que la propriété
qu'ont les molécules d'un corps de s'éloigner
les unes des autres, lorsqu'on les a forcées de
@
DE L'ÉLASTICITÉ DES CORPS. 25
s'approcher. Cette tendance qu'ont les molécules
du calorique à s'écarter, a lieu même à
de fort grandes distances. On en sera convaincu
si l'on considère que l'air est susceptible d'un
grand degré de compression ; ce qui suppose
que ses molécules sont déjà très éloignées les
unes des autres : car la possibilité de se rapprocher,
suppose une distance au moins égale
à la quantité du rapprochement. Or ces molécules
de l'air qui sont déjà très éloignées entre
elles tendent encore à s'éloigner davantage :
en effet, si on fait le vide de Boyle dans un
très vaste récipient, les dernières portions d'air
qui y restent se répandent uniformément dans
toute la capacité du vase, quelque grand qu'il
soit, elles le remplissent en entier & pressent
contre ses parois : or cet effet ne peut s'expliquer
qu'en supposant que les molécules font
un effort en tout sens pour s'écarter, & l'on ne
connaît point la distance à laquelle ce phénomène
s'arrête.
Il y a donc une véritable répulsion entre les
molécules des fluides élastiques; ou du moins
les choses se passent de la même manière que
si cette répulsion avait lieu, & on aurait quelque
droit d'en conclure que les molécules du
calorique se repoussent les unes les autres.
Cette force de répulsion une fois admise, les
@
26 DE L'ÉLASTICITÉ DES CORPS.
explications relatives à la formation des fluides
aériformes ou gaz deviendraient fort simples :
mais il faut convenir en même temps qu'une
force répulsive, entre des molécules très petites,
qui agit à de grandes distances est difficile
à concevoir.
Il paraîtrait peut-être plus naturel de supposer
que les molécules du calorique s'attirent
plus entre elles que ne le font les molécules des
corps, & qu'elles ne les écartent que pour
obéir à la force d'attraction qui les oblige de
se réunir. Il se passe quelque chose d'analogue
à ce phénomène, quand on plonge une éponge
sèche dans de l'eau : elle se gonfle ; ses molécules
s'écartent les unes des autres, & l'eau
remplit tous les intervalles. Il est clair que cette
éponge en se gonflant a acquis plus de capacité
pour contenir de l'eau, qu'elle n'en avait
auparavant. Mais peut-on dire que l'introduction
de l'eau entre ses molécules leur ait communiqué
une force répulsive qui tende à les
écarter les unes des autres ? Non, sans doute:
il n'y a au contraire que des forces attractives
qui agissent dans ce cas, & ces forces sont,
1°. la pesanteur de l'eau & l'action qu'elle
exerce en tout sens, comme tous les fluides;
2°. la force attractive des molécules de l'eau
las unes à l'égard des autres ; 3 *, la force
@
DE L'ÉLASTICITÉ DES CORPS. 27
attractive des molécules de l'éponge entre elles;
enfin, l'attraction réciproque des molécules de
l'eau & de celles de l'éponge. Il est aisé de
concevoir que c'est de l'intensité & du rapport
de toutes ces forces, que dépend l'explication
du phénomène. Il est probable que l'écartement
des molécules des corps par le calorique,
tient de même à une combinaison de
différentes forces attractives, & c'est le résultat
de ces forces que nous cherchons à exprimer
d'une manière plus concise & plus conforme à
l'état d'imperfection de nos connaissances, lorsque
nous disons que le calorique communique
une force répulsive aux molécules des corps,
@
28 FORMATION DES ATMOSPHÈRES.
C H A P I T R E I I.
Vues générales sur la formation & la constitution
de l'atmosphère de la terre.
L es considérations que je viens de présenter
sur la formation des fluides élastiques aériformes
ou gaz, jettent un grand jour sur la manière
dont se sont formées, dans l'origine des choses,
les atmosphères des planètes, & notamment
celle de la terre. On conçoit que cette dernière
doit être le résultat & le mélange 1°. de
toutes les substances, susceptibles de se vaporiser
ou plutôt de rester dans l'état aériforme,
au degré de température dans lequel nous vivons,
& à une pression égale au poids d'une
colonne de mercure de 28 pouces de hauteur;
2°. de toutes les substances fluides ou concrètes
susceptibles de se dissoudre dans cet assemblage
de différents gaz.
Pour mieux fixer nos idées relativement à cette
matière sur laquelle on n'a point encore assez
réfléchi, considérons un moment ce qui arriverait
aux différentes substances qui composent le globe,
si la température en était brusquement changée.
Supposons, par exemple, que la terre se
trouvât transporté tout à coup dans une région
@
LIMITE DES ATMOSPHÈRES. 29
beaucoup plus chaude du système solaire;
dans la région de mercure, par exemple, où la
chaleur habituelle est probablement fort supérieure
à celle de l'eau bouillante : bientôt l'eau,
tous les fluides susceptibles de se vaporiser à
des degrés voisins de l'eau bouillante, & le
mercure lui-même, entreraient en expansion ;
ils se transformeraient en fluides aériformes ou
gaz, qui deviendraient parties de l'atmosphère.
Ces nouvelles espèces d'air se mêleraient avec
celles déjà existantes, & il en résulterait des
décompositions réciproques, des combinaisons
nouvelles, jusqu'à ce que les différentes affinités
se trouvant satisfaites, les principes qui
composeraient ces différents airs ou gaz, arrivassent
à un état de repos. Mais une considération
qui ne doit pas échapper, c'est que cette
vaporisation même aurait des bornes : en effet
à mesure que la quantité des fluides élastiques
augmenterait, la pesanteur de l'atmosphère
s'accroîtrait en proportion : or, puisqu'une
pression quelconque est un obstacle à la vaporisation
puisque les fluides les plus évaporables
peuvent résister, sans se vaporiser, à
une chaleur très forte, quand on y oppose une
pression proportionnellement plus forte encore;
enfin, puisque l'eau elle-même & tous les liquides,
peuvent éprouver dans la machine de
@
30 FORMATION DES ATMOSPHÈRES.
Papin, une chaleur capable de les faire rougir,
on conçoit que la nouvelle atmosphère arriverait
à un degré de pesanteur tel, que l'eau
qui n'aurait pas été vaporisée jusqu'alors, cesserait
de bouillir, & resterait dans l'état de
liquidité ; en sorte que même dans cette supposition,
comme dans toute autre de même
genre, la pesanteur de l'atmosphère serait limitée
& ne pourrait pas excéder un certain
terme. On pourrait porter ces réflexions beaucoup
plus loin, & examiner ce qui arriverait
aux pierres, aux sels, & à la plus grande partie
des substances fusibles qui composent le globe:
on conçoit qu'elles se ramolliraient, qu'elles
entreraient en fusion & formeraient des fluides;
mais ces dernières considérations sortent de
mon objet, & je me hâte d'y rentrer.
Par un effet contraire, si la terre se trouvait
tout à coup placée dans des régions très froides,
l'eau qui forme aujourd'hui nos fleuves
& nos mers, & probablement le plus grand
nombre des fluides que nous connaissons se
transformerait en montagnes solides, en rochers
très durs, d'abord diaphanes, homogènes &
blancs comme le cristal de roche ; mais qui,
avec le temps, se mêlant avec des substances
de différente nature, deviendraient des pierres
opaques diversement colorées.
@
ATMOSPHÈRE DE LA TEREE. 31
L'air, dans cette supposition, ou au moins
une partie des substances aériformes qui le composent
cesseraient sans doute d'exister dans
l'état de vapeurs élastiques, faute d'un degré de
chaleur suffisant ; elles reviendraient donc à
l'état de liquidité, & il en résulterait de nouveaux
liquides dont nous n'avons aucune idée.
Ces deux suppositions extrêmes font voir
clairement que 1°.
solidité, liquidité, élasticité,
sont trois états différents de la même matière,
trois modifications particulières, par lesquelles
presque toutes les substances peuvent successivement
passer & qui dépendent uniquement
du degré de chaleur auquel elles sont exposées,
c'est-à-dire, de la quantité de calorique
dont elles sont pénétrées ; 2°. qu'il est très probable
que l'air est un fluide naturellement en
vapeurs, ou pour mieux dire, que notre atmosphère
est un composé de tous les fluides
susceptibles d'exister dans un état de vapeurs
& d'élasticité constante, au degré habituel de
chaleur & de pression que nous éprouvons ;
3°. qu'il ne serait pas par conséquent impossible
qu'il se rencontrât dans notre atmosphère des
substances extrêmement compactes, des métaux
même, & qu'une substance métallique, par
exemple, qui serait un peu plus volatile que
le mercure, serait dans ce cas.
@
32 IDÉE SUR L'AURORE BORÉALE.
On sait que parmi les fluides que nous connaissons,
les uns, comme l'eau & l'alcool ou
esprit-de-vin, sont susceptibles de se mêler les
uns avec les autres dans toutes proportions : les
autres, au contraire, comme le mercure, l'eau
& l'huile, ne peuvent contracter que des adhérences
momentanées, ils se séparent les uns
des autres lorsqu'ils ont été mélangés, & se
rangent en raison de leur gravité spécifique. La
même chose doit, ou au moins peut arriver
dans l'atmosphère : il est possible, il est même
probable qu'il s'est formé dans l'origine & qu'il
se forme tous les jours des gaz qui ne sont
que difficilement miscibles à l'air de l'atmosphère
& qui s'en séparent ; si ces gaz sont plus
légers, ils doivent se rassembler dans les régions
élevées, & y former des couches qui
nagent sur l'air atmosphérique. Les phénomènes
qui accompagnent les météores ignés
me portent à croire qu'il existe ainsi dans le
haut de l'atmosphère une couche d'un fluide
inflammable, & que c'est au point de contact
de ces deux couches d'air que s'opèrent les
phénomènes de l'aurore boréale & des autres
météores ignés. Je me propose de développer
mes idées à cet égard dans un Mémoire particulier.
CHAPITRE
@
ANALYSE DE L'ATMOSPHÈRE. 33
C H A P I T R E I I I.
Analyse de l'air de l'atmosphère : sa résolution
en deux fluides élastiques, l'un respirable,
l'autre non respirable.
T elle est donc
à priori la constitution de
notre atmosphère ; elle doit être formée de la
réunion de toutes les substances susceptibles de
demeurer dans l'état aériforme au degré habituel
de température & de pression que nous
éprouvons. Ces fluides forment une masse de
nature à peu près homogène, depuis la surface
de la terre jusqu'à la plus grande hauteur à
laquelle on soit encore parvenu, & dont la
densité décroît en raison inverse des poids dont
elle est chargée ; mais comme je l'ai dit, il est
possible que cette première couche soit recouverte
d'une ou de plusieurs autres de fluides
très différents.
Il nous reste maintenant à déterminer quel est
le nombre & quelle est la nature des fluides
élastiques qui composent cette couche inférieure
que nous habitons ; & c'est sur quoi
l'expérience va nous éclairer. La Chimie moderne
a fait à cet égard un grand pas ; & les
détails dans lesquels je vais entrer feront connaître
@
34 DÉCOMPOSITION DE L'AIR.
que l'air de l'atmosphère est peut-être
de toutes les substances de cet ordre, celle dont
l'analyse est la plus exactement & la plus rigoureusement
faite.
La Chimie présente en général deux moyens
pour déterminer la nature des parties constituantes
d'un corps, la composition & la décomposition.
Lors, par exemple, que l'on a
combiné ensemble de l'eau & de l'esprit-de-
vin ou alcool, & que par le résultat de ce
mélange on a formé l'espèce de liqueur qui
porte le nom d'eau-de-vie dans le commerce,
on a droit d'en conclure que l'eau-de-vie est
un composé d'alcool & d'eau mais on peut
arriver à la même conclusion par voie de décomposition,
& en général on ne doit être
pleinement satisfait en Chimie qu'autant qu'on
a pu réunir ces deux genres de preuves.
On a cet avantage dans l'analyse de l'air de
l'atmosphère ; on peut le décomposer & le
recomposer; & je me bornerai à rapporter ici
les expériences les plus concluantes qui aient
été faites à cet égard. Il n'en est presque aucunes
qui ne me soient devenues propres, soit
parce que je les ai faites le premier, soit parce
que je les ai répétées sous un point de vue
nouveau, sous celui d'analyser l'air de l'atmosphère.
@
PAR LE MERCURE. 35
J'ai pris, planche II, figure 14, un matras
A de 36 pouces cubiques environ de capacité
dont le col BCDE était très long, & avait
six à sept lignes de grosseur intérieurement. Je
l'ai courbé, comme on le voit représenté
planche IV, figure 2, de manière qu'il pût être
placé dans un fourneau MM N N, tandis que
l'extrémité E de son col irait s'engager sous la
cloche F G, placée dans un bain de mercure
R R S S. J'ai introduit dans ce matras quatre
onces de mercure très pur, puis en suçant avec
un siphon que j'ai introduit sous la cloche F G,
j'ai élevé le mercure jusqu'en LL : j'ai marqué
soigneusement cette hauteur avec une bande de
papier collé, & j'ai observé exactement le baromètre
& le thermomètre.
Les choses ainsi préparées, j'ai allumé du
feu dans le fourneau MMNN, & je l'ai entretenu
presque continuellement pendant douze
jours, de manière que le mercure fut échauffé
presque au degré nécessaire pour le faire bouillir.
Il ne s'est rien passé de remarquable pendant
tout le premier jour : le mercure quoique
non bouillant était dans un état d'évaporation
continuelle ; il tapissait l'intérieur des vaisseaux
de gouttelettes, d'abord très fines, qui
allaient ensuite en augmentant, & qui, lorsqu'elles
avaient acquis un certain volume, retombaient
C ij
@
36 DECOMPOSITION DE L'AIR
d'elles-mêmes au fond du vase, & se réunissaient
au reste du mercure. Le second jour,
j'ai commencé à voir nager sur la surface du
mercure de petites parcelles rouges, qui, pendant
quatre ou cinq jours ont augmenté en
nombre & en volume ; après quoi elles ont
cessé de grossir & sont restées absolument dans
le même état. Au bout de douze jours voyant
que la calcination du mercure ne faisait plus
aucun progrès, j'ai éteint le feu & j'ai laissé
refroidir les vaisseaux. Le volume de l'air
contenu tant dans le matras que dans son col
& sous la partie vide de la cloche, réduit à
une pression de 28 pouces & à 10 degrés du
thermomètre, était avant l'opération de 50 pouces
cubiques environ. Lorsque l'opération a été
finie, ce même volume à pression & à température
égale, ne s'est plus trouvé que de 42 à
43 pouces : il y avait eu par conséquent une
diminution de volume d'un sixième environ.
D'un autre côté ayant rassemblé soigneusement
les parcelles rouges qui s'étaient formées, &
les ayant séparées autant qu'il était possible du
mercure coulant dont elles étaient baignées,
leur poids s'est trouvé de 45 grains.
J'ai été obligé de répéter plusieurs fois cette
calcination du mercure en vaisseaux clos, parce
qu'il est difficile dans une seule & même expérience,
@
PAR LE MERCURE. 37
de conserver l'air dans lequel on a
opéré, & les molécules rouges ou chaux de mercure
qui s'est formé. II m'arrivera souvent de confondre
ainsi, dans un même récit, le résultat de
deux ou trois expériences de même genre.
L'air qui restait après cette opération & qui
avait été réduit aux cinq sixièmes de son volume,
par la calcination du mercure, n'était
plus propre à la respiration ni à la combustion;
car les animaux qu'on y introduisait y périssaient
en peu d'instants & les lumières s'y
éteignaient sur le champ, comme si on les eût
plongées dans de l'eau.
D'un autre côté, j'ai pris les 45 grains de
matière rouge qui s'était formée pendant l'opération ;
je les ai introduits dans une très petite
cornue de verre à laquelle était adapté un appareil
propre à recevoir les produits liquides
& aériformes qui pourraient se séparer : ayant
allumé du feu dans le fourneau, j'ai observé
qu'à mesure que la matière rouge était échauffée
sa couleur augmentait d'intensité. Lorsque ensuite
la cornue a approché de l'incandescence, la
matière rouge a commencé à perdre peu à peu
de son volume, & en quelques minutes elle a
entièrement disparu ; en même temps il s'est
condensé dans le petit récipient 41 grains de
mercure coulant, & il a passé sous la cloche
C iij
@
38 D É C O M P O S I T I O N
7 à 8 pouces cubiques d'un fluide élastique beaucoup
plus propre que l'air de l'atmosphère
entretenir la combustion & la respiration des
animaux.
Ayant fait passer une portion de cet air dans
un tube de verre d'un pouce de diamètre & y
ayant plongé une bougie, elle y répandait un
éclat éblouissant ; le charbon au lieu de s'y
consommer paisiblement comme dans l'air ordinaire,
y brillait avec flamme & une sorte de
décrépitation, à la manière du phosphore, &
avec une vivacité de lumière que les yeux
avaient peine à supporter. Cet air que nous
avons découvert presque en même temps, M.
Priestley, M. Scheele & moi, a été nommé par
le premier, air déphlogistiqué ; par le second,
air empiréal. Je lui avais d'abord donné le
nom d'
air éminemment respirable depuis,
y a substitué celui d'
air vital. Nous verrons
bientôt ce qu'on doit penser de ces dénominations.
En réfléchissant sur les circonstances de cette
expérience, on voit que le mercure en se calcinant
absorbe la partie salubre & respirable de
l'air, ou, pour parler d'une manière plus rigoureuse,
la base de cette partie respirable
que la portion d'air qui relie est une espèce
de mofette, incapable d'entretenir la combustion
@
DE L'AIR ATMOSPHÉRIQUE 39
& la respiration : l'air de l'atmosphère est
donc composé de deux fluides élastiques de
nature différente & pour ainsi dire opposée.
Une preuve de cette importante vérité, c'est
qu'en recombinant les deux fluides élastiques
qu'on a ainsi obtenus séparément, c'est-à-dire,
les 42 pouces cubiques de mofette, ou air
non respirable, & les 8 pouces cubiques d'air
respirable, on reforme de l'air, en tout semblable
à celui de l'atmosphère, & qui est propre
à peu près au même degré, à la combustion,
à la calcination des métaux, & à la respiration
des animaux.
Quoique cette expérience fournisse un moyen
infiniment simple d'obtenir séparément les deux
principaux fluides élastiques qui entrent dans
la composition de notre atmosphère, elle ne
nous donne pas des idées exactes sur la proportion
de ces deux fluides. L'affinité du mercure
pour la partie respirable de l'air ; ou
plutôt pour sa base, n'est pas assez grande
pour qu'elle puisse vaincre entièrement les
obstacles qui s'opposent à cette combinaison.
Ces obstacles sont l'adhérence des deux fluides
constitutifs de l'air de l'atmosphère & la force
d'affinité qui unit la base de l'air vital au calorique :
en conséquence la calcination du mercure
finie, ou au moins portée aussi loin qu'elle
C iv
@
40 DÉCOMPOSITION DE L'AIR.
peut l'être, dans une quantité d'air déterminée,
il reste encore un peu d'air respirable
combiné avec la mofette, & le mercure ne
peut en séparer cette dernière portion. Je ferai
voir dans la suite que la proportion d'air respirable
& d'air non respirable qui entre dans
la composition de l'air atmosphérique est dans
le rapport de 27 à 73, au moins dans les climats
que nous habitons : je discuterai en même
temps les causes d'incertitude qui existent encore
sur l'exactitude de cette proportion.
Puisqu'il y a décomposition de l'air dans la
calcination du mercure, puisqu'il y a fixation
& combinaison de la base de la partie respirable
avec le mercure, il résulte des principes
que j'ai précédemment exposés, qu'il doit y
avoir dégagement de calorique & de lumière ;
& l'on ne saurait douter que ce dégagement
n'ait lieu en effet : mais deux causes empêchent
qu'il ne soit rendu sensible dans l'expérience
dont le viens de rendre compte. La première,
parce que la calcination durant pendant plusieurs
jours, le dégagement de chaleur & de
lumière, réparti sur un aussi long intervalle
de temps, est infiniment faible pour chaque
instant en particulier : la seconde, parce que
l'opération se faisant dans un fourneau & à l'aide
du feu, la chaleur occasionnée par la calcination
@
PAR LE FER. 41
se confond avec celle du fourneau. Je
pourrais ajouter que la partie respirable de
l'air, ou plutôt sa base, en se combinant avec
le mercure, n'abandonne pas la totalité du
calorique qui lui était uni, qu'une partie demeure
engagée dans la nouvelle combinaison;
mais cette discussion & les preuves que je serais
obligé de rapporter, ne feraient pas à leur
place ici.
Il est au surplus aisé de rendre sensible le
dégagement de la chaleur & de la lumière en
opérant d'une manière plus prompte la décomposition
de l'air. Le fer, qui a beaucoup plus
d'affinité que le mercure avec la base de la
partie respirable de l'air, en fournit un moyen.
Tout le monde connaît aujourd'hui la belle
expérience de M. Ingenhouz sur la combustion
du fer. On prend un bout de fil de fer très fin
B C,
planche IV, figure 17, tourné en spirale,
on fixe l'une de ses extrémités B, dans un
bouchon de liège A, destiné à boucher la bouteille
D E F G. On attache à l'autre extrémité
de ce fil de fer, un petit morceau d'amadou
C. Les choses ainsi disposées, on emplit avec
de l'air dépouillé de sa partie non respirable,
la bouteille D E F G. On allume l'amadoue C,
puis on l'introduit promptement, ainsi que le
fil de fer B C dans la bouteille, & on la bouche
@
42 DÉCOMPOSITION DE L'AIR.
comme on le voit dans la figure que je
viens de citer.
Aussitôt que l'amadou est plongée dans
l'air vital, elle commence à brûler avec un
éclat éblouissant ; elle communique l'inflammation
au fer, qui brûle lui-même en répandant
de brillantes étincelles, lesquelles tombent au
fond de la bouteille, en globules arrondis qui
deviennent noirs en se refroidissant & qui
conservent un reste de brillant métallique. Le
fer ainsi brûlé, est plus cassant & plus fragile,
que ne le serait le verre lui-même; il se réduit
facilement en poudre & est encore attirable à
l'aimant, moins cependant qu'il ne l'était avant
sa combustion.
M. Ingenhouz n'a examiné ni ce qui arrivait
au fer, ni ce qui arrivait à l'air dans cette
opération, en sorte que je me suis trouvé obligé
de la répéter avec des circonstances différentes
& dans un appareil plus propre à répondre à
mes vues.
J'ai rempli une cloche A, planche IV, fig. 3,
de six pintes environ de capacité d'air pur, autrement
dit, de la partie éminemment respirable de
l'air. J'ai transporté, à l'aide d'un vase très plat,
cette cloche sur un bain de mercure contenu
dans le bassin B C; après quoi j'ai séché soigneusement
avec du papier gris la surface du mercure,
@
PAR LE FER. 43
tant dans l'intérieur qu'à l'extérieur de
la cloche. Je me suis muni, d'un autre côté,
d'une petite capsule de porcelaine D, plate &
évasée, dans laquelle j'ai placé de petits copeaux
de fer tournés en spirale, & que j'ai
arrangés de la manière qui m'a paru la plus
favorable pour que la combustion se communiquât
à toutes les parties. A l'extrémité d'un
de ces copeaux, j'ai attaché un petit morceau
d'amadou, & j'y ai ajouté un fragment de
phosphore, qui pesait à peine un seizième de
grain. J'ai introduit la capsule sous la cloche
en soulevant un peu cette dernière. Je n'ignore
pas que par cette manière de procéder, il se
mêle une petite portion d'air commun avec
l'air de la cloche ; mais ce mélange, qui est peu
considérable lorsqu'on opère avec adresse, ne
nuit point au succès de l'expérience.
Lorsque la capsule D est introduite sous la
cloche, on suce une partie de l'air qu'elle
contient, afin d'élever le mercure dans son intérieur
jusqu'en E F ; on se sert à cet effet d'un
siphon G H I, qu'on passe par-dessous, & pour
qu'il ne se remplisse pas de mercure, on tortille
un petit morceau de papier à son extrémité. Il y
a un art pour élever ainsi en suçant le mercure
sous la cloche : si on se contentait d'aspirer
l'air avec le poumon, on n'atteindrait qu'à une
@
44 DÉCOMPOSITION DE L'AIR.
très médiocre élévation, par exemple, d'un
pouce ou d'un pouce & demi tout au plus,
tandis que par l'action des muscles de la bouche
on élève, sans se fatiguer, ou au moins
sans risquer de s'incommoder, le mercure jusqu'à
6 à 7 pouces.
Après que tout a été ainsi préparé, on fait
rougir au feu un fer recourbé M N,
planche IV,
figure 14, destiné à ces sortes d'expériences ; on
le passe par-dessous la cloche & avant qu'il ait eu
le temps de se refroidir, on l'approche du petit
morceau de phosphore contenu dans la capsule
de porcelaine D : aussitôt le phosphore s'allume,
il communique son inflammation à l'amadou,
& celle-ci la communique au fer. Quand
les copeaux ont été bien arrangés, tout le fer
brûle jusqu'au dernier atome, en répandant
une lumière blanche, brillante, & semblable à
celle qu'on observe dans les étoiles d'artifice
Chinois. La grande chaleur qui s'opère pendant
cette combustion, liquéfie le fer, & il tombe
en globules ronds de grosseur différente, dont
le plus grand nombre reste dans la capsule, &
dont quelques-uns sont lancés au dehors &
nagent sur la surface du mercure.
Dans le premier instant de la combustion il
y a une légère augmentation dans le volume
de l'air, en raison de la dilatation occasionnée
@
PAR LE FER. 45
par la chaleur mais bientôt une diminution
rapide succède à la dilatation ; le mercure remonte
dans la cloche, & lorsque la quantité
de fer est suffisante, & que l'air avec lequel on
opère est bien pur, on parvient à l'absorber
presque en entier.
Je dois avertir ici qu'à moins qu'on ne veuille
faire des expériences de recherches, il vaut
mieux ne brûler que des quantités médiocres
de fer. Quand on veut pousser trop loin l'expérience
& absorber presque tout l'air, la capsule
D qui nage sur le mercure, se rapproche
trop de la voûte de la cloche, & la grande
chaleur jointe au refroidissement subit, occasionné
par le contact du mercure, fait éclater
le verre : le poids de la colonne de mercure
qui vient à tomber rapidement, dès qu'il s'est
fait une fêlure à la cloche, occasionne un flot
qui fait jaillir une grande partie de ce fluide hors
du bain. Pour éviter ces inconvénients & être
sûr du succès de l'expérience, on ne doit guère
brûler plus d'un gros & demi de fer sous une
cloche de huit pintes de capacité. Cette cloche
doit être forte, afin de résister au poids
de mercure qu'elle est destinée à contenir.
Il n'est pas possible de déterminer à la fois
dans cette expérience, le poids que le fer acquiert
& les changements arrivés à l'air. Si c'est
@
46 AUGMENTATION DU POIDS DE L'AIR.
l'augmentation de poids du fer & son rapport
avec l'absorption de l'air, dont on cherche à connaître
la quantité, on doit avoir soin de marquer
très exactement sur la cloche, avec un trait de
diamant, la hauteur du mercure avant & après
l'expérience; on passe ensuite sous la cloche le
siphon G H,
planche 11; figure 3, garni d'un papier
qui empêche qu'il ne s'emplisse de mercure.
On met le pouce sur l'extrémité G, & on rend
l'air peu à peu en soulevant le pouce. Lorsque le
mercure est descendu à son niveau, on enlève
doucement la cloche ; on détache de la capsule
les globules de fer qui y sont contenus ; on
rassemble soigneusement ceux qui pourraient
s'être éclaboussés & qui nagent sur le mercure
& on pèse le tout. Ce fer est dans l'état de ce
que les anciens Chimistes ont nommé
éthiops
martial; il a une sorte de brillant métallique ; il
est très cassant, très friable, & se réduit en
poudre sous le marteau & sous le pilon. Lorsque
l'opération a bien réussi, avec 100 grains de
fer on obtient 135 à 136 grains d'éthiops. On
peut donc compter sur une augmentation de
poids au moins ds 35. livres par quintal.
Si l'on a donné à cette expérience toute
l'attention qu'elle mérite, l'air se trouve diminué
d'une quantité en poids exactement égale
à celle dont le fer est augmenté. Si donc on a
@
DIMINUTION DU POIDS DE L'AIR. 47
brûlé 100 grains de fer & que l'augmentation
de poids que ce métal a acquise ait été de 35,
grains, la diminution du volume de l'air est
assez exactement de 70 pouces cubiques à raison
d'un demi-grain par pouce cube. On verra
dans la suite de ces Mémoires, que le poids
de l'air vital est en effet, assez exactement
d'un demi-grain par pouce cube.
Je rappellerai ici une dernière fois que dans
toutes les expériences de ce genre, on ne doit
point oublier de ramener par le calcul le volume
de l'air au commencement & à la fin de l'expérience
à celui qu'on aurait eu à 10 degrés du
thermomètre, & à une pression de 28 pouces :
j'entrerai dans quelques détails sur la manière de
faire ces corrections, à la fin de cet Ouvrage.
Si c'est sur la qualité de l'air restant dans la
cloche, qu'on se propose de faire des expériences
on opère d'une manière un peu différente.
On commence alors, après que la combustion
est faite & que les vaisseaux sont refroidis,
par retirer le fer & la capsule qui le
contenait en passant la main sous la cloche à
travers le mercure ensuite on introduit sous
cette même cloche, de la potasse ou alcali
caustique dissous dans l'eau, du sulfure de
potasse, ou telle autre substance qu'on juge à
propos, pour examiner l'action qu'elles exercent
@
48 OBSERVATIONS SUR LES EXPERTIENCES.
sur l'air. Je reviendrai dans la suite sur
ces moyens d'analyse de l'air, quand j'aurai
fait connaître la nature de ces différentes substances,
dont je ne parle qu'accidentellement
dans ce moment. On finit par introduire sous
cette même cloche, autant d'eau qu'il est nécessaire
pour déplacer tout le mercure; après
quoi on passe dessous un vaisseau ou espèce de
capsule très plate avec laquelle on la transporte
dans l'appareil pneumato-chimique ordinaire
à l'eau, où l'on opère plus en grand &
avec plus de facilité.
Lorsqu'on a employé du fer très doux &
très pur, & que la portion respirable de l'air
dans lequel s'est faite la combustion, étoit
exempte de tout mélange d'air non respirable,
l'air qui reste après la combustion se trouve
aussi pur qu'il l'était avant la combustion ; mais
il est rare que le fer ne contienne pas une
petite quantité de matière charbonneuse : l'acier
surtout en contient toujours. Il est de
même extrêmement difficile d'obtenir la portion
respirable de l'air parfaitement pure, elle
est presque toujours mêlée d'une petite portion
de la partie non respirable, mais cette espèce
de mofette ne trouble en rien le résultat de
l'expérience, & elle se retrouve à la fin en
même quantité qu'au commencement.
J'ai
@
ANALYTIQUES DE L'AIR DE L'ATMOSPH. 49
J'ai annoncé qu'on pouvait déterminer de
deux manières la nature des parties constituantes
de l'air de l'atmosphère ; par voie de
décomposition & par voie de composition. La
calcination du mercure nous a fourni l'exemple
de l'une & de l'autre, puisque après avoir enlevé
à la partie respirable sa base par le mercure,
nous la lui avons rendue pour reformer
de l'air en tout semblable à celui de l'atmosphère.
Mais on peut également opérer cette
composition de l'air en empruntant de différents
règnes les matériaux qui doivent le former. On
verra dans la suite que lorsqu'on dissout des
matières animales dans de l'acide nitrique, il
se dégage une grande quantité d'un air qui
éteint les lumières, qui est nuisible pour les
animaux, & qui est en tout semblable à la
partie non respirable de l'air de l'atmosphère.
Si à 73 parties de ce fluide élastique on en
ajoute 27 d'air éminemment respirable tiré du
mercure, réduit en chaux rouge par la calcination,
on forme un fluide élastique parfaitement
semblable à celui de l'atmosphère &
qui en a toutes les propriétés.
Il y a beaucoup d'autres moyens de séparer
la partie respirable de l'air de la partie
non respirable; mais je ne pourrais les exposer
ici sans emprunter des notions, qui, dans
D
@
50 DISSOLUTION DE t'EAU PAR L'AIR.
l'ordre des connaissances, appartiennent aux
Chapitres suivants. Les expériences d'ailleurs
que j'ai rapportées, suffisent pour un Traité
Elémentaire; & dans ces sortes de matières,
le choix des preuves est plus important que
leur nombre.
Je terminerai cet article en indiquant une
propriété qu'a l'air de l'atmosphère & qu'ont
en général tous les fluides élastiques ou gaz
que nous connaissons ; c'est celle de dissoudre
l'eau. La quantité d'eau qu'un pied cube d'air
de l'atmosphère peut dissoudre, est suivant les
expériences de M. de Saussure, de 12 grains :
d'autres fluides élastiques, tels que l'acide carbonique,
paraissent en dissoudre davantage ;
mais on n'a point fait encore d'expériences
exactes pour en déterminer la quantité. Cette
eau que contiennent les fluides élastiques aériformes,
donne lieu dans quelques expériences
à des phénomènes particuliers qui méritent
beaucoup d'attention, & qui ont souvent jeté
les Chimistes dans de grandes erreurs.
@
NOMS DES ÉLÉMENS DE L'ATMOSPHÈRE. 51
C H A P I T R E I V.
Nomenclature des différentes parties constitutives
de l'air de l'atmosphère.
J usqu'ici j'ai été forcé de me servir de
périphrases pour désigner la nature des différentes
substances qui composent notre atmosphère,
& j'ai adopté provisoirement ces expressions,
partie respirable, partie non respirable
de l'air. Les détails dans lesquels je vais entrer,
exigent que je prenne une marche plus rapide,
& qu'après avoir cherché à donner des idées
simples des différentes substances qui entrent
dans la composition de l'air de l'atmosphère,
je les exprime également par des mots simples.
La température de la planète que nous habitons
se trouvant très voisine du degré où
l'eau passe de l'état liquide à l'état solide, &
réciproquement, & ce phénomène s'opérant
fréquemment sous nos yeux, il n'est pas étonnant
que dans toutes les langues, au moins
dans les climats où l'on éprouve une sorte
d'hiver, on ait donné un nom à l'eau devenue
solide par l'absence du calorique.
Mais il n'a pas dû en être de même de l'eau
réduite à l'état de vapeur par une plus grande
D ij
@
52 NOMS DES ÉLÉMENS DE L'ATMOSPHÈRE.
addition de calorique. Ceux qui n'ont pas fait
une étude particulière de ces objets, ignorent
encore, qu'à un degré un peu supérieur à celui
de l'eau bouillante l'eau se transforme en un
fluide élastique aériforme, susceptible comme
tous les gaz, d'être reçu & contenu dans des
vaisseaux, & qui conserve sa forme gazeuse
tant qu'il éprouve une température supérieure
à 80 degrés, jointe à une pression égale à celle
d'une colonne de 28 pouces de mercure. Ce
phénomène ayant échappé à la multitude,
aucune langue n'a désigné l'eau dans cet état
par un nom particulier ; & il en est de même
de tous les fluides, & en général, de toutes
les substances qui ne sont point susceptibles de
se vaporiser au degré habituel de température
& de pression dans lequel nous vivons.
Par une fuite de la même cause on n'a point
donné de nom à la plupart des fluides aériformes
dans l'état liquide ou concret ; on ignorait
que ces fluides fussent le résultat de la combinaison
d'une base avec le calorique; & comme
on ne les avait jamais vus dans l'état de liquide
ni de solide, leur existence sous cette forme
était inconnue même des Physiciens.
Nous n'avons pas jugé qu'il nous fût permis
de changer des noms reçus & consacrés dans
la société par un antique usage. Nous avons
@
NOMS DES ÉLÉMENS DE L'ATMOSPHÈRE. 53
donc attaché au mot d'
eau & de
glace, leur
signification vulgaire ; nous avons de même
exprimé par le mot d'
air la collection des fluides
élastiques qui composent notre atmosphère;
mais nous ne nous sommes pas cru obligés au
même respect pour des dénominations très
modernes nouvellement proposées par les Physiciens.
Nous avons pensé que nous étions en
droit de les rejeter & de leur en substituer
d'autres moins propres à induire en erreur; & lors
même que nous nous sommes déterminés à les
adopter, nous n'avons fait aucune difficulté de
les modifier & d'y attacher des idées mieux
arrêtées & plus circonscrites.
C'est principalement du Grec que nous avons
tiré les mots nouveaux, & nous avons fait en
sorte que leur étymologie rappelât l'idée des
choses que nous nous proposions d'indiquer;
nous nous sommes attachés surtout à n'admettre
que des mots courts, & autant qu'il
était passible, qui fussent susceptibles de former
des adjectifs & des verbes.
D'après ces principes, nous avons conservé
à l'exemple de M. Macquer, le nom de gaz
employé par Van Helmont, & nous avons rangé
sous cette dénomination, la classe nombreuse
des fluides élastiques aériformes, en faisant cependant
des exception pour l'air de l'atmosphère.
D iij
@
54 NOMS GÉNÉRIQUES ET PARTICULIERS
Le mot
gaz est donc pour nous un nom
générique, qui désigne le dernier degré de saturation
d'une substance quelconque par le calorique ;
c'est l'expression d'une manière d'être
des corps. Il s'agissait ensuite de spécifier chaque
espèce de gaz & nous y sommes parvenus en
empruntant un second nom de celui de sa base.
Nous appellerons donc gaz aqueux, l'eau combinée
avec le calorique, & dans l'état de fluide
élastique aériforme : la combinaison de l'éther
avec le calorique, sera le gaz éthéré ; celle de
l'esprit-de-vin avec le calorique, sera le gaz
alcoolique ; nous aurons de même le gaz acide
muriatique, le gaz ammoniaque, & ainsi de
tous les autres. Je m'étendrai davantage sur cet
article quand il sera question de nommer les
différentes bases.
On a vu que l'air de l'atmosphère était
principalement composé de deux fluides aériformes
ou gaz, l'un respirable susceptible
d'entretenir la vie des animaux, dans lequel
les métaux se calcinent & les corps combustibles
peuvent brûler; l'autre qui a des propriétés
absolument opposées, que les animaux ne
peuvent respirer, qui ne peut entretenir la
combustion, &c. Nous avons donné à la base
de la portion respirable de l'air le nom d'oxygène,
en le dérivant de deux mots Grecs οξυς,
@
DES FLUIDES AÉRIFORMES. 55
acide, & γείνομαι,
j'engendre, parce qu'en effet
une des propriétés les plus générales de cette
base est de former des acides, en se combinant
avec la plupart des substances. Nous appellerons
donc gaz oxygène la réunion de cette base
avec le calorique : sa pesanteur dans cet état
est assez exactement d'un demi-grain poids de
marc, par pouce cube, ou d'une once & demie
par pied cube, le tout à 10 degrés de température,
& à 28 pouces du baromètre.
Les propriétés chimiques de la partie non
respirable de l'air de l'atmosphère n'étant pas
encore très bien connues, nous nous sommes
contentés de déduire le nom de sa base de la
propriété qu'a ce gaz de priver de la vie les
animaux qui le respirent : nous l'avons donc
nommé azote, de l'α privatif des Grecs, & de
[zy4n], vie, ainsi la partie non respirable de l'air
sera le gaz azotique. Sa pesanteur est d'une
once, 2 gros, 48 grains le pied cube, ou de
O, grain 4444 le pouce cube.
Nous ne nous sommes pas dissimulé que ce
nom présentait quelque chose d'extraordinaire;
mais c'est le sort de tous les noms nouveaux ;
ce n'est que par l'usage qu'on se familiarise
avec eux. Nous en avons d'ailleurs cherché
longtemps un meilleur, sans qu'il nous ait été
possible de le rencontrer : nous avions été
D iv
@
56 DU GAZ AZOTIQUE.
tentés d'abord de le nommer gaz alcaligène,
parce qu'il est prouvé, par les expériences de
M. Berthollet, comme on le verra dans la
suite, que ce gaz entre dans la composition
de l'alcali volatil ou ammoniaque mais d'un
autre côté, nous n'avons point encore la preuve
qu'il soit un des principes constitutifs des autres
alcalis : il est d'ailleurs prouvé qu'il entre
également dans la combinaison de l'acide nitrique ;
on aurait donc été tout aussi fondé à
le nommer principe nitrigène. Enfin nous avons
dû rejeter un nom qui comportait une idée
systématique, & nous n'avons pas risqué de
nous tromper en adoptant celui azote & de
gaz azotique, qui n'exprime qu'un fait ou plutôt
qu'une propriété, celle de priver de la vie
les animaux qui respirent ce gaz.
J'anticiperais sur des notions réservées pour
des articles subséquents, si je m'étendais davantage
sur la nomenclature des différentes espèces
de gaz. Il me suffit d'avoir donné ici, non la
dénomination de tous, mais la méthode de les
nommer tous. Le mérite de la nomenclature
que nous avons adoptée, consiste principalement
en ce que la substance simple étant nommée,
le nom de tous ses composés découle
nécessairement de ce premier mot.
@
PRINCIPES SUR LES EXPÉRIENCES. 57
C H A P I T R E V.
De la décomposition du gaz oxygène par le
soufre, le phosphore & le charbon, & de la
formation des acides en général.
U n des principes qu'on ne doit jamais perdre
de vue dans l'art de faire des expériences,
est de les simplifier le plus qu'il est possible &
d'en écarter toutes les circonstances qui peuvent
en compliquer les effets. Nous n'opérerons
donc pas, dans les expériences qui vont
faire l'objet de ce Chapitre, sur de l'air de
l'atmosphère qui n'est point une substance
simple. Il est bien vrai que le gaz azotique,
qui fait une partie du mélange qui le constitue,
paraît être purement passif dans les calcinations
& les combustions : mais, comme il les ralentit,
& comme il n'est pas impossible même
qu'il en altère les résultats dans quelques circonstances,
il m'a paru nécessaire de bannir
cette cause d'incertitude.
J'exposerai donc, dans les expériences dont
je vais rendre compte, le résultat des combustions
tel qu'il a lieu dans l'air vital ou gaz
oxygène pur, & j'avertirai seulement des différences
@
58 DÉCOMPOSITION DU GAZ OXYGÈNE.
qu'elles présentent quand le gaz oxygène est
mêlé de différentes proportions de gaz azotique,
J'ai pris une cloche de cristal A, planche IV,
figure 3 de cinq à six pintes de capacité ;
je l'ai emplie de gaz oxygène sur de l'eau,
après quoi je l'ai transportée sur le bain de
mercure au moyen d'une capsule de verre que
j'ai passée par dessous ; j'ai ensuite séché la
surface du mercure & j'y ai introduit 61 grains
de phosphore de Kunckel, que j'ai divisés dans
deux capsules de porcelaine, semblable à celle
qu'on voit en D,
figure 3 sous la cloche A;
& pour pouvoir allumer chacune de ces deux
portions séparément, & que l'inflammation ne
se communiquât pas de l'une à l'autre, j'ai recouvert
l'une des deux avec un petit carreau de
verre. Lorsque tout a été ainsi préparé, j'ai
élevé le mercure dans la cloche à la hauteur
EF, en suçant avec un siphon de verre G H I,
même
figure, qu'on introduit par dessous la
cloche : pour qu'il ne se remplisse pas en passant
à travers le mercure, on tortille à son extrémité
I, un petit morceau de papier. Puis avec
un fer recourbé rougi au feu, représenté
figure
16, j'ai allumé successivement le phosphore des
deux capsules, en commençant par celle qui
n'était point recouverte avec un carreau de
verre.
@
PAR LE PHOSPHORE. 59
La combustion s'est faite avec une grande
rapidité, avec une flamme brillante & un dégagement
considérable de chaleur & de lumière.
Il y a eu dans le premier instant une dilatation
considérable du gaz oxygène, occasionnée par
la chaleur ; mais bientôt le mercure a remonté
au-dessus de son niveau, & il y a eu une absorption
considérable en même temps tout
l'intérieur de la cloche s'est tapissé de flocons
blancs, légers, qui n'étaient autre chose que
de l'acide phosphorique concret.
La quantité de gaz oxygène employée, était,
toutes corrections faites, au commencement de
l'expérience, de 162 pouces cubiques ; elle
s'est trouvée à la fin seulement de 23 pouces 1/4
la quantité de gaz oxygène absorbée avait
donc été de 138 pouces ou de 69,grains 375.
La totalité du phosphore n'était pas brûlée ;
il en restait dans les capsules quelques portions,
qui, lavées, pour en séparer l'acide, &
séchées, se sont trouvées peser environ 16
grains : ce qui réduit à peu près à 45 grains
la quantité de phosphore brûlée : je dis à peu
près, parce qu'il ne ferait pas impossible qu'il
n'y eût eu un ou deux grains d'erreur sur le
poids du phosphore restant après la combustion.
Ainsi dans cette opération, 45 grains de
@
60 DÉCOMPOSITION DU GAZ OXYGÈNE.
phosphore se sont combinés avec 69,grains 375
d'oxygène; & comme rien de pesant ne passe
à travers le verre, on a droit d'en conclure
que le poids de la substance quelconque qui
a résulté de cette combinaison & qui s'était
rassemblée en flocons blancs, devait s'élever
à la somme du poids de l'oxygène & de celui
du phosphore, c'est-à-dire, à 114,grains 375.
On verra bientôt que ces flocons blancs ne
sont autre chose qu'un acide concret. En réduisant
ces quantités au quintal, on trouve qu'il
faut employer 154 liv. d'oxygène pour saturer
100 liv. de phosphore, & qu'il en résulte
254 liv. de flocons blancs ou acide phosphorique
concret.
Cette expérience prouve d'une manière évidente,
qu'à un certain degré de température,
l'oxygène a plus d'affinité avec le phosphore
qu'avec le calorique ; qu'en conséquence le
phosphore décompose le gaz oxygène, qu'il
s'empare de sa base, & qu'alors le calorique,
qui devient libre, s'échappe & se dissipe en
se répartissant dans les corps environnants.
Mais quelque concluante que fût cette expérience,
elle n'était pas encore suffisamment
rigoureuse : en effet, dans l'appareil que j'ai
employé & que je viens de décrire, il n'est
pas possible de vérifier le poids des flocons
@
PAR LE PHOSPHORE. 61
blancs ou de l'acide concret qui s'est formé;
on ne peut le conclure que par voie de calcul
& en le supposant égal à la forme du poids
de l'oxygène & du phosphore : or quelque évidente
que fût cette conclusion, il n'est jamais
permis en Physique & en Chimie, de supposer
ce qu'on peut déterminer par des expériences
directes. J'ai donc cru devoir refaire cette expérience
un peu plus en grand, & avec un
appareil différent.
J'ai pris un grand ballon de verre A, planche
IV, figure 4, dont l'ouverture E F avait trois
pouces de diamètre. Cette ouverture se recouvrait
avec une plaque de cristal usée à l'émeri,
laquelle était percée de deux trous pour le passage
des tuyaux
yyy, xxx.
Avant de fermer le ballon avec sa plaque,
j'y ai introduit un support B C surmonté d'une
capsule de porcelaine D, qui contenait 150
grains de phosphore : tout étant ainsi disposé
j'ai adapté la plaque de cristal sur l'ouverture
du matras, & j'ai lutté avec du lut gras,
que j'ai recouvert avec des bandes de linge
imbibées de chaux & de blanc d'oeuf : lorsque
ce lut a été bien séché, j'ai suspendu tout cet
appareil au bras d'une balance, & j'en ai déterminé
le poids à un grain ou un grain &
demi près. J'ai ensuite adapté le tuyau
xxx,
@
62 DÉCOMPOSITION DU GAZ OXYGÈNE.
à une petite pompe pneumatique & j'ai fait
le vide ; après quoi ouvrant un robinet adapté
au tuyau
yyy, j'ai introduit du gaz oxygène
dans le ballon. J'observerai que ce genre d'expérience
se fait avec assez de facilité & surtout
avec beaucoup d'exactitude, au moyen
de la machine hydro-pneumatique dont nous
avons donné la description, M. Meusnier & moi,
dans les Mémoires de l'Académie, année 1782,
page 466, & dont on trouvera une explication
dans la dernière Partie de cet Ouvrage; qu'on
peut à l'aide de cet instrument, auquel M.
Meusnier a fait depuis des additions & des
corrections importantes, connaître d'une manière,
rigoureuse, la quantité de gaz oxygène introduite
dans le ballon, & celle qui s'en consommée
pendant le cours de l'opération.
Lorsque tout a été ainsi disposé, j'ai mis le
feu au phosphore avec un verre ardent. La
combustion a été extrêmement rapide, accompagnée
d'une grande flamme & de beaucoup
de chaleur : à mesure qu'elle s'opérait, il se
formait une grande quantité de flocons blancs
qui s'attachaient sur les parois intérieures du
vase, & qui bientôt l'ont obscurci entièrement.
L'abondance des vapeurs était même telle,
que quoiqu'il rentrât continuellement de nouveau
gaz oxygène qui aurait dû entretenir la
@
PAR LE PHOSPHORE. 63
combustion, le phosphore s'est bientôt éteint.
Ayant laissé refroidir parfaitement tout l'appareil,
j'ai commencé par m'assurer de la quantité
de gaz oxygène qui avoir été employée,
& par peser le ballon avant de l'ouvrir. J'ai
ensuite lavé, séché & pesé la petite quantité
de phosphore qui était restée dans la capsule,
& qui était de couleur jaune d'ocre, afin de
la déduire de la quantité totale de phosphore
employée, dans l'expérience. Il est clair qu'à
l'aide de ces différentes précautions, il m'a été
facile de constater, 1°. le poids du phosphore
brûlé; 2°. celui des flocons blancs obtenus par
la combustion ; 3°. le poids du gaz oxygène
qui s'était combiné avec le phosphore. Cette
expérience m'a donné à peu près les mêmes
résultats que la précédente : il en a également
résulté que le phosphore en brûlant, absorbait
un peu plus d'une fois & demie son poids
d'oxygène, & j'ai acquis de plus la certitude
que le poids de la nouvelle substance produite
était égal à la somme du poids du phosphore
brûlé & de l'oxygène qu'il avait absorbé : ce
qu'il était au surplus facile de prévoir à priori.
Si le gaz oxygène qu'on a employé dans
cette expérience était pur, le résidu qui reste
après la combustion est également pur ; ce qui
prouve qu'il ne s'échappe rien du phosphore
@
64 CALORIQUE DÉGAGÉ DE LA COMBUSTION.
qui puisse altérer la pureté de l'air, & qu'il
n'agit qu'en enlevant au calorique sa base
c'est-à-dire, l'oxygène qui y était uni.
J'ai dit plus haut que si on brûlait un corps
combustible quelconque dans une sphère creuse
de glace ou dans tout autre appareil construit
sur le même principe, la quantité de glace fondue
pendant la combustion, était une mesure
exacte de la quantité de calorique dégagé. On
peut consulter à cet égard le Mémoire que
nous avons donné en commun à l'Académie,
M. de la Place & moi, année 1780, page 355.
Ayant soumis la combustion du phosphore à
cette épreuve, nous avons reconnu qu'une livre
de phosphore en brûlant, fondait un peu plus
de 100 liv. de glace.
La combustion du phosphore réunit également
dans l'air de l'atmosphère avec ces deux
différences seulement, I°, que la combustion
est beaucoup moins rapide, attendu qu'elle est
ralentie par la grande proportion de gaz azotique
qui se trouve mêlé avec le gaz oxygène:
2°. que le cinquième de l'air, tout au plus, est
seulement absorbé, parce que cette absorption
se faisant toute aux dépens du gaz oxygène
la proportion du gaz azotique devient telle
vers la fin de l'opération, que la combustion
ne peut plus avoir lieu.
Le
@
DU PHOSPHORE 65
Le phosphore par sa combustion, soit dans
l'air ordinaire, soit dans le gaz oxygène, se
transforme, comme je l'ai déjà dit, en une
matière blanche floconneuse très légère, & il
acquiert des propriétés toutes nouvelles. : d'insoluble
qu'il était dans l'eau, non seulement il
devient soluble mais il attire l'humidité contenue
dans l'air avec une étonnante rapidité
& il se résout en une liqueur beaucoup plus
dense que l'eau, & d'une pesanteur spécifique
beaucoup plus grande. Dans l'état de phosphore,
& avant sa combustion, il n'avait presque
aucun goût; par sa réunion avec l'oxygène
il prend un goût extrêmement aigre & piquant:
enfin, de la classe des combustibles, il passe
dans celle des substances incombustibles & il
devient ce qu'on appelle un acide.
Cette convertibilité d'une substance combustible
en un acide par l'addition de l'oxygène
est, comme nous le verrons bientôt, une propriété
commune à un grand nombre de corps:
or en bonne logique, on ne peut se dispenser
de désigner sous un nom commun toutes les
opérations qui présentent des résultats analogues;
c'est le seul moyen de simplifier l'étude
des Sciences, & il serait impossible d'en retenir
tous les détails, si on ne s'attachait à les
classer. Nous nommerons donc
oxygénation la
E
@
66 COMBUSTION DU SOUFRE.
conversion du phosphore en un acide, & en
général la combinaison d'un corps combustible
quelconque avec l'oxygène.
Nous adopterons également l'expression
d'
oxygéner, & je dirai en conséquence qu'en
oxygénant
le phosphore, on le convertit en un
acide.
Le soufre est également un corps combustible,
c'est-à-dire, qui a la propriété de décomposer
l'air, & d'enlever l'oxygène au calorique. On
peut s'en assurer aisément par des expériences
toutes semblables à celles que je viens de détailler
pour le phosphore ; mais je dois avertir qu'il
est impossible, en opérant de la même manière
sur le soufre, d'obtenir des résultats aussi exacts
que ceux qu'on obtient avec le phosphore; par
la raison que l'acide qui se forme par la combustion
du soufre est difficile à condenser, que
le soufre lui-même brûle avec beaucoup de
difficulté, & qu'il est susceptible de se dissoudre
dans les différents gaz. Mais ce que je puis
assurer, d'après mes expériences, c'est que le
soufre en brûlant, absorbe de l'air ; que l'acide
qui se forme est beaucoup plus pesant que
n'était le soufre ; que son poids est égal à la
somme du poids du soufre, & de l'oxygène
qu'il a absorbé ; enfin, que cet acide est pesant,
incombustible, susceptible de se combiner avec
@
COMBUSTION DU CHARBON. 67
l'eau en toutes proportions : il ne reste d'incertitude
que sur la quantité de soufre &
d'oxygène qui constituent cet acide.
Le charbon, que tout jusqu'à présent porte
à faire regarder comme une substance combustible
simple, a également la propriété de
décomposer le gaz oxygène & d'enlever sa base
au calorique : mais l'acide qui résulte de cette
combustion ne se condense pas au degré de
pression & de température dans lequel nous
vivons; il demeure dans l'état de gaz, & il
faut une grande quantité d'eau pour l'absorber.
Cet acide, au surplus, a toutes les propriétés
communes aux acides, mais dans un degré
plus faible & il s'unit comme eux à toutes les
bases susceptibles de former des sels neutres.
On peut opérer la combustion du charbon,
comme celle du phosphore, sous une cloche
de verre A,
planche IV, figure 3, remplie de
gaz oxygène, & renversée dans du mercure :
mais comme la chaleur d'un fer chaud & même
rouge, ne suffirait pas pour l'allumer, on ajoute
par dessus le charbon, un petit fragment d'amadou
& un petit atome de phosphore. On
allume facilement le phosphore avec un fer
rouge ; l'inflammation se communique ensuite
à l'amadoue, puis au charbon.
On trouve le détail de cette expérience,
E ij
@
68 COMBUSTION DU CHARBON.
Mémoires de l'Académie, année 1781, page
448. On y verra qu'il faut 72 parties d'oxygène
en poids, pour en saturer 28 de charbon, &
que l'acide aériforme qui est produit, a une
pesanteur justement égale à la somme des poids
du charbon & de l'oxygène qui ont servi à le
former. Cet acide aériforme a été nommé air
fixe, ou air fixé par les premiers Chimistes qui
l'ont découvert ; ils ignoraient alors si c'était
de l'air semblable à celui de l'atmosphère ou
un autre fluide élastique, vicié & gâté par la
combustion ; mais puisqu'il est constant aujourd'hui
que cette substance aériforme est un
acide, qu'il se forme comme tous les autres
acides, par l'oxygénation d'une base, il est aisé
de voir que le nom d'air fixe ne lui convient
point.
Ayant essayé, M. de la Place & moi, de
brûler du charbon dans l'appareil propre à
déterminer la quantité de calorique dégagée,
nous avons trouvé qu'une livre de charbon en
brûlant, fondait 96 liv. 6 onces de glace 2 liv.,
9 onces, 1 gros, 10 grains d'oxygène se combinent
avec le charbon dans cette opération,
& il se forme 3 liv. 9 onces, 1 gros, 10 grains
de gaz acide : ce gaz pèse 0,grain 695 le pouce
cube, ce qui donne 34.212 pouces cubiques
pour le volume total de gaz acide qui se
@
DE LA FORMATION DES ACIDES. 69
forme par la combustion d'une livre de
charbon.
Je pourrais multiplier beaucoup plus les
exemples de ce genre, & faire voir par une suite
de faits nombreux, que la formation des acides
s'opère par l'oxygénation d'une substance quelconque;
mais la marche que je me suis engagé à
suivre & qui consiste à ne procéder que du connu
à l'inconnu & à ne présenter au Lecteur que
des exemples puisés dans des choses qui lui
ont été précédemment expliquées, m'empêche
d'anticiper ici sur les faits. Les trois exemples
d'ailleurs que je viens de citer, suffisent pour
donner une idée claire & précise de la manière
dont se forment les acides. On voit que l'oxygène
est un principe commun à tous, & que
c'est lui qui constitue leur acidité ; qu'ils sont
ensuite différenciés les uns des autres par la
nature de la substance acidifiée. Il faut donc
distinguer dans tout acide la base acidifiable à
laquelle M. de Morveau a donné le nom de
radical, & le principe acidifiant, c'est-à-dire,
l'oxygène.
E iij
@
70 NOMENCLATURE DES ACIDES.
C H A P I T R E V I.
De la nomenclature des Acides en général, &
particulièrement de ceux tirés du salpêtre & du
sel marin.
R ien n'en plus aisé, d'après les principes
posés dans le Chapitre précédent, que d'établir
une nomenclature méthodique des acides :
le mot acide sera le nom générique; chaque acide
sera ensuite différencié dans le langage comme
il l'est dans la nature, par le nom de sa base
ou de son radical. Nous nommerons donc
acides
en général, le résultat de la combustion ou de
l'oxygénation du phosphore, du soufre & du
charbon. Nous nommerons le premier de ces
résultats acide phosphorique, le second acide
sulfurique, le troisième acide carbonique. De
même, dans toutes les occasions qui pourront
se présenter, nous emprunterons du nom de
la base la désignation spécifique de chaque
acide.
Mais une circonstance remarquable que présente
l'oxygénation des corps combustibles,
en général, d'une partie des corps qui se transforment
en acides, c'est qu'ils sont susceptibles
@
DIFFÉRENS DEGRÉS D'OXYGÉNATION. 71
de différents degrés de saturation ; & les
acides qui en résultent, quoique formés de la
combinaison des deux mêmes substances, ont
des propriétés fort différentes, qui dépendent
de la différence de proportion. L'acide phosphorique,
& surtout l'acide sulfurique, en
fournissent des exemples. Si le soufre a combiné
avec peu d'oxygène, il forme à ce premier
degré d'oxygénation un acide volatil, d'une
odeur pénétrante, & qui a des propriétés toutes
particulières. Une plus grande proportion
d'oxygène le convertit en un acide fixe, pesant,
sans odeur, & qui donne dans les combinaisons
des produits fort différents du premier. Ici le
principe de notre méthode de nomenclature
semblait se trouver en défaut, & il paraissait
difficile de tirer du nom de la base acidifiable
deux dénominations qui exprimassent, sans circonlocution
& sans périphrase, les deux degrés
de saturation. Mais la réflexion, & plus encore
peut-être la nécessité, nous ont ouvert de nouvelles
ressources, & nous avons cru pouvoir
nous permettre d'exprimer les variétés des acides
par de simples variations, dans les terminaisons.
L'acide volatil du soufre avait été désigné
par Stahl sous le nom d'acide sulfureux :
nous lui avons conservé ce nom, & nous avons
donné celui de sulfurique à l'acide du soufre
E iv
@
72 ACIDES EN EUX ET EN IQUES.
complètement saturé d'oxygène. Nous dirons
donc, en nous servant de ce nouveau langage,
que le soufre, en se combinant avec l'oxygène,
est susceptible de deux degrés de saturation ;
le premier constitue l'acide sulfureux, qui est
pénétrant & volatil ; le second constitue l'acide
sulfurique, qui est inodore & fixe. Nous adopterons
ce même changement de terminaison
pour tous les acides qui présenteront plusieurs
degrés de saturation ; nous aurons donc également
un acide phosphoreux & un acide phosphorique,
un acide acéteux & un acide acétique,
& ainsi des autres.
Toute cette partie de la chimie aurait été
extrêmement simple, & la nomenclature des
acides n'aurait rien présenté d'embarrassant, si
lors de la découverte de chacun d'eux, on
eut connu son radical ou sa base acidifiable. L'acide
phosphorique, par exemple, n'a été découvert
que postérieurement à la découverte
du phosphore, & le nom qui lui a été donné
a été dérivé en conséquence de celui de la base
acidifiable dont il est formé. Mais lorsqu'au contraire
l'acide a été découvert avant la base, ou
plutôt lorsqu'à l'époque où l'acide a été découvert,
on ignorait quelle était la base acidifiable
à laquelle il appartenait, alors on a donné
à l'acide & à la base des noms qui n'avaient
@
RADICAUX INCONNUS. 73
aucun rapport entre eux & non seulement on a
surchargé la mémoire de dénominations inutiles,
mais encore on a porté dans l'esprit des
commençants & même des Chimistes consommés,
des idées fausses que le temps seul & la réflexion
peuvent effacer.
Nous citerons pour exemple l'acide du soufre.
C'est du vitriol de fer qu'on a retiré cet
acide dans le premier âge de la Chimie ; & on
l'a nommé acide vitriolique, en empruntant son
nom de celui de la substance dont il était tiré.
On ignorait alors que cet acide fût le même
que celui qu'on obtenait du soufre par la combustion.
Il en est de même de l'acide aériforme auquel
on a donné originairement le nom d'air
fixe ; on ignorait que cet acide fût le résultat
de la combinaison du carbone avec l'oxygène.
De là une infinité de dénominations qui lui ont
été données & dont aucune ne transmet des
idées justes. Rien ne nous a été plus facile que
de corriger & de modifier l'ancien langage à
l'égard de ces acides nous avons converti le
nom d'acide vitriolique en celui d'acide sulfurique,
& celui d'air fixe en celui d'acide carbonique ;
mais il ne nous a pas été possible de
suivre le même plan à l'égard des acides dont
la base nous était inconnue. Nous nous sommes
@
74 ACIDE MURIATIQUE.
trouvés alors forcés de prendre une marche
inverse ; & au lieu de conclure le nom
de l'acide de celui de la base, nous avons
nommé au contraire la base d'après la dénomination
de l'acide. C'est ce qui nous est arrivé
pour l'acide qu'on retire du sel marin ou
sel de cuisine. Il suffit, pour dégager cet acide,
de verser de l'acide sulfurique sur du sel marin ;
aussitôt se fait une vive effervescence,
il s'élève des vapeurs blanches d'une odeur
très pénétrante, & en faisant légèrement chauffer,
on dégage tout l'acide. Comme il est naturellement
dans l'état de gaz au degré de
température & de pression dans lequel nous
vivons, il faut des précautions particulières pour
le retenir. L'appareil le plus commode & le
plus simple pour les expériences en petit, consiste
en une petite cornue G,
planche V, fig. 5,
dans laquelle on introduit du sel marin bien
sec ; on verse dessus de l'acide sulfurique concentré,
& aussitôt on engage le bec de la cornue
sous de petites jarres ou cloches de verre
A,
même figure, qu'on a préalablement remplies
de mercure. A mesure que le gaz acide
se dégage, il passe dans la jarre & gagne le
haut en déplaçant le mercure. Lorsque le dégagement
se ralentit, on chauffe légèrement
& on augmente le feu jusqu'à ce qu'il ne passe
@
BASE MURIATIQUE. 75
plus rien. Cet acide a une grande affinité avec
l'eau & cette dernière en absorbe une énorme
quantité. On peut s'en assurer en introduisant
une petite couche d'eau dans la jarre de verre
qui le contient ; en un instant l'acide e combine
avec elle & disparaît en entier. On profite
de cette circonstance dans les laboratoires
& dans les arts, pour obtenir l'acide du sel
marin sous la forme de liqueur. On se sert à
cet effet de l'appareil représenté
planche IV,
figure première. Il consiste 1°. dans une cornue
A, où l'on introduit le sel marin, & dans laquelle
on verse de l'acide sulfurique par la
tubulure H; 2°. dans un ballon e destiné à
recevoir la petite quantité de liqueur qui se
dégage ; 3°. dans une suite de bouteilles à deux
goulots L L' L'' L''', qu'on remplit d'eau à
moitié. Cette eau est destinée à absorber le gaz
acide qui se dégage pendant la distillation. Cet
appareil est plus amplement décrit dans la dernière
partie de cet Ouvrage.
Quoiqu'on ne soit encore parvenu ni à composer,
ni à décomposer l'acide qu'on retire du
sel marin, on ne peut douter cependant qu'il
ne soit formé, comme tous les autres, de la réunion
d'une base acidifiable avec l'oxygène. Nous
avons nommé cette base inconnue
base muriatique,
radical muriatique, en empruntant ce
@
76 ACIDE MURIATIQUE.
nom, à l'exemple de M. Bergman & de M. de
Morveau, du mot latin
muria, donné anciennement
au sel marin. Ainsi, sans pouvoir déterminer
quelle est exactement la composition
de l'acide muriatique, nous désignerons sous
cette dénomination un acide volatil, dont l'état
naturel est d'être sous forme gazeuse au degré
de chaleur & de pression que nous éprouvons,
qui se combine avec l'eau en très grande quantité
& avec beaucoup de facilité ; enfin dans
lequel le radical acidifiable tient si fortement à
l'oxygène, qu'on ne connaît jusqu'à présent
aucun moyen de les séparer.
Si un jour on vient à rapporter le radical
muriatique à quelque substance connue, il faudra
bien alors changer sa dénomination & lui
donner un nom analogue à celui de la base
dont la nature aura été découverte.
L'acide muriatique présente au surplus une
circonstance très remarquable; il est, comme
l'acide du soufre & comme plusieurs autres
susceptible de différents degrés d'oxygénation ;
mais l'excès d'oxygène produit en lui un effet
tout contraire à celui qu'il produit dans
du soufre. Un premier degré d'oxygénation
transforme le soufre en un acide gazeux volatil,
qui ne se mêle qu'en petite quantité avec
l'eau : c'est celui que nous désignons avec Stahl,
@
ACIDE MUTIATIQUE OXYGÉNÉ. 77
sous le nom d'acide sulfureux. Une dose plus
forte d'oxygène le convertit en acide sulfurique,
c'est-à-dire en un acide qui présente des
qualités acides plus marquées, qui est beaucoup
plus fixe, qui ne peut exister dans l'état de gaz
qu'à une haute température, qui n'a point d'odeur
& qui s'unit à l'eau en très grande quantité.
C'est le contraire dans l'acide muriatique;
l'addition d'oxygène le rend plus volatil, d'une
odeur plus pénétrante, moins miscible à l'eau,
& diminue ses qualités acides. Nous avions d'abord
été tentés d'exprimer ces deux degrés de
saturation, comme nous l'avions fait pour l'acide
du soufre, en faisant varier les terminaisons.
Nous aurions nommé l'acide le moins
saturé d'oxygène acide
muriateux, & le plus
saturé acide
muriatique ; mais nous avons cru
que cet acide qui présente des résultats particuliers,
& dont on ne connaît aucun autre
exemple en Chimie, demandait une exception,
& nous nous sommes contentés de le nommer
acide muriatique oxygéné.
Il est un autre acide que nous nous contenterons
de définir, comme nous l'avons fait
pour l'acide muriatique, quoique sa base soit
mieux connue : c'est celui que les Chimistes ont
désigné jusqu'ici sous le nom d'acide nitreux.
Cet acide se tire du nitre ou salpêtre par des
@
78 ACIDE NITRIQUE.
procédés analogues à ceux qu'on emploie pour
obtenir l'acide muriatique. C'est également par
l'intermède de l'acide sulfurique qu'on le chasse
de la base à laquelle il est uni, & l'on se sert
de même à cet effet de l'appareil représenté
planche IV, fig. 1. A mesure que l'acide passe
il est absorbé par l'eau des bouteilles L L' L" L'''
qui devient d'abord verte, puis bleue, & enfin
jaune, suivant le degré de concentration de
l'acide. Il se dégage pendant cette opération
une grande quantité de gaz oxygène mêlé d'un
peu de gaz azotique.
L'acide qu'on tire du du salpêtre, est composé,
comme tous les autres, d'oxygène uni
à une base acidifiable, & c'est même le premier
dans lequel l'existence de l'oxygène ait
été bien démontrée. Les deux principes qui le
constituent tiennent peu ensemble & on les
sépare aisément en présentant à l'oxygène une
substance avec laquelle il ait plus d'affinité qu'il
n'en à avec la base acidifiable qui constitue
l'acide du nitre. C'est par des expériences de ce
genre qu'on est parvenu à reconnaître que l'azote
ou base de la mofette entrait dans sa composition,
qu'elle était sa base acidifiable. L'azote
est donc véritablement le radical nitrique,
ou l'acide du nitre est un véritable acide azotique.
On voit donc que pour être d'accord
@
ACIDE NITRIQUE. 79
avec nous-mêmes & avec nos principes, nous
aurions dû adopter l'une ou l'autre de ces manières
de nous énoncer. Nous en avons été
détournés cependant par différents motifs ; d'abord
il nous a paru difficile de changer le nom
de nitre ou de salpêtre généralement adopté
dans les arts, dans la société & dans la Chimie.
Nous n'avons pas cru, d'un autre côté,
devoir donner à l'azote le nom de radical nitrique,
parce que cette substance est également
la base de l'alcali volatil ou ammoniaque,
comme l'a découvert M. Berthollet. Nous continuerons
donc de désigner sous le nom d'azote
la base de la partie non respirable de l'air atmosphérique,
qui est en même temps le radical
nitrique & le radical ammoniaque. Nous conserverons
également le nom de nitreux & de
nitrique à l'acide tiré du nitre ou salpêtre. Plusieurs
Chimistes d'un grand poids ont désapprouvé
notre condescendance pour les anciennes
dénominations ; ils auraient préféré que
nous eussions dirigé uniquement nos efforts
vers la perfection de la nomenclature, que
nous eussions reconstruit l'édifice du langage
chimique de fond en comble, sans nous embarrasser
de le raccorder avec d'anciens usages
dont le temps effacera insensiblement le souvenir
& c'est ainsi que nous nous sommes
@
80 ACIDE NITRIQUE.
trouvés exposés à la fois à la critique & aux
plaintes des deux partis opposés.
L'acide du nitre est susceptible de se présenter
dans un grand nombre d'états qui dépendent
du degré d'oxygénation qu'il a éprouvé,
c'est-à-dire, de la proportion d'azote & d'oxygène
qui entre dans sa composition. Un premier
degré d'oxygénation de l'azote constitue un
gaz particulier que nous continuerons de designer
sous le nom de gaz nitreux : il est composé
d'environ 2 parties en poids d'oxygène &
d'une d'azote, & dans cet état il est non miscible
à l'eau. Il s'en faut beaucoup que l'azote
dans ce gaz soit saturé d'oxygène, il lui reste
au contraire une grande affinité pour ce principe,
& il l'attire avec une telle activité, qu'il l'enlève
même à l'air de l'atmosphère sitôt qu'il est en
contact avec lui. La combinaison de gaz nitreux
avec l'air de l'atmosphère est même devenue
un des moyens qu'on emploie pour déterminer
la quantité d'oxygène contenu dans ce
dernier, & pour juger de son degré de salubrité.
Cette addition d'oxygène convertit le gaz
nitreux en un acide puissant qui a une grande
affinité avec l'eau & qui est susceptible lui-
même de différents degrés d'oxygénation. Si la
proportion de l'oxygène & de l'azote est au
dessous de trois parties contre une, l'acide est
rouge
@
DIFFÉRENS ÉTATS DE L'ACIDE NITRIQUE. 81
rouge & fumant dans cet état nous le nommons
acide nitreux ; on peut en le faisant légèrement
chauffer, en dégager du gaz nitreux.
Quatre parties d'oxygène contre une d'azote
donnent un acide blanc & sans couleur, plus
fixe au feu que le précédent, qui a moins d'odeur,
& dont les deux principes constitutifs
sont plus solidement combinés : nous lui avons
donné, d'après les principes exposés ci-dessus,
le nom d'acide nitrique.
Ainsi l'acide nitrique est l'acide du nitre
surchargé d'oxygène; l'acide nitreux est l'acide
du nitre surchargé d'azote, ou, ce qui est la
même chose, de gaz nitreux ; enfin le gaz
nitreux est l'azote qui n'est point assez saturée
d'oxygène pour avoir les propriétés des acides.
C'en ce que nous nommerons plus bas un
oxyde.
F
@
82 CALCINATION DES MÉTAUX.
C H A P I T R E V I I.
De la décomposition du Gaz oxygène par les
métaux, & de la formation des Oxydes métalliques.
L orsque les substances métalliques sont
échauffées à un certain degré de température,
l'oxygène a plus d'affinité avec elles qu'avec
le calorique : en conséquence toutes les substances
métalliques, si on en excepte l'or, l'argent
& le platine, ont la propriété de décomposer
le gaz oxygène, de s'emparer de sa base
& d'en dégager le calorique. On a déjà vu plus
haut comment s'opérait cette décomposition de
l'air par le mercure & par le fer ; on a observé
que la première ne pouvait être regardée que
comme une combustion lente ; que la dernière
au contraire était très rapide & accompagnée
d'une flamme brillante. S'il est nécessaire d'employer
un certain degré de chaleur dans ces
opérations, c'est pour écarter les unes des
autres les molécules du métal, & diminuer
leur affinité d'agrégation, ou ce qui est la même
chose, l'attraction qu'elles exercent les unes sur
les autres.
Les substances métalliques pendant leur calcination
@
LEUR COMBINAISONS AVEC L'OXYGÈNE. 83
augmentent de poids à proportion de
l'oxygène qu'elles absorbent; en même temps elles
perdent leur éclat métallique & se réduisent en
une poudre terreuse. Les métaux dans cet état
ne doivent point être considérés comme entièrement
saturés d'oxygène, par la raison que
leur action sur ce principe est balancée par la
force d'attraction qu'exerce sur lui le calorique.
L'oxygène dans la calcination des métaux, obéit
donc réellement à deux forces, à celle exercée
par le calorique, à celle exercée par le métal;
il ne tend à s'unir à ce dernier qu'en raison de
la différence de ces deux forces, de l'excès de
l'une sur l'autre, & cet excès en général n'est
pas fort considérable. Aussi les substances métalliques,
en s'oxygénant dans l'air & dans le
gaz oxygène ne se convertissent-elles point
en acides, comme le soufre, le phosphore &
le charbon : il se forme des substances intermédiaires
qui commencent à se rapprocher de l'état
salin, mais qui n'ont pas encore acquis toutes
les propriétés salines. Les anciens ont donné
le nom de chaux, non seulement aux métaux
amenés à cet état, mais encore à toute substance
qui avait été exposée longtemps à l'action du
feu sans se fondre. Ils ont fait en conséquence
du mot chaux un nom générique, & ils ont
confondu sous ce nom, & la pierre calcaire,
F ij
@
84 DES OXYDES MÉTALLIQUES.
qui d'un sel neutre qu'elle était avant la calcination,
se Convertit au feu en un alcali terreux
en perdant moitié de son poids, & les métaux
qui s'associent par la même opération une nouvelle
substance dont la quantité excède quelquefois
moitié de leur poids, & qui les rapproche
de l'état d'acide. Il aurait été contraire
à nos principes de classer sous un même nom
des substances si différentes & surtout de
conserver aux métaux une dénomination si propre
à faire naître des idées fausses. Nous avons
en conséquence proscrit l'expression de chaux
métalliques & nous y avons substitué celui
d'
oxyde, du grec οζυς.
On voit d'après cela combien le langage que
nous avons adopté est fécond & expressif ; un
premier degré d'oxygénation constitue les oxydes ;
un second degré constitue les acides terminés
en
eux, comme l'acide nitr
eux, l'acide
sulfur
eux ; un troisième degré constitue les acides
en
ique, tels que l'acide nitr
ique, l'acide
sulfur
ique ; enfin nous pouvons exprimer un
quatrième degré d'oxygénation des substances,
en ajoutant l'épithète d'
oxygéné, comme nous
l'avons admis pour l'acide muriatique oxygéné.
Nous ne nous sommes pas contentés de désigner
sous le nom d'
oxydes la combinaison des
métaux avec l'oxygène ; nous n'avons fait aucune
@
DES OXYDES MÉTALLIQUES. 85
difficulté de nous en servir pour exprimer
le premier degré d'oxygénation de toutes les
substances, celui qui, sans les constituer acides,
les rapproche de l'état salin. Nous appellerons
donc
oxyde de soufre le soufre devenu mou
par un commencement de combustion ; nous
appellerons oxyde de phosphore la substance
jaune que laisse le phosphore quand il a brûlé.
Nous dirons de même que le gaz nitreux,
qui est le premier degré d'oxygénation de l'azote,
est un oxyde d'azote. Enfin le règne végétal
& le règne animal auront leurs oxydes,
& je ferai voir dans la suite combien ce nouveau
langage jettera de lumières sur toutes les
opérations de l'art & de la nature.
Les oxydes métalliques ont, comme nous
l'avons déjà fait observer, presque tous des
couleurs qui leur sont propres, & ces couleurs
varient non seulement pour les différents métaux,
mais encore suivant le degré d'oxygénation
du même métal. Nous nous sommes donc
trouvés obligés d'ajouter à chaque oxyde deux
épithètes, l'une qui indiquât le métal oxydé
l'autre sa couleur ; ainsi nous dirons oxyde noir
de fer, oxyde rouge de fer, oxyde jaune de
fer ; & ces expressions répondront à celles d'éthiops
martial, de colcothar, de rouille de fer ou
d'ocre.
F iij
@
86 DES OXYDES MÉTALLIQUES.
oxyde jaune de plomb, oxyde rouge de plomb;
ces expressions désigneront la cendre de
plomb, le massicot & le minium.
Ces dénominations seront quelquefois un peu
longues, surtout quand on voudra exprimer
si le métal a été oxydé à l'air, s'il l'a été par la
détonation avec le nitre ou par l'action des
acides ; mais au moins elles seront toujours
justes & feront naître l'idée précise de l'objet
qui y correspond.
Les tables jointes à cet Ouvrage, rendront
ceci plus sensible.
@
DÉCOMPOSITION DE L'EAU. 87
C H A P I T R E V I I I.
Du principe radical de l'Eau, & de sa décomposition
par le charbon & par le fer.
J usqu'à ces derniers temps on avait regardé
l'eau comme une substance simple, & les anciens
n'avaient fait aucune difficulté de la qualifier
du nom d'élément: c'était sans doute une
substance élémentaire pour eux, puisqu'ils n'étaient
point parvenus à la décomposer, ou
au moins puisque les décompositions de l'eau
qui s'opéraient journellement sous leurs yeux,
avaient échappé à leurs observations : mais on
va voir que l'eau n'est plus un élément pour
nous. Je ne donnerai point ici l'histoire de
cette découverte qui est très moderne, & qui
même est encore contestée. On peut consulter
à cet égard les Mémoires de l'Académie des
Sciences, année 1781.
Je me contenterai de rapporter les principales
preuves de la décomposition & de la recomposition
de l'eau; j'ose dire que quand on voudra
bien les peser sans partialité, on les trouvera
démonstratives.
F iv
@
88 L'EAU N'EST POINT UNE SUBSTANCE SIMPLE.
EXPÉRIENCE PREMIÈRE.
Préparation.
On prend un tube de verre E F, planche VII,
fig. 11, de 8 à 12 lignes de diamètre, qu'on
fait passer à travers un fourneau, en lui donnant
une légère inclinaison de E en F. A l'extrémité
supérieure E de ce tube, on ajuste une
cornue de verre A, qui contient une quantité
d'eau distillée bien connue, & à son extrémité
inférieure F, un serpentin S S', qui s'adapte en
S' au goulot d'un flacon H à deux tubulures;
enfin à l'une des deux tubulures du flacon s'adapte
un tube de verre recourbé KK, destiné à conduire
les fluides aériformes ou gaz dans un appareil
propre à en déterminer la qualité & la
quantité.
Il est nécessaire, pour assurer le succès de
cette expérience, que le tube E F soit de verre
vert bien cuit & d'une fusion difficile ; on l'enduit
en outre d'un lut d'argile mêlée avec du
ciment fait avec des poteries de grès réduites en
poudre ; & dans la crainte qu'il ne fléchisse par
le ramollissement, on le soutient dans son milieu
avec une barre de fer qui traverse le fourneau.
Des tuyaux de porcelaine, sont préférables à
ceux de verre ; mais il est difficile de s'en procurer
@
SON PASS. PAR UN TUBE DE VERRE ROUGE. 89
qui ne soient pas poreux, & presque
toujours on y découvre quelques trous qui
donnent passage à l'air ou aux vapeurs.
Lorsque tout a été ainsi disposé, on allume
du feu dans le fourneau E F C D, & on l'entretient
de manière à faire rougir le tube de
verre E F sans le fondre; en même temps on
allume assez de feu dans le fourneau VV XX.
pour entretenir toujours bouillante l'eau de la
cornue A.
Effet.
A meure que l'eau de la cornue A se vaporise
par l'ébullition, elle remplit l'intérieur
du tube EF & elle en chasse l'air commun
qui s'évacue par le tube. K K ; le gaz aqueux
est ensuite condensé par le refroidissement dans
le serpentin, & il tombe de l'eau goutte à
goutte dans le flacon tubulé H.
Eu continuant cette opération jusqu'à ce que
toute l'eau de la cornue A soit évaporée, &
en laissant bien égoutter les vaisseaux, on retrouve
dans le flacon g une quantité d'eau
rigoureusement égale à celle qui était dans la
cornue A, sans qu'il y ait eu dégagement d'aucun
gaz ; en sorte que cette opération se réduit
à une simple distillation ordinaire, dont
le résultat est absolument le même que si l'eau
@
90 ELLE EST DÉCOMPOSÉE PAR LE CARBONE.
n'eût point été portée à l'état incandescent, en
traversant le tube intermédiaire EF.
EXPÉRIENCE SECONDE.
Préparation,
On dispose tout comme dans l'expérience
précédente, avec cette différence seulement
qu'on introduit dans le tube EF vingt huit
grains de charbon concassé en morceaux de
médiocre grosseur, & qui préalablement a été
longtemps exposé à une chaleur incandescente
dans des vaisseaux fermés. On fait, comme
dans l'expérience précédente, bouillir l'eau de
la cornue A jusqu'à évaporation totale.
Effet.
L'eau de la cornue A se distille dans cette
expérience comme dans la précédente ; elle se
condense dans le serpentin, & coule goutte à
goutte dans le flacon H ; mais en même temps
il se dégage une quantité considérable de gaz,
qui s'échappe par le tuyau KK, & qu'on recueille
dans un appareil convenable.
L'opération finie, on ne retrouve plus dans
le tube EF que quelques atomes de cendre;
les vingt-huit grains de charbon ont totalement
disparu.
@
FORMATION D'ACIDE CARBONIQUE. 91
Les gaz qui se sont dégagés examinés avec
soin, se trouvent peser ensemble 113 grains 7/10(a);
ils sont de deux espèces, savoir 144 pouces
cubiques de gaz acide carbonique, pesant
100 grains, & 380 pouces cubiques d'un
gaz extrêmement léger, pesant 13 grains 1/16.
& qui s'allume par l'approche d'un corps enflammé
lorsqu'il a le contact de l'air. Si on vérifie
ensuite le poids de l'eau passée dans le flacon,
on la trouve diminuée de 85 grains 7/16.
Ainsi dans cette expérience, 85 grains 7/10 d'eau,
plus 28 grains de charbon ont formé 100 grains
d'acide carbonique, plus 13 grains 7/10 d'un
gaz particulier susceptible de s'enflammer.
Mais j'ai fait voir plus haut, que pour former
100 grains de gaz acide carbonique, il
fallait unir 72 grains d'oxygène à 28 grains de
charbon; donc les 28 grains de charbon placés
dans le tube de verre ont enlevé à l'eau 72
grains d'oxygène ; donc 85 grains 7/10 d'eau
sont composés de 72 grains d'oxygène & de
13 grains 7/10 d'un gaz susceptible de s'enflammer.
On verra bientôt qu'on ne peut pas
supposer que ce gaz ait été dégagé du charbon,
-------------------------------------------
( a) On trouvera dans la dernière partie de cet Ouvrage,
le détail des procédés qu'on emploie pour séparer les
différentes espèces de gaz & pour les peser.
@
92 FORMATION D'ACIDE CARBONIQUE.
& qu'il est conséquemment un produit de l'eau.
J'ai supprimé dans l'exposé de cette expérience
quelques détails qui n'auraient servi qu'à
la compliquer & à jeter de l'obscurité dans
les idées des lecteurs ; le gaz inflammable, par
exemple, dissout un peu de charbon, & cette
circonstance en augmente le poids & diminue
au contraire celui de l'acide carbonique ; l'altération
qui en résulte dans les quantités n'est
pas très considérable ; mais j'ai cru devoir les
rétablir par calcul, & présenter l'expérience
dans toute sa simplicité & comme si cette
circonstance n'avait pas lieu. Au surplus, s'il
restait quelques nuages sur la vérité des conséquences
que je tire de cette expérience, ils,
seraient bientôt dissipés par les autres expériences
que je vais rapporter à l'appui.
TROISIÈME EXPÉRIENCE.
Préparation.
On dispose tout l'appareil comme dans l'expérience
précédente, avec cette différence seulement,
qu'au lieu des 28 grains de charbon,
on met dans le tube EF,
planche VII, fig. 11
274 grains de petites lames de fer très doux
roulées en spirales. On fait rougir le tube comme
dans les expériences précédentes ; on allume
@
ELLE EST DÉCOMPOSÉE PAR LEÉ FER. 93
du feu sous la cornue A, & on entretient l'eau
qu'elle contient toujours bouillante, jusqu'à ce
qu'elle soit entièrement évaporée, qu'elle ait
passé en totalité dans le tube EF, & qu'elle
se soit condensée dans le flacon H.
Effet.
Il ne se dégage point de gaz acide carbonique
dans cette expérience, mais seulement
un gaz inflammable 13 fois plus léger que l'air
de l'atmosphère : le poids total qu'on en obtient
est de 15 grains, & son volume est d'environ
416 pouces cubiques. Si on compare la
quantité d'eau primitivement employée avec
celle restante dans le flacon H, on trouve un
déficit de 100 grains. D'un autre côté, les 274
grains de fer renfermés dans le tube EF se
trouvent peser 85 grains de plus que lorsqu'on
les y a introduits ; & leur volume se trouve
considérablement augmenté : ce fer n'est presque
plus attirable à l'aimant, il se dissout sans effervescence
dans les acides ; en un mot, il est dans
l'état d'oxyde noir, précisément comme celui
qui a été brûlé dans le gaz oxygène.
Réflexions.
Le résultat de cette expérience présente une
véritable oxydation du fer par l'eau ; oxydation
@
94 DÉGAGEMENT DE GAZ HYDROGÈNE.
toute semblable à celle qui s'opère dans
l'air à l'aide de la chaleur. Cent grains d'eau
ont été décomposés ; 85 d'oxygène se sont
unis au fer pour le constituer dans l'état d'oxyde
noir, & il s'est dégagé 15 grains d'un gaz inflammable
particulier : donc l'eau est composée
d'oxygène & de la base d'un gaz inflammable,
dans la proportion de 85 parties contre 15.
Ainsi l'eau indépendamment de l'oxygène
qui est un de ses principes, & qui lui est
commun avec beaucoup d'autres substances, en
contient un autre qui lui est propre, qui est son
radical constitutif, & auquel nous nous sommes
trouvés forcés de donner un nom. Aucun ne
nous a paru plus convenable que celui d'hydrogène,
c'est-à-dire, principe générateur de
l'eau, de υδορ
eau & de γείνομαι
j'engendre.
Nous appellerons gaz hydrogène la combinaison
de ce principe avec le calorique, & le mot
d'hydrogène seul exprimera la base de ce même
gaz, le radical de l'eau.
Voilà donc un nouveau corps combustible,
c'est-à-dire, un corps qui a assez d'affinité avec
l'oxygène pour l'enlever au calorique & pour
décomposer l'air ou le gaz oxygène. Ce corps
combustible a lui-même une telle affinité avec
le calorique, qu'à moins qu'il ne soit engagé
dans une combinaison, il est toujours dans
@
COMBUSTION DU GAZ HYDROGÈNE. 95
l'état aériforme ou de gaz au degré habituel
de pression & de température dans lequel nous
vivons. Dans cet état de gaz, il est environ
13 fois plus léger que l'air de l'atmosphère, il
n'est point absorbable par l'eau, mais il est
susceptible d'en dissoudre une petite quantité;
enfin il ne peut servir à la respiration des
animaux.
La propriété de brûler & de s'enflammer
n'étant pour ce gaz comme pour tous les autres
combustibles, que la propriété de décomposer
l'air & d'enlever l'oxygène au calorique,
on conçoit qu'il ne peut brûler qu'avec le
contact de l'air ou du gaz oxygène. Aussi lorsqu'on
emplit une bouteille de ce gaz & qu'on
l'allume, il brûle paisiblement au goulot de
la bouteille & ensuite dans son intérieur, à mesure
que l'air extérieur y pénètre; mais la combustion
est successive & lente, elle n'a lieu qu'à
la surface où le contact des deux airs ou gaz
s'opère. Il n'en est pas de même lorsqu'on mêle
ensemble les deux airs avant de les allumer :
si par exemple après avoir introduit dans une
bouteille à goulot étroit une partie de gaz
oxygène, & ensuite deux de gaz hydrogène,
on approche de son orifice un corps enflammé,
tel qu'une bougie ou un morceau de papier
allumé, la combustion des deux gaz se fait
@
96 COMBUSTION DU GAZ HYDROGÈNE.
d'une manière instantanée & avec une forte
explosion: On ne doit faire cette expérience
que dans une bouteille de verre vert très forte
qui n'excède pas une pinte de capacité & qu'on
enveloppe même d'un linge, autrement on
s'exposerait à des accidents funestes par la rupture
de la bouteille dont les fragments pourraient
être lancés à de grandes distances.
Si tout ce que je viens d'exposer sur la décomposition
de l'eau est exact & vrai & si réellement
cette substance est composée, comme
j'ai cherché à l'établir, d'un principe qui lui
est propre, d'hydrogène combiné avec l'oxygène,
il en résulte qu'en réunissant ces deux
principes, on doit refaire de l'eau, & c'est ce
qui arrive en effet, comme on va en juger
par l'expérience suivante.
QUATRIÈME EXPÉRIENCE.
Recomposition de l'eau.
Préparation.
On prend un ballon A de cristal, planche IV,
fig. 5, à large ouverture & dont la capacité
soit de 30 pintes environ ; con y mastique une
platine de cuivre B c percée de quatre trous
auxquels aboutissent quatre tuyaux. Le premier
H h
@
RECOMPOSITION DE L'EAU. 97
H
h est destiné à s'adapter par son extrémité h
à une pompe pneumatique par le moyen de
laquelle on peut faire le vide dans le ballon.
Un second tuyau
g g communique par son
extrémité M M avec un réservoir de gaz oxygène,
& est destiné à l'amener dans le ballon.
Un troisième
d D
d' communique par son extrémité
d N N avec un réservoir de gaz hydrogène
l'extrémité
d' de ce tuyau se termine
par une ouverture très petite & à travers laquelle
une très fine aiguille peut à peine passer.
C'est par cette petite ouverture que doit sortir
le gaz hydrogène contenu dans le réservoir &
pour qu'il ait une vitesse suffisante, on doit lui
faire éprouver une pression de un ou deux
pouces d'eau. Enfin la platine B C est percée
d'un quatrième trou, lequel est garni d'un tube
de verre mastiqué, à travers lequel passe un
fil de métal G L, à l'extrémité L duquel est
adaptée une petite boule, afin de pouvoir tirer
une étincelle électrique de L en
d' pour allumer,
comme on le verra bientôt, le gaz hydrogène.
Le fil de métal G L est mobile dans le tube
de verre afin de pouvoir éloigner la boule L de
l'extrémité
d' de l'ajustoir D
d'. Les trois tuyaux
d' D
d', gg, H
h sont chacun garnis de leur
robinet.
Pour que le gaz hydrogène & le gaz oxygène
G
@
98 RECOMPOSITION DE L'EAU.
arrivent bien secs par les tuyaux respectifs
qui doivent les amener au ballon A, &
qu'ils soient dépouillés d'eau autant qu'ils le
peuvent être, on les fait passer à travers des
tubes MM NN d'un pouce environ de diamètre
qu'on remplit d'un sel très déliquescent,
c'est-à-dire, qui attire l'humidité de l'air avec
beaucoup d'avidité, tels que l'acétite de potasse,
le muriate ou le nitrate de chaux.
Voyez quelle
est la composition de ces sels dans la seconde
partie de cet Ouvrage. Ces sels doivent être
en poudre grossière afin qu'ils ne puissent pas
faire masse & que le gaz passe facilement à travers
les interstices que laissent les morceaux.
On doit s'être prémuni d'avance d'une provision
suffisante de gaz oxygène bien pur ; &
pour s'assurer qu'il ne contient point d'acide
carbonique, on doit le laisser longtemps en contact
avec de la potasse dissoute dans de l'eau,
& qu'on a dépouillée de son acide carbonique
par de la chaux : on donnera plus bas quelques
détails sur les moyens d'obtenir cet alcali.
On prépare avec le même soin le double de
gaz hydrogène. Le procédé le plus sûr pour
l'obtenir exempt de mélange, consiste à le tirer
de la décomposition de l'eau par du fer bien
ductile & bien pur.
Lorsque ces deux gaz sont ainsi préparés, on
@
RECOMPOSITION DE L'EAU. 99
adapte la pompe pneumatique au tuyau H
h,
& on fait le vide dans le grand ballon A: on
y introduit ensuite l'un ou l'autre des deux
gaz; mais de préférence le gaz oxygène par le
tuyau
g g, puis on oblige par un certain degré
de pression le gaz hydrogène à entrer dans le
même ballon par le tuyau
d D
d', dont l'extrémité
d' se termine en pointe. Enfin on allume
ce gaz à l'aide d'une étincelle électrique. En
fournissant ainsi de chacun des deux airs, on
parvient à continuer très longtemps la combustion.
J'ai donné ailleurs la description des appareils
que j'ai employés pour cette expérience,
& j'ai expliqué comment on parvient à mesurer
les quantités de gaz consommés avec une rigoureuse
exactitude.
Voyez la troisième partie de
cet Ouvrage.
Effet.
A mesure que la combustion s'opère, il se
dépose de l'eau sur les parois intérieures du
ballon ou matras : la quantité de cette eau augmente
peu à peu ; elle se réunit en grosses
gouttes qui coulent & se rassemblent dans le
fond du vase.
En pesant le matras avant & après l'opération
il est facile de connaître la quantité d'eau qui
s'en ainsi rassemblée. On a donc dans cette expérience
G ij
@
100 RECOMPOSITION DE L'EAU.
une double vérification ; d'une part le
poids des gaz employés, de l'autre celui de
l'eau formée, & ces deux quantités doivent
être égales. C'est par une expérience de ce
genre que nous avons reconnu, M. Meusnier
& moi, qu'il fallait 85 parties en poids d'oxygène,
& 15 parties également en poids d'hydrogène,
pour composer 100 parties d'eau.
Cette expérience qui n'a point encore été publiée,
a été faite en présence d'une Commission
nombreuse de l'Académie ; nous y avons
apporté les attentions les plus scrupuleuses, &
nous avons lieu de la croire exacte à un deux-
centième près tout au plus.
Ainsi soit qu'on opère par voie de composition
ou de recomposition, on peut regarder
comme constant & aussi bien prouvé qu'on puisse
le faire en Chimie & en Physique, que l'eau
n'est point une substance simple ; qu'elle est
composée de deux principes, l'oxygène & l'hydrogène,
& que ces deux principes séparés l'un
de l'autre, ont tellement d'affinité avec le calorique,
qu'ils ne peuvent exister que sous forme
de gaz, au degré de température & de pression
dans lequel nous vivons.
Ce phénomène de la décomposition & de la
recomposition de l'eau s'opère continuellement
sous nos yeux, à la température de l'atmosphère
@
FERMENTATION ET VÉGÉTATION. 101
& par l'effet des affinités composées. C'est à cette
décomposition que sont dus, comme nous le
verrons bientôt, au moins jusqu'à un certain
point, les phénomènes de la fermentation spiritueuse,
de la putréfaction & même de la
végétation. Il est bien extraordinaire qu'elle ait
échappé jusqu'ici à l'oeil attentif des Physiciens
& des Chimistes & on doit en conclure que
dans les sciences comme dans la morale il est
difficile de vaincre les préjugés dont on a été
originairement imbu, & de suivre une autre
route que celle dans laquelle on est accoutumé
de marcher.
Je terminerai cet article par une expérience
beaucoup moins probante que celles que j'ai
précédemment rapportées, mais qui m'a paru
cependant faire plus d'impression qu'aucune
autre sur un grand nombre de personnes. Si
on brûle une livre ou seize onces d'esprit-de-
vin ou alcool dans un appareil propre à recueillir
toute l'eau qui se dégage pendant la
combustion, on en obtient 17 à 18 onces (1).
Or une matière quelconque ne peut rien fournir
dans une expérience au-delà de la totalité de
-------------------------------------------
(1) Voyez la description de cet appareil dans la
troisième partie de cet Ouvrage.
G iij
@
102 COMBUSTION DE L'ALKOOL.
son poids; il faut donc qu'il s'ajoute une autre
substance à l'esprit-de-vin pendant sa combustion :
or j'ai fait voir que cette autre substance
était la base de l'air, l'oxygène. L'esprit-de-
vin contient donc un des principes de l'eau,
l'
hydrogène; & c'est l'air de l'atmosphère qui
fournit l'autre, l'
oxygène: nouvelle preuve que
l'eau est une substance composée.
@
MESURE DE LA QUANT. DE CALORIQUE. 103
C H A P I T R E I X.
De la quantité de calorique qui se dégage des
différentes espèces de combustion.
N ous avons vu qu'en opérant une combustion
quelconque dans une sphère de glace
creuse, & en fournissant pour l'entretenir de
l'air à zéro du thermomètre, la quantité de
glace fondue dans l'intérieur de la sphère
donnait une mesure, sinon absolue, du moins
relative des quantités de calorique dégagé.
Nous avons donné, M. de la Place & moi, la
description de l'appareil que nous avons employé
dans ce genre d'expériences.
Voyez Mémoires
de l'Acad. des Sciences année 1780,
page 355.
Voyez aussi la 3e partie de cet
Ouvrage. Ayant essayé de déterminer les quantités
de glace qui se fondaient par la combustion
de trois des quatre substances combustibles
simples, savoir, le phosphore, le carbone
& l'hydrogène, nous avons obtenu les résultats
qui suivent.
Pour la combustion d'une livre de phosphore,
............. 100 livres de glace.
Pour la combustion d'une livre de carbone
................ 96 livres ... 8 onces.
G iv
@
104 MESURE DE LA QUANT. DE CALORIQUE.
Pour la combustion d'une livre de gaz hydrogène,
295 livres 9 onces 3 gros & demi.
La substance qui se forme par le résultat de
la combustion du phosphore, étant un acide
concret ; il est probable qu'il reste très peu de
calorique dans cet acide, & que par conséquent
cette combustion fournit un moyen de
connaître, à très peu de chose près, la quantité
de calorique contenue dans le gaz oxygène.
Mais quand on voudrait supposer que
l'acide phosphorique retient encore une quantité
considérable de calorique, comme le phosphore
en contenait aussi une portion avant la
combustion, l'erreur ne pourrait jamais être
que de la différence & par conséquent de peu
d'importance.
J'ai fait voir, page 60, qu'une livre de phosphore
en brûlant absorbait 1 livre 8 onces
d'oxygène; & puisqu'il y a en même tems 100
livres de glace fondue, il en résulte que la
quantité de calorique contenue dans une livre
de gaz oxygène, est capable de faire fondre
66 livres 10 onces 5 gros 24 grains de glace.
Une livre de charbon en brûlant ne fait fondre
que 96 livres 8 onces de glace ; mais il
s'absorbe en même temps 2 livres 9 onces 1 gros
10 grains de gaz oxygène. Or, en partant des
résultats obtenus dans la combustion du phosphore,
@
MESURE DE LA QUANT. DE CALORIQUE. 105
2 liv. 9 onc. 1 gros 10 gains de gaz
oxygène, devraient abandonner assez de calorique
pour fondre 171 livres 6 onces 5 gros de
glace. Il disparaît donc dans cette expérience
une quantité de calorique qui aurait été suffisante
pour faire fondre 74. liv. 14 onc, 5 gros
de glace ; Mais comme l'acide carbonique n'est
point, comme le phosphorique, dans l'état
concret après la combustion, qu'il est au contraire
dans l'état gazeux, il a fallu nécessairement
une quantité de calorique pour le porter
à cet état, & c'est cette quantité qui se trouve
manquante dans la combustion ci-dessus. En la
divisant par le nombre de livres d'acide carbonique
qui se forment par la combustion d'une
livre de charbon, on trouve que la quantité
de calorique nécessaire pour porter une livre
d'acide carbonique de l'état concret à l'état
gazeux, ferait fondre 20 liv. 15 onces 5 gros
de glace.
On peut faire un semblable calcul sur la
combustion de l'hydrogène & sur la formation
de l'eau ; une livre de ce fluide élastique absorbe
en brûlant 5 liv. 10 onc. 5 gros 24 grains
d'oxygène, & fait fondre 295 livres 9 onces
3 gros & demi de glace.
Or, 5 liv. 10 onces 5 gros 24 grains de gaz,
oxygène, en passant de l'état aériforme à l'état
@
106 MESURE DE LA QUANT. DE CALORIQUE.
solide, perdraient, d'après les résultats obtenus
dans la combustion du phosphore, assez de calorique
pour faire fondre une quantité de glace égale à
liv. onc. gros.
377 12 3
Il ne s'en dégage dans la
combustion du gaz hydrogène,
que 295 2 3
----------------
Il en reste donc dans l'eau
qui se forme, lors même qu'elle
est ramenée à zéro du thermomètre.
82 9 7-1/2
Or, comme il se forme 6 liv. 10 onc. 5 gros,
24 grains d'eau dans la combustion d'une livre
de gaz hydrogène, il en résulte qu'il reste dans
chaque livre d'eau, à zéro du thermomètre,
une quantité de calorique égale à celle nécessaire
pour fondre 12 liv. 5 onc. 2 gros 48 grains
de glace, sans parler même de celui contenu
dans le gaz hydrogène, dont il est impossible
de tenir compte dans cette expérience, parce
que nous n'en connaissons pas la quantité. D'où
l'on voit que l'eau, même dans l'état de glace,
contient encore beaucoup de calorique, & que
l'oxygène en conserve une quantité très considérable
en passant dans cette combinaison.
De ces diverses tentatives, on peut résumer
les résultats qui suivent.
@
DANS LA COMBUST. DU PHOSPHORE. 107
Combustion du Phosphore.
liv. onc. gros gr.
Quantité de phosphore brûlé, 1 » » »
Quantité de gaz oxygène nécessaire
pour la combustion, 1 8 » »
----------------
Quantité d'acide phosphorique
obtenu, 2 8 » »
----------------
Quantité de calorique dégagé par la combustion
d'une livre de phosphore, exprimé par la
quantité de livres de glace qu'il peut fondre,
100,00000
Quantité de calorique dégagé de
chaque livre de gaz oxygène dans
la combustion du phosphore, 66,66667
Quantité de calorique qui se dégage
dans la formation d'une livre d'acide
phosphorique, 40,00000
Quantité de calorique resté dans
chaque livre d'acide phosphorique,
0,00000
On suppose ici que l'acide phosphorique ne
conserve aucune portion de calorique, ce qui
n'est pas rigoureusement vrai mais la quantité
(comme on l'a déjà observé plus haut) en est
probablement très petite, & on ne la suppose
nulle que faute de la pouvoir évaluer.
@
108 DANS LA COMBUSTION Du CHARBON.
Combustion du Charbon.
liv. onc. gros gr.
Quantité de charbon brûlé, 1 » » »
Quantité de gaz oxygène absorbé
pendant la combustion, 2 9 1 10
-----------------
Quantité d'acide carbonique formé,
3 9 1 10
Quantité de calorique dégagé par la combustion
d'une livre de charbon, exprimé par la
quantité de livres de glace qu'il peut fondre,
96,50000
Quantité de calorique dégagé de
chaque livre de gaz oxygène, 37,52823
Quantité de calorique qui se dégage
dans la formation d'une livre de
gaz acide carbonique, 27,02024
Quantité de calorique que conserve
une livre d'oxygène dans cette
combustion, 29,13844
Quantité de calorique nécessaire
pour porter une livre d'acide
carbonique à l'état de gaz, 20,97960
@
DANS LA COMB. DU GAZ HYDROGÈNE. 109
Combustion du Gaz hydrogène.
liv. onc. gros gr.
Quantité de gaz hydrogène brûlé,
1 » » »
Quantité de gaz oxygène employé
pour la combustion, 5 10 5 24
-----------------
Quantité d'eau formée, 6 10 5 24
-----------------
Quantité de calorique dégagé par la combustion
d'une livre de gaz hydrogène, 295,58950
Quantité de calorique dégagé par
chaque livre de gaz oxygène, 52,16280
Quantité de calorique qui se dégage
pendant la formation d'une livre
d'eau, 14,33840
Quantité de calorique que conserve
une livre d'oxygène dans sa combustion
avec l'hydrogène, 14,50386
Quantité de calorique que conserve
une livre d'eau à zéro, 12,32823
De la Formation de l'Acide nitrique.
Lorsque l'on combine du gaz nitreux avec
du gaz oxygène pour former de l'acide nitrique
ou nitreux, il y a une légère chaleur produite;
mais elle est beaucoup moindre que celle qui
@
110 DANS LA FORMAT. DE L'ACIDE NITRIQ.
a lieu dans les autres combinaisons de l'oxygène ;
d'où il résulte par une conséquence nécessaire
que le gaz oxygène, en se fixant dans
l'acide nitrique, retient une grande partie du
calorique qui lui était combiné dans l'état de
gaz. Il n'est point impossible sans doute de
déterminer la quantité de calorique qui se dégage
pendant la réunion des deux gaz & on
en conclurait facilement ensuite celle qui demeure
engagée dans la combinaison. On parviendrait
à obtenir la première de ces données;
en opérant la combinaison du gaz nitreux & du
gaz oxygène dans un appareil environné de
glace : mais comme il se dégage peu de calorique
dans cette combinaison, on ne pourrait
réussir à en déterminer la quantité, qu'autant
qu'on opérerait très en grand avec des appareils
embarrassants & compliqués ; & c'est ce
qui nous a empêchés jusqu'ici, de la Place
& moi, de la tenter. En attendant, on peut
déjà y suppléer par des calculs qui ne peuvent
pas s'écarter beaucoup de la vérité.
Nous avons fait détonner, M. de la Place &
moi, dans un appareil à glace une proportion
convenable de salpêtre & de charbon, & nous
avons observé qu'une livre de salpêtre pouvait,
en détonant ainsi, fondre 12 livres de glace.
Mais une livre de salpêtre, comme on
@
DANS LA FORMAT. DE L'ACIDE NITRIQ. 111
le verra dans la suite, contient :
onc. gros grains grains.
Potasse 7 6 51,81 = 4515,81.
Acide sec 8 1 20,16 = 4700,16.
Et les 8 onces 1 gros 20 grains 16 d'acide
sont eux-mêmes composés de
onc. gros grains grains.
Oxygène 6 3 66,34 = 3738,34.
Mofette 1 5 25,82 = 961,82.
On a donc réellement brûlé dans cette opération
2 gros 1 grain 2/3 de charbon, à l'aide de
3738,grains34, ou 6 onces 3 gros 66,grains34
d'oxygène ; & puisque la quantité de glace fondue
dans cette combustion a été de 12 livres, il
eu résulte qu'une livre de gaz oxygène brûlé de
la même manière, fondrait 29,58320
A quoi ajoutant pour la quantité
de calorique que conserve une livre
d'oxygène dans sa combinaison avec
le charbon, pour constituer l'acide
carbonique dans l'état de gaz, & qui
est, comme on l'a vu plus haut,
de 29,13844
---------
On a pour la quantité totale de
calorique que contient une livre
d'oxygène, lorsqu'il est combiné
dans l'acide nitrique, 58,72164
@
112 DANS LA FORMAT. DE L'ACIDE NITRIQ.
On a vu par le résultat de la combustion du
phosphore, que dans l'état de gaz oxygène il
en contenait au moins 66,66667
Donc, en se combinant avec l'azote
pour former de l'acide nitrique,
il n'en perd que 7,94502
Des expériences ultérieures apprendront si ce
résultat déduit par le calcul, s'accorde avec
des opérations plus directes.
Cette énorme quantité de calorique que l'oxygène
porte avec lui dans l'acide nitrique, explique
pourquoi dans toutes les détonations du
nitre, ou pour mieux dire, dans toutes les
occasions où l'acide nitrique se décompose, il
y a un si grand dégagement de calorique.
Combustion de la Bougie.
Après avoir examiné quelques cas de combustions
simples, je vais donner des exemples
de combustions plus composées ; je commence
par la cire.
Une livre de cette substance, en brûlant paisiblement
dans l'appareil à glace destiné à mesurer
les quantités de calorique, fond 133 liv.
2 onces 5 gros 1/3 de glaces.
Or une livre de bougie, suivant les expériences
riences
@
DANS LA COMBUSTION DE LA CIRE. 113
que j'ai rapportées, Mém. de l'Ace.
annnée 1784, page 606, contient :
onc. gros grains
Charbon 13 1 23
Hydrogène 2 6 49
Les 13 onces 1 gros 23 grains de charbon,
d'après les expériences ci-dessus rapportées
devaient fondre liv. de glace.
79,39390
Les 2 onces 6 gros 49 grains
d'hydrogène devaient fondre 52,37605
---------
Total, 131,76995
On voit par ces résultats, que la quantité de
calorique qui se dégage de la bougie qui brûle,
assez exactement égale à celle qu'on obtiendrait
en brûlant séparément un poids de charbon
& d'hydrogène égal à celui qui entre dans
sa combinaison. Les expériences sur la combustion
de la bougie ayant été répétées plusieurs
fois, j'ai lieu de présumer qu'elles sont exactes.
Combustion de l'Huile d'olives.
Nous avons enfermé dans l'appareil ordinaire
une lampe qui contenait une quantité d'huile
d'olives bien connue ; & l'expérience finie
nous avons déterminé exactement le poids de
l'huile qui avait été consommée & celui de
H
@
114 DANS LA COMBUSTION DE L'HUILE.
la glace qui avait été fondue ; le résultat a été
qu'une livre d'huile d'olives en brûlant pouvait
fondre 148 livr. 14 onc. 1 gros de glace.
Mais une livre d'huile d'olives, d'après les
expériences que j'ai rapportées, Mémoires de
l'Acad. année 1784, & dont on trouvera un
extrait dans le chapitre suivant, contient
onc. gros grains.
Charbon 12 5 5
Hydrogène 3 2 67
La combustion de 12 onces 5 gros 5 grains
liv. de glace
de charbon, ne devait fondre que 76,18723
Et celle de 3 onces 2 gros 67
grains d'hydrogène, 62,15053
---------
Total, 138,33776
Il s'en est fondu 148,88330
----------
Le dégagement de calorique a
donc été plus considérable qu'il
ne devait l'être d'une quantité
équivalente à 10,54554
---------
Cette différence qui n'est pas au surplus très
considérable peut tenir ou à des erreurs inévitables
dans les expériences de ce genre, ou à
ce que la composition de l'huile n'est pas encore
assez rigoureusement connue. Mais il en
@
PLAN D'EXPÉRIENCE SUR LE CALORIQ. 115
résulte toujours qu'il y a déjà beaucoup d'ensemble
& d'accord dans la marche des expériences
relatives à la combinaison & au dégagement
du calorique.
Ce qui reste à faire dans ce moment & dont
nous sommes occupés, est de déterminer ce que
l'oxygène conserve de calorique dans sa combinaison
avec les métaux pour les convertir
en oxydes ; ce que l'hydrogène en contient,
dans les différeras états dans lesquels il peut
exister ; enfin de connaître d'une manière plus
exacte la quantité de calorique qui se dégage
dans la formation de l'eau. Il nous reste
sur cette détermination une incertitude assez
grande qu'il est nécessaire de lever par de nouvelles
expériences. Ces différents points bien
connus, & nous espérons qu'ils le feront bientôt,
nous nous trouverons vraisemblablement
obligés de faire des corrections peut être même
assez considérables, à la plupart des résultats
que je viens d'exposer ; mais je n'ai pas cru
que ce fût une raison de différer d'en aider
ceux qui pourront se proposer de travailler sur
le même objet. Il est difficile quand on cherche
les éléments d'une science nouvelle, de ne
pas commencer par des à-peu-près ; & il est
rare qu'il soit possible de la porter dès le premier
jet à son état de perfection.
H ij
@
116 DES COMBUSTIBLES COMPOSÉS.
C H A P I T R E X.
De la combinaison des Substances combustibles
les unes avec les autres.
L es substances combustibles étant en général
celles qui ont une grande appétence pour
l'oxygène, il en résulte qu'elles doivent avoir de
l'affinité entre elles, qu'elles doivent tendre à se
combiner les unes avec les autres :
quae sunt eadem
uni tertio sunt eadem inter se ; & c'en ce qu'on
observe en effet. Presque tous les métaux, par
exemple, sont susceptibles de se combiner les
uns avec les autres, & il en résulte un ordre
de composés qu'on nomme alliage dans les
usages de la société. Rien ne s'oppose à ce que
nous adoptions cette expression ainsi nous dirons
que la plupart des métaux s'allient les uns avec
les autres; que les alliages, comme toutes les
combinaisons, sont susceptibles d'un ou de
plusieurs degrés de saturation : que les substances
métalliques dans cet état sont en général
plus cassantes que les métaux purs, surtout
lorsque les métaux alliés diffèrent beaucoup par
leur degré de fusibilité; enfin nous ajouterons
que c'est à cette différence des degrés de fusibilité
@
DES ALLIAGES MÉTALLIQUES. 117
des métaux que sont dus une partie des
phénomènes particuliers que présentent les alliages,
tels, par exemple, que la propriété qu'ont
quelques espèces de fer d'être cassants à chaud.
Ces fers doivent être considérés comme un alliage
de fer pur, métal presque infusible, avec
une petite quantité d'un autre métal, quel qu'il
soit, qui se liquéfie à une chaleur beaucoup
plus douce. Tant qu'un alliage de cette espèce
est froid, & que les deux métaux sont dans
l'état solide, il peut être malléable ; mais si on
le chauffe à un degré suffisant pour liquéfier
celui des deux métaux qui est le plus fusible,
les parties liquides interposées entre les solides
doivent rompre la solution de continuité, &
le fer doit devenir cassant.
A l'égard des alliages du mercure avec les
métaux, on a coutume de les désigner sous le
nom d'amalgame, & nous n'avons vu aucun inconvénient
à leur conserver cette dénomination:
Le soufre, le phosphore, le charbon sont
également susceptibles de se combiner avec les
métaux ; les combinaisons du soufre ont été
en général désignées sous le nom de pyrites ;
les autres n'ont point été nommées, ou du
moins elles ont reçu des dénominations si modernes
que rien ne s'oppose à ce qu'elles soient
changées.
H iii
@
118 DES SULPHURES, PHOSPHURE, &c.
Nous avons donné aux premières de ces
combinaisons le nom de sulfures, aux secondes
celui de phosphures, enfin aux troisièmes celui
de carbures. Ainsi le soufre, le phosphore, le
charbon oxygénés forment des oxydes ou des
acides ; mais lorsqu'ils entrent dans des combinaisons
sans s'être auparavant oxygénés, ils
forment des sulfures, des phosphures & des
carbures. Nous étendrons même ces dénominations
aux combinaisons alcalines ; ainsi nous
désignerons sous le nom de sulfure de potasse
la combinaison du soufre avec la potasse ou
alcali fixe végétal, & sous le nom de sulfure
d'ammoniaque la combinaison du soufre avec
l'alcali volatil ou ammoniaque.
L'hydrogène, cette substance éminemment
combustible est aussi susceptible de se combiner
avec un grand nombre de substances combustibles.
Dans l'état de gaz il dissout le carbone,
le soufre, le phosphore & plusieurs métaux.
Nous désignerons ces combinaisons sous le nom
de gaz hydrogène carbonisé, de gaz hydrogène
sulfurisé, de gaz hydrogène phosphoré. Le
second de ces gaz, le gaz hydrogène sulfurisé
est celui que les chimistes ont désigné sous le
nom de
gaz hépatique, & que M. Scheele a
nommé
gaz puant du soufre ; c'est à lui que
quelques eaux minérales doivent leurs vertus ;
@
DU GAZ HYDROGÈNE PHOSPHORISÉ. 119
c'en aussi à son émanation que les déjections
animales doivent principalement leur odeur infecte.
A l'égard du gaz hydrogène phosphoré,
il est remarquable par la propriété qu'il a de
s'enflammer spontanément lorsqu'il a le contact
de l'air ou mieux encore celui du gaz oxygène,
comme l'a découvert M. Gengembre. Ce gaz
a l'odeur du poisson pourri, & il est probable
qu'il s'exhale en effet un véritable gaz hydrogène
phosphoré de la chair des poissons par
la putréfaction.
Lorsque l'hydrogène & le carbone s'unissent
ensemble sans que l'hydrogène ait été porté à
l'état de gaz par le calorique, il en résulte une
combinaison particulière connue sous le nom
d'huile, & cette huile est ou fixe ou volatile,
suivant les proportions de l'hydrogène & du
carbone.
Il ne fera pas inutile d'observer ici qu'un des
principaux caractères qui distingue les huiles
fixes retirées des végétaux par expression d'avec
les huiles volatiles ou essentielles, c'est que les
premières contiennent un excès de carbone qui
s'en sépare lorsqu'on les échauffe au-delà du
degré de l'eau bouillante : les huiles volatiles
au contraire étant formées d'une plus juste proportion
de carbone & d'hydrogène, ne font point
susceptibles d'être décomposées à un degré de
H iv
@
120 DES COMBINAISONS HUILEUSES.
chaleur supérieur à l'eau bouillante ; les deux
principes qui les constituent demeurent unis ;
ils se combinent avec le calorique pour former
un gaz, & c'est dans cet état que ces huiles
passent dans la distillation.
J'ai donné la preuve que les huiles étaient
ainsi composées d'hydrogène & de carbone dans
un mémoire sur la combinaison de l'esprit de
vin & des huiles avec l'oxygène, imprimé dans
le recueil de l'Académie, année 1784, page 593.
On y verra que les huiles fixes en brûlant dans
le gaz oxygène se convertissent en eau & en
acide carbonique, & qu'en appliquant le calcul
à l'expérience, elles sont composées de 21
parties d'hydrogène & de 79 parties de carbone.
Peut-être les substances huileuses solides, telles
que la cire, contiennent-elles en outre un peu
d'oxygène auquel elles doivent leur état solide.
Je suis au surplus occupé dans ce moment
d'expériences qui donneront un grand développement
à toute cette théorie.
C'est une question bien digne d'être examinée,
de savoir si l'hydrogène, est susceptible de
se combiner avec le soufre, le phosphore &
même avec les métaux dans l'état concret. Rien
n'indique sans doute
à priori que ces combinaisons
soient impossibles; car puisque les corps
combustibles sont en général susceptibles de se
@
DES COMBIN. HYDROGENO-MÉTALLIQ. 121
combiner les une avec les autres, on ne voit
pas pourquoi l'hydrogène ferait exception. Mais
en même temps. aucune expérience directe ne
prouve encore ni la possibilité ni l'impossibilité
de cette union. Le fer & le zinc sont de tous
les métaux ceux dans lesquels on serait le plus
en droit de soupçonner une combinaison d'hydrogène :
mais en même temps ces métaux ont
la propriété de décomposer l'eau ; & comme
dans les expériences chimiques il est difficile
de se débarrasser des derniers vestiges d'humidité,
il n'est pas facile de s'assurer si les petites
portions de gaz hydrogène qu'on obtient dans
quelques expériences sur ces métaux leur étaient
combinées, ou bien si elles proviennent de la
décomposition de quelques molécules d'eau. Ce
qu'il y a de certain, c'est que plus on prend
soin d'écarter l'eau de ce genre d'expérience,
plus la quantité de gaz hydrogène diminue, &
qu'avec de très grandes précautions on parvient
à n'en avoir que des quantités presque insensibles.
Quoi qu'il en soit, que les corps combustibles,
notamment le soufre, le phosphore & les métaux,
soient susceptibles ou non d'absorber de
l'hydrogène, on peut assurer au moins qu'il ne
s'y combine qu'en très petite quantité ; & que
cette combinaison loin d'être essentielle à leur
@
122 COMBINAISONS HYDROGENO-METALL.
constitution, ne peut être regardée que comme
une addition étrangère qui en altère la pureté.
C'est au surplus à ceux qui ont embrassé ce
système à prouver par des expériences décisives
l'existence de cet hydrogène, & jusqu'à présent
ils n'ont donné que des conjectures appuyées
sur des suppositions.
@
DES ACIDES A PLUSIEURS BASES. 123
C H A P I T R E X I.
Considérations sur les oxydes & les Acides à
plusieurs bases & sur la composition des
matières végétales & animales.
N ous avons examiné dans le chapitre cinquième
& dans le chapitre huitième quel était
le résultat de la combustion & de l'oxygénation
des quatre substances combustibles simples, le
phosphore, le soufre, le carbone & l'hydrogène :
nous avons fait voir dans le chapitre
dixième que les substances combustibles simples
étaient susceptibles de se combiner les unes avec
les autres, pour former des corps combustibles
composés, & nous avons observé que les huiles
en général, principalement les huiles fixes des
végétaux, appartenaient à cette classe, & qu'elles
étaient toutes compotées d'hydrogène & de
carbone. Il me reste à traiter dans ce chapitre
de l'oxygénation des corps combustibles composés,
à faire voir qu'il existe des acides & des
oxydes à base double & triple, que la nature
nous en fournit à chaque pas des exemples, &
que c'est principalement par ce genre de combinaisons
qu'elle est parvenue à former avec
@
124 ACIDE NITRO-MURIATIQUE.
un aussi petit nombre d'éléments ou de corps
simples une aussi grande variété de résultats.
On avait très anciennement remarqué qu'en
mêlant ensemble de l'acide muriatique & de
l'acide nitrique, il en résultait un acide mixte
qui avait des propriétés fort différentes de celles
des deux acides dont il était composé. Cet
acide a été célèbre par la propriété qu'il a de
dissoudre l'or,
le Roi des métaux dans le langage
alchimique, & c'est de là que lui a été
donnée la qualification brillante
d'eau régale. Cet
acide mixte, comme l'a très bien prouvé
M. Berthollet, a des propriétés particulières,
dépendantes de l'action combinée de ses deux
bases acidifiables, & nous avons cru par cette
raison devoir lui conserver un nom particulier.
Celui d'acide nitro-muriatique nous a paru le
plus convenable, parce qu'il exprime la nature
des deux substances qui entrent dans sa composition.
Mais ce phénomène qui n'a été observé que
pour l'acide nitro-muriatique se présente continuellement
dans le règne végétal : il est infiniment
rare d'y trouver un acide simple, c'est-
à-dire qui ne soit composé que d'une seule base
acidifiable. Tous les acides de ce règne ont
pour base l'hydrogène & le carbone, quelquefois
l'hydrogène, le carbone & le phosphore,
@
ACIDES VÉGÉTAUX ET ANIMAUX. 125
le tout combiné avec une proportion plus ou
moins considérable d'oxygène. Le règne végétal
a également des oxydes qui sont formés des
mêmes bases doubles & triples, mais moins
oxygénés.
Les acides & oxydes du règne animal sont
encore plus composés ; il entre dans la combinaison
de la plupart quatre bases acidifiables
l'hydrogène, le carbone, le phosphore & l'azote.
Je ne m'étendrai pas beaucoup ici sur cette
matière sur laquelle il n'y a pas longtemps que
je me suis formé des idées claires & méthodiques :
je la traiterai plus à fond dans des
Mémoires que je prépare pour l'Académie. La
plus grande partie de mes expériences sont
faites, mais il est nécessaire que je les répète &
que je les multiplie davantage, afin de pouvoir
donner des résultats exacts pour les quantités.
Je me contenterai en conséquence de faire une
courte énumération des oxydes & acides végétaux
& animaux, & de terminer cet article par
quelques réflexions sur la constitution végétale
& animale.
Les oxydes végétaux â deux bases sont le
sucre, les différentes espèces de gomme que
nous avons réunies sous le nom générique de
muqueux, & l'amidon. Ces trois substances ont
pour radical l'hydrogène & le carbone combinés
@
126 OXIDES HYDRO-CARBONEUX.
ensemble, de manière à ne former qu'une
seule base, & portés à l'état d'oxyde par une
portion d'oxygène ; ils ne diffèrent que par
la proportion des principes qui composent la
base. On peut de l'état d'oxyde les faire passer
à celui d'acide en leur combinant une nouvelle
quantité d'oxygène, & on forme ainsi, suivant
le degré d'oxygénation & la proportion de
l'hydrogène & du carbone les différents acides
végétaux,
Il ne s'agirait plus pour appliquer à la nomenclature
des acides & des oxydes végétaux
les principes que nous avons précédemment
établis pour les oxydes & les acides minéraux;
que de leur donner des noms relatifs à la nature
des deux substances qui composent leur
base. Les oxydes & les acides végétaux seraient
alors des oxydes & des acides hydro-carboneux:
bien plus on aurait encore dans cette méthode
l'avantage de pouvoir indiquer sans périphrases
quel est le principe qui est en excès, comme
M. Rouelle l'avait imaginé pour les extraits
végétaux : il appelait extracto-résineux celui où
l'extrait dominait, & résino-extractif celui qui
participait davantage de la résine.
En partant des mêmes principes, & en variant
les terminaisons pour donner encore plus
d'étendue à ce langage, on aurait pour désigner
@
NOMENCLATURE. 127
les acides & les oxydes végétaux, les dénominations
suivantes :
Oxyde hydro-carboneux.
Oxyde hydro-carbonique.
Oxyde carbone-hydreux.
Oxyde carbone-hydrique.
Acide hydro-carboneux.
Acide hydro-carbonique.
Acide hydro-carbonique oxygéné,
Acide carbone-hydreux.
Acide carbone-hydrique.
Acide carbone-hydrique oxygéné.
Il est probable que cette variété de langage
sera suffisante pour indiquer toutes les variétés
que nous présente la nature, & qu'à mesure
que les acides végétaux seront bien connus,
ils se rangeront naturellement : & pour ainsi
dire d'eux-mêmes dans le cadre que nous venons
de présenter. Mais il s'en faut bien que
nous soyons encore en état de pouvoir faire
une classification méthodique de ces substances :
nous savons quels sont les principes qui les
composent, & il ne me reste plus aucun doute
à cet égard ; mais les proportions sont encore
inconnues. Ce sont ces considérations qui nous
ont déterminés à conserver provisoirement les
@
128 NOMENCLATURE PROVISOIRE.
noms anciens; & maintenant encore que je suis
un peu plus avancé dans cette carrière que je
ne l'étais à l'époque où notre essai de nomenclature
a paru, je me reprocherais de tirer des
conséquences trop décidées d'expériences qui
ne sont pas encore assez précises : mais en convenant
que cette partie de la Chimie reste en
souffrance, je puis y ajouter l'espérance qu'elle
sera bientôt éclaircie.
Je me trouve encore plus impérieusement forcé
de prendre le même parti à l'égard des oxydes
& des acides à trois & quatre bases dont le
règne animal présente un grand nombre d'exemples,
& qui se rencontrent même quelquefois
dans le règne végétal. L'azote, par exemple entre
dans la composition de l'acide prussique; il s'y
trouve joint à l'hydrogène & au carbone, pour
former une base triple ; il entre également, à ce
qu'on peut croire, dans l'acide gallique. Enfin
presque tous les acides animaux ont pour base
l'azote, le phosphore & l'hydrogène & le carbone.
Une nomenclature qui entreprendrait
d'exprimer à la fois ces quatre bases, serait
méthodique sans doute ; elle aurait l'avantage
d'exprimer des idées claires & déterminées : mais
cette cumulation de substantifs & d'adjectifs grecs
& latins, dont les Chimistes même n'ont point
encore admis généralement l'usage, semblerait
présenter
@
NOMENCLATURE PROVISOIRE. 129
présenter un langage barbare, également difficile
à retenir & à prononcer. La perfection d'ailleurs
de la science doit précéder celle du langage, &
il s'en faut bien que cette partie de la Chimie
soit encore parvenue au point auquel elle doit
arriver un jour. Il est donc indispensable de
conserver, au moins pour un temps, les noms
anciens pour les acides & oxydes animaux. Nous
nous sommes seulement permis d'y faire quelques
légères modifications ; par exemple, de terminer
en
eux la dénomination de ceux dans lesquels
nous soupçonnons que le principe acidifiable
est en excès, & de terminer au contraire en
ique le nom de ceux dans lesquels nous avons
lieu de croire que l'oxygène est prédominant.
Les acides végétaux qu'on connaît jusqu'à
présent, sont au nombre de treize ; savoir :
L'acide acéteux.
L'acide acétique.
L'acide oxalique.
L'acide tartreux.
L'acide pyro-tartreux.
L'acide citrique,
L'acide malique.
L'acide pyro-muqueux.
L'acide pyro-ligneux.
L'acide gallique.
L'acide benzoïque.
@
130 ÉQUILIBRE ENTRE LES PRINCIPES.
L'acide camphorique.
L'acide succinique.
Quoique tous ces acides soient, comme je
l'ai dit, principalement & presque uniquement
composés d'hydrogène, de carbone & d'oxygène,
ils ne contiennent cependant, à proprement
parler, ni eau, ni acide carbonique, ni
huile, mais seulement les principes propres à
les former. La force d'attraction qu'exercent
réciproquement l'hydrogène, le carbone & l'oxygène,
est dans ces acides dans un état d'équilibre
qui ne peut exister qu'à la température
dans laquelle nous vivons : pour peu qu'on les
échauffe au-delà du degré de l'eau bouillante,
l'équilibre est rompu ; l'oxygène & l'hydrogène
se réunissent pour former de l'eau ; une portion
du carbone s'unit à l'hydrogène pour produire
de l'huile ; il se forme aussi de l'acide carbonique
par la combinaison du carbone & de l'oxygène ;
enfin il se trouve presque toujours une
quantité excédante de charbon qui reste libre.
C'est ce que je me propose de développer un
peu davantage dans le Chapitre suivant.
Les oxydes du règne animal sont encore moins
connus que ceux du règne végétal, & leur nombre
même est encore indéterminé. La partie
rouge du sang, la lymphe, presque toutes les
sécrétions sont de véritables oxydes ; & c'est
@
ACIDES ANIMAUX. 131
sous ce point de vue qu'il est important de les
étudier.
Quant aux acides animaux, le nombre de
ceux qui sont connus se borne actuellement à
six ; encore est-il probable que plusieurs de ces
acides rentrent les uns dans les autres, ou au
moins ne diffèrent que d'une manière peu sensible.
Ces acides sont :
L'acide lactique.
L'acide saccho-lactique.
L'acide bombique.
L'acide formique.
L'acide sébacique.
L'acide prussique.
Je ne place pas l'acide phosphorique au rang
des acides animaux, parce qu'il appartient également
aux trois règnes.
La connexion des principes qui constituent
les acides & les oxydes animaux, n'est pas plus
solide que celle des acides & des oxydes végétaux ;
un très léger changement dans la température
suffit pour la troubler, & c'est ce que
j'espère rendre plus sensible par les observations
que je vais rapporter dans le Chapitre
suivant.
I ij
@
132 DÉCOMPOSITION DES VÉGÉTAUX.
C H A P I T R E X I I.
De la décomposition des Matières, végétales
& animales par l'action du feu.
P our bien concevoir ce qui se passe dans
la décomposition des substances végétales par
le feu, il faut non seulement considérer la nature
des principes, qui entrent dans leur composition,
mais encore les différentes forces
d'attraction que les molécules de ces principes
exercent les unes sur les autres, & en même
temps celle que le calorique exerce sur eux.
Les principes vraiment constitutifs des végétaux
se réduisent à trois, comme je viens de
l'exposer dans le Chapitre précédent ; l'hydrogène,
l'oxygène & le carbone. Je les appelle
constitutifs, parce qu'ils sont communs à tous
les végétaux, qu'il ne peut exister de végétaux
sans eux ; à la différence des autres substances
qui ne sont essentielles qu'à la constitution de
tel végétal en particulier, mais non pas de
tous les végétaux en général.
De ces trois principes, deux, l'hydrogène &
l'oxygène, ont une grande tendance à s'unir
au calorique & à se convertir en gaz ; tandis
@
DÉCOMPOSITION DES VÉGÉTAUX. 133
que le carbone au contraire est un principe fixe
& qui a très peu d'affinité avec le calorique.
D'un autre côté, l'oxygène qui tend avec un
degré de force à peu près égale à s'unir, soit
avec l'hydrogène, soit avec le carbone, à la
température habituelle dans laquelle nous vivons,
a au contraire plus d'affinité avec le carbone
à une chaleur rouge ; l'oxygène quitte
en conséquence à ce degré l'hydrogène, &
s'unit au carbone pour former de l'acide carbonique.
Je me servirai quelquefois de cette expression
chaleur rouge, quoiqu'elle n'exprime pas un
degré de chaleur bien déterminée, mais beaucoup
supérieure cependant à celle de l'eau
bouillante.
Quoique nous soyons bien éloignés de connaître
la valeur de toutes ces forces, & de pouvoir
en exprimer l'énergie par des nombres,
au moins sommes-nous certains par ce qui se
passe journellement sous nos yeux, que quelque
variables qu'elles soient en raison du degré de
température, ou, ce qui est la même chose, en
raison de la quantité de calorique avec lequel
elles sont combinées, elles sont toutes à peu près
en équilibre à la température dans laquelle nous
vivons ; ainsi les végétaux ne contiennent ni
huile ni eau, ni acide carbonique ; mais ils
I iij
@
134 DÉCOMPOSITION DES VÉGÉTAUX.
contiennent les éléments de toutes ces substances.
L'hydrogène n'est point combiné, ni avec l'oxygène,
ni avec le carbone, & réciproquement ;
mais les molécules de ces trois substances forment
une combinaison triple, d'où résultent le
repos & l'équilibre.
Un changement très léger dans la température
suffit pour renverser tout cet échafaudage
de combinaisons, s'il est permis de se servir de
cette expression. Si la température à laquelle le
végétal est exposé n'excède pas beaucoup celle
de l'eau bouillante, l'hydrogène & l'oxygène se
réunissent & forment de l'eau qui passe dans la
distillation; une portion d'hydrogène & de carbone
s'unissent ensemble pour former de l'huile
volatile, une autre portion de carbone devient
libre, & comme le principe le plus fixe, il
reste dans la cornue. Mais si au lieu d'une chaleur
voisine de l'eau bouillante on applique à
une substance végétale une chaleur rouge, alors
ce n'est plus de l'eau qui se forme, ou plutôt
même celle qui pouvait s'être formée par la
première impression de la chaleur se décompose ;
l'oxygène s'unit au carbone avec lequel
il a plus d'affinité à ce degré ; il se forme de
l'acide carbonique, & l'hydrogène devenu libre
s'échappe sous la forme de gaz, en s'unissant
au calorique. Non seulement à ce degré il ne
@
DÉCOMPOSITION DES VÉGÉTAUX. 135
se forme point d'huile, mais s'il s'en était formé,
elle serait décomposée.
On voit donc que la décomposition des matières
végétales se fait à ce degré, en vertu
d'un jeu d'affinités doubles & triples, & que
tandis que le carbone attire l'oxygène pour former
de l'acide carbonique, le calorique attire
l'hydrogène pour former du gaz hydrogène.
Il n'est point de substance végétale dont la
distillation ne fournisse la preuve de cette théorie,
si toutefois on peut appeler de ce nom un
simple énoncé des faits. Qu'on distille du sucre;
tant qu'on ne lui fera éprouver qu'une chaleur
inférieure à celle de l'eau bouillante, il ne perdra
qu'un peu d'eau de cristallisation ; il sera
toujours du sucre & il en conservera toutes les
propriétés : mais sitôt qu'on l'expose à une chaleur
tant soit peu supérieure à celle de l'eau
bouillante, il noircit ; une portion de carbone
se sépare de la combinaison, en même temps
il passe de l'eau légèrement acide, & un peu
d'huile ; le charbon qui reste dans la cornue,
forme près d'un tiers du poids originaire.
Le jeu des affinités est encore plus compliqué
dans les plantes qui contiennent de l'azote,
comme les crucifères, & dans celles qui contiennent
du phosphore ; mais comme ces substances
n'entrent qu'en petite quantité dans leur
I iv
@
136 DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ANIMALES.
combinaison, elles n'apportent pas de grands
changements, au moins en apparence, dans les
phénomènes de la distillation : il paraît que le
phosphore demeure combiné avec le charbon,
qui lui communique de la fixité. Quant à l'azote,
il s'unit à l'hydrogène pour former de l'ammoniaque
ou alcali volatil.
Les matières animales étant composées à peu
près des mêmes principes que les plantes crucifères,
leur distillation donne le même résultat ;
mais comme elles contiennent plus d'hydrogène
& plus d'azote, elles fournissent plus
d'huile & plus d'ammoniaque. Pour faire connaître
avec quelle ponctualité cette théorie rend
compte de tous les phénomènes qui ont lieu
dans la distillation des matières animales, je ne
citerai qu'un fait ; c'est la rectification & la décomposition
totale des huiles volatiles animales,
appelées vulgairement
huiles de Dippel. Ces
huiles, lorsqu'on les obtient par une première
distillation à feu nu, sont brunes parce qu'elles
contiennent un peu de charbon presque libre ;
mais elles deviennent blanches par la rectification.
Le carbone tient si peu à ces combinaisons,
qu'il s'en sépare par leur simple exposition
à l'air. Si on place une huile volatile animale
bien rectifiée & par conséquent blanche,
limpide & transparente, sous une cloche remplie
@
HUILES ANIMALES. 137
de gaz oxygène, en peu de temps le volume
du gaz diminue & il est absorbé par l'huile.
L'oxygène se combine avec l'hydrogène de
l'huile, pour former de l'eau qui tombe au
fond ; en même temps la portion de charbon
qui était combinée avec l'hydrogène, devient
libre & se manifeste par sa couleur noire. C'est
par cette raison que ces huiles ne se conservent
blanches & claires, qu'autant qu'on les
enferme dans des flacons bien bouchés, &
qu'elles noircissent dès qu'elles ont le contact
de l'air.
Les rectifications successives de ces mêmes
huiles présentent un autre phénomène confirmatif
de cette théorie. A chaque fois qu'on les
distille, il reste un peu de charbon au fond de
la cornue, en même temps il se forme un peu
d'eau par la combinaison de l'oxygène de l'air
des vaisseaux avec l'hydrogène de l'huile. Comme
ce même phénomène a lieu à chaque distillation
de la même huile, il en résulte qu'au
bout d'un grand nombre de rectifications successives,
surtout si on opère à un degré de
feu un peu fort & dans des vaisseaux d'une
capacité un peu grande, la totalité de l'huile
se trouve décomposée, & l'on parvient à la
convertir entièrement en eau & en charbon.
Cette décomposition totale de l'huile par des
@
138 HUILES ANIMALES.
rectifications répétées, est beaucoup plus longue
& beaucoup plus difficile, quand on opère
avec des vaisseaux d'une petite capacité, &
surtout à un degré de feu lent & peu supérieur
à celui de l'eau bouillante. Je rendrai compte
à l'Académie, dans un Mémoire particulier, du
détail de mes expériences sur cette décomposition
des huiles ; mais ce que j'ai dit me parait
suffire pour donner des idées précises de la
constitution des matières végétales & animales
& de leur décomposition par le feu.
@
FERMENTATION VINEUSE. 139
C H A P I T R E X I I I.
De la décomposition des Oxydes végétaux par
la fermentation vineuse.
T out le monde sait comment se fait le vin,
le cidre, l'hydromel & en général toutes les
boissons fermentées spiritueuses. On exprime le
jus des raisins & des pommes; on étend d'eau
ce dernier ; on met la liqueur dans de grandes
cuves, & on la tient dans un lieu dont la température
soit au moins de 10 degrés, du thermomètre
de Réaumur. Bientôt il s'y excite un
mouvement rapide de fermentation, des bulles
d'air nombreuses viennent crever à la surface,
& quand la fermentation est à son plus haut
période, la quantité de ces bulles est si grande,
la quantité de gaz qui se dégage est si considérable,
qu'on croirait que la liqueur est sur un
brasier ardent qui y excite une violente ébullition.
Le gaz qui se dégage est de l'acide carbonique,
& quand on le recueille avec soin,
il est parfaitement pur & exempt du mélange
de toute autre espèce d'air ou de gaz.
Le suc des raisins, de doux & de sucré qu'il
était, se change dans cette opération en une liqueur
@
140 FERMENTATION VINEUSE.
vineuse qui, lorsque la fermentation est
complète, ne contient plus de sucre, & dont
on peut retirer par distillation une liqueur inflammable
qui est connue dans le commerce &
dans les arts sous le nom d'esprit de vin. On
sent que cette liqueur étant un résultat de la
fermentation d'une matière sucrée quelconque
suffisamment étendue d'eau, il aurait été contre
les principes de notre nomenclature de la nommer
plutôt esprit de vin qu'esprit de cidre, ou
esprit de sucre fermenté. Nous avons donc été
forcés d'adopter un nom plus général, & celui
d'
alcool qui nous vient des arabes nous a paru
propre à remplir notre objet.
Cette opération est une des plus frappantes
& des plus extraordinaires de toutes celles que
la Chimie nous présente, & nous avons à examiner
d'où vient le gaz acide carbonique qui
se dégage, d'où vient l'esprit inflammable qui
se forme, & comment un corps doux, un oxyde
végétal peut se transformer ainsi en deux substances
si différentes, dont l'une est combustible,
l'autre éminemment incombustible. On voit que
pour arriver à la solution de ces deux questions,
il fallait d'abord bien connaître l'analyse & la
nature du corps susceptible de fermenter, &
les produits de la fermentation ; car rien ne se
crée, ni dans les opérations de l'art, ni dans
@
FERMENTATION VINEUSE. 141
celles de la nature, & l'on peut poser en principes
que dans toute opération, il y a une
égale quantité de matière avant & après l'opération ;
que la qualité & la quantité des principes
est la même & qu'il n'y a que des
changements, des modifications.
C'est sur ce principe qu'est fondé tout l'art
de faire des expériences en Chimie : on est
obligé de supposer dans toutes une véritable
égalité ou équation entre les principes du corps
qu'on examine, & ceux qu'on en retire par
l'analyse. Ainsi puisque du moût de raisin donne
du gaz acide carbonique & de l'alcool, je puis
dire que le
moût de raisin =
acide carbonique
+
alcool. Il résulte de là qu'on peut parvenir
de deux manières à éclaircir ce qui se passe
dans la fermentation vineuse ; la première, en
déterminant bien la nature & les principes du
corps fermentescible ; la seconde, en observant
bien les produits qui en résultent par la fermentation,
& il est évident, que les connaissances
que l'on peut acquérir sur l'un conduisent
à des conséquences certaines sur la nature
des autres, & réciproquement.
Il était important d'après cela que je m'attachasse
à bien connaître les principes constituants
du corps fermentescible. On conçoit que
pour y parvenir je n'ai pas été chercher les
@
142 ANALYSE DU SUCRE.
sucs de fruits très composés, & dont une analyse
rigoureuse serait peut-être impossible. J'ai
choisi de tous les corps susceptibles de fermenter
le plus simple ; le sucre dont l'analyse est
facile, & dont j'ai déjà précédemment fait connaître
la nature. On se rappelle que cette substance
est un véritable oxyde végétal, un oxyde
à deux bases ; qu'il est composé d'hydrogène
& de carbone porté à l'état d'oxyde par une
certaine proportion d'oxygène, & que ces trois
principes sont dans un état d'équilibre qu'une
force très légère suffit pour rompre : une longue
suite d'expériences faites par différentes voies
& que j'ai répétées bien des fois, m'a appris
que les proportions des principes qui entrent
dans la composition du sucre sont à-peu-près
les suivantes.
Hydrogène, 8 parties.
Oxygène, 64
Carbone, 28
-----
Total, 100
Pour faire fermenter le sucre il faut d'abord
l'étendre d'environ quatre parties d'eau. Mais
de l'eau & du sucre mêlés ensemble, dans
quelque proportion que ce soit, ne fermenteraient
jamais seuls, & l'équilibre subsisterait
toujours entre les principes de cette combinaison,
@
FERMENTATION DU SUCRE. 143
si on ne le rompait par un moyen quelconque.
Un peu de levure de bière suffit pour
produire cet effet & pour donner le premier
mouvement à la fermentation : elle se continue
ensuite d'elle-même jusqu'à la fin. Je rendrai
compte ailleurs des effets de la levure & de
ceux des ferments en général. J'ai communément
employé dix livres de levure en pâte pour un
quintal de sucre & une quantité d'eau égale à
quatre fois le poids du sucre : ainsi la liqueur
fermentescible se trouvait composée ainsi qu'il
suit : je donne ici les résultats de mes expériences
tels que je les ai obtenus, & en conservant
même jusqu'aux fractions que m'a
données le calcul de réduction.
Matériaux de la fermentation pour un quintal
de sucre.
@
144 FERMENTATION DU SUCRE.
Après
@
PRODUITS DE LA FERMENTATION. 145
Après avoir bien déterminé quelle est la
nature & la quantité des principes qui constituent
les matériaux de la fermentation, il reste
à examiner quels en sont les produits. Pour
parvenir à les connaître, j'ai commencé par
renfermer les 510 livres de liqueur ci-dessus
dans un appareil, par le moyen duquel je
pouvais, non seulement déterminer la qualité
& la quantité des gaz à mesure qu'ils se dégageaient,
mais encore peser chacun des produits
séparément, à telle époque de la fermentation
que je le jugeais à propos. Il serait trop long
de décrire ici cet appareil qui se trouve au
surplus décrit dans la troisième partie de cet
Ouvrage. Je me bornerai donc à rendre compte
des effets.
Une heure ou deux après que le mélange
est fait, surtout si la température dans laquelle
on opère est de 15 à 18 degrés, on commence
à apercevoir les premiers indices de la fermentation :
la liqueur se trouble & devient
écumeuse ; il s'en dégage des bulles qui viennent
crever à la surface : bientôt la quantité de
ces bulles augmente, & il se fait un dégagement
abondant & rapide de gaz acide carbonique
très pur accompagné d'écume qui n'est
autre chose que de la levure qui se sépare. Au
bout de quelques jours suivant le degré de
K
@
146 PRODUITS DE LA FERMENTATION.
chaleur, le mouvement & le dégagement de
gaz diminue, mais il ne cesse pas entièrement;
& ce n'est qu'après un intervalle de temps assez
long, que la fermentation est achevée.
Le poids de l'acide carbonique sec qui se
dégage dans cette opération est de 35 livres
5 onces 4 gros 19 grains.
Ce gaz entraîne en outre avec lui une portion
assez considérable d'eau qu'il tient en dissolution,
& qui est environ de 13 livres 14 onces
5 gros.
Il reste dans le vase dans lequel on opère
une liqueur vineuse légèrement acide, d'abord
trouble, qui s'éclaircit ensuite d'elle-même, &
qui laisse déposer une portion de levure. Cette
liqueur pèse en totalité 397 livres 9 onces
29 grains.
Enfin en analysant séparément toutes ces substances,
& en les résolvant dans leurs parties
constituantes, on trouve après un travail très
pénible les résultats qui suivent, qui feront détaillés
dans les mémoires de l'Académie.
@
PRODUITS DE LA FERMENTATION. 147
k ij
@
148
Quoique dans ces résultats j'aie porté jusqu'aux
grains la précision du calcul, il s'en faut
bien que ce genre d'expériences puisse comporter
encore une aussi grande exactitude ; mais
comme je n'ai opéré que sur quelques livres
de sucre, & que pour établir des comparaisons
j'ai été obligé de les réduire au quintal, j'ai cru
@
RÉSULTAT DE LA FËRMENTATION. 149
devoir laisser subsister les fractions telles que le
calcul me les a données.
En réfléchissant sur les résultats que présentent
les tableaux ci-dessus, il est aisé de voir clairement
ce qui se passe dans la fermentation vineuse.
On remarque d'abord que sur les cent
livres de sucre qu'on a employées, il y en a
eu 4 livres 1 once 4 gros 3 grains qui sont
restées dans l'état de sucre non décomposé
en sorte qu'on n'a réellement opéré que sur 95
livres 14 onces 3 gros 69 grains de sucre ; c'est-
à-dire, sur 61 livres 6 onces 45 grains d'oxygène,
sur 7 livres 10 onces 6 gros 6 grains
d'hydrogène, & sur 6 livres 13 onces 5 gros
19 grains de carbone. Or en comparant ces
quantités on verra qu'elles sont suffisantes pour
former tout l'esprit de vin ou alcool, tout l'acide
carbonique & tout l'acide acéteux qui a
été produit par l'effet de la fermentation. Il
n'est donc point nécessaire de supposer que l'eau,
se décompose dans cette opération : à moins
qu'on ne prétende que l'oxygène & l'hydrogène
sont dans l'état d'eau, dans le sucre ; ce que je
ne crois pas, puisque j'ai établi au contraire
qu'en général les trois principes constitutifs des
végétaux, l'hydrogène, l'oxygène & le carbone
étaient entre eux dans un état d'équilibre ; que
cet état d'équilibre subsistait tant qu'il n'était
K iij
@
150 RÉSULTAT DE LA FERMENTATION.
point troublé, soit par un changement de température,
soit par une double affinité, & que
ce n'était qu'alors que les principes se combinant
deux à deux formaient de l'eau & de l'acide
carbonique.
Les effets de la fermentation vineuse se réduisent
donc à séparer en deux portions le sucre
qui est un oxyde ; à oxygéner l'une aux dépens
de l'autre pour en former de l'acide carbonique ;
à désoxygéner l'autre en faveur de la première
pour en former une substance combustible
qui est l'alcool : en sorte que s'il était possible
de recombiner ces deux substances, l'alcool
& l'acide carbonique, on reformerait du
sucre. Il est à remarquer au surplus que l'hydrogène
& le carbone ne sont pas dans l'état
d'huile dans l'alcool ; ils sont combinés avec
une portion d'oxygène qui les rend miscibles à
l'eau ; les trois principes, l'oxygène, l'hydrogène
& le carbone, sont donc encore ici dans une espèce
d'état d'équilibre ; & en effet, en les faisant
passer à travers un tube de verre ou de
porcelaine rougi au feu, on les recombine deux
à deux, & on retrouve de l'eau, de l'hydrogène,
de l'acide carbonique & du carbone.
J'avais avancé d'une manière formelle dans
mes premiers Mémoires sur la formation de
l'eau, que cette substance regardée comme un
@
RÉSULTAT DE LA FERMENTATION. 151
élément, se décomposait dans un grand nombre
d'opérations chimiques, notamment dans
la fermentation vineuse : je supposais alors qu'il
existait de l'eau toute formée dans le sucre
tandis que je suis persuadé aujourd'hui qu'il
contient seulement les matériaux propres à la
former. On conçoit qu'il a dû m'en coûter pour
abandonner mes premières idées ; aussi n'est-ce
qu'après plusieurs années de réflexions, &
près une longue suite d'expériences & d'observations
sur les végétaux que je m'y suis déterminé.
Je terminerai ce que j'ai à dire sur la fermentation
vineuse, en observant qu'elle peut fournir
un moyen d'analyse du sucre & en général des
substances végétales susceptibles de fermenter.
En effet, comme je l'ai déjà indiqué au commencement
de cet article, je puis considérer
les matières mises à fermenter & le résultat obtenu
après la fermentation, comme une équation
algébrique ; & en supposant successivement
chacun des éléments de cette équation inconnus,
j'en puis tirer une valeur, & rectifier ainsi l'expérience
par le calcul & le calcul par l'expérience.
J'ai souvent profité de cette méthode
pour corriger les premiers résultats de mes
expériences, & pour me guider dans les précautions
à prendre pour les recommencer :
K iv
@
152 PLAN D'EXPÉRIENCES.
mais ce n'est pas ici le moment d'entrer dans
ces détails sur lesquels je me suis au surplus
étendu fort au long dans le Mémoire que j'ai
donné à l'Académie sur la Fermentation vineuse
a & qui sera incessamment imprimé.
@
DE LA PUTRÉFACTION. 153
C H A P I T R E X I V.
De la Fermentation putride.
J e viens de faire voir comment le corps
sucré se décomposait, lorsqu'il était étendu
d'une certaine quantité d'eau & à l'aide d'une
douce chaleur ; comment les trois principes qui
le constituent, l'oxygène, l'hydrogène & le
carbone, qui étaient dans un état d'équilibre
& qui ne formaient dans l'état de sucre ni de
l'eau, ni de l'huile, ni de l'acide carbonique,
se séparaient pour se combiner dans un autre
ordre ; comment une portion de carbone se
réunissait à l'oxygène pour former de l'acide
carbonique ; comment une autre portion de
carbone se combinait avec de l'hydrogène &
avec de l'eau pour former de l'alcool.
Les phénomènes de la putréfaction s'opèrent
de même en vertu d'affinités très compliquées.
Les trois principes constitutifs du corps cessent
également, dans cette opération, d'être dans
un état d'équilibre : au lieu d'une combinaison
ternaire, il se forme des combinaisons binaires;
mais le résultat de ces combinaisons est bien
différent de celui que donne la fermentation
@
154 DE LA PUTRÉFACTION.
vineuse. Dans cette dernière, une partie des
principes de la substance végétale, l'hydrogène
par exemple, reste uni à une portion d'eau &
de carbone pour former de l'alcool. Dans la
fermentation putride au contraire, la totalité de
l'hydrogène se dissipe sous la forme de gaz
hydrogène : en même temps l'oxygène & le carbone
se réunissant au calorique, s'échappent
sous la forme de gaz acide carbonique. Enfin,
quand l'opération est entièrement achevée, surtout
si la quantité d'eau nécessaire pour la putréfaction
n'a pas manqué, il ne reste plus que
la terre du végétal mêlée d'un peu de carbone
& de fer.
La putréfaction des végétaux n'est donc autre
chose qu'une analyse complète des substances
végétales dans laquelle la totalité de leurs
principes constitutifs se dégage sous forme de
gaz, à l'exception de la terre qui reste dans
l'état de ce qu'on nomme
terreau.
Je donnerai dans la troisième partie de cet
Ouvrage, une idée des appareils qu'on peut
employer pour ce genre d'expériences.
Tel est le résultat de la putréfaction, quand
le corps qu'on y soumet ne contient que de
l'oxygène, de l'hydrogène, du carbone & un
peu de terre : mais, ce cas est rare, & il paraît
même que ces substances, lorsqu'elles sont seules,
@
FORMATION DE L'AMONIAQUE. 155
fermentent difficilement ; qu'elles fermentent
mal, & qu'il faut un temps considérable
pour que la putréfaction soit complète. Il n'en
est pas de même quand la substance mise à fermenter
contient de l'azote ; & c'est ce qui a
lieu à l'égard de toutes les matières animales
& même d'un assez grand nombre de matières
végétales. Ce nouvel ingrédient favorise merveilleusement
la putréfaction : c'est pour cette
raison qu'on mélange les matières animales avec
les végétales, lorsqu'on veut hâter la putréfaction ;
& c'est dans ce mélange que consiste
presque toute la science des amendements &
des fumiers.
Mais l'introduction de l'azote dans les matériaux
de la putréfaction, ne produit pas seulement
l'effet d'en accélérer les phénomènes ;
elle forme, en se combinant avec l'hydrogène,
une nouvelle substance connue sous le nom
d'alcali volatil ou ammoniaque. Les résultats
qu'on obtient en analysant les matières animales
par différents procédés, ne laissent aucun doute
sur la nature des principes qui constituent l'ammoniaque.
Toutes les fois qu'on sépare préalablement
l'azote de ces matières, elles ne
donnent plus d'ammoniaque, & elles n'en donnent
qu'autant qu'elles contiennent de l'azote.
Cette composition de l'ammoniaque est d'ailleurs
@
156 DES ODEURS PUTRIDES.
confirmée par des expériences analytiques, que
M. Berthollet a détaillées dans les Mémoires
de l'Acad. année 1785, page 316; il a donné
différents moyens de décomposer cette substance
& d'obtenir séparément les deux principes,
l'azote & l'hydrogène, qui entrent dans
sa combinaison.
J'ai déjà annoncé plus haut (voyez Chapitre
dixième) que les corps combustibles étaient
presque tous susceptibles de se combiner les
uns avec les autres. Le gaz hydrogène a éminemment
cette propriété; il dissout le carbone,
le soufre & le phosphore, & il résulte de ces
combinaisons ce que j'ai appelé plus haut, gaz
Hydrogène carbonisé,
gaz hydrogène sulfurisé,
gaz hydrogène phosphoré. Les deux derniers
de ces gaz ont une odeur particulière & très
désagréable : celle du gaz hydrogène sulfurisé a
beaucoup de rapport avec celle des oeufs gâtés
& corrompus ; celle du gaz hydrogène phosphoré
est absolument la même que celle du
poisson pourri ; enfin l'ammoniaque a une odeur
qui n'est ni moins pénétrante ni moins désagréable
que les précédentes. C'est de la combinaison
de ces différentes odeurs que résulte
celle qui s'exhale des matières animales en putréfaction
& qui est si fétide. Tantôt c'est l'odeur
de l'ammoniaque qui est prédominante,
@
GRAISSES ANIMALES. 157
& on la reconnaît aisément à ce qu'elle pique
les yeux; tantôt c'est celle du soufre, comme
dans les matières fécales; tantôt enfin, c'est celle
du phosphore, comme dans le hareng pourri.
J'ai supposé jusqu'ici que rien ne dérangeait
le cours de la fermentation, & n'en troublait
les effets. Mais M. de Fourcroy & M. Thouret
ont observé, relativement à des cadavres enterrés
à une certaine profondeur & garantis
jusqu'à un certain point du contact de l'air,
des phénomènes particuliers. Ils ont remarqué
que souvent la partie musculaire se convertissait
en une véritable graisse animale. Ce
phénomène tient à ce que, par quelque circonstance
particulière, l'azote que contenaient
ces matières animales aura été dégagé, & à ce
qu'il n'est resté que de l'hydrogène & du carbone,
c'est-à-dire, les matériaux propres à faire
de la graisse. Cette observation sur la possibilité
de convertir en graisse les matières animales,
peut conduire un jour à des découvertes importantes
sur le parti qu'on en peut tirer pour
les usages de la société. Les déjections animales,
telles que les matières fécales, sont principalement
composées de carbone & d'hydrogène;
elles se rapprochent donc beaucoup de
l'état d'huile, & en effet elles en fournissent
beaucoup par la distillation à feu nu. Mais
@
158 DES MATIÈRES ANIMALES.
l'odeur insoutenable qui accompagne tous les
produits qu'on en retire, ne permet pas d'espérer
de longtemps qu'on puisse les employer
à autre chose qu'à faire des engrais.
Je n'ai donné dans ce Chapitre que des aperçus,
parce que la composition des matières
animales n'est pas encore très exactement connue.
On sait qu'elles sont composées d'hydrogène,
de carbone, d'azote de phosphore, de
soufre ; le tout porté à l'état d'oxyde par une
quantité plus ou moins grande d'oxygène : mais
on ignore absolument quelle est la proportion
de ces principes. Le temps complétera cette
partie dé l'analyse chimique, comme il en a
complété déjà quelques autres.
@
FERMENTATION ACETEUSE. 159
C H A P I T R E X V.
De la Fermentation acéteuse.
L a fermentation acéteuse n'est autre chose
que l'acidification du vin qui se fait à l'air libre
par l'absorption de l'oxygène. L'acide qui en
résulte est l'acide acéteux, vulgairement appelé
vinaigre : il est composé d'une proportion qui
n'a point encore été déterminée, d'hydrogène
& de carbone combinés ensemble, & portés à
l'état d'acide par l'oxygène.
Le vinaigre étant un acide, l'analogie conduisait
seule à conclure qu'il contenait de l'oxygène;
mais cette vérité est prouvée de plus par
des expériences directes. Premièrement le vin
ne peut se convertir en vinaigre qu'autant qu'il
a le contact de l'air, & qu'autant que cet air
contient du gaz oxygène. Secondement cette
opération est accompagnée d'une diminution du
volume de l'air dans lequel elle se fait, & cette
diminution de volume est occasionnée par l'absorption
du gaz oxygène. Troisièmement on
peut transformer le vin en vinaigre, en l'oxygénant
par quelque autre moyen que ce soit,
Indépendamment de ces faits qui prouvent
@
160 FERMENTATION ACÉTEUSE.
que l'acide acéteux est un résultat de l'oxygénation
du vin, une expérience de M. Chaptal,
professeur de Chimie à Montpellier fait voir
clairement ce qui se passe dans cette opération.
Il prend du gaz acide carbonique dégagé de la
bière en fermentation ; il en imprègne de l'eau
jusqu'à saturation, c'est-à-dire, jusqu'à ce qu'elle
en ait absorbé environ une quantité égale à son
volume ; il met cette eau à la cave dans des
vaisseaux qui ont communication avec l'air, &
au bout de quelque temps le tout se trouve
converti en acide acéteux. Le gaz acide carbonique
des cuves de bière en fermentation,
n'est pas entièrement pur ; il est mêlé d'un peu
d'alcool qu'il tient en dissolution : il y a donc
dans l'eau imprégnée d'acide carbonique dégagé
de la fermentation vineuse, tous les matériaux
nécessaires pour former de l'acide acéteux.
L'alcool fournit l'hydrogène & une portion de
carbone ; l'acide carbonique fournit du carbone
& de l'oxygène ; enfin l'air de l'atmosphère
doit fournir ce qui manque d'oxygène pour
porter le mélange à l'état d'acide acéteux.
On voit par là qu'il ne faut qu'ajouter de
l'hydrogène à l'acide carbonique pour le constituer
acide acéteux, ou pour parler plus généralement,
pour le transformer en un acide végétal
quelconque, suivant le degré d'oxygénation;
tion,
@
FERMENTATION ACÉTEUSE. 161
qu'il ne faut au contraire que retrancher
de l'hydrogène aux acides végétaux pour les
convertir en acide carbonique.
Je ne m'étendrai pas davantage sur la fermentation
acéteuse à l'égard de laquelle nous
n'avons pas encore d'expériences exactes ; les
faits principaux sont connus, mais l'exactitude
numérique manque. On voit d'ailleurs que la
théorie de l'acétification est étroitement liée à
celle de la constitution de tous les acides &
oxydes végétaux, & nous ne connaissons point
encore la proportion des principes dont ils sont
composés. Il est aisé de s'apercevoir cependant
que toute cette partie de la chimie marche rapidement
comme toutes les autres, vers sa perfection,
& qu'elle est beaucoup plus simple
qu'on ne l'avait cru jusqu'ici.
L
@
162 SIMPLICITÉ DE LA NATURE.
C H A P I T R E X V I.
De la formation des sels neutres, & des différentes
bases qui entrent dans leur composition.
N ous avons vu comment un petit nombre
de substances simples, ou au moins qui n'ont
point été décomposées jusqu'ici, telles que l'azote,
le soufre, le phosphore, le carbone, le
radical muriatique & l'hydrogène, formaient en
se combinant avec l'oxygène tous les oxydes
& les acides du règne végétal & du règne
animal : nous avons admiré avec quelle simplicité
de moyens la nature multipliait les propriétés
& les formes, soit en combinant ensemble
jusqu'à trois & quatre bases acidifiables
dans différentes proportions, soit en changeant
la dose d'oxygène destiné à les acidifier. Nous
ne la trouverons ni moins variée, ni moins
simple, ni surtout moins féconde dans l'ordre
de choses que mous allons parcourir.
Les substances acidifiables en se combinant
avec l'oxygène, & en se convertissant en acides,
acquièrent une grande tendance à la combinaison ;
elles deviennent susceptibles de s'unir avec
des substances terreuses & métalliques, & c'est
@
DES PRINCIPES SALIFIANS. 163
de cette réunion que résultent les sels neutres.
Les acides peuvent donc être regardés comme
de véritables principes salifiants, & les substances
auxquelles ils s'unissent pour former des sels
neutres, comme des bases salifiables : c'est précisément
de la combinaison des principes salifiants
avec les bases salifiables dont nous allons
nous occuper dans cet article.
Cette manière d'envisager les acides ne me
permet pas de les regarder comme des sels,
quoiqu'ils aient quelques-unes de leurs propriétés
principales, telles que la solubilité dans l'eau, &c.
Les acides, comme je l'ai déjà fait observer,
résultent d'un premier ordre de combinaisons ;
ils sont formés de la réunion de deux principes
simples, ou au moins qui se comportent à la
manière des principes simples, & ils sont par
conséquent pour me servir de l'expression de
Stahl; dans l'ordre des mixtes. Les sels neutres,
au contraire, sont d'un autre ordre de combinaisons,
ils sont formés de la réunion de deux
mixtes, & ils rentrent dans la classe des composés.
Je ne rangerai pas non plus, par la même
cause, les alcalis (a) ni les substances terreuses,
telles que la chaux, la magnésie, &c. dans la
--------------------------------------------
(a) On regardera peut-être comme un défaut de la
méthode que j'ai adoptée, de m'avoir contraint à rejeter
L ij
@
164 DES BASES SALIFIABLES.
classe des sels, & je ne désignerai par ce nom
que des composés formés de la réunion d'une
substance simple oxygénée avec une base quelconque.
Je me suis suffisamment étendu dans les chapitres
précédents sur la formation des acides,
& je n'ajouterai rien à cet égard; mais je n'ai
rien dit encore des bases qui sont susceptibles
de se combiner avec eux pour former des sels
neutres ; ces bases que je nomme salifiables
sont :
La potasse.
La soude.
L'ammoniaque.
La chaux.
La magnésie.
La baryte.
L'alumine.
Et toutes les substances métalliques.
Je vais dire un mot de l'origine & de la
nature de chacune de ces bases en particulier.
De la Potasse.
Nous avons déja fait observer que lorsqu'on
-----------------------------------------------
les alcalis de la classe des sels, & je conviens que c'est un
reproche qu'on peut lui faire ; mais cet inconvénient se
trouve compensé par de si grands avantages, que je n'ai
pas cru qu'il dût m'arrêter.
@
COMBUSTION DES VÉGÉTAUX. 165
échauffait une substance végétale dans un appareil
distillatoire, les principes qui la composent,
l'oxygène, l'hydrogène & le carbone, &
qui formaient une combinaison triple dans un
état d'équilibre, se réunissaient deux à deux,
en obéissant aux affinités qui doivent avoir lieu
suivant le degré de température. Ainsi à la
première impression du feu, & dès que la chaleur
excède celle de l'eau bouillante. l'oxygène
& l'hydrogène se réunissent pour former de
l'eau. Bientôt après une portion de carbone &
une d'hydrogène se combinent pour former de
l'huile. Lorsque ensuite par le progrès de la distillation
on est parvenu à une chaleur rouge,
l'huile & l'eau même qui s'étaient formées se
décomposent ; l'oxygène & le carbone forment
l'acide carbonique, une grande quantité de gaz
hydrogène devenu libre se dégage & s'échappe;
enfin il ne reste plus que du charbon dans la
cornue.
La plus grande partie de ces phénomènes se
retrouvent dans la combustion des végétaux à
l'air libre : mais alors la présence de l'air,
introduit dans l'opération trois ingrédients nouveaux,
dont deux au moins apportent des changements
considérables dans les résultats de l'opération.
Ces ingrédients sont l'oxygène de l'air
l'azote & le calorique. A mesure que l'hydrogène
L iij
@
166 COMBUSTION DES VEGETAUX.
du végétal ou celui qui résulte de la décomposition
de l'eau est chassé par le progrès du feu sous
la forme de gaz hydrogène, il s'allume au
moment où il a le contact de l'air, il reforme
de l'eau, & le calorique des deux gaz, qui devient
libre, au moins pour la plus grande partie,
produit la flamme.
Lorsque ensuite tout le gaz hydrogène a été
chassé, brûlé & réduit en eau, le charbon qui
reste brûle à son tour, mais sans flamme ; il
forme de l'acide carbonique qui s'échappe,
emportant avec lui une portion de calorique,
qui le constitue dans l'état de gaz : le surplus
calorique devient libre, s'échappe & produit la
chaleur & lumière qu'on observe dans la
combustion du charbon. Tout le végétal se
trouve ainsi réduit en eau, en acide carbonique ;
il ne reste qu'une petite portion d'une
matière terreuse grise, connue sous le nom de
cendre, & qui contient les seuls principes
vraiment fixes qui entrent dans la constitution
des végétaux.
Cette terre ou cendre, dont le poids n'excède
pas communément le vingtième de celui du
végétal, contient une substance d'un genre particulier,
connue sous le nom d'alcali fixe végétal
ou de potasse.
Pour l'obtenir on passe de l'eau sur les cendres;
@
CENDRES ET POTASSE. 167
l'eau se charge de potasse qui est dissoluble,
& elle laisse les cendres qui sont insolubles :
en évaporant ensuite l'eau, on obtient
la potasse qui est fixe, même à un très grand
degré de chaleur, & qui reste sous forme
blanche & concrète. Mon objet n'a point de
décrire ici l'art de préparer la potasse, encore
moins les moyens de l'obtenir pure : je n'entre
même ici dans ces détails que pour obéir à la
loi que je me suis faite de n'admettre aucun
mot qui n'ait été défini.
La potasse qu'on obtient par ce procédé est
toujours plus ou moins saturée d'acide carbonique,
& la raison en est facile à saisir : comme
la potasse ne se forme, ou au moins n'est rendue
libre qu'à mesure que le charbon du végétal
est converti en acide carbonique par
l'addition de l'oxygène, soit de l'air, soit de
l'eau, il en résulte que chaque molécule de
potasse se trouve au moment de sa formation
en contact avec une molécule d'acide carbonique
& comme il y a beaucoup d'affinité
entre ces deux substances, il doit y avoir combinaison.
Quoique l'acide carbonique soit celui
de tous les acides qui tient le moins à la potasse,
il est cependant difficile d'en séparer les
dernières portions. Le moyen le plus habituellement
employé consiste à dissoudre la potasse
L iv
@
168 DE LA POTASSE.
dans de l'eau, à y ajouter deux ou trois fois
son poids de chaux vive, à filtrer & à évaporer
dans des vaisseaux fermés ; la substance saline
qu'on obtient est de la potasse presque entièrement
dépouillée d'acide carbonique.
Dans cet état, elle est non seulement dissoluble
dans l'eau, au moins à partie égale ; mais
elle attire encore celle de l'air avec une étonnante
avidité : elle fournit en conséquence un
moyen de sécher l'air ou les gaz auxquels elle est
exposée. Elle est également soluble dans l'esprit-
de-vin on alcool, à la différence de celle qui
est saturée d'acide carbonique, qui n'est pas soluble
dans ce dissolvant. Cette circonstance a
fourni à M. Berthollet un moyen d'avoir de la
potasse parfaitement pure.
Il n'y a point de végétaux qui ne donnent
plus ou moins de potasse par incinération; mais
on ne l'obtient pas également pure de tous, elle
est ordinairement mêlée avec différents sels qu'il
est aisé d'en séparer.
On ne peut guère douter que les cendres,
autrement dit la terre que laissent les végétaux
lorsqu'on les brûle, ne préexistât dans ces végétaux
antérieurement à la combustion ; cette terre
forme, à ce qu'il paraît, la partie osseuse, la
carcasse du végétal. Mais il n'en est pas de même
de la potasse ; on n'est encore parvenu à séparer
@
DE LA SOUDE. 169
cette substance des végétaux, qu'en employant
des procédés ou des intermèdes qui peuvent
fournir de l'oxygène & de l'azote, tels que la
combustion ou la combinaison avec l'acide nitrique ;
en sorte qu'il n'est point démontré que
cette substance ne soit pas un produit de ces
opérations. J'ai commencé une suite d'expériences
sur cet objet, dont je serai bientôt en
état de rendre compte.
De la Soude.
La soude est, comme la potasse, un alcali
qui se tire de la lixiviation des cendres des
plantes, mais de celles seulement qui croissent
aux bords de la mer, & principalement du
kali, d'où est venu le nom d'
alcali qui lui
a été donné par les arabes : elle a quelques
propriétés communes avec la potasse,
mais elle en a d'autres qui s'en distinguent. En
général ces deux substances portent chacune
dans toutes les combinaisons salines des caractères
qui leur sont propres. La soude, telle
qu'on l'obtient de la lixiviation des plantes
marines, est le plus souvent entièrement saturée
d'acide carbonique ; mais elle n'attire pas
comme la potasse, l'humidité de l'air ; au contraire
elle s'y dessèche ; ses cristaux s'effleurissent
& se convertissent en une poussière blanche
@
170 DE LA SOUDE.
qui a toutes les propriétés de la soude & qui
n'en diffère que parce qu'elle a perdu son eau
de cristallisation.
On ne connaît pas mieux jusqu'ici les principes
constituants de la soude que ceux de la
potasse, & on n'est pas même certain si cette
substance est toute formée dans les végétaux
antérieurement à la combustion. L'analogie pourrait
porter à croire que l'azote est un des principes
constituants des alcalis en général & on
en a la preuve à l'égard de l'ammoniaque,
comme je vais l'exposer : mais on n'a relativement
à la potasse & à la soude que de légères
présomptions qu'aucune expérience décisive n'a
encore confirmées.
De l' Ammoniaque.
Comme nous n'avions aucune connaissance
précise à présenter sur la composition de la
soude & de la potasse, nous avons été obligés
de nous borner dans les deux paragraphes précédents
à indiquer les substances dont on les
retire, & les, moyens qu'on emploie pour les
obtenir. Il n'en est pas de même de l'ammoniaque,
que les anciens ont nommée alcali volatil.
M. Berthollet, dans un Mémoire imprimé
dans le recueil de l'Académie, année 1784,
page 316, est parvenu à prouver par voie de
@
DE L'AMMONIAQUE. 171
décomposition que 1000 parties de cette substance
en poids étaient composées d'environ
807 d'azote & de 193 d'hydrogène.
C'est principalement par la distillation des
matières animales qu'on obtient cette substance ;
l'azote qui est un de leurs principes
constituants, s'unit à la proportion d'hydrogène
propre à cette combinaison, & il se forme de
l'ammoniaque : mais on ne l'obtient point pure
dans cette opération ; elle est mêlée avec de
l'eau, de l'huile, & en grande partie saturée
d'acide carbonique. Pour la séparer de toutes
ces substances, on la combine d'abord avec un
acide tel, par exemple, que l'acide muriatique;
on l'en dégage ensuite, soit par une addition
de chaux, soit par une addition de potasse.
Lorsque l'ammoniaque a été ainsi amenée
son plus grand degré de pureté, elle ne peut
plus exister que sous forme gazeuse, à la température
ordinaire dans laquelle nous vivons ;
elle a une odeur excessivement pénétrante.
L'eau en absorbe une très grande quantité, surtout
si elle est froide & si on ajoute la pression
au refroidissement ; ainsi saturée d'ammoniaque,
elle a été appelée alcali volatil fluor : nous
l'appellerons simplement ammoniaque ou ammoniaque
en liqueur, & nous désignerons la
même substance, quand elle fera dans l'état
@
172 DE LA CHAUX.
aériforme, par le nom de gaz ammoniaque.
De la Chaux, de la Magnésie, de la Baryte
& de l'Alumine.
La composition de ces quatre terres est absolument
inconnue ; & comme on n'est point
encore parvenu à déterminer quelles sont leurs
parties constituantes & élémentaires, nous sommes
autorisés en attendant de nouvelles découvertes
à les regarder comme des êtres
simples : l'art n'a donc aucune part à la formation
de ces terres, la nature nous les présente
toutes formées. Mais comme elles ont la plupart,
surtout les trois premières, une grande
tendance à la combinaison, on ne les trouve
jamais seules. La chaux est presque toujours
saturée d'acide carbonique, & dans cet état
elle forme la craie, les spaths calcaires une
partie des marbres, &c. Quelquefois elle est
saturée d'acide sulfurique, comme dans le gypse,
& les pierres à plâtre ; d'autres fois avec l'acide
fluorhydrique, & elle forme le spath fluor ou vitreux.
Enfin les eaux de la mer & des fontaines salées
en contiennent de combinée avec l'acide
muriatique. C'est de toutes les bases salifiables
celle qui est la plus abondamment répandue
dans la nature.
@
DE LA MAGNÉSIE ET DE LA BARYTE. 173
On rencontre la magnésie dans un grand
nombre d'eaux minérales ; elle y est le plus
communément combinée avec l'acide sulfurique ;
on la trouve aussi très abondamment dans
l'eau de la mer, où elle est combinée avec
l'acide muriatique ; enfin elle entre dans la composition
d'un grand nombre de pierres.
La baryte est beaucoup moins abondante
que les deux terres précédentes; on la trouve
dans le règne minéral combinée avec l'acide
sulfurique, & elle forme alors le spath pesant;
quelquefois, mais plus rarement, elle est combinée
avec l'acide carbonique.
L'alumine ou base de l'alun a moins de tendance
à la combinaison que les précédentes ;
aussi la trouve-t-on souvent dans l'état d'alumine,
sans être combinée avec aucun acide.
C'est principalement dans les argiles qu'on la
rencontre ; elle en fait, à proprement parler,
la base.
Des Substances métalliques.
Les métaux, à l'exception de l'or & quelquefois
de l'argent, se présentent rarement dans
le règne minéral sous leur forme métallique ;
ils sont communément ou plus ou moins saturés
d'oxygène, ou combinés avec du soufre, de
l'arsenic, de l'acide sulfurique, de l'acide muriatique,
@
174 DES SUBSTANCES METALLIQUES.
de l'acide carbonique, de l'acide phosphorique.
La docimasie & la métallurgie enseignent
à les séparer de toutes ces substances
étrangères & nous renvoyons aux ouvrages
qui traitent de cette partie de la Chimie.
Il est probable que nous ne connaissons qu'une
partie des substances métalliques qui existent
dans la nature ; toutes celles, par exemple
qui ont plus d'affinité avec l'oxygène qu'avec le
carbone, ne sont pas susceptibles d'être réduites
ou ramenées à l'état métallique, & elles ne
doivent se présenter à nos yeux que sous la
forme d'oxydes qui se confondent pour nous
avec les terres. Il est très probable que la baryte
que nous venons de ranger dans la classe
des terres, est dans ce cas ; elle présente dans
le détail des expériences des caractères qui la
rapprochent beaucoup des substances métalliques.
Il serait possible à la rigueur que toutes
les substances auxquelles nous donnons le nom
de terres, ne fussent que des oxydes métalliques,
irréductibles par les moyens que nous
employons.
Quoi qu'il en soit, les substances métalliques
que nous connaissons, celles que nous pouvons
obtenir dans l'état métallique, sont au nombre
de dix-sept ; savoir :
@
DES SUBSTANCES METALLIQUES. 175
L'arsenic. | Le fer.
|
Le molybdène. | L'étain.
|
Le tungstène. | Le plomb.
|
Le manganèse. | Le cuivre.
|
Le nickel. | Le mercure.
|
Le cobalt. | L'argent.
|
Le bismuth. | Le platine.
|
L'antimoine. | L'or.
|
Le zinc.
Je ne considérerai ici ces métaux que comme
des bases salifiables, & je n'entrerai dans aucun
détail sur leurs propriétés relatives aux arts &
aux usages de la société. Chaque métal sous
ces points de vue exigerait un traité complet,
& je sortirais absolument des bornes que je
me suis prescrites.
@
176 DISSOLUTIONS METALLIQUES.
C H A P I T R E X V I I.
Suite des réflexions sur les bases salifiables, &
sur la formation des Sels neutres.
T elles sont les bases salifiables, c'est-à-dire,
susceptibles de se combiner avec les acides,
& de former des sels neutres. Mais il faut observer
que les alcali & les terres entrent purement
& simplement dans la composition des
sels neutres, sans aucun intermède qui serve à
les unir ; tandis qu'au contraire les métaux ne
peuvent se combiner avec les acides, qu'autant
qu'ils ont été préalablement plus ou moins oxygénés.
On peut donc rigoureusement dire que
les métaux ne sont point dissolubles dans les
acides, mais seulement les oxydes métalliques
Ainsi lorsqu'on met une substance métallique
dans un acide, la première condition pour qu'elle
puisse s'y dissoudre, est qu'elle puisse s'y oxyder,
& elle ne le peut qu'en enlevant de l'oxygène ;
ou à l'acide, ou à l'eau, dont cet acide est
étendu : c'est-à-dire, en d'autres termes qu'une
substance métallique ne peut se dissoudre dans
un acide, qu'autant que l'oxygène qui entre
soit dans la composition de l'eau, soit dans
celle
@
OXIDATION DU METAL. 177
celle de l'acide, a plus d'affinité avec le métal,
qu'il n'en a avec l'hydrogène ou la base acidifiable;
ou, ce qui revient encore au même,
qu'il n'y a de dissolution métallique qu'autant
qu'il y a décomposition de l'eau ou de l'acide.
C'est de cette observation simple qui a
échappé, même à l'illustre
Bergman, que dépend
l'explication des principaux phénomènes
des dissolutions métalliques. Le premier de tous
& le plus frappant est l'effervescence, ou, pour
parler d'une manière moins équivoque, le dégagement
de gaz qui a lieu pendant la dissolution.
Ce gaz dans les dissolutions par l'acide
nitrique est du gaz nitreux; dans les dissolutions
par l'acide sulfurique, il est ou du gaz acide
sulfureux, ou du gaz hydrogène, suivant que
c'est aux dépens de l'acide sulfurique ou de
l'eau que le métal s'est oxydé.
Il est sensible que l'acide nitrique & l'eau
étant composés l'un & l'autre de substances qui
séparément ne peuvent exister que dans l'état de
gaz, du moins à la température dans laquelle
nous vivons, aussitôt qu'on leur enlève l'oxygène,
le principe qui lui était uni doit entrer sur le
champ en expansion, il doit prendre la forme
gazeuse, & c'est ce passage rapide de l'état liquide
à l'état gazeux qui constitue l'effervescence. Il
en est de même de l'acide sulfurique ; les métaux,
M
@
178 EFFERVESCENCE.
en général, surtout par la voie humide,
n'enlèvent point à cet acide la totalité de l'oxygène;
ils ne le réduisent point en soufre, mais
en acide sulfureux qui ne peut également exister
que dans l'état de gaz au degré de température
& de pression dans lequel nous vivons. Cet
acide doit donc se dégager sous la forme de
gaz, & c'est encore à ce dégagement qu'est due
l'effervescence.
Un second phénomène est que toutes les
substances métalliques se dissolvent sans effervescence
dans les acides quand elles ont été
oxydées avant la dissolution : il est clair qu'alors
le métal n'ayant plus à s'oxyder, il ne tend plus
à décomposer ni l'acide ni l'eau ; il ne doit
donc plus y avoir d'effervescence, puisque l'effet
qui le produisait n'a plus lieu.
Un troisième phénomène est que tous les
métaux se dissolvent sans effervescence dans l'acide
muriatique oxygéné : ce qui se passe
dans cette opération mérite quelques réflexions
particulières. Le métal dans ce cas enlève à
l'acide muriatique oxygéné son excès d'oxygène;
il se forme d'une part un oxyde métallique, &
de l'autre de l'acide muriatique ordinaire. S'il
n'y a pas d'effervescence dans ces sortes de
dissolutions, ce n'est pas qu'il ne soit de l'essence
de l'acide muriatique d'exister sous la
@
DISSOLUTION DES OXIDES. 179
forme de gaz au degré de température dans
lequel nous vivons, mais ce gaz trouve dans
l'acide muriatique oxygéné plus d'eau qu'il n'en
faut pour être retenu & pour demeurer sous
forme liquide ; il ne se dégage donc pas
comme l'acide sulfureux, & après s'être combiné
avec l'eau dans le premier instant, il se
combine paisiblement ensuite avec l'oxyde métallique
qu'il dissout.
Un quatrième phénomène est que les métaux
qui ont peu d'affinité pour l'oxygène, & qui
n'exercent pas sur ce principe une action assez
forte pour décomposer, soit l'acide, soit l'eau,
sont absolument indissolubles : c'est par cette
raison que l'argent, le mercure, le plomb, ne
sont pas dissolubles dans l'acide muriatique,
lorsqu'on les présente à cet acide dans leur état
métallique ; mais si on les oxyde auparavant,
de quelque manière que ce soit, ils deviennent
aussitôt très dissolubles, & la dissolution se fait
sans effervescence.
L'oxygène est donc le moyen d'union entre
les métaux & les acides ; & cette circonstance
qui a lieu pour tous les métaux comme pour
tous les acides, pourrait porter à croire que
toutes les substances qui ont une grande affinité
avec les acides contiennent de l'oxygène. Il est
donc assez probable que les quatre terres salifiables
M. ij
@
180 ENUMERATION DES ACIDES CONNUS.
que nous avons désignées ci-dessus contiennent
de l'oxygène, & que c'est par ce
latus
qu'elles s'unissent aux acides. Cette considération
semblerait appuyer ce que j'ai précédemment
avancé à l'article des terres, que ces
substances pourraient bien n'être autre chose que
des métaux oxydés avec lesquels l'oxygène a
plus d'affinité qu'il n'en a avec le charbon, &
qui par cette circonstance sont irréductibles. Au
reste ce n'est ici qu'une conjecture que des
expériences ultérieures pourront seules ou confirmer
ou détruire.
Les acides connus jusqu'ici sont les suivants;
nous allons en les désignant, indiquer le nom
du radical ou base acidifiable dont ils font
composés.
@
ENUMERATION DES ACIDES CONNUS. 181
M iij
@
182 NOMBRE DES COMBINAISONS POSSIBLES.
On voit que le nombre des acides est de 48
en y comprenant les 17 acides métallique qui
sont encore peu connus, mais sur lesquels
M. Berthollet va donner incessamment un
travail important. On ne peut pas encore
se flatter sans doute de les avoir tous découverts;
mais il est probable, d'un autre côté,
qu'un examen plus approfondi fera connaître que
plusieurs des acides végétaux regardés comme
différents, rentrent les uns dans les autres. Au
reste, on ne peut présenter ici le tableau de la
Chimie que dans l'état où elle est, & tout ce
qu'on peut faire c'est de donner des principes
pour nommer, en conformité du même système,
les corps qui pourront être découverts
dans la suite.
Le nombre des bases salifiables, c'est-à-dire
susceptibles d'être converties en sels neutres par
les acides, est de vingt-quatre, savoir :
Trois alcalis.
Quatre terres.
Et dix-sept substances métalliques.
La totalité des sels neutres qu'on peut concevoir
dans l'état actuel de nos connaissances
est donc de 1152; mais c'est en supposant que
les acides métalliques soient susceptibles de dissoudre
d'autres métaux ; & cette dissolubilité
des métaux, oxygénés les uns par les autres,
@
NOMENCLATVRE DES SELS. 183
est une science neuve qui n'a point encore été
entamée : c'est de cette partie de la science
que dépendent toutes les combinaisons vitreuses
métalliques. Il est d'ailleurs probable que
toutes les combinaisons salines qu'on peut concevoir,
ne sont pas possibles, ce qui doit réduire
considérablement le nombre des sels que
la nature & l'art peuvent former. Mais quand
on ne supposerait que cinq à six cens espèces
de sels possibles, il est évident que si on voulait
donner à toutes des dénominations arbitraires
la manière des anciens, si on les désignait,
ou par le nom des premiers auteurs
qui les ont découverts, ou par le nom des
substances dont ils ont été tirés, il en résulterait
une confusion que la mémoire la plus heureuse
ne pourrait pas débrouiller. Cette méthode
pouvait être tolérable dans le premier âge de
la Chimie ; elle pouvait l'être encore il y a
vingt ans, parce qu'alors on ne connaissait pas
au-delà de trente espèces de sels: mais aujourd'hui
que le nombre en augmente tous les
jours, que chaque acide qu'on découvre enrichit
souvent la Chimie de 24 sels nouveaux,
quelquefois de 48 en raison des deux degrés
d'oxygénation de l'acide; il faut nécessairement
une méthode, & cette méthode est donnée par
l'analogie : c'est celle que nous avons suivie
M iv
@
184 PRINCIPES DE LA NOMENC. DES SELS.
dans la nomenclature des acides ; &
comme la marche de la nature est une, elle
s'appliquera naturellement à la nomenclature
des sels neutres.
Lorsque nous avons nommé les différentes
espèces d'acides, nous avons distingué dans ces
substances la base acidifiable particulière à chacun
d'eux, & le principe acidifiant, l'oxygène
qui est commun à tous. Nous avons exprimé
la propriété commune à tous par le nom générique
d'acide, & nous avons ensuite différencié
les acides par le nom de la base acidifiable
particulière à chacun. C'est ainsi que nous avons
donné au soufre, au phosphore, au carbone
oxygénés le nom d'acide sulfurique, d'acide
phosphorique, d'acide carbonique enfin nous
avons cru devoir indiquer les différents degrés
de saturation d'oxygène par une terminaison
différente du même mot. Ainsi nous avons
distingué sulfureux de l'acide sulfurique,
l'acide phosphoreux de l'acide phosphorique.
Ces principes appliqués à la nomenclature
des sels neutres, nous ont obligés de donner
un nom commun à tous les sels dans la combinaison
desquels entre le même acide, & de les
différencier ensuite par le nom de la base salifiable.
Ainsi nous avons désigné tous les sels qui
ont l'acide sulfurique pour acide, par le nom de
@
PRINCIPES DE LA NOMENC. DES SELS. 185
sulfates ; tous ceux qui ont l'acide phosphorique
pour acide, par le nom de
phosphates,
& ainsi des autres. Nous distinguerons donc
sulfate de potasse,
sulfate de soude,
sulfate
d'ammoniaque,
sulfate de chaux,
sulfate de
fer, &c. & comme nous connaissons vingt-
quatre bases, tant alcalines que terreuses &
métalliques, nous aurons vingt-quatre espèces
de
sulfates, autant de
phosphates, & de même
pour tous les autres acides. Mais comme le
soufre est susceptible de deux degrés d'oxygénation,
qu'une première dose d'oxygène constitue
l'acide sulfureux, & une seconde l'acide
sulfurique ; comme les sels neutres que forment
ces deux acides avec les différentes bases ne
sont pas les mêmes, & qu'ils ont des propriétés
fort différentes, il a fallu les distinguer encore
par une terminaison particulière : nous avons
en conséquence désigné par le nom de
sulfites,
de
phosphites, &c. les sels neutres formés par
l'acide le moins oxygéné. Ainsi le soufre oxygéné
sera susceptible de former 48 sels neutres,
savoir vingt-quatre
sulfates & vingt-
quatre
sulfites, & ainsi des autres substances
susceptibles de deux degrés d'oxygénation.
Il serait excessivement ennuyeux pour les
lecteurs de suivre ces dénominations dans tous
leurs détails ; il suffit d'avoir exposé clairement
@
186 PRINCIPES DE LA NOMENC. DES SELS.
la méthode de nommer : quand on l'aura saisie,
on pourra l'appliquer sans effort à toutes les
combinaisons possibles ; & le nom de la substance
combustible & acidifiable connu, on se
rappellera toujours aisément le nom de l'acide
qu'elle est susceptible de former, & celui de
tous les sels neutres qui doivent en dériver.
Je m'en tiendrai donc à ces notions élémentaires ;
mais, pour satisfaire en même temps ceux
qui pourraient avoir besoin de plus grands détails,
j'ajouterai dans une seconde partie des Tableaux
qui présenteront une récapitulation générale
non seulement de tous les sels neutres,
mais en général de toutes les combinaisons chimiques.
J'y joindrai quelques courtes explications
sur la manière la plus simple & la plus
sure de se procurer les différentes espèces d'acides,
& sur les propriétés générales des sels
neutres qui en résultent.
Je ne me dissimule pas qu'il aurait été nécessaire
pour compléter cet Ouvrage, d'y joindre
des observations particulières sur chaque
espèce de sel, sur sa dissolubilité dans l'eau &
dans l'esprit-de-vin, sur la proportion d'acide
& de base qui entre dans sa composition, sur
sa quantité d'eau de cristallisation, sur les différents
degrés de saturation dont il est susceptible,
enfin sur le degré de force avec laquelle
@
PLAN D'EXPER. SUR LES SELS NEUTRES. 187
l'acide tient à sa base. Ce travail immense a
été commencé par M. Bergman, M. de Morveau,
M, Kirwan & quelques autres célèbres
Chimistes ; mais il n'est encore que médiocrement
avancé, & les bases sur lesquelles il repose
ne sont pas même encore d'une exactitude
rigoureuse. Des détails aussi nombreux n'auraient
pas pu convenir à un Ouvrage élémentaire,
& le temps de rassembler les matériaux
& de compléter les expériences aurait retardé
de plusieurs années la publication de cet Ouvrage.
C'est un vaste champ ouvert au zèle &
à l'activité des jeunes Chimistes ; mais qu'il me
soit permis de recommander, en terminant ici
ma tâche, à ceux qui auront le courage de
l'entreprendre, de s'attacher plutôt à faire bien
qu'à faire beaucoup ; à s'assurer d'abord par
des expériences précises & multipliées de la
composition des acides, avant de s'occuper de
celle des sels neutres. Tout édifice destiné à
braver les outrages du temps, doit être établi
sur des fondements solides ; & dans l'état où est
parvenue la Chimie, c'est en retarder la marche
que d'établir ses progrès sur des expériences
qui ne sont ni assez exactes, ni assez rigoureuses.
@
@
S E C O N D E P A R T I E.
De la Combinaison des Acides avec les
bases salifiables, & de la Formation
des Sels neutres.
--------------------------------------------
A V E R T I S S E M E N T.
S i j'avais voulu suivre strictement le plan que
je m'étais formé dans la distribution des différentes
parties de cet Ouvrage, je me serais
borné dans les Tableaux qui composeront cette
seconde Partie, & dans les explications qui les
accompagnent, à donner de courtes définitions
des différents acides que l'on connaît, une description
abrégée des procédés par lesquels on
les obtient, & j'y aurais joint une simple nomenclature
des sels neutres qui résultent de
leurs combinaisons avec différentes bases. Mais
j'ai reconnu que, sans ajouter beaucoup au
@
190 DIVISION DE CETTE SECONDE PARTIE.
volume de cet Ouvrage, je pourrais en augmenter
beaucoup l'utilité, en présentant sous
la même forme le tableau des substances simples,
de celles qui entrent dans la composition
des acides & des oxydes, & leurs combinaisons.
Cette addition n'augmente que de dix le
nombre des Tableaux strictement nécessaires
pour la nomenclature de tous les sels neutres.
J'y présente 1°. les substances, ou du
moins celles que l'état actuel de nos connaissances
nous oblige à regarder comme telles.
2°. Les radicaux oxydables & acidifiables
doubles & triples, qui se combinent avec l'oxygène,
à la manière des substances simples.
3°. Les combinaisons de l'oxygène avec les
substances simples métalliques & non métalliques.
4°. Les combinaisons de l'oxygène avec les
radicaux composés.
5°. Les combinaisons de l'azote avec les
substances simples.
6°. Les combinaisons de l'hydrogène avec
les substances simples.
7°. Les combinaisons du soufre avec les substances
simples.
8°. Les combinaisons du phosphore avec les
substances simples.
9°. Les combinaisons du carbone avec les
substances simples.
@
PLAN DE CETTE SECONDE PARTIE. 191
10°. Les combinaisons de quelques autres
radicaux avec les substances simples.
Ces dix Tableaux & les Observations qui les
accompagnent, forment une espèce de récapitulation
des quinze premiers Chapitres de cet
Ouvrage. Les Tableaux qui sont à la fuite &
qui présentent l'ensemble de toutes les combinaisons
salines, ont plus particulièrement rapport
aux Chapitres XIV & XV.
On s'apercevra facilement que j'ai beaucoup
profité dans ce travail de ce que M. de Morveau
a publié dans le premier volume de l'Encyclopédie
par ordre de matières ; & en effet
il m'aurait été difficile de puiser dans de meilleures
sources, surtout d'après la difficulté de
consulter les ouvrages étrangers dans leur langue
originale. Je ne le citerai qu'une seule fois, au
commencement de cette seconde Partie, pour
ne pas être obligé de le citer à chaque article.
J'ai placé à la suite de chaque Tableau &
vis-à-vis autant qu'il a été possible les explications
qui y sont relatives.
@
@
DES SUBSTANCES SIMPLES. 193
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur le Tableau des Substances simples ou du
moins de celles que l'état actuel de nos connaissances
nous oblige à considérer comme telles.
L a Chimie en soumettant à des expériences
les différents corps de la nature, a pour objet
de les décomposer & de se mettre en état
d'
examiner séparément les différentes substances
qui entrent dans leur combinaison. Cette science
a fait de nos jours des progrès très rapides. Il
sera facile de s'en convaincre si l'on consulte les
différents auteurs qui ont écrit sur l'ensemble
de la Chimie : on verra que dans les premiers
tems on regardait l'huile & le sel comme les
principes des corps ; que l'expérience & l'observation
ayant amené de nouvelles connaissances,
on s'aperçut ensuite que les sels n'étaient
point des corps simples, qu'ils étaient
composés d'un acide & d'une base & que
c'était de cette réunion que résultait leur état
de neutralité. Les découvertes modernes ont
encore reculé de plusieurs degrés les bornes de
l'analyse (a), elles nous ont éclairés sur la formation
-----------------------------------------------
(a) Voyez Mémoires de l'Académie, année 1776,
page 671 & 1778, page 535314
N
@
194 PROGRÈS DE LA CHIMIE.
des acides & nous ont fait voir qu'ils
étaient formés par la combinaison d'un principe
acidifiant commun à tous, l'oxygène, &
d'un radical particulier pour chacun, qui les
différencie & qui les constitue plutôt tel acide
que tel autre. J'ai été encore plus loin dans cet
ouvrage, puisque j'ai fait voir, comme M. Hassenfratz,
au surplus l'avait déjà annoncé, que
les radicaux des acides eux-mêmes ne sont pas
toujours des substances simples, même dans le
sens que nous attachons à ce mot ; qu'ils sont
ainsi que le principe huileux, un composé
d'hydrogène & de carbone. Enfin M. Berthollet
a prouvé que les bases des sels n'étaient pas plus
simples que les acides eux-mêmes & que l'ammoniaque
était un composé d'azote & d'hydrogène.
La Chimie marche donc vers son but &
vers sa perfection, en divisant, subdivisant, &
resubdivisant encore, & nous ignorons quel sera
le terme de ses succès. Nous ne pouvons donc
pas assurer que ce que nous regardons comme
simple aujourd'hui le soit en effet : tout ce que
nous pouvons dire, c'est que telle substance
est le terme actuel auquel arrive l'analyse chimique
& qu'elle ne peut plus se subdiviser
au-delà dans l'état actuel de nos connaissances.
Il est à présumer que les terres cesseront
@
IDÉE SUR LES TERRES. 195
bientôt d'être comptées au nombre des substances
simples ; elles sont les seules de toute
cette classe qui n'aient point de tendance à
s'unir à l'oxygène, & je suis bien porté à
croire que cette indifférence pour l'oxygène, s'il
m'est permis de me servir de cette expression,
tient à ce qu'elles en sont déjà saturées. Les
terres, dans cette manière de voir, seraient
des substances simples, peut-être des oxydes
métalliques oxygénées jusqu'à un certain point.
Ce n'est, au surplus qu'une simple conjecture
que je présente ici. J'espère que le Lecteur voudra
bien ne pas confondre ce que je donne
pour des vérités de fait & d'expérience avec
ce qui n'est encore qu'hypothétique.
Je n'ai point fait entrer dans ce tableau les
alcalis fixes, tels que la potasse & la soude
parce que ces substances sont évidemment composées,
quoiqu'on ignore cependant encore la
nature des principes qui entrent dans leur combinaison.
N ij
@
196 DES RADICAUX COMPOSÉS.
@
DES RADICAUX COMPOSÉS. 197
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur le Tableau des Radicaux ou bases oxydables
& acidifiables, composés de la réunion
de plusieurs substances simples.
L es radicaux du règne végétal & du règne
animal que présente ce tableau, & qui tous sont
susceptibles d'être oxydés & acidifiés, n'ayant
point encore été analysés avec précision, il est
impossible de les assujettir encore à une nomenclature
régulière. Des expériences dont quel(ques-)unes
me sont propres, & dont d'autres ont
été faites par M. Hassenfratz, m'ont seulement
appris qu'en général, presque tous les acides
végétaux, tels que l'acide tartreux, l'acide oxalique,
l'acide citrique, l'acide maliques, l'acide
acéteux, l'acide pyro-tartrique, l'acide pyro-
mucique ont pour radical l'hydrogène & le
carbone, mais réunis de manière à ne former
qu'une seule & même base; que tous ces acides
ne diffèrent entre eux que par la différence
de proportion de ces deux substances & par
le degré d'oxygénation. Nous savons de plus,
principalement par les expériences de M. Berthollet,
que les radicaux du règne animal, &
N iij
@
198 DES RADICAUX CARBONE-HYDREUX.
quelques-uns même du règne végétal sont plus
composés, & qu'indépendamment de l'hydrogène
& du carbone, ils contiennent encore
souvent de l'azote, & quelquefois du phosphore;
mais il n'existe point encore de calculs exacts
sur les quantités. Nous nous sommes donc
trouvés forcés de donner, à la manière des anciens,
à ces différents radicaux des noms dérivés
de celui de la substance dont ils ont été
tirés. Sans doute, un jour & à mesure que nos
connaissances acquerront plus de certitude &
d'étendue, tous ces noms disparaîtront & ils
ne subsisteront plus que, comme un témoignage
de l'état dans lequel la science chimique nous
a été transmise : ils feront place à ceux des radicaux
hydro-carboneux & hydro-carbonique
carbone-hydreux & carbone-hydrique, comme
je l'ai expliqué dans le chapitre XI, & le
choix de ces noms sera déterminé par la proportion
des deux bases dont ils sont composés.
On aperçoit aisément que les huiles étant
composées d'hydrogène & de carbone, elles
sont de véritables radicaux carbone-hydreux ou
hydro-carboneux & en effet, il suffit d'oxygéner
des huiles pour les convertir d'abord en
oxydes & ensuite en acides végétaux, suivant
le degré d'oxygénation. On ne peut pas cependant
assurer d'une manière positive que les huiles
@
DES RADICAUX CARBONE-HYDREUX. 199
entrent toutes entières dans la composition des
oxydes & des acides végétaux ; il est possible
qu'elles perdent auparavant une portion de leur
hydrogène ou de leur carbone, & que ce qui
reste de l'une & de l'autre de ces substances ne
soit plus dans la proportion nécessaire pour
constituer des huiles. C'est sur quoi nous avons
encore besoin d'être éclairés par l'expérience.
Nous ne connaissons, à proprement parler,
dans le règne minéral d'autre radical composé
que le radical nitro-muriatique. Il est formé par
la réunion de l'azote avec le radical muriatique.
Les autres acides composés ont été beaucoup
moins étudiés & ne présentent pas d'ailleurs
des phénomènes aussi frappants.
N iv
@
200 DE LA LUMIÈRE ET DU CALORIQUE.
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur les combinaisons de la Lumière & du Calorique
avec les différentes substances.
J E n'ai point formé de Tableau pour les combinaisons
de la lumière & du calorique avec
les substances simples ou composées ; parce que
nous n'avons point encore des idées suffisamment
arrêtées sur ces sortes de combinaisons.
Nous savons, en général, que tous les corps
de la nature sont plongés dans le calorique,
qu'ils en sont environnés, pénétrés de toutes
parts, & qu'il remplit tous les intervalles que
laissent entre elles leurs molécules : que dans certains
cas le calorique se fixe dans les corps,
de manière même à constituer leurs parties solides ;
mais que le plus souvent il en écarte les
molécules, il exerce sur elles une force répulsive,
& que c'est de son action ou de son accumulation
plus ou moins grande que dépend le
passage des corps de l'état solide à l'état liquide,
de l'état liquide à l'état aériforme. Enfin nous
avons appelé du nom générique de
gaz toutes
les substances portées à l'état aériforme par une
addition suffisante de calorique ; en sorte que si
nous voulons désigner l'acide muriatique, l'acide
@
DE LA LUMIÈRE. 201
carbonique, l'hydrogène, l'eau, l'alcool dans
l'état aériforme, nous leur donnons le nom de
gaz acide muriatique, gaz acide carbonique, gaz
hydrogène, gaz aqueux, gaz alcool.
A l'égard de la lumière, ses combinaisons &
sa manière d'agir sur les corps sont encore moins
connues. Il paraît seulement, d'après les expériences
de M. Berthollet, qu'elle a une grande
affinité avec l'oxygène, est susceptible
de se combiner avec lui, & qu'elle contribue
avec le calorique à le constituer dans l'état de
gaz. Les expériences qui ont été faites sur la
végétation, donnent aussi lieu de croire que la
lumière se combine avec quelques parties des
plantes, & que c'est à cette combinaison qu'est
due la couleur verte des feuilles & la diversité
de couleurs des fleurs. Il est au moins certain
que les plantes qui croissent dans l'obscurité
sont étiolées, qu'elles sont absolument blanches,
qu'elles sont dans un état de langueur
& de souffrance, & qu'elles ont besoin pour
reprendre leur vigueur naturelle & pour se colorer,
de l'influence immédiate de la lumière.
On observe quelque chose de semblable sur
les animaux eux-mêmes; les hommes, les femmes,
les enfants s'étiolent jusqu'à un certain
point dans les travaux sédentaires des manufactures,
dans les logements resserrés dans le
@
202 DU CALORIQUE.
rues étroites des villes. Ils se développent au
contraire, ils acquièrent plus de force & plus
de vie dans la plupart des occupations champêtres
& dans les travaux qui se font en plein
air.
L'organisation, le sentiment, le mouvement
spontané, la vie, n'existent qu'à la surface de
la terre & dans les lieux exposés à la lumière,
On dirait que la fable du flambeau de Prométhée
était l'expression d'une vérité philosophique
qui n'avait point échappé aux anciens.
Sans la lumière la nature était sans vie, elle
était morte & inanimée : un Dieu bienfaisant
en apportant la lumière, a répandu sur la surface
de la terre l'organisation, le sentiment &
la pensée.
Mais ce n'est point ici le lieu d'entrer dans
aucuns détails sur les corps organisés ; c'est à
dessein que j'ai évité de m'en occuper dans cet
Ouvrage, & c'est ce qui m'a empêché de parler
des phénomènes de la respiration de la sanguination
& de la chaleur animale. Je reviendrai
un jour sur ces objets.
@
DE L'OXYGÉNATION EN GÉNÉRAL. 203
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur les combinaisons binaires de l'Oxygène avec les
substances simples métalliques & non métalliques.
L 'Oxygène est une des substances les plus
abondamment répandues dans la nature, puisqu'elle
forme près du tiers en poids de notre
atmosphère, & par conséquent du fluide élastique
que nous respirons. C'est dans ce réservoir
immense que vivent & croissent les animaux &
les végétaux, & c'est également de lui que nous
tirons principalement tout l'oxygène que nous
employons dans nos expériences. L'attraction
réciproque qui s'exerce entre ce principe & les
différentes substances est telle, qu'il est impossible
de l'obtenir seul & dégagé de toute combinaison.
Dans notre atmosphère, il est uni au calorique
qui le tient en état de gaz, & il est mêlé
avec environ deux tiers en poids de gaz azote.
Il faut, pour qu'un corps s'oxygène, réunir
un certain nombre de conditions : la première
est que les molécules constituantes de ce corps
n'exercent pas sur elles-mêmes une attraction
plus forte que celle qu'elles exercent sur l'oxygène ;
car il est évident qu'alors il ne peut plus
y avoir de combinaison. L'art dans ce cas peut
+@
@
204 DE L'OXYGÉNATION EN GÉNÉRAL.
venir au secours de la nature, & l'on peut
diminuer presque à volonté l'attraction des molécules
des corps en les échauffant, c'est-à-
dire en y introduisant du calorique.
Echauffer un corps, c'est écarter les unes
des autres les molécules qui le constituent; &
comme l'attraction de ces molécules diminue
suivant une certaine loi relative à la distance,
il se trouve nécessairement un instant où les
molécules exercent une plus forte attraction
sur l'oxygène, qu'elles n'en exercent sur elles-
mêmes ; c'est alors que l'oxygénation a lieu.
On conçoit que le degré de chaleur auquel
commence ce phénomène, doit être différent
pour chaque substance. Ainsi pour oxygéner
la plupart des corps & en général presque toutes
les substances simples, il ne s'agit que de
les exposer à l'action de l'air de l'atmosphère,
& de les élever à une température convenable.
Cette température pour le plomb, le mercure,
l'étain, n'est pas fort supérieure à celle dans
laquelle nous vivons. Il faut au contraire un
degré de chaleur assez grand pour oxygéner le
fer, le cuivre, &c. du moins par la voie sèche
& lorsque l'oxygénation n'est point aidée par
l'action de l'humidité. Quelquefois l'oxygénation
se fait avec une extrême rapidité, & alors elle
est accompagnée de chaleur, de lumière &
@
L'OXYGÉNATION PAR LE FEU. 205
même de flamme; telle est la combustion du
phosphore dans l'air de l'atmosphère, & celle
du fer dans le gaz oxygène. Celle du soufre est
moins rapide : enfin celle du plomb, de l'étain
& de la plupart des métaux, se fait beaucoup
plus lentement & sans que le dégagement du
calorique, & surtout de la lumière, soit sensible.
Il est des substances qui ont une telle affinité
pour l'oxygène, & qui ont la propriété de s'oxygéner
à une température si basse, que nous
ne les voyons que dans l'état d'oxygénation.
Tel est l'acide muriatique que l'art, ni peut-
être la nature, n'ont encore pu décomposer,
& qui ne se présente à nous que dans l'état
d'acide. Il est probable qu'il y a beaucoup d'autres
substances du règne minéral qui, comme
l'acide muriatique, sont nécessairement oxygénées
au degré de chaleur dans lequel nous
vivons ; & c'est sans doute parce qu'elles sont
déjà saturées d'oxygène, qu'elles n'exercent plus
aucune action sur ce principe.
L'exposition des substances simples à l'air,
élevées à un certain degré de température,
n'est pas le seul moyen de les oxygéner. Au
lieu de leur présenter l'oxygène uni au calorique,
on peut leur présenter cette substance
unie à un métal avec lequel elle ait peu d'affinité.
L'oxyde rouge de mercure est un des plus
@
206 DE L'OXYGENAT. PAR VOIE DE COMBIN.
propres à remplir cet objet, surtout à l'égard
des corps qui ne sont point attaqués par le mercure.
L'oxygène dans cet oxyde tient très peu
au métal, & même il n'y tient plus au degré
de chaleur qui commence à faire rougir le verre.
En conséquence on oxygène avec beaucoup de
facilité tous les corps qui en sont susceptibles, en
les mêlant avec de l'oxyde rouge de mercure, &
en les élevant à un degré de chaleur médiocre.
L'oxyde noir de manganèse, l'oxyde rouge de
plomb, les oxydes d'argent, & en général presque
tous les oxydes métalliques peuvent remplir
jusqu'à un certain point le même objet,
en choisissant de préférence ceux dans lesquels
l'oxygène a le moins d'adhérence. Toutes les
réductions ou revivifications métalliques ne sont
même que des opérations de ce genre : elles
ne sont autre chose que des oxygénations du
charbon par un oxyde métallique quelconque.
Le charbon combiné avec l'oxygène & avec du
calorique, s'échappe sous forme de gaz acide
carbonique, & le métal reste pur & revivifié.
On peut encore oxygéner toutes les substances
combustibles en les combinant, soit avec
du nitrate de potasse ou de soude, soit avec
du muriate oxygéné de potasse. A un certain
degré de chaleur, l'oxygène quitte le nitrate &
le muriate, pour se combiner avec le corps
@
DE L'OXYGÉNAT. PAR LA VOIE HUMIDE. 207
combustible : mais ces sortes d'oxygénation ne
doivent être tentées qu'avec des précautions
extrêmes & sur de très petites quantités. L'oxygène
entre dans la combinaison des nitrates
& surtout des muriates oxygénés, avec une
quantité de calorique presque égale à celle qui
est nécessaire pour le constituer gaz oxygène.
Cette immense quantité de calorique devient
subitement libre au moment de sa combinaison
avec les corps combustibles ; & il en résulte des
détonations terribles auxquelles rien ne résiste.
Enfin on peut oxygéner par la voie humide
une partie des corps combustibles, & transformer
en acides la plupart des oxydes des trois
régnes. On se sert principalement à cet effet de
l'acide nitrique, auquel l'oxygène tient peu &
qui le cède facilement à un grand nombre de
corps, à l'aide d'une douce chaleur. On peut
également employer l'acide muriatique oxygéné
pour quelques-unes de ces opérations, mais non
pas pour toutes.
J'appelle binaires les combinaisons des substances
simples avec l'oxygène, parce qu'elles
ne sont formées que de la réunion de deux
substances. Je nommerai combinaisons
ternaires
celles composées de trois substances
simples, & combinaisons
quaternaires celles
composées de quatre substances.
@
208 COMBINAISONS DE L'OXYGÈNE.
@
OXYGÉNAT. DES RADICAUX COMPOSÉS. 209
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S.
Sur les combinaisons de l'oxygène avec
les radicaux composés.
D epuis que j'ai publié dans les Mémoires
de l'Académ. année 1776, pag. 671, & 1778,
page 535, une nouvelle théorie sur la nature
& sur la formation des acides ; & que j'en ai
conclu que le nombre de ces substances devait
être beaucoup plus grand qu'on ne l'avait
pensé jusqu'alors, une nouvelle carrière
s'est ouverte en Chimie : au lieu de cinq ou
six acides qu'on connaissait, on en a découvert
successivement jusqu'à trente, & le nombre
des sels neutres s'est accru dans la même
proportion. Ce qui nous reste à étudier maintenant
est la nature des bases acidifiables &
le degré d'oxygénation dont elles sont susceptibles.
J'ai déjà fait observer que dans le
règne minéral, presque tous les radicaux oxydables
& acidifiables étaient simples; que dans
le règne végétal au contraire & surtout dans
le règne animal, il n'en existait presque pas qui
ne fussent composés au moins de deux substances,
d'hydrogène & de carbone; que souvent
l'azote & le phosphore s'y réunissaient, qu'il
en résultait de radicaux à quatre bases.
O
@
210 OXYGÉNAT. DES RADICAUX COMPOSÉS.
Les oxydes & acides animaux & végétaux
peuvent, d'après ces observations, différer entre
eux I°. par le nombre des principes acidifiants
qui constituent leur base ; 2°. par la différente
proportion de ces principes ; 3°. par le
différent degré d'oxygénation ; ce qui suffit &
au-delà pour expliquer le grand nombre de
variétés que nous présente la nature. Il n'est
pas étonnant d'après cela, qu'on puisse convertir
presque tous les acides végétaux les uns
dans les autres ; il ne s'agit, pour y parvenir,
que de changer la proportion du carbone &
de l'hydrogène, ou de les oxygéner plus ou
moins. C'est ce qu'a fait M. Creil dans des
expériences très ingénieuses, qui ont été confirmées
& étendues depuis par M. Hassenfratz.
Il en résulte que le carbone & l'hydrogène
donnent par un premier degré d'oxygénation
de l'acide tartreux, par un second de l'acide
oxalique, par un troisième de l'acide acéteux
ou acétique. Il paraîtrait seulement que le carbone
entre dans une proportion un peu moindre
dans la combinaison des acides acéteux &
acétique. L'acide citrique & l'acide malique diffèrent
très peu des précédents.
Doit-on conclure de ces réflexions, que les
huiles soient la base, qu'elles soient le radical
des acides végétaux & animaux ? J'ai déjà exposé
@
OXIGÉNAT. DES RADICAUX COMPOSÉS. 211
mes doutes à cet égard. Premièrement,
quoique les huiles paraissent n'être uniquement
composées que d'hydrogène & de carbone,
nous ne savons pas si la proportion qu'elles en
contiennent est précisément celle nécessaire pour
constituer les radicaux des acides. Secondement,
puisque les acides végétaux & animaux
ne sont pas seulement composés d'hydrogène,
& de carbone, mais que l'oxygène entre également
dans leur combinaison, il n'y a pas de
raison de conclure qu'ils contiennent plutôt de
l'huile que de l'acide carbonique & de l'eau.
Ils contiennent bien, il est vrai, les matériaux
propres à chacune de ces combinaisons; mais
ces combinaisons ne sont point réalisées à la
température habituelle dont nous jouissons, &
les trois principes sont dans un état d'équilibre,
qu'un degré de chaleur un peu supérieur à celui
de l'eau bouillante suffit pour troubler. On
peut consulter ce que j'ai dit à cet égard, page
132 & suivantes de cet Ouvrage.
0 ij
@
212 COMBINAISOMS DE L'AZOTE.
@
COMBINAISONS DE L'AZOTE. 213
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur l'Azote & sur ses combinaisons avec les
substances simples.
L 'Azote est un des principes les plus abondamment
répandus dans la nature. Combiné
avec le calorique, il forme le gaz azote ou
la mofette, qui entre environ pour les deux tiers
dans le poids de l'air de l'atmosphère. Il demeure
constamment dans l'état de gaz au degré
de pression & de température dans lequel nous
vivons ; aucun degré de compression ni de froid
n'ont encore pu le réduire à l'état liquide ou
solide.
Ce principe est aussi un des éléments qui
constitue essentiellement les matières animales :
il y est combiné avec le carbone & l'hydrogène,
quelquefois avec le phosphore, &
le tout est lié par une certaine portion d'oxygène
qui les met ou à l'état d'oxyde, ou à celui
d'acide, suivant le degré d'oxygénation. La
nature des matières animales peut donc varier
comme celles des matières animales, de trois
manières, 1°. par le nombre des substances qui
entrent dans la combinaison du radical, 2°. par
leur proportion, 3. par le degré d'oxygénation.
O iij
@
214 COMBINAISONS DE L'AZOTE.
L'azote combiné avec l'oxygène forme les
oxydes & acides nitreux & nitrique ; combiné
avec l'hydrogène, il forme l'ammoniaque : ses
autres combinaisons avec les substances simples
sont peu connues. Nous leur donnerons le nom
d'azotures, pour conserver l'identité de terminaison
en
ure que nous avons affectée à toutes les
substances non oxygénées. Il est assez probable
que toutes les substances alcalines appartiennent
à ce genre de combinaisons.
Il y a plusieurs manières d'obtenir le gaz
azote : la première, de le tirer de l'air commun
en absorbant par le sulfure de potasse ou
de chaux dissous dans l'eau, le gaz oxygène,
qu'il contient. Il faut douze ou quinze jours
pour que l'absorption soit complète ; en supposant
même qu'on agite & qu'on renouvelle
les surfaces, & qu'on rompe la pellicule qui
s'y forme.
La seconde, de le tirer des matières animales
en les dissolvant dans de l'acide nitrique
presque à froid. L'azote, dans cette opération,
se dégage sous forme de gaz, & on le reçoit
sous des cloches remplies d'eau dans l'appareil
pneumato-chimique : mêlé avec un tiers en
poids de gaz oxygène, il reforme de l'air
atmosphérique.
Une troisième manière d'obtenir le gaz azote,
@
COMBINAISONS DE L'AZOTE. 215
est de le retirer du nitre par la détonation, soit
avec le charbon, soit avec quelques autres corps
combustibles. Dans le premier cas, le gaz azote
se dégage mêlé avec du gaz acide carbonique,
qu'on absorbe ensuite par de de l'alcali caustique
ou de l'eau de chaux, & le gaz azote reste
pur.
Enfin un quatrième moyen d'obtenir le gaz
azote, est de le tirer de la combinaison de
l'ammoniaque avec les oxydes métalliques. L'hydrogène
de l'ammoniaque se combine avec l'oxygène
de l'oxyde ; il se forme de l'eau, comme
l'a observé M. de Fourcroy : en même temps
l'azote devenu libre, se dégage sous la forme
de gaz.
Il n'y a pas longtemps que les combinaisons
de l'azote sont connues en Chimie. M. Cavendish
est le premier qui l'ait observé dans le
gaz & dans l'acide nitreux. M. Berthollet l'a
ensuite découvert dans l'ammoniaque & dans
l'acide prussique. Tout jusqu'ici porte à croire
que cette substance est un être simple & élémentaire ;
rien ne prouve au moins qu'elle
ait encore été décomposée, & ce motif suffit
pour justifier la place que nous lui avons assignée.
0 iv
@
@
OBSERVATIONS SUR L'HYDROGENE. 217
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur l'Hydrogène, & sur le tableau de ses combinaisons.
L 'Hydrogène, comme l'exprime sa dénomination,
est un des principes de l'eau ; il entre
pour quinze centièmes dans sa composition : l'oxygène
en forme les quatre-vingt-cinq autres
centièmes. Cette substance dont ses propriétés &
même l'existence ne sont connues que depuis
très peu de temps, et un des principes des plus
abondamment répandus dans la nature : c'est un
de ceux qui jouent le principal rôle dans le règne
végétal & dans le règne animal.
L'affinité de l'hydrogène pour le calorique
est telle qu'il reste constamment dans l'état de
gaz au degré de chaleur & de pression dans
lequel nous vivons. Il nous est donc impossible
de connaître ce principe dans un état concret
& dépouillé de toute combinaison.
Pour obtenir l'hydrogène ou plutôt le gaz
hydrogène, il ne faut que présenter à l'eau une
substance pour laquelle l'oxygène ait plus d'affinité
qu'il n'en a avec l'hydrogène. Aussitôt
l'hydrogène devient libre, il se combine avec
le calorique & forme le gaz hydrogène. C'est
@
218 MOYENS D'OBTENIR L'HYDROGENE.
le fer qu'on a coutume d'employer pour opérer
cette séparation, & il faut pour cela qu'il soit
élevé à un degré de chaleur capable de le faire
rougir. Le fer s'oxyde dans cette opération, &
devient semblable à la mine de fer de l'île
d'Elbe. Dans cet état il est beaucoup moins
attirable à l'aimant, & il se dissout sans effervescence
dans les acides.
Le carbone, lorsqu'il est rouge & embrasé,
a également la propriété de décomposer l'eau
& d'enlever l'oxygène à l'hydrogène: mais alors
il se forme de l'acide carbonique qui se mêle
avec le gaz hydrogène; ou l'en sépare facilement,
parce que l'acide carbonique est absorbable
par l'eau & par les alcalis, tandis que l'hydrogène
ne l'est pas. On peut encore obtenir du
gaz hydrogène en faisant dissoudre du fer ou du
zinc dans de l'acide sulfurique étendu d'eau. Ces
deux métaux qui ne décomposent que très difficilement
& très lentement l'eau lorsqu'ils sont
seuls, la décomposent au contraire avec beaucoup
de facilité lorsqu'ils sont aidés par la présence
de l'acide sulfurique. L'hydrogène s'unit
au calorique dans cette opération, aussitôt qu'il
est dégagé, & on l'obtient dans l'état de gaz
hydrogène.
Quelques Chimistes d'un ordre très distingué
se persuadent que l'hydrogène est le phlogistique
@
L'HYDROGENE N'EST PAS LE PHLOGISTIQUE. 219
de Stalh, & comme ce célèbre Chimiste
admettait du phlogistique dans les métaux, dans
le soufre, dans le charbon, &c. ils sont obligés
de supposer qu'il existe également, de l'hydrogène
fixé & combiné dans toutes ces substances:
ils le supposent, mais ils ne le prouvent pas, &
quand ils le prouveraient, ils ne seraient pas
beaucoup plus avancés, puisque ce dégagement
du gaz hydrogène n'explique en aucune manière
les phénomènes de la calcination & de la combustion.
Il faudrait toujours en revenir à l'examen
de cette question ; le calorique & la lumière
qui se dégagent pendant les différentes
espèces de combustion, sont-ils fournis par le
corps qui brûle ou par le gaz oxygène qui se
fixe dans toutes les opérations ? & certainement
la supposition de l'hydrogène dans les différents
corps combustibles ne jette aucune lumière sur
cette question. C'est au surplus à ceux qui supposent
à prouver ; & toute doctrine qui expliquera
aussi bien & aussi naturellement que la
leur, sans supposition, aura au moins l'avantage
de la simplicité.
On peut voir ce que nous avons publié sur
cette grande question, M. de Morveau, M.
Bertholet, M. de Fourcroy & moi, dans la
traduction de l'essai de M. Kirwan sur le phlogistique.
@
220 COMBINAISONS DU PHOSPHORE.
@
OBSERVATION SUR LE SOUFRE. 221
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur Le Soufre & sur le tableau de ses combinaisons
avec les substances simples.
L e soufre est une des substances combustibles
qui a le plus de tendance à la combinaison. Il
est naturellement dans l'état concret à la température
habituelle dans laquelle nous vivons,
& ne se liquéfie qu'à une chaleur supérieure de
plusieurs degrés à celle de l'eau bouillante.
La nature nous présente le soufre tout formé
& à peu près porté au dernier degré de pureté
dont il est susceptible dans le produit des volcans;
elle nous le présente encore, & beaucoup
plus souvent dans l'état d'acide sulfurique, c'est-
à-dire combiné avec l'oxygène, & c'est dans
cet état qu'il se trouve dans les argiles, dans
les gypses, &c. Pour ramener à l'état de soufre
sulfurique de ces substances, il faut lui
enlever l'oxygène, & on y parvient en le combinant
à une chaleur rouge avec du carbone.
Il se forme de l'acide carbonique qui se dégage
dans l'état de gaz, & il reste un sulfure qu'on
décompose par un acide : l'acide s'unit à la
base & le soufre se précipite.
@
222 COMBINAISONS DU PHOSPHORE.
@
DÉCOUVERTE DU PHOSPHORE. 223
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur le Phosphore & sur le Tableau de ses combinaisons
avec les substances simples.
L e phosphore est une substance combustible
simple, dont l'existence avait échappé aux recherches
des anciens Chimistes. C'est en 1667
que la découverte en fut faite par Brandt, qui
fit mystère de son procédé : bientôt après Kunckel
découvrit le secret de Brandt; il le publia
& le nom de phosphore de Kunckel qui lui
a été conservé jusqu'à nos jours, prouve que
la reconnaissance publique se porte sur celui
qui publie, plutôt que sur celui qui découvre,
quand il fait mystère de sa découverte.
C'est de l'urine seule qu'on tirait alors le phosphore :
quoique la méthode de le préparer eût
été décrite dans plusieurs ouvrages, notamment
par M. Homberg, dans les mémoires de
l'Académie des Sciences, année 1692, l'Angleterre
a été longtemps en possession d'en fournir
seule aux savants de toute l'Europe. Ce fut
en 1737 qu'il fut fait pour la première fois en
France, au Jardin Royal des Plantes, en présence
des commissaires de l'Académie des Sciences.
Maintenant on le tire d'une manière plus
@
224 MOYENS D'OBTENIR LE PHOSPHORE.
commode, & surtout plus économique, des os
des animaux qui sont un véritable phosphore
calcaire. Le procédé le plus simple consiste,
d'après MM. Gahn, Scheele, Rouelle, &c. à
calciner des os d'animaux adultes, jusqu'à ce
qu'ils soient presque blancs. On les pile & on
les passe au tamis de soie ; on verse ensuite
dessus de l'acide sulfurique étendu d'eau, mais
en quantité moindre qu'il n'en faut pour dissoudre
la totalité des os. Cet acide s'unit à la
terre des os pour former du sulfate de chaux :
en même temps l'acide phosphorique est dégagé
& reste libre dans la liqueur. On décante alors,
on lave le résidu & on réunit l'eau du lavage
à la liqueur décantée ; on fait évaporer, afin
de séparer du sulfate de chaux qui se cristallise
en filets soyeux, & on finit par obtenir l'acide
phosphorique sous forme d'un verre blanc &
transparent qui, réduit en poudre & mêlé avec
un tiers de son poids de charbon, donne de
bon phosphore. L'acide phosphorique qu'on
obtient par ce procédé, n'est jamais aussi pur
que celui retiré du phosphore, soit par la combustion,
soit par l'acide nitrique ; ïl ne doit
donc point être employé pour des expériences
de recherches.
Le phosphore se rencontre dans presque
toutes les substances animales & dans quelques
que
@
MOYENS D'OBTENIR LE PHOSPHORE. 225
plantes qui ont, d'après l'analyse chimique,
un caractère animal. Il y est ordinairement
combiné avec le carbone, l'azote & l'hydrogène,
& il en résulte des radicaux très
composés. Ces radicaux sont communément
portés à l'état d'oxyde par une portion d'oxygène.
La découverte que M. Hassenfratz a faite
de cette substance dans le charbon de bois,
ferait soupçonner qu'il est plus commun qu'on
ne pense dans le règne végétal : ce qu'il y a
de certain, c'est que des familles entières de
plantes en fournissent quand on les traite convenablement.
Je range le phosphore au rang
des corps combustibles simples, parce qu'aucune
expérience ne donne lieu de croire qu'on
puisse le décomposer. Il s'allume à 32 degrés
du thermomètre.
P
@
226 COMBINAISONS DU CARBONE.
@
ORIGINE DU CARBONE. 227
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur le Carbone & sur le Tableau de ses
combinaisons.
C omme aucune expérience ne nous a indiqué
jusqu'ici la possibilité de décomposer le carbone,
nous ne pouvons quant à présent le considérer
que comme une substance simple. Il paraît
prouvé par les expériences modernes qu'il est
tout formé dans les végétaux, j'ai déjà fait
observer qu'il y était combiné avec l'hydrogène
quelquefois avec l'azote & avec le phosphore,
pour former des radicaux composés;
enfin que ces radicaux étaient ensuite portés
l'état d'oxydes ou d'acides, suivant la proportion
d'oxygène qui y était ajoutée.
Pour obtenir le carbone contenu dans les
matières végétales ou animales, il ne faut que
les faire chauffer à un degré de feu d'abord
médiocre & ensuite très fort, afin de décomposer
les dernières portions d'eau que le charbon
retient obstinément. Dans les opérations
chimiques on se sert ordinairement de cornues
de grès ou de porcelaine, dans lesquelles on
introduit le bois ou autres matières combustibles,
& on pousse à grand feu dans un bon
P ij
@
228 MOYENS DE L'OBTENIR.
fourneau de réverbère :la chaleur volatilise, ou,
ce qui est la même chose, convertit en gaz
toutes les substances qui en sont susceptibles,
& le carbone, comme le plus fixe, reste combiné
avec un peu de terre & quelques sels
fixes.
Dans les arts la carbonisation du bois se
fait par un procédé moins coûteux : on dispose
le bois en tas, on le recouvre de terre,
de manière qu'il n'y ait de communication
avec l'air que ce qu'il en faut pour faire brûler
le bois & pour en chasser l'huile & l'eau; on
étouffe ensuite le feu, en bouchant les trous
qu'on avait ménagés à la terre du fourneau.
Il y a deux manières d'analyser le carbone,
sa combustion par le moyen de l'air ou plutôt
du gaz oxygène, & son oxygénation par l'acide
nitrique. On le convertit dans les deux cas en
acide carbonique, & il laisse de la chaux, de
la potasse & quelques sels neutres. Les Chimistes
se sont peu occupés de ce genre d'analyse,
& il n'est pas même rigoureusement démontré
que la potasse existe dans le charbon
avant la combustion.
@
RADICAUX MURIATIQ. FLUORIQ. &c. 299
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur les Radicaux muriatique, fluorhydrique &
borique & sur leurs combinaisons.
O N n'a point formé de Tableau pour présenter
le résultat des combinaisons de ces substances,
soit entre-elles, soit avec les autres corps
combustibles ; parce qu'elles sont toutes absolument
inconnues. On sait seulement que ces
radicaux s'oxygènent ; qu'ils forment les acides
muriatique, fluorhydrique & borique, & qu'alors
ils sont susceptibles d'entrer dans un grand nombre
de combinaisons : mais la Chimie n'a pas
encore pu parvenir à les désoxygéner, s'il est
permis de se servir de cette expression, & à
les obtenir dans leur état de simplicité. Il faudrait,
pour y parvenir, trouver un corps pour
lequel l'oxygène eût plus d'affinité qu'il n'en a
avec les radicaux muriatique, fluorhydrique & boracique,
ou bien se servir de doubles affinités.
On peut voir dans les Observations relatives
aux acides muriatique, fluorhydrique & borique,
ce que nous savons de l'origine de leurs radicaux.
P iij
@
230 DES ALLIAGES MÉTALLIQUES.
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur la combinaison des métaux les uns avec
les autres.
C E serait ici le lieu, pour terminer ce qui
concerne les substances simples, de présenter des
Tableaux de la combinaison de tous les métaux
les uns avec les aunes; mais comme ces Tableaux
seraient très volumineux & ne présenteraient
rien que d'incomplet, à moins de
recherches qui n'ont point encore été faites,
je les ai supprimés. Il me suffira de dire que
toutes ces combinaisons portent le nom d'alliages
& qu'on doit nommer le premier le
métal qui entre en plus grande abondance, dans
la composition métallique. Ainsi, alliage d'or
& d'argent, ou or allié d'argent, annonce une
combinaison où l'or est le métal dominant.
Les alliages métalliques ont comme toutes
les autres combinaisons, leur degré de saturation :
il paraîtrait même, d'après les expériences
de. M. de la Briche, qu'ils en ont deux
très distincts.
@
COMBINAISONS DE L'ACIDE NITREUX. 231
P iv
@
232 COMBINAISON DE L'ACIDE NITRIQUE.
@
ORIGINE DU NITRE. 233
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur les Acides nitreux & nitrique,
& sur le Tableau de leurs combinaisons.
L 'ACIDE nitreux & l'acide nitrique se tirent
d'un sel connu dans les arts sous le nom de
salpêtre. On extrait ce sel par lixiviation des
décombres des vieux bâtiments & de la terre
des caves, des écuries, des granges, & en
général des lieux habités. L'acide nitrique est le
plus souvent uni dans ces terres à la chaux & à
la magnésie, quelquefois à la potasse & plus rarement
à l'alumine. Comme tous ces sels, à l'exception
de celui à base de potasse, attirent l'humidité
de l'air, & qu'ils seraient d'une conservation
difficile dans les arts, on profite de la plus
grande affinité qu'a la potasse avec l'acide nitrique,
& de la propriété qu'elle a de précipiter
la chaux, la magnésie & l'alumine, pour
ramener ainsi dans le travail du salpêtrier &
dans le raffinage qui se fait ensuite dans les
magasins du Roi, tous les sels nitriques à l'état
de nitrate de potasse ou de salpêtre. Pour obtenir
l'acide nitreux de ce sel on met dans
une cornue tubulée trois parties de salpêtre très
pur, & une d'acide sulfurique concentré : on
@
234 MOYENS D'OBTENIR L'ACIDE DU NITRE.
y adapte un ballon à deux pointes, auquel on
joint l'appareil de Woulfe, c'est-à-dire des flacons
à plusieurs goulots à moitié remplis d'eau
& réunis par des tubes de verre. On voit cet
appareil représenté
pl. IV, fig. 1. On lutte exactement
toutes les jointures, & on donne un feu
gradué : il passe de l'acide nitreux en vapeurs
rouges, c'est-à-dire surchargé de gaz nitreux,
ou autrement dit, qui n'est point oxygéné autant
qu'il le peut être. Une partie de cet acide
se condense dans le ballon, dans l'état d'une
liqueur d'un jaune rouge très foncé ; le surplus
se combine avec l'eau des bouteilles. Il se dégage
en même temps une grande quantité de gaz
oxygène par la raison qu'à une température un
peu élevée l'oxygène a plus d'affinité avec le calorique
qu'avec l'oxyde nitreux, tandis que le
contraire arrive à la température habituelle dans
laquelle nous vivons. C'est parce qu'une partie
d'oxygène a quitté ainsi l'acide nitrique, qu'il se
trouve converti en acide nitreux. On peut ramener
cet acide de l'état nitreux à l'état nitrique,
en le faisant chauffer à une chaleur douce ;
le gaz nitreux qui était en excès s'échappe, &
il reste de l'acide nitrique : mais on n'obtient par
cette voie qu'un acide nitrique très étendu d'eau,
& il y a d'ailleurs une perte considérable.
On se procure de l'acide nitrique beaucoup
@
ACIDES NITREUX ET NITRIQUE. 235
plus concentré & avec infiniment moins de
perte, en mêlant ensemble du salpêtre & de
l'argile bien sèche, & en les poussant au feu dans
une cornue de grès. L'argile se combine avec la
potasse pour laquelle elle a beaucoup d'affinité :
en même temps il passe de l'acide nitrique très
légèrement fumant, & qui ne contient qu'une
très petite portion de gaz nitreux. On l'en débarrasse
aisément, en faisant chauffer faiblement
l'acide dans une cornue : on obtient une petite
portion d'acide nitreux dans le récipient, & il
reste de l'acide nitrique dans la cornue.
On a vu dans le corps de cet Ouvrage,
que l'azote était le radical nitrique : si à vingt
parties & demie en poids d'azote, on ajoute
quarante-trois parties & demie d'oxygène, cette
proportion constituera l'oxyde ou le gaz nitreux ;
si on ajoute à cette première combinaison 36
autres parties d'oxygène, on aura de l'acide
nitrique. L'intermédiaire entre la première & la
dernière de ces proportions, donne différentes
espèces d'acides nitreux, c'est-à-dire de l'acide
nitrique plus ou moins imprégné de gaz nitreux.
J'ai déterminé ces proportions par voie de décomposition,
& je ne puis pas assurer qu'elles
soient rigoureusement exactes ; mais elles ne
peuvent pas s'écarter beaucoup de la vérité.
M. Cavendish, qui a prouvé le premier & par
@
236 DES COMBINAISONS NITREUSES.
voie de composition, que l'azote est le radical
nitrique, a donné des proportions un peu différentes
& dans lesquelles l'azote entre pour
une plus forte proportion : mais il est probable
en même temps que c'est de l'acide nitreux qu'il
a formé, & non de l'acide nitrique ; & cette
circonstance suffit pour expliquer jusqu'à un
certain point la différence des résultats.
Pour obtenir l'acide nitrique très pur, il faut
employer du nitre dépouillé de tout mélange
de corps étrangers. Si, après la distillation, on
soupçonne qu'il y reste quelques vestiges d'acide
sulfurique, on y verse quelques gouttes
de dissolution de nitrate barytique, l'acide sulfurique
s'unit avec la baryte, & forme un sel
neutre insoluble qui se précipite. On en sépare
avec autant de facilité les dernières portions
d'acide muriatique qui pouvaient y être contenues,
en y versant quelques gouttes de nitrate
d'argent; l'acide muriatique contenu dans l'acide
nitrique, s'unit à l'argent avec lequel il a
plus d'affinité, & se précipite sous forme de
muriate d'argent qui est presque insoluble. Ces
deux précipitations faites, on distille jusqu'à ce
qu'il ait passé environ les sept huitièmes de
l'acide, & on est sûr alors de l'avoir parfaitement
pur.
L'acide nitrique en un de ceux qui a le plus
@
DES COMBINAISONS NITREUSES. 237
de tendance à la combinaison, & dont en
même temps la décomposition est le plus facile.
Il n'est presque point de substance simple, si
on en excepte l'or, l'argent & le platine, qui
ne lui enlève plus ou moins d'oxygène; quelques-unes
même le décomposent en entier. Il
a été fort anciennement connu des Chimistes &
ses combinaisons ont été plus étudiées que celles
d'aucun autre. MM. Macquer & Baumé ont nommé
nitres tous les sels qui ont l'acide nitrique pour
acide. Nous avons dérivé leur nom de la même
origine; mais nous en avons changé la terminaison
& nous les avons appelés
nitrates ou
nitrites suivant qu'ils ont l'acide nitrique ou
l'acide nitreux pour acide & d'après la loi générale
dont nous avons expliqué les motifs, chapitre
XVI. C'est également par une suite des
principes généraux dont nous avons rendu
compte, que nous avons spécifié chaque sel
par le nom de sa base.
@
238 COMBINAISONS DE
@
L'ACIDE SULFURIQUE. 239
@
240 MOYENS D'OBTENIR L'ACIDE SULFUR.
-------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide sulfurique & sur le Tableau
de ses combinaisons.
O n a longtemps retiré l'acide sulfurique par
distillation du sulfate de fer ou vitriol de mars,
dans lequel cet acide est uni au fer. Cette distillation
a été décrite par Basile Valentin, qui
écrivait dans le quinzième siècle. On préfère
aujourd'hui de le tirer du soufre par la combustion,
parce qu'il est beaucoup meilleur marché
que celui qu'on peut extraire des différents sels
sulfuriques. Pour faciliter la combustion du soufre
& son oxygénation, on y mêle un peu de
salpêtre ou nitrate de potasse en poudre. Ce
dernier est décomposé, & fournit au soufre
une portion de son oxygène qui facilite sa
conversion en acide. Malgré l'addition de salpêtre,
on ne peut continuer la combustion du
soufre dans des vaisseaux fermés, quelque grands
qu'ils soient, que pendant un temps déterminé.
La combustion cesse par deux raisons ; 1°. parce
que le gaz oxygène se trouve épuisé & que
l'air dans lequel se fait la combustion se trouve
presque réduit à l'état de gaz azotique ; 2°. parce
que
@
COMBUSTION DU SOUFRE. 241
que l'acide lui-même qui reste longtemps en
vapeurs, met obstacle à la combustion. Dans les
travaux en grand des arts, on brûle le mélange
de soufre & de salpêtre dans de grandes chambres
dont les parois sont recouvertes de feuilles
de plomb : on laisse un peu d'eau au fond jour
faciliter la condensation des vapeurs. On se
débarrasse ensuite de cette eau, en introduisant
l'acide sulfurique qu'on a obtenu dans de grandes
cornues : on distille à un degré de chaleur
modéré ; il passe une eau légèrement acide, &
il reste dans la cornue de l'acide sulfurique concentré.
Dans cet état il est diaphane, sans
odeur, & il pèse à peu près le double de l'eau.
On prolongerait la combustion du soufre, & on
accélérerait la fabrication de l'acide sulfurique,
si on introduisait dans les grandes chambres
doublées de plomb où se fait cette opération,
le vent de plusieurs soufflets qu'on dirigerait sur
la flamme. On ferait évacuer le gaz azotique
par de longs canaux ou espèces de serpentins
dans lesquels il serait en contact avec de l'eau,
afin de le dépouiller de tout le gaz acide sulfureux
ou acide sulfurique qu'il pourrait contenir.
Suivant une première expérience de M. Berthollet,
69 parties de soufre en brûlant absorbent
31 parties d'oxygène, pour former 100 parties
d'acide sulfurique. Suivant une seconde
Q
@
242 DISSOLUTIONS PAR L'ACIDE SULPHUR.
expérience faite par une autre méthode, 72 parties
de soufre en absorbent 28 d'oxygène, pour
former la même quantité de 100 parties d'acide
sulfurique sec.
Cet acide ne dissout, comme tous les
autres, les métaux qu'autant qu'ils ont été
préalablement oxydés ; mais la plupart sont susceptibles
de décomposer une portion de l'acide,
& de lui enlever assez d'oxygène pour
devenir dissolubles dans le surplus : c'est ce qui
arrive à l'argent, au mercure & même au fer
& au zinc, quand on les fait dissoudre dans de
l'acide sulfurique concentré & bouillant. Ces
métaux s'oxydent & se dissolvent, mais ils n'enlèvent
pas assez d'oxygène à l'acide pour le réduire
en soufre ; ils le réduisent seulement à l'état
d'acide sulfureux, & il se dégage alors sous la
forme de gaz acide sulfureux. Lorsqu'on met de
l'argent, du mercure ou quelque métal autre que
le fer & le zinc dans de l'acide sulfurique étendu
d'eau, comme ils n'ont pas assez d'affinité avec
l'oxygène pour l'enlever, ni au soufre, ni à l'acide
sulfureux, ni à l'hydrogène, ils sont absolument
insolubles dans cet acide. Il n'en est pas
de même du zinc & du fer : ces deux métaux,
aidés par la présence de l'acide, décomposent
l'eau ; ils s'oxydent à ses dépens, & deviennent
alors dissolubles dans l'acide, quoiqu'il ne soit
ni concentré ni bouillant.
@
COMBINAISONS DE L'ACIDE SULFUREUX. 243
Q iij
@
244 MOYENS D'OBTENIR L'ACIDE SULFUR.
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide sulfureux, & sur le Tableau de ses
combinaisons.
L 'Acide sulfureux est formé, comme l'acide
sulfurique, de la combinaison du soufre avec
l'oxygène, mais avec une moindre proportion
de ce dernier. On peut l'obtenir de différentes
manières, en faisant brûler du soufre lentement,
2°. en distillant de l'acide sulfurique
sur de l'argent, de l'antimoine, du plomb, du
mercure ou du charbon : une portion d'oxygène
s'unit au métal, & l'acide passe dans l'état
d'acide sulfureux. Cet acide existe naturellement
dans l'état de gaz au degré de température &
de pression dans lequel nous vivons ; mais il
paraît, d'après des expériences de M. Clouet,
qu'à un très grand degré de refroidissement, il
se condense & devient liquide : l'eau absorbe
beaucoup plus de ce gaz acide qu'elle n'absorbe
de gaz acide carbonique; mais elle en absorbe
beaucoup moins que de gaz acide muriatique.
C'est une vérité bien établie, & que je n'ai
peut-être que trop répétée, que les métaux en
général ne peuvent se dissoudre dans les acides,
qu'autant qu'ils peuvent s'y oxyder : or l'acide
sulfureux étant déjà dépouillé d'une grande
@
DISSOLUTIONS PAR L'ACIDE SULF. 245
partie de l'oxygène nécessaire pour le constituer
acide sulfurique, il est plutôt disposé à en reprendre
qu'à en fournir à la plupart des métaux,,
& c'est pour cela qu'il ne peut les dissoudre,
à moins qu'ils n'aient été préalablement oxydés.
Par une suite du même principe, les oxydes
métalliques se dissolvent dans l'acide sulfureux
sans effervescence & même avec beaucoup
de facilité. Cet acide a même, comme
l'acide muriatique, la propriété de dissoudre des
oxydes métalliques qui sont trop oxygénés, &
qui seraient par cela même indissolubles dans
l'acide sulfurique ; il forme alors avec eux de
véritables sulfates. On pourrait donc soupçonner
qu'il n'existe que des sulfates métalliques &
non des sulfites, si les phénomènes qui ont
lieu dans la dissolution du fer, du mercure, &
de quelques autres métaux, ne nous apprenaient
que ces substances métalliques sont susceptibles
de s'oxyder plus on moins en se dissolvant
dans les acides. D'après cette observation
le sel dans lequel le métal sera le moins oxydé,
devra porter le nom de sulfite, & celui dans
lequel le métal sera le plus oxydé devra porter
le nom de sulfate. On ignore encore si cette
distinction, nécessaire pour le fer & pour le
mercure, est applicable à tous les autres sulfates
métalliques.
@
246 COMBINAISONS DE L'ACIDE PHOSPHOREUX.
@
COMBINAISONS DE L'ACIDE PROSPHORIQUE. 247
Q iv
@
248 MOYENS D'OBTENIR L'ACIDE PHOSP.
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur les Acides phosphoreux & phosphorique
& sur les Tableaux de leurs combinaisons.
O n a vu, à l'article Phosphore, un précis
historique de la découverte de cette singulière
substance, & quelques observations sur la manière
dont il exile dans les végétaux & dans
les animaux.
Le moyen le plus sûr pour obtenir l'acide
phosphorique pur & exempt de tout mélange,
est de prendre du phosphore en nature & de le
faire brûler sous des cloches de verre, dont on
a humecté l'intérieur en y promenant de l'eau
distillée. Il absorbe dans cette opération 2 fois
1/2 son poids d'oxygène. On peut obtenir cet
acide concret en faisant cette même combustion
sur du mercure au lieu de la faire sur de
l'eau: il se présente alors dans l'état de flocons
blancs qui attirent l'humidité de l'air avec
une prodigieuse activité. Pour avoir ce même
acide dans l'état d'acide phosphoreux, c'est-à-
dire, moins oxygéné, il faut abandonner le
phosphore à une combustion extrêmement lente,
& le laisser tomber en quelque façon en
déliquium
à l'air dans un entonnoir placé sur un
@
ACIDE PHOSPHOR. PAR L'ACIDE NITR. 249
flacon de cristal. Au bout de quelques jours
on trouve le phosphore oxygéné ; l'acide phosphoreux,
à mesure qu'il s'est formé, s'est emparé
d'une portion d'humidité de l'air, & a coulé
dans le flacon. L'acide phosphoreux se convertit
au surplus aisément en acide phosphorique par
une simple exposition à l'air longtemps continuée.
Comme le phosphore a une assez grande
affinité avec l'oxygène pour l'enlever à l'acide
nitrique & à l'acide muriatique oxygéné, il en
résulte encore un moyen simple & peu dispendieux
d'obtenir l'acide phosphorique. Lorsqu'on
veut opérer par l'acide nitrique, on prend une
cornue tubulée bouchée avec un bouchon de
cristal ; on l'emplit à moitié d'acide nitrique
concentré, on fait chauffer légèrement, puis
on introduit par la tubulure de petits morceaux
de phosphore. Ils se dissolvent avec effervescence ;
en même temps le gaz nitreux s'échappe
sous la forme de vapeurs rutilantes. On continue
ainsi d'ajouter du phosphore jusqu'à ce qu'il
refuse de se dissoudre. On pousse alors le feu
un peu plus fort pour chasser les dernières
portions d'acide nitrique, & on trouve l'acide
phosphorique dans la cornue, en partie sous
forme concrète, & en partie sous forme liquide.
@
250 COMBINAISONS DE L'ACIDE CARBONIQUE.
@
ORIGINE DE L'ACIDE CARBONIQUE. 251
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide carbonique & sur le Tableau
de ses combinaison.
D e tous les acides que nous connaissons,
l'acide carbonique est peut-être celui qui est le
plus abondamment répandu dans la nature. Il
est tout formé dans les craies, dans les marbres,
dans toutes les pierres calcaires & il y est neutralisé
principalement par une terre particulière
connue sous le nom de chaux. Pour le dégager
de ces substances, il ne faut que verser dessus de
l'acide sulfurique, ou tout autre acide qui ait plus
d'affinité avec la chaux que n'en a l'acide carbonique :
il se fait une vive effervescence, laquelle
n'est produite que par le dégagement de
cet acide, qui prend la forme de gaz dès qu'il
est libre. Ce gaz n'est susceptible de se condenser
par aucun des degrés de refroidissement &
de pression auxquels il a été exposé jusqu'ici : il
ne s'unit avec l'eau qu'à peu près à volume égal,
& en résulte un acide extrêmement faible.
On peut encore obtenir l'acide carbonique
assez pur, en le dégageant de la matière sucrée
en fermentation: mais alors il tient une petite
portion d'alcool en dissolution.
Le carbone est le radical de l'acide carbonique.
On peut en conséquence former artificiellement
@
252 MOYENS D'OBT. L'AC. CARBONIQUE.
cet acide, en brûlant du charbon dans du
gaz oxygène, ou bien en combinant de la poudre
de charbon avec un oxyde métallique dans
de justes proportions. L'oxygène de l'oxyde se
combine avec le charbon, forme du gaz acide
carbonique, & le métal devenu libre disparaît
sous la forme métallique.
C'est à M. Black que nous devons les premières
connaissances qu'on ait eues sur cet
acide. La propriété qu'il a de n'exister que sous
forme de gaz au degré de température & de
pression dans lequel nous vivons, l'avait soustrait
aux recherches des anciens Chimistes.
Si on pouvait parvenir à décomposer cet
acide par des moyens peu dispendieux, on
aurait fait une découverte bien précieuse. Pour
l'humanité, puisqu'on pourrait obtenir libres
les masses immenses de carbone que contiennent
les terres calcaires, les marbres, &c. On
ne le peut pas par des affinités simples, puisque
le corps qu'il faudrait employer pour décomposer
l'acide carbonique, devrait être au
moins aussi combustible que le charbon même,
qu'alors on ne ferait que changer un combustible
contre un autre : mais il n'est pas impossible
d'y parvenir par des affinités doubles ;
ce qui porte à le croire, c'est que la nature résout
complètement ce problème, & avec des matériaux
qui ne lui coûtent rien dans l'acte de la végétation.
@
COMBINAISONS DE L'ACIDE MURIATIQUE. 253
@
254 COMBINAISONS DE L'ACIDE MUR. OXYG.
@
ORIGINE DE L'ACIDE MURIATIQUE. 255
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide muriatique & sur le Tableau
de ses combinaisons.
L 'Acide muriatique est répandu très abondamment
dans le règne minéral : il y est uni
avec différentes bases, principalement avec la
soude, la chaux & la magnésie. C'est avec ces
trois bases qu'on le rencontre dans l'eau de la
mer & dans celle de plusieurs lacs: il est plus
communément uni avec la soude dans les mines
de sel gemme. Cet acide ne paraît pas avoir
été décomposé jusqu'à ce jour dans aucune
expérience chimique ; en sorte que nous n'avons
nulle idée de la nature de son radical :
ce n'est même que par analogie que nous concluons
qu'il contient le principe acidifiant ou
oxygène. M. Berthollet avait soupçonné que ce
radical pouvait être de nature métallique; mais
comme il paraît que l'acide muriatique se forme
journellement dans les lieux habités, par la combinaison
de miasmes & de fluides aériformes
il faudrait supposer qu'il existe un gaz métallique
dans l'atmosphère ; ce qui n'est pas sans
doute impossible, mais ce qu'on ne peut admettre,
au moins que d'après des preuves.
@
256 MOYENS D'OBT. L'AC. MURIATIQUE.
L'acide muriatique ne tient que médiocrement
aux bases avec lesquelles il est uni : l'acide
sulfurique l'en chasse, & c'est principalement
par l'intermède de cet acide que les Chimistes
ont coutume de se le procurer. On pourrait
employer d'autres acides pour remplir ce
même objet, par exemple, l'acide nitrique,
mais cet acide étant volatil, il aurait l'inconvénient
de se mêler avec l'acide muriatique dans
la distillation. Il faut dans cette opération employer
environ une partie d'acide sulfurique concentré
& deux de sel marin. On se sert d'une
cornue tubulée dans laquelle on introduit d'abord
le sel ; on y adapte un récipient également
tubulé, à la suite duquel on ajoute deux ou trois
bouteilles remplies d'eau & qui sont jointes par
des tubes, à la manière de M. Woulfe. La
figure 1, planche IV, représente cet appareil.
On lutte bien toutes les jointures, après quoi
on introduit l'acide sulfurique dans la cornue par
la tubulure, & on la referme aussitôt avec son
bouchon de cristal. C'est une propriété de l'acide
muriatique, de ne pouvoir exister que dans
l'état de gaz, à la température & au degré de
pression dans lequel nous vivons: il serait donc
impossible de le coercer, si on ne lui présentait
de l'eau avec laquelle il a une grande affinité.
Il s'unit dans une très grande proportion à celle
contenue
@
ACIDE MURIATIQUE OXYGÉNÉ. 257
contenue dans les bouteilles adaptées au ballon;
& lorsqu'elles en sont saturées, il en résulte ce
que les anciens appelaient esprit de sel fumant,
& ce que nous appelons aujourd'hui acide muriatique.
Celui qu'on obtient par ce procédé, n'est pas
saturé d'oxygène autant qu'il le peut être, il est
susceptible d'en prendre une nouvelle dose, si
on le distille sur des oxydes métalliques, tels
que l'oxyde de manganèse, l'oxyde de plomb
ou celui de mercure : l'acide qui se forme alors,
& que nous nommons acide muriatique oxygéné,
ne peut exister comme le précédent,
lorsqu'il est libre, que dans l'état gazeux ; il
n'est plus susceptible d'être absorbé par l'eau
en aussi grande quantité. Si on en imprègne ce
fluide au-delà d'une certaine proportion, l'acide
se précipite du fond du vase sous forme concrète.
L'acide muriatique oxygéné est susceptible
comme l'a démontré M. Berthollet, de se
combiner avec un grand nombre de bases salifiables ;
les sels qu'il forme sont susceptibles de
détoner avec le carbone & avec plusieurs substances
métalliques : ces détonations sont d'autant
plus dangereuses, que l'oxygène entre dans
la composition du muriate oxygéné avec une très
grande quantité de calorique qui donne lieu par
son expansion à des explosions très dangereuses.
R
@
258 COMB. DE L'ACIDE NITRO-MURIATIQUE.
@
ACIDE NITRO-MURIATIQUE. 259
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide nitro-muriatique & sur le Tableau
de ses combinaisons.
L 'Acide nitro-muriatique, anciennement
appelé
eau régale, est formé par un mélange
d'acide nitrique & d'acide muriatique. Les radicaux
de ces deux acides s'unissent ensemble
dans cette combinaison, & il en résulte un acide
à deux bases, qui a des propriétés particulières
qui n'appartiennent à aucun des deux séparément,
notamment celle de dissoudre l'or & le
platine.
Dans les dissolutions nitro-muriatiques, comme
dans toutes les autres, les métaux commencent
par s'oxyder avant de se dissoudre ; ils s'emparent
d'une portion de l'oxygène de l'acide, il se
dégage en même temps un gaz nitro-muriatique
d'une espèce particulière, qui n'a encore été
bien décrit par personne. Son odeur est très
désagréable, & il est aussi funeste qu'aucun
autre aux animaux qui le respirent ; il attaque
les instruments de fer & les rouille ; l'eau en
absorbe une assez grande quantité, & prend
quelques caractères d'acidité. J'ai eu occasion
de faire ces observations, lorsque j'ai traité le
R ij
@
260 ACIDE NITRO-MURIATIQUE.
platine & que je l'ai fait dissoudre très en grand
dans l'acide nitro-muriatique.
J'avais d'abord soupçonné que dans le mélange
de l'acide nitrique & de l'acide muriatique,
ce dernier s'emparait d'une partie de
l'oxygène de l'acide nitrique, & qu'alors porté
à l'état d'acide muriatique oxygéné, il devenait
susceptible de dissoudre l'or ; mais plusieurs
faits se refusent à cette explication. S'il en était
ainsi, en faisant chauffer de l'acide nitro-muriatique,
il s'en dégagerait du gaz nitreux ; &
cependant on n'en obtient pas sensiblement. Je
reviens donc à considérer l'acide nitro-muriatique
comme un acide à deux bases, & j'adopte
entièrement à cet égard les idées de M. Ber-.
thollet.
@
@
262 MOYENS D'OBT. L'ACIDE FLUORIQ.
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide fluorhydrique & sur le Tableau
de ses combinaisons.
L a nature nous offre l'acide fluorhydrique tout
formé dans le spath fluor, spath phosphorique
ou fluate de chaux : il y est combiné avec la
terre calcaire & forme un sel insoluble.
Pour obtenir l'acide fluorhydrique seul & dégagé
de toute combinaison, on met du spath fluor
ou fluate de chaux dans une cornue de plomb;
on verse dessus de l'acide sulfurique, & on
adapte à la cornue un récipient également de
plomb, à moitié rempli d'eau. On donne une
chaleur douce, & l'acide fluorhydrique est absorbé
par l'eau du récipient, à mesure qu'il se dégage.
Comme cet acide est naturellement sous
forme de gaz au degré de chaleur & de pression
dans lequel nous vivons, on peut le recueillir
dans cet état dans l'appareil pneumato-chimique
au mercure, comme on y reçoit le gaz acide
marin, le gaz acide sulfureux, le gaz acide
carbonique.
On est obligé de se servir pour cette opération
de vaisseaux métalliques, parce que l'acide
@
MOYENS D'OBT. L'ACIDE FLUORIQ. 263
fluorhydrique dissout le verre & la terre siliceuse ;
il communique même de la volatilité à
ces deux substances, & il les enlève avec lui
dans l'état de gaz.
C'est à M. Margraff que nous devons la première
connaissance de cet acide ; mais il ne l'a
jamais obtenu que combiné avec une quantité
considérable de silice : il ignorait d'ailleurs que
ce fût un acide particulier &
sui generis.
M. le duc de Liancourt, dans un Mémoire
imprimé sous le nom de M. Boulanger, a étendu
beaucoup plus loin nos connaissances sur les
propriétés de l'acide fluorhydrique enfin M. Scheele
semble avoir mis la dernière main à ce travail.
Il ne reste plus aujourd'hui qu'à déterminer
quelle est la nature du radical fluorhydrique ; mais
comme il ne paraît pas qu'on soit encore parvenu
à décomposer l'acide, on ne peut avoir aucun
aperçu de la nature du radical. S'il y avait
quelques expériences à tenter à cet égard, ce
ne pourrait être que par la voie des doubles
affinités qu'on pourrait espérer quelque succès.
R iv
@
264 COMBINAISONS DE L'ACIDE BORIQUE.
@
ORIGINE. DE L'ACIDE BORIQUE. 265
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide borique, & sur le Tableau
de ses combinaisons.
O n donne le nom de borique à un acide
concret qu'on retire du borax, sel qui nous
vient de l'Inde par le commerce. Quoique le
borax ait été employé très anciennement dans
les arts, on n'a que des notions très incertaines
sur son origine, sur la manière de l'extraire &
de le purifier. On a lieu de soupçonner que
c'est un sel natif, qui se trouve naturellement
dans les terres de quelques contrées de l'Inde &
dans l'eau des lacs : tout le commerce de ce
sel se fait par les Hollandais ; ils ont été longtemps
seuls en possession de le purifier ; mais
MM. l'Eguillier, dans une fabrique qu'ils ont
élevée à Paris, sont parvenus à rivaliser avec
eux : le procédé de cette purification, au surplus,
est encore un mystère. L'analyse chimique
nous a appris que le borax était un sel neutre avec
excès de base; que cette base était la soude,
& était en partie neutralisée par un acide
particulier, qui a été longtemps appelé sel sédatif
de Homberg, & que nous avons désigné
sous le nom d'acide borique. On le rencontre
@
266 DEGAGEM. DE L'ACIDE BORIQUE.
quelquefois libre dans l'eau des lacs ; celle du
lac Cherchiaio en Italie en contient 94 grains
& demi par pinte.
Pour séparer l'acide borique & l'obtenir
libre, on commence par dissoudre le borax
dans l'eau bouillante ; on filtre la liqueur très
chaude & on y verse de l'acide sulfurique ou
un autre acide quelconque qui ait plus d'affinité
avec la soude que n'en a l'acide borique.
Ce dernier se sépare aussitôt, & on l'obtient
sous forme cristalline par refroidissement.
On a cru longtemps que l'acide borique
était un produit de l'opération par laquelle on
l'obtenait, : on se persuadait en conséquence
qu'il était différent, suivant l'acide qu'on avait
employé pour le séparer d'avec la soude. Aujourd'hui
il est bien reconnu que l'acide boracique
est toujours identiquement le même, de
quelque manière qu'il ait été dégagé, pourvu
toutefois qu'il ait été bien dépouillé de tout
acide étranger par le lavage, & qu'on l'ait purifié
par une ou deux cristallisations successives.
L'acide borique est soluble dans l'eau &
dans l'alcool. Il a la propriété de communiquer
à la flamme de ce dernier dans lequel on l'a
dissous, une couleur verte, & cette circonstance
avait fait croire qu'il contenait du cuivre :
mais aucune expérience décisive n'a confirmé
@
COMBIN. DE L'ACIDE BORACCIQUE. 267
ce résultat ; il y a apparence que si le borax
contient quelquefois du cuivre, il lui est accidentel.
Cet acide se combine avec les substance
salifiables, par la voie humide & par la voie
sèche. Il ne dissout pas directement les métaux
par la voie humide, mais on peut parvenir à
opérer la combinaison par double affinité.
Le Tableau ci-dessus présente les différentes
substances avec lesquelles l'acide borique
peut s'unir dans l'ordre des affinités qui s'observent
par la voie humide ; il exige un changement
notable, lorsqu'on opère par la voie
sèche : alors l'alumine qui est placée la dernière,
doit être placée immédiatement après
la soude.
Le radical borique est entièrement inconnu;
l'oxygène y tient tellement, qu'il n'a pas
encore été possible de l'en séparer par aucun
moyen. Ce n'est même que par analogie qu'on
peut conclure que l'oxygène fait partie de sa
combinaison, comme de celle de tous les acides.
@
268 COMBINAISONS DE L'ACIDE ARSENIQUE.
@
DÉCOUV. DE L'ACIDE ARSENIQUE. 269
--------------------------------------------
O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide arsénique, & sur le Tableau
de ses combinaisons.
D ans un Mémoire imprimé dans le recueil
de l'Académie, année 1716, M. Macquer a fait
voir qu'en poussant au feu un mélange d'oxyde
blanc d'arsenic & de nitre on obtenait un sel
neutre, qu'il a nommé sel neutre arsenical. On
ignorait entièrement, à l'époque où M. Macquer
a publié ce Mémoire, la cause de ce singulier
phénomène, & comment une substance métallique
pouvoir jouer le rôle d'un acide. Des
expériences plus modernes nous ont appris que
l'arsenic s'oxygénait dans cette opération; qu'il
enlevait l'oxygène à l'acide nitrique, & qu'à
l'aide de ce principe il se convertissait en un
véritable acide, qui se combinait ensuite avec
la potasse. On connaît aujourd'hui d'autres
moyens, non seulement d'oxygéner l'arsenic,
mais encore d'obtenir l'acide arsénique libre &
dégagé de toute combinaison. Le plus simple
est de dissoudre l'oxyde blanc d'arsenic dans
trois fois son poids d'acide Muriatique : on
ajoute dans cette dissolution pendant qu'elle
est encore bouillante a une quantité d'acide nitrique
@
270 MOYENS D'OBT. L'ACIDE ARSENIQUE.
double du poids de l'arsenic, & on évapore
jusqu'à siccité. L'acide nitrique se décompose
dans cette opération ; son oxygène s'unit
à l'oxyde d'arsenic pour l'acidifier ; le radical
nitrique se dissipe sous forme de gaz nitreux.
A l'égard de l'acide muriatique, il se convertit
en gaz muriatique, & on peut le retenir par
voie de distillation. On s'assure qu'il ne reste
plus d'acide étranger, en calcinant l'acide concret
jusqu'à ce qu'il commence à rougir : ce
qui reste ainsi dans le creuset est de l'acide
arsénique pur.
Il y a plusieurs autres manières d'oxygéner
l'arsenic & de le convertir en un acide. Le procédé
que Scheele a employé & que M. de Morveau
a répété avec un grand succès dans le laboratoire
de Dijon, consiste à distiller de l'acide
muriatique oxygéné sur de la manganèse. Cet
acide s'oxygène, comme je l'ai dit ailleurs, &
passe sous la forme d'acide muriatique sur-oxygéné.
On le reçoit dans un récipient dans lequel
on a mis de l'oxyde blanc d'arsenic recouvert
d'un peu d'eau distillée. L'arsenic blanc
décompose l'acide muriatique oxygéné, il lui
enlève l'oxygène surabondant ; d'une part, il se
convertit en acide arsénique, & de l'autre l'acide
muriatique oxygéné redevient acide muriatique
ordinaire. On sépare ces deux acides
@
MOYENS D'OBT. L'ACIDE ARSENIQUE. 271
en distillant à une chaleur douce, qu'on augmente
cependant sur la fin : l'acide muriatique
passe & l'acide arsénique reste sous forme blanche
& concrète. Dans cet état il est beaucoup
moins volatil que l'oxyde blanc d'arsenic.
Très souvent l'acide arsénique tient en dissolution
une portion d'oxyde blanc d'arsenic qui
n'a pas été suffisamment oxygéné. On n'a point
exposé à cet inconvénient, quand on a opéré
par l'acide nitrique, & qu'on en ajoute de nouveau,
jusqu'à ce qu'il ne passât plus de gaz
nitreux.
D'après ces différentes observations, je
définirai l'acide arsénique, un acide métallique
blanc, concret fixe au degré de feu
qui le fait rougir, formé par la combinaison de
l'arsenic avec l'oxygène, qui se dissout dans
l'eau, & qui est susceptible de se combiner avec
un grand nombre de bases salifiables.
@
272 COMBINAISONS DE L'ACIDE MOLYBDIQ.
@
MOYENS D'OBT. L'ACIDE MOLYBDIQ. 273
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide molybdique, & sur le Tableau
de ses combinaisons.
L e molybdène est une substance métallique
particulière, qui est susceptible de s'oxygéner
au point de se transformer en un véritable acide
concret. Pour y parvenir, on introduit dans une
cornue une partie de mine de molybdène, telle
que la nature nous la présente, & qui est un
véritable sulfure de molybdène ; on y ajoute
cinq ou six parties d'un acide nitrique affaibli
d'un quart d'eau environ, & on distille. L'oxygène
de l'acide nitrique se porte sur le molybdène
& sur le soufre; il transforme l'un en un
oxyde métallique, & l'autre en acide sulfurique.
On repasse de nouvel acide nitrique dans la
même proportion & jusqu'à quatre ou cinq fois;
& quand il n'y a plus de vapeurs rouges le
molybdène est oxygéné autant qu'il le peut être,
du moins par ce moyen, & on le trouve au
fond de la cornue sous forme blanche, pulvérulente,
comme de la craie. Cet acide est peu
soluble & on peut, sans risquer d'en perdre
beaucoup, le laver avec de l'eau chaude. Cette
précaution est nécessaire pour le débarrasser des
dernières portions d'acide sulfurique, qui pourraient
y adhérer. S
@
274 COMBINAISONS DE L'ACIDE TINGSTIQUE.
@
ORIGINE DE L'ACIDE TUNGSTIQUE. 275
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide tingstique, & sur le Tableau
de ses combinaisons.
O n donne le nom de tungstène à un métal
particulier dont la mine a été souvent confondue
avec celles d'étain ; dont la cristallisation a
du rapport avec celle des grenats ; dont la pesanteur
spécifique excède 6000, celle de l'eau
étant supposée 1000 ; enfin qui varie du blanc
perlé au rougeâtre & au jaune. On le trouve
en plusieurs endroits de la Saxe & en Bohême.
Le wolfram est aussi une véritable mine de
tungstène, qui se rencontre fréquemment dans
les mines de Cornouailles.
Le métal qui porte le nom de tungstène,
est dans l'état d'oxyde dans ces deux espèces
de mines. Il paraîtrait même qu'il est porté,
dans la mine de tungstène, au-delà de l'état
d'oxyde ; qu'il y fait fonction d'acide : il y est
uni à la chaux.
Pour obtenir cet acide libre, on mêle une
partie de mine de tungstène avec quatre parties
de carbonate de potasse, & on fait fondre
le mélange dans un creuset. Lorsque la matière
S ij
@
276 MOYENS D'OBT. L'ACIDE TUNGSTIQ.
est refroidie, on la met en poudre & on verse
dessus douze parties d'eau bouillante ; puis on
ajoute de l'acide nitrique qui s'unit â la potasse
avec laquelle il a plus d'affinité, & en dégage
l'acide tungstique : cet acide se précipite aussitôt
sous forme concrète. On peut y repasser de
l'acide nitrique qu'on évapore à siccité, & continuer
ainsi jusqu'à ce qu'il ne se dégage plus
de vapeurs rouges ; on est assuré pour lors qu'il
est complètement oxygéné. Si on veut obtenir
l'acide tungstique pur, il faut opérer la fusion
de la mine avec le carbonate de potasse dans
un creuset de platine ; autrement la terre du
creuset se mêlerait avec les produits, & altérerait
la pureté de l'acide.
Les affinités de l'acide tungstique avec les
oxydes métalliques ne sont point déterminées,
& c'est pour cette raison qu'on les a rangées
par ordre alphabétique ; à l'égard des autres
substances salifiables, on les a rangées dans
l'ordre de leur affinité avec l'acide tungstique.
Toute cette classe de sels n'avait été ni connue
ni nommée par les anciens.
@
COMINAISONS DE L'ACIDE TARTREUX. 277
@
278 MOYENS D'OBT. L'ACIDE TARTREUX.
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide tartreux, & sur le Tableau
de ses combinaisons.
T out le monde connaît le tartre qui s'attache
autour des tonneaux dans lesquels la fermentation
du vin est achevée. Ce sel est composé
d'un acide particulier
sui generis, combiné
avec la potasse, mais de manière que l'acide
est dans un excès considérable.
C'est encore M. Scheele qui a enseigné aux
Chimistes le moyen d'obtenir l'acide tartreux
pur. Il a observé d'abord que cet acide avait
plus d'affinité avec la chaux qu'avec la potasse;
il prescrit en conséquence de commencer par
dissoudre du tartre purifié dans de l'eau bouillante,
& d'y ajouter de la chaux jusqu'à ce que
tout l'acide soit saturé. Le tartrite de chaux qui
se forme, est un sel presque insoluble qui tombe
au fond de la liqueur, surtout quand elle est
refroidie ; on l'en sépare par décantation, on
le lave avec de l'eau froide & on le sèche ;
après quoi on verse dessus de l'acide sulfurique
étendu de 8 à 9 fois son poids d'eau, on fait
digérer pendant douze heures à une chaleur
@
MOYENS D'OBTENIR L'AC. TARTREUX. 279
douce, en observant de remuer de temps en temps:
l'acide sulfurique s'empare de la chaux, forme
du sulfate de chaux, & l'acide tartreux se
trouve libre. Il se dégage pendant cette digestion
une petite quantité de gaz qui n'a pas
été examiné. Au bout de douze heures on décante
la liqueur, on lave le sulfate de chaux
avec de l'eau froide pour emporter les portions
d'acide tartreux dont il est imprégné ; on réunit
tous les lavages à la première liqueur, on filtre,
on évapore & on obtient l'acide tartreux concret.
Deux livres de tartre purifié, donnent
environ onze onces d'acide. La quantité d'acide
sulfurique nécessaire pour cette quantité de
tartre, est de 8 à 10 onces d'acide concentré
qu'on étend, comme je viens de le dire, de 8
à 9 parties d'eau.
Comme le radical combustible est en excès
dans cet acide, nous lui avons conservé la terminaison
en
eux, & nous avons nommé
tartrites
le résultat de sa combinaison avec les substances
salifiables.
La base de l'acide tartreux est le radical
carbone-hydreux ou hydro-carboneux, & il
paroît qu'il y est moins oxygéné que dans l'acide
oxalique. Les expériences de M. Hassenfratz
paraissent prouver que l'azote entre aussi
dans la combinaison de ce radical, même en
S iv
@
280 MOYENS D'OBTENIR L'AC. TARTREUX.
assez grande quantité. En oxygénant l'acide tartreux
on le convertit en acide oxalique, en
acide malique & en acide acéteux: mais il est
probable que la proportion de l'hydrogène &
du carbone change dans ces conversions, & que
la différence du degré d'oxygénation n'est pas
la seule cause qui constitue la différence de
ces acides.
L'acide tartreux, en se combinant avec les
alcalis fixes, est susceptible de deux degrés de
saturation : le premier constitue un sel avec
excès d'acide, nommé très improprement crème
de tartre, & que nous avons nommé
tartrite
acidule de potasse. La même combinaison donne
par un second degré de saturation un sel parfaitement
neutre, que nous nommons simplement
tartrite de potasse, & qui est connu en
pharmacie sous le nom de sel végétal. Le même
acide combiné avec la soude jusqu'à saturation,
donne un
tartrite de soude connu sous le nom
de sel de Seignette, ou de sel polycreste de
la Rochelle.
@
COMBINAISONS DE L'ACIDE MALIQUE. 281
@
282 MOYENS D'OBT. L'ACIDE MALIQUE.
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide Malique, & sur le Tableau
de ses combinaisons.
L 'Acide malique se trouve tout formé dans
le jus des pommes acides, mûres ou non mûres,
& d'un grand nombre d'autres fruits. Pour l'obtenir,
on commence par saturer le jus de
pommes avec de la potasse ou de la soude.
On verse ensuite sur la liqueur saturée, de
l'acétite de plomb dissoute dans l'eau. Il se
fait un échange de bases ; l'acide malique se
combine avec le plomb, & se précipite. On
lave bien ce précipité, ou plutôt ce sel qui
est à peu près insoluble ; après quoi on y
verse de l'acide sulfurique qui chasse
l'acide malique, s'empare du plomb, forme
avec lui un sulfate qui est de même très peu
soluble & qu'on sépare par filtration; il reste
l'acide malique libre & en liqueur. Cet acide
se trouve mêlé avec l'acide citrique & avec l'acide
tartreux dans un grand nombre de fruits:
il tient à peu près le milieu entre l'acide oxalique
& l'acide acéteux ; & c'est ce qui a porté
M. Hermbstadt à lui donner le nom de vinaigre
@
MOYENS D'OBT. L'ACIDE MALIQUE. 283
imparfait. Il est plus oxygéné que l'acide oxalique,
mais il l'est moins que l'acide acéteux.
Il diffère aussi de ce dernier par la nature de
son radical, qui contient un peu plus de carbone
& un peu moins d'hydrogène. On peut le
former artificiellement, en traitant du sucre avec
de l'acide nitrique. Si on s'est servi d'un acide
étendu d'eau, il ne se forme point de cristaux
d'acide oxalique ; mais la liqueur contient réellement
deux acides, savoir l'acide oxalique,
l'acide malique, & probablement même un peu
d'acide tartreux. Pour s'en assurer, il ne s'agit
que de verser de l'eau de chaux sur la liqueur;
il se forme du tartrite & de l'oxalate de chaux, qui
se déposent au fond comme insolubles ; il se forme
en même temps du malate de chaux qui reste en
dissolution. Pour avoir l'acide pur & libre, on
décompose le malate de chaux par l'acétite de
plomb, & on enlève le plomb à l'acide malique
par l'acide sulfurique, de la même manière
que quand on opère directement sur le jus des
pommes.
@
284 COMBINAISON DE L'ACIDE CITRIQUE.
@
MOYENS D'OBT. L'ACIDE CITRIQUE. 285
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide citrique, & sur le Tableau
de ses combinaisons.
O n donne le nom de citrique à l'acide en
liqueur qu'on retire par expression du citron ; on
le rencontre dans plusieurs autres fruits mêlé avec
l'acide malique. Pour l'obtenir pur & concentré
on lui laisse déposer sa partie muqueuse par un
long repos dans un lieu frais, tel que la cave,
ensuite on le concentre par un froid de 4 ou 5
degrés au-dessous de zéro du thermomètre de
Réaumur: l'eau se gèle & l'acide reste en liqueur.
On peut ainsi le réduire à un huitième de son
volume. Un trop grand degré de froid nuirait
au succès de l'opération, parce que l'acide se
trouverait engagé dans la glace, & qu'on aurait
de la peine à l'en séparer. Cette préparation
de l'acide citrique est de M. Georgius. On peut
l'obtenir d'une manière plus simple encore, en
saturant du jus de citron avec de la chaux. Il
se forme un citrate calcaire qui est indissoluble
dans l'eau ; on lave ce sel, & on verse dessus
de l'acide sulfurique, qui s'empare de la chaux
& qui forme du sulfate de chaux, sel presque
insoluble. L'acide citrique reste libre dans la
@
286 COMBINAISONS DE L'ACIDE PYRO-LIGNEUX.
@
MOYENS D'OBT. L'ACIDE PYRO-LIGNEUX. 287
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide pyro-ligneux, & sur le Tableau
de ses combinaisons.
L es anciens Chimistes avaient observé que
la plupart des bois, & surtout ceux qui sont
lourds & compactes, donnaient par la distillation
à feu nu un esprit acide d'une nature
particulière ; mais personne, avant M. Goettling,
ne s'était occupé d'en rechercher la
nature. Le travail qu'il a donné sur ce sujet,
se trouve dans le Journal de Crell, année
1779. L'acide pyro-ligneux qu'on obtient par
la distillation du bois à feu nu, est de couleur
brune ; il est très chargé d'huile & de charbon ;
pour l'obtenir plus pur, on le rectifie par
une seconde distillation. Il paraît qu'il est à peu
près le même, de quelque bois qu'il ait été tiré.
M. de Morveau & M. Eloi Boursier de Clervaux
de dont attachés à déterminer les affinités de cet
acide avec les différentes bases salifiables ; &
c'est dans l'ordre qu'ils leur ont assigné, qu'on
les présente ici. Le radical de cet acide est
principalement formé d'hydrogène & de carbone.
@
288 COMBINAISONS DE L'ACIDE PYRO-TARTREUX.
@
MOYENS D'OBT. L'AC. PYRO-TARTREUX. 289
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide pyro-tartreux, & sur $
le Tableau$
de ses combinaisons.
O n donne le nom de pyro-tartreux à un
acide empyreumatique peu concentré qu'on
retire du tartre purifié par voie de distillation.
Pour l'obtenir, on remplit à moitié de tartrite
acidule de potasse ou tartre en poudre, une
cornue de verre ; on y adapte un récipient
tubulé auquel on ajoute un tube qui s'engage
sous une cloche dans l'appareil pneumato-
chimique. En graduant le feu, on obtient
une liqueur acide empyreumatique mêlée
avec de l'huile ; on sépare ces deux produits
au moyen d'un entonnoir, & c'est la liqueur
acide qu'on a nommée acide pyro-tartreux.
Il se dégage dans cette distillation une prodigieuse
quantité de gaz acide carbonique.
L'acide pyro-tartreux qu'on obtient, n'est pas
parfaitement pur ; il contient toujours de l'huile
qu'il serait à souhaiter qu'on en pût séparer.
Quelques auteurs ont conseillé de le rectifier;
mais les Académiciens de Dijon ont constaté
que cette opération était dangereuse, & qu'il y
avait explosion.
T
@
290 COMBINAISONS DE L'ACIDE PYRO-MUQUEUX.
@
MOYENS D'OBT. L'AC. PYRO-MUQUEUX. 291
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide pyro-muqueux, & sur le Tableau
de ses combinaisons.
O n retire l'acide pyro-muqueux du sucre &
de tous les corps sucrés par la distillation à feu
nu. Comme ces substances se boursouflent considérablement
au feu, on doit laisser vides les
sept huitièmes de la cornue. Cet acide est
d'un jaune qui tire sur le rouge : on l'obtient
moins coloré en le rectifiant par une seconde
distillation. Il est principalement composé d'eau
& d'une petite portion d'huile légèrement
oxygénée. Quand il en tombe sur les mains,
il les tache en jaune, & ces taches ne s'en
vont qu'avec l'épiderme. La manière la plus
simple de le concentrer, est de l'exposer à
la gelée ou bien à un froid artificiel : si on
l'oxygène par l'acide nitrique, on le convertit
en partie en acide oxalique & en acide
malique.
C'est mal à propos qu'on a prétendu qu'il
se dégage beaucoup de gaz pendant la distillation
de cet acide ; il n'en passe presque point
quand la distillation est conduite lentement &
par un degré de feu modéré.
T ij
@
292 COMBINAISONS DE L'ACIDE OXALIQUE.
@
MOYENS D'OBT. L'AC. OXALIQUE. 293
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide oxalique, & sur le Tableau.
de ses combinaisons.
L 'Acide oxalique se prépare principalement
en Suisse & en Allemagne; il se tire du suc de
l'oseille qu'on exprime, & dans lequel ses cristaux
se forment par un long repos. Dans cet état il est
en partie saturé par de l'alcali fixe végétal ou potasse;
en sorte que c'est à proprement parler
un sel neutre avec un grand excès d'acide. Quand
on veut obtenir l'acide pur, il faut le former artificiellement,
& on y parvient en oxygénant le
sucre, qui paraît être le véritable radical oxalique.
On verse en conséquence sur une partie
de sucre six à huit parties d'acide nitrique, &
on fait chauffer à une chaleur douce; il se produit
une vive effervescence, & il se dégage une
grande abondance de gaz nitreux ; après quoi
en laissant reposer la liqueur, il s'y forme des
cristaux qui sont de l'acide oxalique très pur.
On les sèche sur un papier gris pour en séparer
les dernières portions d'acide nitrique dont il
pourrait être imbibé ; & pour être encore plus
sûr de la pureté de l'acide, on le dissout dans
de l'eau distillée & on le fait cristalliser une seconde
fois.
T iij
@
294 COMBINAISONS DE L'AC. OXALIQUE.
L'acide oxalique n'est pas le seul qu'on puisse
obtenir du sucre en l'oxygénant. La même liqueur
qui a donné des cristaux d'acide oxalique,
par refroidissement contient en outre l'acide
malique, qui est un peu plus oxygéné. Enfin, en
oxygénant encore davantage le sucre, on le
convertit en acide acéteux ou vinaigre.
L'acide oxalique uni à une petite quantité de
soude ou de potasse, a, comme l'acide tartreux,
la propriété d'entrer tout entier dans un
grand nombre de combinaisons, sans se décomposer :
il en résulte des sels à deux bases,
qu'il a bien fallu nommer. Nous avons appelé
le sel d'oseille oxalate acidule de potasse &
ce même sel saturé de chaux, oxalate acidule
de potasse & de chaux.
Il y a plus d'un siècle que l'acide oxalique
est connu des Chimistes. M. Duclos en a fait
mention dans les Mémoires de l'Académie des
Sciences, année 1688. Il a été décrit avec assez
de soin par Boerhaave : mais M. Scheele est le
premier qui ait reconnu qu'il contenait de la
potasse toute formée, & qui ait démontré son
identité avec l'acide qu'on forme par l'oxygénation
du sucre.
@
FORMATION DE L'ACIDE ACETEUX. 295
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O B S E R V A T I O N S
Sur le Radical acéteux oxygéné par un premier
degré d'oxygénation, ou Acide acéteux, &
sur ses combinaisons avec les bases salifiables.
L e radical acéteux est composé de la réunion
du carbone & de l'hydrogène portés à l'état
d'acide par l'addition de l'oxygène. Cet acide
est par conséquent composé des mêmes principes
que l'acide tartreux, que l'acide oxalique,
que l'acide citrique, que l'acide malique,
&c. mais la proportion des principes est
différente pour chacun de ces acides, & il
paraît que l'acide acéteux est le plus oxygéné
de tous. J'ai quelques raisons de croire qu'il
contient aussi un peu d'azote, & que ce principe
qui n'existe pas dans les autres acides
végétaux que je viens de nommer, si ce n'est
peut-être dans l'acide tartreux, est une des
causes qui le différencie. Pour produire l'acide
acéteux ou vinaigre, on expose le vin à une
température douce, en y ajoutant un ferment,
qui consiste principalement dans la lie qui s'est
précédemment séparée d'autre vinaigre pendant
sa fabrication ou dans d'autres matières de
T iv
+@
@
296 PURIFICATION DE L'AC. ACÉTEUX.
même nature. La partie spiritueuse du vin (le
carbone & l'hydrogène) s'oxygènent dans cette
opération, c'est par cette raison qu'elle ne
peut se faire qu'à l'air libre, & est toujours
accompagnée d'une diminution du volume
de l'air. Il faut en conséquence, pour faire de
bon vinaigre, que le tonneau dans lequel on
opère ne soit qu'à moitie plein. L'acide qui se
forme ainsi est très volatil ; il est étendu d'une
très grande quantité d'eau & mêlé de beaucoup
de substances étrangères. Pour l'avoir pur on le
distille à une chaleur douce, dans des vaisseaux
de grès ou de verre: mais ce qui paraît avoir
échappé aux Chimistes, c'est que l'acide acéteux
change de nature dans cette opération ;
l'acide qui passe dans la distillation, n'est pas
exactement de même nature que celui qui reste
dans l'alambic ; ce dernier paraîtrait être plus
oxygéné.
La distillation ne suffit pas pour débarrasser
l'acide acéteux du phlegme étranger qui s'y
trouve mêlé ; le meilleur moyen de le concentrer
sans en altérer la nature, consiste à l'exposer
à un froid de quatre ou six degrés au-
dessous de la congélation : la partie aqueuse
gèle & l'acide reste liquide. Il paraît que l'acide
acéteux libre de toute combinaison, est
naturellement dans l'état de gaz, au degré de
@
MOYENS D'OBTENIR L'AC. ACÉTEUX. 297
température & de pression dans lequel nous
vivons, & que nous ne pouvons le retenir qu'en
le combinant avec une grande quantité d'eau.
Il est d'autres procédés plus chimiques pour
obtenir l'acide acéteux: ils consistent à oxygéner
l'acide du tartre, l'acide oxalique ou l'acide
malique par l'acide nitrique; mais il y a lieu
de croire que la proportion des bases qui composent
le radical, change dans cette opération.
Au surplus M. Hassenfratz est occupé dans ce
moment à répéter les expériences d'après lesquelles
on a prétendu établir la possibilité de
ces conversions.
La combinaison de l'acide acéteux avec les
différentes bases salifiables, se fait avec assez de
facilité ; mais la plupart des sels qui en résultent
ne sont pas cristallisables ; à la différence des
sels formés par l'acide tartreux & l'acide
oxalique, qui sont en général peu solubles. Le
tartrite & l'oxalate de chaux ne le sont pas
même sensiblement. Les malates tiennent un
espèce de milieu entre les oxalates & les acétates
pour la solubilité, comme l'acide qui les
forme en tient un pour le degré d'oxygénation.
Il faut, comme pour tous les autres acides,
que les métaux soient oxygénés, pour pouvoir
être dissous dans l'acide acéteux.
@
298 COMBINAISONS DE L'ACIDE ACÉTIQUE.
@
MOYENS D'OBT. L'AC. ACÉTIQUE. 299
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide acétique, & sur le Tableau
de ses combinaisons.
N ous avons donné au vinaigre radical le
nom d'acide acétique, parce que nous avons
supposé qu'il était plus chargé d'oxygène que
le vinaigre ou acide acéteux. Dans cette supposition,
le vinaigre radical ou acide acétique
serait le dernier degré d'oxygénation que puisse
prendre le radical hydro-carboneux ; mais
quelque probable que soit cette conséquence, elle
demande à être confirmée par des expériences
plus décisives. Quoi qu'il en soit, pour préparer
le vinaigre radical, on prend de l'acétite de
potasse, qui est une combinaison d'acide acéteux
& de potasse, ou de l'acétite de cuivre,
qui est une combinaison du même acide avec
du cuivre ; on verse dessus un tiers de son
poids d'acide sulfurique concentré, & par la
distillation on obtient un vinaigre très concentré,
qu'on nomme vinaigre radical ou acide acétique.
Mais, comme je viens de l'indiquer, il
n'est point encore rigoureusement démontré que
cet acide soit plus oxygéné que l'acide acéteux
ordinaire, ni même qu'il n'en diffère pas par la
différence de proportion des principes du radical.
@
300 COMBINAISONS DE L'AIDE SCCINIQUE.
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MOYENS D'OBT. L'AC. SUCCINIQUE. 301
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide succinique, & sur le Tableau
de ses combinaisons.
L 'Acide succinique se retire du succin,
karabé ou ambre jaune, par distillation. Il suffit
de mettre cette substance dans une cornue, & de
donner une chaleur douce; l'acide succinique se
sublime sous forme concrète dans le col de la
cornue. Il faut éviter de pousser trop loin la
distillation, pour ne pas faire passer l'huile.
L'opération finie, on met le sel égoutter sur du
papier gris ; après quoi on le purifie par des
dissolutions & cristallisations répétées.
Cet acide exige 24 parties d'eau froide pour
être tenu en dissolution, mais il est beaucoup
plus dissoluble dans l'eau chaude ; il n'altère
que faiblement les teintures bleues végétales,
& il n'a pas dans un degré très éminent les
qualités d'acide. M. de Morveau est le premier
des Chimistes qui ait essayé de déterminer ses
différentes affinités, & c'est d'après lui qu'elles
sont indiquées dans le Tableau joint à ces observations.
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302 COMBINAISONS DE L'ACIDE BENZOÏQUE.
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MOYENS D'OBT. L'AC. BENZOÏQUE. 303
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide benzoïque, & sur le Tableau de
ses combinaisons avec les bases salifiables.
C et acide a été connu des anciens Chimistes,
sous le nom de fleurs de benjoin ; on
l'obtenait par voie de sublimation. Depuis, M.
Geoffroy a découvert qu'on pouvait, également
l'extraire par la voie humide: enfin M. Scheele
d'après un grand nombre d'expériences qu'il a
faites sur le benjoin, s'est arrêté au procédé
qui suit. On prend de bonne eau de chaux,
dans laquelle même il est avantageux de laisser
de la chaux en excès ; on la fait digérer
portion par portion sur du benjoin réduit
en poudre fine, en remuant continuellement
le mélange. Après une demi heure de digestion,
on décante & on remet de nouvelle
eau de chaux, & ainsi plusieurs fois, jusqu'à
ce qu'on s'aperçoive que l'eau de chaux
ne se neutralise plus. On rassemble toutes les
liqueurs, on les rapproche par évaporation ;
& quand elles sont réduites autant qu'elles le
peuvent être sans cristalliser, on laisse refroidir:
on verse de l'acide muriatique goutte à goutte,
jusqu'à ce qu'il ne se fasse plus de précipité. La
substance qu'on obtient par ce procédé, est
l'acide benzoïque concret.
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304 COMBINAISONS DE L'ACIDE CAMPHORIQUE.
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MOYENS D'OBT. L'AC. CAMPHORIQUE. 305
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide camphorique, & sur le Tableau
de ses combinaisons.
L e camphre est une espèce d'huile essentielle
concrète, qu'on retire par sublimation d'un laurier
qui croît à la Chine & au Japon. M. Kosegarten
a distillé jusqu'à huit fois de l'acide nitrique
sur du camphre, & il est parvenu ainsi
à l'oxygéner & à le convertir en un acide très
analogue à l'acide oxalique. Il en diffère cependant
à quelques égards, & c'est ce qui nous
à déterminé à lui conserver jusqu'à nouvel
ordre, un nom particulier.
Le camphre étant un radical carbone-hydreux
ou hydro-carboneux, il n'est pas étonnant qu'en
l'oxygénant il forme de l'acide oxalique, de
l'acide malique & plusieurs autres acides végétaux.
Les expériences rapportées par M.
Kosegarten, ne démentent pas cette conjecture,
& la plus grande partie des phénomènes qu'il
a observés dans la combinaison de cet acide
avec les bases salifiables s'observent de même
dans les combinaisons de l'acide oxalique ou de
l'acide malique; je serais donc assez porté à regarder
l'acide camphorique comme un mélange
d'acide oxalique & d'acide malique.
V
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306 COMBINAISONS DE L'ACIDE GALLIQUE.
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MOYENS D'OBT. L'ACIDE GALLIQUE. 307
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide gallique, & sur le Tableau
de ses combinaisons.
L 'Acide gallique ou principe astringent se
tire de la noix de galle, fait par la simple infusion
ou décoction dans l'eau, soit par une
distillation à un feu très doux. Ce n'est que depuis
un très petit nombre d'années qu'on à
donné une attention plus particulière à cette
substance. MM. les Commissaires de l'Académie
de Dijon en ont suivi toutes les combinaisons
& ont donné le travail le plus complet
qu'on eût fait jusqu'alors. Quoique les propriétés
acides de ce principe ne soient pas très marquées,
il rougit la teinture de tournesol, il
décompose les sulfures, il s'unit à tous les
Métaux, quand ils ont été préalablement dissous
par un autre acide, & il les précipite sous
différentes couleurs. Le fer, par cette combinaison,
donne un précipité d'un bleu ou d'un
violet foncé. Cet acide, si toutefois il mérite
ce nom, se trouve dans un grand nombre de
végétaux, tels que le chêne, le saule, l'iris des
marais, le fraisier, le nymphéa, le quinquina,
l'écorce & la fleur de grenade, & dans beaucoup
de bois & d'écorces. On ignore absolument
quel est son radical.
V ij
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308 COMBINAISONS DE L'ACIDE LACTIQUE.
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MOYENS D'OBT. L'ACIDE LACTIQUE. 309
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide lactique, & sur le Tableau
de ses combinaisons.
M . Scheele est celui auquel nous devons
les seules connaissances exactes que nous ayons
sur l'acide lactique. Cet acide se rencontre dans
le petit lait, & il y est uni à un peu de terre.
Pour l'obtenir on fait réduire par évaporation
du petit lait au huitième de son volume ; on
filtre pour bien séparer toute la partie caséique;
on ajoute de la chaux, qui s'empare de l'acide
dont il est question & qu'on en dégage ensuite
par l'addition de l'acide oxalique : on sait en effet
que ce dernier acide forme avec la chaux un
sel insoluble. Après que l'oxalate de chaux a
été séparé par décantation, on évapore la liqueur
jusqu'à consistance de miel ; on ajoute de
l'esprit-de-vin qui dissout l'acide, & on filtre
pour en séparer le sucre de lait & les autres
substances étrangères. Il ne reste plus ensuite
pour avoir l'acide lactique seul, que de chasser
l'esprit-de-vin par évaporation, ou par distillation.
Cet acide s'unit avec presque toutes les bases
salifiables, & forme avec elles des sels incristallisables.
Il paraît se rapprocher, à beaucoup
d'égards, de l'acide acéteux.
V iij
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310 COMB. DE L'ACIDE SACCHARIQUE.
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MOYENS D'OBT. L'AC. SACCHO-LACT. 311
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide saccharique, & sur le Tableau
de ses combinaisons.
O n peut extraire du petit lait par évaporation,
une espèce de sucre qui a beaucoup de
rapports avec celui des cannes à sucre, & qui
est très anciennement connu dans la pharmacie.
Ce sucre est susceptible, comme le sucre ordinaire,
de s'oxygéner par différents moyens,
& principalement par sa combinaison avec l'acide
nitrique: on repasse à cet effet plusieurs
fois de nouvel acide ; on concentre ensuite la
liqueur par évaporation ; on met à cristalliser
& on obtient de l'acide oxalique : en même
temps il se sépare une poudre blanche très
fine, qui est susceptible de se combiner avec
les alcalis, avec l'ammoniaque, avec les
terres, même avec quelques métaux. C'est
à cet acide concret découvert par Scheele,
qu'on a donné le nom d'acide saccho-lactique.
Son action sur les métaux est peu connue; on
sait seulement qu'il forme avec eux des sels
très peu solubles. L'ordre des affinités qu'on a
suivi dans le Tableau, est celui indiqué par M.
Bergman.
V iv
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312 COMBINAISONS DE L'ACIDE FORMIQUE.
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MOYENS D'OBT. L'ACIDE FORMIQUE. 313
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide formique, & sur le Tableau
de ses combinaisons.
L 'Acide formique a été connu dès le siècle
dernier. Samuel Fisher est le premier qui l'ait
obtenu en distillant des fourmis. M. Margraff
a suivi ce même objet dans un Mémoire qu'il
a publié en 1749 & MM. Ardwisson & Ochrn
dans une dissertation qu'ils ont publiée à Leipzig.
en 1777.
L'acide formique se tire d'une grosse espèce
de fourmi rousse,
formica rusa, qui habite les
bois & qui y forme de grandes fourmilières.
Si c'est par distillation qu'on veut opérer, on
introduit les fourmis dans une cornue de
verre ou dans une cucurbite garnie de son
chapiteau ; on distille à une chaleur douce, &
on trouve l'acide formique dans le récipient :
on en tire environ moitié du poids des fourmis.
Lorsqu'on veut procéder par voie de lixiviation,
on lave les fourmis à l'eau froide, on
les étend sur un linge, & on y passe de l'eau
bouillante, qui se charge de la partie acide ; on
peut même exprimer légèrement ces insectes
dans le linge, & l'acide en est plus fort. Pour
l'obtenir pur & concentré, on le rectifie & on
en sépare le phlegme par la gelée.
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314 COMBINAISONS DE L'ACIDE BOMBIQUE.
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MOYENS D'OBT. L'ACIDE BOMBIQUE. 315
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide bombique, & sur le Tableau
de ses $
combinaisons.$
L orsque le ver à soie se change en chrysalide,
ses humeurs paraissent prendre un caractère
d'acidité. Il laisse même échapper au moment
où il se transforme en papillon, une liqueur
rousse très acide, qui rougit le papier
bleu, & qui a fixé l'attention de M. Chauffier,
membre de l'Académie de Dijon. Après plusieurs
tentatives pour obtenir cet acide pur,
voici le procédé auquel il a cru devoir s'arrêter.
On fait infuser des chrysalides de vers à soie dans
de l'alcool : ce dissolvant se charge de l'acide,
sans attaquer les parties muqueuses ou gommeuses
& en faisant évaporer l'esprit-de-vin
on a l'acide bombique assez pur. On n'a pas
encore déterminé avec précision les propriétés
& les affinités de cet acide. Il y a apparence
que la famille des insectes en fournirait beaucoup
d'analogues. Son radical, ainsi que celui
de tous les acides du règne animal, paraît être
composé de carbone, d'hydrogène, d'azote &
peut-être de phosphore.
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316 COMBINAISONS DE L'ACIDE SÉBACIQUE.
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MOYENS D'OBT. L'ACIDE SÉBACIQUE. 317
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide sébacique, & sur $
le Tableau$
de ses combinaisons.
P our obtenir l'acide sébacique, on prend du
suif qu'on fait fondre dans un poêlon de fer;
on y jette de la chaux vive pulvérisée & on
remue continuellement. La vapeur qui s'élève
du mélange est très piquante, & on doit tenir
les vaisseaux élevés afin d'éviter de la respirer.
Sur la fin on hausse le feu. L'acide sébacique
dans cette opération se porte sur la chaux &
forme du sébate calcaire, espèce de sel peu soluble :
pour le séparer des parties grasses dont
il est empâté, on fait bouillir à grande eau la
masse; le sébate calcaire se dissout, le suif
se fond & surnage. On sépare ensuite le sel en
faisant évaporer l'eau, on le calcine à une
chaleur modérée; on redissout, on fait cristalliser
de nouveau & on parvient à l'avoir pur.
Pour obtenir l'acide libre, on verse de l'acide
sulfurique sur le sébate de chaux ainsi purifié,
& on distille; l'acide sébacique passe clair
dans le récipient.
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318 COMBINAISONS DE L'ACIDE LITHIQUE.
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MOYENS D'OBT. L'ACIDE LITHIQUE. 319
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide lithique, & sur le Tableau
de ses combinaisons.
L e calcul de la vessie, d'après les dernières
expériences de Bergman & de Scheele, paraîtrait
être une espèce de sel concret à base terreuse,
légèrement acide, qui demande une grande
quantité d'eau pour être dissous. Mille grains
d'eau bouillante en dissolvent à peine trois grains,
& la majeure partie recristallise par le refroidissement.
C'est cet acide concret auquel M. de
Morveau a donné le nom d'acide lithiasique,
& que nous nommons acide lithique. La nature
& les propriétés de cet acide sont encore
peu connues. Il y a quelque apparence que c'est
un sel acidule déjà combiné à une base, &
plusieurs raisons me portent à croire que c'est
un phosphate acidule de chaux. Si cette présomption
se confirme, il faudra le rayer de la
classe des acides particuliers.
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320 COMBINAISONS DE L'ACIDE PRUSSIQUE.
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MOYENS D'OBT. L'ACIDE PRUSSIQUE. 321
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O B S E R V A T I O N S
Sur l'Acide prussique, & sur le Tableau
de ses combinaisons.
J e ne m'étendrai point ici sur les propriétés
de l'acide prussique, ni sur les procédés qu'on
emploie pour l'obtenir pur & dégagé de toute
combinaison. Les expériences qui ont été faites
à cet égard, me paraissent laisser encore quelques
nuages sur la vraie nature de cet acide. Il
me suffira de dire qu'il se combine avec le fer, &
qu'il lui donne la couleur bleue ; qu'il est également
susceptible de s'unir avec presque tout
les métaux, mais que les alcalis, l'ammoniaque
& la chaux le leur enlèvent en vertu de
leur plus grande force d'affinité. On ne connaît
point le radical de l'acide prussique; mais les
expériences de M. Scheele & surtout celles de
M. Berthollet, donnent lieu de croire qu'il est
composé de carbone & d'azote; c'est donc un
acide à base double : quant à l'acide phosphorique
qui s'y rencontre, il paraît, d'après les
expériences de M. Hassenfratz, qu'il y est accidentel.
Quoique l'acide prussique s'unisse avec les
X
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322 MOYENS D'OBT. L'ACIDE PRUSSIQUE.
métaux, avec les alcalis & avec les terres, à
la manière des acides, il n'a cependant qu'une
partie des propriétés qu'on a coutume d'attribuer
aux acides. Il serait donc possible que ce
fût improprement qu'on l'eût rangé dans cette
classe. Mais, comme je l'ai déjà fait observer,
il me paraît difficile de prendre une opinion
déterminée sur la nature de cette substance
jusqu'à ce que la matière ait été éclaircie par
de nouvelles expériences.
Fin du Tome premier.
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