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Réfer. : AL0013F
Auteur : Nicolas Flamel.
Titre : Petit Traité d'Alchymie,
S/titre : intitulé le Sommaire Philosophique.

Editeur : André Cailleau. Paris. B. des Ph. Ch. Tome II..
Date éd. : 1740 .
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263
pict

P E T I T T R A I T E'
D 'A L C H Y M I E,
INTITULE'
L E S O M M A I R E Philosophique
De Nicolas Flamel
pict Ui veut avoir la connaissance
Des Métaux & vraie science, Comment il les faut transmuer, Et de l'un à l'autre muer; Premier il convient qu'il connaisse Le chemin & entière adresse
De quoi se doivent en Minière
Terrestre, former & manière.
Ainsi ne faut-il point qu'on erre,
Regarder ès veines de Terre
Toutes les transmutations,
Dont sont formés en Nations;

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364 L E S O M M A I R E

Par quoi transmuer ils se peuvent
Dehors la Minière où se treuvent
Etant premier en leurs esprits:
A savoir pour n'être repris,
En leur Soufre & leur Vif-argent,
Que Nature a fait par Art gent.
Car tous Métaux de Soufre sont
Formés & Vif-argent qu'ils ont.
Ce sont deux Spermes des Métaux,
Quels qu'ils soient, tant froids que chauds;
L'un est mâle, l'autre femelle,
Et leur complexion est telle.
Mais les deux Spermes dessus dits
Sont composés, c'est sans dédits;
Des quatre Eléments, sûrement
Cela j'afferme vraiment.
C'est à savoir le premier Sperme
Masculin, pour savoir le terme,
Qu'en Philosophie on appelle
Soufre, par une façon telle,
N'est autre chose qu'Elément
De l'Air & du Feu seulement.
Et est le Soufre fixe semblable
Au Feu, sans être variable,
Et de nature métallique:
Non pas Soufre vulgal inique;
Car le Soufre vulgal n'a nulle
Substance (qui bien le calcule)
Métallique, à dire le vrai,
Et ainsi je le prouverai.
L'autre Sperme qu'est féminin,
c'est
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de Nicolas Flamel. 265
C'est celui, pour savoir la fin,
Qu'on a coutume de nommer
Argent-vif, & pour vous sommer,
Ce n'est seulement qu'Eau & Terre,
Qui s'en veut plus à plein enquerre.
Dont plusieurs Hommes de science
Ces deux Spermes-là, sans doutance,
Ont figurés par deux Dragons,
Ou Serpents pires, se dit-on:
L'un ayant des ailes terribles,
L'autre sans ailes, fort horrible.
Le Dragon figuré sans ailes,
Est le Soufre, la chose est telle,
Lequel ne s'envole jamais
Du feu; voilà le premier mets.
L'autre Serpent qui ailes porte,
C'est Argent-vif, qui vous importe,
Qui est Semence féminine,
Faite d'Eau & Terre pour mine.
Pourtant au feu point ne demeure,
Mais s'envole quand voit son heure.
Mais quand ces deux Spermes disjoints,
Sont assemblés & bien conjoints,
Par une triomphante Nature,
Dedans le ventre du Mercure,
Qu'est le premier Métal formé,
Et est celui qui est nommé
Mère de tous autres Métaux.
Philosophes de monts & vaux
L'ont appelé Dragon volant:
Pour ce qu'un Dragon, en allant,
Tome II. * Z
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266 L E S O M M A I R E

Qu'est enflammée avec son feu,
Va par l'air jetant peu à peu
Feu & fumée venimeuse,
Qu'est une chose fort hideuse,
A regarder telle laidure.
Ainsi pour vrai fait le Mercure, Quand il est sur le feu commun,
C'est-à-dire, en des lieux aucun,
En un Vaisseau mis & posé,
Et le feu commun disposé,
Pour lui allumer promptement
Son feu de nature âprement,
Qu'au profond de lui est caché.
Alors si vous voulez tâcher,
Voir quelque chose véritable
Par feu commun, dit végétable;
L'un enflammera par ardure
Du Mercure feu de Nature.
Alors, si êtes vigilant,
Verrez par l'air jetant, courant
Une fumée venimeuse,
Mal odorante & malignieuse,
Trop pire, enflammée en poison,
Que n'est la tête d'un Dragon,
Sortant à coup de Babylone,
Qui deux ou trois lieues environne.
Autres Philosophes savants, Ont voulu chercher tant avant,
Qu'ils sont figurés en la forme
D'un Lion volant sans difforme;
Et l'ont aussi nommé Lion:

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de Nicolas Flamel. 267
Pour ce qu'en toute Région
Le Lion dévore les Bêtes,
Tant soient jeunes & proprettes,
En les mangeant à son plaisir,
Quand d'elles il se peut saisir,
Sinon celles qui ont puissance
Contre lui se mettre en défense,
Et résister par grande force
A sa fureur, quand il les force;
Ainsi que le Mercure fait.
Et pour mieux entendre l'effet,
Quelque Métal que vous mettez,
Avec lui, ces mots notez,
Soudain il le déformera,
Dévorera & mangera.
Le Lion fait en telle sorte;
Mais sur ce point, je vous exhorte
Qu'il y a deux Métaux de prix,
Qui sur lui emportent le prix
En totale perfection;
L'un qu'on nomme Or sans fiction,
L'autre Argent, ce ne nie aucun;
Tant est-il notoire à chacun,
Que si Mercure est en fureur,
Et son feu allumé d'ardeur,
Il dévorera par ces faits
Ces deux nobles Métaux parfaits,
Et les mettra dedans son ventre:
Ce nonobstant, lequel qu'y entre,
Il ne le consumera point;
Car pour bien entendre ce point,
Z ij
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268 L E S O M M A I R E

Ils sont plus que lui endurcis
Et parfaits en nature aussi.
Mercure est Métal imparfait:
Non pourtant qu'en lui ait de fait
Substance de perfection.
Pour vraie déclaration
L'or commun si vient du Mercure,
Qu'est métal parfait, je l'assure.
De l'argent je dis tout ainsi
Sans alléguer ni cas ni si.
Et aussi les autres Métaux,
Imparfaits, croissant bas & hauts,
Sont très tous engendrés de lui.
Et pour ce il n'y a celui
Des Philosophes, qui ne dise
Que c'est la Mère sans feintise
De tous Métaux certainement.
Par quoi convient assurément
Que dès que Mercure est formé,
Qu'en lui soit sans plus informé
Double substance métallique;
Cela clairement je réplique.
C'est tout premièrement pour l'une,
La substance de basse Lune,
Et après celle du Soleil,
Qui est un Métal nonpareil.
Car le Mercure sans doutances
Si est formé de deux Substances,
Etant au ventre en esperit
Du Mercure que j'ai décrit.
Mais tantôt après que Nature

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de Nicolas Flamel. 269
A formé icelui Mercure,
De ces deux Esprits dessus dits
Mercure sans nul contredits
Ne demande qu'à les former
Tous parfaits, sans rien déformer,
Et corporellement les faire,
Sans soi d'iceux vouloir défaire.
Puis quand ces deux Esprits s'éveillent,
Et les deux Spermes se réveillent,
Qui veulent prendre propre Corps:
Alors il faut être records,
Qu'il convient que leur Mère meure,
Nommé Mercure, sans demeure:
Puis le tout bien vérifié,
Quand Mercure est mortifié
Par Nature, ne peut jamais
Se vivifier: je promets,
Comme il était premièrement,
Ainsi que disent certainement
Aucuns triomphants Alchimistes,
Affirmant en paroles mistes
De mettre les Corps imparfaits,
Et aussi ceux qui sont parfaits,
Soudain en Mercure courant.
Je ne dis pas qu'aucun d'eux ment;
Mais seulement, sauf leurs honneurs,
Pour certain ce sont vrais Jongleurs.
Il est bien vrai que le Mercure
Mangera par sa grande cure
L'imparfait Métal, comme Plomb,
Ou Etain: cela bien sait-on:
Z iij
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270 L E S O M M A I R E

Et pourra sans difficulté
Multiplier en quantité;
Mais pourtant sa perfection
Amoindrira sans fiction,
Et Mercure ne sera plus
Parfait, notez bien le surplus;
Mais si mortifié était
Par Art, autre chose serait,
Comme au Cinabre, ou Sublimé,
Je ne le veux pas animé,
Que revivifier ne se pusse.
Telle vérité ne se musse;
Car en le congelant par Art,
Les deux Spermes, soit tôt ou tard,
Du Mercure point ne prendront
Corps fixe, ni aussi retiendront
Comme ès veines ils font de la terre;
Mais pour garder que nulle n'erre,
Si peu congelé ne peut être,
Par Nature à dextre ou sénestre,
Dedans quelque terrestre veine,
Que le grain fixe soudain n'y vienne,
Qui produira des deux Spermes
Du Mercure, & puis du vrai Germe;
Comme ès mines de Plomb voyez,
Si vous y êtes envoyés.
Car de Plomb il n'est nulle Mine
En lieu où elle se confine,
Que le vrai Grain du fixe n'y soit,
Ainsi que chacun l'aperçoit,
C'est à savoir le Grain de l'Or

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de Nicolas Flamel. 271
Et de l'Argent, qu'est un trésor
En substance & en nourriture:
A chacun telle chose est sûre.
La prime congélation
Du Mercure, est Mine de Plomb,
Et aussi la plus convenable
A lui, la chose est véritable,
Pour en perfection le mettre,
Cela ne se doit point omettre,
Et pour tôt le faire venir
Au Grain fixe, & toujours tenir.
Car comme par avant est dit,
Mine de plomb sans contredit
N'est point sans Grain fixe pour tout vrai
D'Or & d'Argent, cela je sais;
Lesquels Grains Nature y a mis,
Ainsi comme Dieu l'a permis,
Et est celui-là sûrement,
Qui multiplier vraiment
Se peut, sans contradiction,
Pour venir en perfection,
Et en toute entière puissance,
Comme sais par l'expérience.
Et cela pour tout vrai j'assure,
Lui étant dedans son Mercure,
C'est-à-dire, non séparé
De la Mine, mais bien épuré;
Car tout métal en Mine étant
Est Mercure, j'en dis autant,
Et multiplier se pourra,
Tant que la Substance il aura,
Z iiij
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272 L E S O M M A I R E

De son Mercure en vérité.
Mais si le Grain en est ôté
Et séparé de son Mercure,
Qui est sa Mine, bien l'assure,
Il sera ainsi que la Pomme
Cueillie verte, & voilà comme
Dessus l'Arbre, c'est vérité,
Avant qu'elle ait maturité,
Quand vous voyez passer la fleur,
Le fruit se forme, soyez seur,
Lequel après Pomme est nommée
De toutes gens, & renommée.
Mais qui la Pomme arracherait
Dessus l'Arbre, tout gâterait
A sa prime formation:
Car Homme n'a eu notion
Par Art, ni aussi par Science,
Qu'il susse donner la Substance,
Ni tandis la pusse parfaire
De mûrir, comme pouvait faire
Basse-Nature bonnement,
Quand elle était premièrement
Dessus l'Arbre, où sa nourriture
Et substance avait par Nature.
Pendant donc que l'on attend
La saison de la Pomme, étant
Sur son Arbre, où elle s'augmente
Et nourrit venant grosse & gente,
El' prend agréable saveur,
Tirant toujours à soi liqueur,
Jusques à ce qu'elle soit faite

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de Nicolas Flamel. 273
De verte bien mûre & parfaite.
Semblablement Métal parfait,
Qu'est Or, vient à un même effet;
Car quand Nature a procréé
Ce beau Grain parfait & créé
Au Mercure, soyez certain
Que toujours tant soir que matin,
Sans faillir il se nourrira,
Augmentera & parfera
En son Mercure lui étant;
Et faut attendre jusqu'à tant
Qu'il y aura quelque Substance
De son Mercure sans doutance,
Comme fait sur l'Arbre la Pomme.
Car je fais savoir à tout Homme
Que le Mercure en vérité
Est l'Arbre, notez ce dicté,
De tous Métaux, soit parfaits,
Ou autres qu'on dit imparfaits:
Pourtant ne peuvent nourriture
Avoir, que de leur seul Mercure.
Par quoi je dis, pour deviser
Sur ce pas, & vous aviser,
Que si vous voulez cueillir le fruit
Du Mercure, qu'est Sol qui luit,
Et Lune aussi pareillement,
Si qu'ils soient séparément
Lointains en aucune manière,
L'un de l'autre sans tarder guière,
Ne pensez pas les reconjoindre
Ensemble, n'aussi les rejoindre

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274 L E S O M M A I R E

Ainsi comme avait fait Nature.
Au premier, de ce vous assure,
Pour iceux bien multiplier,
Augmenter sans point varier;
Car quand Métaux sont séparés
De la Mine, à part trouverez
Chacun comme Pommes petites,
Cueillies trop vertes & subites
De l'Arbre, lesquelles jamais
N'auront grosseur, je vous promets.
Le monde a assez connaissance,
Par nature & expérience,
Du fruit des Arbres végétaux,
Et ne sont point ces mots nouveaux,
Que dès la Pomme, ou bien la Poire
Est arrachée, il est notoire,
De dessus l'Arbre, ce serait
Folie qui la remettrait
Sur la branche pour r'engrossi
Et parfaire; Fols font ainsi,
Et gens aveuglés sans raison,
Comme on voit en mainte maison;
Car l'on sait bien certainement,
Et à parler communément,
Que tant plus elle est maniée,
Tant plus tôt elle est consommée.
C'est ainsi des Métaux vraiment;
Car qui voudrait prendre l'Argent
Commun & l'Or, puis en Mercure
Les remettre, serait stulture;
Car quelque grand'subtilité

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de Nicolas Flamel. 275
Qu'on aie, aussi habilité,
Ou régime qu'on penserait,
Abusé on s'y trouverait:
Tant soit par eau, ou par ciment,
Ou autre sorte infiniment,
Que l'on ne saurait raconter,
Toujours ce serait mécompter,
Et de jour en jour à refaire,
Comme aucun Fols sur cet' affaire,
Qui veulent la Pomme cueilliée
Sur la branche être rebaillée,
Et retourner pour la parfaire,
Dont s'abusent à cela faire.
Nonobstant qu'aucuns Gens savants; Philosophes & bien parlants,
Ont très bien parlé par leurs dits,
Disant sans aucuns contredits,
Que le Soleil avec la Lune,
Et mercure, qu'est opportune,
Conjoints, tous Métaux imparfaits
Rendront en oeuvre bien parfaits:
Où la plus grand part des Gens erre,
N'ayant autre chose sur Terre,
Soient Végétaux, ou Animaux,
Ou pareillement Minéraux,
Que ces trois étant en un Corps;
Mais les lisants ne sont records,
Qu'iceux Philosophes entendus,
N'ont pas tels mots dits, ni rendus,
Pour donner entendre à chacun
Que ce soit Or, n'Argent commun,

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276 L E S O M M A I R E

Ni le vulgal Mercure aussi:
Ils ne l'entendent pas ainsi;
Car ils savent que tels Métaux
Sont tous morts, pour vrai, sans défaut,
Et que jamais plus ne prendront
Substance, ainsi demeureront,
Et l'un à l'autre n'aidera
Pour parfaire, mais demeurera;
Car il est vrai certainement,
Que ce sont les fruits vraiment
Cueillis des Arbres avant saison:
Les laissant-là pour tel' raison:
Car dessus iceux en cherchant,
Ne trouvent ce qu'ils vont quérant.
Ils savent assez bien qu'iceux
N'ont autre chose que pour eux:
Par quoi s'en vont chercher le fruit
Sur l'Arbre qui à eux bien duit,
Lequel s'engrosse & multiplie
De jour en jour, tant qu'Arbre en plie.
Joie ont de voir telle besogne,
Par ce moyen l'Arbre on empoigne,
Sans cueillir le fruit nullement,
Pour le replanter noblement,
En autre terre plus fertile,
Plus triomphante & plus gentille,
Et qui donnera nourriture
En un seul jour par aventure
Au fruit, qu'en cent ans il n'aurait,
Si au premier terroir était.
Par ce moyen donc faut entendre,

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de Nicolas Flamel. 277
Que le Mercure il convient prendre,
Qui est l'Arbre tant estimé,
Vénéré, clamé & aimé,
Ayant avec lui le Soleil
Et la Lune d'un appareil,
Lesquels séparés point ne sont
L'un de l'autre, mais ensemble ont
La vraie association:
Après sans prolongation
Le replanter en autre terre
Plus près du Soleil, pour acquerre
D'icelui merveilleux profit,
Où la rosée lui suffit;
Car là où planté il était,
Le vent incessamment battait,
Et la froidure, en telle sorte,
Que peu de fruit faut qu'il rapporte:
Et là demeure longuement,
Portant petits fruits seulement.
Philosophes ont un jardin, Où le Soleil soir & matin,
Et jour & nuit est à toute heure,
Et incessamment y demeure
Avec une douce rosée,
Par laquelle est bien arrosée,
La terre ayant Arbres & fruits,
Qui là sont plantés & conduits,
Et prennent due nourriture,
Par une plaisante pâture.
Ainsi de jour en jour s'amendent,
Recevant fort douce prébende,

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278 L E S O M M A I R E

Et là demeurent plus puissants
Et forts, sans être languissants,
En moins d'un an, ou environ,
Qu'en dix mil, cela nous dirons,
N'eussent fait là où ils étaient
Plantés, où les vents les battaient;
Et pour mieux la matière entendre,
C'est-à-dire qu'il les faut prendre,
Et puis les mettre dans un four
Sur le feu où soient nuit & jour.
Mais le feu de bois ne doit être,
Ni de charbon; mais pour connaître
Quel feu te sera bien duisant,
Faut que soit feu clair & luisant,
Ni plus ni moins que le Soleil.
De tel feu feras appareil,
Lequel ne doit être plus chaud,
Ni plus ardent, sans nul défaut;
Mais toujours une chaleur même
Faut que soit, notez bien ce thème;
Car la vapeur est la rosée,
Qui gardera d'être altérée
La semence de tous Métaux.
Tu vois que les fruits végétaux,
S'ils ont chaleur trop fort ardente,
Sans rosée en petite attente,
Sec & transi demeurera,
Le fruit sur la branche mourra,
Ou en nulle perfection
Ne viendra pour conclusion.
Mais s'il est nourri en chaleur,

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de Nicolas Flamel. 279
Avec une humide moiteur,
Il sera beau & triomphant
Sur l'Arbre où prend nourrissement;
Car chaleur & humidité
Est nourriture en vérité
De toutes choses de ce Monde
Ayant vie, sur ce me fonde,
Comme Animaux & Végétaux,
Et pareillement Minéraux.
Chaleur de bois & de charbon,
Cela ne leur est pas trop bon:
Ce sont chaleurs fort violentes,
Et ne sont pas si nourrissantes,
Que celle qui du Soleil vient,
Laquelle chaleur entretient
Chacune chose corporelle,
Pour autant qu'elle est naturelle;
Par quoi Philosophes savants,
Et la Nature connaissant,
N'ont autre feu voulu élire
Pour eux, à la vérité dire,
Que de nature aucunement,
Laquelle ils suivent mêmement;
Non pas que Philosophe fasse
Ce que Nature fait & trace;
Car nature a toujours la chose
Créé, comme ici je l'expose,
Tant Végétaux que Minéraux,
Semblablement les Animaux,
Chacun selon son vrai degré,
Générante, où elle a pris gré,

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280 L E S O M M A I R E

Comme s'étend sa dominance,
Non pas que je donne Sentence,
Que les hommes par leurs Arts font
Choses naturelles et parfont;
Mais il est bien vrai quand Nature
A formé par sa grand' facture,
Les choses devant dites, l'Homme
Lui peut aider, & entend comme
Après par Art, à les parfaire
Plus que Nature ne peut faire.
Par ce moyen les Philosophes
Savants, & gens de grosse étoffe,
Pour du vrai tous vous informer,
Autrement n'ont voulu oeuvrer,
Qu'en Nature avec la Lune,
Au Mercure Mère opportune:
Duquel après en général
Font Mercure Philosophal,
Lequel est plus puissant & fort,
Quand vient à faire son effort,
Que n'est pas celui de Natures.
Cela savent les Créatures;
Car le Mercure devant dit,
De nature, sans nul dédit,
N'est bon que pour simples Métaux
Parfaits, imparfaits, froids ou chauds.
Mais le Mercure du Savant
Philosophe, est si triomphant,
Que pour Métaux plus que parfaits,
Est bon, & pour les imparfaits:
A la fin pour tous les parfaire,
Et
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de Nicolas Flamel. 281
Et soudainement les refaire,
Sans plus y rien diminuer,
Ajouter, mettre, ni muer:
Comme Nature les a mis,
Les laisse sans rien être omis,
Non que je dise toutefois,
Que les Philosophes tous trois
Les joignent ensemble pour faire
Leur Mercure, & pour le parfaire,
Comme font un tas d'Alchimistes,
Qui en savoir ne sont trop mistes;
Ni aussi beaucoup sage Gent
Qui prennent l'Or commun, l'Argent,
Avec le Mercure vulgal:
Puis après leur font tant de mal,
Les tourmentant de telle sorte,
Qu'il semble que foudre les porte;
Et par leur folle fantaisie,
Abusion & rêverie,
Le Mercure en cuident faire
Des Philosophes & parfaire;
Mais jamais parvenir n'y peuvent,
Ainsi abusés ils se trouvent,
Qui est la première Matière
De la Pierre, & vraie Minière.
Mais jamais ils n'y parviendront,
Ni aucun bien y trouveront,
S'ils ne vont dessus la Montaigne
Des sept, où n'y a nulle Plaine,
Et pardessus regarderont
Les six que de loin ils verront;
Tome II. * Aa
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282 L E S O M M A I R E

Et au-dessus de la plus haute
Montaigne, connaîtront sans faute
L'herbe triomphante Royale,
Laquelle ont nommé Minérale
Aucuns Philosophes Herbale,
Appelée est Saturniale.
Mais laisser le Marc il convient,
Et prendre le Jus qui en vient
Pur & net: de ceci t'avise,
Pour mieux entendre cette guise;
Car d'elle tu pourras bien faire
La plus grand' part de ton affaire.
C'est le vrai Mercure gentil
Des Philosophes très subtil,
Lequel tu mettras en ta manche;
En premier toute l'Oeuvre blanche,
Et la rouge semblablement.
Si mes dits entends bonnement,
Elis celle que tu voudras,
Et soit sûr que tu l'auras;
Car des deux n'est qu'une pratique
Qu'est souveraine & authentique,
Toutes deux se font par voie une;
C'est à savoir, Soleil & Lune.
Ainsi leur pratique rapporte
Du blanc & rouge, en telle sorte,
Laquelle est tant simple & aisée,
Qu'une Femme filant fusée,
En rien ne s'en détourbera,
Quand telle besogne fera;
Non plus qu'à mettre elle ferait

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de Nicolas Flamel. 283
Couver des oeufs quand il fait froid,
Sous une Poule sans laver,
Ce que jamais ne fut trouvé;
Car on ne lave point les oeufs
Pour mettre couver vieux ou neufs;
Mais tout ainsi comme ils sont faits,
Sous la Poule on les met de fait;
Et ne fait-on que les tourner
Tous les jours & les contourner
Sous la Mère, sans plus de plaid,
Pour soudain avoir le Poulet.
Le tout je l'ai déclaré ample,
Puis après se met un exemple;
Premièrement, ne laveras
Ton Mercure; mais le prendras
Et le mettras avec son Père,
Qui est le Feu, ce mot t'appert,
Sur les cendres, qui est la paille;
Cet enseignement je te baille,
En un verre seul qu'est le nid,
Sans confiture ni avis.
En seul Vaisseau, comme dit est,
De l'habitacle, entends que c'est,
En un Fourneau fait par raison,
Lequel est nommé sa maison,
Et de lui Poulet sortira,
Qui de son sang te guérira
Premier de toute maladie;
Et de sa chair, quoi que l'on dit,
Te repaîtra, pour ta viande;
De ses plumes, afin qu'entende,
Aa ij
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284 L E S O M M A I R E

Il te vêtira noblement,
Te gardant de froid sûrement:
Dont prierai le haut Créateur,
Qu'il doint la grâce à tout bon coeur,
D'Alchimistes qui sont sur terre,
Brièvement le Poulet conquerre,
Pour en être alimenté,
Nourri & très bien sustenté.
Comme ce peu qu'ici déclaire,
Me vient du haut Dieu notre Père,
Qui pour sa bénigne bonté,
Le m'a donné en charité:
Donc vous fais ce présent petit,
Afin que meilleur appétit,
Ayez cherchant & suivant train,
Qu'il vous montre soir & matin:
Lequel j'ai mis sous un Sommaire,
Afin qu'entendiez mieux l'affaire,
Selon des Philosophes sages,
Les dits, qu'entendez davantage.
Je parle un peu ruralement:
Par quoi je vous prie humblement
De m'excuser, & en gré prendre,
Et à fort chercher toujours tendre.

Fin du Sommaire.
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